cours - Vincent Berthet

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Psychologie évolutionniste
Vincent BERTHET
Maître de conférences
Plan
1.
2.
3.
4.
5.
Génétique : rappels
La théorie de l’évolution
Les fondements de la psychologie évolutionniste
Le comportement d’accouplement chez l’homme
La génétique comportementale
1. Génétique : rappels
L’ADN
• L’ADN (fonction) :
 signifie acide désoxyribonucléique
 est une molécule présente dans toutes les cellules vivantes, leur noyau
(cellules eucaryotes) ou leur cytoplasme (cellules procaryotes)
 détermine la synthèse des protéines (chaînes polypeptidiques), par
l'intermédiaire de l'acide ribonucléique (ARN)
 est le support de l'hérédité car il est transmis lors de la reproduction
• L’ADN porte l'information génétique : il renferme l'ensemble des
informations nécessaires au développement et au fonctionnement d'un
organisme
 ADN  protéines  cellules  tissus  organes  organisme
L’ADN
• L’ADN (structure) :
 prend la forme d’une double-hélice,
constituée de deux brins
complémentaires
 chaque brin d'ADN est constitué d'un
enchaînement de nucléotides
(A, G, C et T)
 un nucléotide est composé d’une
base azotée, d’un sucre
(désoxyribose), et d’un
groupement phosphate
 l'information génétique est inscrite
dans l'ordre dans lequel
s'enchaînent les quatre nucléotides
Les gènes
• Un gène est une séquence d'ADN qui code pour la synthèse d'une
protéine
 l'ensemble du matériel génétique d'une espèce constitue son génome
 l'ensemble des gènes d’un individu constitue son génotype
 l'ensemble des caractères observables d’un individu (physiologiques,
morphologiques, et comportementaux) constitue son phénotype
• Le passage du génotype au phénotype correspond au processus
d’expression des gènes dans lequel l’environnement joue un rôle
important
 deux individus peuvent avoir le même génotype mais des phénotypes
différents (et inversement)
Les chromosomes
• La longue molécule d’ADN est
segmentée, chaque segment
correspond à un chromosome
• La visibilité des chromosomes varie
en fonction du cycle cellulaire :
 en dehors des phases de division
cellulaire, l’ADN prend la forme d’un
long filament appelé chromatine
 lors des phases de division cellulaire,
les chromosomes se condensent
 les chromosomes sont le plus souvent
représentés sous leur forme condensée
et dupliquée
Source : Wikipédia
Les chromosomes
• Un organisme animal possède deux types de cellules : des cellules
somatiques (qui représentent la majorité des cellules d’un individu) et
des cellules germinales (ou sexuelles) qui sont susceptibles de former
les gamètes (spermatozoïdes et ovocytes)
• Les cellules somatiques sont diploïdes : les chromosomes qu’elles
contiennent sont présents par paires (2n chromosomes)
 les chromosomes de chaque paire sont homologues : l’un provient du
père, l’autre provient de la mère
 le génome de l’espèce humaine comporte 23 paires de chromosomes
(22 paires d’autosomes et 1 paire de gonosomes)
• Les cellules sexuelles sont haploïdes : les chromosomes qu’elles
contiennent sont présents en exemplaires uniques (n chromosomes)
 lors de la fécondation, la cellule-œuf reçoit ainsi 23 chromosomes du
père et 23 chromosomes de la mère : elle est diploïde
Les chromosomes
• Dans les cellules somatiques, comme chaque chromosome est présent
en deux exemplaires, chaque gène est présent en deux versions : une
version d’un gène correspond à un allèle
 le fait qu’un gène possède plusieurs allèles dans une population est
appelé polymorphisme génétique
– un gène est polymorphe s'il possède au moins deux allèles à une
fréquence égale ou supérieure à 1 %
– le nombre d’allèles par un gène est très variable suivant les gènes
(jusqu’à 50 allèles)
allèle A
 les allèles d'un gène occupent tous le
même locus sur un même chromosome
chromosomes
locus
homologues
 exemple :
– le gène qui code le caractère groupe
allèle B
sanguin est situé sur le chromosome 9
– ce gène possède 3 allèles différents : A, B et O
L’hérédité
• L’hérédité est la transmission, au sein d'une espèce vivante ou d'une
lignée de cellules, de caractères d'une génération à la suivante
• On distingue deux formes d’hérédité :
 l’hérédité des caractères innés (hérédité mendélienne) : le support de
l’hérédité est le matériel génétique
– une caractéristique innée est une caractéristique déterminée
génétiquement dont le développement ne fait pas l’objet d’un
apprentissage (elle n’est pas nécessairement présente à la
naissance, exemple : les dents chez l’homme)
 l’hérédité des caractères acquis (hérédité non-mendélienne) : le
support de l’hérédité n’est pas le matériel génétique (épigénétique)
2. La théorie de l’évolution
Theodosius Dobzhansky (1973) :
« Rien en biologie n'a de sens, si ce n'est à la lumière de l'évolution. »
La théorie de Lamarck
• Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) a été le premier à proposer une
théorie transformiste de l’évolution des espèces
 Lamarck a publié sa théorie dans Philosophie zoologique (1809)
• Pour Lamarck, l’évolution des espèces est une nécessité
 son raisonnement est le suivant : les espèces doivent vivre en équilibre
avec leur environnement pour survivre, or les données géologiques
montrent que l’environnement terrestre change de façon continue, par
conséquent, les espèces doivent nécessairement changer elles aussi
• Lamarck décrit deux tendances de l’évolution des espèces :
 la première tendance est la complexification : l’organisation des êtres
vivants devient de plus en plus complexe au cours du temps
 la seconde tendance est la diversification : les êtres vivants se
diversifient en fonction des pressions environnementales
La théorie de Lamarck
• Lamarck décrit deux « lois » pour expliquer la seconde tendance :
 la première loi est la loi d’usage et de non-usage : un organe utilisé de
façon fréquente se développe dans le sens de l’usage qui en est fait, au
contraire, un organe non utilisé se détériore (atrophie)
– cette loi est résumée dans la formule d’Aristote : « la fonction crée
l’organe »
 la deuxième loi est la transmission des caractères acquis : les êtres
vivants peuvent transmettre à leur descendance des changements
organiques ou morphologiques qu’ils ont acquis au cours de leur vie
• Lamarck donne notamment deux exemples pour illustrer ces deux lois :
 l’allongement du cou de la girafe : en essayant d’atteindre les feuilles
hautes dans les arbres, le cou et les pattes des girafes s’allongent et cet
allongement se transmet de façon imperceptible aux descendants
 l’atrophie des yeux de la taupe
La théorie darwinienne
• Charles Darwin (1809-1882) est l’auteur de la principale théorie de
l’évolution des espèces
 il formule – la première partie de – sa théorie dans l’ouvrage :
De l'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la
préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie (1859)
• L’apport scientifique majeur de la théorie darwinienne n’est pas la mise
en évidence de l’évolution des espèces mais la proposition d’une
explication causale de cette évolution
• Avant les travaux de Darwin, l’idée que les espèces évoluent était déjà
relativement répandue
 les données archéologiques de l’époque montraient que la morphologie
des individus d’une espèce évoluait au cours du temps et que celle-ci
était adaptée à la niche écologique qu’ils occupaient
 les données que Darwin a lui-même recueillies au cours de son voyage
à bord du Beagle (1831-1836) confirment cette idée
La théorie darwinienne
– exemple : les différentes espèces de pinsons des îles Galapagos ont
des becs très différents selon leur régime alimentaire
feuilles
insectes
graines dures
cactus
• Avant l’avènement de la théorie darwinienne, aucune théorie n’était
capable de décrire un mécanisme causal qui explique l’évolution des
espèces
 les explications étaient de nature téléologique : les espèces évoluent
parce que l’évolution a une finalité
 les explications téléologiques ne sont pas scientifiquement acceptables
La théorie darwinienne
• Pour comprendre le cœur de la théorie darwinienne, imaginons que la
Nature soit un ingénieur devant résoudre le problème suivant :
assurer la perpétuation des individus sachant que l’environnement
change continuellement et que ses variations sont imprévisibles
• La théorie darwinienne postule que la réponse élaborée par la Nature
pour résoudre ce problème comporte trois principes : le principe de
variation, le principe d’hérédité, et le principe de sélection
1. Le principe de variation
• Le premier élément de réponse trouvé par la Nature est de proposer à
chaque génération des individus avec des génotypes différents en
espérant que certains génotypes codent pour des traits phénotypiques
adaptés à l’environnement
 ce principe correspond à un apprentissage par essai/erreur : pour être
sûr de trouver une solution adaptée à une situation donnée, on propose
plusieurs solutions
La théorie darwinienne
• Au niveau biologique, le principe de variation est implémenté dans le
phénomène de mutation génétique : il s’agit d’un changement dans la
séquence de nucléotides qui caractérise un gène
 une mutation génétique :
– se produit généralement au cours de la réplication de l’ADN
– est rare et aléatoire
– peut coder (ou pas) pour un trait phénotypique qui donne lieu (ou
pas) à un avantage adaptatif
– peut être due à plusieurs mécanismes
La théorie darwinienne
Les différents mécanismes à l’origine des mutations génétiques :
Source : Wikipédia
La théorie darwinienne
2. Le principe d’hérédité
• Le principe de variation n’est pas suffisant : imaginons qu’une mutation
génétique se soit produite chez un individu et que son influence sur le
phénotype donne lieu à un avantage adaptatif
 si cet individu est le seul à bénéficier de cet avantage adaptatif, il n’y a
pas d’évolution de l’espèce
 pour qu’il y ait évolution, la mutation génétique en question doit être
transmise aux descendants
• Au niveau biologique, cela signifie que seules les mutations génétiques
qui affectent les cellules germinales (ou sexuelles) sont susceptibles
de donner lieu à une évolution car ces mutations se transmettent au fil
des générations au sein d’une population
La théorie darwinienne
 une telle mutation génétique :
– affecte l'ADN des cellules souches d'un gamète lors de la formation
ou de la vie des gamètes
– est présente dans le génotype de l'embryon alors qu’elle n’était pas
présente dans le génotype des parents
– est héréditaire (ainsi que le trait phénotypique qu’elle code)
– définit un nouvel allèle du gène correspondant (et contribue ainsi au
polymorphisme génétique)
• Au contraire, les mutations génétiques qui affectent les cellules
somatiques ne sont pas héréditaires car elles ne sont pas présentes
dans les gamètes
 une telle mutation génétique :
– ne définit pas un nouvel allèle du gène correspondant
– est sensible aux facteurs mutagènes (exemple : rayons ultraviolets)
La théorie darwinienne
3. Le principe de sélection
• Dans l’ensemble des individus, seuls ceux dont les traits phénotypiques
sont adaptés à l’environnement parviennent à se reproduire
• Il y a donc une sélection des individus et cette sélection est naturelle
(bottum-up) dans le sens où elle n’est pas réalisée par une entité
extérieure (top-down)
population
• Pour le principe de sélection, Darwin s’était
inspiré des travaux de l’économiste britannique
ressources
Thomas Malthus (1766-1834) qui avait noté que
sans freins, la population augmenterait de façon
géométrique (ou exponentielle) alors que les
ressources ne croissent que de façon arithmétique
 exemple :
– si tous leurs descendants survivaient, un seul couple d’éléphants
pourrait engendrer 19 millions d’éléphants en 750 ans
La théorie darwinienne
• Or au cours du temps, la taille d’une population demeure relativement
stable, ce qui implique l’existence d’un mécanisme régulateur
• Pour Darwin ce mécanisme régulateur est la sélection : la taille d’une
population demeure stable parce que certains individus ne parviennent
pas à se reproduire
 la capacité d'un individu à se reproduire correspond à son succès
reproducteur (ou valeur sélective ou fitness)
 les individus d’une population ont un succès reproducteur différentiel
• Darwin distingue deux types de sélection en fonction de la cause du
succès reproducteur différentiel : certains individus se reproduisent
plus que d’autres parce qu’ils possèdent un ou plusieurs traits
phénotypiques qui favorisent les chances :
 de survie : sélection naturelle (lutte pour la survie) (1859)
 de reproduction : sélection sexuelle (lutte pour la reproduction) (1871)
La théorie darwinienne
• La sélection naturelle et la sélection sexuelle ont pour effet de produire
des adaptations : on appelle adaptation tout trait phénotypique qui
procure un avantage reproducteur à un individu par rapport à ses rivaux,
soit au niveau de la survie, soit au niveau de la reproduction
« l’adaptation réfère à toute caractéristique fonctionnelle dont l’origine ou le
maintien doit être expliqué par le processus de sélection naturelle. »
(Buss et al., 1998)
 les adaptations sont déterminées génétiquement : elles sont codées
par des allèles
La théorie darwinienne
• D’un point de vue épistémologique, on constate que les 3 principes de la
théorie darwinienne (variation, hérédité, sélection) caractérisent un
mécanisme qui rend compte de l’évolution de façon causale :
si un nouvel allèle favorise la survie et la reproduction des
individus qui le porte, alors la fréquence de cet allèle augmente
MÉCANIQUEMENT dans la population au cours des générations
• Cette explication est bien de nature causale :
 effet : caractère adapté des individus d’une espèce à un environnement
à un instant t
 cause : à t – 1, seuls les individus adaptés à cet environnement se sont
reproduits
La théorie darwinienne
• Au départ (1859), Darwin ne mentionne que la sélection naturelle : les
espèces évoluent parce que leur environnement évolue et que seuls les
individus capables de survivre dans leur environnement se reproduisent
• La capacité de survie d’un organisme dans son environnement renvoie
à sa capacité à :
 exploiter les opportunités disponibles
dans l’environnement
Organisme
 éviter ou s’accorder avec les menaces
présentes dans l’environnement
Environnement
Caractéristiques
phénotypiques
Opportunités
Menaces
La théorie darwinienne
• L’exemple le plus célèbre d’évolution par la sélection naturelle est celui
de la phalène du bouleau
Forme pâle
Forme mélanique
Jusqu’en 1848 (Angleterre), tous
les spécimens connus sont des
formes pâles
 À partir du milieu du XIXe siècle,
la pollution a fait disparaître les
lichens des arbres et la suie les
a noircis
 À la fin du XIXe siècle, 98% des
individus sont des formes
mélaniques
• La forme pâle et la forme mélanique renvoient aux deux allèles d’un
gène
 l’effet de la sélection naturelle est d’avoir modifié les fréquences
relatives des deux allèles dans la population
La théorie darwinienne
• Mais le principe de sélection naturelle ne peut pas expliquer certaines
observations, notamment :
 la présence de caractères phénotypiques contraire aux nécessités de
survie, tels que la queue du paon (très repérable par les prédateurs)
– Darwin (1860) : « La seule vue d’une queue de paon me donne
envie de vomir »
La théorie darwinienne
La théorie darwinienne
• Mais le principe de sélection naturelle ne peut pas expliquer certaines
observations, notamment :
 la présence de caractères phénotypiques contraire aux nécessités de
survie, tels que la queue du paon (très repérable par les prédateurs)
– Darwin (1860) : « La seule vue d’une queue de paon me donne
envie de vomir »
– exemple :
Le lézard à collier
• Les couleurs des mâles sont plus vives que celles
des femelles
• On fabrique des modèles en argile peints pour
ressembler à des mâles ou des femelles
• On dépose ces leurres sur des rochers
• Au bout d’une semaine :
 35/40 des faux mâles ont été attaqués par des
serpents ou des oiseaux
 0/40 des fausses femelles ont été attaquées
La couleur brillante des mâles attire les prédateurs
La théorie darwinienne
 la présence de différences morphologiques plus ou moins marquées
entre les individus mâle et femelle d'une même espèce : dimorphisme
sexuel
– exemple : chez les vertébrés, les mâles sont souvent plus gros et
plus voyants que les femelles
Femelle : 880 kg
Mâle : 3600 kg
Femelle : 15 kg
Mâle : 30 kg
• Etant donné qu’ils sont confrontés aux mêmes problèmes de survie :
 pourquoi les mâles et les femelles d’une même espèce sont-ils
morphologiquement différents ?
 pourquoi le degré de dimorphisme sexuel varie t’il entre les espèces ?
La théorie darwinienne
• En 1871, Darwin avance l’hypothèse qu’il existe une seconde forme de
sélection des individus : la sélection sexuelle
 il publie cette théorie dans l’ouvrage : La Filiation de l'homme et la
sélection liée au sexe
• Il postule qu’en plus de la capacité à survivre, un autre critère participe
au succès reproducteur différentiel : la capacité à s’accoupler
 l’idée fondamentale de sélection sexuelle est que l’important pour un
organisme n’est pas tant de survivre que de se reproduire
• On distingue deux formes de sélection sexuelle : parmi des individus du
même sexe, certains traits phénotypiques favorisent les chances :
 d’accès aux partenaires sexuels : sélection intrasexuelle
– exemple : combats entre mâles
 d’être choisi par les individus du sexe opposé : sélection intersexuelle
– exemple : parade nuptiale
La théorie darwinienne
• Cette forme de sélection est bien une source de l’évolution des espèces
 exemple : si les femelles d’une espèce préfèrent s’accoupler avec des
mâles volumineux, alors ces derniers ont un succès reproducteur plus
important que les autres mâles : la fréquence de ce trait phénotypique
augmente au cours des générations
• La sélection sexuelle est :
 intraspécifique : elle a lieu entre des individus d'une même espèce
 sexe-dépendante : elle s'exerce différemment sur les mâles et les
femelles d'une même espèce
– chez les mâles : sélection intrasexuelle
compétition pour obtenir les femelles (« loi de la bataille »)
– chez les femelles : sélection intersexuelle
choix du meilleur partenaire possible (« loi de la préférence »)
La théorie darwinienne
• La sélection intersexuelle et la sélection intrasexuelle s’influencent
mutuellement :
 la sélection intersexuelle influence la sélection intrasexuelle
– si le choix des femelles se fait en fonction d’une caractéristique
précise, alors il y aura une compétition entre les mâles relativement
à cette caractéristique
 la sélection intrasexuelle influence la sélection intersexuelle
– une caractéristique qui donne lieu à une compétition entre les mâles
(ex : territoire) peut devenir un critère de sélection dans le choix des
femelles
La théorie darwinienne
• La plupart des adaptations sont des compromis (trade-off) entre le
critère de survie et le critère de reproduction
 exemple : la taille corporelle chez les mâles doit être suffisamment
grande pour attirer les femelles (reproduction) mais pas trop pour ne
pas attirer les prédateurs (survie)
La théorie synthétique de l’évolution
• A l’époque où Darwin a développé sa théorie, la génétique moléculaire
n’existait pas encore
 par exemple, il ne savait pas quelles étaient les sources de la variabilité
des phénotypes
• Dans les années 1930-1940, des biologistes (Fisher, Huxley, Mayr, etc.)
