1-A qui la faute - Lycée International François 1er

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À qui la faute ?
Les responsabilités et les origines de la Grande Guerre
Dossier réalisé par François Rubellin
dossier
documentaire
www.fplusd.org/centenaire
1
sommaire
I. Présentation du thème et du travail proposé …………………
4
II. Repères spatiaux et chronologiques …………………………
5
III. Suggestion d’exercices
Oral ………………………………………………………… 6
Écrit ………………………………………………………… 7
IV. Les belligérants, accusés ou simples témoins ? ……………
8
V. Sources et orientations bibliographiques sommaires ………
8
Annexes documentaires …………………………………………
9
Le Petit Journal, supplément illustré, 20 septembre 1914
3
I. PRÉSENTATION DU THÈME ET DU TRAVAIL PROPOSÉ
« La Seconde Guerre mondiale est finie, la Première continue » n’hésite pas à affirmer Jérôme
Gautheret du Service International du Monde, édition du 2 juillet 2014 : autant les soixante-dix ans du
débarquement ont-ils été le théâtre d’une commémoration dépassionnée et consensuelle, autant celle du
centenaire de l’assassinat de l’archiduc héritier du trône austro-hongrois François-Ferdinand à Sarajevo
le 28 juin 1914 a-t-elle été marquée par des célébrations en ordre dispersé et, pour tout dire, lourdes
de non-dits et d’incompréhensions. Au-delà de la sphère mémorielle, c’est de clivages historiques
et géographiques qu’il continue de s’agir : les États issus de l’empire austro-hongrois et d’Europe
balkanique ne portent-ils finalement pas, un siècle après, un regard mêlant douleur et ressentiment
tant sur les causes que sur l’issue et les enseignements de la Grande Guerre ? Et ils ne sont pas les seuls
! Contrairement aux idées reçues – trop optimistes, « positivistes » ? – selon lesquelles le consensus
serait de mise dans le monde occidental sur la question des responsabilités dans les origines du conflit,
la parution des Somnambules de l’historien australien Christopher Clark (traduction française 2013,
Flammarion) et la controverse qui en résulte depuis sont la meilleure illustration de cet autre (le seul,
le vrai ?) « passé qui ne passe pas », pour reprendre la formule d’un autre historien, allemand celui‑ci,
à propos d’un autre conflit, la Seconde Guerre mondiale et du nazisme : alors qu’il était jusqu’ici
considéré comme acquis que l’Allemagne, au-delà de Sarajevo et de l’engrenage des alliances de l’été
1914, portait une part essentielle de la responsabilité du conflit – et ce par les historiens allemands
eux-mêmes tel Gerd Krumeich – Clark pour sa part pointe dans son ouvrage les responsabilités serbe
et russe, slaves au sens large, dans le déclenchement du conflit. Au point de s’attirer une indirecte mais
non moins cinglante réplique d’Alfred Grosser dans un discours appelé à faire date au Bundestag le
3 juillet 2014, pointant du doigt la militarisation de la société allemande impériale d’avant 1914…
rejoint par le président de l’assemblée lui-même, Norbert Lammert, qui affirme pour sa part que
« Nous avons appris bien après que les mesures militaires ne sont pas un moyen approprié pour obtenir
des changements politiques ». De là à s’étonner que politiques et historiens allemands (ou d’origine
allemande) seraient ceux qui auraient la dent la plus dure avec leur propre pays et histoire (et quelque
part cautionneraient implicitement et rétrospectivement le Schmach Paragraph, le « paragraphe de
la honte » qu’incarnait aux yeux de la population allemande de l’entre-deux-guerres l’article 231 du
« Diktat » de Versailles rendant l’Allemagne et ses alliées responsables de la guerre et de ses dommages),
il y a un pas qu’il est évidemment hasardeux et excessif de franchir.
Mais, et c’est là l’intérêt du dossier documentaire pédagogique et des exercices proposés, ces
débats ravivés par le centenaire de la Grande Guerre sont une occasion bienvenue de faire réfléchir
élèves et enseignants sur cette question : celles des origines et des responsabilités, des causes et des
motivations nationales. Occasion aussi de varier les approches et les démarches : le caractère conflictuel
et polémique du sujet – toujours réel – a ceci de potentiellement fécond qu’il se prête idéalement à
des exercices, écrits et oraux, d’argumentation, de réflexion, d’échange et d’interaction entre les élèves
eux-mêmes (l’élocution est formatrice par définition), ainsi qu’avec leur professeur à qui incombe
4
le choix tant des documents que de la préparation pédagogique à proprement parler, en fonction
de critères que lui seul maîtrise (nombre, âge, connaissances des élèves). Le choix – par définition
partiel et partial, subjectif et non exhaustif – des documents du dossier est dicté par la volonté de
ne pas être prisonnier du temps court et de la seule chronologie de l’engrenage de l’été 1914, mais
plutôt de faire comprendre aux lycéens destinataires des exercices que les racines du conflit sont, sur
les plans tant culturel et politique que social et économique, profondes et complexes, européennes
et extra-européennes. La Première Guerre mondiale ne fut-elle finalement pas, aussi et surtout, le
fruit d’incompréhensions historiques et culturelles profondes, toujours palpables cent ans après ?
C’est aussi un des objectifs des présents exercices que d’en prendre conscience.
François Rubellin
II. REPÈRES SPATIAUX ET CHRONOLOGIQUES
Cartes de l’Europe et du monde en 1914 :
s’appuyer sur des représentations cartographiques des enjeux territoriaux dont frontaliers, des points
chauds préexistants et des dynamiques d’expansion est nécessaire voire indispensable. Il appartient au
professeur de recourir aux cartes qui lui sont familières.
Chronologie :
le présent dossier propose une sélection des principaux faits de l’engrenage de l’été 1914.
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III. SUGGESTION D’EXERCICES
Fiche élève n°1 : à l’oral
ORAL : exercices d’élocution et d’argumentation
Exercice 1 :
l’Allemagne, responsable de la guerre ? Confiez à un élève le rôle d’un procureur chargé de l’instruction
à charge contre l’Allemagne, à un second celui de l’avocat chargé de disculper son client allemand
(documents-témoins selon la cause défendue). Invitez la classe à rendre son verdict à l’issue des
plaidoiries.
Exercice 2 :
France vs. Allemagne. Confiez à un élève le rôle de porte-parole de la France à l’aube de la Première
Guerre mondiale, à un second celui de l’Allemagne et invitez-les à exposer les griefs mutuels des deux
États (documents 1 à 10). Invitez la classe à départager les deux protagonistes à l’issue du débat.
Exercice 3 :
la Première Guerre mondiale, guerre de tous contre tous ? Confiez à environ douze élèves le rôle de
« témoins »-porte-paroles des intérêts des douze nations du dossier en les invitant à présenter tour à
tour leur position à l’aube de la guerre. Invitez le reste de la classe à ordonner les responsabilités de la
plus évidente à la plus absente.
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III. SUGGESTION D’EXERCICES
Fiche élève n°2 : à l’écrit
ÉCRIT : exercice de réflexion et d’organisation
Exercice 1 :
la Première Guerre mondiale, une guerre franco-allemande ? Confrontez les positions des deux pays à
l’aide des documents les concernant (1 à 10).
Exercice 2 :
la Première Guerre mondiale, guerre soudaine ou prévisible ? Distinguez les causes immédiates des
causes profondes en vous appuyant sur le dossier documentaire.
Exercice 3 :
après avoir pris connaissance du dossier documentaire, classez dans l’ordre décroissant les
responsabilités des États impliqués dans la Première Guerre mondiale en nuançant votre propos et en
justifiant votre classement.
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IV. LES BELLIGÉRANTS, ACCUSÉS OU SIMPLES TÉMOINS ?
(LISTE NON EXHAUSTIVE)
- France : documents 1 à 5
- Allemagne : documents 6 à 10
- Autriche-Hongrie : documents 11 à 13
- Russie : documents 14 à 16
- Serbie : documents 17 à 19
- Bulgarie : documents 20-21
- Empire ottoman : documents 22-23
- Royaume-Uni : documents 24-25
- Italie : documents 26-27
- États-Unis : documents 28-29
- Japon : documents 30-31
V. SOURCES ET ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES SOMMAIRES
- P. SALY, A. GERARD, C. GERVAIS, M.-P. REY, Nations et nationalisme en Europe 1848-1914,
1996 rééd. 1999, Armand Colin, 287 p.
- Dominique LEJEUNE, Les causes de la Première Guerre mondiale, 1992, Armand Colin, 126 p.
- Gilbert KREBS und Bernard POLONI (hrsg.), Volk, Reich und Nation 1806-1918. Texte zur Einheit
Deutschlands in Staat, Wirtschaft und Gesellschaft, 1994, Publications de l’Institut d’Allemand de la
Sorbonne Nouvelle, 300 p.
- Deutsche Geschichte in Quellen und Darstellung, Band 8 Kaiserreich und Erster Weltkrieg 1871‑1918,
2000, Reclam, 511 p.
- http://gallica.bnf.fr
8
Chronologie de la crise de l’été 1914
CHRONOLOGIE DE LA CRISE DE L’ÉTÉ 1914
28 juin :
Attentat de Sarajevo.
