L`aide à la personne - Revue européenne du droit social

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REVUE EUROPÉENNE
DU
DROIT SOCIAL
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REVUE EUROPÉENNE
DU
DROIT SOCIAL
Volume XII • ISSUE 3 • Year 2011
Édition Bibliotheca
Târgovişte, 2011
La Revue est reconnuée par le
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3. Alexandru łiclea, Professeur, Recteur de l’Université Ecologique Bucarest
Roumanie
4. Sophie Boutillier, Directrice de recherche au laboratoire Redéploiement
industriel et innovation à l'Université du Littoral-Côte d'Opale, France
5. Ahmed Smahi, Enseignant Chercheur à la Faculté des Sciences Economiques
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6. Ana R. Martín Minguijón, Doyen de la Faculté de droit UNED Madrid,
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7. Vlad Barbu, Professeur, Vice-recteur de l’Académie de Police ,,Alexandru Ioan
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8. Rafael Junquera de Estéfani, Vice-doyen de la Faculté de droit UNED Madrid,
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ISSN 1843-679X
Copyright@2011
Revista europeană de drept social
SOMMAIRE
LES ORIGINES DES DROITS DE L’HOMME EN ESPAGNE (Rafael Junquera
de ESTÉFANI) / 6
EL ANHELO DE UN SOLO GÉNERO. EL HUMANO (Pedro SANTIAGO) / 25
LE CADRE JURIDIQUE POUR LE TRAVAIL OCCASIONNEL EN
ROUMANIE (Dan łOP) / 40
COMMUNITARIAN SOCIAL DIALOGUE – MODALITY OF ACHIEVING
SOCIAL PEACE (Radu Razvan POPESCU) / 47
INÉGALITÉS DE REVENUS, REDISTRIBUTION ET CROISSANCE EN
TUNISIE: CONTRIBUTION THÉORIQUE DANS LE CADRE D’UN MODÈLE
À GÉNÉRATIONS IMBRIQUÉES (Zahia HAMDÈNE, Lobna BENHASSEN) / 58
LA FUITE DES CERVEAUX: EXIL FORCE OU MAL ETRE DE
L’INTELLECTUEL AFRICAIN? (Par Brice Arsène MANKOU) / 75
LA MESURE DE LA PAUVRETÉ DANS LA PENSÉE ÉCONOMIQUE: VERS
L’INSTAURATION DE NOUVELLES (MESURES Zahia HAMDÈNE, Lobna
BENHASSEN) / 83
L’AIDE À LA PERSONNE, ILLUSTRATION DES ENJEUX
CONTEMPORAINS DE LA CERTIFICATION PROFESSIONNELLE EN
FRANCE (Pascal CAILLAUD) / 122
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE DU FRAGMENT AU TOUT (Jean
Paul LAMBERT) / 138
LE FRANC CFA : UNE MONNAIE COLONIALE QUI RETARDE LE
DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE (Séraphin Prao YAO) / 145
5
Revue europénnee du droit social
LES ORIGINES DES DROITS
DE L’HOMME EN ESPAGNE
Rafael Junquera de ESTÉFANI
Professeur en Philosophie du Droit
Faculté de Droit. UNED
Madrid. Espagne
Résumé: l’histoire des Droits de l’Homme est une histoire tardive. Ils n’apparurent
qu’avec le passage à la modernité qui les ayant rendus possibles grâce à l’influence de
l'École de Salamanque et le rationalisme philosophique du XVIIIe siècle. Certains des
évènements à l’origine de la reconnaissance furent: la découverte et la colonisation de
l’Amérique, son mouvement révolutionnaire et indépendantiste ainsi que les révolutions
bourgeoises du XVIIIe siècle. Avant ces évènements historiques, nous ne pouvons pas
parler d’histoire mais de préhistoire en ce qui concerne les Droits de l’Homme. Mais lorsque
ces derniers naissent en tant que droits individuels et cessent d’être que de simples
privilèges ou droits d’état, un des premiers pas pour leur efficience et leur protection
juridique est leur reconnaissance par l’État à travers diverses techniques législatives.
Mots clés: Droits de l’Homme; Histoire des Droits de l’Homme; Reconnaissance des
Droits de l’Homme par l’État.