ont développé une théorie de l’évolution plus générale que celle de
Darwin : la théorie synthétique de l’évolution
 celle-ci intègre l'hérédité mendélienne, la théorie darwinienne, et la
génétique des populations
• Dans le cadre de cette théorie, l’évolution n’est pas envisagée au niveau
des individus mais au niveau des populations (groupements d'individus
appartenant à une même espèce)
 une population évolue lorsque la fréquence d'un ou de plusieurs allèles
se modifie à l’intérieur de cette population
La théorie synthétique de l’évolution
• La théorie synthétique de l’évolution identifie un autre mécanisme de
l’évolution : la dérive génétique, il s’agit d’une modification de la
fréquence d'un allèle au sein d'une population due à des phénomènes
aléatoires
 en raison du brassage génétique lors de la méiose, un individu ne
transmet pas la totalité de ses allèles
 la probabilité qu'un individu transmette à coup sûr la totalité de ses
allèles tend vers 1 lorsque le nombre de ses descendants tend vers
l'infini
 par conséquent, il est statistiquement inévitable qu’au sein d’une
population, certains allèles ne soient transmis à aucun descendant
• Les effets de la dérive génétique sont d'autant plus importants que la
population est petite
 plus la population est petite, plus la probabilité que les fréquences
alléliques changent au cours des générations est élevée
La théorie du gène égoïste
• La théorie actuelle de l’évolution est la théorie du gène égoïste
(Dawkins, 1976)
• Cette théorie postule que le processus de sélection ne se produit pas à
l’échelle des individus ni à l’échelle des espèces mais à l’échelle des
gènes
• Pour Dawkins, l’évolution ne consiste pas en des individus qui cherchent
à survivre et à se reproduire, mais en des gènes qui cherchent à
reproduire des copies d’eux-mêmes au cours des générations
 les gènes sont des réplicateurs : des entités dont des copies sont faites
– dans le noyau cellulaire, les gènes se dupliquent directement (mitose)
– pour se propager dans l’environnement extérieur, les gènes utilisent
des véhicules (ou hôtes) : les organismes
La théorie du gène égoïste
• En situant la sélection à l’échelle du gène plutôt à qu’à l’échelle de
l’individu, la théorie du gène égoïste peut expliquer des phénomènes qui
apparaissent comme des anomalies dans la théorie classique de
l’évolution
• Le cas le plus flagrant est celui de l’altruisme :
 l’altruisme désigne un comportement n'ayant pas d'avantage apparent
pour l'individu qui l’exécute mais qui est bénéfique à d'autres individus
 la théorie classique de l’évolution ne peut pas expliquer le comportement
altruiste car celui-ci diminue les chances de survie et de reproduction
 en fait, les instincts altruistes augmentent avec l'apparentement
 du point de vue du gène, être altruiste envers des individus avec qui on
partage des gènes permet d’augmenter leurs chances de survie et de
reproduction et par la même occasion, la propagation de ces gènes
(sélection de parentèle ou kin selection, Hamilton, 1964)
La théorie du gène égoïste
• L’altruisme est donc un cas de figure où l'« intérêt » d'un gène ne
coïncide pas avec l’intérêt, en termes de survie, de l'individu qui le porte
 « l’altruisme d’un individu cache l’égoïsme de ses gènes »
• Hamilton (1964) a formulé une règle qui décrit la condition pour qu’un
gène de l’altruisme se propage :
CA < r × BD
 CA : coût de l’altruisme sur le succès reproducteur de l’individu altruiste
 BD : bénéfice de l’altruisme sur le succès reproducteur de l’individu
destinataire
 r : proximité génétique entre les deux individus
La théorie du gène égoïste
• Dans la théorie du gène égoïste, la valeur sélective (fitness) ne désigne
plus la capacité d’un individu à se reproduire, mais sa capacité à
transmettre ses gènes à la génération suivante (nombre de copies) : il
s’agit de la valeur sélective inclusive (Hamilton, 1964)
 la reproduction est le moyen direct de propager ses gènes, mais il existe
d’autres moyens indirects (altruisme envers les individus apparentés)
La notion d’explication évolutionniste
• En épistémologie, on distingue deux grands types d’explications : les
explications causales (ou ascendantes) et les explications fonctionnelles
(ou descendantes)
• L’explication causale d’un phénomène consiste à considérer celui-ci
comme un effet et à déterminer un facteur causal antérieur
 schéma de l’explication causale : Question : « Pourquoi … ? »
Réponse : « Parce que … »
 exemple : Pourquoi Paul fait-il du sport régulièrement ? Parce que l’un
de ses amis l’a convaincu des bienfaits du sport
• L’explication fonctionnelle d’un phénomène consiste à déterminer la
fonction qu’il réalise
 schéma de l’explication fonctionnelle : Question : « Pour quoi … ? »
Réponse : « Pour … »
 exemple : Pour quoi Paul fait-il du sport régulièrement ? Pour maintenir
sa ligne
La notion d’explication évolutionniste
• La théorie de l’évolution explique les caractéristiques des organismes de
façon causale et fonctionnelle :
 explication fonctionnelle :
– « Pour quoi cet organisme possède t’il telle caractéristique? »
référence à la fonction de la caractéristique : explication spécifique
– exemple : Pour quoi avons-nous des sourcils? Pour protéger l’œil
des gouttes (pluie, sueur) et des agressions extérieures
 explication causale :
– « Pourquoi cet organisme possède t’il telle caractéristique? »
référence au processus de sélection : explication générale
– exemple : Pourquoi avons-nous des sourcils? Parce que ceux de
nos ancêtres qui possédaient des sourcils avaient des yeux mieux
protégés et donc un taux de survie et de reproduction plus élevé que
ceux qui n’en possédaient pas
(cf. explication causale et mécaniste de l’évolution)
La notion d’explication évolutionniste
• Fournir une explication évolutionniste d’une caractéristique d’un
organisme consiste à :
 décrire la fonction spécifique que réalise cette caractéristique
 montrer en quoi cette fonction spécifique augmente les chances de
survie et de reproduction (en quoi c’est une adaptation)
 apporter des preuves objectives du raisonnement
• Ainsi, construire une explication évolutionniste revient à appliquer une
démarche d’ingénierie inverse
 la démarche d’ingénierie classique consiste à partir d’une fonction et
construire un objet qui réalise cette fonction
 la démarche d’ingénierie inverse consiste à partir d’un objet pour trouver
la fonction qu’il réalise (ou plus précisément, la fonction que ses
constituants réalisent)
La notion d’explication évolutionniste
• Une approche équivalente consiste à concevoir une adaptation comme
une solution à un problème adaptatif : trouver la fonction d’une
caractéristique donnée revient à trouver le problème auquel elle répond
 exemple :
– la fonction des sourcils est de protéger les yeux des agressions
extérieures
– les sourcils sont une solution au problème de protéger les yeux des
agressions extérieures
La notion d’explication évolutionniste
Exemple 1
• Les ocelles des papillons
 les ocelles sont les taches arrondies sur les ailes de certains papillons
 la fonction des ocelles est une fonction défensive : elles imitent les yeux
d’un animal et dissuadent ainsi les éventuels prédateurs
Paon du jour
La notion d’explication évolutionniste
Exemple 2
• Les testicules chez l’homme
 pourquoi est-ce que les testicules chez l’homme se situent à l’extérieur
du corps plutôt qu’à l’intérieur?
 chez des ancêtres lointains de l’homme (oiseaux, reptiles), les testicules
se situent à l’intérieur du corps
 les spermatozoïdes doivent être produits à une température légèrement
inférieure à celle du corps (environ 33 à 34°C)
 lorsqu'un spermatozoïde se trouve dans un milieu à 37°C (ex : corps
d'une femme), il devient hyperactif (ce qui augmente ses chances de
trouver l'ovule), sa durée de vie diminue alors dramatiquement (de
quelques heures à 3 jours maximum)
 l’hypothèse de la température est validée par le fait que les testicules se
rapprochent ou s'éloignent du corps en fonction de la température
extérieure
La notion d’explication évolutionniste
Exemple 3
• Les nausées et vomissements de la grossesse (NVG)
 elles sont également appelées « nausées matinales » et elles touchent
entre 50 et 80 % des femmes enceintes
 les NVG font l’objet d’une explication psychanalytique : « la nausée
est un équivalent somatique du dégoût de la grossesse » (Chertok,
1966)
 les NVG font habituellement l’objet d’une explication physiologique :
– en cas de fécondation, l’œuf s’implante huit jours plus tard dans
l’utérus et cette implantation déclenche la production d’une hormone,
l’hCG (hormone gonadotrophine chorionique)
– l’hCG est détectable dès le 9ème jour qui suit l’ovulation et la
fécondation et sa sécrétion double tous les deux à trois jours
– c’est la libération de l’hCG qui provoquerait les nausées
La notion d’explication évolutionniste
 Margie Profet (1988) propose une explication évolutionniste des NVG
– Profet fait remarquer que si les NVG sont dues à un changement
hormonal, il n’y a aucune raison que celui-ci ne provoque pas
d’autres symptômes (hyperactivité, agressivité, …)
– son hypothèse est que les NVG seraient un moyen de protéger le
fœtus contre les toxines contenues dans les aliments
– les toxines sont des défenses élaborées par certaines plantes
– les herbivores (dont l’homme) ont élaboré des défenses contre les
toxines (foie), mais ces défenses ordinaires ne suffiraient pas à
protéger un fœtus
 Profet a apporté plusieurs arguments pour appuyer son hypothèse :
– les aliments que les femmes atteintes de NVG évitent sont ceux qui
sont riches en toxines (ex : viande rouge)
– la fréquence des NVG et la probabilité d’avorter sont inversement
corrélées
La notion d’explication évolutionniste
• Les explications évolutionnistes renvoient à des causes distales des
caractéristiques phénotypiques
• En épistémologie, on distingue les causes proximales d’un phénomène
(causes immédiates) et les causes distales (causes ultimes)
 exemple : pourquoi éprouvons-nous du plaisir lorsque nous avons des
relations sexuelles?
– cause proximale : parce que la stimulation des zones érogènes
déclenche la libération d’endorphines qui génèrent la sensation de
plaisir
– cause distales : parce que nous faire ressentir du plaisir lors des
relations sexuelles est un moyen trouvé par nos gènes pour nous
pousser à nous reproduire (et donc à les répliquer)
La notion d’explication évolutionniste
• L’explication évolutionniste est sujette à deux abus : l’appliquer à toute
caractéristique et ne pas fournir de preuves
• Toutes les caractéristiques ne peuvent pas faire l’objet d’une explication
évolutionniste car toutes les caractéristiques ne sont pas des adaptations
(caractère réalisant une fonction adaptative)
• Certaines caractéristiques sont des exaptations : une exaptation est
adaptation dans laquelle la fonction remplie actuellement par l'adaptation
ne correspond pas à celle qui était remplie initialement
 exemple :
– les pattes chez certains vertébrés (fonction actuelle : la marche,
fonction initiale : la nage)
 la notion d’exaptation s’oppose à l’idée que « la fonction crée l’organe »,
au contraire, l’évolution sélectionne la fonction que réalise un organe
La notion d’explication évolutionniste
• Certaines caractéristiques sont des conséquences, des sous-produits
(by-product) de caractéristiques qui elles sont des adaptations
 exemple :
– le fait que le sang soit rouge n’est pas une adaptation, c’est une
conséquence du fait qu’il comporte de l’hémoglobine
– le fait que les os soient blancs n’est pas une adaptation, c’est une
conséquence du fait qu’ils soient constitués de calcium
• La croyance que tout caractère est une adaptation est appelée le panadaptationnisme
 cette approche a notamment été critiquée par Stephen Jay Gould et
Richard Lewontin
La notion d’explication évolutionniste
• Le second danger de l’explication évolutionniste consiste à se contenter
d’élaborer un scénario sans fournir de preuves : cela revient à « raconter
des histoires après-coup » (after-the-fact storytelling)
 exemple :
– la plupart des gens ont des cheveux marrons parce que cette couleur
permettait à nos ancêtres singes de mieux se cacher parmi les noix
de coco
– la fonction de l’humour est de réduire les tensions interpersonnelles
– « les nez ont été faits pour porter des lunettes » (Voltaire)
 ce point faible des explications évolutionnistes renvoie à leur caractère
réfutable et testable (cf. épistémologie de Popper) : il est parfois difficile
de réaliser des expériences pour tester ce type d’explication
La notion d’explication évolutionniste
• Point épistémologique :
 expliquer un phénomène :
faire une hypothèse (scénario) + tester l’hypothèse
 interpréter un phénomène :
faire une hypothèse (scénario)
– psychanalyse
– analyse sondages d’opinion
– …
Biais : croire que parce qu’une interprétation est cohérente, alors
elle est vraie
L’évolution des hominidés
• L’homme est avant tout un primate : les primates sont apparus il y a 70
millions d'années et constituent l’un des 18 ordres de mammifères
caractérisé par :
 une vision binoculaire
 des membres à 5 doigts terminés par un ongle plat
 des mains préhensiles avec les pouces opposables
• Le dernier ancêtre commun à l’homme et aux chimpanzés remonte à
environ 7 à 8 millions d'années, très probablement en Afrique
L’évolution des hominidés
Singes africains
Chimpanzé
commun
Bonobo
Homme
7-8 millions d’années
Gorille
Orang-outan
L’évolution des hominidés
• Les hominidés sont une famille de primates qui se répartissent en deux
genres : le genre Australopithecus et le genre Homo
• Les australopithèques étaient présents uniquement en Afrique
 ils se répartissent en deux groupes :
– les australopithèques graciles
(-4.2 à -2.6 millions d'années)
– les australopithèques robustes
(-2.7 à -1.5 millions d'années)
 ils possédaient les caractéristiques suivantes :
– taille : 1m-1m50 / poids : 20-50 kg
– capacité crânienne : environ 380 cm3
– posture : bipédie partielle
– mode de vie : nomade
– alimentation : végétarien
L’évolution des hominidés
• Le genre Homo inclut l’homme moderne et les espèces proches, il se
décline en plusieurs espèces, notamment :
 Homo Habilis (-2.5 millions d'années à -1.6 millions d'années)
– taille : 1m15-1m30 / poids : 30-40 kg
– capacité crânienne : 700 cm3
– station : bipédie
– mode de vie : nomade
– alimentation : fruits, viande crue
(il prend la viande des animaux morts)
– activités : cueillette
– outils : branches et galets
L’évolution des hominidés
 Homo erectus (-1.7 millions d'années à -200 000 ans)
– taille : 1m55-1m65 / poids : 45-55 kg
– capacité crânienne : 800-1200 cm3
– alimentation : fruits, viande cuite
– activités : cueillette et chasse
(petits animaux)
– outils : racloirs et grattoirs
– découvre et utilise le feu
– a migré de l’Afrique vers l’Asie et l’Europe
L’évolution des hominidés
 Homo neanderthalensis (-250 000 ans à -30 000 ans)
– taille : 1m50-1m70 / poids : 70-90 kg
– capacité crânienne : 1500-1750 cm3
– alimentation : fruits, légumes, viande
– activités : cueillette et chasse
(gros animaux : cerf, mammouth)
– outils : haches et bifaces
– vit dans des grottes et des huttes
– enterre ses morts
– a vécu en Afrique, Europe, Proche-Orient
et Moyen-Orient
L’évolution des hominidés
 Homo Sapiens (-200 000 ans à aujourd’hui)
– taille : 1m55-1m70 / poids : 50-70 kg
– capacité crânienne : 1400-1600 cm3
– alimentation : fruits, légumes, viande,
et poisson
– activités : cueillette, chasse, et pêche
(gros animaux : cerf, mammouth)
– outils : sophistiqués
– construit des abris
– langage, art (peinture, musique)
– a vécu en Afrique, Europe, Proche-Orient
et Asie du Sud-Est
L’évolution des hominidés
• Principales caractéristiques d’Homo Sapiens :
Caractéristiques physiques
Caractéristiques psychologiques
lent
langage
petites dents
raisonnement
mauvaise vision nocturne
résolution de problèmes
vision binoculaire
créativité
vision des couleurs
organisation sociale
dextérité (mains très performantes)
expressivité faciale
gros cerveau
L’évolution des hominidés
• Evolution de la taille du cerveau des hominidés :
-4.4 MA
Ardipithecus
ramidus
300 -350 cm3
-4.2 MA
-2.5 MA
-1.7 MA
-250 000 ans
-200 000 ans
Australopithèque
Homo
habilis
700 cm3
Homo
erectus
800-1200
cm3
Néandertal
brain size:
1500-1750
cm3
Homo
Sapiens
1400-1600
cm3
380 cm3
L’évolution des hominidés
• Comme le souligne Allman (2000), si un gros cerveau permet aux
animaux de mieux faire face à des environnements changeants et
imprévisibles, alors pourquoi toutes les espèces ne possèdent-elles pas
un gros cerveau?
• En fait, les animaux avec de gros cerveaux sont rares en raison des
coûts que cette caractéristique représente :
 un gros cerveau consomme énormément d’énergie : le cerveau
représente 2% de la masse corporelle totale mais 20% des dépenses
énergétiques (9% chez les chimpanzés, 3% chez les éléphants)
 un gros cerveau prend beaucoup de temps pour arriver à maturation, ce
qui limite la vitesse à laquelle un individu peut se reproduire
 les nourrissons d’animaux à gros cerveaux sont fortement dépendants
de leurs parents
 un gros cerveau est plus vulnérable aux dommages et aux problèmes
de fonctionnement
L’évolution des hominidés
• Il y a plusieurs facteurs explicatifs de cette
augmentation :
 la socialisation : la vie en groupe d’une
façon générale et l’activité de chasse en
particulier ont nécessité le développement
de fonctions psychologiques complexes :
la représentation, la communication entre
les individus, la coopération, la mémoire,
la compréhension des intentions d’autrui,
la tromperie, etc.
Taille des groupes sociaux
• La taille du cerveau des australopithèques était en conformité avec leur
taille corporelle globale, mais chez le genre Homo, la taille du cerveau
n’a cessé d’augmenter
 la taille du cerveau humain actuel est 7 fois plus grande que celle
attendue pour un primate de notre taille
Taille du néocortex
Dunbar (1992)
L’évolution des hominidés
 l’alimentation : alors que les australopithèques étaient végétariens, les
individus du genre Homo sont passés à un régime protéiné (viande et
poisson) : leurs mâchoires et leurs dents se sont raccourcies et leur
cerveau a augmenté
exemple :
Singe hurleur
Singe araignée
– les singes hurleurs et les singes
araignées ont à peu près la même
taille corporelle
– les singes hurleurs se nourrissent
de feuilles alors que les singes
araignées se nourrissent de fruits
3. Les fondements de la
psychologie évolutionniste
Origines
• Thèse centrale de la psychologie évolutionniste (PE) :
« L’esprit est un ensemble de machines de traitement de l’information qui ont été
conçues par la sélection naturelle pour résoudre des problèmes adaptatifs auxquels
nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ont été confrontés. »
Cosmides & Tooby (1997)
• La PE est donc l’application de la théorie de l’évolution à l’esprit humain
• La PE est un paradigme de la psychologie, c’est une approche
particulière de la psychologie
• Le premier précurseur de la PE est Darwin lui-même : dans son ouvrage
De l'origine des espèces (1859), il affirme que dans un futur proche, la
psychologie sera basée sur la théorie de l’évolution :
“In the distant future I see open fields for far more important researches.
Psychology will be based on a new foundation, that of the necessary acquirement
of each mental power and capacity by gradation.”
Origines
• La PE trouve son ancrage dans plusieurs disciplines scientifiques
 des sous-disciplines de la biologie qui intègrent la théorie de l’évolution :
– la biologie évolutionniste
– l’éthologie (Tinbergen, Lorenz, von Frisch)
– la sociobiologie
Wilson (1975) : la sociobiologie est « l’étude systématique des bases
biologiques de tout comportement social »
Wilson (1978) : la sociobiologie est « l’extension de la biologie des
populations et de la théorie de l’évolution aux organisations sociales»
– la génétique des comportements
 des sous-disciplines de la psychologie :
– la psychologie cognitive
– la psychologie sociale
– la psychologie du développement
Origines
• Trois publications marquent la « naissance officielle » de la PE :
 Darwin and Evolutionary Psychology: Darwin initiated a radically new
way of studying behavior (1973) de Ghiselin (article)
 The Evolution of Human Sexuality (1979) de Donald Symons (livre)
 The Adapted Mind: Evolutionary Psychology and The Generation of
Culture (1992) de Barkow, Cosmides et Tooby (livre)
• C’est principalement John Tooby
(anthropologiste) et sa femme
Leda Cosmides (psychologue)
qui ont défini les bases de la PE
•
La PE est basée sur un postulat et
cinq principes (Tooby et Cosmides)
Leda Cosmides et John Tooby
Postulat : la nature humaine
• Postulat fondamental de la psychologie évolutionniste :
il existe une nature humaine
• Dans le champ des sciences humaines et sociales, la notion de nature
humaine est très débattue notamment en raison du succès du Modèle
Standard des Sciences Sociales (Barkow, Cosmides, et Tooby, 1992)
• Le modèle standard est fondé sur l’empirisme et le constructivisme et
se caractérise par les propositions suivantes :
 la tabula rasa : à la naissance, l’esprit humain est vierge (il n’y a pas de
nature humaine)
 l’apprentissage : il dispose uniquement d’une capacité d’apprentissage
générale : cette capacité peut s’exercer dans tout domaine
 le déterminisme culturel : c’est la culture (environnement) qui façonne
les individus, pas la nature (gènes)
Postulat : la nature humaine
• En psychologie, le modèle standard a notamment été incarné par le
béhaviorisme
• Dans la théorie béhavioriste, l’esprit du nourrisson est dépourvu de toute
connaissance, de tout contenu psychologique, il ne possède qu’une
capacité générale à apprendre
 c’est la même capacité d’apprentissage qui est à l’origine de nos
capacités intellectuelles, linguistiques, de nos préférences alimentaires,
ou encore de notre façon de nous comporter en société (socialisation)
• Si l’esprit est vierge à la naissance, ce sont les interactions de l’individu
avec l’environnement qui façonnent progressivement son esprit
• Dans le cadre béhavioriste, le processus d’interaction d’un individu avec
l’environnement est le conditionnement (classique ou opérant)
 pour Skinner, ce sont les contingences de renforcements qui façonnent
le comportement des individus
Postulat : la nature humaine
• Les béhavioristes pensaient avoir montré expérimentalement que tout
comportement résulte d’un apprentissage (conditionnement)
 exemple : le conditionnement de la peur chez le nourrisson
temps 1 :
temps 2 :
temps 3 :
Expérience du petit Albert (Watson et Rayner, 1920)
Postulat : la nature humaine
• Sur la base de telles expériences, Watson et les béhavioristes
défendaient l’idée que « tout le monde peut devenir n’importe qui »
« Donnez-moi une douzaine de bébés en bonne santé, bien formés, ainsi que mon
propre monde spécifié pour les élever et je m’engage à prendre n’importe lequel
d’entre eux et à le former pour qu’il devienne n’importe quel type de spécialiste que
je peux sélectionner (médecin, avocat, artiste), quels que soient ses talents,
penchants, tendances, aptitudes, vocation et race de ses ancêtres. »
John Watson (1930)
• Par exemple, Watson pensait que l’expérience du petit Albert montrait
qu’il n’y a pas de déterminisme biologique
 mais si on remplace le rat par un objet neutre (exemple : des lunettes), il
n’y a pas de conditionnement de la peur
• En sociologie, le modèle standard est notamment incarné par le courant
du constructivisme social selon lequel la réalité sociale et les
phénomènes sociaux sont « construits »
 exemple : jouets des petits garçons / jouets des petites filles
Postulat : la nature humaine
• Le modèle standard a connu et connait toujours un certain succès (il est
fortement ancré dans les mœurs) pour des raisons scientifiques et aussi
pour des raisons extra-scientifiques (morales et politiques)
• En effet, en défendant l’idée que « tout le monde peut devenir n’importe
qui », le modèle standard sert d’assise scientifique aux conceptions
démocratiques et égalitaires
• Mais la concordance avec les valeurs morales n’est pas un critère de
vérité scientifique :
« On accuse souvent la biologie d’apporter une vision déterministe de l’homme.
