PRESSE ŒDIPE
Jean-Claude Seguin met en scène la première pièce de
Voltaire et offre à des comédiens fougueux et enthou-
siastes l’occasion de revisiter avec panache l’histoire
tragique du malheureux Œdipe.
Arouet est à peine Voltaire quand il écrit Œdipe, mais, déjà, sourd de son écriture sa haine implacable de
l’Infâme et de ses « pontifes ». Le vertueux Œdipe (incarné avec force par le beau Vincent Domenach, poitrine
haletante et corps pantelant) et l’intelligente Jocaste (à laquelle Marie Grudzinski offre la belle et tranquille
assurance d’une grande reine) gouvernent Thèbes avec sagesse. Jocaste a accepté dans son lit le vainqueur du
sphinx, même si son cœur demeurait épris de Philoctète. Celui-ci revient à Thèbes, et se retrouve accusé du
meurtre de Laïos : l’étranger est le bouc émissaire idéal de la cité pestiférée. Mais le grand prêtre (François
Chodat, remarquable de hiératisme puant et de pompe odieuse) se plaît à ménager le suspense pour mieux
torturer le monarque, qui s’ignore parricide et incestueux, et ainsi abreuver au compte-gouttes les dieux
assoiffés. Sur un sol recouvert de latex gris, les protagonistes maudits de cette tragédie épouvantable se
débattent dans les filets qu’a tissés le destin et que manipule, d’une main sadique et retorse, son serviteur
encapuchonné, aux allures d’inquisiteur sournois. Luc Ducros, Antoine Herbez et Juliette Wiatr incarnent avec
sincérité et assurance les seconds des deux héros. La gloire, si chère au théâtre classique, fait de ces
personnages des résistants valeureux qui, par leur courage, ravalent les puissances célestes au rang de tyrans
sanguinaires et brutaux. Les vers de Voltaire composent une diatribe redoutablement efficace, et sont l’occasion
d’énergiques formules contre l’ignominie des persécuteurs religieux. Servie par une troupe harmonieuse, cette
pièce orchestre une petite musique iconoclaste et anticléricale, dont les allergiques à la calotte se régaleront
avec bonheur.
LA TERRASSE, Catherine Robert, février 2012
UN PROPOS INTEMPOREL, ACTUEL ET ÉTERNEL
Œdipe, de Voltaire, tragédie la plus jouée au XVIIIe siècle, n’avait pas été donné depuis 1852. Ce qui est une
originalité est-il un gage de qualité, l’Histoire ayant fait un tri défavorable au théâtre dans les œuvres de
Voltaire ? Eh bien oui ! Certes, on trouve distillé tout au long de la pièce l’anticléricalisme féroce de l’auteur de
Candide. La façon dont il ne peut s’empêcher de lancer des piques en est presque comique, mais au moins doit-
on admettre qu’elles visent chaque fois juste. Le paradoxe est que l’auteur met son anticléricalisme (« ils
approchent des dieux mais ils sont des mortels », « notre crédulité fait toute leur science »...) dans la bouche
de Jocaste qui, par amour, est celle qui se trompe le plus. Et on peut penser qu’il était trop intelligent pour ne
pas le faire à dessein... Pour le reste, il s’agit d’une œuvre en vers et, si les premiers déconcertent, très
rapidement la diction devient fluide et acquiert ce balancement agréable à l’oreille qui rend la compréhension
facile. Les éclairages sont travaillés, justes, en phase avec l’ambiance du moment. Une musique renforce
l’aspect mystérieux, étrange, de la situation. Les costumes rendent le propos intemporel, actuel et éternel.
Rapidement se construit une ambiance globale, lancée par le grand-prêtre et le prince Philoctète. À partir de là
les personnalités se révèlent en même temps que le mystère s’épaissit. Malgré l’heure tardive à laquelle elle est
donnée, cette pièce ne risque pas de laisser le public s’endormir, loin de là...
FRANCE CATHOLIQUE, Pierre François, janvier 2012
UN MYTHE ANCESTRAL
Pour sa première pièce, Arouet, 24 ans, prend le pseudonyme de Voltaire et reprend le mythe ancestral
d'Œdipe. Cette tragédie marquera le début de ses succès au théâtre. Elle n'avait jamais été remontée depuis et
on aurait pu craindre, pour le 160e anniversaire de la dernière représentation, une simple adaptation. Il n'en est
rien, fort heureusement, du texte, très beau, en alexandrins, pour servir cette tragédie grecque. Une mention
particulière à Œdipe / Domenach dont la prestation est de toute beauté.
LEXTIMES, A. A.
ENTRE TRAGÉDIE ET MÉLODRAME
Exhumer une œuvre de jeunesse de Voltaire,
redonner la parole au malheureux Œdipe :
le Théâtre du Loup blanc gagne ce pari gonflé.
Jean-Claude Seguin aime les grands textes. Il nous a gratifiés d’une sauvage Rodogune dont tous les
festivaliers se souviennent, aujourd’hui il met en scène une tragédie de Voltaire jamais représentée depuis
1852 alors qu’à son époque, elle connut un succès retentissant. Voltaire n’a que 24 ans lorsqu’il fait représenter
Œdipe en 1718. Il ambitionne de surpasser ses aînés ; il les admire, les encense, les déteste, les renie…
Une tragédie policière
Dans un festival d’Avignon où le mot théâtre prend tout son sens, découvrir une de ces perles endormies dans
le répertoire classique est un plaisir délectable. La langue est belle, les alexandrins bien construits, le voca-