« Comprendre la crise » Alexis Tremoulinas , Edition Bréal, 3ème Edition, 2012 INTRODUCTION Comment une crise limitée à l’origine au secteur immobilier américain s’est-elle propagée à l’international, aux finances, à l’économie et ainsi devenir la crise la plus grave depuis 1929. On parle souvent de première crise de la mondialisation. Le FMI en automne 2008 prévoyait +3% de croissance en 2009, ce fut une récession de -1.1%. C’est le cœur même du fonctionnement financier qui est en cause. La nouveauté et la violence de la crise des subprimes suscitent deux phénomènes : le désarroi et l’incapacité des économistes à proposer de réels plans pour sortir de la crise. Dans un premier temps, le désarroi avec la faillite de la banque Lehman Brothers à l’automne 2008 alors qu’elle s’inscrivait dans la liste des plus grande banques mondiales et les nationalisations de banques en catastrophe de partout dans le monde. Enfin, les économistes de proposent de solution réelles qu’après avoir longuement analysé la crise. En effet, Keynes a publié son ouvrage « La théorie Générale » en 1936 soit sept ans après le début en 1929. Ainsi qu’est-ce qu’une crise ? Quelle est la nature de la crise des subprimes ? Peut-on l’expliquer et agir efficacement pour la résoudre ? I) Qu’est-ce que la crise des subprimes ? 1) Qu’est ce qu’un crédit subprime ? Un crédit subprime se définit en référence au crédit prime c’est-à-dire accordé à des ménages ayant des capacités de remboursement correctement évaluées. Le crédit prime est un crédit normal accordé à un acheteur potentiel après examen de son dossier bancaire. On prend en compte les relevés de compte et les bulletins de salaire. Par exemple : si deux adultes travaillent et sont fonctionnaires, on peut imaginer qu’ils auront une capacité de remboursement supérieure à un ménage avec 1 seul actif ou enchainant des CDD. Ce crédit normal exclue donc les pauvres. Le crédit subprime est comme son nom l’indique un crédit en dessous du premier choix, en dessous de la norme où le dossier bancaire est inférieur à la norme. La clientèle peu fortunée est ainsi appelée NINJA ( No Income, No Job, No Asset ). Sans revenu, emploi ou patrimoine, cette clientèle était écartée du crédit immobilier normal. Ainsi, un crédit subprime est un crédit hypothécaire accordé à un acheteur pauvre qui n’aurait jamais pu accéder à la propriété immobilière sans celui-ci. Comment se système s’est-il développé pour les pauvres au milieu d’un système capitalisme le plus libérale ? 2) Comment fonctionne le crédit subprime ? Il faut pour cela connaitre le volume de prêt accordé et le taux d’intérêt. Par exemple, un ménage pauvre a emprunté 120 000 dollars pour acheter sa maison et s’est endetté sur 40 ans. Le remboursement s’effectue de manière standard : le taux d’interêt est fixe les deux premières années (1%) qui est très attractif mais la structure se modifie avec le temps. Après ces deux ans reste une période longue où le remboursement est variable avec un taux variable. La différence entre le premier et le second taux est appelé prime de risque qui est demandée par les banques pour prêter. Ainsi dès les deux années dépassées, de nombreux ménages sont devenus défaillants dans leur remboursement. 3) Comment justifier ce système ? Une analyse libérale de la constitution des subprimes. L’origine de la crise réside dans la réglementation du gouvernement ayant obligé les banques à accorder des crédits à une clientèle non-solvable. Le CRA (Community Reinvestment Act) encourage depuis 1977 les institutions financières à accorder des crédits pour tous. La crise des subprimes aurait donc comme origine la réglementation étatique qui obligeait les banques à prêter aux ménages pauvres sous peine de se voir retirer leur licence professionnelle. De plus, les agents économiques n’ont pas été attentifs sur les contrats évoquant le mécanisme des subprimes. D’un autre coté, les crédits étaient vendus par des brokers qui étaient payés au volume de crédits créés. Cette émission était rendue possible par la hausse du marché de l’immobilier américain. Avec la hausse des prix des maisons et la facilité à expulser un ménage qui ne paie pas, alors les banques même en défaut de