Comment garder la bonne distance

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Sexualité des patients
Comment garder la bonne distance
Infirmière, Laurence Verani fonde, en 1991, l’association Arches (Association de réflexion, de communication hospitalières et éducatives pour la santé) qui a organisé le congrès européen “Sexualité et santé” en
1994, à Paris. Puis elle a mené, durant plusieurs années,
le programme européen de recherche “Tabous et
santé”. Entretien.
T
oujours membre d’Arches,
Laurence Verani est actuellement infirmière dans un service
hospitalier se consacrant aux maladies infectieuses.
Chez les patients, les inquiétudes
concernant les effets d’une pathologie, d’un traitement, d’une
opération, sont fréquentes. Les
infirmières peuvent-elles y répondre aisément ? L’expérience
hospitalière n’est-elle pas précieuse pour les infirmières travaillant en ville et confrontées
aussi au problème ?
Laurence Verani : Je ne crois pas
que les infirmières soient toujours
en mesure de le faire. Tout d’abord,
parce que les patients n’osent pas
toujours leur confier ces soucis, ou
aborder avec elles ce sujet délicat.
Même si le patient osait le faire, par
ailleurs, l’infirmière pourrait, elle,
se sentir très mal à l’aise. Bien sûr,
son malaise est souvent dû à un
manque éventuel d’informations.
Elle ne dispose pas toujours des
connaissances précises lui permettant de répondre à ces questions.
Mais en général, il s’agit surtout
d’une gêne liée au tabou de la
sexualité. Une infirmière de chirurgie digestive, par exemple, côtoie des patients qui viennent de
subir une opération pouvant affecter, par la suite, leur sexualité.
Or, l’infirmière n’a pas étudié ces
effets possibles lors de sa formation
initiale. Si rien n’est fait au sein du
service, la gêne face à cette méconnaissance s’ajoute à celle du tabou de l’intimité. A la moindre
question du malade à ce sujet, elle
se sentira gênée. Elle va “piquer un
fard” à tous les coups.
Que faire ?
L.V. : Il faudrait au moins qu’elle
fasse le point avec le chirurgien,
par exemple sur le retentissement
exact des interventions pratiquées
sur la sexualité.
Doit-elle étudier la sexologie ?
L.V. : Peut-être. Mais l’aide concernant la sexualité du patient devrait relever de connaissances de
base. Lors de ma formation initiale, on ne m’a jamais présenté
les retentissements des troubles
de la prostate sur la sexualité. Or,
répondre à ces questions nécessite aussi de pouvoir expliquer les
conséquences d’un cancer de la
prostate ou d’une opération sur
la sexualité.
Que faire à l’hôpital ?
L.V. : Il faudrait d’abord faire le
point dans les services, afin de s’assurer que l’équipe connaît précisément les conséquences d’un traitement ou d’un acte chirurgical.
Mais au-delà des simples connaissances, il faut admettre qu’il s’agit
d’aspects souvent tabous qui ne
rendent pas la communication
toujours aisée. L’infirmière, se
heurtant à ses propres peurs, n’ose
pas s’engager sur un terrain qu’elle
sent, par avance, glissant. Cela
transparaît d’ailleurs dans l’exhortation faite aux jeunes professionnelles : elles doivent savoir garder,
coûte que coûte, la “bonne dis-
tance thérapeutique”. Mais quelle
est, au fond, la bonne distance ?
Est-ce nier certaines préoccupations particulièrement intimes ?
Ou bien est-ce pouvoir répondre
simplement au besoin qui s’exprime ? Si l’on vise cette seconde
situation, alors il reste encore
beaucoup de travail à faire pour aider la soignante à être à l’aise avec
ces questions.
Dans la pratique, cette exhortation à la bonne distance veut exprimer une mise en garde, censée
aider l’infirmière à se protéger de
l’épuisement professionnel. Elle
ne fait que manifester le tabou de
l’intimité dans la relation soignant-soigné.
Ces zones d’ombre sur la sexualité participent-elles d’un ensemble de tabous que l’on retrouve
dans les soins ?
L.V. : Oui. Nos études menées en
Europe ne font que le confirmer.
Être “proche du patient” présente
vite une connotation ambiguë. La
fameuse “bonne distance” doit être
la règle. Nous craignons, par
exemple, de proposer un massage,
en raison d’une éventuelle ambiguïté sous-jacente. C’est pourquoi,
pour toute question intime, les soignants disent souvent qu’ils n’ont
pas le temps. J’admets que cela
prend du temps d’être proche.
Mais cet argument finit par s’ériger en faux problème. Au fond, ce
n’est qu’une façon de vouloir se
préserver. Car l’intimité du patient
nous renvoie, comme un miroir, à
nos émotions et nos peurs.
De telles réticences nuisent-elles
à la qualité des soins ?
L.V. : Sans aucun doute. L’intime
est au cœur de la qualité des soins.
