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13 février 2013 0
âgé de dix ans, qui vit avec son père. En rupture de suivi
depuis plusieurs mois, sa situation psychosociale avait
été discutée au colloque de liaison suite à une consul-
tation obstétricale à quatorze semaines d’aménorrhée,
date où la grossesse avait été mise en évidence. Mme C.
accepte un suivi psychiatrique par la Consultation am-
bulatoire du SPLIC, révélant une humeur stable. Elle
décrit cependant une situation compliquée et conflic-
tuelle avec le géniteur du bébé (situation sociale pré-
caire et père peu soutenant). Après deux rendez-vous,
Mme C. ne se présente ni aux consultations psychiatri-
ques, ni obstétriques pour le suivi de grossesse, malgré
de nombreu ses tentatives pour la joindre. La patiente
consulte aux urgences d’obstétrique en raison de dou-
leurs abdominales et de fièvre et est hospitalisée à 36
semaines d’aménorrhée dans l’unité d’hospitalisation
prénatale du Service d’obstétrique pour un syndrome
inflammatoire. Le gynécologue fait appel en urgence au
psychiatre du SPLIC pour une nouvelle évaluation : la
patiente est agressive, inadéquate et agitée sur le plan
psychomoteur. L’évaluation met en évidence une dé-
compensation maniaque aiguë nécessitant un transfert
à l’UPHA. Un programme de soins comprenant un traite-
ment somatique et psychiatrique (médication psycho-
trope adaptée, cadre hypostimulant), un accompagne-
ment par une sage-femme et un suivi pédopsychiatrique
sont mis en place. Un suivi psychothérapeutique indivi-
duel et groupal et des entretiens de couple visent un tra-
vail centré sur la psychopathologie de fond (le trou ble
bipolaire), les facteurs de crises et la souffrance actuelle
(manque de soutien du partenaire, relation conflictuelle
avec sa propre mère et l’appréhension de devenir mère
pour la deuxième fois). Mme C. y reste hospitalisée jus-
qu’au trans fert à la Maternité pour l’accouchement à
terme.
Après la naissance, au vu de la difficulté de stabiliser
l’état psychique de la patiente, l’équipe multidiscipli-
naire lui propose un retour à l’UPHA pour une prise en
charge mère-bébé. Le bébé est hospitalisé en pédiatrie
avec des visites quotidiennes de sa mère, avant de la
rejoindre deux mois plus tard après amélioration de son
état psychique. Le pédopsychiatre poursuit la prise en
charge autour de sa parentalité et de ses compétences
maternelles. L’évolution de la patiente est lentement
favorable, lui permettant de prendre soin à temps plein
de son bébé à l’UPHA. La dernière étape de l’hospitali-
sation vise à mettre en place un réseau de soins exté-
rieur sur lequel elle puisse s’appuyer (suivis psychiatri que,
pédiatrique, soutiens éducatif et pédopsychiatri que).
Vignette 2
Mme M. est une patiente âgée de 25 ans, mariée et tra-
vaillant à temps partiel, avec un antécédent de dépres-
sion périnatale non traitée lors d’une première grossesse,
il y a trois ans. Elle présente un nouvel état dépressif
après la naissance par césarienne de son deuxième enfant,
qui est âgé de quinze jours. Sur recommandation de son
gynécologue privé, elle se présente aux urgences psy-
chiatriques avec son mari et le bébé. Au vu de la sévé-
rité des symptômes dépressifs, une hospitalisation à
l’UPHA est organisée le jour même pour la mère sans le
bébé. Celui-ci est pris en charge par le père et amené
chaque jour pour des temps de visite, avant de rejoin dre
sa mère au troisième jour d’hospitalisation. Ces étapes
auront permis à la fois un temps d’évaluation de la mère,
de la relation mère-enfant lors des visites, ainsi qu’un
temps de repos.
Mme M. décrit le sentiment d’être «envahie» par son
deuxième enfant, comme s’il venait perturber l’équilibre
familial. Elle aurait déjà eu ce sentiment après son pre-
mier accouchement et dit avoir mis plus d’une année à
l’accepter et à l’aimer. A son arrivée à l’UPHA, elle pré-
sente un épisode dépressif sans symptôme psychotique.
Elle accepte un traitement antidépresseur, introduit avec
l’accompagnement d’une sage-femme pour le sevrage à
l’allaitement. Un suivi individuel par la psychomotricienne
l’aide à élaborer autour du vécu difficile de l’accouche-
ment par césarienne. Une prise en charge psychologi que
permet d’aborder ses représentations négatives quant à
son rôle au sein de la famille : mère, fille, épouse, femme.
Des entretiens de couple permettent de mettre en évi-
dence un conflit de longue date amenant à l’instauration
d’un suivi de couple par la suite. Une assistante sociale
aide à gérer les difficultés financières. La patiente béné-
ficie également d’une approche pédopsychiatri que avec
plusieurs entretiens à l’UPHA en présence du bébé,
permettant de soutenir la patiente dans son rôle de
mère. Après un séjour de vingt jours, la symptomatolo-
gie dépressive s’améliore, permettant une sortie après
organisation du réseau ambulatoire (suivis psychiatrique,
pédopsychologique et de couple).
conclusion
Ces deux cas cliniques complexes montrent la pertinence
et la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire tout
au long de la prise en soin périnatale ainsi que l’importance
d’une démarche psychiatrique et psychothérapeutique au
sein d’un hôpital général. En effet, les soins pédiatriques,
pédopsychiatriques, gynéco-obstétricaux et psychiatriques
adultes autour de la dyade mère-bébé permettent ainsi
l’élaboration et la mise en place d’un cadre et d’un espace
thérapeutique personnalisé. Les modalités des soins autour
du bébé sont déclinées en fonction de la problématique de
la situation et de la psychopathologie de la mère. La conti-
nuité du suivi est garantie par le maintien du même psy-
chiatre référent, qui coordonne les soins hospitaliers et de
liaison autour de la dyade mère-bébé. En effet, cette double
position facilite les liens entre soins psy chiatriques ambu-
latoires, hospitaliers ainsi que la prise en charge multidisci-
plinaire pendant toute la période périnatale. Il peut ainsi
être le porteur de l’histoire unique de chaque patiente à
travers les différentes étapes du suivi.
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Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation avec
cet article.
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