Ce déterminisme est ressenti comme étant incompatible avec le libre arbitre, ce
qui le rend insupportable à certains humanistes, qui en déduisent donc que la
compréhension biologique de l’homme est nécessairement dans l’erreur. […]
il y a là une erreur patente de raisonnement. Ce n’est pas parce qu’une théorie
semble incompatible avec certaines de nos valeurs qu’elle est nécessairement
fausse. Faire ce raisonnement revient à prendre ses désirs pour des réalités. »
Franck Ramus (2008)
Postulat : la nature humaine
• En psychologie, la question de l’existence d’une nature humaine se
décline sous la forme de deux problématiques : la problématique des
universaux et la problématique nature/culture
• La problématique des universaux consiste à déterminer s’il existe des
caractéristiques humaines universelles, autrement dit, dans quelle
mesure les individus se ressemblent et dans quelle mesure ils diffèrent
• La perspective évolutionniste apporte une réponse claire :
 les individus d’une même espèce sont qualitativement semblables :
– ils sont équipés d’un même ensemble d’adaptations qui ont favorisé
la survie et la reproduction de nos ancêtres : cet ensemble définit
l’architecture typique de l’espèce
– cette architecture est fonctionnellement identique chez tous les
individus
– elle est héréditaire
Postulat : la nature humaine
 les individus d’une même espèce sont quantitativement différents :
– ils diffèrent quant à l’efficience des adaptations et le degré auquel ils
les portent
• Les universaux de l’espèce humaine sont aussi bien biologiques que
psychologiques
 exemples :
– tous les individus possèdent un estomac : certains individus ont un
estomac ayant une plus grande capacité que d’autres, certains
individus ont un estomac plus efficient que d’autres, etc., mais
l’estomac fonctionne de la même manière chez tous les individus
(il est lié à l’œsophage, il sécrète les enzymes gastriques, …)
– tous les individus parlent : certains individus apprennent à parler
plus vite que d’autres, certains ont un vocabulaire plus riche que
d’autres, etc., mais le langage fonctionne de la même manière pour
tous (processus syntaxiques, sémantiques, phonologiques, …)
Postulat : la nature humaine
– tous les individus reconnaissant les visages : à peine 10 minutes
après la naissance, les nourrissons suivent des yeux le mouvement
d’un pseudo-visage mais pas celui d’un non-visage (pourtant
équivalent au niveau physique)
Johnson, Dziurawiec, Ellis, et Morton (1991)
Postulat : la nature humaine
• Selon la perspective évolutionniste, postuler que tous les individus sont
qualitativement identiques est une condition nécessaire pour rendre
compte de la perpétuation de l’espèce
 dans la reproduction sexuée, deux individus transmettent la moitié de
leurs gènes à un troisième individu
 chaque ensemble de gènes correspond au « plan de construction d’une
machine »
 si les deux ensembles de gènes planifiaient la construction de machines
différentes, la reproduction sexuée ne fonctionnerait pas. Au contraire,
tous les ensembles de gènes codent pour une même machine
• En fait, la similarité entre les individus est la conséquence directe de la
sélection naturelle qui agit comme une force d’homogénéisation :
dans la variabilité des génotypes, elle élimine les variantes trop écartées
de la moyenne
 les individus qui survivent sont tous adaptés et donc tous similaires
Postulat : la nature humaine
• L’approche évolutionniste est donc une approche générale : elle
cherche à expliquer le fonctionnement commun à tous les individus. Au
contraire, l’approche différentielle cherche à expliquer les différences
entre les individus
 dans le cadre évolutionniste, ce qui différencie les individus apparaît
comme négligeable par rapport à ce qu’ils ont de commun :
les individus se ressemblent plus qu’ils ne diffèrent
« Il existe, bien sûr, des variations microscopiques entre les individus,
essentiellement des petites différences dans la séquence de molécule à molécule
de beaucoup de nos protéines. Mais au niveau de leurs organes fonctionnels,
physiques et mentaux les individus fonctionnent de la même manière. Les
différences entre individus, en dépit de l’éternelle fascination qu’elles exercent sur
nous dans notre vécu quotidien, sont d’un intérêt mineur quand nous nous
interrogeons sur le fonctionnement de l’esprit. » (Pinker, 1997)
« La différence entre Einstein et l’élève qui a abandonné le lycée est minime
comparée à celle entre l’élève qui a abandonné le lycée et le meilleur robot du
monde ou entre l’élève qui a abandonné le lycée et le chimpanzé. » (Pinker, 1997)
Postulat : la nature humaine
• La problématique nature/culture est la seconde problématique liée à
la question de l’existence d’une nature humaine, elle consiste à
déterminer les influences relatives de la nature (gènes) et de la culture
(environnement) dans la construction des individus
• Il s’agit d’une problématique centrale dans les sciences humaines et
sociales notamment en raison de ses implications morales et politiques
• En fait, l’opposition nature/culture n’a de sens que dans l’approche
différentielle où l’on cherche à différencier des individus (rendre compte
de variations)
 mais cette opposition n’a pas vraiment de sens lorsque l’on cherche à
décrire un fonctionnement
Postulat : la nature humaine
• Considérons les deux questions suivantes :
 « Pour qu’une voiture roule vite, qu’est-ce qui est le plus important : le
moteur ou le carburant ? »
« Pour courir vite, qu’est-ce qui est le plus important : la cheville ou le
genou ? »
– ces deux questions ont un sens : dans les deux cas, on cherche à
déterminer dans quelle mesure des facteurs rendent compte de
différences observées sur une dimension donnée (ici la vitesse)
Postulat : la nature humaine
• Considérons maintenant les deux questions suivantes :
 « Dans le fonctionnement d’une voiture, qu’est-ce qui est le plus
important : le moteur ou le carburant ? »
« Pour courir, qu’est-ce qui est le plus important : la cheville ou le
genou ? »
– ces deux questions n’ont pas de sens : dans les deux cas, on
cherche à décrire comment différents constituants (moteur et
carburant, cheville et genou) interagissent pour créer un
fonctionnement (mécanique et biomécanique)
– la question de savoir lequel des constituants a le plus d’importance
n’a pas de sens car tous participent au fonctionnement
Postulat : la nature humaine
• Il en est de même pour la problématique nature/culture : opposer la
nature et la culture n’a de sens que si l’on cherche à déterminer dans
quelle mesure elles expliquent des différences observées sur une
dimension donnée (exemple : QI, personnalité)
• Dans la perspective évolutionniste, l’opposition nature/culture est
fallacieuse car on considère que toute caractéristique phénotypique d’un
individu est le produit conjoint de ses gènes et de l’environnement
• Les organismes sont conçus pour développer des phénotypes différents
dans des environnements différents
Le labre à
tête bleue
 exemple :
– le labre à tête bleue vit en groupe,
chaque groupe comprend un mâle
et plusieurs femelles
– lorsque le mâle meurt, la femelle
la plus grosse devient le mâle (hermaphrodisme)
Postulat : la nature humaine
• Au final, la PE défend une conception de l’être humain radicalement
opposée à celle du modèle standard, en postulant qu’il existe une nature
humaine qui correspond à un ensemble d’adaptations physiques et
psychologiques innées dont l’expression est régulée par l’environnement
Principe n°1 de la PE
• Ce principe stipule :
Le cerveau est un système physique, similaire à un ordinateur,
dont les circuits sont conçus pour produire des comportements
adaptés aux circonstances environnementales
• Ce premier principe marque l’ancrage cognitif de la PE, et il s’agit d’un
double ancrage
• Le premier ancrage cognitif de la PE correspond à la naturalisation de
l’esprit : cette position philosophique affirme que l’esprit est une entité
matérielle, un objet de la nature. En termes biologiques, l’esprit est un
organe du corps comme les autres (Chomsky parle d’organe mental)
 cet ancrage est une condition nécessaire à la PE : pour être soumis au
processus d’évolution (au même titre que le reste du corps), l’esprit doit
être une entité matérielle
 Pour Tooby et Cosmides, la psychologie est une branche de la biologie
Principe n°1 de la PE
• Les expériences et les résultats en neuropsychologie permettent
d’illustrer l’ancrage matériel de l’esprit
 exemple :
Une étude classique de patient split-brain
le patient voit un mot apparaître à l’écran et il doit
prendre l’objet correspondant parmi un ensemble
d’objets sur la table
si le mot « clé » est présenté sur la gauche de
l’écran, le patient n’est pas capable d’identifier le
mot mais il réussit la tâche (il prend la clé sur la
table avec sa main gauche)
le mot « clé », présenté à gauche, est
représenté dans l’hémisphère droit, dont les
capacités langagières sont suffisantes pour
identifier le mot, et qui contrôle la main gauche.
Mais le mot n’est pas représenté dans
l’hémisphère gauche donc le patient ne peut pas
le prononcer
d’après Psychologie (2000) de Westen
Postulat : la nature humaine
• Naturalisation de l’esprit : il ne doit pas y avoir de « mystère » dans le
fonctionnement de l’esprit
« Je pense que vous devriez être plus
explicite dans cette étape. »
Principe n°1 de la PE
• Le second ancrage cognitif de la PE correspond à la métaphore de
l’ordinateur : le cerveau est à l’esprit ce que le hardware est au
software
• Cette conception de l’esprit se caractérise par deux hypothèses :
 il n’y a pas de distinction entre l’esprit et le cerveau : esprit et cerveau
sont les deux faces d’une même entité, la cognition
 les traitements que réalise la cognition correspondent à des calculs (ou
computations)
• Pour la PE, la cognition est un système qui réalise des traitements
permettant de produire des comportements adaptés à l’environnement
 exemple : si l’organisme est confronté à une source de chaleur vive, le
traitement de cette information par les circuits nerveux sensori-moteurs
aboutit à un comportement adéquat : la fuite
Principe n°2 de la PE
• Ce principe stipule :
Les circuits neuronaux ont été façonnés par la sélection naturelle
pour résoudre les problèmes auxquels nos ancêtres ont été
confrontés durant leur histoire évolutive
• Il s’agit du principe central de la PE : il affirme que les états et les
processus psychologiques sont des adaptations
 l’esprit est le produit de l’évolution au même titre que le corps
Problème adaptatif
Processus cognitif
d’après Cosmides et Tooby (1997)
Base neurophysiologique
Principe n°2 de la PE
• Si les processus psychologiques sont des adaptations, alors ils peuvent
faire l’objet d’explications évolutionnistes : on peut leur appliquer la
démarche d’ingénierie inverse
• Raisonnement :
 les adaptations peuvent être conçues comme des solutions à des
problèmes adaptatifs
 fournir une explication évolutionniste d’une adaptation revient alors à
déterminer le problème adaptatif auquel elle répond
 les problèmes adaptatifs dont les processus psychologiques sont des
solutions étaient ceux posés par l’environnement de nos ancêtres
 pour identifier ces problèmes, il faut déterminer cet environnement
 on appelle environnement de l'adaptation évolutive (Environment of
Evolutionary Adaptedness : EEA) l’environnement ayant posé les
problèmes adaptatifs qui ont provoqué l'évolution d'une espèce
Principe n°2 de la PE
• Dans le cas de la lignée humaine, l’EEA correspond au Pléistocène
 cette période va de -2.5 millions d’années à -11 000 ans
• Le genre Homo a passé 90% de son temps dans cet environnement :
c’est durant cette période que son évolution a eu lieu
• Principales caractéristiques de l’EEA :
EEA Pléistocène
Vie nomadique
Faible densité de population
Petits groupes familiaux
Technologie simple
Mortalité infantile élevée et espérance
de vie courte
Vulnérabilité à l’environnement
(prédateurs, maladies)
Peu de modes de vie possibles
Problèmes adaptatifs
Chasse et cueillette
Eviter les prédateurs
Manger la bonne nourriture
Trouver des partenaires sexuels
Protéger la progéniture
Coopérer
« Lire » dans l’esprit d’autrui
Principe n°3 de la PE
• Ce principe stipule :
La plupart des processus psychologiques sont non-conscients :
derrière notre expérience consciente se cachent un grand nombre
de traitements non-conscients extrêmement complexes
• Ce troisième principe est une conséquence directe de l’hypothèse
adaptationniste
• Parce qu’elles sont nécessaires à la survie et à la reproduction, les
adaptations physiques sont innées et la sélection a « sécurisé » leur
fonctionnement en les automatisant entièrement
 exemple : fonctionnement du système cardio-vasculaire
• Pour Tooby et Cosmides, il en est de même pour les adaptations
psychologiques : la plupart des processus mentaux se déroulent en
dehors de notre expérience consciente
Principe n°3 de la PE
• Exemples :
 la vision
– notre expérience visuelle consciente est immédiate et ne requiert
aucun effort
– mais derrière cette apparente facilité du processus visuel se cache
une large complexité computationnelle
– le système visuel résout en permanence un problème… insoluble :
déterminer l’objet réel (3D) à partir de l’image rétinienne (2D)
(problème d’optique inverse)
objets réels (3D)
image rétinienne (2D)
– ce problème est insoluble
car à une même image
rétinienne peuvent
correspondre plusieurs
objets différents
Principe n°3 de la PE
• Exemples :
 la vision
– pour résoudre ce problème, le système visuel utilise des hypothèses,
des connaissances sur la structure du monde extérieur
– ces hypothèses ont été sélectionnées au cours de l’évolution
– les illusions visuelles permettent de démasquer les hypothèses que
le cerveau utilise pour transformer l’image rétinienne en un percept
exemple :
nous voyons un cube alors qu’il n’y en a aucun
le cerveau utilise l’hypothèse de continuité
Principe n°3 de la PE
• Exemples :
 le langage
– parler ne nous demande qu’un effort minime et lorsque nous parlons,
nous n’avons pas conscience de l’ensemble des règles linguistiques
que nous utilisons
– pourtant, l’utilisation de ces règles renvoie à une large complexité
computationnelle (cf. théorie de la grammaire générative)
– comme le souligne Pinker, la complexité cognitive sous-jacente au
langage verbal est telle qu’aucun enfant ne parlerait s’il n’était pas
pré-câblé pour cela :
« L'enfant de 3 ans est un génie de la grammaire. » (Pinker, 1994)
Principe n°3 de la PE
• En psychologie cognitive, le modèle du processus dual (dual-process
model) sépare les processus automatiques (non-conscients) et les
processus contrôlés (conscients)
• On peut établir une hiérarchie des processus cognitifs en fonction du
degré de contrôle qu’ils requièrent :
Degré de contrôle
Variabilité
interindividuelle
17×24 = ?
raisonnement
mémoire de
travail
traitement
émotionnel
vision
Principe n°3 de la PE
• Pour Lakoff et Johnson (1999), le fait que la cognition soit typiquement
inconsciente est une « découverte centrale des sciences cognitives »
• Tooby et Cosmides soulignent que, parce qu’ils sont tellement efficients,
les processus psychologiques automatiques donnent parfois peu envie
d’être étudiés parce qu’on a l’impression « qu’il n y a rien à expliquer »
• Voir, entendre, parler, se diriger dans l’espace, trouver quelque chose
dégoûtant, tomber amoureux, ... sont des choses qui nous apparaissent
comme fondamentalement naturelles, mais comme le soulignait William
James (1890), il faut « rendre le naturel étrange »
« Les psychologues sociaux sont déçus s’ils ne trouvent pas un phénomène qui
surprendrait leurs grands-mères, et les psychologues cognitivistes passent plus
de temps à étudier comment nous résolvons des problèmes pour lesquels nous
sommes mauvais, comme faire des mathématiques et jouer aux échecs, qu’à
étudier ceux pour lesquels nous sommes bons. » (Cosmides et Tooby, 1997)
Principe n°4 de la PE
• Ce principe stipule :
Chaque circuit neuronal est spécialisé dans la résolution d’un
problème adaptatif spécifique
• Ce quatrième principe est une autre conséquence directe de l’hypothèse
adaptationniste
• Les adaptations physiques réalisent chacune une fonction spécifique :
elles sont fonctionnellement spécialisées
• C’est parce qu’il possède une structure spécifique qu’un organe réalise
une fonction spécifique : « la fonction crée l’organe » et l’organe ne peut
réaliser que cette fonction
 exemple : la structure du cœur est telle qu’il peut faire circuler le sang à
travers le corps mais il ne peut pas détruire les toxines, au contraire, la
structure du foie est telle qu’il peut détruire les toxines mais pas faire
circuler le sang à travers le corps
Principe n°4 de la PE
• Tooby et Cosmides supposent que les processus psychologiques
présentent également cette propriété de spécialisation fonctionnelle
(ce sont littéralement des organes mentaux)
 en ce sens, ils sont équivalents à des modules informatiques
– en informatique, un module est un sous-composant isolable d’un
système organisé qui accomplit une fonction particulière
• D’un point de vue cognitif, le quatrième
principe de la PE renvoie à la notion de
modularité de l’esprit, développée par
Jerry Fodor (1983)
Jerry Fodor
Principe n°4 de la PE
• Selon Fodor, un module est entité cognitive spécialisée dans un certain
traitement de l’information
• Cette notion de module a principalement été inspirée par les premières
recherches cognitives sur la vision (Marr) et le langage (Chomsky), qui
ont suggéré une organisation modulaire de l’esprit
 le système visuel est constitué de différent circuits (neurologiquement
localisés) qui sont spécialisés dans le traitement d’une partie spécifique
de l’information visuelle : la forme des objets, le mouvement, la direction
du mouvement, l’évaluation des distances, l’analyse de la couleur, la
reconnaissance des visages, …
 le système langagier est lui aussi constitué de différentes composantes
qui opèrent sur des parties spécifiques de l’information linguistique : la
syntaxe, la sémantique, la phonologie, …
Principe n°4 de la PE
• Fodor (1983) énonce les différentes propriétés d’un module :
 un module possède une base privée de connaissances dédiées
– c’est une entité de traitement de l’information : elle transforme une
entrée (input) en une sortie (output) via un certain traitement qui se
caractérise par un ensemble de règles et de connaissances
 un module est encapsulé informationnellement
– il est imperméable à toute autre information que celle qu’il utilise (il
est insensible aux traitements réalisés par les autres modules)
– on peut faire l’expérience subjective de cette propriété
Principe n°4 de la PE
Exemple 1 :
l’illusion perdure même si l’on sait que les deux
lignes sont de longueurs égales : le module visuel
est insensible à la connaissance déclarative
Exemple 2 :
L’illusion de Müller-Lyer (1889)
le sentiment de dégoût perdure même si l’on sait
qu’il s’agit de chocolat : le module émotionnel est
insensible à la connaissance déclarative
(Rozin, Millman et Nemeroff, 1986)
La récalcitrance émotionnelle
Principe n°4 de la PE
 un module réalise un traitement de façon irrépressible
– la réalisation du traitement du module
échappe au contrôle volontaire
Exemple :
le module visuel réalise un traitement qui
nous fait voir le cube comme une figure
tridimensionnelle alors qu’il s’agit d’une
figure bidimensionnelle : on ne peut
réprimer ce traitement
Le cube de Necker
 un module réalise un traitement rapide
– cette propriété est une conséquence du caractère insensible et
irrépressible du fonctionnement d’un module
Principe n°4 de la PE
 un module réalise un traitement domaine-spécifique
– cette propriété de spécificité au domaine (ou domanialité) signifie
qu’un module est spécialisé de façon exclusive dans le traitement
d’un certain type d’informations ou de représentations, autrement dit,
il n’accepte qu’un certain type d’input
– exemples : le module visuel prend comme input un signal visuel
(fréquences spatiales, …), le module syntaxique prend comme input
des représentations linguistiques, etc.