2 juillet :
L’ambassadeur d’Allemagne à Vienne déclare à l’empereur François-Joseph que
« l’empereur d’Allemagne se tiendra derrière toute résolution ferme de l’Autriche ».
4 juillet :
Funérailles de François-Ferdinand et de sa femme.
5 juillet :
Entrevue à Berlin entre le comte Hoyos, envoyé de François-Joseph, et Guillaume II. Ce
dernier juge le moment « favorable » à une action de guerre contre la Serbie.
lundi 20 juillet :
Poincaré et Viviani sont accueillis à Cronstadt, près de Saint-Pétersbourg, par Nicolas II.
jeudi 23 juillet :
Ultimatum austro-hongrois à la Serbie.
vendredi 24 juillet :
Appel du prince héritier Alexandre de Serbie au tsar.
samedi 25 juillet :
Mobilisation générale en Serbie ; acceptation serbe partielle de l’ultimatum autrichien ;
rupture des relations diplomatiques de la Serbie avec l’Autriche ; prémobilisation russe.
dimanche 26 juillet :
Le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, sir Edward Grey, propose une
conférence internationale sur l’affaire serbe, que l’Allemagne refuse, alors que la proposition
avait été acceptée par l’Italie, la France et la Russie.
lundi 27 juillet :
Manifestations pacifistes à Paris et dans les grandes villes allemandes.
mardi 28 juillet :
L’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie.
mercredi 29 juillet :
Bombardement de Belgrade par l’armée austro-hongroise ; rencontre socialiste de
Bruxelles ; mobilisation partielle en Russie ; retour de Poincaré et Viviani à Paris.
jeudi 30 juillet :
Mobilisation générale en Russie.
vendredi 31 juillet :
Mobilisation générale en Autriche-Hongrie ; « état de danger de guerre menaçant » allemand
(drohender Kriegsgefahrzustand) ; mobilisation générale belge ; assassinat de Jaurès.
samedi 1er août :
Mobilisation générale en France et en Allemagne : l’Allemagne déclare la guerre à la Russie
(19 h 10 mn).
dimanche 2 août :
La Turquie signe avec l’Allemagne un traité secret d’alliance.
lundi 3 août :
L’Allemagne envahit la Belgique et déclare la guerre à la France (18 h 45 mn) ; l’Italie se
déclare neutre.
mardi 4 août :
Obsèques de Jaurès ; premier emploi de la formule l’« Union sacrée »
Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne.
samedi 8 août :
Entrée de troupes françaises à Mulhouse.
dimanche 9 août :
Contre-attaque allemande sur Mulhouse.
mardi 11 août :
Déclaration de guerre de la France à l’Autriche-Hongrie.
mercredi 12 août :
Déclaration de guerre britannique à l’Autriche-Hongrie.
22-23 août :
Bataille des Ardennes.
2 septembre :
Le gouvernement français se réfugie à Bordeaux.
5 septembre :
Accord de Londres : France, Grande-Bretagne et Russie s’engagent à ne conclure aucune
paix bilatérale avec l’Allemagne.
6-9 septembre :
Bataille de la Marne.
9 septembre :
Mémorandum du chancelier Bethmann-Hollweg sur les buts de guerre de l’Allemagne.
en France ; la
9
Document n°1 : Alphonse Daudet,
« La dernière classe », 1875 : un conditionnement sur le long terme ?
1. Alphonse Daudet, « La dernière classe », 1875 : un conditionnement sur le long terme ?
Alphonse Daudet, écrivain d’origine provençale, célèbre auteur des Lettres de mon moulin, s’est aussi illustré dans un
genre littéraire différent, celui d’une littérature « patriotique » aux évidents relents germanophobes.
M. Hamel était monté dans sa chaire, et de la même voix douce et grave dont il m’avait reçu, il nous dit :
« Mes enfants, c’est la dernière fois que je vous fais la classe. L’ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner
que l’allemand dans les écoles de l’Alsace et de la Lorraine... Le nouveau maître arrive demain. Aujourd’hui,
c’est votre dernière leçon de français. Je vous prie d’être bien attentifs. »
Ces quelques paroles me bouleversèrent. Ah ! les misérables, voilà ce qu’ils avaient affiché à la mairie.
Ma dernière leçon de français !...
Et moi qui savais à peine écrire ! Je n’apprendrais donc jamais ! Il faudrait donc en rester là !... Comme je
m’en voulais maintenant du temps perdu, des classes manquées à courir les nids ou à faire des glissades sur la
Saar ! Mes livres que tout à l’heure encore je trouvais si ennuyeux, si lourds à porter, ma grammaire, mon
histoire sainte me semblaient à présent de vieux amis qui me feraient beaucoup de peine à quitter. C’est comme
M. Hamel. L’idée qu’il allait partir, que je ne le verrais plus, me faisait oublier les punitions, les coups de règle.
Pauvre homme !
C’est en l’honneur de cette dernière classe qu’il avait mis ses beaux habits du dimanche, et maintenant je
comprenais pourquoi ces vieux du village étaient venus s’asseoir au bout de la salle. Cela semblait dire qu’ils
regrettaient de ne pas y être venus plus souvent, à cette école. C’était aussi comme une façon de remercier notre
maître de ses quarante ans de bons services, et de rendre leurs devoirs à la patrie qui s’en allait... […]
Alors, d’une chose à l’autre, M. Hamel se mit à nous parler de la langue française, disant que c’était la plus
belle langue du monde, la plus claire, la plus solide : qu’il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier, parce
que, quand un peuple tombe esclave, tant qu’il tient bien sa langue, c’est comme s’il tenait la clef de sa prison...
Puis il prit une grammaire et nous lut notre leçon. J’étais étonné de voir comme je comprenais. Tout ce qu’il
disait me semblait facile, facile. Je crois aussi que je n’avais jamais si bien écouté et que lui non plus n’avait
jamais mis autant de patience à ses explications. On aurait dit qu’avant de s’en aller le pauvre homme voulait
nous donner tout son savoir, nous le faire entrer dans la tête d’un seul coup.
La leçon finie, on passa à l’écriture. Pour ce jour-là, M. Hamel nous avait préparé des exemples tout neufs, sur
lesquels était écrit en belle ronde : France, Alsace, France, Alsace. Cela faisait comme des petits drapeaux qui
flottaient tout autour de la classe, pendus à la tringle de nos pupitres. Il fallait voir comme chacun s’appliquait, et
quel silence ! On n’entendait rien que le grincement des plumes sur le papier. Un moment des hannetons
entrèrent ; mais personne n’y fit attention, pas même les tout petits qui s’appliquaient à tracer leurs bâtons, avec
un cœur, une conscience, comme si cela encore était du français... Sur la toiture de l’école, des pigeons
roucoulaient tout bas, et je me disais en les écoutant :
« Est-ce qu’on ne va pas les obliger à chanter en allemand, eux aussi ? »
De temps en temps, quand je levais les yeux de dessus ma page, je voyais M. Hamel immobile dans sa chaire
et fixant les objets autour de lui, comme s’il avait voulu emporter dans son regard toute sa petite maison
d’école... Pensez ! depuis quarante ans, il était là à la même place, avec sa cour en face de lui et sa classe toute
pareille. Seulement les bancs, les pupitres s’étaient polis, frottés par l’usage ; les noyers de la cour avaient grandi,
et le houblon qu’il avait planté lui-même enguirlandait maintenant les fenêtres jusqu’au toit. Quel crève-cœur ça
devait être pour ce pauvre homme de quitter toutes ces choses, et d’entendre sa sœur qui allait, venait, dans la
chambre au-dessus, en train de fermer leurs malles ! car ils devaient partir le lendemain, s’en aller du pays pour
toujours.
Tout de même, il eut le courage de nous faire la classe jusqu’au bout. Après l’écriture, nous eûmes la leçon
d’histoire ; ensuite les petits chantèrent tous ensemble le BA BE BI BO BU. Là-bas au fond de la salle, le vieux
Hauser avait mis ses lunettes, et, tenant son abécédaire à deux mains, il épelait les lettres avec eux. On voyait
qu’il s’appliquait lui aussi ; sa voix tremblait d’émotion, et c’était si drôle de l’entendre, que nous avions tous
envie de rire et de pleurer. Ah ! je m’en souviendrai de cette dernière classe…
Tout à coup l’horloge de l’église sonna midi, puis l’Angélus. Au même moment, les trompettes des Prussiens
qui revenaient de l’exercice éclatèrent sous nos fenêtres... M. Hamel se leva, tout pâle, dans sa chaire. Jamais il
ne m’avait paru si grand. « Mes amis, dit-il, mes amis, je... je... »
Mais quelque chose l’étouffait. Il ne pouvait pas achever sa phrase.
Alors il se tourna vers le tableau, prit un morceau de craie et, en appuyant de toutes ses forces, il écrivit aussi
gros qu’il put :
10
« VIVE LA FRANCE ! »
Puis il resta là, la tête appuyée au mur, et, sans parler, avec sa main, il nous faisait signe :
devait être pour ce pauvre homme de quitter toutes ces choses, et d’entendre sa sœur qui allait, venait, dans la
chambre au-dessus, en train de fermer leurs malles ! car ils devaient partir le lendemain, s’en aller du pays pour
toujours.
