TECHNIQUES
D’EPURATION EXTRA RENALE
Dr Jean Louis PALLOT
Service de Réanimation Médico-chirurgicale - Montreuil
I – Généralités :
Les techniques d’épuration extra rénale (EER) sont nombreuses et se répartissent en :
- Techniques intermittentes (ou séquentielles) comportant :
- L’hémodialyse intermittente (HDI) qui est la technique de référence,
- L’hémofiltration intermittente à haut débit (HFI) qui consiste en un échange de 40
litres sur 4 h, peu utilisée
- L’hémodiafiltration intermittente (HDFI), technique réservée à la dialyse
chronique
- Enfin, la biofiltration sans acétate ou le bain de dialyse est dépourvu de base
tampon avec adjonction de bicarbonates après la membrane, également peu
utilisée.
- Techniques continues comportant :
- L’hémofiltration continue et l ‘hémodiafiltration continue, très utilisées en
réanimation
- L’hémodialyse continue d’indication restreinte
- La dialyse péritonéale.
Toutes ces méthodes d’épuration extra rénale permettent a priori une prise en charge adaptée
de toutes les variétés d’IRA, essentiellement, selon la gravité du tableau clinique.
II – Objectifs du traitement de l’IRA
Les différentes méthodes de suppléances rénales ont pour objectifs de :
1°) Corriger les manifestations du syndrome urémique et rétablir l’homéostasie du milieu
intérieur :
- contrôle du niveau de rétention azotée,
- correction de l’équilibre hydrosodé,
- contrôle de la kaliémie,
- contrôle de l’équilibre acido-basique,
- contrôle de l’équilibre phosphocalcique.
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2°) Prévenir les complications de l’IRA en EER :
- complications liées à l’abord vasculaire,
- complications liées à l’EER,
- complications liées au terrain et à l’étiologie de l’IRA.
3°) Assurer une assistance nutritionnelle
4°) Faciliter les conditions de récupération de la fonction rénale :
- en évitant les hypotensions per épuration,
- en maintenant une volémie correcte,
- en évitant ou en contrôlant l’administration de produits néphrotoxiques.
III – Critères d’EER
1°) Critères d’urgence immédiate
Les situations mettant en jeu le pronostic vital sont des indications à l’EER en urgence
Hyperhydratation
- OAP, HTA
- Coma, convulsion
Acidose métabolique
- pH < à 7,15 ; bicarbonates < à 12 mmol/l
Hyperkaliémie
- K > à 6.5 mmol/l. En fait, les mesures thérapeutiques d’urgence associant
Kayéxalate, Chlorure de calcium,solutés de bicarbonates peuvent permettre de
différer l’épuration
2°) Critères d’urgence différée
Hyperhydratation :
- Prise de poids, œdèmes des tissus interstitiels
- Hyponatrémie < à 120 mmol/l
Hyperazotémie :
- Urée sanguine > à 50 mmol/l en raison des effets délétères de la rétention des
déchets azotés
Péricardite nécessitant une dialyse soutenue journalière déplétive sans anticoagulant.
Encéphalopathie souvent multifactorielle (hypoxémie, acidose, hyponatrémie,
hyperazotémie)
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IV – Hémodialyse intermittente
L’HDI est la méthode d’épuration extra rénale la plus ancienne et la plus utilisée.
Elle reste la méthode de référence à laquelle devrait être comparée toutes les autres méthodes
de suppléance rénale tant intermittente que séquentielle.
A) Avantages de l’HDI
1°) Avantages liés au matériel et au caractère intermittent
Les premiers avantages sont liés au matériel et au caractère intermittent de l’HD
Sa rapidité de mise en œuvre, environ 15 à 20 minutes, rend cette technique parfaitement
adaptée aux situations d’urgence vitale.
La durée brève des séances, en général 3 à 4 heures, a plusieurs conséquences bénéfiques par
rapport aux techniques d’épuration continue :
- c’est une source de confort pour le malade et une charge de travail moindre pour le
personnel
- la planification des explorations complémentaires est plus facile de même que la
possibilité d’utiliser une anticoagulation réduite voire absente
- la prescription des médicaments est parfaitement codifiée en HDI tant en dose qu’en
intervalle d’administration.
Enfin, la sécurité d’utilisation de l’HDI est remarquable grâce aux dispositifs de surveillance
mis en place sur le circuit sanguin et le circuit de dialysat. La dérive de l’un de ces
paramètres, en dehors des limites de sécurités fixées, entraîne l’arrêt de la pompe à sang, du
circuit dialysat, le clampage des lignes vasculaires avec déclenchement des alarmes visuelles
et sonores.
2°) Qualité de l’épuration des déchets azotés
L’épuration des déchets azotés est un des principaux critères d’évaluation d’une méthode
d’EER et dans ce domaine, l’HDI a largement prouvée son efficacité.
- La clairance de l’urée s’échelonne entre 145 à 160 ml/min et celle de la créatinine
entre 120 et 140 ml/min variant peu quelque soit la membrane utilisée.
- La clairance de la VB12 dont le PM est plus élevé varie plus largement entre les
membranes en cellulose et les membranes synthétiques au bénéfice de ces dernières.
- Ces résultats étant obtenus dans des conditions standards d’utilisation avec un débit
sanguin de 200 ml/min, un débit de dialysat de 500 ml/min et un débit d’UF de
600 ml / h.
Cette épuration efficace autorise dans la plupart des cas d’IRA une ance de dialyse d’une
durée de 4 à 6 h toutes les 48 h. Cependant, dans les situations d’hyper catabolisme (où l’urée
sanguine peut augmenter d’1 g/j), des séances journalières sont souvent nécessaires.