– cette propriété de spécificité au domaine correspond à la propriété
de spécialisation fonctionnelle
 un module possède une architecture neuronale fixe
– il est physiquement implémenté dans une région déterminée du
cerveau (exemple : le module de reconnaissance des visages est
localisé dans le gyrus fusiforme : aire fusiforme du visage)
Principe n°4 de la PE
• Selon Fodor, les modules sont l’un des 3 éléments de l’architecture de la
cognition
• Cette architecture se caractérise par :
 des transducteurs sensoriels : situés à la périphérie de l’organisme,
ils convertissent la stimulation physique arrivant aux récepteurs en un
signal traitable par les modules
 des modules d’entrée et de sortie :
– les modules d’entrée traitent l’information venant des transducteurs
sensoriels
– les modules de sortie transforment les décisions d’action prises par
le système central en séries de commandes pour les effecteurs
moteurs
 un système central : il réalise les traitements de haut niveau (pensée
analogique, raisonnement, et abduction)
Principe n°4 de la PE
• Pour Fodor, l’esprit n’est pas entièrement modulaire : les processus de
haut niveau comme le raisonnement n’ont pas une structure modulaire
• L’hypothèse de la PE concernant la modularité de l’esprit est opposée à
celle de Fodor : c’est l’hypothèse de la modularité massive selon
laquelle tous les processus psychologiques ont une structure modulaire
• En fait, dans la liste des propriétés énoncées par Fodor, la PE retient
uniquement la propriété de spécificité au domaine (qui est équivalente
à la propriété de spécialisation fonctionnelle)
• Dès lors, la PE en arrive logiquement à l’hypothèse de la modularité
massive par l’intermédiaire du raisonnement suivant :
 un module est domaine-spécifique
 une adaptation est par définition domaine-spécifique
 or tout processus psychologique est une adaptation
 donc tout processus psychologique est un module
Principe n°4 de la PE
• L’hypothèse de la modularité massive décrit l’esprit comme un ensemble
de mécanismes domaine-spécifiques et s’oppose donc radicalement à
l’hypothèse de l’existence d’un seul mécanisme domaine-général
• Cosmides et Tooby (1994) apportent 4 arguments majeurs en faveur de
l’hypothèse de la modularité massive
 argument de l’ingénierie :
– l’évolution fonctionne comme un ingénieur qui façonne l’esprit petit à
petit en fonction des problèmes posés par l’environnement
– ces problèmes sont multiples et spécifiques (trouver de la nourriture,
attirer des partenaires sexuels, comprendre les intentions d’autrui,…)
– si l’on doit concevoir un dispositif adapté à un tel environnement, il
vaut mieux équiper le dispositif de plusieurs mécanismes qui
résolvent chacun un problème spécifique plutôt que d’un seul
mécanisme général qui s’applique à tous les problèmes mais n’en
résout aucun efficacement
Principe n°4 de la PE
– pour illustrer l’argument d’ingénierie, Tooby et Cosmides utilisent la
métaphore du couteau suisse : dans un environnement qui pose
des problèmes multiples (couper un fil, couper du bois, ouvrir une
boîte de conserve, déboucher une bouteille, enfoncer une visse, …),
un dispositif apportant une solution spécifique à chacun de ces
problèmes (couteau suisse) est plus adapté qu’un dispositif
apportant une solution générale (couteau de survie)
Principe n°4 de la PE
 argument de l’erreur :
– un mécanisme domaine-général devrait procéder par essai-erreur
pour trouver les comportements adaptés
– un processus de type essai-erreur général doit posséder un critère
de réussite ou d’échec général pour être efficient
– or le critère de réussite ou d’échec est spécifique à chaque problème
adaptatif
– un mécanisme domaine-général ne peut donc pas déterminer tous
les comportements adaptés
– exemple : pour le problème adaptatif attirer des partenaires sexuels,
le critère de réussite pertinent est le nombre de descendants, mais
pour le problème adaptatif protéger des individus apparentés, le
critère de réussite pertinent n’est pas le nombre de descendants…
Principe n°4 de la PE
 argument de la pauvreté du stimulus :
– cet argument est inspiré de l’idée de Chomsky selon laquelle la
stimulation générale de l’environnement (input) est insuffisante pour
déterminer le développement linguistique de l’enfant
– pour apprendre par lui-même les comportements adaptés, un
organisme devrait : i) recevoir du feedback pour chaque
comportement essayé, ii) analyser statistiquement les relations entre
chaque comportement essayé et le feedback correspondant
– or ces deux conditions ne sont quasiment jamais remplies au cours
d’une vie individuelle (pas assez « d’input »)
– exemple : un organisme ne peut pas apprendre par lui-même que
l’évitement de l’inceste est un comportement adapté car le pattern
statistique des relations entre ce comportement et le feedback n’est
pas détectable à l’échelle d’une vie individuelle (en revanche, il est
détectable par la sélection naturelle)
Principe n°4 de la PE
 argument de l’explosion combinatoire :
– cet argument renvoie au problème du cadre (frame problem)
– comme il ne possède pas d’informations spécifiques à un problème
donné, un dispositif doté d’un mécanisme domaine-général devrait,
pour trouver le pattern de comportements adapté à ce problème,
essayer toutes les combinaisons possibles de comportements dont il
dispose dans son répertoire
– or le nombre de combinaisons possibles croît exponentiellement
avec le nombre de comportements disponibles
– un tel dispositif ne pourrait donc pas réagir et s’adapter en temps
réel
– au contraire, un dispositif doté de mécanismes domaine-spécifiques
n’est pas confronté à ce problème car il dispose d’un pattern de
comportements prédéfini pour chaque problème
Principe n°4 de la PE
• L’ensemble [métaphore de l’ordinateur + hypothèse de la modularité]
définit la théorie computationnelle de l'esprit
 les processus psychologiques réalisent des computations
 on peut identifier des groupes de computations qui portent sur des
informations spécifiques
• Cette théorie correspond au modèle standard des sciences cognitives
• Alors qu’il en est le principal initiateur, Fodor lui-même est devenu le
premier critique de la théorie computationnelle de l'esprit en général et
de l’hypothèse de la modularité massive en particulier
 en fait, c’est l’application de la perspective évolutionniste à la notion de
modularité qui aboutit à la modularité massive
 or Fodor est d’une façon générale très critique envers cette perspective
et les dérives pan-adaptationnistes (tout caractère est une adaptation)
– Fodor et Piattelli-Palmarini (2010). What Darwin Got Wrong.
Principe n°4 de la PE
• Fodor reproche à la PE d’avoir poussé trop loin la notion de modularité :
selon lui, tous les modules ne sont pas domaine-spécifiques et ils ne
sont pas tous des adaptations
• Fodor prend en particulier l’exemple de l’abduction : c’est un syllogisme
dont la prémisse majeure est certaine mais dont la prémisse mineure
est seulement probable : la conclusion aussi n‘est que probable
 l'abduction est avec la déduction et l’induction, l’un des trois types
majeurs d’inférence
Cas général
Exemple 1
Exemple 2
Prémisse majeure
(certaine)
B
John est parti à
Lacanau
On voit des oiseaux
Prémisse mineure
(probable)
Si A, alors B
Si on fait du surf, on
va à Lacanau
Si la terre est proche,
on voit des oiseaux
Conclusion
(probable)
A
John fait du surf
La terre est proche
Principe n°4 de la PE
• Pour Fodor, le processus d’abduction est une preuve que la théorie
computationnelle est fausse :
 ce processus n’est pas computationnel : on ne peut pas l’implémenter
dans les règles de la logique pure
 ce processus n’est pas modulaire : il n’est pas domaine-spécifique,
encapsulé, etc., mais traduit au contraire un fonctionnement cognitif
global
 Fodor note que le « caractère global des processus cognitifs ne cadre
pas bien avec la théorie qui veut que ce soient des calculs classiques. »
• En outre, Fodor avance notamment deux arguments en défaveur de
l’hérédité des modules :
 l’argument de la pénurie de gènes : le génome humain ne comporte pas
suffisamment de gènes pour coder tous les modules postulés par la PE
 l’argument de la plasticité : le phénomène de plasticité cérébrale montre
que les modules ne sont pas innés mais façonnés par le développement
Principe n°4 de la PE
• En fait, on constate que la PE s’est totalement affranchie du sens
initialement accordé par Fodor à la notion de module :
 par exemple, la PE ne conçoit pas les modules comme travaillant
isolément les uns des autres (encapsulation informationnelle)
– exemple : le module de reconnaissance des visages interagit très
probablement avec les modules de la cognition sociale
« […] le concept de module de Fodor (1983) n’est ni utile ni important pour les
psychologues évolutionnistes. » (Ermer et al., 2007)
• Depuis les années 1990 jusqu’à aujourd’hui, un débat important a lieu
entre Fodor et les tenants de la PE
– Pinker (1997). Comment fonctionne l’esprit. Trad. éd. Odile Jacob
(2000)
– Fodor (2000). L'esprit, ça ne marche pas comme ça. Trad. éd. Odile
Jacob (2003)
Principe n°4 de la PE
• La conséquence la plus provocante de l’hypothèse de la modularité
massive est que même les processus centraux (processus de haut
niveau ) sont modulaires
• Cette idée va à l’encontre de la conception plus commune selon laquelle
il existe des processus psychologiques qui peuvent traiter des classes
d’informations très diverses (processus domaine-généraux)
 exemples :
– la mémoire de travail et la mémoire à long terme peuvent stocker
n’importe quel type d’information
– le raisonnement déductif pour s’appliquer à toutes prémisses
Principe n°4 de la PE
• Un résultat expérimental qui illustre particulièrement bien le caractère
non-modulaire des processus centraux est le phénomène de la période
psychologique réfractaire (Psychological Refractory Period, PRP)
• Ce phénomène peut être mis en évidence dans une expérience
d’alternance de tâches (task-switching) :
Le sujet effectue 2 tâches (rapidité) :
si le stimulus est un chiffre, le sujet
effectue une tâche de jugement
numérique : il doit appuyer sur la
touche E si le chiffre est pair ou sur la
touche I si le chiffre est impair
si le stimulus est un visage, le sujet
effectue une tâche de discrimination
de genre : il doit appuyer sur la
touche Q si le visage est un homme
ou sur la touche M si le visage est une
femme
SOA
500 ms
Principe n°4 de la PE
 on fait varier l’intervalle de temps entre les stimuli (SOA = Stimulus
Onset Asynchrony)
 on enregistre le temps de réponse des sujets
TR
TR Tâche 1
Tâche 2
Perception
SOA
Tâche 1
SOA
Décision
Perception
Réponse
PRP
Décision
Réponse
TR Tâche 2
 si les deux tâches impliquaient des traitements centraux modulaires, ces
traitements pourraient se produire en parallèle (pas de PRP)
 au contraire, la présence d’une PRP suggère qu’il y a un seul module
qui réalise le traitement central correspondant à la décision (ce module
peut traiter des chiffres, des visages, etc.)
Principe n°4 de la PE
• En 1989, Comides a publié des résultats montrant qu’un processus
mental de haut niveau (traitement de l’échange social) peut fonctionner
de manière modulaire
• Dans ses expériences, Comides a utilisé la tâche de sélection (ou
tâche des quatre cartes) de Wason
 cette tâche a été élaborée par Peter Wason (1966) pour étudier la
psychologie du raisonnement
Principe n°4 de la PE
• La version standard (descriptive) de la tâche est la suivante :
Il y a ci-dessous un ensemble de 4 cartes. Sur chaque carte, figure une
lettre d’un côté et un chiffre de l’autre côté.
A
D
4
7
Règle : si une carte a un A sur une face alors elle a un 4 sur l’autre
face.
Quelle(s) carte(s) faut-il retourner pour vérifier si la règle est vraie ou
fausse ?
Principe n°4 de la PE
• La structure générale de la tâche de Wason est la suivante :
 forme logique de la règle : si P alors Q
P
non-P
Q
non-Q
 la règle est infirmée si P se produit mais pas Q
– il faut retourner la carte P (pour voir s’il y a non-Q au dos)
– il faut retourner la carte non-Q (pour voir s’il y a P au dos)
 les expériences montrent que la plupart des sujets retournent la carte P
(= A) mais très peu retournent la carte non-Q (= 7) (environ 10%)
Principe n°4 de la PE
• Cette étude de Wason a déclenché une série importante de recherches
qui ont tenté de déterminer les raisons pour lesquelles la performance
des sujets dans cette tâche est aussi faible
• Le premier facteur explicatif avancé concerne le caractère abstrait et
non-écologique de la tâche : la plupart des personnes n’ont jamais à
vérifier la véracité d’une règle logique si P alors Q dans leur vie
quotidienne
• Par conséquent, la performance devrait augmenter si la règle porte sur
une situation concrète, autrement dit, si on contextualise la règle
Principe n°4 de la PE
• Johnson-Laird et Byrne (1972) ont testé cette hypothèse en réalisant
l’expérience suivante :
– les sujets devaient imaginer qu’ils étaient des employés de la Poste
dont le travail consiste à trier le courrier
– ils devaient faire en sorte que le courrier soit trié selon la règle
suivante :
si une enveloppe est cachetée alors elle doit être affranchie avec un
timbre de 50 lires
P
non-P
Q
non-Q
– sur les 24 sujets de l’expérience, 21 ont retourné les bonnes cartes
(P et non-Q) alors que 2 ont réussi dans la version descriptive
Principe n°4 de la PE
• Par la suite, Griggs et Cox (1982) ont avancé l’hypothèse que ce n’est
pas le caractère concret de la règle qui augmente la performance des
sujets mais sa familiarité
 Griggs et Cox ont souligné le fait que la règle utilisée dans l’expérience
de Johnson-Laird et Byrne (1972) était non seulement concrète mais
également familière pour les sujets (cette règle était alors en vigueur au
sein de la Poste)
 ils ont répliqué cette expérience sur des sujets non-familiers avec cette
règle et n’ont pas constaté d’augmentation de la performance
 en revanche, ils montrent qu’il y a bien une augmentation lorsque les
sujets sont familiers avec la règle
Principe n°4 de la PE
– les sujets (étudiants en Floride) doivent imaginer qu’ils sont un agent
de police qui vérifie que des individus consommant des boissons
dans un bar respectent bien une règle relative à l’âge légal de
consommation d’alcool en vigueur dans l’état de Floride :
si une personne consomme de l’alcool alors elle doit avoir plus de 19
ans
Bière
Coca
22 ans
16 ans
P
non-P
Q
non-Q
– sur les 40 sujets de l’expérience, 29 ont retourné les bonnes cartes
Principe n°4 de la PE
• Cosmides (1989) propose une interprétation radicalement différente des
résultats de Griggs et Cox (1982)
• Elle met en avant le fait que la règle « si une personne consomme de
l’alcool alors elle doit avoir plus de 19 ans » se rapporte à un domaine
particulier : l’échange social
 un échange social est une situation où un individu A doit payer un
certain coût pour recevoir un certain bénéfice d’un individu B
– un échange (ou contrat) social peut donc s’exprimer sous la forme
d’une règle « si P alors Q » :
si on prend un bénéfice alors on doit payer un coût
• Pour Cosmides, il existe un traitement psychologique dont la fonction
est de vérifier si un contrat social est respecté ou non (autrement dit, de
vérifier une règle si P alors Q)
– un contrat social est violé si un individu prend un bénéfice (= P) sans
payer un coût (= non-Q)
Principe n°4 de la PE
• Cosmides souligne qu’un individu qui ne respecte pas un contrat social
est un tricheur : par conséquent, vérifier si un contrat social est respecté
ou non revient à détecter la présence d’un tricheur
• Selon elle, les individus disposent d’un module de détection de tricheurs
dans les interactions sociales car un tel module est hautement adaptatif
(celui-ci permet notamment d’éviter d’être exploité)
 les individus sont donc très bons pour détecter les tricheurs
 c’est précisément la raison pour laquelle les individus sont très bons
dans la tâche de Wason lorsque la règle est relative à un contrat social :
dans ce cas, vérifier la règle revient à détecter la présence de tricheurs
Principe n°4 de la PE
• La structure générale de la tâche de Wason quand la règle décrit un
contrat social est la suivante :
 forme logique de la règle :
si on prend un bénéfice alors on paie un coût
si
P
alors
Q
bénéfice
pris
bénéfice
non pris
coût
payé
coût
non
payé
P
non-P
Q
non-Q
 les deux cartes qui représentent des tricheurs potentiels sont les cartes
« bénéfice pris » (s’il y a « coût non payé » au dos) et « coût non payé »
(s’il y a « bénéfice pris » au dos)
Principe n°4 de la PE
• Exemple :
 forme logique de la règle :
si on prend un bénéfice alors on paie un coût
si
alcool
alors + 19 ans
bénéfice
pris
bénéfice
non pris
coût
payé
coût
non
payé
bière
coca
22 ans
16 ans
 les tricheurs sont ceux qui boivent de l’alcool (bénéfice pris) sans avoir
plus de 19 ans (coût non payé), il faut donc vérifier les individus qui ont
pris le bénéfice (carte « bière ») et les individus qui n’ont pas payé le
coût (carte « 16 ans »)
Principe n°4 de la PE
• Dans son article de 1989, Cosmides rapporte 2 résultats expérimentaux
majeurs en faveur de l’existence du module de détection des tricheurs
• Dans une première série d’expériences, une même règle est :
 présentée de façon telle qu’elle se rapporte à un échange social
(condition échange social)
 présentée de façon telle qu’elle ne se rapporte pas à un échange social
(condition descriptive)
• Le scénario commun aux deux conditions est le suivant :
 il est question d’une tribu (imaginaire) vivant sur une île du Pacifique
 dans cette tribu, certains individus ont un tatouage facial, il s’agit des
hommes mariés (seulement eux)
 les racines de manioc sont une nourriture recherchée : elles sont
appréciées et sont aphrodisiaques
 au contraire, les noix de macadam ne sont pas recherchées
Principe n°4 de la PE
• La partie spécifique du scénario dans la condition descriptive est :
 les racines de manioc poussent au sud de l’île où vivent les hommes
mariés alors que les noix de macadam poussent au nord de l’île où
vivent les hommes célibataires
• La partie spécifique du scénario dans la condition échange social est :
 seuls les hommes mariés ont le droit de manger des racines de manioc
• Dans les deux conditions, la règle à vérifier est :
si un homme mange une racine de manioc alors il a un tatouage facial
mange
une racine
de manioc
mange
une noix
de
macadam
a un
tatouage
facial
n’a pas de
tatouage
facial
Principe n°4 de la PE
• Résultats :
 condition descriptive : 21% des sujets retournent les bonnes cartes (P et
non-Q)
 condition échange social : 75% des sujets retournent les bonnes cartes
(P et non-Q)
• Interprétation :
si on prend un bénéfice alors on paie un coût
si racine de manioc alors tatouage facial
mange
une racine
de manioc
mange
une noix
de
macadam
a un
tatouage
facial
n’a pas de
tatouage
facial
bénéfice pris
P
bénéfice non pris
non-P
coût payé
Q
coût non payé
non-Q
Principe n°4 de la PE
• On constate que lorsque la règle se rapporte à un échange social, la
démarche de détection des tricheurs et la démarche logique amènent
toutes les deux à retourner les mêmes cartes (P et non-Q)
 il se pourrait donc que les sujets appliquent en fait les règles générales
de la logique
• Pour tester cette hypothèse, Cosmides souligne qu’un contrat social
peut prendre deux formes :
 le contrat social standard :
si on prend un bénéfice alors on paie un coût
si
P
alors
Q
 le contrat social inversé :
si
on paie un coût
alors on prend un bénéfice
si
P
alors
Q
Principe n°4 de la PE
• Ces deux formulations sont équivalentes du point de vue du contrat
social mais pas du point de vue logique
 le contrat social standard :
si on prend un bénéfice alors on paie un coût
si
P
alors
Q
 le contrat social inversé :
si
on paie un coût
alors on prend un bénéfice
si
P
alors
Q
standard :
inversé :
bénéfice
pris
bénéfice
non pris
coût
payé
coût
non
payé
P
Q
non-P
non-Q
Q
P
non-Q
non-P
Principe n°4 de la PE
• Cosmides a répliqué la même expérience mais en utilisant la formulation
inversée du contrat sociale :
si un homme a un tatouage facial alors il mange une racine de manioc
mange
une racine
de manioc
mange
une noix
de
macadam
a un
tatouage
facial
n’a pas de
tatouage
facial
bénéfice pris
Q
bénéfice non pris
non-Q
coût payé
P
coût non payé
non-P
 si les individus utilisent la logique, ils devraient retourner les cartes P et
non-Q
 s’ils cherchent à détecter les tricheurs, ils devraient retourner les cartes
Q et non-P
Principe n°4 de la PE
• Résultats :
 67% (et 75% dans une expérience similaire) des sujets retournent les
cartes Q et non-P
 les sujets choisissent les cartes incorrectes du point de vue de la
logique mais correctes du point de vue de la détection des tricheurs
• En conclusion, les résultats de Cosmides (1989) suggèrent qu’il n’y a
pas un traitement psychologique général chargé d’évaluer la véracité
d’une règle logique, au contraire, le traitement réalisé dépend du
contenu de la règle (spécificité au domaine)
Principe n°5 de la PE
• Ce principe stipule :
Il existe une inadéquation (mismatch) entre les fonctions réalisées
par nos processus psychologiques et notre environnement actuel
• Ce cinquième principe est exprimé par Cosmides et Tooby (1997) avec
la formule : « Nos crânes modernes abritent un esprit qui date de l’âge
de pierre. »
• En effet, nos processus psychologiques ont été façonnés par l’évolution
pour résoudre les problèmes adaptatifs posés par l’environnement de
l'adaptation évolutive (EEA), pas ceux posés par notre environnement
moderne
 celui-ci ne pose plus des problèmes adaptatifs tels que trouver de la
nourriture comestible, échapper aux prédateurs, trouver des partenaires
sexuels, protéger la descendance, …
Principe n°5 de la PE
• Autrement dit, certains processus mentaux continuent à assurer leur
fonction initiale alors que celle-ci n’est plus adaptative
 au contraire, une structure vestigiale est une structure anatomique de
l'organisme dont la fonction initiale a été perdue tout ou en partie au
cours de l'évolution (exemples : chez l’homme, l’appendice et le coccyx)
Exemple 1 :
• L’attirance pour le sucre et les graisses, le stockage des lipides dans les
tissus adipeux
 dans un environnement où la nourriture est rare et imprévisible, il est
hautement adaptatif pour un organisme de i) privilégier les aliments
