
Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (DGESCO)    Septembre 2014 
Rencontres philosophiques de Langres – Comptes rendus des séminaires 
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plein de ce qui n’est pas encore advenu, des aspirations qui n’ont pas été comblées mais qui ont 
laissé des traces qui réclament pour être retrouvées une « attention aux petites choses ». « Tout est 
signe » affirme Bloch, pour autant qu’on ait l’exigence de traquer ces signes. L’espoir messianique 
inscrit dans la nature de l’homme dont l’inachèvement le fait tendre vers un plus et mieux être, rend 
celui-ci capable d’être attentif à ce qui se cache et pourrait être, et par là capable de tenter d’inscrire le 
rêve dans l’histoire ; le rêve diurne (concept blochien) permettant l’accès du sujet à une réalité 
anticipée là où le rêve nocturne demeure une construction symbolique inapte à s’inscrire dans le 
temps. Hériter c’est en ce sens être l’acteur d’une forme d’anticipation. L’utopie messianique chez 
Bloch est ainsi utopie concrète, aspiration à l’advenue d’un temps nouveau, dont l’expérience de la 
transcendance dans la musique par exemple est une préfiguration, mais qui doit s’inscrire dans 
l’histoire. Hériter serait alors s’inscrire dans un espace de lutte entre ce qui est, ce qui a été et ce qui 
aurait pu être en vue d’un futur dont le passé devient la source vivante. L’héritier serait ainsi celui qui, 
délivré de toute identification préalable avec une certaine lecture de l’histoire et du présent, serait 
capable d’avoir une posture bienveillante à l’égard du passé.  
Toutefois on peut se demander si le messianisme utopique de Bloch constitue un véritable héritage, 
au sens actif du terme, un fondement pour l’action et pour l’avenir ? Chez Bloch il semble que soit 
reconnue la dignité du passé, éduquée l’ouverture à l’héritage, mais non encore performé l’art 
d’hériter, dans la mesure où la sensibilité au non-contemporain dont est capable l’individu dans le 
présent ne conduit pas encore à construire collectivement une action pour l’avenir. 
L’écriture comme art d’hériter 
Il semble y avoir chez Benjamin une plus grande interrogation sur les conditions de réalisation d’un art 
d’hériter dans la mesure où sont déterminées non seulement certaines règles pour la lecture de 
l’histoire, pour son écriture, mais aussi des études consacrées à la multiplicité des modes de 
symbolisation, en deçà de l’écriture.  
Il s’agit ainsi pour Benjamin d’écrire l’histoire « à rebrousse-poil », c’est-à-dire du point de vue des 
vaincus, afin, d’une part, de sauver le passé et ses victimes par la remémoration de ce que l’histoire 
des vainqueurs a occulté, mais aussi de se sentir investi par la tâche d’accomplir ce que le passé a  
plusieurs fois projeté et qu’il a échoué à réaliser.  Sa méthode s’appuie sur une attention accrue à la 
fois au passé et au présent, pour se saisir  des moments fugitifs, discontinus, (« le temps d’un éclair ») 
qui signalent une constellation favorable rassemblant les énergies explosives passées et présentes. 
Sur ce point, sur cette idée si difficile de constellation, dans laquelle le passé vient éclairer le présent, 
le séminaire a rencontré dans la conférence de François Hartog, au moins un exemple décisif : si 
l’histoire scolaire attachait, on ne sait plus pourquoi, tant d’importance à Marignan, l’histoire présente 
ne cesse de se confronter à une autre date : 1914, sous la forme de commémorations certes, mais de 
façon plus troublante dans sa passion pour les écrits anonymes. 1914, c’est, pour Benjamin, le 
moment où l’histoire se confronte à sa propre impossibilité, celui où les hommes reviennent « muets » 
du champ de bataille. S’agit-il de leur redonner la parole ? Ou plutôt, si le passé éclaire le présent, et 
non l’inverse, ce qu’il nous fait entrevoir le temps d’un éclair, n’est-ce pas le rêve éveillé d’un 
changement radical du rapport à la technique et à la nature, évoqué dans « Vers le Planetarium » ? 
En-deçà de l’écriture, le flâneur, le chiffonnier, le collectionneur 
 Cette attention le flâneur l’adopte presque paradoxalement, lui qui se tient sur le seuil de la 
modernité, suspendant le désir d’histoire, à l’affût de ce qui lui a échappé. Le passé n’est pas donné 
mais il est présent, l’héritage attend de nous que nous le recueillions, que nous le reconnaissions 
sous les différentes formes qu’il peut prendre : dans le récit, mais également, dans les lieux, la mode, 
l’architecture, etc.  C’est cela que le flâneur saisit : le flâneur déambule dans la modernité mais en y 
prenant part d’une façon singulière puisque sa distance le conduit à voir ce que la modernité tend à 
négliger ; habitué des passages qui entend les paroles anciennes des lieux, des choses et est 
susceptible d’éprouver le frisson historique de celles-ci. Mais, plus encore que le flâneur, le chiffonnier 
ou le collectionneur semblent performer un art d’hériter et assurer la rédemption du passé, parce 
qu’en cherchant et recueillant les débris du passé, les rebuts de l’histoire des vainqueurs comme