La prescription des psychotropes en pédopsychiatrie

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Dossier
La prescription
des psychotropes
en pédopsychiatrie :
mythes et réalités
Jean Chambry
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017.
Fondation Vallée, 7, rue Bensérade, 94257 Gentilly Cedex
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RÉSUMÉ
La prescription des psychotropes s’est profondément modifiée en pédopsychiatrie ces dix dernières années. Parmi les raisons de ce changement interviennent
l’amélioration de l’arsenal thérapeutique, l’influence des données neurobiologiques et des classifications anglo-saxonnes. Cet article précise la place actuelle
de la prescription des psychotropes en pédopsychiatrie, et définit la demande
qui émane soit des parents, soit de l’équipe soignante et rarement de l’enfant.
Une conduite à tenir est proposée ainsi qu’un rappel des principales classes de
psychotropes et de leurs indications. Une vignette clinique concernant le cas
d’une jeune fille souffrant de TOC montre comment la prescription d’un
traitement psychotrope peut être organisée.
Mots clés : adolescent, pédopsychiatrie, prescription, psychotropes
L
mtp
Tirés à part : J. Chambry
a prescription des psychotropes
s’est profondément modifiée en
pédopsychiatrie ces dix dernières années. Parmi les raisons de ce changement interviennent l’amélioration de
l’arsenal thérapeutique, l’influence
des données neurobiologiques et des
classifications anglo-saxonnes. Cependant, il existe de grandes variations dans l’utilisation de ces médicaments et deux écueils doivent être
évités, à savoir une position idéologique qui rejetterait systématiquement
l’utilisation de psychotropes, à l’inverse un soin qui se résumerait à la
prise d’un traitement médicamenteux.
Place de la prescription
de psychotropes
La place de la prescription varie
énormément en fonction du prescrip-
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teur (pédiatre, médecin généraliste,
pédopsychiatre hospitalier ou de secteur) et de ses options théoriques. S’il
semble indispensable de garder présent à l’esprit que la prescription d’un
psychotrope à un enfant ou un adolescent, ou même à un nourrisson, est
loin d’être un acte anodin et dénué de
conséquences, il reste important de
bien délimiter les champs d’action bénéfiques des psychotropes afin d’envisager leur prescription à bon escient.
Concrètement, certains médicaments sont employés malgré l’absence d’information encore disponible sur leur sûreté et leur efficacité
chez l’enfant, et les règles de prescription et de surveillance ne sont pas
toujours respectées dans leurs aspects
spécifiques au jeune âge, exposant à
la fois le patient et le prescripteur.
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La prescription des psychotropes en pédopsychiatrie : mythes et réalités
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D’après Vantalon et al. [1], diverses raisons objectives
rendent compte, « de façon conjuguée », de l’emploi
« anarchique » des psychotropes chez l’enfant et l’adolescent :
– le manque de données sur la pharmacocinétique et
la pharmacodynamique des substances psychoactives
dans le jeune âge ;
– les difficultés méthodologiques posées par le diagnostic et l’évaluation en pédopsychiatrie avec nécessité
d’homogénéiser les groupes de patients étudiés et de
disposer d’instruments valides et fiables de mesure du
changement apporté par le traitement ;
– la particularité de l’enfant, qui est un être en développement, en changement et en constante interaction
avec son environnement, notamment son milieu familial ;
– le problème de l’effet placebo, rarement mesuré avec
précision chez l’enfant, variable selon les études et les
pathologies ;
– l’originalité de l’enfant en tant que patient, rarement
demandeur de la prescription, à l’inverse de l’adulte, et
pour lequel (de même que pour sa famille) se posent les
questions de l’observance et de l’information « éclairée »
sur la conduite pratique du traitement, ses objectifs, ses
effets secondaires habituels ou exceptionnels, ses risques,
mis en balance avec les risques d’abstention thérapeutique pour la pathologie considérée.
La conséquence de ces particularités, inhérentes à la
pédopsychiatrie, est l’absence (ou la rareté) des essais
contrôlés pour nombre de produits. Le psychiatre prescripteur ne dispose ainsi que de résultats d’études conduites chez l’adulte, sans autorisation de mise sur le marché
(AMM) pour l’enfant. Il se trouve placé dans une situation
de « vide juridique », contraint à renoncer à une prescription qui pourrait être bénéfique à l’enfant, ou à la réaliser
sous sa propre responsabilité.
Comme nous le rappelle C. Epelbaum [2], en pédopsychiatrie plus encore qu’en psychiatrie adulte, l’abord
thérapeutique ne peut être conçu que comme multidimensionnel, mettant en parallèle des méthodes psychothérapiques individuelles ou de groupe, éducatives, rééducatives, que ce soit de façon ambulatoire ou
institutionnalisée. Ces différentes approches, accompagnées d’un travail avec la famille de l’enfant, vont agir de
façon véritablement synergique lorsqu’elles font partie
d’une démarche réfléchie et cohérente. La thérapeutique
médicamenteuse doit alors trouver sa place, à la fois sur
un plan « spatial » et chronologique, au sein d’un dispositif pertinent. Trop souvent, le médicament est encore
conçu par de nombreux pédopsychiatres comme antinomique de leur démarche thérapeutique multidimensionnelle, surtout lorsque celle-ci est sous-tendue par une
référence psychanalytique. Le médicament est censé
jouer sur les systèmes biochimiques supposés être les
supports des affections psychiques. La psychothérapie est
censée avoir, elle, une action différente : elle vise à obtenir
une modification des systèmes psychiques dont l’altération entraîne la maladie mentale. Si ces modes d’action
sont, certes, hétérogènes, ils peuvent tout à fait être complémentaires, à condition qu’ils soient pensés et utilisés de
façon appropriée et coordonnée. En effet, la mise sous
traitement médicamenteux peut permettre l’atténuation
d’une symptomatologie bloquant la mise en mots de la
souffrance psychique, nécessaire au démarrage d’un
abord psychothérapique. Elle peut rassurer l’enfant et sa
famille pour leur permettre d’adhérer à un processus thérapeutique plus global impossible autrement. Le risque
reste que la diminution, voire la disparition des symptômes, provoque une sorte de guérison de surface, liquidant
les enjeux économiques défensifs et communicatifs du
symptôme, et rendant apparemment caduque la nécessité
d’une aide thérapeutique située à un autre niveau, psychothérapique notamment.
C’est pourquoi, la proposition de traitement doit s’inscrire dans une appréhension plus globale des troubles de
l’enfant et des modes relationnels familiaux, et non se
situer en réponse immédiate à une demande émanant de
l’un ou l’autre des protagonistes.
Définir la demande
Selon les situations, la demande de prescription peut
émaner de différentes personnes.