riches en calories, ii) être capable de stocker les nutriments en excès
pour les garder en réserve
 or dans les sociétés actuelles, trouver de la nourriture n’est plus un
problème donc le stockage des lipides n’est plus une solution adaptative
(au contraire : obésité, maladies cardio-vasculaires, …)
Principe n°5 de la PE
Top 5 du classement de 400 chaînes de restaurants en fonction de leur
chiffre d’affaire (en 2008) :
1. McDonald's
3. Burger King
2. KFC
4. Starbucks
5. Subway
Principe n°5 de la PE
Exemple 2 :
• La peur des serpents et des araignées
 dans un environnement où les serpents et les araignées sont nombreux
et causent des blessures le plus souvent mortelles, il est hautement
adaptatif pour un organisme d’avoir une tendance systématique à éviter
ces animaux
 or dans les sociétés actuelles, les serpents et les araignées sont rares
et les blessures qu’ils peuvent causer sont le plus souvent soignables
 une multitude d’expériences montrent que des images de serpents et
d’araignées i) ont tendance à déclencher des réactions motrices
automatiques d’évitement, ii) attirent plus l’attention que d’autres images
Principe n°5 de la PE
– exemple : tâche attentionnelle
100 ms
100 ms
33 ms
1000 ms
33 ms
1000 ms
le sujet doit appuyer sur une touche située du même côté que le point, le plus rapidement
possible
les serpents et les araignées attirent autant l’attention que les révolvers (alors que ces derniers
causent beaucoup plus de décès)
Principe n°5 de la PE
• Certains mismatchs sont volontairement créés : on définit une situation
dans laquelle certains mécanismes psychologiques seront inadéquats
Exemple
• L’esprit humain présente une tendance naturelle à essayer de prédire le
futur à partir du passé
 ce processus a une valeur adaptative évidente
• La plupart des jeux de casino correspondent à des situations où cette
tendance psychologique est inadéquate (elle donne lieu à des pertes)
 prédire un événement futur à partir d’événements passés est valable
lorsque les événements ne sont pas indépendants
– exemple : dans des régions où les conditions météorologiques sont
relativement stables, prédire le temps qu’il fera demain à partir du
temps qu’il fait aujourd’hui est globalement correct
Principe n°5 de la PE
 mais dans les jeux de casino, les événements sont – statistiquement –
indépendants : dans ce cas, prédire le futur sur la base du passé n’est
pas valable
– ce mismatch est illustré par l’erreur du joueur (gambler’s fallacy) :
au jeu pile-ou-face, croire que si la pièce est tombée cinq fois
d’affilée sur face, alors elle a plus de chances de tomber sur pile au
coup suivant ; à la roulette, croire que si la bille s’est arrêtée cinq fois
d’affilée sur le noir, alors elle a plus de chances de s’arrêter sur le
rouge au lancer suivant
Principe n°5 de la PE
• Mais il serait erroné de conclure que l’intuition probabiliste humaine est
peu performante à partir de l’observation qu’elle échoue dans des
situations qui ont été artificiellement conçues pour la prendre en défaut
« Dans n’importe quel endroit excepté un casino, l’erreur du joueur est rarement
une erreur. En effet, qualifier nos prédictions de fallacieuses parce qu’elles
échouent dans des jeux de casino est un raisonnement à l’envers. Un jeu de casino
est, par définition, une situation conçue pour battre nos prédictions intuitives. C’est
comme dire que nos mains sont mal conçues parce qu’elles échouent à se libérer
de menottes. » Pinker (1997)
4. Le comportement
d’accouplement chez
l’homme
La sélection sexuelle
• La théorie de l’évolution est particulièrement efficace pour expliquer le
comportement d’accouplement chez l’animal
• Dans le cadre évolutionniste, le comportement d’accouplement est régi
par le principe de la sélection sexuelle
 les mâles sont en compétition pour l’accès aux femelles
(sélection intrasexuelle)
 les femelles choisissent le meilleur mâle (sélection intersexuelle)
• Formulé en 1871 par Darwin, le seul principe de la sélection sexuelle
permet de rendre compte d’une large gamme de comportements liés à
l’accouplement
• Par la suite, plusieurs théories ont apporté des fondements à ce principe
 celles-ci ont encore élargi la gamme des comportements expliqués
La sélection sexuelle
• En 1948, Angus John Bateman réalise une expérience qui, d’une part,
apporte une preuve expérimentale de la sélection sexuelle, et d’autre
part, permet d’en établir la cause
• Dans cette expérience, Bateman montre que : chez les mâles, le succès
reproducteur augmente avec le nombre de partenaires sexuels mais pas
chez les femelles
 ce résultat est connu sous le nom de principe de Bateman
• La sélection sexuelle découle logiquement de ce phénomène :
 chez les mâles :
– les spermatozoïdes sont produits en continue en grande quantité
– leur succès reproducteur ne dépend que du nombre de femelles
avec lesquelles ils s’accouplent
– ils cherchent à maximiser leur succès reproducteur en accédant au
maximum de femelles : logique de quantité  compétition
La sélection sexuelle
 chez les femelles :
– les ovules sont beaucoup plus coûteux à produire que les
spermatozoïdes
– il y a une contrainte forte sur le nombre de descendants qu’elles
peuvent produire : un descendant tous les 9 mois au maximum
– leur succès reproducteur ne dépend pas du nombre de mâles avec
lesquels elles s’accouplent : un seul mâle est suffisant pour féconder
tous leurs ovules
– elles cherchent à maximiser leur succès reproducteur en choisissant
le meilleur mâle pour féconder leurs ovules : logique de qualité 
sélection
La sélection sexuelle
• Pour arriver à ce résultat, Bateman a réalisé l’expérience suivante :
 il a travaillé sur « la mouche des fruits »
(Drosophila melanogaster)
 il a produit des adultes porteur d’une mutation
sur un gène donné donnant lieu à une anomalie
phénotypique caractéristique (ex : ailes courbées)
La mouche des fruits
– plusieurs mutations différentes avaient été créées, chaque adulte
portait l’une d’entre elles
 les adultes étaient hétérozygotes dominants : pour chaque mutation,
l’allèle muté (M) était dominant alors que l’allèle normal (n) était récessif
 ensuite, Bateman constituait des groupes comportant chacun 3 femelles
et 3 mâles et plaçait chaque groupe dans une petite bouteille
 il laissait les adultes de chaque groupe s’accoupler pendant 3-4 jours
puis les retirait de la bouteille
La sélection sexuelle
 dans chaque groupe, les 6 adultes possédaient des génotypes uniques
et comme chaque mutation était associée à une anomalie phénotypique
précise, chaque adulte était identifiable
La sélection sexuelle
 Bateman a ensuite inventorié, pour chaque groupe, les caractéristiques
phénotypiques des descendants
La sélection sexuelle
 Bateman a ensuite inventorié, pour chaque groupe, les caractéristiques
phénotypiques des descendants
 il y a 4 types de phénotypes chez les descendants :
– les M♀M♂
La sélection sexuelle
 Bateman a ensuite inventorié, pour chaque groupe, les caractéristiques
phénotypiques des descendants
 il y a 4 types de phénotypes chez les descendants :
– les M♀M♂
– les n♀M♂
La sélection sexuelle
 Bateman a ensuite inventorié, pour chaque groupe, les caractéristiques
phénotypiques des descendants
 il y a 4 types de phénotypes chez les descendants :
– les M♀M♂
– les n♀M♂
– les M♀n♂
La sélection sexuelle
 Bateman a ensuite inventorié, pour chaque groupe, les caractéristiques
phénotypiques des descendants
 il y a 4 types de phénotypes chez les descendants :
– les M♀M♂
– les n♀M♂
– les M♀n♂
– les n♀n♂
La sélection sexuelle
 Bateman peut inférer le père et la mère des descendants de type
M♀M♂ (seulement de ce type de descendants), autrement dit, qui s’est
accouplé avec qui (nombre de partenaires de chaque adulte)
exemple : dans l’ensemble des descendants M♀M♂ :
– si on observe le phénotype CyL4Sb, cela signifie que la femelle CyL4
et le mâle Sb se sont accouplés
– si on n’observe pas le phénotype CyL4Sb, cela signifie que la femelle
CyL4 et le mâle Sb ne se sont pas accouplés
cette inférence est valable en raison du caractère mendélien de
l’hérédité des caractères en jeu : chaque type de phénotype
représente 25% des descendants
La sélection sexuelle
on ne peut pas dire « peut-être que la femelle CyL4 et le mâle Sb se
sont accouplés mais que les descendants ont l’un des 3 autres
phénotypes que CyL4Sb » : ce cas de figure n’est pas possible car ces
4 phénotypes doivent être en nombres égaux
La sélection sexuelle
 Bateman rapporte pour chaque groupe :
– le nombre de partenaires de chaque adulte
– le nombre de descendants de chaque adulte (RS)
La sélection sexuelle
Nombre de descendants
 on peut ainsi représenter le succès reproducteur en fonction du nombre
de partenaires pour les mâles et les femelles :
120
100
80
60
Mâles
40
Femelles
20
0
1
2
3
Nombre de partenaires
– le succès reproducteur dépend plus du nombre de partenaires chez
les mâles que chez les femelles
La sélection sexuelle
• Ce résultat expérimental de Bateman constitue le pivot de la théorie de
la sélection sexuelle : c’est l’article le plus cité dans ce domaine
 il est cité dans près de 2000 publications scientifiques
• Mais en juillet 2012, Gowaty et al. (2012) publient des résultats relatifs à
une réplication de l’étude de Bateman (1948) qui montrent que les
résultat de cette étude sont en fait erronés en raison de plusieurs biais
• En effet, l’inférence sur le nombre de partenaires de chaque adulte à
partir des descendants M♀M♂ n’est pas valable si les 4 types de
phénotypes ne sont pas présents en nombre égaux
 exemple : dans l’ensemble des descendants M♀M♂ :
– si on n’observe pas le phénotype CyL4Sb, cela ne signifie pas que la
femelle CyL4 et le mâle Sb ne se sont pas accouplés
peut-être que la femelle CyL4 et le mâle Sb se sont accouplés mais
que les descendants ont l’un des 3 autres phénotypes que CyL4Sb
La sélection sexuelle
• C’est précisément ce que Gowaty et al. (2012) ont montré :
 les 4 types de phénotypes chez les descendants n’étaient pas en
nombres égaux :
 notamment parce que le fait de porter deux mutations augmente le
risque de décès précoce
La sélection sexuelle
 le compte du nombre de partenaires à partir des descendants M♀M♂
était biaisé :
– comme leur mutation n’était pas présente chez les descendants
M♀M♂, certaines femelles étaient étiquetées « 0 partenaires » alors
qu’en fait, elles s’étaient accouplées (leur mutation était présente
chez les descendants M♀n♂)
– comme leur mutation n’était pas présente chez les descendants
M♀M♂, certaines mâles étaient étiquetés « 0 partenaires » alors
qu’en fait, ils s’étaient accouplés (leur mutation était présente chez
les descendants n♀M♂)
 conclusion : l’estimation de la relation entre le nombre de partenaires et
le succès reproducteur n’est pas valable dans l’étude de Bateman
La sélection sexuelle
• Evolution News & Views (18 juin 2012) :
« Bateman's Sexual Selection: Another Darwinian Pillar Falls »
• Science Daily (25 juin 2012) :
« Biologists Reveal Potential 'Fatal Flaw' in Iconic Sexual Selection
Study »
La sélection sexuelle
• En 1972, Robert Trivers apporte un fondement supplémentaire à la
sélection sexuelle : la théorie de l’investissement parental
• L’investissement parental correspond au rapport coût/bénéfice dans la
production de descendants :
 coût = ensemble des ressources (temps, énergie) qu’un parent consacre
à son enfant au détriment de son propre succès reproducteur
 bénéfice = assurance du succès reproducteur
• Trivers note que l’investissement parental minimal varie énormément
entre le père et la mère :
 l’investissement minimal du père se limite à la copulation
 l’investissement minimal de la mère comporte la copulation, les 9 mois
de grossesse, et l’accouchement
La sélection sexuelle
• Pour les psychologues évolutionnistes, une preuve patente de la théorie
de l’investissement parental est l’effet Cendrillon : il correspond au fait
que le taux de maltraitance infantile et d’infanticide est significativement
plus élevé chez les beaux-parents que chez les parents biologiques
(notamment pour les pères)
 un jeune enfant a plus de chances d’être maltraité ou tué par un beauparent que par l’un de ses parents biologiques
• L’explication évolutionniste est directe :
 pour un parent biologique, il y a un investissement parental
– coût = élever l’enfant, bénéfice = assurer son succès reproducteur
– si l’enfant décède, cet investissement est perdu
 pour un beau-parent, il n’y a pas d’investissement parental
– coût = élever l’enfant, pas de bénéfice
– si l’enfant décède, il n’y a aucune perte
La sélection sexuelle
Nombre d’enfants battus à mort (par
million)
• Daly et Wilson (1994; 2001) rapportent que durant la période 1974-1990
au Canada, le taux d’enfants de moins de 5 ans battus à mort :
 par le père biologique :
700
Beau-pères
2.6 pour un 1 million
576.5
600
Pères biologiques
(74 pour 28.3 M)
500
 par le beau-père :
321.6 pour 1 million
400
321.6
(55 pour 170 000)
300
200
100
0
70.6
30.6
1.8
2.6
La sélection sexuelle
• L’effet Cendrillon est très controversé
 par exemple, Buller (2005) a suggéré que les rapports officiels sur
lesquels se basent les études sont biaisés en défaveur des beauxpères: ces derniers ont tendance à être plus comptabilisés comme
auteurs d’infanticides que les pères biologiques
 Daly et Wilson (2001) font remarquer que même si ce biais existe, il est
insuffisant pour rendre compte de la taille de l’effet Cendrillon
– admettons que les beaux-pères se fassent toujours prendre alors
que les pères biologiques s’en sortent souvent
– pour que l’effet Cendrillon disparaisse (que le taux d’infanticide par
les pères biologiques atteigne celui des beaux-pères), il faudrait qu’il
y ait plus de 500 infanticides non découverts chaque année (sachant
que le nombre annuel moyen d’infanticides découverts est de 4)
La sélection sexuelle
• La sélection sexuelle est une conséquence directe de l’asymétrie de
l’investissement parental entre le père et la mère :
 les femelles sont les parents qui investissent le plus dans la progéniture:
elles ne sont pas en mesure de s’accoupler souvent, d’où une sélection
entre les différents mâles
– celui-ci doit porter des « bons » gènes et avoir des ressources qui
seront investies dans le développement de la progéniture
 les mâles sont les parents qui investissent le moins dans la progéniture :
ils sont en mesure de s’accoupler plus souvent, d’où une compétition
pour l’accès aux femelles
• Le caractère asymétrique de la sélection sexuelle entre les mâles et les
femelles est à l’origine du conflit sexuel : différences inter-sexes
 dans les stratégies d’accouplement (court terme et long terme)
 dans les préférences au niveau choix du partenaire
L’accouplement à court terme
Chez les hommes
• L’accouplement à court terme est un accouplement non conjugal qui
se réduit au rapport sexuel
• Du point de vue évolutionniste, c’est ce type d’accouplement qui doit
être préférentiellement recherché par les mâles car leur succès
reproducteur dépend directement du nombre de partenaires sexuels
 dans deux ouvrages célèbres (aussi connus sous le nom de « rapports
Kinsey »), Alfred Kinsey rapporte que 50% des hommes mariés et 26%
des femmes mariées ont eu des relations sexuelles extra conjugales
– Le Comportement sexuel de l’homme (1948)
– Le Comportement sexuel de la femme (1954)
• Chez l’Homme, plusieurs résultats confirment que les hommes sont plus
enclins à l’accouplement à court terme que les femmes
L’accouplement à court terme
Chez les hommes
 exemple 1 : les résultats d’une enquête de Buss et Schmitt (1993)
montrent que les hommes souhaitent plus de partenaires que les
femmes, et ce, à toutes les échelles de temps :
L’accouplement à court terme
Chez les hommes
 exemple 2 : les résultats d’une autre enquête de Buss et Schmitt (1993)
montrent que les hommes sont plus enclins à accepter un rapport
sexuel que les femmes, et ce, quel que soit le temps depuis lequel on
connait le partenaire :
L’accouplement à court terme
Chez les hommes
 exemple 3 : expérience de Clark et Hatfield (1989)
– sur un campus universitaire, des étudiants (hommes et femmes)
dont la beauté physique était similaire (moyenne) devait accoster
des étudiants du sexe opposé et leur dire :
« Je t’ai repéré(e) sur le campus. Je te trouve très beau(belle). »
puis leur poser l’une des trois questions :
« Est-ce que tu voudrais sortir avec moi ce soir ? »
« Est-ce que tu voudrais venir chez moi ce soir ? »
« Est-ce que tu voudrais coucher avec moi ce soir ? »
L’accouplement à court terme
Chez les hommes
 exemple 3 : expérience de Clark et Hatfield (1989)
– résultats : % des étudiants accostés ayant accepté la requête
Etude 1
Type de requête
Sexe du
demandeur
Sortie
Appartement
Rapport sexuel
Femme
50%
69%
75%
Homme
56%
6%
0%
Etude 2
Type de requête
Sexe du
demandeur
Sortie
Appartement
Rapport sexuel
Femme
50%
69%
69%
Homme
50%
0%
0%
L’accouplement à court terme
Chez les hommes
 exemple 4 : les résultats d’une enquête de Kurdek (1999) montrent que
les hommes mariés sont moins satisfaits de leur mariage que leur
femme, et ce, quel que soit le nombre d’années de mariage (au moins
durant les premières années)
L’accouplement à court terme
Chez les hommes
• La recherche de l’accouplement à court terme par les mâles donne lieu
à une compétition pour l’accès aux partenaires sexuels
• Une forme particulière de compétition chez les mâles est la compétition
du sperme : il s’agit de la compétition entre les spermatozoïdes de
différents mâles pour féconder un ovule d’une même femelle
• L’évolution a façonné différentes stratégies chez les mâles pour lutter
dans cette compétition :
 surveiller le partenaire : après l’accouplement, le mâle surveille la
femelle et empêche les autres mâles de s’en approcher
L’accouplement à court terme
Chez les hommes
 libérer beaucoup de spermatozoïdes : tout comme on augmente ses
chances de gagner à une loterie en achetant beaucoup de tickets, un
mâle augmente ses chances de féconder une femelle en libérant
beaucoup de spermatozoïdes
– il faut acheter d’autant plus de tickets
qu’il y a de participants à la loterie :
la taille des testicules dépend de la
promiscuité sexuelle des femelles
– Preston et al. (2002) ont montré que
chez le mouton de Soay où la
promiscuité des femelles est forte,
la taille des testicules des mâles est
Le mouton de Soay
4 fois plus grande que la taille prédite
par rapport au reste de leur corps
L’accouplement à court terme
Chez les hommes
 empêcher les spermatozoïdes d’un autre mâle de pénétrer dans
l’appareil reproducteur de la femelle : chez certaines espèces, un
bouchon copulateur (agrégat de sperme et de sécrétions sexuelles) se
forme au niveau de l’orifice vulvaire de la femelle
 libérer des substances qui vont affecter le
comportement reproducteur de la femelle :
chez certaines espèces, le sperme des mâles
comporte des substances anti-aphrodisiaques
qui vont inhiber le comportement reproducteur
de la femelle après l’accouplement ainsi que
des substances qui vont stimuler l’ovulation
Bouchon copulateur
L’accouplement à court terme
Chez les hommes
 retirer le sperme des mâles précédents : chez certaines espèces, la
morphologie du pénis (couronne) a été façonnée pour remplir cette
fonction
– Gallup et al. (2003) rapportent
que lorsqu’une personne a un
rapport sexuel dans un contexte
d’infidélité, la profondeur de la
pénétration est plus grande et
son rythme est plus soutenu
L’accouplement à court terme
Chez les femmes
• A priori, l’accouplement à court terme ne doit pas être particulièrement
recherché par les femmes car leur succès reproducteur ne dépend pas
du nombre de partenaires
 globalement, le principe de sélection sexuelle n’explique pas pourquoi
26% des femmes mariées ont des rapports extraconjugaux
• David Buss soutient l’hypothèse que chez la femme, l’accouplement à
court terme est une stratégie visant à maximiser la qualité génétique de
ses descendants
 une femme ne peut guère augmenter le nombre de ses enfants mais
elle peut augmenter la qualité de leur gènes en choisissant des
partenaires portant des « bons » gènes
 une femme mariée dont un enfant est issu d’un rapport extraconjugal
combine deux avantages : elle assure la qualité génétique de l’enfant
via son amant et son éducation via les ressources de son mari
L’accouplement à court terme
Chez les femmes
• Buss met en avant deux arguments en faveur de l’hypothèse que
l’accouplement à court terme est une stratégie adaptative chez la
femme :
 Gangestad et Thornhill (1997) ont montré que les femmes mariées
choisissent davantage comme amants des hommes morphologiquement
symétriques que des hommes asymétriques
– la symétrie morphologique révèle une stabilité développementale
qui indique une capacité à résister aux agents pathogènes et aux
mutations mineures et donc une génétique favorable
L’accouplement à court terme
Chez les femmes
 Baker et Bellis (1995) ont montré que les femmes mariées infidèles
avaient davantage de rapports sexuels extraconjugaux pendant la
période fertile que pendant la période non fertile du cycle menstruel
– pour Buss, cela prouve
que celles-ci cherchent
à être fécondées par
leur amant (qui porte
les meilleurs gènes)
L’accouplement à court terme
Chez les femmes
• Buller (2005) a critiqué l’idée que l’accouplement à court terme chez la
femme est une stratégie adaptative (une adaptation) : selon lui, ce
phénomène est un sous-produit (byproduct) de caractéristiques qui elles
sont des adaptations :
 la préférence pour les hommes à la morphologie symétrique
 le désir sexuel
 un pic du désir sexuel durant la phase fertile du cycle menstruel
• Buller suggère que les deux phénomènes en question peuvent être
expliqués sans invoquer d’adaptation :
 si les femmes mariées infidèles sélectionnent leurs amants suivant le
critère physique (symétrie morphologique), c’est parce que le critère
matériel (ressources) est déjà satisfait par leur mari
L’accouplement à court terme
Chez les femmes
 si les femmes mariées infidèles ont plus de rapports extraconjugaux
pendant la période fertile du cycle menstruel, c’est parce que :
– les femmes ont plus de désir sexuel durant cette phase d’une façon
générale
– elle choisissent leur amant plutôt que leur mari pour satisfaire ce
désir parce que le premier apporte plus de satisfaction que le second
Pourquoi ne choisissent-elles pas tout le temps leur amant ?
