Pour l’exercice de la chimiothérapie, outre la présence dans
l’établissement d’un praticien compétent plein temps, il faut
respecter un certain nombre de dispositions : les modalités
d’administration et de surveillance des chimiothérapies sont
formalisées de même que les procédures pour réaliser des
chimiothérapies en urgence. Dans ce dispositif, la pharmacie
de l’établissement joue en rôle essentiel, notamment pour la
sécurité de préparation des anticancéreux qui doit être
centralisée dans des locaux dédiés (avec isolateur à hotte
ou à flux laminaire), sous la responsabilité du pharmacien.
Celui-ci assure par ailleurs la traçabilité de toute la chaîne de
prescription (préparation-dispensation-transport) et la
centralisation de tous les protocoles de chimiothérapie.
Pour la chirurgie, outre la qualification dans la spécialité,
les chirurgiens doivent justifier d’une activité régulière
et l’organisation de l’activité opératoire doit permettre
des réaliser des examens anatomopathologiques extempo-
ranés. Pour la chirurgie digestive, les indications opératoires
doivent être validées en RCP avec présence du chirurgien
pour les cancers de l’œsophage, du foie, du pancréas et
du rectum sous-péritonéal ; l’accès à l’endoscopie digestive
opératoire et à la radiologie interventionnelle doit être
organisé.
Pour la radiothérapie, la présence d’un radiothérapeute et
d’un radio-physicien sur place est nécessaire pendant
les traitements qui sont réalisés par deux manipulateurs.
Les critères techniques de planification et de dosimétrie
sont validés dans chaque centre : paramétrage des fais-
ceaux, logiciels de calculs, double vérification du temps de
traitement, enregistrement des paramètres de traitement,
dosimétrie in vivo…Les patients traités doivent être suivis
une fois par an pendant 5 ans au minimum.
Dans tous les cas sont nécessaires : une RCP formalisée
systématique, un dossier médical exhaustif, un plan de
formation des personnels soignants, une démarche qualité
(réunions de morbi-mortalité par exemple), une auto-
évaluation annuelle des pratiques, une traçabilité des
décisions, de la chaîne médicamenteuse et des traitements.
Le calendrier de mise en œuvre de ces décisions se fera par
étapes : révision des schémas régionaux d’organisation
sanitaire (SROS) entre mars et septembre 2008, autorisa-
tions délivrées par les agences régionales de l’hospitalisa-
tion (ARH) entre octobre 2008 et novembre 2009, délai
de mise en conformité de 18 mois. L’ensemble des disposi-
tions sera opposable entre fin 2010 et début 2011 selon les
régions. A terme, seuls les établissements membres d’un
réseau de cancérologie et garantissant sécurité et qualité
seront donc susceptibles de réaliser les traitements du
cancer.
Habilitation des praticiens
La pratique de la chimiothérapie est réservée aux seules
catégories de praticiens habilités que sont les oncologues
médicaux et, dans le cadre exclusif de leur spécialité, aux
titulaires d’un DESC de cancérologie ou de la compétence
ordinale. Le DESC est ouvert aux spécialistes en formation
ayant commencé leur 3
e
cycle en 1982 ; la compétence est
délivrée par une commission nationale sur dossier.
Ces règles sont en vigueur depuis de nombreuses années
[5] et n’ont fait l’objet d’aucune évolution positive récente.
Au contraire, deux dispositions récentes limitent encore
l’accès à la chimiothérapie.
Le décret 252 du 21 mars 2004, en application d’une loi
européenne, précise les modalités de délivrance par le
Conseil national de l’Ordre des qualifications de spécialistes
et supprime la notion de compétence complémentaire à
une spécialité ; ainsi, depuis cette date la délivrance aux
spécialistes de la compétence ordinale n’est plus possible :
il faut choisir sa spécialité, cancérologue ou hépato-
gastroentérologue. La source d’HGE « compétents » en
cancérologie digestive s’est donc tarie depuis 4 ans.
Les pouvoirs publics envisagent de mettre en place dans
les mois à venir des mesures transitoires permettant la
reconnaissance d’une compétence en chimiothérapie sur
la base d’une validation des acquis ; 500 HGE sont, en
effet, titulaires d’un DU ou DIU de cancérologie digestive
qui, pour l’instant, ne confère aucun droit légal à prescrip-
tion. La formation initiale doit également être revue :
refonte en collaboration avec les oncologues de la
maquette du DESC et revalorisation de la cancérologie
dans l’enseignement du DES d’Hépato-gastroentérologie.
Enfin, la loi du 13 août 2004 (« Dispositions relatives aux
soins pris en charge par l’assurance maladie ») permet à la
Sécurité Sociale de bloquer tout remboursement de soins
effectués par un médecin n’ayant pas la qualification
requise.
Réflexions et perspectives
La pratique de la cancérologie (digestive) ne peut plus être
une démarche individuelle solitaire ; elle est collégiale et
pluridisciplinaire, fondée sur une organisation concertée
et une prise en charge globale au sein d’une structure
agréée disposant d’autorisations spécifiques qui nécessi-
tent de respecter certaines règles d’organisation et des
plateaux techniques suffisants. Ces contraintes environne-
mentales et réglementaires s’appliquent à tous et les
hépato-gastroentérologues désireux de s’investir en
cancérologie doivent en tenir compte.
La cancérologie ne se limite pas à la chimiothérapie ; savoir
porter les bonnes indications thérapeutiques, assurer le
dépistage et la surveillance des patients sont aussi
importants sinon plus qu’administrer des drogues antican-
céreuses. Il faut donc s’impliquer dans les RCP et peser sur
les choix de stratégies thérapeutiques plutôt que subir ou
solliciter l’avis d’autres praticiens supposés plus compé-
tents ! Pour être entendu et écoutés, discuter d’égal à
190 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 17 n
o
3, mai-juin 2010
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