paiement recevaient un bien dont le prix est supérieur. Par exemple, la maison acheté 120 000 dollars peut en valoir 150 000 deux ans après. Ainsi, le prix des maisons augmentant, cela rend possible l’émission de crédits, on parle de bulle immobilière. L’économie traditionnelle d’intermédiation bancaire s’est vue concurrencée par les marchés financiers d’où cette volonté des banques de retrouver des clients en proposant des crédits subprimes pour augmenter leur activité commerciale. Il y a eu un mécanisme de désintermédiation, dérèglementation et de décloisonnement (voir cours). Après les attentats de 2001, La Fed a décidé de baisser les taux d’intérêts ce qui a facilité la mise en place de la bulle spéculative. C’est la titrisation qui a rendu soutenable le développement des crédits subprimes puisqu’elle permettait le transfert de risque du monde bancaire au monde financier. 4) Qu’est-ce que la titrisation ? La titrisation peut se définir comme la transformation d’un crédit hypothécaire en un titre financier que l’on peut vendre ou acheter sur le marché financier. Les banques américaines ne détenaient que 45% des crédits subprimes qu’elles avaient consentis, plus de la moitié était donc ailleurs et a contaminé l’économie. Il existait de plus une asymétrie de l’information dans le marché des titres financiers. Les agences de notation sont ainsi censées régler le problème de cette asymétrie en évaluant de l’extérieur et de manière indépendante les produits proposés. Mais ces agences ne sont pas vraiment indépendante car celles-ci sont rétribuées par ceux-là mêmes qu’elles ont mission de noter. De plus les contrôleurs étant des anciens d’écoles de commerce ont un niveau inférieur en mathématiques à leurs collègues ingénieurs. Ainsi, les ingénieurs financiers qui avaient fabriqué ces outils connaissaient davantage leur qualité que les acheteurs et contrôleurs. En situation d’asymétrie, Akerloff prédit l’antisélection, ainsi seuls les mauvais risques se sont présentées sur le marché financier et ont réussi à placer des produit « pourris ». 5) Combien de titres pourris ? De 1000 à 3000 dollars ont été mis en jeu à travers les crédits subprimes. Ce nombre est passé de 94 milliards de dollars en crédits subprimes en 2001 à 685 en 2008 soit une multiplication par 7 en 5 ans. Comment cette crise qui partait du secteur immobilier a-t-elle atteint une panique financière mondiale. II) Comment expliquer la crise financière ? La crise a pris une telle ampleur parce que les pertes occasionnées par les subprimes ont été concentrées dans les bilans des banques. 1) Le déroulement de la crise Elle éclate au premier semestre 2007 quand arrivent les échéances des crédits accordés. La somme des crédits arrivant à échéance de la période avec le taux faible était de 1000 milliards de dollars entre 2007 et 2008. Puis, il y a une multiplication des défauts de paiement avec des ventes de maison ce qui fait chuter leur prix. Cela crée un malaise car il s’agissait d’une condition de réussite aux subprimes. Ce véritable krach immobilier s’approfondit en 2007 et gagne l’Europe. Puis vient la chute du deuxième pilier des subprimes, la titrisation s’effondre. La crise bancaire et financière dite des subprimes éclate vraiment en juillet 2007 avec la faillite de deux hedge funds de Bear Sterns. On assiste à un effet domino en Europe, les institutions constatant qu’elles disposent de titres pourris. 2) Les pertes financières On compte d’abord de 400 à 945 puis 1400 milliards de dollars de pertes financières selon le FMI. Sur 3000 milliards de dollars de crédits titrés, on en estime ainsi 1400 de toxiques. 3) La crise bancaire La crise des subprimes déclenche une crise bancaire. Les banques se croyaient à l’abri en ayant vendu les créances subprimes mais elles ont préféré réintégrer ces titres afin d’éviter la faillite d’entreprises partenaires. La réglementation prudentielle qui contraint les banques à avoir 8% de fonds propres n’a pas été acceptée. Les banques ont dû vendre leurs actifs pour augmenter leur fonds propres. Mais cette vente a fait baisser leur prix d’où un deuxième problème. La crise financière et la dépréciation des titres ont donc accéléré la dégradation du ratio de fonds propre obligeant les banques à revendre une partie de leurs actifs. Cette règlementation a ainsi contribué à l’approfondissement de la crise. 