INTRODUCTION
De nos jours, parler des Droits de l’Homme est un fait courant et l’allusion à ces
derniers est fréquente, mais cela n’a pas toujours été le cas dans l’histoire. Il n’est pas
rare de trouver des civilisations dans lesquelles la majorité des hommes ne sont pas
considérés comme des sujets de droits. Une des exigences pour que le sujet puisse
accéder à la condition de sujet du système juridique et bénéficier de sa protection est
de posséder un statut de citoyen libre, être de sexe masculin, ou d’appartenir à un
ordre supérieur (noblesse ou clergé), de telle sorte qu’une grande partie de la
population était ainsi exclue: les étrangers, les enfants, les esclaves, les serfs, etc.
Selon les dires du professeur espagnol Pérez Luño « les citoyens des sociétés
démocratiques actuelles sont nombreux à juger les Droits de l’Homme comme
étant quelque chose d’indéfectible et d’inhérent à leur expérience civique au même
titre que l’eau qu’ils boivent et que l’air qu’ils respirent ». Cependant, selon le
même auteur, « il est illusoire d’imaginer des droits au-delà de l’histoire ».
Divers courants de pensée commencèrent à poser et à justifier la nature
humaine comme base d’une dignité fondamentale de notre espèce. C’est sur ce
principe que se fondera la notion d’égalité et de liberté pour tous. Ces deux droits
seront l’avant-garde de l’ensemble des droits que constitueront les diverses
déclarations et textes juridiques.
6
Revista europeană de drept social
À titre démonstratif et purement didactique, nous pouvons différencier en
suivant une partie de la doctrine deux grandes étapes lors de la longue procédure de
reconnaissance des Droits de l’Homme: « la préhistoire » et « l’histoire » des
Droits de l’Homme.
1. LA « PRÉHISTOIRE » DES DROITS DE L’HOMME
Nous pouvons nommer « la préhistoire » des Droits de l’Homme l’étape qui
comprend toutes les époques durant lesquelles il n’existait pas de reconnaissance
expresse de droits propres à l’homme. Il est certain que certains courants
philosophiques parlèrent dès la Grèce antique de l’égalité des hommes et par
conséquent, tous furent considérés comme porteurs des mêmes facultés. Dans cette
lignée, par exemple, le stoïcisme défendait le cosmopolitisme en considérant tous
les citoyens d’un État universel et en défendant la fraternité entre tous les hommes.
Selon les paroles de Sénèque, l’homme est une chose sacrée pour l’homme (homo
res sacra homini). Le christianisme apporte également dans les premiers siècles de
notre ère, sa conception anthropologique et conçoit l’homme comme l’image de
Dieu et par conséquent, porteur d’une dignité qui est la même pour tout le genre
humain. À partir de cette conception, il défendra également la fraternité entre tous
les hommes. Néanmoins, ces postures ne sont pas majoritaires et ne sont pas
reconnues par le système juridique.
Au Moyen-Âge, les monarques européens commencent à reconnaître certains
privilèges aux habitants de territoires déterminés en remerciements des faveurs
reçues et des services fournis, c’est ainsi que sont nés certains codes et privilèges
royaux. C’est dans ce contexte qu’apparaissent des documents stipulant une première
reconnaissance juridique des facultés de l’homme. Nous pouvons citer entre autres en
tant que paradigme, le texte de la Grande Chartre de Jean sans Terre1 (1215) et en
Espagne, la Grande Chartre leonesa d’Alphonse IX de León2 (1188), etc.
Dans la première lettre citée, Jean sans Terre se voit obligé dans la pratique à
faire quelques concessions aux nobles qui s’étaient révélés. Il s’agit d’un certificat
délivré par le roi d’Angleterre à ses nobles, stipulant qu’il s’engage à respecter la
noblesse (ses privilèges et ses immunités) et à reconnaître leur droit à être jugées
par leurs semblables3. Ce document établit pour première fois que le pouvoir royal
peut être limité et que des mesures sont imposées pour que les réclamations contre
les abus du roi ou les seigneurs féodaux puissent être entendues. Au-delà d’une
reconnaissance et d’une déclaration de droits, les nobles parviennent à obtenir du
roi des privilèges d’état. Cependant, ce texte a pour vertu d’être le point de départ à
d’autres textes postérieurs (Petition of Rights et Habeas Corpus). C’est la première
1
2
3
http://www.geocities.com/eqhd/cartamagna.htm
http://www.paisleones-paislliones.com/Documentos.html
Clause 39.