– en période non fertile :
coût = risque de découverte de l’infidélité par le mari
bénéfice = plus de satisfaction sexuelle
– en période fertile :
coût = risque de découverte de l’infidélité par le mari
bénéfice = beaucoup plus de satisfaction sexuelle
La jalousie
• Buss et al. (1992) ont proposé une explication évolutionniste de la
jalousie basée sur la théorie de l’investissement parental
 pour Buss, la jalousie est une alarme émotionnelle dont la fonction est
de signaler une potentielle infidélité du conjoint et donc une potentielle
perte de l’investissement parental jusqu’alors réalisé
• Cette explication prédit un fonctionnement différentiel de la jalousie
entre les deux sexes :
 les hommes sont plus enclins à détecter l’infidélité sexuelle car celle-ci
entraîne une incertitude paternelle
– contrairement à une femme, un homme ne peut jamais être sûr
d’être le père de son enfant (« Mother’s baby, fathers maybe »)
– Baker (1996) rapporte que 10% des enfants sont élevés par un père
qui ignore qu’il n’est pas leur père biologique
 les femmes sont plus enclines à détecter l’infidélité émotionnelle car
celle-ci est synonyme de perte de ressources pour élever l’enfant
La jalousie
• Buss et Schmitt (1993) rapportent un résultat en faveur de l’hypothèse
que les hommes recherchent la certitude paternelle : ils accordent plus
d’importance que les femmes au fait que leur partenaire à long terme
soit vierge avant leur rencontre :
Indispensable
Pas du tout important
La jalousie
• Pour tester leur explication évolutionniste de la jalousie, Buss et al.
(1992) ont proposé à des sujets des dilemmes d’infidélité :
 dilemme 1 :
Pensez à une relation amoureuse sérieuse que vous avez eue, que
vous avez actuellement, ou que vous aimeriez avoir. Imaginez que votre
partenaire devienne intéressé par une autre personne que vous.
Qu’est-ce qui vous bouleversait le plus ?
□ Découvrir que votre partenaire entretient une relation émotionnelle
forte avec cette personne [infidélité émotionnelle]
□ Découvrir que votre partenaire entretient des rapports sexuels avec
cette personne [infidélité sexuelle]
La jalousie
 résultats :
*USA : moyenne de 6 études
% de sujets ayant choisi
l’infidélité sexuelle
70
60
50
Hommes
40
Femmes
30
20
10
0
La jalousie
 dilemme 2 :
Pensez à une relation amoureuse sérieuse que vous avez eue, que
vous avez actuellement, ou que vous aimeriez avoir. Imaginez que votre
partenaire devienne intéressé par une autre personne que vous.
Qu’est-ce qui vous bouleversait le plus ?
□ Découvrir votre partenaire en train d’essayer différentes positions
sexuelles avec cette personne [infidélité sexuelle]
□ Découvrir que votre partenaire est en train de tomber amoureux de
cette personne [infidélité émotionnelle]
La jalousie
 résultats :
*USA : moyenne de 4 études
% de sujets ayant choisi
l’infidélité sexuelle
60
50
40
30
20
10
0
Hommes
Femmes
La jalousie
• Buller (2005) a également critiqué ces résultats :
 montrer que les hommes sont plus attentifs à l’infidélité sexuelle que les
femmes n’est pas concluant car l’hypothèse est que les hommes sont
plus attentifs à l’infidélité sexuelle qu’à l’infidélité émotionnelle (et viceversa pour les femmes)
– or ces données montrent que ce n’est pas le cas chez les hommes :
Dilemme 1
Dilemme 2
Infidélité sexuelle
51%
38%
Infidélité émotionnelle
49%
62%
Le choix du partenaire
• L’asymétrie de la sélection sexuelle entre les mâles et les femelles est
également à l’origine de différences inter-sexes concernant les critères
dans le choix du partenaire
• Selon la théorie de l’investissement parental :
 le premier critère de sélection des femelles doit être la quantité de
ressources du mâle : plus un mâle possède de ressources, plus les
descendants pourront bénéficier de ces ressources, ce qui assure le
succès reproducteur de la femelle
 le premier critère de sélection des mâles doit renvoyer aux qualités
physiques de la femelle : ce sont les indicateurs de sa fertilité
 les femelles doivent être globalement plus sélectives que les mâles
• Un grand nombre d’études ont confirmé ces prédictions chez l’Homme
Le choix du partenaire
Les ressources financières et le statut social
• Buss et Schmitt (1993) rapportent que les femmes accordent plus
d’importance à ces deux critères que les hommes :
Ressources financières du partenaire
Statut social du partenaire
(0 : Pas du tout important – 3 : Indispensable)
Le choix du partenaire
Les ressources financières et le statut social
• Dunn et Searle (2010) ont montré que les ressources matérielles d’une
personne influencent la perception que l’on a de sa beauté physique
 dans leur expérience, des sujets devaient évaluer la beauté physique
(sur une échelle de 1 à 10) d’une personne du sexe opposé qui était au
volant soit d’une Ford Fiesta, soit d’une Bentley Continental
Le choix du partenaire
Les ressources financières et le statut social
Le choix du partenaire
Les ressources financières et le statut social
 résultats :
1 : Pas du tout attractif – 10 : Très attractif
Le choix du partenaire
L’intelligence
Rang percentile intelligence
• Kenrick et al. (1990; 1993) ont réalisé l’expérience suivante :
 des étudiants devaient indiquer le degré minimal d’intelligence qu’une
personne devait avoir pour :
100
– une sortie
90
– une relation sexuelle
80
70
– une relation stable
60
– un mariage
50
40
30
20
10
0
Hommes
Femmes
Sortie
Sexe
Stable Mariage
Le choix du partenaire
L’âge
• Buss et Schmitt (1993) rapportent que les femmes souhaitent un époux
plus âgé qu’elles alors que les hommes souhaitent une épouse moins
âgée qu’eux
 pour les femmes, un
mari plus âgé a plus
de chances d’avoir
des ressources
 pour les hommes, une
épouse moins âgée a
plus de chances d’être
fertile
Le choix du partenaire
La beauté physique
• Buss et Schmitt (1993) rapportent que les hommes accordent plus
d’importance à ce critère que les femmes :
Le choix du partenaire
La beauté physique
• Townsend et Levy (1990) ont montré dans une même expérience que
le statut social du partenaire est un critère plus prévalent chez les
femmes tandis que l’attractivité physique du partenaire est un critère
plus prévalent chez les hommes
 ils avaient sélectionné 4 modèles : un homme attractif, un homme peu
attractif, une femme attractive, et une femme peu attractive
 ils avaient pris 3 photos de chacun de ces modèles : dans chaque
photo, le modèle portait des vêtements traduisant un certain statut social
(bas, moyen, élevé)
Le choix du partenaire
La beauté physique
Statut social bas
Statut social moyen
Statut social élevé
Le choix du partenaire
La beauté physique
 ces photos étaient ensuite montrées à des sujets (chaque sujet voyait
des photos d’un modèle du sexe opposé) qui devaient répondre à 5
questions pour chaque photo :
Question 1 : « Je pourrais boire un café avec cette personne »
Question 2 : « Je pourrais faire une sortie avec cette personne »
Question 3 : « Je serais prêt(e) à avoir des rapports sexuel avec cette
personne »
Question 4 : « Je serais prêt(e) à avoir une relation sérieuse avec cette
personne »
Question 5 : «Je serais prêt(e) à me marier avec cette personne »
1 : Tout à fait d’accord, 2 : D’accord, 3 : Indécis(e), 4 : Pas d’accord, 5 : Pas du tout d’accord
Le choix du partenaire
La beauté physique
 résultats : question 3 (sexe)
FEMMES
HOMMES
Attractif
5
4
4
3
3
2
2
1
1
0
0
Faible
Moyen
Elevé
Statut social du modèle
Attractif
5
Non-attractif
Faible
Moyen
Elevé
Statut social du modèle
1 : Tout à fait d’accord, 2 : D’accord, 3 : Indécis(e), 4 : Pas d’accord, 5 : Pas du tout d’accord
Le choix du partenaire
La beauté physique
 résultats : question 5 (mariage)
FEMMES
HOMMES
Attractif
5
4
4
3
3
2
2
1
1
0
0
Faible
Moyen
Elevé
Statut social du modèle
Attractif
5
Non-attractif
Faible
Moyen
Elevé
Statut social du modèle
1 : Tout à fait d’accord, 2 : D’accord, 3 : Indécis(e), 4 : Pas d’accord, 5 : Pas du tout d’accord
Le choix du partenaire
La beauté physique
• Singh (1993) a proposé l’hypothèse que pour les hommes, l’un des
critères physiques le plus pertinent pour évaluer la santé globale d’une
femme est le rapport taille-hanche (RTH) : rapport entre la
circonférence de la taille et celle des hanches
 le RTH moyen chez la femme est compris entre 0.67 et 0.80
 le RTH moyen chez l’homme est compris entre 0.85 et 0.95
• Selon Singh, à poids de corps constant :
 les femmes avec un RTH bas ont une activité endocrine plus précoce
que les femmes avec un RTH élevé
 les femmes avec un RTH élevé ont plus de difficulté à tomber enceintes
 les femmes avec un RTH élevé sont plus prédisposées au diabète, à
l’hypertension, et aux problèmes cardio-vasculaires
Le choix du partenaire
La beauté physique
• Singh (1993) a construit 12 dessins de femmes résultants du croisement
de 4 RTH différents avec 3 poids de corps différents, et elle a demandé
à des sujets d’évaluer ces femmes sur plusieurs critères
Poids faible
Poids moyen
Poids élevé
Le choix du partenaire
La beauté physique
 résultats :
– quel que soit le poids de corps, la femme avec le RTH le plus bas
(0.7) était jugée comme étant la plus jeune, en meilleure santé, la
plus fertile, et la plus attractive
– sur les 12 femmes, la femme jugée comme étant la plus attractive
était celle avec le poids de corps moyen et le RTH le plus bas
Le choix du partenaire
Bilan
• Choix du partenaire chez les femmes :
« Le pouvoir est l’aphrodisiaque ultime. » (Henry Kissinger)
« Si les femmes n’existaient pas, tout l’argent du monde n’aurait aucune
valeur. » (Aristote Onassis)
• Choix du partenaire chez les hommes :
« Pourquoi ne parlerais-je pas de votre beauté, puisque sans elle je
n’aurais jamais pu vous aimer. » (John Keats à Fanny Brawne)
5. La génétique
comportementale
L’hérédité mendélienne
• Gregor Mendel (1822-1884) est le précurseur de la génétique et de
l’étude de l’hérédité
• Après avoir réalisé plus de 10 000 croisements entre des petits pois, il a
pu énoncer 3 lois concernant la transmission des caractères au cours de
la reproduction sexuée
• La première loi de Mendel est la loi de ségrégation : elle stipule que
pour chaque caractère, un individu possède deux formes (allèles) et que
lors de la fécondation, celui-ci ne transmet qu’une seule de ces formes
(les gamètes sont haploïdes : n chromosomes)
 la loi de ségrégation correspond donc à la séparation des paires de
chromosomes homologues lors de la méiose
‒ cas sans dominance
‒ cas avec dominance (un allèle dominant et un allèle récessif)
L’hérédité mendélienne
• Certains gènes d’un individu ont un effet sur son phénotypique : chacun
de ces gènes a un effet génétique
• On distingue deux types d’effets génétiques :
 effets génétiques additifs : gènes dont les effets des allèles sont additifs
 exemple :
– un gène, deux allèles : V (violet) et B (blanc)
– parent 1 : VV (violet) + parent 2 : BB (blanc)  enfant : VB (rose)
 effets génétiques non-additifs : gènes dont les effets des allèles sont
interactifs
 effet de dominance : l’effet d’un allèle dépend de l’effet de l’autre
allèle sur le même locus
 exemple :
– un gène, deux allèles : L (lisse) et r (ridé)
– parent 1 : Lr (lisse) + parent 2 : rr (ridé)  enfant : rr (ridé)
L’hérédité mendélienne
 effet d’épistasie : l’effet d’un allèle dépend de l’effet d’autres allèles
sur d’autres locus
• Seuls les effets génétiques additifs sont transmis à la descendance
 les effets génétiques de dominance et d’épistasie se produisent dans les
cellules diploïdes (deux allèles pour chaque gène)
 or un parent transmet des cellules haploïdes (gamètes), il ne transmet
donc pas ses effets génétiques interactifs : ceux-ci sont spécifiques à
chaque individu
 ce sont les effets génétiques additifs qui déterminent la ressemblance
phénotypique entre les parents et les enfants
L’héritabilité dans l’élevage sélectif
• En fait, la notion d'héritabilité a été développée par les généticiens dans
les années 1920 pour optimiser un pratique agronomique : l’élevage
sélectif
• L’objectif de l’élevage sélectif est d’augmenter la fréquence d’une
certaine modalité d’un trait phénotypique au cours des générations en
sélectionnant les individus qui se reproduisent
 tout trait phénotypique est la résultante d’effets des gènes et d’effets de
l’environnement
 pour qu’il y ait un effet de sélection, il faut que le trait soit transmissible
d’un parent à sa descendance, autrement dit, qu’il soit plus influencé par
les gènes que par l’environnement
 l’héritabilité d’un caractère désigne sa transmissibilité d’un parent à sa
descendance
L’héritabilité dans l’élevage sélectif
Exemple :
– on veut augmenter la fréquence de poissons blancs
– si les variations de la couleur sont principalement dues à des
variations de l’environnement, faire se reproduire entre eux des
poissons blancs n’augmentera pas la fréquence de ce phénotype
L’héritabilité dans l’élevage sélectif
• Le principe de l’élevage sélectif est le suivant :
exemple : on veut faire augmenter la taille dans une population de
drosophiles
 génération 1 :
individus sélectionnés pour la reproduction
146 mm
162 mm
taille
– taille moyenne des individus = 146 mm
– taille moyenne des individus sélectionnés = 162 mm
– différentiel de sélection (S) : 162 – 146 = 16 mm
L’héritabilité dans l’élevage sélectif
• Le principe de l’élevage sélectif est le suivant :
exemple : on veut faire augmenter la taille dans une population de
drosophiles
 génération 2 :
146 mm 150.16 mm
taille
– taille moyenne des individus = 150.16 mm
– réponse (ou gain) de sélection (R) = 150.16 – 146 = 4.16 mm
L’héritabilité dans l’élevage sélectif
• Dans le cadre de l’élevage sélectif, l’héritabilité (notée h²) est définie de
la façon suivante :
h2 =
réponse de sélection
R
=
différentiel de sélection S
 dans l’exemple :
h2 =
4.16
= 0.26
16
• Dans la plupart des cas d’élevage sélectif, l’héritabilité du trait
phénotypique est connue, dans ce cas, l’éleveur cherche à estimer le
gain de sélection à partir du différentiel de sélection et de l’héritabilité
 il utilise l’équation de l’éleveur : R = S×h²
L’héritabilité dans l’élevage sélectif
• Pour comprendre ce qu’exprime l’héritabilité, il faut noter que le
raisonnement de l’éleveur ne porte pas à l’échelle de l’individu mais à
l’échelle de la population
 la question n’est pas :
– quelles sont les influences respectives de l’environnement et du
génotype sur la taille d’une drosophile ?
mais :
– dans une population de drosophiles, quelle part de la variance de la
taille est transmise héréditairement (et donc prédictible) ?