Parents
Ils peuvent demander une prescription de « confort »
sans que de véritables troubles n’existent. Dans d’autres
cas, il s’agit pour eux d’éviter une confrontation avec leurs
propres doutes, leurs propres angoisses, leur propre souffrance psychique, en masquant en quelque sorte le symptôme produit par leur enfant. Certains parents dont les
enfants présentent de réels troubles psychiatriques peuvent aussi refuser de s’engager dans un processus thérapeutique plus global dont ils pressentent qu’il nécessitera
une remise en cause minimale des relations intrafamiliales
et de leur attitude par rapport à l’enfant.
Dans d’autres cas, les parents demandeurs d’un traitement médicamenteux se sentiront très culpabilisés par
leur demande, se vivant d’un côté comme incapables de
supporter les symptômes de l’enfant et d’un autre comme
incapables de l’aider efficacement, quand ils ne se sentent
pas plus ou moins consciemment responsables des troubles. Cette culpabilité peut être verbalisée directement,
mais elle peut aussi empêcher l’expression d’une demande de traitement, voire être retournée en agressivité
vis-à-vis du prescripteur (le traitement est considéré
comme néfaste ; les parents ne mettent en avant que ses
effets secondaires désagréables, etc.).
Équipe soignante (en pédopsychiatrie)
En cas d’hospitalisation « en urgence » dans un service
hospitalier de psychiatrie, la prescription de psychotropes
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est souvent rapide du fait même des motifs d’hospitalisation (dépression sévère, bouffée délirante aiguë, agitation
clastique, etc.) et pose finalement peu de problèmes lorsque l’indication d’hospitalisation a été bien établie. Dans
les états d’excitation et d’agitation aigus, avec ou non
symptomatologie psychotique, il s’agit avant tout de réduire l’excitation, de réintroduire des limites. On a souvent employé le terme imagé de « camisole chimique »,
qui correspond en fait au rétablissement d’un système de
pare-excitation qui puisse de nouveau laisser les processus de pensée fonctionner d’une façon non anarchique et
angoissante. La prescription représente ici une première
étape pour pouvoir de nouveau entrer en communication
et utiliser d’autres moyens thérapeutiques.
Dans certains cas, la prescription est au contraire
différée afin de préserver, en sécurité, une période d’observation des troubles qui permettent de poser un diagnostic
plus précis et fiable. Dans certains cas enfin, la prescription s’avère inutile. La séparation du milieu familial permet la disparition très rapide des symptômes. Ceux-ci
semblent avant tout réactionnels à un conflit intrafamilial
dans lequel l’enfant était pris sans possibilité d’aménagements défensifs efficaces autres que des symptômes psychiatriques plus ou moins bruyants.
Toute autre est la situation d’hospitalisation au long
cours en institution pédopsychiatrique. Dans ce cadre, la
demande, par l’équipe soignante, d’une prescription médicamenteuse pour un enfant, doit toujours faire envisager
plusieurs paramètres. Cette demande vient souvent s’inscrire dans des systèmes de contre-attitudes des équipes
soignantes. Elle intervient souvent dans des moments de
découragement qui doivent être analysés au cours de
réunions institutionnelles avant qu’une réponse médicamenteuse ne soit envisagée.
Équipe soignante (en pédiatrie)
Lors d’une hospitalisation en pédiatrie pour une pathologie somatique, l’équipe peut demander une prescription
de psychotropes pour un enfant pour différentes raisons
(éléments dépressifs, agitation, anxiété, etc.). Là aussi, il
faudra, grâce à l’intervention d’un tiers appartenant à une
équipe de psychiatrie de liaison ou à un « psy » appartenant à l’équipe pédiatrique, mettre en lumière les différents enjeux de cette demande. La tentation inconsciente
est d’accepter les réactions agressives ou douloureuses de
l’enfant (pleurs, agitation avec colère, refus de participation aux soins, etc.) et de le positionner comme malade
psychiatrique en demandant un traitement souvent sédatif. La demande est alors une demande de double réparation : il faut enlever à l’enfant sa souffrance par un traitement, et soulager par la même occasion l’équipe de cette
souffrance qu’elle ne peut métaboliser. Il faut bien sûr
analyser les différents facteurs avant de répondre directement à la demande de prescription. Parler avec les équipes soignantes de leur vécu, en les écoutant et en les
soutenant n’est pas toujours chose simple, tant il est vrai
qu’il est difficile pour elles de dire (et ceci particulièrement
aux médecins responsables du service), et même de penser consciemment qu’un enfant leur devient insupportable, non pas en fonction d’une pathologie psychiatrique
nouvellement éclose, mais d’un ensemble de ressentis qui
les renvoient à leurs propres angoisses de mort.
Le jeune
Le jeune n’exprime que rarement une demande thérapeutique de lui-même. Le traitement lui est le plus souvent
imposé par l’un ou l’autre des intervenants. Si la mise en
place du traitement n’est pas discutée assez longuement
avec lui et qu’une certaine collaboration de sa part n’est
pas acquise, il risque de vivre le médicament comme
attaquant un corps qu’il sent déjà comme défaillant.
Le recours à un traitement médicamenteux réactualise
la blessure narcissique que la maladie mentale inflige : il
se sent impuissant à lutter seul contre elle, doit faire le
deuil d’une certaine toute-puissance et doit se plier aux
désavantages qui lui sont imposés (effets secondaires),
même s’il se sent soulagé de certains symptômes qui le
gênaient. Les réactions de l’enfant ou de l’adolescent à la
mise en place d’un traitement peuvent être différentes
selon son âge et dépendent également de son niveau
intellectuel de compréhension des enjeux du traitement,
de la nature de ses troubles.
Conduite à tenir
En pratique, il semble avant tout essentiel d’analyser la
place du symptôme (troubles réactionnels, maturatifs, ou
troubles inscrits dans la structure de l’enfant) et de la
demande de traitement médicamenteux, avant de pouvoir
répondre de façon adaptée. Il faut que le praticien soit
particulièrement vigilant dans ses prescriptions même
transitoires (pour passer un cap, un moment de crise), pour
ne pas qu’elles deviennent des prescriptions de confort
pour les parents, et, par ailleurs, figent l’enfant dans un
fonctionnement désormais reconnu comme pathologique
mais non explicité dans sa dimension symbolique. La
place du traitement psychotrope doit, dans tous les cas,
être resituée comme complémentaire aux autres moyens
thérapeutiques.
Quand une prescription s’avère nécessaire, il sera
fondamental :
– d’adapter les doses au cas par cas, les doses efficaces
et non toxiques étant très différentes d’un enfant à l’autre ;
– de toujours penser que prescrire doit rester un acte
de parole ; il s’agit donc de parler du traitement à l’enfant
et à ses parents ou à l’équipe qui l’a en charge, d’en
expliciter les buts propres, le déroulement, les effets secondaires et en le démystifiant (ce n’est pas un acte de
magie que de prescrire) ;
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La prescription des psychotropes en pédopsychiatrie : mythes et réalités
– de toujours garder à l’esprit qu’en prescrivant un
psychotrope, on ne s’adresse qu’à la partie émergée des
conflits internes (les symptômes), et qu’il s’agit de comprendre parallèlement les enjeux de ces conflits.