Tout de même, il eut le courage de nous faire la classe jusqu’au bout. Après l’écriture, nous eûmes la leçon
d’histoire ; ensuite les petits chantèrent tous ensemble le BA BE BI BO BU. Là-bas au fond de la salle, le vieux
Hauser avait mis ses lunettes, et, tenant son abécédaire à deux mains, il épelait les lettres avec eux. On voyait
qu’il s’appliquait lui aussi ; sa voix tremblait d’émotion, et c’était si drôle de l’entendre, que nous avions tous
envie de rire et de pleurer. Ah ! je m’en souviendrai de cette dernière classe…
Tout à coup l’horloge de l’église sonna midi, puis l’Angélus. Au même moment, les trompettes des Prussiens
qui revenaient de l’exercice éclatèrent sous nos fenêtres... M. Hamel se leva, tout pâle, dans sa chaire. Jamais il
ne m’avait paru si grand. « Mes amis, dit-il, mes amis, je... je... »
Mais quelque chose l’étouffait. Il ne pouvait pas achever sa phrase.
Alors il se tourna vers le tableau, prit un morceau de craie et, en appuyant de toutes ses forces, il écrivit aussi
gros qu’il put :
« VIVE LA FRANCE ! »
Puis il resta là, la tête appuyée au mur, et, sans parler, avec sa main, il nous faisait signe :
« C’est fini... allez-vous-en. »
Alphonse Daudet (1840-1897), « La dernière classe », in Les contes du Lundi, 1875.
6
Document n°2 : De Gaulle,
« Une certaine idée de la France » : patriotisme ou nationalisme ?
Le jeune Charles de Gaulle reçut de son père, professeur dans une institution privée, une éducation patriotique
par les monuments dans l’esprit de ce qu’Ernest Lavisse promouvait dans la continuité de Michelet, à l’attention
des maîtres et des pères de famille. De Gaulle se souvient ici de ses années qui ont précédé son admission à
Saint-Cyr en 1908.
Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien que
la raison. Ce qu’il y a, en moi, d’affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou
la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J’ai, d’instinct,
l’impression que la Providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires. [… À] mon
sens, la France ne peut être la France sans la grandeur.
Cette foi a grandi en même temps que moi dans le milieu où je suis né. Mon père, homme de pensée,
de culture, de tradition, était imprégné du sentiment de la dignité de la France. Il m’en a découvert l’Histoire.
Ma mère portait à la patrie une passion intransigeante à l’égal de sa piété religieuse. Mes trois frères, ma
soeur, moi-même, avions pour seconde nature une certaine fierté anxieuse au sujet de notre pays. Petit Lillois
de Paris, rien ne me frappait davantage que les symboles de nos gloires : nuit descendant sur Notre-Dame,
majesté du soir à Versailles, Arc de Triomphe dans le soleil, drapeaux conquis frissonnant à la voûte des
Invalides. Rien ne me faisait plus d’effet que la manifestation de nos réussites nationales : enthousiasme du
peuple au passage du Tsar de Russie, revue de Longchamp, merveilles de l’Exposition, premiers vols de nos
aviateurs. Rien ne m’attristait plus profondément que nos faiblesses et nos erreurs révélées à mon enfance
par les visages et les propos : abandon de Fachoda, affaire Dreyfus, conflits sociaux, discordes religieuses.
Rien ne m’émouvait autant que le récit de nos malheurs passés : rappel par mon père de la vaine sortie du
Bourget et de Stains, où il avait été blessé ; évocation par ma mère de son désespoir de petite fille à la vue de
ses parents en larmes : « Bazaine a capitulé ! » […] D’autant plus qu’au début du siècle apparaissaient les
prodromes de la guerre. Je dois dire que ma prime jeunesse imaginait sans horreur et magnifiait à l’avance
cette aventure inconnue. En somme, je ne doutais pas que la France dût traverser des épreuves gigantesques,
que l’intérêt de la vie consistait à lui rendre, un jour, quelque service signalé et que j’en aurais l’occasion.
Charles de Gaulle (1890-1970), Mémoires de guerre, t. 1, L’Appel, 1954.
11
Document n°3 : « Souvenez-vous donc… » : Jean Jaurès,
mauvais Français oublieux de la sacro-sainte Revanche ?
Célèbre périodique de la Troisième République, le Petit Journal – et surtout son supplément illustré
hebdomadaire – peut être considéré comme un fidèle reflet des sentiments de l’opinion publique française de
la Belle Époque.
Le Petit Journal, supplément illustré, 22 juin 1913
12
Document n°4 : « Et maintenant voilà l’incendie » (25 juillet 1914) :
Jaurès Cassandre malgré lui d’une guerre annoncée ?
4. « Et maintenant
voilà l’incendie
» (25 juillet
Jaurès :Cassandre
malgré lui
d’uneluiguerre
?
4. « Et maintenant
voilà l’incendie
» (251914)
juillet: 1914)
Jaurès Cassandre
malgré
d’uneannoncée
guerre annoncée
?
Jaurès (1859-1914),
fondateurfondateur
de L’humanité
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du SFIO,dupourfendeur
de la colonisation,
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Jaurès (1859-1914),
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militarisme,
du nationalisme,
prononceprononce
ici son dernier
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le 31 juillet,
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Raoul Villain,
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L’ultimatum
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Et si le conflit
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Et si le ne
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de Lyon-Vaise,
25 juillet251914.
Jean(1859-1914),
Jaurès (1859-1914),
de Lyon-Vaise,
juillet 1914.
13
Document n°5 : Étrennes 1913 :
une société, une enfance et une vie quotidienne militarisées ?
Catalogues des Étrennes d’un grand magasin parisien (magasin du Louvre, 1913) : choix de panoplies de
soldats complètes pour enfants de 3 à 12 ans, et leur complément, la « mitrailleuse démontable avec double
canon, tirant des projectiles en bois », une « nouveauté ». On notera aussi une boîte de soldats permettant de
jouer aux « grandes manoeuvres modernes », comprenant entre autres un aéroplane et un Zeppelin.
14
Document n°6 : Une politique extérieure au service de
la Grande Allemagne : le pangermanisme, impératif national ?
6. Une politique extérieure au service de la Grande Allemagne : le pangermanisme, impératif national ?
Ernst Hasse, député au Reichstag, fut de ceux qui animèrent la Ligue pangermaniste (Alldeutscher Verband) née en
1894 et étendirent l’influence de ce lobby à l’intégralité de l’Allemagne et l’Autriche. Politique allemande, « manuel
du pangermanisme intégral » définit les objectifs continentaux de la politique extérieure allemande selon son auteur.
Ce principe est très simple. Il consiste dans la nécessité, commune à tous les êtres vivants, de se procurer
le plus d’espace possible pour leur activité. Si nous pouvons nous réclamer, dans nos revendications,
d’anciennes possessions coloniales allemandes, tant mieux. Mais ce n’est pas nécessaire. Ce qui est
indispensable, c’est d’avoir égard aux nécessités militaires qui, dans l’avenir comme dans le passé, peuvent
exiger impérieusement l’annexion de parcelles de sol étranger. C’est pourquoi il va sans dire aussi que nous
réclamerons comme un minimum, avec le Bismarck de 1863, le droit de conserver chaque pied de terrain
colonisé par les Allemands dans l’Europe centrale. Mais si notre domaine de colonisation ne peut coïncider
avec nos frontières politiques, l’égoïsme sain de la race nous commande de planter nos poteaux-frontières
dans le territoire étranger, comme nous l’avons fait à Metz, plutôt que de rester sans nécessité en deçà des
limites du domaine colonisé par nous. Cette considération d’ordre militaire nous amène aussi à faire
prévaloir cet autre grand principe, que nous nous arrêterons toujours aux limites des grands États nationaux
présents ou futurs, pourvu qu’ils aient en eux la force et, par conséquent, le droit de vivre. Nous répétons ici
que nous ne pouvons reconnaître comme tels dans l’Europe centrale que les Allemands, les Français, les
Italiens, les Slaves du Sud, les Roumains, les Ruthènes, les Grands-Russes et les Scandinaves. Tout le reste
est une cire aux mains de l’avenir, et dans bien d’autres mains que les nôtres encore [...] Ces terres
coloniales de l’avenir se composent [...] des vastes territoires occupés par les Polonais, les Tchèques, les
Magyars, les Slovaques, les Slovènes, les Ladins, les Rhétiens, les Wallons, les Lituaniens, les Estoniens et
les Finlandais.
Tant que les territoires de ces petits peuples, mal faits pour créer des États nationaux, n’auront pas été
répartis entre les grands États de l’Europe centrale, l’Europe ne pourra jamais avoir, n’aura jamais la paix.
Cette répartition coûtera naturellement de dures guerres, analogues aux grandes guerres européennes qui ont
amené une réglementation des droits des peuples par la paix de Westphalie et le Congrès de Vienne.
Ernst Hasse (1846-1928), Politique allemande, 1905.