4) La crise interbancaire Puis vint une crise interbancaire. Par exemple, les banques de la zone euro se prêtent environ 200 milliards de dollars tous les jours sous échéance de 24 heures. Ces montants servent à compenser les débits entre elles. On parle de compensation journalière et les banques s’accordent entre elles et se font donc confiance. Mais en 2007, il y a arrêt des échanges car il y a une perte de confiance dû aux crédits pourris. En effet, si une banque prête à une concurrente et que son bilan est rempli d’actifs pourris, elle ne pourra pas me rembourser. Le taux d’intérêt est donc passé de 1% le 15 septembre 2008 à 7% le 30 septembre. Le marché interbancaire a entrainé une suspicion et un assèchement des liquidités. Or ces prêts sont indispensables pour un bon fonctionnement. 5) La faillite de Lehman Brothers Le vendredi 12 septembre 2008, la banque Lehman Brothers fait faillite. Pourquoi avoir laissé cette banque faire faillite ? Il n’est pas moral que tous les spéculateurs aventuriers soient sauvés de la faillite par le contribuable en cas de difficulté. Selon M. Aglietta « La FED a pris le risque de laisser couler cette banque au motif de moraliser le marché […] , elle voulait démontrer que toute défaillance n’appelait pas forcément une intervention du Trésor ». Cependant, cette chute a plutôt précipité la perte de confiance. Cette faillite est donc le prélude à un effondrement boursier sans précédent depuis 1929. 6) Le Krach Boursier Elle provient donc de la faillite de Lehman Brothers. Le CAC 40 a chutéde 42% en 2008. Puis en 2009, Le Dow Jones a chuté de 50% et et 65% pour le CAC 40. Ces variations du marché sont déconnectées des valeurs réelles dites fondamentales. On parle de volatilité pour caractériser ces mouvements des cours des actions. 7) Les bulles financières Normalement, quand le prix d’un bien augmente, sa demande diminue. Or quand le prix d’une action augmente, sa demande augmente. En effet, la demande d’action sur le marché boursier est fonction d’anticipations. Quand l’économie se trouve dans une telle bulle spéculative et quand le prix ne peut plus être justifié pas l’actualisation des revenus futurs, le phénomène apparait au grand jour. La mondialisation et l’innovation se conjuguent. En effet, la globalisation financière est la constitution d’un vaste marché mondial de capitaux. Ainsi l’essor des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) a permis une multiplication d’opérations financières étant ouvertes en continu sur la planète. Les crises bancaires et financières sont ainsi les plus graves car elles affectent le fonctionnement même d’une économie moderne que Keynes a qualifié d’économie monétaire de production. III) Quelles conséquences pour l’économie réelle ? Le retour au réel est brutal car cette crise financière s’est rapidement transformée en récession économique. 1) Les trois canaux de transmissions On retrouve dans un premier temps un appauvrissement réel des ménages provenant de l’effondrement immobilier et boursier. Il y a eu un effet richesse. En effet quand le prix de certains actifs monte, leurs propriétaires voient leur patrimoine augmenter. Or la consommation est dépendante du revenu permanent. Cela fonctionne aussi lorsqu’il y a baisse des prix. En 2008, une perte de 36 points de la richesse nette des ménages a été enregistrée avec l’effondrement boursier et le ralentissement des prix. Cela a ainsi appauvri les ménages propriétaires d’où un « appauvrissement réel ». Les banques restent malgré tout au cœur du financement des économies et la croissance est compromise quand leur situation financière est compromise. L’arrêt des financements se nomme crédit crunch, il s’agit littéralement d’une contraction du crédit. Cela se traduit par une insuffisance de de liquidité en effet quand le marché interbancaire fonctionne mal et que les banques ont des difficultés à se refinancer, elles cessent de distribuer des crédits nouveaux. Ce crédit crunch est également caractérisé par une insuffisance des fonds propres des banques malgré les règles prudentielles. Les crédits sont devenus plus rares et plus chers. Enfin, la plupart des grandes fonctions macroéconomiques ( consommation ,investissement) qui déterminent la croissance économique sont fonction de confiance. Toute dégradation du climat des affaires peut donc avoir des conséquences néfastes sur leurs comportements. Or les indices de confiance mesurés par l’INSEE se sont fortement dégradés à la fin 2008. On parle ainsi de crise de confiance. 