Action des psychotropes
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L’action des psychotropes se situe à différents niveaux
complémentaires et intriqués.
Action pharmacologique
Avec ses bases neurobiologiques, elle est certaine,
bien qu’elle ne soit pas toujours, loin de là, modélisable.
Sur un plan psychodynamique
Le médicament s’adresse au compromis que représente le symptôme dans les différents conflits en cause
dans les troubles du patient. Il agit, en dehors de son action
pharmacologique propre, par effet placebo et ceci quels
que soient les troubles en cause et leur gravité. C’est dire
l’importance de l’attitude de l’entourage, parental ou institutionnel de l’enfant, quant à la prescription de médicament et la conduite du traitement.
D’après C. Epelbaum [2], le médicament peut revêtir
différents statuts :
– il a la valeur d’un objet transitionnel particulier qui
représente le thérapeute, appartient au corps propre de
l’individu qui le fait sien en l’ingérant, mais appartient
aussi à la réalité externe, chimique ; il est aussi contenant,
limitant, rassurant, notamment par la ritualisation de sa
prise ;
– c’est également un objet magique que ce soit pour
les demandeurs (comme nous l’avons vu) ou pour le
patient lui-même, ce qui peut parfois devenir inquiétant
quand l’enfant a l’impression que son corps et son esprit
lui échappent ;
– il peut devenir un objet de jouissance orale ou plus
perverse (manipulation de l’entourage par exemple) ;
– il peut représenter aussi un objet contraphobique
pour le médecin, le malade et sa famille ;
– enfin, c’est un objet de langage nouveau dans le
discours du malade, de sa famille et du médecin, qui
caractérise en quelque sorte le malade par sa maladie.
Différentes classes des principaux
psychotropes et indications [3,4]
Neuroleptiques
On distingue les antipsychotiques atypiques (rispéridone, olanzapine, amisulpride) des neuroleptiques classiques. Ces nouvelles molécules se caractérisent par la
diminution des effets secondaires en particulier sur les
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fonctions cognitives, ce qui en fait une indication de choix
en pédopsychiatrie. Cependant, il n’existe que très peu de
données sur leur utilisation chez les jeunes.
Rispéridone (Risperdal®)
Antagoniste dopaminergique D2, elle se distingue des
neuroleptiques classiques par une puissante activité antagoniste 5-HT2 qui participerait à l’effet antipsychotique,
en particulier sur les symptômes négatifs. Elle induirait des
effets extrapyramidaux moins marqués.
Peu de données sont disponibles chez l’enfant de
moins de 15 ans. Sa principale indication repose sur le
traitement des psychoses, en particulier des psychoses
schizophréniques aiguës et chroniques. Elle est très utilisée chez l’adolescent dans cette indication. Les principaux effets secondaires reposent sur l’existence de syndromes extrapyramidaux (doses dépendantes), de prise de
poids (2 kg en 10 semaines de traitement), d’un risque de
syndrome malin. Une forme retard (Risperdal consta®) est
désormais commercialisée.
Cette molécule a obtenu une extension d’AMM pour
l’enfant de 5 à 11 ans présentant un retard mental accompagné de troubles du comportement. Elle est utilisée parfois dans l’autisme pour limiter les comportements d’automutilation, d’agitation et d’agressivité ; elle a fait
récemment l’objet d’études contre placebo dans cette
indication qui ont confirmé son efficacité ; elle est aussi
utilisée dans les conduites agressives de l’enfant et de
l’adolescent. Elle pourrait être efficace dans les phases
maniaques de l’enfant et de l’adolescent présentant un
trouble bipolaire (une étude en 1999) et son efficacité est
estimée à 50 % dans les tics chroniques et la maladie de
Gilles de la Tourette dans des études ouvertes aux doses de
0,5-4 mg/j.
Olanzapine (Zyprexa®)
Il s’agit d’un neuroleptique atypique, voisin de la clozapine, n’entraînant que peu d’effets extrapyramidaux ou
d’hyperprolactinémie. Il possède une affinité pour les récepteurs dopaminergiques D1et D2, sérotoninergiques
5HT2 et muscariniques. Ses indications chez l’adulte ne
cessent de croître : traitement de la schizophrénie, traitement des épisodes maniaques modérés à sévères, prévention des récidives des troubles thymiques des patients
présentant un trouble bipolaire. Bien qu’utilisée chez les
adolescents en raison du respect des fonctions cognitives
et de sa bonne tolérance sur le plan extrapyramidal, il
n’existe aucune étude publiée chez les moins de 18 ans.
Son principal effet secondaire repose sur la prise de poids
(en moyenne 11 kg sur 10 mois de traitement).
Amisulpride (Solian®)
De la famille des benzamides, antagoniste des récepteurs dopaminergiques D2, elle exerce à faible dose un
effet désinhibiteur et un effet antiproductif à forte dose.
Bien que plus ancienne, cette molécule a été reclassée
dans les neuroleptiques atypiques. Ses indications sont le
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traitement de la bouffée délirante, de la schizophrénie. Il
n’existe pas de données chez les moins de 15 ans. Ses
effets secondaires sont la baisse du seuil épileptogène, la
prise de poids, l’hyperprolactinémie avec aménorrhée et
galactorrhée, des manifestations extrapyramidales. Elle a
parfois été utilisée dans les tics chroniques et la maladie de
Gilles de la Tourette
Les neuroleptiques classiques
Ils agissent par inhibition postsynaptique de la transmission dopaminergique, ce qui leur confère des propriétés antipsychotiques et extrapyramidales. Ils ont aussi une
activité : sur les récepteurs adrénergiques, d’où leurs effets
de sédation et d’hypotension orthostatique ; sur les récepteurs muscariniques, avec des effets atropiniques correspondants ; sur les récepteurs histaminiques, avec activité
antihistaminique et sédative correspondante. On peut les
classer en trois grands groupes qui s’opposent selon leurs
types d’action, en dehors même de leur classe pharmacologique propre :
– les neuroleptiques sédatifs sont avant tout anxiolytiques et sédatifs par rapport à l’excitation, l’agitation, les
conduites violentes, mais sont aussi antidélirants (lévopromazine Nozinan® ; chlorpromazine, Largactil®) ;
– les neuroleptiques désinhibiteurs sont au contraire
actifs sur le retrait, l’inhibition psychotique, l’inertie émotionnelle (carpipramine, Prazinil®) ;
– les neuroleptiques polyvalents sont à la fois sédatifs,
antidélirants et désinhibiteurs, mais chaque fonction s’extériorise en fonction de la dose et de la durée du traitement
(halopéridol, Haldol®; loxapine, Loxapac®).
