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Processus de création
Ce qui nous intéresse c'est d'interroger la façon dont, non seulement les rapports sociaux, mais également nos relations affectives, nos
représentations intimes de nous-mêmes et de l'autre, évoluent à travers la modification et la multiplication de ces nouveaux réseaux et
canaux de relations. Ce champ de recherche fait l'objet d'études assez récentes de la part de laboratoires universitaires.
Il apparaît ainsi dans une étude statistique menée à l'université de Montpellier autour des sms (*) qu'une des
premières occurrences d'assemblage de mots dans ce média est "Je t'aime"…
Nous travaillons autour d'un objet immersif qui tende à développer les correspondances, les dialogues, comme une écriture de
théâtre à multiples facettes et médias. La présence physique "humaine" n'y sera qu'une projection irréelle, virtuelle et ponctuelle. Nous
souhaitons développer cette présence-absence, absence physique mais présence (obsession) affective et mentale : présence
fantomatique, donnée à travers la fumée, le miroir sans teint, des projections vidéo floues et immatérielles.
Dans Une Liaison contemporaine, la technologie doit disparaitre au profit d'une expérience sensible et d'un univers narratif non
linéaire. L'objectif n'est pas au bout du compte de faire une performance technologique mais de recréer un environnement virtuel et
mental qui soit totalement immersif. Si ce dispositif s'annonce complexe technologiquement (interaction directe, synchronismes divers, cf.
ci-après) il doit au final apparaitre comme un univers virtuel et sensoriel en soi, un univers où surgiront de l'obscurité, des mots, des
hologrammes, des images, des sons, traduction de ce nouveau langage à multiples facettes et contenus qui tisse une relation et histoire
singulière entre deux êtres à travers les différents médias qui les relient.
Il s'agit ici d'entremêler le champ de l'expérimentation technologique à celui de l'écriture, afin de tenter d'inventer une forme
d'écriture théâtrale singulière et multiple. Ici donc, l'expérimentation technique et l'écriture sont indissociablement mêlées depuis
plus d'un an, l'expérimentation interrogeant la forme même de l'écriture. Celle-ci ne peut donc pré-exister mais doit au contraire se
réfléchir et s'inventer au fur et à mesure de l'expérimentation au plateau, ce qui implique que les temps d'immersion technique alternent
avec les temps de réflexion, de conception et d'écriture. C'est ainsi que se sont articulés les temps de recherche tout au long de l'année
2013 à la Fabrique artistique de Ville Evrard, au Centre National des Ecritures du Spectacle à La Chartreuse de Villeneuve les Avignon, à
Confluences, et les temps de réalisation, à partir de février 2014, au Centre des Arts d'Enghien, à Confluences et à l'ENSATT (Lyon).
En 2013, nous avons mené, en plus du travail d'écriture et de conception, quatre sessions d'expérimentation, afin d'interroger le rapport
entre texte écrit /lu et texte dit/oral, projection vidéo, jeu et son, mode d'expression théâtrale des sms et des mails, évolution de la
chronologie, …. Elles nous ont permis de déterminer les différents vecteurs narratifs et les différents modes d'écritures, de commencer à
écrire le tableau chronologique de la relation amoureuse.
Après l'année 2013, consacrée à la recherche et au développement autour du projet, l'année 2014 est consacré à la réalisation du
projet, à travers 5 semaines de résidence de travail :
> 1 semaine à l'ENSATT à Lyon en février (qui donne lieu à trois premières ouvertures professionnelles de travail les 27, 28 février à
l'Ensatt à Paris et 8 mars à Paris à Confluences),
> 2 semaines en avril et 2 semaines en juin au centre des arts d'Enghien.
Ces 5 semaines aboutiront à la création les 14 et 15 juin au Centre des arts d'Enghien dans le cadre du Festival des Bains Numériques.
Le spectacle sera ensuite repris au cours des deux saisons suivantes, d'ores et déjà programmé 5 jours à La Panacée à Montpellier en
mars 2015 et ensuite à l'automne 2015 au Phénix, Scène Nationale de Valenciennes (co-producteurs – cessions confirmées).
La tournée est en cours de construction.
(*) 93 085 sms authentiques recueillis auprès du grand public entre le 15 septembre et le 15 décembre 2011, soit 13 semaines dans le cadre de sud4science
LR ; 88 683 sms après épuration (doublons, messages publicitaires, etc.), 424 donateurs définitifs (509 inscrits au départ), 13,75 mots par sms en moyenne.
Corpus au total : 1 219 771 mots, 5 984 306 caractères avec espaces, 4 858 902 caractères sans espaces. Sur les 30 000 binettes/smileys utilisés, seuls 1 %
sont des smileys "graphiques".+ 60% de femmes. 80 % de moins de 30 ans
Pour les mots les plus fréquents du corpus, on a d'abord :
1) « je » (est utilisé 36 153 fois) ; c'est le mot simple (1-gram) le plus fréquent du corpus
2) « c est » (sans guillemets, utilisé 12 401 fois), (c'est la suite 2-gram, avec l'espace entre deux suites de caractères « c » puis « est » la plus fréquent)
3) « je t aime » (toujours sans guillemets, utilisé 3 110 fois) (c'est la suite 3-gram, avec deux espaces « je », « t », « aime » la plus fréquente).
Eléments communiqués par Rachel Panckhurst dans le cadre du corpus sud4science LR (Panckhurst, Rachel; Catherine Détrie; Cédric Lopez; Claudine
Moïse; Mathieu Roche; Bertrand Verine. 2013). A corpus of 88,683 authentic text messages in French. (à paraître en ligne).