2) Le ralentissement de la production Les ménages appauvris consomment moins ou deviennent méfiants, on reporte les achats de biens durables comme les voitures. Sinon à cause du crédit crunch, aucun prêt n’est accordé. On note ainsi une baisse de la production à travers l’investissement des entreprises. En décomposant le PIB, on remarque que la consommation a diminué comme la FBCF. L’achat de voitures et maisons est en effet devenue très bas. 3) L’impact sur le chômage Le ralentissement de l’activité et de la production est une réalité pour le dernier trimestre 2008 et début 2009. Il existe une relation simple pour les économistes pour décrire le rapport entre variation de la production et du chômage. C’est la relation d’OKUN ( voir cours) Cette équation permet de comprendre le cycle de productivité. Le PIB français s’est contracté de 3.1% en 2009 et le taux de chômage en France qui était de 7.4% en 2008 est passé à 9.1% en 2009. La montée du chômage s’explique non pas essentiellement par des destructions d’emplois mais sur des créations d’emplois moins nombreuses. En Europe, l’Espagne connait en 2012 25% de chômage, cela est dû à la suppression des emplois précaires , en effet, 14.6 des 16.6 millions de contrats de travail signés en 2008 étaient des contrats temporaires facilement résiliables. 4) Quand la crise finira-t-elle ? La récession mondiale a été sévère en 2009 mais la croissance est repartie en 2010 et 2011 pour ralentir de nouveau en 2012. Les pays européens sont très touchés, le PIB européen a reculé de 4.2%. Les situations sont disparates entre les différents pays comme l’Irlande et l’Espagne fortement touchées et l’Allemagne plus tardivement avec la contraction du commerce international. La crise touche les pays émergeants par trois canaux : dans un premier temps, celui des exportations, le commerce international était de 2% et de petits pays ont été très touchés par la récession. Concernant les matières premières, les pays pauvres ont été touchés avec une baisse importante des prix et la chute de la demande. Enfin la crise des subprimes a entrainé le rapatriement des capitaux placés dans les pays émergeants. Cela a produit une baisse des monnaies des pays émergeants et cette crise touche durablement tous les pays pauvres. Ainsi, la crise des crédits subprimes a précipité les établissements bancaires et financiers dans la faillite et a donc généré une crise de défiance majeure et donc une récession économique avec une baisse de la production et du chômage. IV Le retour de Keynes La politique de relance peut se définir comme l’action publique visant à faire repartir l’activité. Les politiques de relance sont diverses, on distingue la politique de relance budgétaire et la politique de relance monétaire. La crise peut se définir comme un ralentissement brutal de la croissance économique 1) La pensée keynésienne et ses applications En 1936, Keynes concrétise sa pensée dans La théorie Générale de l’emploi, de l’interêt et de la monnaie. Il propose un guide de sortie de la crise, il écrit contre les Classiques qu’il définit comme les économistes acceptant la loi de Say. Il est un économiste de la demande, et il montre que celle-ci est soumise à l’incertitude avec la demande anticipée des entrepreneurs et elle détermine le PIB. Hicks formalise cette idée à travers le schéma IS-LM. Keynes montre que la monnaie peut influencer le niveau de de l’emploi en proposant une fonction de demande de monnaie qui intègre le motif de spéculation. ( voir cours) Le modèle IS-LM identifie 3 situations : le policy mix put se définir comme une combinaison de politiques monétaires et budgétaires expansives qui parviennent à augmenter le PIB sans augmenter le taux d’intérêt. La trappe à liquidité où la relance budgétaire est efficace et la relance monétaire inefficace. La situation limite avec LM verticale où la relance budgétaire est inefficace et la relance monétaire efficace. Keynes développe également la théorie du multiplicateur. (voir cours) Les politiques de relance ont ainsi connu un succès de 1936 à 1975. Il s’agit véritablement d’une nouvelle confiance en la puissance de la science économique. Cependant, la crise du keynésianisme est devenue manifeste au cours des années 70 lors de la stagflation. 