Leurs indications concernent :
Pour les neuroleptiques sédatifs et/ou polyvalents
– Les psychoses aiguës de l’adolescence.
– Les troubles graves du comportement, avec agitation, auto- et/ou hétéro-agressivité. La prescription est
basée sur des règles simples : début du traitement à des
doses faibles, augmentation progressive sans dépasser
deux fois par semaine, établissement d’une posologie
optimale en fonction d’un équilibre entre efficacité thérapeutique et effets indésirables. La prescription de neuroleptiques dans le trouble des conduites est donc limitée
par leur action sédative, leur manque de spécificité et le
risque de survenue de dyskinésies tardives après 3 mois de
traitement cumulatif. Elle est donc à éviter au long cours.
Les neuroleptiques doivent être réservés aux situations
aiguës et transitoires où l’agressivité est invalidante, gênent les interactions sociales et les apprentissages, et ils
passent au second plan par rapport à d’autres familles
chimiques.
– Les troubles anxieux paroxystiques.
Pour les neuroleptiques polyvalents
– La maladie de Gilles de La Tourette. L’efficacité des
neuroleptiques a été prouvée par plusieurs études contrô-
lées en double aveugle contre placebo. L’halopéridol
(Haidol®) fut le premier traitement médicamenteux proposé dans cette indication, avec une amélioration dans 70
à 80 % des cas. Mais la limite de ce traitement est liée à la
survenue d’effets secondaires gênants obligeant à l’interruption du traitement. Il existe également un risque de
dyskinésies tardives inhérent aux traitements neuroleptiques au long cours. La posologie initiale est faible (0,250,5 mg/j) en une prise vespérale, avec augmentation très
progressive des doses de 0,25-0,5 mg par semaine, jusqu’à
obtention d’une réduction tolérable des symptômes.
– Pour l’autisme, la prescription de neuroleptiques est
discutée, souvent décevante en ce qui concerne le processus autistique lui-même dont l’évolution semble davantage dépendante d’une cure plus globale. Cependant certains neuroleptiques désinhibiteurs (Dogmatil® à faibles
doses) peuvent réduire les stéréotypies et le Nozinan®, le
Melleril®, la Clozapine® agir sur les conduites automutilatoires, voire les conduites agressives ou l’agitation. En
fait, tous ces traitements sont avant tout symptomatiques et
non étiologiques. De nos jours, ces produits (surtout l’Haldol® aux doses de 0,05 à 1 mg/kg/j), dont l’efficacité sur les
symptômes comportementaux, la labilité affective, les stéréotypies, le retrait et certaines tâches cognitives a été
argumentée par plusieurs études contrôlées dans
l’autisme, restent prescrits au long cours, malgré leur
risque de dyskinésies tardives ou de dyskinésies de retrait.
– L’hyperactivité avec déficit de l’attention reste une
indication de neuroleptiques polyvalents à faible dose
(Haldol®) ou sédatifs (Melleril®) mais leurs nombreux
effets secondaires doivent limiter leur prescrition à des cas
exceptionnels pour des durées brèves.
Les effets secondaires restent fréquents : somnolences,
ralentissement psychique, indifférence psychomotrice et
affective, baisse de la libido, avec possibilité d’impuissance particulièrement difficile à vivre pour les adolescents ; prise de poids, effets végétatifs dus au blocage
noradrénergique, surtout avec les phénothiazines (hypotension orthostatique, tachycardie) ; effets atropiniques
(troubles de l’accommodation, constipation, rétention
d’urine, sécheresse de la bouche) ; photosensibilité avec
les phénothiazines, phénomènes extrapyramidaux.
Antidépresseurs
Inhibiteurs sélectifs de la capture de la sérotonine ISRS
Véritable révolution dans le traitement des troubles
anxiodépressifs de l’adulte, il existe un flou quant aux
possibilités de prescription dans la période de 15 à 18 ans.
Certains produits, comme la fluoxétine (Prozac®), sont
accompagnés d’une note contre-indiquant leur emploi
avant l’âge de 15 ans. Paradoxalement, dans la littérature
récente les molécules tricycliques ne constituent plus le
traitement médicamenteux de première intention dans la
dépression de l’enfant et l’adolescent, du fait de leur
potentialité cardiotoxique et de l’absence de démonstra-
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La prescription des psychotropes en pédopsychiatrie : mythes et réalités
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tion de leur efficacité dans plusieurs études contrôlées
conduites dans ces tranches d’âges. À l’inverse, nombre
d’études rapportent la meilleure tolérance et l’efficacité
des ISRS dans la dépression de l’enfant et de l’adolescent.
Leurs principales indications sont :
• les troubles dépressifs :
L’efficacité des ISRS : fluoxétine (Prozac®), fluvoxamine (Floxyfral®), paroxétine (Deroxat®) et sertraline (Zoloft®), dans la dépression de l’enfant et l’adolescent, est
argumentée dans nombre d’études ouvertes. Seule une
étude contrôlée en double aveugle contre placebo a montré l’efficacité de la fluoxétine dans la dépression de l’enfant et de l’adolescent, à la posologie de 20 mg/j dès la
cinquième semaine de traitement, quels que soient l’âge et
le sexe. Les études restent donc limitées.
Il n’y a pas à proprement parler de règles de prescription, les essais cliniques n’en étant qu’à leur début dans la
dépression de l’enfant et de l’adolescent. Le dosage plasmatique des ISRS n’est pas actuellement de pratique courante. Aussi, une introduction du traitement à faibles doses
avec augmentation progressive de la posologie est préconisée. Une posologie initiale de 5 mg/j de fluoxétine, 50
mg/j de fluvoxamine, 10 mg/j de paroxétine et 25 mg/j de
sertraline, progressivement augmentée jusqu’à l’obtention
d’une dose efficace, évaluée entre 10 et 40 mg/j pour la
fluoxétine, 100 et 200 mg/j pour la fluvoxamine, 20 et 40
mg/j pour la paroxétine et 50 et 200 mg/j pour la sertraline
est recommandée
Le délai d’action du traitement, à doses efficaces, varie
de 8 à 12 semaines chez l’enfant, avec une atténuation de
la symptomatologie dépressive à partir de 8 à 12 semaines. La durée du traitement doit être suffisamment prolongée (9 à 12 mois), mais aucune donnée précise, s’appuyant sur des bases scientifiques, ne permet d’ériger cette
proposition en règle. Hormis pour la fluoxétine, dont le
métabolite actif a, chez l’adulte, une demi-vie longue
(15 jours), il est conseillé d’arrêter progressivement le
traitement, mais cette précaution paraît moins liée à un
souci de prévention d’éventuels effets de sevrage, non
décrits avec les ISRS chez l’enfant, que de détection de la
réapparition de symptômes dépressifs. Pour les ISRS, le
bilan préthérapeutique nécessite un examen somatique
avec mesure du poids, de la taille, du pouls et de la tension
artérielle, et un examen biologique des fonctions
hépatiques.
