Acte I : Le fantôme.
L'acte I plonge le spectateur dans une atmosphère shakespearienne (référence à
Hamlet le spectre du père de Hamlet apparaît la nuit à des soldats en faction
au château d'Elseneur). Cocteau combine les étapes et les genres en associant
tragédie antique et drame élisabéthain, pour montrer que le théâtre est
intemporel et réactualiser le mythe antique.
Le lange des tonalités apparaît, comme si le dramaturge prenait ses distances
par rapport aux conventions du genre tragique, et comme s'il revendiquait déjà
sa liberté créatrice grâce à la fantaisie verbale. Comique et pathétique alternent
dans une pièce qui semble ainsi à mi-chemin entre tragédie et comédie.
De nombreux effets d'annonce sont livrés à la perspicacité des
spectateurs/lecteurs.
Phrases à valeur prophétique.
o À l'acte III Œdipe dit : « Eh bien, plus je m'éloignais de ma ville,
plus j'approchais de la tienne, plus il me semblait rentrer chez
moi. »
o La pâte immonde qui agresse Jocaste, annonce la relation
incestueuse mère-fils.
Certains objets ont une valeur prémonitoire.
o L'écharpe rouge qui a déjà failli étrangler Œdipe.
o La broche qui dès le premier acte est présentée comme celle qui
« crève l'œil de tout le monde. »
Des effets de miroirs entre personnages contribuent à anticiper le
dénouement.
o La cécité de Tirésias annonce celle d'Œdipe. Elle montre que leurs
parcours se rejoignent, que la lucidité spirituelle compte plus que le
regard physique.
o Le jeune soldat de l'acte I, qui émeut Jocaste, a le même âge et la
même apparence physique que son fils. Cette rencontre annonce le
retour d'Œdipe et suggère l'attirance entre la mère et le fils.
Acte II : Rencontre d'Œdipe et du sphinx.
Jeu chronologique subtil. La Voix invite à un déplacement spatio-temporel en
demandant de se livrer à une superposition imaginaire des actes I et II, procédé
moderne, inconcevable dans la dramaturgie antique. Le spectateur/lecteur a le
pouvoir magique de remonter dans le temps.
Apparition d'Œdipe et du (de la) sphinx. La scène est caractérisée par
l'ambiguïté est le mélange des tonalités :
Dialogue proche du badinage amoureux.
Côté spectaculaire et angoissant de cette scène qui se déroule dans un lieu
qui prend une allure fantastique.
L'ambivalence règne en maître, la jeune fille, dont la robe blanche
symbolise l'innocence et la pureté, se métamorphose en un monstre ailé.
À la fin de l'acte on voit les formes géantes des « dieux cruels » Anubis et
Némésis jouant avec le destin du héros, comme avec celui de tous les
autres pauvres hommes.
Acte III : La nuit de noces.
L'atmosphérique est plus intime et plus sensuelle, mais chaque précision
descriptive prend une signification ambiguë et contribue à créer un climat irréel,
étouffant : chaque détail prend rétrospectivement un sens prémonitoire ou
provoque une forte impression de malaise.
La couleur rouge de la chambre de Jocaste semble annoncer la mort à venir.
C'est la couleur du crime et de la fatalité tragique dans toute la pièce : Le
spectre du roi a une tache rouge à l'oreille droite (Acte I).
C'est une référence à la mythologie personnelle de Cocteau : Le suicide de
son père avec une tache rouge près de l'oreille droite.
Cet acte est celui de l'accomplissement inéluctable du destin, avec un effroyable
aspect mécanique, comme pour retarder l'instant fatal de la consommation
incestueuse et en accentuer la condamnation.
Acte IV : Œdipe roi.
C'est l'acte le plus proche du modèle antique, d'où son titre qui fait référence à
la tragédie de Sophocle.
L'accumulation des malheurs lui donne une tonalité pathétique conforme à la
tradition.
La Voix, véritable coryphée, annonce que c'est le seul moment où l'éternel
enfant Œdipe peut devenir un homme, et c'est ce qui donne au héros toute sa
grandeur.
Œdipe en se crevant les yeux devient un nouveau voyant comme le devin aveugle :
il voit « clair » en lui-même.
Paradoxalement le piège ourdi par les « dieux infernaux » est source de
libération pour Œdipe qui assume son destin. La pièce se termine sur une tonalité
optimiste, et l'histoire d'Œdipe se transforme en mythe.
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