2) Remise en cause des orthodoxes/libéraux a) Expériences historiques Le premier New Deal s’engendre bien avant la publication de Keynes, de plus la sortie de la crise n’intervient vraiment qu’avec l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est ainsi qu’avec l’entrée en guerre des Etats-Unis que le taux de chômage diminue fortement. De plus la politique monétaire a été plus efficace que la politique budgétaire. La crise qui sévit à la suite du choc pétrolier de 1973 sonne le glas des politiques de relance. Arrive le phénomène de stagflation ce qui est à l’origine d’une seconde mort de Keynes selon le titre d’un article de J. Rueff paru dans Le monde en 1976. b) Les quatre mises en échecs du modèle keynésien On peut pointer quatre mises en échec théoriques à la relance de type keynésien. Le moment, la situation : en effet, reconnaitre une trappe à liquidité, circonscrire un krash bancaire n’est pas facile. La question du moment de la relance, adapté ou non à la situation, pose celle des délais. La politique budgétaire peut être considérée plus lourde au niveau institutionnel que la politique monétaire. En effet lorsqu’une baisse de taux d’intérêt des banques centrales ne demande qu’une réunion préalable des responsables, les plans de relance budgétaire exigent de longs débats parlementaire et des négociations avec les partenaires sociaux. La dette est-elle soutenable ? Multiplier les plans de relance conduit à aggraver le déficit public et donc le stock de dette publique. Les fuites dans le circuit : Le keynésianisme hydraulique propose un fonctionnement de l’économie où les fuites sont limitées. Outre l’épargne, une autre fuite est apparue : l’ouverture commerciale. Toute relance budgétaire est ainsi minorée pas un fort taux d’épargne. Une relance budgétaire aurait ainsi un plus fort impact dans le cas américain que dans le cas français. L’ouverture commerciale est également une fuite. En effet, si le multiplicateur est supérieur dans le cas américain, rien ne dit que ces dépenses se portent sur des produits fabriqués par des salariés américains. C’est ainsi l’enjeu de la clause protectionniste du plan Obama. Si un pays est le seul à pratiquer une relance, le multiplicateur peut ainsi partir à l’étranger. Enfin, une crise structurelle est à noter. Une maison aux fenêtres ouvertes que l’on chauffe en plein hiver. Dans une maison fermée, bien isolée, chauffer est rationnel. Si la porte a été ouverte à un moment, relancer la chaudière ponctuellement a donc un sens. Or, c’est l’analyse que propose la régulation pour la crise des années 1970 : l’essoufflement du modèle fordiste constitue une crise structurelle que ne peut pas résoudre des plans de relance conjoncturels. c) Arguments libéraux On retrouve les principaux arguments classiques vus en cours. Friedman remet en cause l’efficacité et la légitimité des politiques de relance. Dans un premier temps, l’illusion monétaire fonctionne sur les agents qui ne perçoivent pas la baisse de leur revenu réel. L’emploi et la croissance peuvent être stimulés ponctuellement mais par la suite, les individus se rendent compte de la supercherie et réclament une hausse de salaires. La politique monétaire est donc inefficace à long terme. Pour Friedman, les individus consomment selon leur revenu permanent. L’effet d’éviction peut se définir ainsi : une relance budgétaire se traduit par un emprunt obligataire d’Etat donc par une hausse du taux d’intérêt, qui déprime d’autant l’investissement des entreprises. En résumé, la dépense publique évince l’investissement privé. Enfin, l’auteur nomme l’équivalence Ricardo-Barro : Avec des anticipations rationnelles, toute relance budgétaire se révèle inefficace même à court terme car les agents anticipent une hausse future des impôts et épargnent l’intégralité du revenu supplémentaire distribué. V Quelle relance ? 