L’été 2004 a été marqué par un débat surmédiatisé
impliquant la responsabilité des IRS dans la survenue d’un
passage à l’acte suicidaire chez des mineurs à partir d’une
étude préliminaire par la Food and Drug Administration
américaine. Ces résultats nous rappellent que la prescription de psychotropes est loin d’être un acte anodin et
dénué de conséquences, et qu’il est important de bien
délimiter les champs d’action bénéfiques des psychotropes afin d’envisager leur prescription à bon escient. Cependant, il ne faut ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain
et les IRS prescrits avec rigueur face à un épisode dépressif
de l’enfant ou de l’adolescent sont des alliés utiles dans la
prise en charge de ces jeunes patients. Cette polémique
sur la prescription d’IRS ne doit pas être dramatisée et
servir à diaboliser la prise d’antidépresseur à cet âge mais
elle permet de pointer la nécessité de ne pas banaliser ce
type de traitement, d’en mesurer le rapport bénéfices/effets
secondaires pour le patient et de rappeler que ce type de
prescription demeure une affaire de spécialiste. Par
ailleurs, elle incitera peut-être à de nouvelles études pharmacologiques chez l’enfant et l’adolescent qui manquent
cruellement à l’heure actuelle.
• Les troubles obsessionnels compulsifs :
Les ISRS (fluoxétine, Prozac®, fluvoxamine, Floxyfral®,
sertraline, Zoloft®, paroxétine, Deroxat®) constituent les
produits de référence dans le traitement du TOC. Seule la
sertraline possède dans son indication l’AMM chez l’enfant de 6 à 17 ans. L’efficacité, dans le TOC de l’enfant et
de l’adolescent, de la fluoxétine aux doses de 20 à 80 mg/j
de la fluvoxamine aux doses de 50 à 200 mg/j, et de la
sertraline aux doses de 200 mg/j, repose sur des études
contrôlées contre placebo. Aussi, si la clomipramine a été
initialement considérée comme le traitement de référence
dans le TOC de l’enfant et de l’adolescent, l’efficacité
démontrée des ISRS et leur meilleure tolérance conduisent
actuellement à les proposer en première intention. Le
traitement médicamenteux par les ISRS doit être maintenu
à doses efficaces, durant 10 à 12 semaines, pour juger de
son action. Parfois, l’amélioration de la symptomatologie
se poursuit encore après cette période. Une aggravation
de la symptomatologie obsessionnelle et compulsive peut
s’observer durant la première quinzaine d’introduction du
traitement. Il n’existe pas de données sur la corrélation
entre posologie et efficacité chez l’enfant. Aussi, une dose
initiale faible et une augmentation progressive sont préconisées. La question de la poursuite du traitement à long
terme se pose en clinique, au vu de la fréquence des
rechutes lors de l’interruption des produits mais, actuellement, aucun essai n’a été mené au-delà de un an. Nous ne
disposons donc pas de conduite pratique du traitement au
long cours. Peu de données existent sur les associations
pharmacologiques dans les formes de TOC de l’enfant
résistantes à la monothérapie.
Ils n’existent pas chez les jeunes de données en ce qui
concerne l’anxiété de séparation, les phobies scolaires, les
troubles paniques avec ou sans agoraphobie, le trouble
anxiété généralisée.
Les effets secondaires les plus fréquents des ISRS rapportés chez 10 à 20 % des enfants et adolescents traités
par fluoxétine ou fluvoxamine, sont une sécheresse de la
bouche, des troubles gastro-intestinaux à type de nausées,
diarrhées ou dyspepsie, des céphalées, une insomnie initiale, une somnolence diurne et une modification pondérale. Une impatience motrice, des tremblements et une
irritabilité peuvent s’observer lors de paliers d’augmenta-
mt pédiatrie, vol. 8, n° 1, janvier-février 2005
tion de la posologie ou lors de posologies trop élevées.
Parmi les effets occasionnels, des rashs et réactions allergiques, des crises d’épilepsie, des symptômes extrapyramidaux, des troubles sexuels à type d’impuissance chez
l’adolescent, ont également été rapportés.
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Tricycliques
Leurs différents modes d’action (blocage de la recapture présynaptique des catécholamines, inhibition de la
recapture de la sérotonine ou de la dopamine, hyposensibilisation des récepteurs post-synaptiques monoaminergiques) entraînent des effets secondaires différents qui peuvent être privilégiés dans certains cas (sédation,
stimulation, etc.).
• Leurs principales indications restent les suivantes :
– syndromes dépressifs de l’enfant et de l’adolescent.
La voie orale est la plus utilisée. Les tricycliques choisis (le
plus prescrit en France étant la clomipramine, Anafranil®)
seront progressivement augmentés de 1 à 3-4 mg/kg/j
(doses de routine), sans dépasser 5 mg/kg/j. Au bout de
7 jours de traitement présumé efficace, on effectuera un
premier dosage plasmatique permettant d’adapter la posologie. Ce dosage sera éventuellement répété après ajustement de la dose. Le délai d’action du traitement, à doses
efficaces, varie de 5 à 8 semaines chez l’enfant et la durée
du traitement doit être suffisamment prolongée (8 à
12 mois). L’arrêt du traitement se fera progressivement sur
2 ou 3 semaines, pour éviter les effets de sevrage, semblables à ceux décrits chez l’adulte (anxiété, agitation, troubles du sommeil...).
– troubles obsessionnels et compulsifs (clomipramine,
Anafranil®) ;
– troubles du sommeil : insomnie liée à une problématique dépressive, terreurs nocturnes fréquentes, somnambulisme : imipramine, Tofranil®;
– énurésie, après 6 ans (imipramine Tofranil® 10 mg
une heure avant le coucher, jusqu’à 2 mois après l’arrêt du
symptôme) ;
– anxiété de séparation et phobies scolaires, avec des
résultats contradictoires selon les études.
• Effets secondaires. Ils sont fréquents : somnolence
(devant faire prescrire une augmentation progressive de la
posologie répartie dans la journée) ; effets atropiniques
(troubles de l’accommodation, sécheresse buccale, troubles digestifs) ; l’agitation avec anxiété peut apparaître en
début de l’effet de la substance et doit, si elle persiste, faire
revoir la posologie.
• Les règles de surveillance sont rigoureuses. Avant
traitement, les enfants et adolescents doivent avoir une
consultation de cardiologie permettant d’effectuer un
électrocardiogramme pour déceler une anomalie de
conduction et de réaliser une enquête sur les antécédents
familiaux d’atteinte cardiaque ou de mort subite. Sous
traitement, il est recommandé, avec les tricycliques, de
surveiller le pouls, la tension artérielle et l’électrocardio-
gramme à chaque augmentation des doses, ainsi qu’à
l’état d’équilibre. Durant la phase de routine du traitement, il faut mesurer le pouls et la tension artérielle. Tous
les 3 mois, il est préconisé de contrôler l’électrocardiogramme, le poids et la taille. Des guides de surveillance
des paramètres cardiovasculaires du traitement par tricycliques chez l’enfant et l’adolescent préconisant de réduire ou suspendre la thérapeutique en fonction de la
modification de ces paramètres, ont été publiés La surveillance d’un traitement antidépresseur tricyclique doit
également porter sur certains effets indésirables, tels que
l’hypotension orthostatique ou le tremblement fin des
extrémités, dont la correction est similaire à celle de
l’adulte.