7. Les relations franco-allemandes à la veille du conflit : un faux problème créé par l’Angleterre ?
Gustav Schmoller, célèbre historien allemand, pionnier de l’histoire économique et sociale outre-Rhin, s’efforce de
rassurer son interlocuteur français quant aux intentions allemandes et à la nature des relations franco-allemandes,
envenimées et perverties par l’Angleterre, véritable ennemie des intérêts des deux pays selon lui.
La condition de relations normales avec la France, c’est, [...] le silence sur l’Alsace-Lorraine, car nulle
autre question ne sépare les deux pays, et celle-ci est résolue. L’Allemagne est toute bonne volonté : la
France seule met la paix en péril. [...] La preuve de l’esprit accommodant de l’Allemagne est en ceci
notamment qu’elle a laissé la France se livrer en toute tranquillité à son expansion coloniale. La preuve de
l’esprit hostile de la France, c’est qu’elle s’est alliée à l’Angleterre, ennemie de l’Allemagne. Celle-ci donc
doit songer à se défendre, à la fois contre l’Angleterre et contre la France, jouet de celle-là, qui la tient par
« un contrat léonin ». D’où la nécessité d’une flotte. D’où l’accroissement de la force militaire, qui,
d’ailleurs, se justifierait assez par le besoin d’une grande nation de posséder une armée proportionnée à sa
population. Les Français parlent du Maroc ? Ce n’est rien, le Maroc. Jamais aucun Allemand sensé n’a
songé à y faire à la France « une concurrence politique » ; les deux pays se seraient à merveille entendus :
pourquoi fallut-il que l’Anglais vînt mettre son nez où il n’avait que faire ? Le peuple, tout le peuple, est prêt
à partir pour la guerre, si on l’y appelle. Il sera sans peur, car il croit à la victoire. Mais en même temps il
souhaite la paix, il veut la tranquillité, il ne demande qu'à s’unir à la France.
15
Gustav Schmoller (1838-1917), entretien accordé au journaliste français Georges Bourdon, 1913.
Cette répartition coûtera naturellement de dures guerres, analogues aux grandes guerres européennes qui ont
amené une réglementation des droits des peuples par la paix de Westphalie et le Congrès de Vienne.
Ernst Hasse (1846-1928), Politique allemande, 1905.
Document n°7 : Les relations franco-allemandes à la veille du conflit :
un faux problème créé par l’Angleterre ?
7. Les relations franco-allemandes à la veille du conflit : un faux problème créé par l’Angleterre ?
Gustav Schmoller, célèbre historien allemand, pionnier de l’histoire économique et sociale outre-Rhin, s’efforce de
rassurer son interlocuteur français quant aux intentions allemandes et à la nature des relations franco-allemandes,
envenimées et perverties par l’Angleterre, véritable ennemie des intérêts des deux pays selon lui.
La condition de relations normales avec la France, c’est, [...] le silence sur l’Alsace-Lorraine, car nulle
autre question ne sépare les deux pays, et celle-ci est résolue. L’Allemagne est toute bonne volonté : la
France seule met la paix en péril. [...] La preuve de l’esprit accommodant de l’Allemagne est en ceci
notamment qu’elle a laissé la France se livrer en toute tranquillité à son expansion coloniale. La preuve de
l’esprit hostile de la France, c’est qu’elle s’est alliée à l’Angleterre, ennemie de l’Allemagne. Celle-ci donc
doit songer à se défendre, à la fois contre l’Angleterre et contre la France, jouet de celle-là, qui la tient par
« un contrat léonin ». D’où la nécessité d’une flotte. D’où l’accroissement de la force militaire, qui,
d’ailleurs, se justifierait assez par le besoin d’une grande nation de posséder une armée proportionnée à sa
population. Les Français parlent du Maroc ? Ce n’est rien, le Maroc. Jamais aucun Allemand sensé n’a
songé à y faire à la France « une concurrence politique » ; les deux pays se seraient à merveille entendus :
pourquoi fallut-il que l’Anglais vînt mettre son nez où il n’avait que faire ? Le peuple, tout le peuple, est prêt
à partir pour la guerre, si on l’y appelle. Il sera sans peur, car il croit à la victoire. Mais en même temps il
souhaite la paix, il veut la tranquillité, il ne demande qu'à s’unir à la France.
Gustav Schmoller (1838-1917), entretien accordé au journaliste français Georges Bourdon, 1913.
10
Document n°8 : Guillaume II et le Kronprinz en hussards tête de mort :
symboles d’une Allemagne belliqueuse ?
Guillaume II, grand collectionneur d’uniformes (il en changeait plusieurs fois par jour), aimait arborer celui
du corps des « hussards tête de mort » de l’armée prussienne et défiler à leur tête, suscitant étonnement et
incompréhension.
Carte postale allemande, deuxième semestre 1914
16
postale allemande,
deuxième semestre 1914.
Document n°9 : De Sarajevo au « chèqueCarte
en blanc
» allemand
à l’Autriche‑Hongrie : Guillaume II, pompier pyromane ?
9. De Sarajevo au « chèque en blanc » allemand à l’Autriche-Hongrie : Guillaume II, pompier pyromane ?
La réaction rapide de l’Allemagne de Guillaume II à l’assassinat de François-Ferdinand et son soutien inconditionnel à
François-Joseph (le célèbre « chèque en blanc »), déterminants dans l’engrenage de l’été 1914, sont mis en évidence
par les lettres échangées entre le Kaiser et les ambassadeurs des deux pays (et plus les annotations de Guillaume II).
-Lettre de l’ambassadeur allemand Tschirsky à Vienne à son empereur Guillaume II, le 30 juin 1914 :
J’entends ici des gens on ne peut plus sérieux souhaiter que l’on en finisse avec les Serbes une fois pour
toutes (Guillaume II : maintenant ou jamais !), que l’on adresse aux Serbes une série d’exigences et que l’on
agisse avec la plus grande énergie au cas où ils les rejetteraient. Je profite de la moindre occasion pour,
calmement mais clairement, sensibiliser ces gens aux conséquences qu’aurait toute précipitation
(Guillaume II : qui l’y a autorisé ? C'est complètement stupide ! Ce n’est pas son affaire, c’est seulement et
uniquement à l’Autriche de décider ce qu’il convient de faire ! Tschirsky doit laisser scrupuleusement
laisser la folie s’accomplir ! Il faut se débarrasser des Serbes, et le plus vite sera le mieux !)
En italique : notes manuscrites de Guillaume II portées sur la lettre de son ambassadeur
-Lettre du Kaiser Guillaume II à l’ambassadeur autrichien à Berlin, le 5 juillet 1914 :
Je vous autorise à annoncer à votre très gracieux empereur François-Joseph que l’Autriche peut compter sur
le total soutien de l’Allemagne, y compris dans le cas de complications européennes les plus sérieuses. Cela
vaut tout particulièrement pour toute action que votre pays voudrait entreprendre contre la Serbie.
(Traduction : F. Rubellin)
11
17
Document n°10 : La guerre pour l’Allemagne : la réalisation de projets
expantionnistes au détriments des futurs vaincus ?
10. La guerre pour l’Allemagne : la réalisation de projets expansionnistes au détriment des futurs vaincus ?
Theobald von Bethmann Hollweg, dernier chancelier du Kaiser Guillaume II, expose dans ce mémoire les objectifs
stratégiques et territoriaux de l’Allemagne au lendemain des déclarations de guerre d’août 1914. Le Président du
Conseil français Viviani martèlera pour sa part à l’Assemblée nationale le 22 décembre que la guerre doit être menée
jusqu’à l’éradication du « militarisme prussien, afin de pouvoir reconstruire sur la justice une Europe régénérée ».
Objectif global de la guerre :
Sécurisation durable du Reich vers l’Ouest et l’Est. À cette fin la France doit être affaiblie au point de ne
plus pouvoir être une grande puissance, la Russie repoussée loin de la frontière allemande et sa domination
des peuples vassaux non russes brisée.
Les buts de guerre en tant que tels :
1. France : exiger la cession de Belfort, du versant ouest des Vosges, rasage des forteresses, cession de
la côte de Dunkerque à Boulogne. Cession des gisements miniers de Briey, vitaux pour notre
industrie. Définition de dommages et intérêts de guerre payable en traites ; ceux-ci doivent être
élevés au point d’empêcher toute politique d’armement française dans les 15-20 prochaines années.
Puis : conclusion d’un traité commercial qui place la France dans la dépendance de l’Allemagne,
fasse d’elle un pays d’exportation à notre service, empêcher tout commerce anglais vers la France.
Ce traité commercial doit nous procurer une totale liberté de mouvement financière et industrielle, de
telle sorte que les entreprises allemandes et françaises ne puissent plus être différenciées.
2. Belgique : rattachement de Liège et Verviers à la Prusse, ainsi que du Luxembourg. Restera à décider
si Anvers doit également être annexée dans le prolongement de Liège. Dans le même ordre d’idées,
la Belgique doit être reléguée au rang d’État vassal si tant est qu’elle subsiste en tant qu’État,
concéder un droit d’occupation militaire dans les places portuaires, mettre sa côte à disposition
militaire, et devenir une province allemande sur le plan économique. […]
3. Luxembourg : devient un Etat fédéral allemand, avec une bande de la province belge du même nom
et éventuellement la poche de Longwy.