1) Compter Avant de compter sur les politiques de relance pour sauver l’économie, il faut compter l’effet de ces plans de relance avec le modèle IS-LM. Le multiplicateur français ne rapporterait aujourd’hui que 123 euros de revenus. Le FMI peut aussi mesurer les effets des divers plans de relance. En Europe, seuls 0.8% et 0.3% ont été retenus. Il faut ainsi distinguer la politique conjoncturelle comme nous avons vu jusqu’ici et une politique structurelle. On dit qu’elle possède des stabilisateurs automatiques, c’est-à-dire que certaines réactions de politique budgétaire sont censées se produire spontanément, de manière endogène sans choix ou adoption de nouveaux textes. Les politiques de relance inspirent-elles confiance ? La confiance est ainsi un élément décisif du fonctionnement de l’économie. Il faut ainsi étudier la confiance et les anticipations des ménages et des entreprises avec pour ces derniers la demande effective. On parle ainsi de climat d’affaire. Malgré de nombreuses mesures prises , la confiance n’est plus de mise et les individus tendent à épargner d’où une incapacité d’appliquer les outils de Keynes. Il faut pour lui simplement favoriser la consommation. 2) Keynes contre les keynésiens Pour Jean-Paul Azam, qui a formulé cette citation, la crise des subprimes n’a rien avoir avec celle que Keynes a cherché à résoudre. Pour lui, l’idée selon laquelle toute politique de relance avait un effet positif sur le marché du travail ne fonctionne plus aujourd’hui. En effet, les salaires en 1930 étaient rigides à la baisse ce qui n’est pas le cas aujourd’hui où presque tous sont indexés sur la croissance. Une crise en économie ouverte se règle ainsi du coté de l’offre. D’après les théories de Keynes (rappel cours : esprits animaux, anticipation pessimiste et prophétie auto réalisatrice de Merton), la capacité des politiques économiques à rendre le monde maitrisable est d’autant plus faible que l’homme est irrationnel et imprévisible. Les périodes de crise comme celle des subprimes sont celles où les esprits animaux ressortent, rendant l’efficacité des politiques économiques aléatoire. L’économie ne peut fonctionner sans confiance réciproque. 3) Les conditions de réussite d’une relance dans l’économie mondialisée du début du XXIème siècle. Dans un premier temps, une politique de relance réussie doit être actuellement doublement coordonnée. Au niveau intranational, la coordination entre relance budgétaire et monétaire doit être idoine pour éviter les effets d’inflation et d’éviction. (policy mix). Puis, au niveau international, la coordination entre politique de relance semble indispensable. En effet, les relances isolées sont vouées à l’échec dans le contexte mondialisé. La tentation est grande de pratiquer la stratégie du passager clandestin décrite par Olson mais il faut agir collectivement. On retrouve aujourd’hui ce conflit entre France et Allemagne. Une relance puissante doit être de mise. Le FMI a préconisé un plan de relance mondial de l’ordre de 2% du PIB mondial. La stimulation budgétaire européenne apparait très inférieure à l’impulsion budgétaire américaine. Il faut une relance immédiate, cohérente mais temporaire car la relance perpétuelle étouffe les marges de manœuvres , et lamine la confiance des agents économiques et génère une dette dangereuse. Dans tous les cas, la relance doit être adaptée à la situation économique, il faut faire un bon diagnostic pour connaitre la ligne mouvante entre désinflation et déflation. Le problème peut venir des anticipations et il faut agir sur la demande, ou en encore identifier la déflation par la dette ou observer la déflation sur la politique monétaire. Enfin, la relance doit ainsi inspirer la confiance et atténuer le sentiment d’injustice et malgré tout refinancer les banques françaises, coupable d’avoir acheté des titres pourris. Ainsi, la relance doit s’inscrire dans une politique plus générale afin d’atteindre les objectifs de justesse, cohérence, de coordination, de puissance et de réforme. Les politiques de relance sont efficaces à court termes mais leur résolution à long terme passe encore par les régulations politiques de grande ampleur. VI) La crise des dettes souveraines en zone euro La crise des subprimes partie des Etats-Unis a traversé l’Atlantique et a fait beaucoup de dégâts en Europe. Pour empêcher de sombrer, les Etats ont joué leur rôle de prêteur en dernier ressort ce qui a permis de ne pas subir une période de dépression prolongée. 