Psychostimulants
De prescription ancienne et courante aux États-Unis (3
à 5 % des enfants d’école primaire sont traités par psychostimulants pour hyperactivité), les psychostimulants
constituent la famille chimique ayant donné lieu au plus
grand nombre de recherches en psychopharmacologie
(900 publications depuis 1983). Ils restent encore peu
employés en France, en dépit d’une AMM obtenue en
1995 pour le méthylphénidate (Ritaline®).
L’efficacité globale des psychostimulants a été prouvée
par de nombreuses études contrôlées contre placebo,
dans la tranche d’âge de 7 à 12 ans (37 études avec le
méthylphénidate réalisées entre 1983 et 1991, concernant
1 113 enfants) : le taux de réponses positives, exceptionnellement élevé, est évalué à 70 environ, sans différences
entre les sexes. Le reste des patients (20 à 25 %) ne montre
aucun changement ou présente des effets secondaires
rendant impossible le maintien du traitement. Le méthylphénidate a également été employé chez des enfants
d’âge préscolaire et des adolescents hyperactifs déjà (ou
encore) pénalisés par les symptômes, avec une efficacité
en tout point comparable à celle des sujets d’âge scolaire.
Les « cibles » symptomatiques préférentielles des psychostimulants sont l’hyperactivité, l’impulsivité et le trouble déficitaire de l’attention, significativement diminués.
De même, la tendance à être bruyant, la productivité à
court terme en milieu scolaire, les relations en famille et
avec les pairs en classe, l’estime de soi du patient, s’améliorent. L’action sur les troubles des conduites, éventuellement associés, est étayée par plusieurs études contrôlées
mais avec une grande variabilité interindividuelle.
Les conditions de prescription du méthylphénidate se
sont modifiées depuis l’obtention de l’AMM (31 juillet
1995). La délivrance initiale est hospitalière, réservée aux
seuls services spécialisés de psychiatrie, neurologie et
pédiatrie, valide pour 1 an seulement. Dans cette période
intermédiaire, le renouvellement de l’ordonnance est possible par tout médecin, pour la même durée, sans modification des doses indiquées. Sur un plan pratique, les
posologies journalières de méthylphénidate (comprimés
mt pédiatrie, vol. 8, n° 1, janvier-février 2005
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La prescription des psychotropes en pédopsychiatrie : mythes et réalités
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sécables à 10 mg) sont variables selon les patients. La dose
optimale se situe entre 0,5 et 1 mg/kg/j (en pratique de 10
à 60 mg/j), à atteindre progressivement avec un fractionnement du nombre des prises (deux à trois) au cours de la
journée. On tend actuellement à augmenter la durée
« globale » du traitement (celle-ci, pour un sujet donné,
est en moyenne de 2 à 4 ans aux États-Unis), et à le
prescrire chaque jour de la semaine lorsque les conflits
entre l’enfant et sa famille sont extrêmes, avec pour but
d’améliorer la qualité des échanges et de faciliter la tolérance mutuelle. A contrario, l’interruption du traitement
pendant le week-end et les vacances se justifie lorsque ces
domaines ne sont pas altérés sans médicament. L’intérêt
pratique d’un arrêt pendant les vacances d’été persiste,
permettant d’évaluer régulièrement la nécessité de poursuivre ou non le traitement.
Les effets indésirables sont peu nombreux et en général
proportionnels aux doses. Dans l’ensemble, la tolérance
est bonne, quelle que soit la tranche d’âge. Les effets les
plus fréquents, transitoires et bénins, surviennent surtout
en début de traitement : il s’agit d’insomnie d’endormissement, de diminution de l’appétit avec ou sans perte de
poids, d’irritabilité, de douleurs abdominales et de céphalées. Les effets secondaires rares sont plutôt l’apanage des
fortes doses. Le retentissement sur la croissance reste un
sujet de discussion, de même que la pratique de « fenêtres
thérapeutiques de rattrapage » de ces retards éventuels.
Aucun cas de dépendance au méthylphénidate n’a été
rapporté chez des adolescents traités pour hyperactivité,
et le produit n’a pas de retentissement cardiovasculaire
significatif. Les contre-indications sont peu nombreuses.
La seule véritable concerne les cas, non rares en pratique,
d’adolescents hyperactifs abusant de substances psychoactives risquant de détourner les psychostimulants de
leur usage thérapeutique. Dans d’autres situations cliniques, plus que de contre-indications relatives, on peut
parler de « précautions d’emploi » : l’épilepsie, associée à
une hyperactivité, réclame un équilibrage préalable du
traitement antiépileptique et une surveillance des taux
sanguins. La présence de troubles internalisés anxieux et
dépressifs comorbides constitue un risque de moins bonne
réponse au méthylphénidate avec, pour une minorité,
davantage d’effets indésirables. Quant à l’effet aggravant
du méthylphénidate sur des tics ou une maladie de Gilles
de La Tourette associée, il est l’objet de controverses, mais
semble une réalité dans certains cas.
Les règles de surveillance sont simples, essentiellement cliniques. À chaque consultation, doivent être évalués les tics, les mouvements anormaux, le poids, et tous
les 3-4 mois la taille. La compliance et l’adhésion des
parents et de l’enfant au traitement sont à évaluer périodiquement.
Deux formes LP (Ritaline LP®, Concerta®) ont été commercialisées, ce qui permet de simplifier la prise du traitement à une prise unique par jour.
Par ailleurs, une nouvelle molécule non classée dans
les psychostimulants mais proche sur le plan pharmacologique est en cours de commercialisation. Il s’agit de
l’atomoxétine. Elle est déjà commercialisée aux États-Unis
avec des premiers résultats prometteurs. Débuté à
0,5 mg/kg/jour, la dose moyenne efficace est située autour
de 1,2 mg/kg/jour. Son efficacité couvre les 24 heures.