7
Revue europénnee du droit social
fois que dans un texte juridique, le besoin impérieux d’un jugement avant
d’emprisonner ou de priver de ses bien un individu libre est établi.
Ladite Grande Chartre leonesa est un ensemble de lois octroyées par la Curie
de León convoquée par le roi Alphonse IX et à laquelle assistèrent les représentants
du peuple (bourgeois des différentes villes du Royaume de León) et la noblesse.
Lors de cette dernière, le roi s’est engagé à respecter des droits, ou plus proprement
dit, des privilèges fondamentaux, dans ce qui est considéré comme étant l’un des
premiers documents à les recueillir et à les énoncer comme suit: la promesse de ne
pas déclarer la guerre sans réunir les évêques, les nobles et les hommes bons du
royaume. Empêcher qu’un ou des individus entrent ou détruisent la maison ou la
propriété d’autrui ou n’y entrent de force. Interdire qu’un ou des individus ne
s’approprient de force les biens d’autrui. De même, certains principes de
fonctionnement de la justice et des tribunaux sont recueillis. Dans la même lignée,
il convient de considérer un autre texte espagnol, le Privilège Général octroyé par
Pierre III dans les Courts de Saragosse (1283), qui est passé à être considéré
comme la base légale des libertés de la Couronne d’Aragon4.
Nous nous trouvons encore dans une époque d’états et les conquêtes se
réfèrent à ces groupes ou classes, plus qu’à la généralité des hommes.
Cette exception faite et malgré le fait de ne pas avoir commencé la véritable
histoire des Droits de l’Homme, une partie de la doctrine structure l’apparition des
Droits de l’Homme en trois phases5: phase médiévale, phase moderne jusqu’au XXe
siècle et de ce siècle jusqu’à aujourd’hui. Cependant, nous rappelons qu’au MoyenÂge, comme le reconnaissent ces mêmes auteurs, les conditions qui nous indiquent
aujourd’hui l’existence des Droits de l’Homme n’existaient pas. Nous avons déjà
signalé antérieurement que nous nous trouvons dans une époque qui octroie des
privilèges mais qui reconnaît peu les droits, ce qui fait que nous nous trouvons dans
l’antichambre de la véritable naissance d’une conscience favorable à la proclamation
de l’homme comme porteur de facultés uniques et égales pour tous, alors que nous
sommes au début de l’histoire de ces droits, au sens stricte du terme.
2. «HISTOIRE» DES DROITS DE L’HOMME
La véritable « histoire » des Droits de l’Homme apparaît déjà dans les
courants philosophiques du rationalisme du XVIIIe siècle, lorsque l’on défend que
la nature rationnelle des hommes est celle qui leur octroie une dignité spéciale sur
laquelle se fondent des droits innés et que le pouvoir politique doit respecter,
reconnaître et protéger. C’est cette reconnaissance et cette protection qui dotera de
légitimité l’exercice du pouvoir.
4
5
PÉREZ LUÑO, A. E., Los Derechos Fundamentales, Madrid, Tecnos, 1984, p. 33 y 34.
Voir : PÉREZ MARCOS, R. M., « Los Derechos Humanos hasta la edad moderna », GÓMEZ
SÁNCHEZ, Y., Pasado, presente y futuro de los derechos humanos, México, Comisión Nacional
Derechos Humanos México-UNED, p. 31-32.
