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examine les fondements théoriques1 du système mercantile, des Économistes et de Smith
de manière à rejeter une grande partie des arguments des deux derniers. Finalement, en
1815, il en propose une critique systématique en confrontant ces systèmes aux statistiques
disponibles, reprenant par-là le projet d’une arithmétique politique comme fondement de
l’économie politique2.
Ces écrits montrent l'existence d'un débat portant sur les principes fondateurs de
l'économie politique et mettant en jeu trois auteurs ou groupe d'auteurs (Smith, Quesnay et
les Économistes, les tenants du système mercantile). A ce stade, les questions
méthodologiques ne prennent pas une place très considérable3 en comparaison des
réflexions portant sur le contenu économique des systèmes mis en confrontation. Prenons-
en quelques exemples.
D'une manière unanime les auteurs rejettent la doctrine de la productivité exclusive
de l'agriculture : il ne saurait être question d'admettre que seul le travail appliqué à la terre
donne un surproduit. L'argument, déjà employé au 18ème siècle, mettant l'accent sur
l'interdépendance des travaux est mobilisé à nouveau. G. Garnier explique : « Distinguer le
travail des ouvriers de l'agriculture d'avec celui des autres ouvriers, est une abstraction
presque toujours oiseuse. Toute richesse est nécessairement le résultat de ces deux genres
de travail (...) A quoi peut-il donc servir d'examiner laquelle de ces deux sortes de travail
contribue le plus à l'avancement de la richesse nationale ? N'est-ce pas comme si on
disputait pour savoir lequel du pied droit ou du pied gauche est plus utile dans l'action de
marcher ? » (Garnier 1802, I : vi-vii). Ganilh va dans le même sens en soulignant, ainsi qu'il
a l'habitude de le faire, l'importance du commerce : « le travail ne nous paraît concourir à la
richesse que par l'échange, et il semble que c'est par l'échange seul qu'on aurait dû juger de
ses propriétés particulières et générales. Mais ce n'est pas ainsi que les économistes français
l'ont apprécié ; ils l'ont considéré isolément dans ses diverses espèces, les ont opposées les
1 A propos de cet ouvrage, il déclare : « Je m'étais persuadé qu'en mettant aux prises les systèmes avec les
systèmes, les doctrines avec les doctrines, les opinions avec les opinions, on pourrait les concilier sur
plusieurs points, les rapprocher sur quelques autres, et réduire les oppositions à un petit nombre de cas qu'on
aurait à peine aperçus dans un cercle aussi étroit ; et que dès lors la science fixée sur les points essentiels par
l'assentiment de l'unanimité, où du plus grand nombre des écrivains triompherait de la résistance des
administrations, trouverait des encouragements dans l'opinion publique, et parviendrait insensiblement à
mettre fin à toutes les controverses. » (1815, I : 27)
2 « Ainsi, il me semble que du tableau de la richesse actuelle d'un peuple, de son emploi et de ses produits, on
peut s'élever non seulement à la connaissance des causes de la richesse de ce peuple, mais même à
l'établissement des principes créateurs de la richesse moderne, et à la véritable théorie de l'économie
politique. » (Ibid. : 35)
3 Chez G. Garnier, les considérations de méthode servent à justifier son point de vue sur la compatibilité
existant entre Smith et Quesnay une fois que ceux-ci sont placés au niveau méthodologique qui est le leur
(théorie abstraite (Quesnay) / réflexion plus empirique (Smith) ; chez Ganilh, les considérations
méthodologiques servent à justifier les points de vue qui sont les siens et qui s'opposent, selon lui, à ceux des
économistes abstraits (Smith et Quesnay).