Laetitia Morlat. Mémoire de master « Anthropologie et métiers du développement » : La capitalisation de l’équipe « Appui
aux activités communautaires » du programme Twize, juin 2007. 4
INTRODUCTION
« Sur des kilomètres le long des deux voies bitumées et à
perte de vue sur les dunes, comme des champignons ont
poussé, des maisonnettes grandes comme des boîtes
d’allumettes, des baraques lilliputiennes, des tentes
informes… disposées à la diable en un tableau indescriptible.
Depuis des semaines, matin et soir, tout ce qui roule est mis à
contribution pour porter la logistique d’une véritable
conquête foncière : baraques toutes prêtes, planches (…) »
? NOUAKCHOTT : UN MIRAGE EN PLEIN DESERT1
Partie de rien, ou plutôt de quelques tentes et d’un poste de contrôle en 1960, la ville de
Nouakchott, capitale de la Mauritanie rassemble aujourd’hui près d’un tiers de la
population du pays. Depuis les années 1970, les flux migratoires en provenance de
l’intérieur du pays n’ont pas cessé. Poussés à rejoindre la capitale à cause de la sécheresse,
c’est par quartiers entiers que les Mauritaniens viennent peupler la ville. Des zones se
couvrent donc à une vitesse vertigineuse de petites baraques en bois et de maisons en
parpaings et deviennent ce que l’on appelle communément des « kebbe2.» Non préparés à
une telle affluence, les pouvoirs publics réagissent à coup de recasement des habitants
illégaux des kebbe dans des zones périphériques où ils leur attribuent des terrains. D’autres
espaces de la ville, définis comme des zones à lotir, ont été investis illégalement, ce qui
leur donne le nom de « gazra3 », par des habitants cherchant à devenir propriétaires.
Les kebbe, les gasra, les zones de recasement, quelque soit leur nom et leur statut foncier,
sont des parties de la ville en manque cruel d’équipements et d’infrastructures urbaines.
Elles ne sont pas desservies par les réseaux de transport collectif. L’électricité n’y est pas
présente et l’éclairage se fait avec les moyens du bord : fils tirés à même le sol, bougies,
lampes à pétrole. L’eau est acheminée depuis les bornes fontaine jusqu’aux habitations par
des charretiers à un coût nettement plus élevé que dans les quartiers du centre. Les postes
de santé sont éloignés et ont une capacité d’accueil et de traitement des cas bien inférieure
aux besoins. Les services de collecte des ordures ménagères sont quasiment inexistants et
les détritus s’amoncèlent dans les espaces vides. Les quartiers périphériques de la ville
dégagent souvent un sentiment d’abandon, d’isolement. Les habitations surgissent ça et là,
faites de bric et de broc, sans un arbre pour abriter ses occupants, sans une allée pour y
1 Choplin, p. 8
2 Terme hassaniya qui signifie dépotoir, lieu d’entassement des ordures.
3 Terme hassaniya qui signifie « occuper par la force ».