8
Revista europeană de drept social
Avant que les courants de pensée mentionnés n’eussent donné ce pas vers la
proclamation de droits innés, en Espagne et dans le cadre du mouvement comunero
du XVIe siècle, la Constitution d’Avila6 est rédigée (1520?). Elle tente de réduire le
pouvoir du monarque Charles 1er et d’établir un système que nous pourrions
nommer, de façon un tant soi peu risquée et prématurée, comme étant un système
fédéral. La dénomination, Constitution d’Avila, renvoie aux documents des
Chapitres d’Avila (ou également nommés Chapitres du Royaume ou Loi
perpétuelle) rédigés par les Comuneros à la Junte d’Avila et qui fut invoquée à
diverses occasions dans les débats d’élaboration de la Constitution nord-américaine
de 1787. Ces textes prétendent la création d’une fédération de citoyens libres face
au pouvoir absolu du roi. Ces deniers rappellent au roi le pacte qui le lie à ces
sujets, de telle façon que ces derniers délèguent le pouvoir au prince, mais celui-ci
pouvait être récupéré par les sujets si le monarque faisait un mauvais usage de ce
dernier. La théorie pactiste est amenée à ces dernières conséquences. C’est dans le
premier document que l’on commence à établir les bases de ce que nous pourrions
considérer comme un État démocratique. Il ne s’agit pas d’une déclaration de
droits, mais d’une ébauche de principes fondamentaux de fonctionnement d’une
société pré démocratique basée sur la souveraineté populaire, ce qui vise à préparer
un terrain propice pour la reconnaissance et la protection des droits des individus.
En même temps et à cette époque (XVIe et XVIIe siècle), dans certains territoires
d’Europe et d’Amérique, les citoyens avaient obtenu la reconnaissance de certaines
libertés: une liberté religieuse (Édit de Nantes7, Acte de tolérance du Maryland,
Lettre de Rhode Island, etc.) et certains droits civils et politiques (La Petition of
Rights8, La loi Habeas Corpus9, la Bill of Rights10) sont reconnus. Or, ces textes ne
font pas référence à des Droits de l’Homme mais à ceux du citoyen d’un pays, ou
de la noblesse, ou des nobles d’un royaume déterminé. Il s’agit des droits d’état ou
des sujets d’un royaume, non des individus.
C’est avec rationalisme que l’on affirme que l’homme est porteur de droits
inviolables. Par sa nature, l’homme est doté de facultés qui ne doivent pas être
diminuées par le pouvoir politique. La nature rationnelle lui confère une dignité
dont ne possède pas les autres êtres. Dans son état naturel (status naturalis)
l’homme jouit de droits qui ne se perdent pas dans l’état civil (status civilis), mais
que l’autorité publique est obligée de respecter et d’articuler les instruments
nécessaires pour les protéger et les rendre effectifs.
Certains auteurs défendent qu’avant les textes anglais et avec le même courant
rationaliste, les professeurs de l’Université de Salamanque élaborent une
conscience, philosophique, théologique et juridique de la liberté qui s’exprime dans
plusieurs textes qui défendent l’égalité des droits avec les découvreurs espagnols
6
http://breviariocastellano.blogspot.com/2006/11/la-constitucin-de-vila-1-jos-belmonte.html
http://es.wikipedia.org/wiki/Edicto_de_Nantes
8
http://www.educarchile.cl/Userfiles/P0001/File/peticion%20de%20derechos.pdf
9
http://www.cervantesvirtual.com/servlet/SirveObras/hist/91304953110572617422202/p0000001.htm#I_0_
10
http://www.cervantesvirtual.com/servlet/SirveObras/01470622099193640932268/p0000001.htm#I_1_
7
9
Revue europénnee du droit social
des habitants des terres découvertes en Amérique11. Un débat théorique et pratique
s’ouvrit sur l’humanité, la dignité et la liberté des indiens. Ces auteurs défendent
l’existence de droits pour tous les hommes. Parmi eux, notons Francisco de Vitoria
dans son ouvrage Relectiones Theologicae, spécialement la Relectio de indis prior
et la Relectio de iure belli. Soulignons également le travail infatigable de
Bartolomé de las Casas. Ce dernier défendra l’existence naturelle de divers droits:
•
Légalité naturelle de tous les hommes, en affirmant que « tous les hommes
sont de nature égale »12.
•
La liberté d’origine: « pourquoi depuis l’origine de la nature rationnelle
tous les hommes naissaient libres. Puisque tous les hommes sont de nature
égale, Dieu ne créa pas un homme serviteur, mais il a accordé à tous une
liberté identique »13.
•
Négation de l’esclavage: il défend le fait que l’esclavage est né de cause
accidentelles et pas naturelles, qu’il est imposé14.
•
Droit à la propriété: pour certains auteurs, Bartolomé de las Casas défend la
propriété en soutenant que toutes ces choses, en principe, étaient communes
à tous les êtres et que les hommes pouvaient s’approprier ces dernières. Ce
droit apparaît comme une conséquence logique du droit à la liberté15.