Thymorégulateurs
Lithium
Il est surtout prescrit chez l’enfant dans les dépressions
récidivantes et résistantes et en cas d’antécédents familiaux de psychose maniaco-dépressive uni- ou bipolaire,
en cas d’hypomanie chronique ou d’état maniaque. Chez
l’adolescent, il peut être prescrit comme chez l’adulte
comme thymorégulateur. Les effets secondaires sont
moins fréquents chez l’enfant : céphalées, sédation, prise
de poids, troubles digestifs, irritabilité. La pharmacologie
du carbonate de lithium (Téralithe®) chez les sujets jeunes
diffère de celle que l’on observe chez les adultes. Sa
clairance est plus élevée chez l’enfant, ce qui explique sa
demi-vie brève (environ 12 heures) comparée à celle des
adultes, et la meilleure tolérance de doses plus élevées. Si
en France, le lithium n’a pas d’AMM avant l’âge de 16 ans,
un schéma d’ajustement thérapeutique chez l’enfant est
proposé aux États-Unis. À partir de 12 ans, une posologie
initiale de 150 à 300 mg/j et une augmentation graduelle
tous les 5 à 7 jours sont préconisées, avec un fractionnement en trois à quatre prises sur la journée, pour éviter des
pics plasmatiques trop élevés et une administration après
les repas afin de diminuer les intolérances digestives. Les
conditions de surveillance n’ont pas de particularité par
rapport à l’adulte.
La carbamazépine (Tégrétol®)
Elle est proposée comme alternative au lithium dans le
traitement des troubles bipolaires de patients adultes mais
n’a pas fait l’objet d’études contrôlées chez l’enfant et
l’adolescent. Seuls des cas isolés et une étude ouverte
portant sur un faible nombre d’adolescents suggèrent une
efficacité de ce traitement à la phase aiguë. Les effets
secondaires les plus fréquemment rapportés (somnolence,
nausées et vertiges) surviennent souvent en début de traitement. Les manifestations cutanées à type de rash sont
rares, de même que les accidents dermatologiques potentiellement graves (syndrome de Lyell). Les troubles hématopoïétiques observés sont passagers. Quelques rares cas
d’agranulocytose et d’aplasie médullaire ont été rapportés, ainsi qu’une élévation des enzymes hépatiques, mais
les accidents hépatotoxiques s’avèrent exceptionnels. La
surveillance régulière des taux plasmatiques et des enzymes hépatiques est cependant nécessaire.
Le valproate de sodium (Dépakine®), le valpromide
(Dépamide®), le divalproate de sodium (Depakote®)
Ils sont également proposés comme alternatives au
lithium dans le traitement des épisodes maniaques des
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patients bipolaires adultes ; ils n’ont pas fait l’objet d’études systématisées chez l’enfant et l’adolescent. Cependant, quelques auteurs ont rapporté leur efficacité. La
durée de vie de l’acide valproïque est élevée (environ
20 heures). Les principaux effets secondaires décrits sont
des douleurs gastro-intestinales et un tremblement. La
survenue d’une atteinte hépatique justifie la surveillance
régulière du bilan hépatique. Des études spécifiques à
l’adolescent étudiant l’efficacité et la tolérance du Dépakote® dans la prise en charge des syndromes maniques
sont en cours de réalisation.
Les thymorégulateurs sont aussi utilisés dans le traitement de l’agressivité. Le carbonate de lithium (Téralithe®)
est actuellement l’objet de controverses. Son efficacité est
argumentée par plusieurs études ouvertes et deux études
contrôlées en double aveugle contre placebo, concernant
un total de 111 prépubères ayant un type de trouble des
conduites caractérisé par un comportement agressif et
explosif. L’absence d’efficacité notée dans une troisième
étude contrôlée contre placebo, menée chez 35 enfants et
adolescents atteints de trouble des conduites, suggère une
distinction entre deux sous-types de troubles des conduites : l’un caractérisé par des comportements délictueux,
contrôlés et dissimulés, sur lesquels le lithium n’aurait pas
d’action, l’autre, dit « agressif-affectif », marqué par une
absence de contrôle de l’agressivité, un comportement
explosif et impulsif, pour lequel le lithium constitue une
indication préférentielle. Les doses proposées dans ces
études varient de 500 mg à 2 g/j, avec des taux plasmatiques de 0,8 à 1,2 mEq/L. Un délai d’action de 3 à 6 semaines à doses optimales est préconisé pour juger de l’efficacité thérapeutique. Une étude contrôlée en double
aveugle contre placebo, comparant le lithium et l’halopéridol dans le trouble des conduites, a montré une action
égale des deux produits, et une meilleure tolérance du
lithium, dont les effets secondaires les plus fréquemment
notés sont des nausées, des vomissements.
L’action antiagressive de la carbamazépine (Tégrétol®)
est étayée par de nombreuses études ouvertes chez
l’adulte. Chez l’enfant, dans le trouble des conduites, son
utilisation repose sur les résultats positifs d’études antérieures à l’utilisation de systèmes de classification consensuels dont la méthodologie est peu rigoureuse.
Tranquillisants et sédatifs
Benzodiazépines
Leur action principale est anxiolytique. Elles sont encore, et particulièrement en France, beaucoup trop prescrites chez l’enfant et souvent considérées à tort comme
une panacée dont la prise est « anodine », alors que les
risques de dépendances aussi bien physiques que psychiques sont loin d’être négligeables.
Elles peuvent avoir une utilité dans le cadre de l’urgence, dans les troubles anxieux sévères réactionnels
(deuil, traumatisme) ou non. On peut, après un traitement
en urgence qui reste classiquement prescrit par voie IM,
bien que celle-ci n’entraîne pas un pic plasmatique plus
rapide étant donné la voie métabolique de ces substances,
employer le Valium® ou le Lexomil® par voie orale en
plusieurs prises quotidiennes, en ajustant la posologie au
cas par cas. La prescription doit toujours être limitée dans
le temps (15 jours au plus), ce qui exclut une prescription
« chronicisée » pour troubles anxieux chroniques. Leur
indication pour insomnies doit être extrêmement pesée,
étant donné la complexité de la psychopathologie de ces
troubles.
Barbituriques
Les barbituriques ne doivent pas être prescrits pour des
raisons psychiatriques ou psychologiques.
Annexe. Un exemple de prescription
en pédopsychiatrie
Julie est une enfant de 12 ans amenée par sa mère car
leur relation est devenue très difficile depuis plusieurs
mois. En effet, Julie vérifie le contenu de tous les placards,
qu’elle ouvre plusieurs fois par jour. Par ailleurs, elle
manipule les interrupteurs, allumant et éteignant les lampes sans arrêt. Elle ne sait pas pourquoi elle agit ainsi, mais
elle ne peut pas s’empêcher de le faire. La maman n’en
peut plus et se fâche, sans pour cela que ces troubles du
comportement ne s’améliorent : au contraire, ils s’amplifient.
Lors de cette première consultation, le pédopsychiatre
propose à la maman de parler de son histoire.
Madame explique qu’elle a toujours voulu avoir une
fille. Elle a rencontré son mari chez des amis et a vécu
rapidement avec lui. Après la naissance de Julie, elle s’est
totalement consacrée à elle, cherchant à lui donner tout ce
qu’elle n’avait pas reçu enfant. Elle ne voulait surtout pas
ressembler à sa mère qui l’avait rendu très malheureuse.