4. Doit être créée une union économique par la mise en place de douanes communes incluant la France,
la Belgique, la Hollande, le Danemark, l’Autriche-Hongrie, la Pologne et éventuellement l’Italie, la
Suède et la Norvège. Cette union, dépourvue de tout cadre constitutionnel, animée d’une égalité entre
ses membres, mais concrètement sous direction allemande, doit enraciner la prédominance
économique de l'Allemagne sur l’Europe centrale.
5. La question des acquisitions coloniales, entre autres en première ligne la création d’un empire
centrafricain d’un seul tenant, sera tranchée ultérieurement, tout comme celle des objectifs à atteindre
à l’égard de la Russie. […]
Note de Bethmann Hollweg (1856-1921), chancelier de Guillaume II, le 9 septembre 1914.
(Traduction : F. Rubellin)
18
12
Document n°11 : L’annexion autrichienne de la Bosnie-Herzégovine (1908) :
impérialisme ou sécurité préventive ?
11. L’annexion autrichienne de la Bosnie-Herzégovine (1908) : impérialisme ou sécurité préventive ?
Le congrès de Berlin (1878) avait confié à l’Autriche-Hongrie l’administration de la Bosnie-Herzégovine au détriment
de l’Empire ottoman. Cette administration devint annexion directe et totale en octobre 1908, et est justifiée par
François-Joseph par l’incertitude occasionnée par la révolution jeune-turque de juillet 1908 et sa crainte de voir
l’Empire ottoman exiger leur restitution. François-Joseph s'en explique ici auprès du président de la République
française Fallières. Cette décision est considérée comme annonciatrice de l’attentat de Sarajevo six ans plus tard.
Les événements qui viennent de se dérouler en Turquie ont fait mûrir un problème qui formait déjà
depuis longtemps l’objet de la sollicitude de mon Gouvernement.
Il s’agit de la Bosnie et de l’Herzégovine. Ces deux provinces ont atteint, grâce aux soins assidus de
l’administration austro-hongroise, un haut degré de culture matérielle et intellectuelle ; elles aspirent donc
légitimement aux bienfaits d’un régime autonome et constitutionnel, régime que mon Gouvernement ne croit
pas pouvoir leur refuser plus longtemps en présence de la nouvelle ère politique inaugurée à Constantinople.
Comme cependant il ne paraît pas possible de procéder à l’octroi d'une constitution pour la Bosnie et
l’Herzégovine avant d’avoir réglé d’une manière définitive la situation de ces provinces, je me verrai obligé
d’en prononcer l’annexion définitive.
Cette décision, j’ai soin de l’ajouter, ne changera en rien l’orientation conservatrice de la politique de
l’Autriche-Hongrie et mon Gouvernement observera aussi à l’avenir, vis-à-vis du Balkan, les principes de
désintéressement qu’il a établis à maintes reprises.
C’est dans cet ordre d’idées que j’ai autorisé mon Gouvernement à renoncer au moment de l’annexion de
la Bosnie et de l’Herzégovine à l’exercice des droits militaires et administratifs que le traité de Berlin nous a
conférés dans le Sandjak de Novi-Pazar. Le rappel immédiat de mes troupes qui actuellement y tiennent
garnison sanctionnera cette renonciation.
J’ai cru devoir avertir immédiatement Votre Excellence de ces importantes décisions qui nous sont
dictées par nécessité. Elle les appréciera, j’en suis sûr, dans un esprit d’amicale sympathie, conforme aux
excellentes relations qui existent si heureusement entre nos deux pays.
Je saisis la présente occasion pour vous exprimer, Monsieur le Président, l’assurance de mon estime
sincère.
Lettre de François-Joseph (1830-1916) au président de la République Fallières, 29 septembre 1908.
19
Document n°12 : Du dualisme austro-hongrois au « trialisme » à l’écoute
des Slaves : une piste avortée… pour le pire ?
12. Du dualisme austro-hongrois au « trialisme » à l’écoute des Slaves : une piste avortée… pour le pire ?
Rédigé au lendemain de l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche-Hongrie le 5 octobre 1908, ce document
franco-français souligne les tensions qui en résultent et la pertinence d’un « trialisme » à l’attention des Slaves du Sud
dans l’esprit du dualisme austro-hongrois concédé par François-Joseph en 1867 pour apaiser les esprits.
J’ai déjà eu l’occasion de signaler à Votre Excellence les difficultés intérieures plus considérables encore
que les difficultés internationales qu’est appelée à susciter l’annexion de la Bosnie et de l’Herzégovine.
L’attribution définitive de ces provinces à l’une des parties de la Monarchie soulève un si grand nombre de
complications d’ordre financier, politique et ethnographique, que l’on comprend le désir du Gouvernement
impérial et royal de maintenir, au moins pendant quelque temps, un statut provisoire qui permette d’arriver à
une entente entre la Cisleithanie et la Transleithanie.
Certains en Autriche ne seraient pas éloignés d’accorder à la Hongrie sa demande intégrale, c’est-à-dire
les deux provinces. Ils estiment en effet que l’adjonction de deux millions de Slaves, que représentent la
Bosnie et l’Herzégovine, pourrait achever de noyer l’élément magyar dans l’élément serbe. Sans admettre
cette solution extrême, il n’en paraît pas moins certain que la seule attribution à la Hongrie d’une partie des
deux provinces serait de nature à fortifier l’élément slave au détriment de l’élément magyar et à priver ce
dernier de sa prépondérance. [...]
L’idée du trialisme fait des progrès en Autriche. J’ai pu en recueillir des marques certaines dans mes
conversations avec des membres du Parlement, des financiers et même des membres de la famille impériale.
Les procédés des Magyars à l’égard des Croates y sont nettement désapprouvés bien que, sous une forme
discrète. Sans que cela soit proclamé, il n’est pas malaisé de comprendre qu’on considérerait comme
équitable et profitable pour l’Autriche, le rattachement des Croates à leurs frères de race en BosnieHerzégovine et Dalmatie. À défaut de ce détachement des Croates d’avec la Hongrie, nombreux sont en
Autriche ceux qui pensent que la force des choses autant que l’équité obligera les Hongrois à appliquer chez
eux ce mode de scrutin. Et ce n’est pas sans une secrète satisfaction qu’on envisage dans certains milieux
l’affaiblissement qui doit en résulter pour l’élément magyar.
Lettre de l’ambassadeur français à Vienne au ministre des affaires étrangères français le 19 janvier 1909.
20
Document n°13 : L’ultimatum austro-hongrois à la Serbie du 23 juillet 1914 :
juste réaction ou surenchère délibérée ?
13. L’ultimatum austro-hongrois à la Serbie du 23 juillet 1914 : juste réaction ou surenchère délibérée ?
Décidé à punir la Serbie jugée responsable de l’assassinat de l'archiduc héritier François-Ferdinand le 28 juin 1914 à
Sarajevo par l’étudiant serbe de Bosnie Princip de l’organisation secrète Narodna Odbrana (document 19), le
gouvernement austro-hongrois lui adresse cette note le 23 juillet. L’État serbe accepte le 25 la totalité de l’ultimatum à
l’exception du point 6. En réponse, l’État austro-hongrois déclare le 28 juillet la guerre à la Serbie.
L’Autriche-Hongrie exigeait du gouvernement serbe :
[...] l’énonciation officielle qu’il condamne la propagande dirigée contre la Monarchie austro-hongroise,
c’est-à-dire l’ensemble des tendances qui aspirent en dernier lieu à détacher de la Monarchie des territoires
qui en font partie, et qu’il s’engage à supprimer, par tous les moyens, cette propagande criminelle et
terroriste.
Afin de donner un caractère solennel à cet engagement, le Gouvernement royal de Serbie fera publier à la
première page du Journal officiel en date du 26 juillet l’énonciation suivante :
« Le Gouvernement royal de Serbie condamne la propagande dirigée contre l’Autriche-Hongrie, c’est-àdire l’ensemble des tendances qui aspirent en dernier lieu à détacher de la Monarchie austro-hongroise des
territoires qui en font partie, et il déplore sincèrement les conséquences funestes de ces agissements
criminels. [...]
Le Gouvernement royal serbe s’engage en outre :
1) à supprimer toute publication qui excite à la haine et au mépris de la Monarchie, et dont la tendance
générale est dirigée contre son intégrité territoriale ;
2) à dissoudre immédiatement la société dite Narodna Odbrana, à confisquer tous ses moyens de
propagande et à procéder de la même manière contre les autres sociétés et affiliations en Serbie qui
s’adonnent à la propagande contre la Monarchie austro-hongroise : [...]
3) à éliminer sans délai de l’instruction publique en Serbie, tant en ce qui concerne le corps enseignant
que les moyens d’instruction, tout ce qui sert à fomenter la propagande contre l'Autriche-Hongrie ;
4) à éloigner du service militaire et de l’administration tous les officiers et fonctionnaires coupables de la
propagande contre la Monarchie austro-hongroise. [...]