1) La crise grecque du printemps 2010 La détérioration des dettes souveraines suite aux relances budgétaires a été inégalement ressentie eu Europe. Certains Etats possédaient un « trésor de guerre » constitué en forte croissance. D’autres avaient déjà des dettes publiques importantes comme le Portugal, l’Irlande, l’Italie, la Grèce ou l’Espagne parfois au-dessus de 100% du PIB. La Grèce est le pays le plus exposé, elle possède en effet une dette publique de 112% de son PIB puis 160% en 2012, son déficit public vient également nourrir cette dette avec -11.2% du PIB. Enfin la confiance est entamée avec les fraudes qui ont conduit à minimiser l’ampleur des déficits. 2) Les méfaits de l’endettement Selon Ricardo-Barro, la relance budgétaire aujourd’hui ne signifie aucun regain d’activité car les agents économiques anticipent une hausse des impôts futurs et réduisent leur consommation. Surtout, si elle n’est pas accompagnée d’un accommodement monétaire qui , la relance conduit à une hausse du taux d’intérêt, qui compromet l’investissement. L’endettement se traduit donc par une modification de la composition de la production, au profit de la dépense publique et au détriment de l’investissement privé. On calcule ainsi une équation de soutenabilité de la dette publique. Elle affirme que l’endettement public augmente quand la croissance est faible et que les taux d’intérêt sont élevés et que le déficit primaire est positif. Chaque pays a ainsi des résultats différents en fonction de ces trois critères. 3) Une crise européenne généralisée La crise européenne est ainsi une crise des dettes souveraines. La dette française est actuellement détenue par des investisseurs étrangers qui réclament un rendement proportionnel au risque qu’ils prennent. Pour sortir de cette spirale d’endettement, il y a quatre options : l’inflation, la croissance, l’austérité ou la répudiation. L’inflation dépend de la Banque Centrale qui peut baisser les taux d’intérêt réels mais cette possibilité est interdite pas les traités européens. La croissance peut permettre de sortir de l’endettement si l’investissement et le progrès technique ont été suffisamment forts auparavant. Il reste l’austérité budgétaire qui peut permettre de dégager un excédent primaire. Enfin, nous pouvons envisager la dévaluation d’une monnaie. L’idée serait de sortir de la zone Euro soit rester et mener une politique durable de désinflation compétitive. C’est bien-sûr la dernière option qui a été choisie avec l’austérité. CONCLUSION : Quelles solutions à la crise européenne ? Selon M.Aglietta ou J. Sapir, il existe deux choix : l’éclatement pu la fédération. La zone euro n’est pas une Zone Monétaire Optimale car l’espace géographique n’est pas suffisamment intégré pour que l’adoption d’une monnaie unique se révèle efficace. Pour intensifier l’intégrité il faut que les populations et les capitaux migrent, qu’il y ait des transferts budgétaires ou que la monnaie soit dévaluée. Or, pour des raisons culturelles les Européens travaillent peu dans d’autres pays, le budget fédéral est centralisé par la Commission Européenne et ne représente qu’1% du PIB de l’Union Européenne. Pour J. Sapir il faut éclater la zone euro et revenir aux monnaies nationales liées entre elles par un système assez voisin de l’ancien SME. M. Aglietta soutient la thèse d’une fédération européenne avec un budget plus conséquent, il souhaite un modèle des Etats-Unis d’Europe. On a ainsi essayé en 2010 de renforcer la gouvernance économique européenne, d’approfondir la solidarité budgétaire européenne et de surveiller les dépenses nationales. Il faudrait ainsi mutualiser la dette européenne et restaurer la confiance tout en évitant l’aléa moral qui poussait chaque Etat à s’endetter au-delà du raisonnable.