• L’héritabilité correspond donc à la part de la variance phénotypique qui
correspond à de la variance génotypique (transmise héréditairement)
L’héritabilité dans l’élevage sélectif
• Définition formelle – provisoire – de l’héritabilité :
h2 =
Var(G)
Var(G)
=
Var(P)
Var(G)+Var(E)
avec :
Var(P) = variance phénotypique
Var(G) = variance génotypique
Var(E) = variance environnementale
 l’héritabilité est un rapport qui varie entre 0 et 1 (souvent exprimé en %)
exemple :
– h² = 0.26 : 26% de la variance de la taille dans la population de
drosophiles correspond à de la variance génotypique
L’héritabilité dans l’élevage sélectif
• En fait, comme il existe trois types d’effets génétiques, la variance
génétique est décomposable en trois parties : la variance génétique
additive Var(A), la variance génétique de dominance Var(D) et la
variance génétique épistasique Var(I)
 Var(G) = Var(A) + Var(D) + Var(I)
• L’héritabilité telle qu’elle est définie dans le cadre de l’élevage sélectif ne
prend en compte que la variance génétique additive : on parle
d’héritabilité au sens strict (h²)
Var(A)
Var(A)
h2 =
=
Var(P)
Var(G)+Var(E)
• Lorsqu’on prend en compte l’ensemble de la variance génétique, on
parle d’héritabilité au sens large (H²)
H2 =
Var(G)
Var(G)
=
Var(P)
Var(G)+Var(E)
L’héritabilité dans l’élevage sélectif
Bilan
• Dans l’interprétation de l’héritabilité d’un trait, l’erreur la plus fréquente
consiste à croire que cette valeur caractérise le trait lui-même alors
qu’elle caractérise une population
 exemple : « si un trait est héritable à 60%, cela signifie que l’expression
de ce trait chez un individu est déterminée à 60% par les gènes et à
40% par l’environnement »
• L’héritabilité d’un trait phénotypique donné :
 indique les influences respectives du facteur G et du facteur E sur les
variations du trait au sein d’une population
– la notion d’héritabilité s’applique au niveau de la population
 n’indique pas les influences respectives du facteur G et du facteur E
sur une valeur particulière du trait
– la notion d’héritabilité ne s’applique pas au niveau de l’individu
L’héritabilité dans l’élevage sélectif
Bilan
• Exemple :
6
1
2
3
4
5
6
– trait phénotypique : surface des rectangles
– facteur G : largeur
– facteur E : longueur
 Quel facteur explique le plus la variation de la surface des rectangles ?
la variation de la largeur explique 40% de la variation de la surface
 Quel facteur explique le plus la surface du rectangle n°4 ?
la largeur explique 40% de la surface du rectangle n°4
L’héritabilité en psychologie
• L’étude de l’héritabilité des caractéristiques psychologiques a donné lieu
à de nombreuses recherches (qui elles-mêmes ont donné lieu à de
nombreux débats et controverses)
• En psychologie, il n’est évidemment pas possible d’estimer l’héritabilité
par des programmes d’élevage sélectif…
Les psychologues ont donc recours à d’autres méthodes :
 la méthode des familles
 la méthode des jumeaux
 la méthode des adoptions
 la régression parents-enfants
L’héritabilité en psychologie
• La méthode des familles consiste à comparer des corrélations entre
différentes mesures d’un trait chez des individus d’une même famille
 cette méthode permet d’estimer l’effet génétique :
exemple 1 :
Facteur G
modalité 1
modalité 2
Facteur E
———
———
corrélation
Frère
Sœur
Cousin
Cousin
83
100
85
103
104
101
100
101
100
107
101
112
106
109
100
120
117
104
118
111
r = 0.44
r = 0.36
L’héritabilité en psychologie
exemple 2 : corrélation de l’intelligence en fonction de la proximité
génétique des apparentés
Proximité génétique
Corrélation
Apparentés 3ème degré
12.5 %
0.15
Apparentés 2ème degré
25 %
0.30
Apparentés 1er degré
50 %
0.45
Jumeaux DZ
50 %
0.60
Jumeaux MZ
100 %
0.85
L’héritabilité en psychologie
exemple 3 : risque de schizophrénie en fonction de la proximité
génétique des apparentés
Proximité génétique
Risque
Non-apparentés
0%
1%
Apparentés 2ème degré
25 %
4%
Apparentés 1er degré
50 %
9%
Jumeaux DZ
50 %
17 %
Jumeaux MZ
100 %
48 %
L’héritabilité en psychologie
• Limite de la méthode des familles :
 le principe est d’isoler l’effet du facteur G, donc le facteur E doit être
contrôlé : hypothèse de l’équivalence des environnements
 or le facteur G et le facteur E sont souvent confondus : plus la proximité
génétique est élevée, plus les individus ont tendance à partager le
même environnement
L’héritabilité en psychologie
• La méthode des jumeaux consiste à comparer des corrélations entre
différentes mesures d’un trait chez des jumeaux monozygotes (MZ) et
des jumeaux dizygotes (DZ)
 cette méthode permet d’estimer l’effet génétique :
Facteur G
MZ
DZ
Facteur E
élevés ensemble
élevés ensemble
corrélation
Jumeau 1
Jumeau 2
Jumeau 1
Jumeau 2
89
94
84
89
91
94
101
103
96
91
92
108
99
104
108
108
103
107
125
107
rMZ = 0.80
rDZ = 0.64
L’héritabilité en psychologie
• La méthode des jumeaux consiste à comparer des corrélations entre
différentes mesures d’un trait chez des jumeaux monozygotes (MZ) et
des jumeaux dizygotes (DZ)
 cette méthode permet d’estimer l’effet génétique :
Facteur G
MZ
DZ
Facteur E
élevés séparément
élevés séparément
corrélation
Jumeau 1
Jumeau 2
Jumeau 1
Jumeau 2
90
103
96
93
96
101
104
107
90
106
104
107
98
111
105
95
101
115
107
101
rMZ = 0.70
rDZ = 0.51
L’héritabilité en psychologie
• Dans les études utilisant la méthode des jumeaux, l’héritabilité est
estimée suivant la formule de Falconer :
H² = 2×(rMZ – rDZ)
 il s’agit d’une estimation de l’héritabilité au sens large (H²)
– des jumeaux MZ possèdent des génotypes identiques et donc des
effets de dominance identiques
 plus la différence entre les deux corrélations est élevée, plus l’héritabilité
est importante
• Limite de la méthode des jumeaux :
 si les jumeaux (MZ et DZ) ont été élevés ensemble : hypothèse de
l’équivalence des environnements
– les jumeaux MZ ont tendance à avoir des environnements plus
similaires que les jumeaux DZ
 représentativité des échantillons
L’héritabilité en psychologie
• La méthode des jumeaux a été largement utilisée :
 exemple 1 : concordance de pathologies chez des jumeaux MZ et DZ
Pathologies somatiques
Pathologies mentales
Plomin et al. (1994)
L’héritabilité en psychologie
• La méthode des jumeaux a été largement utilisée :
 exemple 2 : corrélations de variables psychologiques
Plomin et al. (1994)
L’héritabilité en psychologie
• La méthode des adoptions consiste à calculer la corrélation entre la
mesure d’un trait chez des enfants adoptés et la mesure du trait chez
leurs parents biologiques ou adoptifs
 cette méthode permet d’estimer l’effet génétique :
corrélation
Enfants adoptés
Parents biologiques
99
94
92
100
102
94
102
100
104
107
r = 0.21
L’héritabilité en psychologie
• La méthode des adoptions consiste à calculer la corrélation entre la
mesure d’un trait chez des enfants adoptés et la mesure du trait chez
leurs parents biologiques ou adoptifs
 cette méthode permet également d’estimer l’effet environnemental :
corrélation
Enfants adoptés
Parents adoptifs
84
99
106
101
95
123
107
104
107
118
r = 0.16
L’héritabilité en psychologie
• Résumé des méthodes des familles, jumeaux et adoptions pour le QI
 corrélation entre :
L’héritabilité en psychologie
• La méthode de la régression parents-enfants consiste à calculer la
régression de la mesure d’un trait chez des enfants (critère) sur la
mesure de ce trait chez leurs parents (prédicteur)
 l’héritabilité correspond au coefficient de régression
 cette méthode permet d’estimer l’héritabilité au sens strict (h²)
– les parents ne transmettent que les effets génétiques additifs à leurs
enfants
L’héritabilité en psychologie
Taille de l’enfant moyen
Taille de l’enfant moyen
• Francis Galton (1822-1911) est le premier à avoir utilisé cette méthode
 critère : taille des enfants, prédicteur : taille des parents
Taille du parent moyen
Taille du parent moyen
 même lorsque l’héritabilité est élevée (h² = 0.8), la taille des parents
n’est pas un prédicteur parfait de la taille des enfants (r = 0.63)
– ceci est dû à la ségrégation des allèles parentaux
La recherche des gènes
• L’étude de l’héritabilité d’un caractère n’est qu’une étape dans le
processus de recherche en génétique comportementale : si un caractère
a une héritabilité forte, l’étape suivante consiste à identifier les gènes
impliqués et décrire leur effet sur le caractère
 exemple :
– une pathologie révèle une héritabilité forte
– en ciblant des individus et des familles atteints par cette pathologie
et en comparant avec un groupe témoin de la population générale,
on cherche à circonscrire un ensemble de gènes impliqués dans
l’émergence de la pathologie
• En 1951, Ronald Fisher, mathématicien et généticien des populations,
soulignait le fait que les estimations d'héritabilité détournent de la
recherche des mécanismes génétiques et de la recherche des gènes
 depuis les années 2000, ces recherches sont réalisables grâce aux
progrès de la biologie moléculaire et de la génétique
Illustration :
la dyslexie développementale
La recherche des gènes
Définition
• La dyslexie développementale est un trouble d’apprentissage
spécifique de la lecture et de l’orthographe
 ce trouble n’est pas explicable par :
– des troubles sensoriels (surdité, vision)
– un déficit intellectuel
– un trouble psychiatrique (ex : hyperactivité, troubles des conduites)
– une lésion neurologique
– des désavantages sociaux ou pédagogiques
 il concerne entre 3% et 5% des enfants d’âge scolaire
La recherche des gènes
Au plan cognitif
• L’hypothèse générale est que le trouble comportemental des enfants
dyslexiques (difficulté dans l’apprentissage de la lecture) est lié à :
 la conscience phonologique
– représentation mentale des sons de la parole
 la mémoire verbale à court-terme
– stocker des informations verbales en mémoire de travail
– récupérer ces informations en mémoire
• Les études longitudinales montrent que ces difficultés se manifestent
avant même l’apprentissage de la lecture
La recherche des gènes
Au plan cérébral fonctionnel (IRM fonctionnelle)
• Dans le cerveau des individus dyslexiques, les aires cérébrales
impliquées dans la lecture présentent une activité réduite lors de
l’activité de lecture :
Individus témoins
Réseau cérébral de la lecture
Individus dyslexiques
Paulesu et al. (2001)
• Il s’agit de corrélats neuro-fonctionnels des troubles dyslexiques, pas
nécessairement de causes
La recherche des gènes
Au plan cérébral anatomique (IRM anatomique)
• Les cerveaux des individus dyslexiques ne présentent pas d’anomalies
majeures (accident cérébro-vasculaire, tumeur cérébrale, malformation
développementale, …)
• A un niveau plus fin, on peut détecter des différences structurelles entre
les cerveaux dyslexiques et les cerveaux témoins :
 volume de matière grise réduit chez les dyslexiques dans les régions
frontale et temporo-pariétale
 volume de matière blanche réduit dans
les zones temporo-pariétales
• Il s’agit de corrélats neuro-anatomiques
des troubles dyslexiques, pas nécessairement
de causes (plasticité cérébrale)
Eckert (2004)
La recherche des gènes
Au plan cérébral anatomique (études post-mortem)
• Les études post-mortem de cerveaux dyslexiques ont révélé la présence
d’ectopies à la surface du cortex
une ectopie désigne un amas de
cellules gliales (en bleu) et de
neurones (en orange), qui, au cours
du développement embryonnaire,
n’ont pas migré correctement :
elles ont dépassé la couche corticale
où elles auraient dû s’arrêter
une ectopie mesure 1/10 de mm
les ectopies apparaissent vers 16-24
semaines de gestation (migration
neuronale)
d’après Ramus (2005)
La recherche des gènes
Au plan cérébral anatomique (études post-mortem)
• Les études post-mortem de cerveaux dyslexiques ont révélé la présence
d’ectopies à la surface du cortex
les ectopies sont principalement présentes
dans l’hémisphère gauche où elles sont
concentrées autour de la scissure de
Sylvius (régions frontales et pariétotemporale)
d’après Ramus (2005)
La recherche des gènes
Au plan cérébral anatomique (études post-mortem)
• Un trouble de la migration neuronale est également un corrélat cérébral
de la dyslexie mais il peut prétendre au statut de cause car il est daté
(16ème – 24ème semaines de gestation)
 il ne peut pas être une conséquence du trouble comportemental
• Ces observations ont été réalisées dans les années 1980 (Galaburda,
1985) mais elles n’ont pas connues beaucoup de succès…
 peu de réplications en raison de la difficulté à réaliser des études postmortem
• … jusqu’aux premiers travaux en génétique
La recherche des gènes
Au plan génétique
• Le Projet Génome Humain avait été entrepris en 1990 avec comme
objectif le séquençage complet de l'ADN du génome humain
 les premiers résultats (séquences « brutes ») ont été publiés en 2001
mais ce projet a été officiellement achevé le 14 avril 2003
 il a abouti à l’identification d’environ 22 000 gènes
• Le séquençage du génome humain a ouvert la voie à de nombreux
types d’études différentes
 certaines de ces études appliquent une même démarche :
– on prélève l’ADN d’individus d’un échantillon représentatif d’une
population-cible (présentant une certaine caractéristique) et l’ADN
d’individus d’une population-témoin
– on compare les deux ADN pour identifier d’éventuelles différences et
par là-même, les bases génétiques de la caractéristique en question
La recherche des gènes
Au plan génétique
• Appliquée à la dyslexie, cette démarche a mis en évidence des régions
chromosomiques impliquées dans la dyslexie
 ces régions portent des allèles liés génétiquement (linkage) : ils sont
situés sur des chromosomes différents mais sont transmis ensemble à
la descendance
La recherche des gènes
Au plan génétique
DYX8
DYX3
DYX2
DYX5
DYX6
DYX1
Grigorenko (2003)
La recherche des gènes
Au plan génétique
• Le premier gène identifié comme étant associé à la dyslexie est le gène
DYX1C1
 ce gène a été mis en évidence par
l’étude de deux familles finlandaises
qui comportaient chacune plusieurs
individus dyslexiques
Nopola-Hemmi et al. (2000)
La recherche des gènes
Au plan génétique
• L’examen des chromosomes des membres dyslexiques a révélé une
anomalie chromosomique : une translocation entre le chromosome 2
et le chromosome 15 (identifié par les études antérieures comme
portant une région impliquée dans la dyslexie)
chromosome 15
chromosome 2
La recherche des gènes
Au plan génétique
• Nopola-Hemmi et al. (2000) ont examiné la portion du chromosome15
impliquée dans la translocation : ils y ont trouvé un gène déjà séquencé
(par le Projet Génome Humain) et un gène non séquencé
 ils ont séquencé eux-mêmes ce gène et l’ont appelé DYX1C1
 ils ont étudié les propriétés de ce gène :
– sa forme humaine est similaire à 78% avec sa forme chez la souris
et à 99% avec sa forme chez le singe
– la protéine codée par DYX1C1 est présente dans le cerveau, les
poumons, les reins, les testicules, …
La recherche des gènes
Au plan génétique
• Par la suite, Wang et al. (2006) ont mis en évidence le rôle précis de
DYX1C1 dans l’émergence de la dyslexie
 ils ont utilisé chez le rat la technique de l’ARN interférant qui consiste à
perturber l’expression d’un gène à un endroit précis (cerveau) à un
moment précis (période de la migration neuronale lors de la vie fœtale)
 leurs résultats montrent que :
perturbation +
marquage
marquage
– les neurones dans lesquels
l’expression de DYX1C1 est
perturbée migrent beaucoup
plus lentement
– la perturbation de l’expression
du gène dans certains neurones
provoque l’apparition d’ectopies
4 jours après le marquage
La recherche des gènes
Au plan génétique
• La découverte du gène DYX1C1 permet de construire une explication
relativement complète de la dyslexie :
 chez les individus dyslexiques, l’expression de ce gène est perturbée
lors de la migration neuronale
 cette perturbation donne lieu à l’apparition d’ectopies au niveau des
régions cérébrales impliquées dans la lecture
 la présence de ces ectopies réduit l’activité de ces régions
• Mais il manque encore un maillon dans la chaîne : pourquoi l’expression
de DYX1C1 peut-elle être perturbée chez un individu?
