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Préface
Monsieur Roger Fauroux, ancien Ministre de l’Industrie,
et ancien Président du Haut Conseil à l’Intégration
Sur une question aussi importante et aussi émotionnelle que
celle de la diversité, il faut de la rigueur et il faut aussi beaucoup
d’émotion. On peut penser que l’AFIP a choisi la bonne approche
sur une question qui sécrète beaucoup d’idéologies et beaucoup
de concepts, en adoptant une voie pragmatique avec des parte-
naires actifs: les intermédiaires de l’emploi et des entreprises, les
diplômés, ceux qui ont déjà un emploi et ceux qui n’en ont pas.
Tous ensemble sont en train de fabriquer des outils, ce qui
est bien préférable au fait de brasser des idéologies. En effet, il
est encore beaucoup trop tôt pour l’élaboration d’une méthode
- les esprits ne sont pas mûrs, les problèmes sont encore controversés — mais il est extrême-
ment utile de commencer à concevoir des outils. La France se situe dans une phase d’expéri-
mentation et est en retard par rapport à beaucoup de ses voisins. Il faut élaborer des outils et
le pragmatisme est la seule bonne voie.
Je suis favorable aux statistiques ethniques qui permettent, au niveau d’une expérimenta-
tion, d’avoir une grille pour apprécier les résultats. De même, certaines grandes entreprises,
comme Axa, ont entamé la démarche de CV anonyme et il est très important, d’ici un an ou
deux, de savoir si celle-ci mène ou non à un résultat. Par ailleurs, lorsqu’un maire affirme qu’il
a 30 % d’immigrés dans ses HLM, comment le sait-il? D’une manière ou d’une autre, il établit
des statistiques. Les ZEP ne supposent-elles pas de pratiquer à la fois le comptage et la discri-
mination positive?
Il convient donc d’instaurer des méthodes tout à fait «civilisées», qui protègent l’anony-
mat des personnes et ne pratiquent pas une affectation ethnique. De plus, il ne faut pas, bien
entendu, que l’entreprise conserve de telles mentions dans ses fichiers. Cette démarche
requiert deux conditions préalables: elle doit être effectuée sur la base du volontariat et dans
l’anonymat. Elle doit être élaborée à partir de statistiques qui ne s’inscrivent pas dans un pro-
cessus d’identification personnelle.
La principale vertu de cette mesure sera pédagogique. En effet, l’adversaire principal de
l’intégration n’est pas le racisme, mais le déni ou même l’ignorance. Travaillant auprès de Jean-
Louis Borloo, j’ai eu l’occasion de rencontrer le DRH d’un grand groupe industriel et de lui
demander comment il faisait pour lutter contre la discrimination. J’ai cru qu’il allait «tomber
de sa chaise». Sans être raciste pour un sou, ma question lui paraissait tout à fait incongrue,
car l’idée que l’on puisse discriminer des personnes selon leur origine ethnique lui semblait sans
fondement. Suite à cette conversation, je me suis procuré les fichiers des cadres et je me suis
livré à une analyse patronymique — la démarche était dangereuse mais je n’avais pas d’autre
moyen: pas un seul cadre ne portait un nom exotique. Je recensai quelques femmes issues
d’ethnies différentes et qui avaient épousé des «Franco-Blancs», ainsi que des personnes ori-
ginaires d’Outre-mer, reconnaissables à leurs noms et prénoms, ce que j’ai fait remarquer à
mon interlocuteur.