5) à accepter la collaboration en Serbie des organes du Gouvernement impérial et royal dans la
suppression du mouvement subversif dirigé contre l’intégrité territoriale de la Monarchie ;
6) à ouvrir une enquête judiciaire contre les partisans du complot du 28 juin se trouvant en territoire
serbe ; des organes délégués par le Gouvernement impérial et royal prendront part aux recherches y
relatives ; [...]
8) à empêcher, par des mesures efficaces, le concours des autorités serbes dans le trafic illicite d’armes et
d’explosifs à travers la frontière ; [...]
10) à avertir, sans retard, le Gouvernement impérial et royal de l’exécution des mesures comprises dans
les points précédents. »
Ultimatum de l’empire austro-hongrois à la monarchie serbe, le 23 juillet 1914.
21
Document n°14 : Nationalisme russe et panslavisme :
quête culturelle mystique ou bombe à retardement balkanique ?
Les années 1876-1877 voient la Russie entrer en guerre aux côtés des Serbes et des Monténégrins pour,
notamment, soutenir leur émancipation contre l’Empire ottoman. La défaite de ce dernier recomposa le sudest de l’Europe, sans pour autant satisfaire toutes les exigences russes désillusionnées au Congrès de Berlin en
1878. Dostoïevski met ici son talent au service du nationalisme russe et d’un panslavisme mystique en faisant
appel à Pierre le Grand.
Nous autres Russes avons deux patries : notre Russie et l’Europe, même lorsque nous nous qualifions
de slavophiles – que ceux-ci ne m’en veuillent pas de le dire. Il n’y a pas là de quoi disputer. La plus grande des
vocations dont les Russes ont pris conscience pour leur avenir, c’est leur vocation universellement humaine,
c’est le service universel de l’humanité, non pas de la Russie seule, non pas de la communauté slave seule, mais
de toute l’humanité [...]. À l’inverse, s’il y a beaucoup, énormément de choses que nous avons empruntées
à l’Europe et transplantées chez nous, nous ne les avons pas simplement copiées, comme l’esclave sur le
maître et [...] nous les avons greffées sur notre organisme, sur notre chair et notre sang ; il en est même que
nous avons vécues et accomplies dans la souffrance, à nos propres frais, exactement comme eux, là-bas, en
Occident, qui trouvaient tout cela dans leur patrimoine [...].
Après Pierre, le premier pas de notre politique nouvelle s’est tracé de lui-même : notre devoir était que
ce premier pas fût l’union de tout le monde slave sous l’aile, pour ainsi dire, de la Russie. Et non pas pour la
conquête, non pas pour la contrainte, ce premier pas, non pas pour l’anéantissement des individualités slaves
devant le colosse russe, mais pour les reconstituer et leur faire la place qui leur est due dans leurs rapports
avec l’Europe et avec l’humanité, pour leur donner enfin la possibilité de se refaire et de respirer après leurs
innombrables et séculaires souffrances ; de reprendre souffle et, avec le sentiment retrouvé de leur force,
d’apporter elles aussi leur obole au trésor de l’esprit humain, de dire aussi leur mot dans la civilisation. [...]
Oui, la Corne d’or et Constantinople, tout cela sera à nous, mais non pour la conquête et pour la
contrainte, répondrai-je. Et tout d’abord, cela surviendra de soi-même, pour la raison que le temps en est
venu ou, s’il n’est pas venu à l’heure qu’il est, il ne tardera réellement pas, tous les signes sont là. C’est un
aboutissement naturel, c’est pour ainsi dire la sentence de la nature elle-même.
Fedor Dostoïevski (1821-1881), Journal d’un écrivain, 1873-81 (ici 1876).
22
Document n°15 : L’Empire russe : géant excentré… ou ogre belliqueux,
alcoolique et sanguinaire ?
Genre à part entière prisé des Européens de la fin du XIXe siècle à l’aube de la guerre, les cartes humoristiques
mettent en évidence avec subjectivité et dérision les appétits incompatibles des puissances européennes avant
l’orage.
Carte humoristique allemande, 1914
23
Document n°16 : Question ouvrière et question nationale :
Lénine, la révolution bolchevique contre le nationalisme russe ?
16. Question ouvrière et question nationale : Lénine, la révolution bolchevique contre le nationalisme russe ?
Pour Lénine, la révolution bolchevique est le meilleur antidote aux pulsions nationalistes, russes notamment,
inhérentes aux valeurs de la bourgeoisie opposées selon lui aux aspirations marxistes du prolétariat.
Le programme de la démocratie ouvrière dans la question nationale, le voici : suppression absolue de tout
privilège pour quelque nation et quelque langue que ce soit ; solution du problème de l’autodétermination
politique des nations, c’est-à-dire de leur séparation et de leur constitution en État indépendant, par une voie
parfaitement libre, démocratique ; promulgation d’une loi générale de l’État en vertu de laquelle toute
disposition (de zemstvo, de municipalité, de communauté et ainsi de suite) qui accorderait quelque privilège
que ce soit à une des nations, qui violerait l’égalité en droits des nations ou les droits d’une minorité
nationale, serait déclarée illégale et nulle, tout citoyen de l’État ayant le droit d’exiger l’abrogation d’une
telle disposition comme contraire à la Constitution, ainsi que des sanctions pénales à l’encontre de ceux qui
s’aviseraient de la mettre en pratique.
Aux querelles nationales que se livrent entre eux les différents partis bourgeois pour des questions de
langue, etc., la démocratie ouvrière oppose la revendication suivante : unité absolue et fusion totale des
ouvriers de toutes les nationalités dans toutes les organisations ouvrières syndicales, coopératives, de
consommation, d’éducation et autres, contrairement à ce que prêchent tous les nationalistes bourgeois.
Seules une telle unité et une telle fusion peuvent sauvegarder la démocratie, sauvegarder les intérêts des
ouvriers contre le capital, – lequel est déjà devenu et devient de plus en plus international, – sauvegarder les
intérêts de l’humanité évoluant vers un mode de vie nouveau, étranger à tout privilège et à toute exploitation.
[...]
[Lénine dénonce alors les illusions que véhicule avec lui le mot d’ordre de culture nationale.]
On doit en dire autant de la nation la plus opprimée et la plus traquée, la nation juive. La culture nationale
juive, c’est le mot d’ordre des rabbins et des bourgeois, le mot d’ordre de nos ennemis. Mais il est d’autres
éléments dans la culture juive et dans toute l’histoire juive. Sur les 10 millions et demi de Juifs existant dans
le monde entier, un peu plus de la moitié habitent la Galicie et la Russie, pays arriérés, à demi sauvages, qui
maintiennent les Juifs par la contrainte dans la situation d’une caste. L’autre moitié vit dans un monde
civilisé, où il n’y a pas de particularisme de caste pour les Juifs et où se sont clairement manifestés les
nobles traits universellement progressistes de la culture juive : son internationalisme, son adhésion aux
mouvements progressifs de l’époque (la proportion des Juifs dans les mouvements démocratiques et
prolétariens est partout supérieure à celle des Juifs dans la population en général). [...]
Les ouvriers grands-russes et ukrainiens doivent défendre ensemble – et, pendant qu’ils vivent dans le
cadre d’un seul Etat, dans l’unité et la fusion organique la plus étroite – la culture commune ou
internationale du mouvement prolétarien, en manifestant la plus parfaite tolérance pour ce qui est de la
langue dans laquelle se fait la propagande et des questions de détail purement locales ou purement
nationales relatives à cette propagande. C’est là une exigence absolue du marxisme. Toute tentative d’établir
une séparation entre les ouvriers d’une nation et ceux d’une autre, toute attaque contre
l’« assimilationnisme » marxiste, toute opposition – dans les problèmes concernant le prolétariat – d’une
culture nationale considérée comme un tout à une autre culture nationale prétendument une et indivisible,
etc., s’inspire du nationalisme bourgeois, contre lequel il faut absolument lutter sans merci.
Lénine (1870-1924), « Notes critiques sur la question nationale », paru dans la revue Prosvetchenie, 1913.
24
Document n°17 : La réaction de l’Assemblée nationale serbe à l’annexion
autrichienne de la Bosnie-Herzégovine (1908) : légitime défense ou
expansionnisme grand-serbe pro-russe en gestation ?
Les deux provinces de Bosnie-Herzégovine annexées par l’Autriche-Hongrie en 1908, limitrophes de la Serbie, étaient traditionnellement considérées par les Serbes comme faisant partie de leur patrimoine historique.
La question des débouchés maritimes sur l’Adriatique à l’économie serbe se posait également. L’Assemblé
nationale serbe réagit ici avec vigueur contre cette annexion et en appelle à la solidarité russe panslave et audelà aux alliés de la Russie.
Le peuple serbe est profondément touché des sympathies que les représentants du peuple frère et de
l’État russe, ainsi que ceux de l’Angleterre, de l’Italie et de la France lui ont manifestées dans ces moments
difficiles pour lui ; l’Assemblée nationale leur exprime, au nom du peuple serbe, sa plus cordiale reconnaissance. L’Assemblée nationale est convaincue que ces sympathies sont dues tant à la justice de la cause serbe
qu’à la communauté d’intérêts sur lesquelles elle fonde ses espérances de secours, même effectif, de leur part,
et surtout de la part de la grande puissance slave, la Russie.