Actuellement, la tendance est à la pratique d’une hémodialyse quotidienne à la phase aiguë de
l’insuffisance rénale en raison d’un gain sur la mortalité.
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3°) Contrôle de l’inflamation hydrosodée
L’inflation hydrosodée dysharmonieuse de l’IRA est facilement contrôlée en HDI.
La perte hydrique est assurée par le transfert convectif avec des débits d’UF variables selon le
coefficient de perméabilité de la membrane utilisée. Cette perte hydrique est iso osmotique au
plasma, ne modifie donc pas l’osmolarité plasmatique, mais en revanche entraîne une
augmentation de la pression oncotique.
Les mouvements de sodium sont plus complexes. Une perte obligatoire de sodium s’effectue
par transfert convectif à une concentration égale à la natrémie, alors qu’un transfert diffusif de
sodium se fait en général du dialysat vers le secteur plasmatique le plus souvent
hyponatrémique
Lorsque la concentration sodée du dialysat est de l’ordre de 140 142 mmol/l le transfert
diffusif de Na vers le secteur vasculaire est insuffisant pour rétablir l’osmolarité en corrigeant
l’hypo osmolarité liée à l’hyponatrémie et celle brutalement induite par une soustraction
importante d’urée à l’origine d’un transfert d’eau vers l’interstitium puis le secteur cellulaire
appelé water shift
L’utilisation d’un dialysat enrichi en sodium avec des concentrations comprises entre 145 et
160 mmol/l entraîne un transfert diffusif de Na suffisamment important vers le secteur
vasculaire pour augmenter l’osmolarité plasmatique et s’opposer ainsi à la fuite d’eau vers le
secteur cellulaire et au contraire mobiliser l’eau du secteur cellulaire participant au maintien
de la volémie améliorant ainsi la tolérance hémodynamique
4°) Contrôle des désordres électrolytiques
L’HDI apparaît même comme la méthode de choix si un contrôle rapide de l’hyperkaliémie
est impératif grâce à sa rapidité de mise en œuvre et à l’efficacité du transfert diffusif avec un
dialysat pauvre en K, en général 2 mmol/l, permettant la disparition des troubles
électrocardiographiques après environ 30 min d’épuration.
L’HDI garde également sa supériorité dans les situations d’hyper production endogène
persistante de potassium telles que les rhabdomyolyses, les syndromes de revascularisation.
Le contrôle de l’acidose métabolique de l’IRA est facile quelque soit la technique d’EER
surtout si elles utilisent les bicarbonates comme base tampon.
L’HDI dispose de 2 tampons possibles, l’acétate ou les bicarbonates mais seule la base
tampon bicarbonate devrait être utilisée compte tenu des effets délétères de l’acétate qui sont
pour l’essentiel :
- une hypoxémie d’origine plurifactorielle,
- et surtout une vasodilatation importante associée à un effet dépresseur myocardique direct
de l’acétate responsable d’hypotension.
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B) Inconvénients de l’HDI
1°) Inconvénients liés au matériel et au caractère intermittent de l’hémodialyse
Les inconvénients de l’HDI sont les conséquences de sa sécurité et de son efficacité.
- Le coût d’un générateur de dialyse est très élevé, de l’ordre de 30 000 à 40 000 Euros
- La complexité technique de ces générateurs fait que leur entretien et leur réparation
échappent aux équipes biomédicales hospitalières et exigent une maintenance extérieure.
- Le syndrome de déséquilibre de la dialyse est en partie la rançon de sa trop grande
efficacité dans l’épuration des déchets azotés.
Il survient au cours de l’épuration ou immédiatement après et se caractérise par des
céphalées, des vomissements, un syndrome confusionnel puis des crises convulsives voir
un coma traduisant une hypertension intra crânienne par œdème cérébral. Cet œdème est
secondaire à un transfert d’eau vers le secteur cellulaire provoqué par l’apparition d’un
gradient osmotique entre le plasma et le cerveau.
Le gradient osmotique est lié à la constitution d’une hypo osmolarité plasmatique par
baisse brutale de l’urée sanguine et par l’apparition ou l’aggravation d’une hyponatrémie
secondaire au perte convective de sodium alors que l’osmolarité cellulaire reste élevée par
diffusion trop lente de l’urée hors des cellules.
Une hypoxie et une acidose cérébrale par perte de bicarbonate non compensée lorsqu’on
utilise un bain à l’acétate peut également participer au syndrome de déséquilibre.
Sa prévention est simple : il suffit d’instaurer la dialyse précocement, d’effectuer des
séances journalières mais de courte durée (2 à 3 heures) en utilisant un bain de bicarbonate
enrichi en sodium avec UF modérée.
2°) Mauvaise tolérance hémodynamique
Le principal facteur limitant de l’HDI est sa mauvaise tolérance hémodynamique qui se
traduit par des accidents hypotensifs, faisant intervenir de nombreux facteurs souvent
intriqués qui agissent selon les cas sur :
- la volémie
- la vasomotricité
- et l’inotropisme.
Certains facteurs sont le fait de l’insuffisance rénale elle même ou de sa cause :
- L’hyperkaliémie et l’acidose ont un effet inotrope négatif.
- L’anémie et la fièvre entraînent une baisse des résistances artérielles systémiques.
Des effets délétères peuvent également être générés par le matériel utilisé.
- L’acétate du dialysat est responsable d’une vasodilatation et d’un effet dépresseur
myocardique.
- La libération de cytokine IL1 et TNF est provoquée par l’activation des monocytes au
contact de la membrane surtout de type cellulosique mais aussi induite par l’acétate, les
fragments d’endotoxines du dialysat et les fractions C5 et C3 à du complément.
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