Voulant s’inscrire dans une relation exclusive, elle
interdit au père d’intervenir dans sa relation avec sa fille,
ce qu’il a accepté.
Très absent du fait de son travail, les relations se
distendent peu à peu et Madame demande le divorce
lorsqu’elle se rend compte que son mari la trompe.
Le couple se sépare 6 mois avant la consultation.
Pour Madame, cette séparation n’a pas de rapport avec
les difficultés de Julie puisque son père ne s’est jamais
vraiment occupé d’elle. D’ailleurs, elle souligne que Julie
ne veut pas voir son père.
Cependant, Madame confie que le divorce l’a cependant beaucoup épuisée psychiquement et qu’elle est actuellement en arrêt maladie pour dépression. Elle a toujours refusé de prendre un traitement antidépresseur car
elle craint de devenir « dépendante ».
C’est son médecin généraliste qui lui a conseillé de
venir consulter un pédopsychiatre pour Julie en lui parlant
de « TOC » (troubles obsessionnels compulsifs).
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La prescription des psychotropes en pédopsychiatrie : mythes et réalités
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Durant toute cette partie de la consultation, Julie
écoute sa mère avec agacement à certains moments. Elle
souhaite être aidée mais elle ne veut pas parler devant sa
mère. Madame ne comprend pas... elle dit : « On n’a pas
de secret ».
Le pédopsychiatre demande cependant l’autorisation
de parler seul avec Julie ; ce que Madame finit par accepter.
Julie dit aussitôt qu’elle se fiche de son père et qu’elle
ne veut pas parler de lui. Elle montre pourtant beaucoup
de tristesse dans son regard dès qu’on l’évoque. Le pédopsychiatre peut lui dire que, finalement, ce n’est peut-être
pas si facile de voir ses parents se séparer.
Julie ajoute alors qu’elle en veut à son père car sa mère
lui a dit qu’il avait une autre femme. Elle se sent énervée
par sa mère : pourtant c’est la seule personne sur laquelle
elle peut compter et elle ne veut pas lui faire de la peine.
À propos « des placards et des lampes », elle dit que
ses comportements répétitifs la gênent mais elle ne peut
pas les éviter, craignant que si elle les abandonne, il
n’arrive « un malheur ».
Le pédopsychiatre conclut l’entretien en présence de
Julie et sa mère sur le fait qu’effectivement les symptômes
évoquent un trouble obsessionnel compulsif sur le versant
compulsif, mais qu’il y a sûrement des choses à comprendre autour de cela. Il évoque l’existence de traitements,
mais que pour l’instant il fallait prendre un peu de temps
pour faire plus connaissance. En effet, la mère est très
réticente aux traitements médicamenteux pour elle-même
et Justine n’est pas demandeuse. Une prescription trop
rapide serait sûrement difficile à faire accepter et risquerait
aussi d’empêcher la mise en place du nécessaire travail
parallèle de remise en sens des symptômes.
Un autre rendez-vous est proposé trois semaines plus
tard.
Lors de cette seconde consultation, Madame évoque
que les troubles sont devenus encore plus importants, que
la fréquence des rituels a augmenté et que, désormais,
Julie ne peut plus aller à l’école.
Madame est très inquiète et souhaite qu’un traitement
médicamenteux soit entrepris. Elle a regardé une émission
télévisée à ce sujet, puis a visité un site Internet spécialisé
sur ces questions. Dans le forum, des personnes lui ont
recommandé la sertraline.
Julie, reçue seule, exprime qu’elle ne veut plus aller à
l’école, car elle pense toujours à la maison et aux placards.
C’est trop difficile d’écouter les professeurs. Elle est très
malheureuse car elle a peur de redoubler.
Le pédopsychiatre propose alors de débuter un traitement par sertraline.
Julie, pèse 41 kg et le traitement est débuté à une dose
d’une gélule de 25 mg. Un rendez-vous est pris une semaine plus tard afin d’augmenter la dose si le médicament
est bien toléré.
Le pédopsychiatre évoque la possibilité d’effets secondaires (céphalées, nausées, troubles du sommeil). Il précise que ces troubles sont transitoires, intervenant surtout
au début du traitement.
Par ailleurs, il explique que la sertraline est un antidépresseur n’entraînant pas de dépendance. Par contre, sa
prescription doit se prolonger plusieurs mois pour être
efficace. Il rappelle que ce traitement « symptomatique »
représente une sorte de béquille qui ne peut exclure la
nécessité d’un travail d’élaboration autour de la compréhension des symptômes dans des entretiens mère-fille,
dans un premier temps.
Il précise qu’il proposera au père de venir en consultation afin de l’associer au traitement, ce que Julie et sa
mère acceptent.
Julie a été suivie 4 ans. Elle a bénéficié d’un traitement
par sertraline, dont la posologie a été augmentée à 75 mg
au bout d’un mois et maintenu pendant 2 ans.
Les rituels ont complètement disparu après 9 mois de
prise régulière.
Au bout d’un an, une première tentative de baisse de
traitement avait été responsable d’une légère rechute. Il
faut dire que Julie tenait beaucoup à son traitement et
qu’elle avait peur de s’en séparer.
Par ailleurs, Julie, 6 mois après la première consultation, a entamé une psychothérapie analytique individuelle, une fois par semaine, avec une psychologue du
Centre médico-psychologique.
Les entretiens mère-fille avec le pédopsychiatre référent se sont poursuivis au rythme d’une fois par mois tout
au long de la prise en charge. Durant ces entretiens, les
difficultés de séparation de Julie et de sa mère ont pu être
peu à peu verbalisées, ainsi que la crainte de Julie d’exprimer son agressivité vis-à-vis de cette mère qui « faisait tout
pour elle »... un peu trop !
Le père n’a accepté de venir qu’une seule fois et n’a
pas souhaité poursuivre davantage.
Voici un exemple de prescription de psychotrope en
pédopsychiatrie. Il est significatif du fait que la prise en
charge ne peut se résumer à la prise d’un traitement
médicamenteux : le médicament reste une précieuse aide
symptomatique s’inscrivant dans un dispositif de soin plus
large, incluant une prise en charge individuelle et un
travail familial.
Références
1. Vantalon V, Lecendreux M, Mouren-Siméoni MC. Indications des
traitements psychotropes chez l’enfant. In : Encycl Méd Chir, Psychiatrie ; 37-209-A-10. Paris : Elsevier, 1999.
2. Epelbaum C. Place des psychotropes en psychiatrie infantile. In :
Ferrari P, Epelbaum C, eds. Psychiatrie de l’enfant et l’adolescent.
Paris : Médecine-Sciences Flammarion, 1993 : 536-52.
3. Agence Française de sécurité sanitaire des produits de santé
agmed.sante.gouv.fr.
4. Banque de Données Automatisée sur les Médicaments.biam2.org.
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