L’Assemblée nationale, après avoir entendu avec attention le discours du ministre des Affaires étrangères, et en ayant pris connaissance, attend du gouvernement royal d’entreprendre toutes les mesures nécessaires
et d’employer toutes ses forces pour assurer, lors de la révision du traité de Berlin, l’indépendance politique et
économique de la Serbie et du Monténégro. Elle est convaincue que ce but ne sera atteint que si l’on accorde
à la Bosnie-Herzégovine la condition internationale d’une principauté vassale sous la souveraineté de Sa Majesté Impériale le sultan et la garantie des puissances, et si l’on assure l’union territoriale de la Serbie et du
Monténégro à travers la Bosnie-Herzégovine, ainsi que le transit pour la Serbie par tous les États dans toutes
les directions des voies ferrées.
Déclaration votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale serbe en octobre 1908.
25
Document n°18 : Les guerres balkaniques de 1912-1913 :
motif d’inquiétude réel ou prétexte à plaidoyer proserbe ?
En 1912 éclate la première des deux guerres balkaniques de 1912-1913, véritable prélude à la Première Guerre
mondiale : la Serbie y jour un rôle clef, et fait figure d’agitatrice au coeur de la « poudrière balkanique », sur
son flanc ouest à l’égard de la Bosnie, sur son flanc est à l’égard d’un Empire ottoman aux abois. La presse
française, loin de maîtriser la complexité des enjeux régionaux, prend parti pour la cause serbe par slavophilie
et fidélité à la Russie. Ce relatif aveuglement traduit par une diabolisation des Turcs ne se démentira pas
jusqu’à la crise de l’été 1914.
Le Petit Journal, supplément illustré, 27 octobre 1912
26
Document n°19 : L’assassinat de François-Ferdinant à Sarajevo,
le 28 juin 1914 : attentat accidentel ou prévisible ?
L’assassinat de l’archiduc héritier du trône austro-hongrois par l’étudiant serbe de Bosnie Gavrilo Princip
le 28 juin 1914 eut lieu après deux tentatives ratées le même jour, dans un contexte d’exaltation nationaliste
serbe et religieuse orthodoxe, la visite de François-Ferdinand ayant été d’emblée perçue comme à risques
voire suicidaire.
Le Petit Journal, supplément illustré, 12 juillet 1914
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Document n°20 : La Bulgarie entre victoire et défaite : une politique du
ressentiment dure envers les populations civiles ?
Vainqueur puis vaincue des deux guerres balkaniques de 1912 et 1913, la Bulgarie ne gagna pas autant de
territoires que ce que sa co-victoire de 1912 contre l’Empire ottoman avait permis aux partisans d’une Grande
Bulgarie d’espérer. Les civils, ici grecs à Melnik ex-ottomane nouvellement bulgare en 1913, firent les frais
des redécoupages territoriaux et préférèrent souvent fuir leurs maisons avant l’arrivée des nouveaux maîtres
bulgares.
Le Petit Journal, supplément illustré, 7 septembre 1913
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Document n°21 : Les guerres balkaniques (1912-1913) :
des alliances à géométrie et composition variables ?
Vainqueur de l’Empire ottoman lors de la première guerre balkanique aux côtés de la Grèce et de ses
« soeurs » slaves serbe et monténégrine, la Bulgarie est défaite par ces dernières et la Roumanie un an plus
tard lors de la deuxième guerre balkanique en 1913, victime tant de ses ambitions grandes-bulgares que
de sa situation encerclée. Cette désillusion alimenta une victimisation bulgare et eut pour conséquence un
rapprochement de la Triplice en 1914 par espoir de revanche sur les voisins grec, serbe et roumain alliés ou
proches des États de la Triple Entente.
Le Petit Journal, supplément illustré, 7 septembre 1913
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Document n°22 : L’Empire ottoman, homme malade de l’Europe :
sans guerre point de salut ?
22. L’Empire ottoman, homme malade de l’Europe : sans guerre point de salut ?
Vieux de quatre siècles, l’Empire ottoman n’est plus que l’ombre de lui-même au XIXe siècle et connaît un déclin
inexorable dont la Grande Guerre sera le prévisible aboutissement. Les diplomates en poste à Istanbul, sa capitale,
dressent avec leurs mots mêlant prétentions ethnographiques et mépris à peine voilé le portrait d’un Etat multinational
à l’agonie, voué à disparaître et/ou être partagé entre puissances européennes ou jeunes nationalités sans Etat. 1914
sera en cela l’ultime espoir de survie pour une dynastie de sultans éprouvée par les défaites et le dépeçage territorial.
Ma vie se passe à inspirer du courage aux ministres turcs, et vous savez si la chose est facile ! En somme,
et quelque trouble qui doive en résulter pour l’Europe, je ne crois plus que l’on puisse, longtemps encore,
faire vivre un pays, en dépit des lois de la logique et de l’histoire. Les Turcs n’ayant plus pour eux ni le
nombre, ni l’intelligence, ni la fortune, leur foi religieuse et les ménagements qu’elle exige paraîtront-ils,
pendant une longue suite d’années encore, un titre suffisant à la domination des admirables territoires qu’ils
laissent sans valeur ? J’en doute, je vous l’avoue. D’un autre côté, je conviens qu’il n’y a pas d’autre rôle
pour la diplomatie, jusqu’à ce que l’orage éclate, que celui de raccommodeur en vieux, et, tant que c’est à ce
métier que je serai condamné, je le remplirai sans me rebuter. Je fais donc ce que je puis pour empêcher que
la Sublime Porte ne rende le dernier soupir entre mes bras. Si le vivant n’est pas beau, le défunt serait plus
laid encore, et j’espère que ce spectacle me sera épargné.
Par malheur la boussole a varié si souvent, la lumière qui vient du centre arrive à Constantinople si terne
et si effacée, qu’il est bien difficile de savoir ce que l’on veut et où l’on tend. Quoi qu’il en soit, la masse de
difficultés à résoudre devient énorme, et rien que le bassin du Danube recèle des problèmes que l’amour le
plus sincère de la conciliation ne suffira pas à résoudre. Les entrailles de la question d’Orient sont là. On ne
l’ignore ni à Vienne ni à Saint-Pétersbourg, et, de proche en proche, tout le monde commence à s’en
apercevoir. La plaisanterie de « l’intégrité » et de l’indépendance de l’Empire ottoman commence à être
jugée ce qu’elle vaut. Amis et ennemis, tout le monde y a aidé. L’Europe se trouve en face de grands périls
qu’elle devra aborder. On sait ce que signifie la régénération par les musulmans. On peut aller en Grèce,
dans le Monténégro, en Serbie, en Valachie, en Moldavie… pour se détromper aussi de ses illusions sur la
possibilité de régénérer l’Orient par les chrétiens. L’Orient est un détritus de nationalités et de religions, en
1859 comme en 1453. Où est le remède ? Dans un accord énergique pour faire durer en corrigeant, ou dans
une guerre également énergique aboutissant à la conquête et au partage. Il est vraisemblable que l’on
contemplera alternativement la question sous ses deux aspects.
Lettre d’Edouard Thouvenel, ambassadeur de France à Istanbul, au diplomate Vincent Benedetti, en 1859.
23. L’axe ferroviaire Berlin-Istanbul-Bagdad : des affinités éco-géographiques… à l’alliance militaire ?
En 1903 commence la réalisation de la liaison ferroviaire Berlin-Istanbul-Bagdad sous l’impulsion conjointe des
empires allemand et ottoman. Cette prouesse (contemporaine du Transsibérien franco-russe) scelle une amitié durable
entre les deux Etats et eut son rôle dans leur rapprochement militaire de l’été-automne 1914.
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Document n°23 : L’axe ferroviaire Berlin-Istanbul-Bagdad : des affinités
éco-géographiques… à l’alliance militaire ?
En 1903 commence la réalisation de la liaison ferroviaire Berlin-Istanbul-Bagdad sous l’impulsion conjointe
des empires allemand et ottoman. Cette prouesse (contemporaine du Transsibérien franco-russe) scelle une
amitié durable entre les deux Etats et eut son rôle dans leur rapprochement militaire de l’été-automne 1914.
Document n°24 : De l’Entente cordiale à la Triple Entente :
optimisme aveugle et/ou condescendance insulaire ignorante ?
tente : optimisme aveugle et/ou condescendance insulaire ignorante ?