Si nous nous heurtons déjà à de
nombreuses résistances à ce stade,
comment réagirons-nous face à
des personnes souffrant de
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 23 - janvier-février 2001
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Sexualité
pathologies graves ou en fin
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de vie ? Aucun accompagnement
digne de ce nom risque d’être possible s’il n’y a pas, au préalable,
une relation authentique entre
soignant et soigné.
Supposée protéger le soignant,
cette prétendue “bonne distance”
devient vite une injonction paradoxale impossible à satisfaire. On
nous dit “Soyez proches, faites
des soins personnalisés” d’une
part, mais “N’en faites pas trop et
sachez garder la bonne distance”
d’autre part. Nous devons à la fois
développer une pratique vraie, et
éviter de trop nous y investir. Il
faut trouver des solutions pour
sortir de ce dilemme. Sinon, il devient un piège.
Propos recueillis par
Marc Blin
Les différents types d’aide au patient
Au-delà de l’information que doit donner tout soignant, il existe des
traitements et des consultations spécifiques. Cela peut aider des
femmes et des hommes confrontés à des difficultés ou des troubles
de la sexualité.
• Les consultations en sexologie, avec un sexologue, permettent de
faire le point grâce à un bilan médical sur les difficultés rencontrées.
Des techniques, un travail psychologique, des traitements, peuvent
être alors proposés à la femme comme à l’homme, en fonction de
ses choix personnels : absence de vie sexuelle, vie sexuelle solitaire ou
en couple.
• Les consultations de psychologie : si tout diagnostic d’atteinte physiologique de la fonction sexuelle est écarté, des difficultés peuvent
relever de la relation entre conjoints, ou bien de son évolution à l’occasion de la maladie de l’un d’eux. Les consultations relevant de la
psychologie et de la psychosexologie (que les méthodes soit psychanalytiques ou systémiques) peuvent aider un couple.
• Les traitements mécaniques : il en existe deux types. De simples
anneaux peuvent être utilisés quand une érection spontanée, dont la
durée est considérée comme insuffisante, est possible. Par ailleurs, le
vacuum est une pompe à vide, utilisée quand il n’y a pas d’érection spontanée. Aucune de ces aides n’est remboursée par la Sécurité sociale.
• Les traitements chimiques sont essentiellement des injections intracaverneuses, et maintenant une gélule bleue devenue célèbre, le
Viagra®. « Le Viagra ne développe pas le désir sexuel, précise Alain
Giami, chercheur à l’Inserm (unité 292), co-auteur de la dernière
grande étude sur la sexualité des Français et d’un rapport sur l’impuissance. Les “pannes” d’érection peuvent bénéficier des effets du
Viagra®. Cette pilule bleue permet d’avoir une érection au moment
voulu, quand on est excité. » Le Viagra® (sildénafil) est prescrit aux
paraplégiques, sujets souvent jeunes et exempts de troubles cardiovasculaires. Son usage est plus simple que l’injection de papavérine.
Celle-ci requiert en effet un apprentissage. Le patient doit apprendre
à se piquer, ou le conjoint à piquer son partenaire en cas de tétraplégie. Des tests permettent de déterminer la dose nécessaire et suffisante pour susciter l’érection. Aucun de ces traitements n’est pris
en charge par la Sécurité sociale.
• Les prothèses péniennes implantées lors d’une intervention chirurgicale ont une indication limitée, en raison des risques de complication et de la lourdeur de cette technique.
M.B.
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Brèves...
Des congressistes
déçus
Nos amis d’Infiweb manifestent
leur mécontentement quant à
l’organisation du Congrès international des infirmiers francophones au Québec. En outre,
l’Ordre infirmier du Québec
ne semble pas avoir joué la
carte de la collaboration avec
les infirmiers des autres pays.
L’impression ressentie, malgré
une autosatisfaction affichée,
est que le système au Québec
n’est en rien supérieur aux
autres, y compris le système
français. Infiweb s’élève contre
l’idée que l’Ordre du Québec,
sous couvert du SIDIEF, organise le congrès prévu en
France dans trois ans, évinçant
notamment l’ANFIIDE qui
s’était impliquée au Québec
mais qui y a joué un rôle de
figuration. Infiweb rappelle la
nécessité d’une union pour
préserver l’indépendance et les
sensibilités de chaque pays,
afin de jeter les bases d’un prochain congrès international, en
France, fondé sur une valeur
sûre : la liberté.
Urgences à Nice
Le CHU de Nice qui se compose de cinq établissements
principaux a restructuré le service des urgences et inaugure
la nouvelle formule de l’accueil. La Confédération des
urgences adultes regroupe les
services du CHU impliqués
dans la prise en charge des urgences. Ses activités sont placées sous la responsabilité
d’un coordonnateur. La Fédération des urgences adultes
regroupe les quatre services :
accueil et traitement des urgences, médecine générale
d’urgence, polyclinique, réanimation polyvalente.
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