 dans l’étude de Nopola-Hemmi et al. (2000) sur les deux familles
finlandaises, la cause était une mutation génétique (translocation), mais
ce phénomène est trop rare pour expliquer tous les cas de dyslexie
(entre 3% et 5% de la population)
La recherche des gènes
Au plan génétique
• En fait, le gène DYX1C1 possède différents allèles :
 deux de ces allèles sont plus fréquents chez les dyslexiques que chez
les témoins
 ces deux allèles augmentent la probabilité d’apparition de la dyslexie
 ces deux allèles ne sont ni nécessaires ni suffisants pour la dyslexie
La recherche des gènes
Bilan
• La dyslexie a une héritabilité d’environ 60% : elle est influencée par des
facteurs génétiques
• L’étude des bases génétiques de la dyslexie développementale montre
que pour ce trouble, le facteur génétique peut intervenir :
 de façon déterministe par l’intermédiaire de mutations génétiques
– dans ce cas, il est quasiment certain que l’individu porteur d’une
mutation affectant le gène exprime le trouble
 de façon probabiliste par l’intermédiaire des allèles
– dans ce cas, certains allèles sont favorables à l’apparition du trouble
mais aucun n’est déterminant et chacun a un petit effet
– c’est l’addition de certaines combinaisons d’allèles défavorables et
de certaines conditions environnementales défavorables qui
provoque l’apparition du trouble
La recherche des gènes
Bilan
• Il est donc inapproprié de parler de « gène de la dyslexie » :
 dans sa forme la plus grossière, cette expression suggère qu’il existe un
gène spécifique au trouble
– or le gène DYX1C1 participe à la construction de plusieurs organes
dont le cerveau, et notamment de certaines zones cérébrales
impliquées dans le langage oral, et recrutées ultérieurement pour
l'acquisition du langage écrit
 dans sa forme la moins grossière, cette expression suggère qu’il existe
au moins un allèle du gène qui détermine l’apparition du trouble
– or aucun allèle de DYX1C1 n’a d’effet déterministe sur l’apparition de
la dyslexie
La recherche des gènes
Bilan
• La nature probabiliste plutôt que déterministe de l’influence des gènes
sur les traits phénotypiques fait que :
 la grande majorité des traits phénotypiques n’impliquent pas un seul
gène isolé mais au contraire un ensemble de gènes
« La plupart des craintes dystopiques soulevées par la génomique personnelle
ignorent tout simplement la nature complexe et probabiliste des gènes. Oubliez
les "hyper-parents" qui veulent implanter les gènes des mathématiques chez leurs
futurs enfants, les sociétés "Gattaca" qui analysent l'ADN des gens pour les affecter
à des castes, les employeurs ou les courtisans qui piratent votre génome pour
savoir quel type de travailleur ou de conjoint vous seriez. Laissez-les essayer, ils
perdraient leur temps. »
Pinker (2009). My Genome, My Self. The New York Times
La recherche des gènes
Bilan
 il est difficile de quantifier l’influence des gènes impliqués dans un trait
donné
exemples :
– une étude de 2007 portant sur
16 000 sujets a montré que les
variations d’un ensemble de 12
gènes (ciblés) ne rendent compte
que de 2% des variations de la taille
– dans une étude récente portant sur
6000 enfants, le gène ayant l’influence
la plus importante sur le QI rend compte
de moins d’un quart d’un point de QI
L’interaction gène-environnement
• La problématique générale de la génétique comportementale consiste à
déterminer comment les gènes et l’environnement déterminent le
phénotype
 dans certains cas, l’effet des gènes sur un trait phénotypique donné est
indépendant de l’environnement
– exemple : le gène codant pour le nombre de doigts de la main
 mais le plus souvent, l’effet des gènes sur un trait phénotype donné
varie en fonction de l’environnement
– dans ce cas, un phénotype particulier résulte de la combinaison d’un
génotype particulier et d’un environnement particulier
– il s’agit de l’interaction gène-environnement (G×E)
L’interaction gène-environnement
• L’interaction G×E ne doit pas être confondue avec la corrélation G-E
qui correspond au phénomène par lequel le type d’environnement dans
lequel évoluent les individus et leurs génotypes covarient
• On distingue trois formes de corrélations G-E :
 la corrélation G-E active : des parents avec un QI verbal élevé auront
tendance à avoir beaucoup de livres à la maison
– cette co-occurrence résulte du fait que les parents créent un certain
environnement en lien avec leur génotype
 la corrélation G-E passive : des enfants avec un QI verbal élevé auront
tendance à avoir beaucoup de livres à la maison
– cette co-occurrence est fortuite
 la corrélation G-E réactive : des individus déprimés auront tendance à
connaître des conflits conjugaux
– cette co-occurrence résulte du fait que l’environnement se produit en
réaction à un génotype
L’interaction gène-environnement
• En biologie, l’interaction G×E est souvent désignée sous le nom de
plasticité phénotypique : le fait qu'un organisme puisse exprimer
différents phénotypes à partir d’un génotype donné en fonction des
conditions environnementales
• La notion de norme de réaction d’un génotype désigne la gamme des
différents phénotypes qui lui sont associés en fonction des conditions
environnementales (la façon dont un génotype réagit à l’environnement)
 exemple : expérience de Clausen et al. (1948)
– sept plantes (Achillée millefeuille) génétiquement différentes ont été
sélectionnées et trois boutures de chaque plante ont été faites
– pour chaque plante, l’une des trois boutures était plantée en basse
altitude (30m), une autre en moyenne altitude (1400m), et la
troisième bouture en haute altitude (3000m)
– le trait phénotypique mesuré était la hauteur (cm) de la plante
L’interaction gène-environnement
 résultats :
Normes de réaction des 7 génotypes
Les 7 plantes génétiquement différentes
L’interaction gène-environnement
• Etablir les normes de réaction de génotypes est méthodologiquement
difficile car cela nécessite :
 de nombreux individus aux génotypes identiques (clonage)
 le contrôle des conditions environnementales
• Remplir ces deux conditions est difficile mais réalisable en biologie mais
impossible en psychologie
 on dispose d’individus ayant des génotypes identiques (jumeaux MZ)
 mais il est difficile de caractériser leurs environnements respectifs…
– les environnements respectifs de 2 jumeaux comportent une part
commune (exemple : TV à la maison) et une part unique (exemple :
les amis) qui représente la part la plus importante
– si on observe une différence entre 2 jumeaux MZ, on ne peut pas
isoler le facteur causal environnemental précis
 … et encore moins possible de contrôler ces environnements (éthique)
L’interaction gène-environnement
• A défaut de pouvoir étudier comment un génotype varie en fonction des
conditions environnementales, les psychologues étudient comment
l’effet d’un gène varie suivant l’environnement
Exemple 1:
le trouble des conduites
L’interaction gène-environnement
Définition
• L’étude des déterminants génétiques et environnementaux du trouble
des conduites est très polémique (davantage pour des raisons extrascientifiques que pour des raisons scientifiques)
 exemple :
– en 2005, l’INSERM publie un rapport d’expertise collective sur l’état
des connaissances scientifiques sur le trouble des conduites
(Trouble des conduites chez l'enfant et l'adolescent)
– sur la base de ce rapport, le ministre de l’intérieur de l’époque
(N.Sarkozy) suggère un ensemble de mesures destinées à détecter
de façon précoce la présence de ce trouble chez les enfants
– cette suggestion déclenche une large polémique et notamment la
création d’une pétition en sa défaveur (200 000 signatures)
L’interaction gène-environnement
Définition
• Le DSM-IV fournit une liste de critères diagnostics du trouble des
conduites :
Ensemble de conduites, répétitives et persistantes, dans lequel sont
bafoués les droits fondamentaux d'autrui ou les normes et règles
sociales correspondant à l'âge du sujet, comme en témoigne la
présence de trois des critères suivants (ou plus) au cours des 12
derniers mois, et d'au moins un de ces critères au cours des derniers
mois :
(exemples)
– (1) brutalise, menace ou intimide souvent d'autres personnes
– (2) commence souvent les bagarres
– (13) reste dehors tard la nuit en dépit des interdictions de ses
parents, et cela a commencé avant l'âge de 13 ans
L’interaction gène-environnement
Définition
• Ce genre de définition a le mérite d’être très opérationnelle, mais elle
pose plusieurs problèmes, notamment :
 elle permet guère de distinguer entre les individus qui manifestent des
comportements déviants pour des raisons psychologiques (les individus
pathologiques) et ceux manifestent des comportements déviants pour
des raisons sociales (délinquants récidivistes)
– risque de pathologiser des comportements
 elle est totalement descriptive : aucune référence aux causes sousjacentes
L’interaction gène-environnement
Les facteurs environnementaux
• De nombreuses études psychologiques et sociologiques ont avéré
l’influence de facteurs environnementaux sur le trouble des conduites :
 maltraitance infantile
– les enfants maltraités ont une probabilité plus élevée de devenir des
parents maltraitants que des enfants non-maltraités
 socialisation anormale (exemple : marginalisation)
 culture de groupe favorisant la violence
 facteurs motivationnels (exemple : pauvreté)
• L’existence d’une influence environnementale sur le trouble n’exclut pas
l’existence d’une influence biologique
L’interaction gène-environnement
Les facteurs génétiques
• Les études génétiques sur le trouble de la conduite ont isolé un gène en
particulier : le gène MAOA
 ce gène code pour une enzyme (la monoamine oxydase-A) qui dégrade
des neurotransmetteurs : la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine,
notamment pendant le développement du cerveau
 il est porté par le chromosome X
• Des études sur la souris ont mis en évidence les effets de MAOA
 des souris chez qui on a empêché l’expression du gène présentent :
– des taux plus élevés des trois neurotransmetteurs
– des apprentissages émotionnels (amygdale) plus performants
– les mâles sont plus agressifs (leur agressivité diminue si on
compense leur niveau de MAOA)
L’interaction gène-environnement
Les facteurs génétiques
• D’autres études équivalentes ont été réalisées chez l’homme
 exemple : cas d’une famille néerlandaise dont une proportion élevée de
membres présentent un trouble des conduites (Brunner et al., 1993)
– seuls les hommes sont atteints
(la moitié environ) : ceci s’explique
par le fait que le gène MAOA est
situé sur le chromosome X
(les hommes n’ont qu’un seul
chromosome X donc si le gène
est altéré, le trouble s’exprime
automatiquement)
– chez les hommes atteints par le
trouble, le gène MAOA a subi une mutation
L’interaction gène-environnement
Les facteurs génétiques
• Les études ultérieures ont révélé l’existence de deux allèles particuliers
du gène MAOA : l’un (allèle H) code pour une forte expression de la
protéine en question, l’autre (allèle L) code pour une faible expression
de la protéine
• Par la suite, des études ont croisé la fréquence de ces deux allèles avec
la fréquence du trouble des conduites
 on s’attend à ce que l’allèle L soit associé à une probabilité plus élevée
de présenter le trouble des conduites que l’allèle H
 mais les résultats de ces études sont contradictoires : ceci suggère que
porter l’allèle L n’est pas suffisant pour l’apparition du trouble
L’interaction gène-environnement
Les facteurs génétiques
• Certains chercheurs (Caspi et al., 2002) ont alors envisagé un cas de
figure d’interaction G×E
 le trouble des conduites est fort
lorsqu’un allèle particulier du gène
MAOA (allèle L) est associé à des
conditions environnementales
particulières (maltraitance infantile)
 on note en particulier que, de la
même façon qu’il n’y a pas de
déterminisme génétique des
conduites complexes, il n’y a pas
non plus de déterminisme environnemental
 ces résultats ont été répliqués dans 3 nouvelles études sur 4
L’interaction gène-environnement
Les facteurs génétiques
• Certains chercheurs (Caspi et al., 2002) ont alors envisagé un cas de
figure d’interaction G×E
 le trouble des conduites est fort
lorsqu’un allèle particulier du gène
MAOA (allèle L) est associé à des
conditions environnementales
particulières (maltraitance)
 on note en particulier que, de la
même façon qu’il n’y a pas de
déterminisme génétique des
conduites complexes, il n’y a pas
non plus de déterminisme environnemental
 ces résultats ont été répliqués dans 3 nouvelles études sur 4
L’interaction gène-environnement
Les facteurs génétiques
• Certains chercheurs (Caspi et al., 2002) ont alors envisagé un cas de
figure d’interaction G×E
allèle H : base
génétique de la
 le trouble des conduites est fort
résilience?
lorsqu’un allèle particulier du gène
MAOA (allèle L) est associé à des
conditions environnementales
particulières (maltraitance)
 on note en particulier que, de la
même façon qu’il n’y a pas de
déterminisme génétique des
conduites complexes, il n’y a pas
non plus de déterminisme environnemental
 ces résultats ont été répliqués dans 3 nouvelles études sur 4
L’interaction gène-environnement
Les mécanismes
• Des études récentes suggèrent que le mécanisme par lequel l’allèle L
influence le trouble des conduites est le traitement émotionnel
(Meyer-Lindenberg et al., 2006)
 étude IRM dans laquelle on montre
des visages émotionnels aux sujets
et on enregistre – entre autres –
l’activité de l’amygdale (noyau impliqué
dans le traitement de la valence, des
émotions, le conditionnement de la peur)
 résultats : les sujets porteurs de l’allèle L
présentent une hyper-réactivité de
l’amygdale aux stimuli émotionnels
– peur/perception excessive des menaces
L’interaction gène-environnement
Les mécanismes
 Meyer-Lindenberg et al. (2006)
montrent également que les régions
cérébrales impliquées dans l’inhibition
cognitive sont moins activées chez les
sujets porteurs de l’allèle L que chez les
sujets porteurs de l’allèle H (lors de la
réalisation d’une tâche précise)
• Au final : les porteurs de l’allèle L sont
particulièrement sensibles aux émotions
et ils manquent de contrôle psychologique
L’interaction gène-environnement
Bilan
• Le gène MAOA n’est pas le « gène du trouble des conduites » :
 il n’est pas suffisant pour l’apparition du trouble, il prédispose au trouble
– cette potentialité biologique peut ne pas se réaliser chez beaucoup
d’individus
– ou se réaliser différemment selon la situation (ex : criminalité « en
col blanc »)
Exemple 2:
la dépression
L’interaction gène-environnement
• Le nombre d’événements stressants (santé, emploi, logement, finances,
relations, etc.) qu’un individu a vécu est un facteur environnemental dont
l’influence sur le risque de dépression est bien connue
• Caspi et al. (2003) ont rapporté une interaction entre ce facteur et un
gène particulier : le gène 5-HTT
 ce gène code pour la synthèse de la sérotonine qui est à la fois une
hormone et un neurotransmetteur dans le système nerveux central
 la partie régulatrice de l’expression de ce gène comporte deux variations
– un allèle long (l)
– un allèle court (s) qui induit une synthèse plus faible de sérotonine
•



Leur étude comportait :
147 individus homozygotes s/s (17.4%)
265 individus homozygotes l/l (31.3%)
435 individus hétérozygotes s/l (51.3%)
L’interaction gène-environnement
• Résultats :
symptômes dépressifs
(auto-rapportés)
intention/tentative suicide
épisode dépressif majeur
• Dans les 4 cas :
l’effet du nombre
d’événements de vie
stressants est significatif
l’effet du gène 5-HTT
n’est pas significatif
l’interaction entre les
deux facteurs est
significative
symptômes dépressifs
(hétéro-rapportés)
L’effet du nombre
d’événements de vie
stressants est plus fort chez
les individus homozygotes
s/s (qui sécrètent moins de
sérotonine)
L’interaction gène-environnement
• Mais en 2009, Risch et al. rapportent sur la base d’une méta-analyse de
14 études :
 la présence d’un effet principal statistiquement significatif du nombre
d’événements de vie stressants sur le risque de dépression
 l’absence d’un effet principal statistiquement significatif du gène 5-HTT
sur le risque de dépression
 l’absence d’une interaction statistiquement significative entre les deux
facteurs sur le risque de dépression
• Sciencemag.org (16 juin 2009) : « Sad News for “Depression Gene”… »
Exemple 3:
les troubles psychotiques
L’interaction gène-environnement
• Plusieurs études (exemple : Arseneault et al., 2004) ont montré que
l’usage de cannabis est un facteur environnemental qui augmente le
risque d’émergence de troubles psychotiques (des hallucinations à la
schizophrénie)
• Caspi et al. (2005) et Henquet et al. (2006) ont rapporté une interaction
entre ce facteur et le gène COMT
 ce gène code pour la synthèse de la catéchol-O-méthyltransférase qui
est une enzyme qui intervient dans la dégradation des catécholamines
(à la fois hormone et neurotransmetteur)
 ce gène possède notamment deux allèles :
– un allèle qui code pour la synthèse de la valine (VAL) : cet acide
aminé induit une activité enzymatique importante et une dégradation
rapide de la dopamine
– un allèle qui code pour la synthèse de la méthionine (MET)
L’interaction gène-environnement
• Résultats :
Etude longitudinale
(Caspi et al., 2005)
Etude expérimentale
(Henquet et al., 2006)
Exemple 4:
l’intelligence
L’interaction gène-environnement
• Plusieurs études ont révélé l’influence d’un facteur environnemental sur
le QI : l’allaitement du nourrisson
 exemple : Kramer et al. (2008) rapportent que les enfants exclusivement
allaités pendant au moins les 3 premiers de mois de vie ont des scores
de QI significativement supérieurs à ceux d’enfants non exclusivement
allaités :
L’interaction gène-environnement
• Caspi et al. (2007) ont fait l’hypothèse que cet effet est dû à la présence
d’acides gras essentiels dans le lait maternel
• Ils ont étudié l’effet de l’allaitement sur le QI en fonction des variantes
d’un gène particulier impliqué dans le métabolisme des acides gras : le
gène FADS2
 ce gène code pour la synthèse d’une enzyme (delta-6-désaturase) qui
transforme les acides gras essentiels afin que ceux-ci soient utilisables
par l’organisme
L’interaction gène-environnement
• Concernant le facteur génétique, Caspi et al. (2007) n’ont pas considéré
des variations au niveau de la séquence complète des nucléotides du
gène (allèles) mais des variations au
niveau d’une seule paire de nucléotides :
polymorphisme d'un seul nucléotide
(SNP : single-nucleotide polymorphism)
 ils ont pris en compte deux SNP :
– le SNP rs174575 qui peut donner lieu
aux génotypes CC, CG, et GG
– le SNP rs1535 qui peut donner lieu aux
génotypes AA, AG, et GG
Source : Wikipédia
L’interaction gène-environnement
• Résultats : interaction entre l’allaitement et le SNP rs174575
• Dans les deux cohortes:
l’effet de l’allaitement
est significatif
l’effet du SNP n’est
n’est pas significatif
l’interaction entre les
deux facteurs est
significative
• Pour le SNP rs1535,
l’interaction est
présente dans la
cohorte néozélandaise
mais pas dans la
cohorte britannique
L’interaction gène-environnement
• Cependant, plusieurs études ultérieures ont rapporté des résultats
différents voire contradictoires :
 Steer et al. (2010) rapportent aussi que l’allaitement interagit avec le
SNP rs174575 mais également avec le SNP rs1535 et ils trouvent dans
les deux cas un effet de l’allaitement pour le génotype homozygote :
Bilan
L’héritabilité
• En 2000, Turkheimer a résumé les principaux résultats des recherches
menées sur l’héritabilité des traits psychologiques en formulant ce qu’il
a appelé « les trois lois de la génétique comportementale » :
1. Tous les traits psychologiques sont héritables
2. L’effet d’être élevé dans la même famille est plus petit que l’effet
des gènes
3. Une part substantielle de la variation des traits psychologiques
complexes ne s’explique pas par l’effet des gènes ou l’effet de
l’environnement (partagé)
“The nature-nurture debate is over. The bottom line is that
everything is heritable…”
Bilan
Le déterminisme génétique
• Si le déterminisme d’un trait psychologique inclut le facteur génétique,
les non-spécialistes ont tendance à penser que « si c’est génétique,
alors c’est foutu » (cf. Franck Ramus)
• La présence d’interactions G×E dans la détermination des traits
psychologiques prouve que ces traits ne sont jamais entièrement
déterminés génétiquement : l’influence des facteurs environnementaux
est substantielle (cf. dépression et intelligence)
 exemple : la dyslexie
– lorsque l’influence génétique est modérée (allèles), un facteur
environnemental tel que la rééducation cognitive peut aboutir à
changer le statut diagnostique
– lorsque l’influence génétique est forte (mutation), une rééducation ne
changera pas le statut diagnostique mais elle peut quand même
produire un effet significatif sur l’activité de lecture
Bilan
Le débat inné/acquis
• Le débat inné/acquis se résume par une question :
Quelles sont les influences respectives des gènes et de l’environnement
sur le trait psychologique X ?
 ce débat porte sur une propriété du trait en question, son héritabilité
n’est donc pas une réponse pertinente à la question
 cette question est légitime mais elle a plus de sens si l’on passe d’une
logique quantitative (étude de différences)…
– quantifier les influences respectives des facteurs G et E
 … à une logique qualitative (étude d’un fonctionnement)
– décrire les mécanismes par lesquels une combinaison particulière
des gènes et de l’environnement produit une valeur particulière du
trait (interactions G×E)
Bilan
Le débat inné/acquis
• Les études modernes suggèrent que tous les traits psychologiques
complexes mettent en jeu des interactions G×E
• Les positions « tout inné » ou « tout acquis » ne sont donc plus tenables
 pourtant, ces positions sont régulièrement défendues publiquement
 exemple : discussion entre Nicolas Sarkozy et Michel Onfray sur le
déterminisme de la pédophilie (Philosophie Magazine, n°8, 2007)
(M.Onfray soutient que la pédophilie est acquise alors que N.Sarkozy
soutient que la pédophilie est innée)
Bilan
Le débat inné/acquis
M. O. : (…) À mon sens, on ne naît ni bon ni mauvais. On le devient, car ce sont les
circonstances qui fabriquent l'homme.
N. S. : Mais que faites-vous de nos choix, de la liberté de chacun ?
M. O. : Je ne leur donnerais pas une importance exagérée. Il y a beaucoup de choses que
nous ne choisissons pas. Vous n'avez pas choisi votre sexualité parmi plusieurs formules,
par exemple. Un pédophile non plus. Il n'a pas décidé un beau matin, parmi toutes les
orientations sexuelles possibles, d'être attiré par les enfants. Pour autant, on ne naît pas
homosexuel, ni hétérosexuel, ni pédophile. Je pense que nous sommes façonnés, non pas
par nos gènes, mais par notre environnement, par les conditions familiales et socio-historiques
dans lesquelles nous évoluons.
N. S. : Je ne suis pas d'accord avec vous. J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît
pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie.
Il y a 1200 ou 1300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que
leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité,
une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non.
Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout,
la part de l'inné est immense. (…)
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