II. Les blogs de marque
Les entreprises évoluent dans un environnement Web qui a considérablement
changé et leurs clients sont de plus en plus proches d'elles. Dans le cas le client
serait insatisfait d'un produit ou d'un service il y a seulement quelques années, il était
difficile d'identifier la personne à qui s’adresser et surtout d'avoir une réponse d'un
service clients qui soit réellement personnalisé.
Très répandu parmi le grand public (plus de 4 millions de blogs en France,
pour environ 10 millions de lecteurs), le phénomène commence à gagner le monde
professionnel. Il est désormais inimaginable, pour un chef d'entreprise qui se veut un
peu branché, de ne pas créer son propre blog. Au fur et à mesure, de plus en plus
d’entreprises optent pour cet outil de communication direct et spontané. Parmi les
plus intéressées : les détentrices de grandes marques, désireuses de soigner leur
image.
Aux Etats-Unis, la plupart des grandes marques se sont lancées sur le terrain
et commencent à récolte depuis quelques années les fruits de leurs investissements,
en termes d'image et de relation clients. En France on a assisté à des débuts
difficiles et pas toujours bien accueillis par les "blogueurs historiques", qui voient
souvent dans ces initiatives des tentatives de récupération marketing.
A. Les faux départs
En France, Vichy est devenu un cas d'école comme l'une des premières
marques de grande consommation à avoir subi une crise avec un blog et surtout à en
être sortie. Lorsque le blog « Le journal de ma peau » est lancé par l'équipe Vichy et
son agence en 2005, il accumule malheureusement l'ensemble des erreurs pouvant
être commises sur un blog de marque. En premier lieu, ses créateurs ont inventé un
personnage de toutes pièces, appelé Claire, qui était censée commenter son
expérience avec le produit mais manquait totalement d'authenticité: les textes étaient
rédigés par un concepteur-rédacteur et la photo qui se trouvait sur le blog était une
photo professionnelle. Le blog n'est pas un "vrai" blog. Les commentaires étaient trop
modérés, les critiques n'apparaissaient pas en ligne au début et d’autres
caractéristiques essentielles qui manquaient. En quelques heures le site a reçu de
nombreuses critiques dont une revenait avec insistance : ce blog est du pur
marketing. La marque a eu du courage de s'aventurer parmi les toutes premières sur
ce terrain glissant. L'équipe produits et l'agence ont simplement reproduit sur un blog
les recettes de la communication traditionnelle et inventé une jolie histoire.
Malheureusement cela ne fonctionne pas comme ça sur les blogs ; les lecteurs et
les clients de Vichy voulaient de l'authenticité. Le "cas Vichy" a rapidement fait le tour
des médias.
En conséquence, la marque a demander de l’aide. Elle a d'abord reconnu
avoir entendu la critique principale des blogueurs: l'invention de Claire. La vraie
équipe produits Vichy s'est ensuite présentée, photo à l'appui, plus de personnages
inventés. Les dizaines de blogueurs qui avaient critiqué la première version
commencent rapidement à saluer le courage de l'équipe et commence à lui faire des
suggestions, tandis que Vichy se met à l'écoute. La principale suggestion des
blogueurs est d'impliquer des vraies femmes intéressées pour tester des produits, ce
que Vichy s'est empressé de faire en réunissant une dizaine de blogueuses. Celles-
ci ont testé le produit en postant librement des commentaires sur le blog de Vichy et
parfois sur le leur, qu'ils soient positifs ou négatifs. Le blog est aussi animé pendant
le test par une blogueuse qui avait eu beaucoup de commentaires sur sa note sur le
blog de Vichy, Sophie Kune. Le produit étant d'excellente qualité, les commentaires
ont été globalement très positifs, transformant au final l'expérience en buzz positif
pour la marque autant sur les blogs que dans la presse.
Cerise sur le
gâteau : l'audience commence à être au rendez-vous et le blog génère un quart de
l'audience des sites Vichy, soit environ 7.000 visiteurs par mois.
Dans un autre registre, Sandrine Groslier, directrice générale adjointe de
Thierry Mugler Parfums, avoue être un peu déçue du résultat d’ « Inconnue.fr », un
blog littéraire ouvert pour le lancement du nouveau parfum de la marque. "Certains
blogueurs n'ont pas ressenti notre authenticité. Peut-être aurions-nous nous
mettre plus en avant", avance-t-elle. Le blog aurait tout de même reçu entre 300 et
400 visites par jour durant ses trois mois de présence sur le Web.
Pour les premiers qui se sont essayés au blog, il en ressort donc quelques
règles d'or. "Il est préférable que le blogueur soit extérieur à la marque", affirme
Sophie Kune, elle-même blogueuse avant de travailler sur le blog de Vichy, puis de
reprendre en main celui de Celio. Autre impératif : gérer la présence de sa marque
avec transparence. Si l'habillage entier d'un blog aux couleurs de sa marque n'est
pas forcément opportun, il est préférable de la faire figurer clairement.
Les grandes marques sont d'autant plus enthousiastes qu'elles se trouvent
face à un objet facile à mettre en place, où l'investissement est souple. Pour
quelques milliers d'euros, elles peuvent développer un site qui, s'il fonctionne,
fidélisera la clientèle. Alors, le blog, un outil facile, pas cher mais pour avoir un
minimum de succès, il faut consentir un investissement humain très important.