•
Tolérance et liberté religieuse: il se révèle contre l’idée d’imposer par la
force l’évangile aux indiens. L’unique forme d’enseigner la religion est
par la persuasion par le biais de raisons16.
•
Pacifisme: il condamne tous les types de guerres, en les considérant
comme un homicide et un larcin17.
• Libertés politiques: il considère qu’à l’origine, tout peuple est libre et que l’on
ne peut pas lui imposer par la force aucune règle. Il n’y a pas de plus grande
charge qu’un gouvernant qui n’a pas été choisi par le peuple. Pour cet auteur,
la souveraineté vient du peuple qui est celui qui l’octroie aux gouvernants sans
renoncer à cette dernière. La doctrine reconnaît et De las Casas défend dans
son ouvrage De Regia Potestate l’idée comme quoi le peuple fut antérieur aux
rois et qu’à travers le consensus il délègue aux souverains. La privation de la
liberté originale doit également être évitée. Pour aller encore plus loin, il va
même jusqu’à employer l’expression « per liberam electionem »18.
• Droit de résistance: il reconnaît le droit des sujets à s’opposer et à protester
contre le gouvernant lorsque celui-ci agit à l’encontre du bien commun19.
11
Voir l’excellent et original travail de MARTÍNEZ MORÁN, N., « Aportaciones de la Escuela de
Salamanca al reconocimiento de los derechos humanos », Cuadernos Salmantinos de Filosofía,
XXX, 2003, p. 491-520.
12
Nº 1 de la question primaire de son traité De Regia Potestate.
13
Ibidem. Cité par MARTÍNEZ MORÁN, N., op. cit., p. 502.
14
Ibidem, p. 502.
15
Ibidem, p. 503.
16
Ibidem, p. 504.
17
Ibidem, p. 504.
18
Ibidem, p. 505-506.
19
Ibidem, p. 506-508.
10
Revista europeană de drept social
Nous devons être conscients que cette distribution de droits se déduit après
lecture de l’ouvrage de cet auteur en prenant une certaine distance dans le temps, à
partir d’une « culture » des Droits de l’Homme et d’une époque ou la structure de
certains droits subjectifs de l’homme est déjà entièrement élaborée et assimilée.
Cette critique est certaine, mais on peut également affirmer que Las Casas est
un des auteurs de cette École que a le plus été lié à la réflexion et à la défense des
Droits de l’Homme, si bien que l’idée de ces droits en tant que droits subjectifs est
totalement étrangère à cet auteur 20; Cette vision est encore impensable. Cependant;
pour le professeur Pérez Luño son ouvrage a contribué « au développement de
l’iusnaturalisme rationaliste et humaniste de signe démocratique qui a rendu
possible la genèse des Droits de l’Homme Moderne et de l’État de Droit »21.
Si bien que, comme nous l’avons vu précédemment, nous ne pouvions pas
parler de Droits de l’Homme en tant que concept historique antérieurement au
passage à la modernité qui conduit aux révolutions du XVIIIe siècle, Bartolomé de
Las Casas a eu une importance capitale dans le passage des droits fondamentaux
aux Droits de l’Homme22. Ce déplacement a eu lieu selon le professeur Pérez Luño,
sur trois plans23:
• Sur le plan de définition des fondements: on abandonne la justification
consuétudinaire et historique et l’on renforce la légitimation iusnaturaliste
rationaliste.
• Sur le plan de titularisation: les libertés arrêtent d’être liées aux états des
personnes et elles sont présentées en tant que droits de tous les hommes de
par sa nature.
• Sur le plan de la nature juridique: les droits ne se formulent pas comme
des pactes de Droit privé mais comme des instruments fondamentaux de
Droit public.
En conclusion, Las Casas lutte, de par son ouvrage et sa vie, pour la
reconnaissance et la protection de droits et pour qu’ils soient déclarés communs à
tous les hommes.
Pour sa part, Francisco de Vitoria, dans son oeuvre citée précédemment,
énonce de façon particulière certains droits24:
• Droit à l’égalité: aucun homme est supérieur à un autre par droit naturel.
Tous naissent égaux.
• Droit à la liberté: l’homme fut créé en liberté et ainsi il doit rester.