25. De l’Entente cordiale à la Triple Entente : optimisme aveugle et/ou condescendance insulaire ignorante ?
e en 1904, et l’accord anglo-russe de 1907 qui consacre la naissance de la
L’Entente cordiale franco-anglaise conclue en 1904, et l’accord anglo-russe de 1907 qui consacre la naissance de la
casion de démonstration d'optimisme et d’autosatisfaction quant au présent
Triple Entente sont pour l’Angleterre l’occasion de démonstration d'optimisme et d’autosatisfaction quant au présent
nt de la guerre. Aveuglement et méconnaissance mêlés d’une certaine
et à l’avenir, ce à quelques mois pourtant de la guerre. Aveuglement et méconnaissance mêlés d’une certaine
njeux européens sont palpables dans la presse anglaise.
condescendance à l’égard des tensions et enjeux européens sont palpables dans la presse anglaise.
ctivement à recevoir le roi George et la reine Mary qui seront leurs
« Alors que la France se prépare activement à recevoir le roi George et la reine Mary qui seront leurs
tre la Grande-Bretagne et la France a maintenant dix ans accomplis
hôtes ce mois-ci, l’Entente cordiale entre la Grande-Bretagne et la France a maintenant dix ans accomplis
d’une existence heureuse [...].
conclue de fraîche date, entre les deux puissances résista à toutes les
La facilité avec laquelle l’alliance, conclue de fraîche date, entre les deux puissances résista à toutes les
nsi qu’à la pression accidentelle des événements, apporta une preuve
tentatives délibérées pour l’ébranler, ainsi qu’à la pression accidentelle des événements, apporta une preuve
dements dans l’amitié réciproque et l’assistance réciproque. Ce furent
supplémentaire de la solidité de ses fondements dans l’amitié réciproque et l’assistance réciproque. Ce furent
rmirent aux hommes politiques français et britanniques de coopérer
les nouvelles relations d’amitié qui permirent aux hommes politiques français et britanniques de coopérer
[…].
s où la politique allemande au Maroc défia délibérément l’amitié
À chacune des multiples occasions où la politique allemande au Maroc défia délibérément l’amitié
dité, elle sortit de l’épreuve avec une force accrue. Aujourd’hui,
franco-anglaise pour éprouver sa solidité, elle sortit de l’épreuve avec une force accrue. Aujourd’hui,
y a sept ans, elle apparaît comme le garant suprême de la paix en
fortifiée par l’accord anglo-russe d’il y a sept ans, elle apparaît comme le garant suprême de la paix en
sauvée de la rupture et jamais avec une preuve aussi éclatante de sa
Europe qu’elle a, à plusieurs reprises, sauvée de la rupture et jamais avec une preuve aussi éclatante de sa
négociations périlleuses au Proche-Orient. [...]
force que lors des récents conflits et des négociations périlleuses au Proche-Orient. [...]
té) l’accusation d’insularité portée contre notre peuple par le passé,
Si vraie qu’ait pu être (et elle l’a été) l’accusation d’insularité portée contre notre peuple par le passé,
un changement plus marqué et plus profond à cet égard. C’est un fait
il y a, depuis ces dix dernières années, un changement plus marqué et plus profond à cet égard. C’est un fait
national que nos yeux aujourd’hui sont ouverts pour admirer tant de
capital dans l’évolution de notre esprit national que nos yeux aujourd’hui sont ouverts pour admirer tant de
s étions sottement enclins à mépriser. Et il est certain, nous sommes
choses chez un peuple qu’autrefois nous étions sottement enclins à mépriser. Et il est certain, nous sommes
e de la France a retiré de son intérêt ainsi éveillé pour les choses
fiers de le croire, que la vie nationale de la France a retiré de son intérêt ainsi éveillé pour les choses
aleur non moins négligeable. »
anglaises un bénéfice analogue, d’une valeur non moins négligeable. »
Article du quotidien anglais Daily Telegraph du 9 avril 1914.
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Article du quotidien anglais Daily Telegraph du 9 avril 1914.
Document n°26 : L’Italie : monarchie constitutionnelle unifée… ou État
fragile en quête de puissance et de prospérité ?
26. L’Italie : monarchie constitutionnelle unifiée… ou Etat fragile en quête de puissance et de prospérité ?
Marquée par une unité récente et restante à faire sur tous les plans – géographique, économique, social, culturel –
l’Italie d’avant-guerre est une nation fragile et divisée, menacée et faible. Pays d’émigration massive, monarchie
puissance de second rang humiliée militairement (désastre d’Adoua (1896) face à l’Ethiopie) elle est le lieu et l’objet
de réflexions d’intellectuels cherchant dans le passé impérial romain des raisons de croire en un avenir meilleur. La
guerre, le nationalisme et l’impérialisme colonial outre-mer sont ainsi des mots d’ordre pressants.
Sans la guerre, nous ne serions pas. Si parmi tant d’États entre lesquels nous étions divisés, un seul n’eût
voulu la guerre, peut-être ne serions-nous pas.
Et nous ne serons pas sans la guerre. Nous fûmes jadis un troupeau d’esclaves et aujourd’hui nous
sommes un peuple, mais nous ne serons jamais une nation sans la guerre ; nous ne serons jamais tels que nos
pères nous voyaient des yeux de l’espérance, quand ils versaient leur sang.
Les nations sont nées parce qu’elles ont eu un antagoniste et d’une certaine manière elles ne sont pas
autre chose que la consolidation d’un état de guerre permanent, des unes contre les autres... Supprimez la
lutte et vous supprimez la vie. L’homme ou se tient debout pour lutter ou gît à l’état de cadavre et se remplit
de vers. Autrement dit, la vie humaine est par essence dramatique. […]
Les moissonneurs de vie romains sont sacrés. Napoléon est sacré. Les conquérants demeurent sous la
sainteté du destin. En réalité, la guerre est une nécessité pour les nations qui sont ou tendent à devenir
impérialiste, quand elles ne tendent pas vers la mort... Le monde entier est impérialiste, à l’extérieur ou à
l’intérieur, et il y a aujourd’hui un impérialisme des prolétaires qui s’appelle socialisme. Le monde entier est
impérialiste, et l’état du globe n’est qu’un impérialisme des hommes sur les autres vivants et sur les choses...
L’anthropomorphisme est un aspect de cet impérialisme qui parvient jusqu’au ciel et crée l’Olympe. La
morale n’est qu’un autre aspect du même impérialisme... C’est pourquoi l’inviolabilité de la vie humaine et
le pacifisme sont à reléguer parmi les vieilles idoles, dans le patrimoine idéaliste et sentimental des hommes
du passé... Dans vingt ans, sinon auparavant, toute l’Italie sera impérialiste.
Enrico Corradini (1865-1931), Il Nazionalismo italiano, 1908.
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Document n°27 : L’Italie en Libye et en mer Égée (1911-1912) :
des ambitions tardives et sans moyens ?
27. L’Italie en Libye et en mer Égée (1911-1912) : des ambitions tardives et sans moyens ?
La quête d’un nouveau « Mare Nostrum » se heurte à la faiblesse des moyens militaires d’une part, à la présence
ancienne des rivaux européens d’autre part, français, anglais et ottomans surtout. Une participation à un conflit
d’envergure majeure pourrait débloquer la situation… mais de quel côté, avec qui et dans quelle direction ?
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Document n°28 : Les États-Unis d’Amérique de la « doctrine Monroe » au
« Big Stick » : un impérialisme déguisé ?
28. Les États-Unis d’Amérique de la « doctrine Monroe » au « Big Stick » : un impérialisme déguisé ?
Les États-Unis connaissent un tournant dans leur histoire en 1898 avec la guerre d’Espagne qui voit la victoire éclair
de cette nation jeune sur la vieillissante Espagne et leur avènement au rang de puissance mondiale. Theodore
Roosevelt, acteur clef et père de la doctrine du Big Stick (gros bâton), président de 1901 à 1909, est ici représenté.
Caricature américaine de 1905
Caricature américaine de 1905.
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Document n°29 : Panama et la jonction Atlantique-Pacifique :
prouesse humaine ou sacre de l’impérialisme étatsunien ?
Amorcés par la France dans les années 1880, les travaux du canal de Panama sont abandonnés par la France
avant d’être repris et achevés par les États-Unis en 1914. Le canal est inauguré en août, et témoigne de
l’affirmation de la nouvelle première puissance mondiale au moment même où l’Europe s’embrase.
Gravure américaine, 1914
Document n°30 : Le Japon, une nouvelle puissance mondiale :
revanche sur le passé d’une jeune puissance non occidentale ?
Transformé par la révolution Meiji lancée en 1868 par le jeune nouvel empereur Mutsu-Hito, vainqueur de
la Chine (guerre sino-japonaise de 1895), le Japon écrase à la surprise générale la Russie de Nicolas II en
1905 (bataille navale de Tsushima au large de la Corée). Ces événements consacrent son statut de puissance
régionale voire mondiale. Côté russe, le traumatisme qui en résulta contribua à l’accélération de la dynamique
révolutionnaire d’une part, d’une « fuite en avant » diplomatique en Europe (panslavisme agressif).
La flotte japonaise coule la flotte russe à Tsushima en 1905. Estampe japonnaise, vers 1906
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Document n°30 : Un demi-siècle d’expansion japonaise en Asie du nord-est :
la quête de la puissance jusqu’où ?
31. Un demi-siècle d’expansion japonaise en Asie du nord-est : la quête de la puissance jusqu’où ?
Après les îles (Formose, Ryukyu) au détriment de la Chine, c’est le continent asiatique qui est au début du XX e siècle
le théâtre de l’expansion japonaise suite à son triomphe militaire sur la Russie. Les États-Unis ne sont plus la seule
puissance non européenne dans le Pacifique asiatique à l’aube de la Première Guerre mondiale.
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