B. Buzz Positif ou Négatif ?
Les marques peuvent toujours s'inspirer des succès stories du blog. L'exemple
le plus probant est Nike. La marque américaine réunit des dizaines de milliers de
visiteurs uniques par mois, et des millions de pages vues, sur son blog français
TheDailySnkr, dédié aux collectionneurs de baskets. Fermé un certain temps, le blog
a depuis essaimé et engendré plusieurs autres blogs, créés par des internautes
souhaitant prolonger l'expérience. Une dynamique tout bénéfice pour la marque, qui
assure désormais un buzz permanent autour d'elle sans débourser le moindre
centime.
Cette dynamique marche également dans l’autre sens : le cas le plus connu
est l'affaire Kryptonite, aux Etats-Unis. Il s'agit d'un des acteurs majeurs sur le
marché des antivols de vélos et de motos aux Etats-Unis. Un des clients de
l'entreprise a réussi à ouvrir un des antivols les plus distribués avec un simple stylo
bille en plastique. Cette anecdote était restée confidentielle, entre quelques amis.
Manque de chance pour la marque, c'est le blog « Engadget », lu par des centaines
de milliers de personnes dans le monde, qui a relayé le premier en Septembre 2004
(la vidéo avait d'abord été diffusée sur bikeforums.net) une petite vidéo enregistrée
avec un appareil numérique quelconque. Immédiatement cette affaire est reprise sur
des milliers de blogs et des dizaines d'autres blogueurs parviennent avec succès à
ouvrir d'autres antivols avec un stylo bille, beaucoup en profitent pour publier à leur
tour leur vidéo. Quelques jours après l'histoire finit finalement dans beaucoup de
grands médias comme le New York Times ou Associated Press alors que la société
diffuse un communiqué de presse dans lequel elle assure qu'il n'y a aucun problème
avec ses antivols.
D'après le magazine Fortune, plus de deux millions de lecteurs de blogs ont consulté
la vidéo en moins de dix jours, délai après lequel la société se résout finalement à
rappeler et échanger gratuitement tous les antivols. Le coût estimé par Fortune de
l'échange et de l'impact des blogs sur l'image de l'entreprise est de dix millions de
dollars. Le problème du Buzz négatif, c’est que lorsque la société perd un client, elle
ne perd pas seulement ce client, mais elle risque de perdre tous ces amis. Avec
Internet et les blogs, les clients ont de plus en plus d'amis et dans le monde entier.
Un des tout premiers avantages d'un blog d'entreprise ou du blog d'un chef de
produit est justement l'information permanente qui provenant des clients. Plutôt que
d'être inaccessible, le chef est tout d'un coup à un clic, et les commentaires donnent
une transparence importante aux produits puisque n'importe qui peut venir féliciter ou
critiquer tel ou tel produit. C'est un risque, mais aussi une opportunité nouvelle d'être
proche de son client et de fédérer autour de soit une communauté qui aura
beaucoup plus de valeur que les enquêtes de satisfaction, études de marché et
autres "focus groups" que les entreprises paient des fortunes, lorsque le blog aura un
peu d'audience évidemment.
Autre exemple de réussite, « Vous les hommes »... A première vue, rien dans
ce titre ne semble évoquer directement une marque. Il n'y a pourtant ni dissimulation,
ni publicité cachée dans ce blog, tenu par une jeune femme qui livre ses impressions
quotidiennes sur les hommes et les vêtements. C'est bien Celio, le célèbre fabricant
de vêtements masculins, qui commande ce carnet en ligne.
La marque est bien mentionnée sur le site, mais sa présence reste discrète :
pas d'énorme bandeau publicitaire, ni de catalogue. « Même si la démarche est
transparente et clairement publicitaire, il ne faut pas que le lecteur se sente envahi »,
glisse Sophie Kuhn, l'auteur qui, à la demande de la marque, anime le site depuis
juin. Car pour jouer à fond le jeu du blog, Celio n'a pas fait appel à un spécialiste du
marketing, mais plutôt à une blogueuse chevronnée, qui a été choisie pour son style
et sa connaissance des usages de la blogosphère. Et le résultat est positif : pas de
levée de boucliers de la part des blogueurs, qui semblent au contraire prendre plaisir
à débattre ensemble. Il n’y a rien d’extraordinaire, mais le fait est que le respect de
l'internaute semble payer : le blog de Sophie Kuhn accueille près de 600 visiteurs par
jour. On se rend bien compte que les blogs qui réussissent à se construire une
crédibilité sur un sujet ont un impact considérable.
D'où l'idée, mise en pratique par l'agence de publicité Influence, de proposer
aux marques des espaces publicitaires sur les blogs les plus réputés. En septembre
dernier, une publicité pour Audi est ainsi passée, via ses services, dans les pages et
les flux RSS de Pointblog, un blog consacré aux nouvelles technologies. Une
première qui, selon Influence, a rapporté entre 5000 et 10 000 euros, répartis entre le
blogueur et l'agence.
Malgré les efforts déployés par les marques, l'impact des blogs reste limité ; ils
permettent de toucher une clientèle ciblée, mais restreinte. Parmi les quelques
millions de blogs français, les plus visités atteignent, au mieux, 5 000 visiteurs par
jour. Très loin des millions de téléspectateurs d'une émission de télé, perçus comme
autant de consommateurs potentiels aux yeux des marques. Le blog est bon pour
l'image, mais son efficacité s'arrête là. Ce que confirme Patrick Amiel, de l'agence de
marketing MRM Worldwide, qui affirme en souriant : « Si certaines marques pensent
faire grimper leurs ventes en créant un blog, elles se fourrent le doigt
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