• Droits civils et politiques: l’être humain est social par nature et c’est dans
la société civile qu’il se développe le mieux en tant que tel, ce qui nous
20
Cette thèse est défendue par un grand nombre d’auteurs comme cela peut se voir dans la relation des
affirmations recueillies par PÉREZ LUÑO dans les « Los clásicos iusnaturalistas españoles » PECESBARBA MARTÍNEZ, G., et FERNÁNDEZ GARCÍA, E. (dir.), Historia de los Derechos Fundamentales
(tomo I: tránsito a la modernidad siglos XVI y XVII) Madrid, Dykinson, 1998, p.552-555.
21
Ibidem, p. 555.
22
Ibidem, p. 558.
23
Ibidem, p. 558-559.
24
MARTÍNEZ MORÁN, N., cit., p. 508-512.
11
Revue europénnee du droit social
conduit à reconnaître que tout homme à droit à la citoyenneté et au
domicile dans une ville ou un pays. D’autre part, le pouvoir provient
toujours de Dieu et c’est Dieu lui-même qui l’accord au peuple, qui, à son
tour, le cède au roi pour qu’il le gère au bénéfice de la communauté. Ainsi,
les gouvernants sont également soumis aux lois et si ces dernières viennent
à être injustes, elles doivent être désobéies.
• Droit à la liberté religieuse: personne ne peut être contraint de recevoir la
foi catholique. Tous ont le droit de garder leur propre religion.
• Droit de paix: seule la guerre juste est admise, en comprenant par là celle
qui se fait contre une injure grave. Avant d’entamer une guerre, il établit
trois règles d’or: avant la guerre, il faut chercher la paix par tous les
moyens; pendant la guerre, il faut seulement chercher la justice et après la
guerre, il existe l’obligation d’être modéré dans l’usage du triomphe et
seulement pour se dédommager de l’injustice qui l’a motivée. Il pose
tellement d’obstacles à la guerre pour qu’elle soit considérée comme juste
que, dans la pratique et selon l’opinion de la doctrine, plus qu’un droit à la
guerre, il défend un droit à la paix.
• Droit des indiens à l’émancipation et à l’autodétermination: les habitants
du nouveau continent découvert (Amérique) sont également des êtres
humains et ont les mêmes droits que le reste des hommes. Ils sont maîtres
de toutes leurs choses et de leurs terres.
• Droit de la communauté internationale: tout le genre humain, dans ses
origines, a eu le droit de choisir un gouvernant unique avant la division des
peuples: ce droit est un droit naturel, par conséquent il peut s’exercer à
tout moment et constituer une république universelle ayant la capacité de
donner des lois justes (droit des gens).
Vitoria revendique un universalisme de tout le genre humain. L’idée centrale
défendue par cet auteur est celle d’une communauté universelle de tous les
hommes et de tous les peuples. Cette communauté doit être régie par un droit
mondial fondé sur le Droit Naturel. Les postulats qui posent les bases de cette
communauté universelle sont l’unité de l’espèce humaine ainsi que l’égalité et la
liberté des hommes. De là, on peut déduire son influence à l’heure d’attribuer des
droits à l’homme qui lui correspondent de par sa propre essence.
Selon les paroles du professeur Pérez Luño, ces auteurs « en défendant les
droits personnels des habitants des nouveaux territoires découverts et colonisés par
la Couronne d’Espagne, ont posé les bases doctrinales de la reconnaissance de la
liberté et de la dignité de tous les hommes »25. Les représentants de la pensée
iusnaturaliste espagnole de cette école ont développé un climat intellectuel propice
à la Déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen26. Le professeur
cité considère qu’un membre illustre de l’École de Salamanque, Vázquez de
25
26
PÉREZ LUÑO, A. E., Los Derechos…, op. cit., p.31.
PÉREZ LUÑO, A. E., “Los clásicos iusnaturalistas…”, cit., p. 555-556.
12
Revista europeană de drept social
Menchaca, a répandu le terme iura naturalia pour se référer aux droits naturels
que possèdent les individus sur la base du Droit Naturel.
En conséquence, ce courant de la doctrine considère que l’iusnaturalisme de
l’École de Salamanque a une influence sur le rationalisme de Grocio et est en
avance sur l’élan iusnaturaliste européen pour la construction et l’évolution des
droits naturels27.
