
 
 Séminaire «  Archéologie des Humanités » 
Institut des Humanités de Paris 
 atelier du 28 janvier 2011 
 
« Le partage Humanités/Science au prisme de l’histoire et de la philosophie des sciences» 
 
Présenté par David Rabouin (SPHERE, CNRS, Paris 7) avec la collaboration de Pascal 
Crozet (SPHERE, CNRS, Paris 7) et de Koen Vermeir (SPHERE, CNRS, Paris 7). 
Compte-rendu par Florence Dupont. 
 
La stabilisation de la notion actuelle de « Science » est, d’un point de vue historique, relativement récente. Elle a 
d’ailleurs fait l’objet, au cours des siècles, de débats et de négociations qui sont loin d’être clos. Une des missions 
de l’histoire des sciences est de rappeler la fragilité et la labilité de ces découpages disciplinaires que les derniers 
venus,  toujours  persuadés  d’avoir  atteint  l’état  achevé  du  savoir,  ont  tendance  à  dénier.  L’opposition  des  « 
humanités  » et  des  « sciences  » hérite  de cette  fragilité  et  rend  difficilement  compte  de la  manière dont les 
différentes disciplines se sont nourries et interpénétrées au cours des âges. Ainsi se distinguent clairement deux 
projets de constitution des « humanités » : l’un, par démarcation, qui entendrait constituer et défendre un domaine 
face à un autre ; l’autre, par intégration, qui, prenant acte de la fragilité des découpages disciplinaires, prendrait 
son départ dans ce dialogue parfois conflictuel entre les disciplines (qu’elles soient « scientifiques » ou « littéraires 
», « dures » ou « molles » , etc..). Dans cette séance, trois historiens des sciences exposeront brièvement trois 
moments de découpage des  savoirs (Grec, Arabe et Médiéval, Classique)  afin de nourrir la discussion sur le 
partage « Humanités/Science » et la manière dont nous pouvons l’appréhender et l’utiliser aujourd’hui. 
 
David Rabouin : Mondes anciens 
 On ne trouve jamais un concept science qui soit stabilisé. Que ce soit un concept 
englobant  et  général,  ou  un  concept  pluriel  « les  sciences ».  Même  pour  une  seule 
discipline. L’idée selon laquelle il y aurait un moment ou l’autre de l’histoire où ce concept 
se serait stabilisé ne se vérifie pas. Que ce soit en Grèce, aux 4ème et 3ème s av JC,  où 
l’on a cru voir la naissance de la science moderne. De façon arbitraire – fameux « miracle 
grec » qui a fait son temps -  car on pourrait aussi bien l’assigner avant et ailleurs, par 
exemple chez les Mésopotamiens dont les pratiques intellectuelles ne sont ni moins ni 
plus « scientifiques » que celles des Grecs. 
On a cru voir dans le mot grec epistémè,  la notion de sciences. Or il s’emploie pour 
bien d‘autres pratiques intellectuelles où nous ne reconnaîtrions pas un « sciences ». La 
dialectique, par exemple,  chez Platon est une epistémè, Et chez Aristote la métaphysique 
aussi est une épistémè. 
Un autre concept grec semble plus stable signifié par le neutre pluriel : mathèmata 
(savoirs)  sur le radical du verbe manthanein (apprendre, faire connaître). Correspond au  
latin disciplina et discere. Il  s  ‘agit  de  savoirs  enseignables,  donc  positifs,  susceptibles 
d’être  transmis  par  des  livres  et  traités.  Cette  idée  de  savoir enseignable,  mathèmata 
remonterait au rhéteur Isocrate. Cf. Bernard Vitrac. (Biblio sur internet) 
Cette notion plurielle – mathèmata -, de savoirs transmissibles, conduit les Anciens à 
établir des catalogues de mathèmata. Ces catalogues varient d’un auteur à l’autre, avec la 
même question : qu’inclut-on ?  Et qu’exclut-on ? La géographie entre et sort, comme la 
physique. Ces catalogues ne permettent même pas de définir un noyau dur de mathèmata 
présent dans tous, sauf un seul mathèma : la musique  (jusqu’à Rameau). 
La question de la classification des sciences est donc très ancienne, présente en 
Grèce ancienne, liée à une réflexion sur les mathèmata comme catégorie plurielle des 
savoirs, dont le contenu de chacune est aussi variable. Il ne faut pas être victime de la 
similitude des dénominations.