Le résultat des réflexions de cette école s’exprime par l’influence de ses écrits
et par les débats qu’ils ont été soulevés lors de la rédaction de certains textes. Parmi
ces écrits, nous pouvons souligner: les Lois de Burgos (1512), le Certificat de
Fernand le Catholique (1514), le Décret de Charles 1er sur l’esclavage des
Indiens (1526), les Lois Nouvelles (1542), etc.
Ces idées sont recueillies par les nouveaux États ayant fait leur apparition lors
du processus de décolonisateur et indépendantiste du XVIIIe siècle et pour les États
influencés par le courant de pensée du nouveau régime instauré par la Révolution
française. C’est ainsi que commence, dans l’histoire des Droits de l’Homme, la
phase de reconnaissance de l’État de ces droits.
3. LES PREMIERS PAS DE LA RECONNAISSANCE
DES DROITS PAR LES ÉTATS28
Les premiers pas ont été donnés de l’autre côté de l’Atlantique. Ce sont les
colonies anglaises d’Amérique qui ont lancé cette phase avec un document
pragmatique: La Déclaration de Droits du Bon Peuple de Virginia (12-06-1776)29.
Cette déclaration par de la reconnaissance initiale que « tous les hommes sont par
nature également libres et indépendants et possèdent certains droits innés »30 et
immédiatement après, il est déclaré que le pouvoir réside de façon inhérente au sein
du peuple et que c’est ce dernier qui à travers un système démocratique le cède à ses
mandataires31. Après ces premiers pas, sont établies les bases de l’instauration d’une
démocratie, comme forme de gouvernement, où règne la division des pouvoirs32.
Tout de suite après et dans les mêmes colonies anglaises d’outre-mer, un mois
plus tard, la déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique est proclamée
27
PÉREZ LUÑO, A.E., Los Derechos…, op. cit., p.31
Cette section a supposée l’apport personnel de l’auteur au matériel collectif pour le module numéro
trois (Histoire des Droits de l’hmme) dans le cadre du cours de Spécialiste en Éducation pour la
Citoyenneté et les Droits de l’Homme offert par l’UNED en association avec l’Université Carlos III de
Madrid et l’Université Oberta de Catalogne (UOC) depuis mars 2009.
29
http://www.unirioja.es/dptos/dd/constitucional/constitucional/DCI/PDFs/DECLARACION%20DE%
20DERECHOS%20DEL%20BUEN%20PUEBLO%20DE%20VIRGINIA.pdf
30
Art. 3 et ss.
31
Art. 2.
32
Art. 3 y ss.
28
13
Revue europénnee du droit social
(4-07-1776)33. Le début de cette déclaration contient des références sur l’égalité de
tous les hommes et aux droits inaliénables qu’ils possèdent. Il est ainsi déclaré que34:
«Nous soutiendrons que ces vérités sont évidentes en soi: que tous les hommes
sont égaux. Qu’ils ont reçu par le Créateur certains droits inaliénables, Que parmi
ces derniers se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Que pour
garantir ses droits, s’instituent parmi les hommes des gouvernements qui dérivent
leurs pouvoirs légitimes du consentement des gouvernants . Que si un
gouvernement s’avère être destructeur de ces principes, le peuple aura le droit de le
réformer ou de l’abolir et d’instituer un nouveau gouvernement qui se fonde sur
lesdits principes; et d’organiser ses pouvoirs de la manière qui à son jugement
offrira les plus grandes probabilités d’atteindre sa sécurité et son bonheur ».
Nous confirmons que ces États émergents avancent dans leur histoire en
reconnaissant formellement ces facultés humaines qui sont considérées comme des
droits naturels.
Cette pratique travers l’Atlantique et s’installe l’esprit rénovateur qui amène
avec lui la Révolution Française. L’État français né d’un nouveau régime proclame
la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (26-08-1789)35. Cette
déclaration constitua un des documents fondamentaux élaborés et approuvés par
l’Assemblée nationale constituante qui fut convoquée pendant la Révolution
Française. Il s’agit d’une déclaration solennelle formulée par les représentants du
peuple, comme il apparaît dans la déclaration, des droits naturels et inaliénables de
l’Homme. Son premier article reconnaît que « les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droit » et que « les distinctions sociales ne peuvent être fondées
que sur l’utilité commune »36. Aussitôt il est déclaré que:
« La finalité de toute association politique est la conservation des droits
naturels est indispensable à l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la
sécurité et la résistance à l’oppression »37.
Une fois ce principe établi de forme immédiate, le principe de la souveraineté
du peuple est proclamé:
«Le principe de toute souveraineté réside essentiellement en la Nation. Aucun
corps, aucun individu, ne peut exercer une autorité n’émanant pas expressément de
cette dernière»38.
Une fois présentée l’expérience qui eut lieu de l’autre côté de l’Atlantique et
l’expérience française, nous pouvons déduire qu’il existe deux modèles de
reconnaissance des droits: l’américain et le français. Cependant, si on inclut les
textes anglais cités dans l’épigraphe antérieure, qui n’appartiennent pas à
33
http://es.wikisource.org/wiki/Declaraci%C3%B3n_de_Independencia_de_los_Estados_Unidos_de_
Am%C3%A9rica
Début de la Déclaration d’Indépendance des États-Unis d’Amérique.
35
http://www.fmmeducacion.com.ar/Historia/Documentoshist/1789derechos.htm
36
Art. 1.
37
Art. 2.
38
Art. 3.
34
14
Revista europeană de drept social
proprement parlé à « l’histoire » de ces droits mais que nous incluons en suivant
une partie de la doctrine et pour être les précurseurs sur beaucoup d’aspects, nous
avons un troisième modèle: l’anglais. Chacun d’eux apporte une note distinctive39.
Nous allons les traiter chronologiquement.
Le modèle britannique apporte un système de protection efficace des libertés
civiles, basé sur des normes consuétudinaires du Common Law. Les droits
reconnus sont de caractère national, uniquement s’ils sont reconnus par rapport aux
droits nationaux et sont des textes normatifs pouvant être invoqués devant les
tribunaux et ayant une grande permanence historique.
Le modèle américain contribue à la création d’un système de contrôle
juridictionnel de la constitutionnalité des lois. Il dépasse le rationalisme antérieur et
les droits se proclament de tout homme, pas seulement des nationaux. Ce modèle
convertit les droits en « facultés universelles, absolues, inviolables et
indispensables, issues de la nature »40.
Le modèle français apporte le développement doctrinal des droits subjectifs
des citoyens, en les considérant inhérents à la nature humaine et à ceux à qui doit
se sommettre le droit positif. On distingue l’homme, en tant qu’individu humain, du
citoyen, en tant que membre d’une communauté politique. Ainsi deux types de
droits seront reconnus: ceux de l’homme dans le cadre de l’exercice d’une vie
individuelle face au pouvoir de l’État et ceux du citoyen dans le cadre des facultés
de participation dans le gouvernement de la société.
À ces trois modèles, on peut ajouter le modèle espagnol de l’École de
Salamanque, cité, comme l’anglais, dans la section antérieure comme appartenant à
la préhistoire de ces droits. Néanmoins, le modèle espagnol, plus qu’un modèle de
reconnaissance, est un modèle de revendication et de déclaration de droits qui, en
principe, ne contient pas d’instruments juridiques. Il s’agit de réflexions
philosophiques et théoriques sur l’homme, sa nature et les facultés qui doivent lui
être reconnues. Il s’agit de réflexions pragmatiques qui furent en avance sur leur
temps en défendant les droits personnels des indigènes des nouvelles terres
découvertes. Il est également vrai que ce modèle fut fondé sur plusieurs textes
légaux cités précédemment, c’est pourquoi il peut être considéré comme un
quatrième modèle.
Une note commune à toutes les déclarations du XVIIe et du XVIIIe siècle se révèle
dans la grande influence qu’eurent sur elles les transformations sociales et économiques
de la bourgeoisie. C’est pendant la grande révolution que s’est développée une
bourgeoisie qui a lancé une conscience revendicatrice des Droits de l’Homme.
En suivant ce courant, ce sera également en France où s’effectuera, quelques
années plus tard, un pas significatif dans la reconnaissance de ces droits par les
États: sa constitutionnalisation. Dans la constitution française de 1791, la
39
Sur cette classification, voir l’intéressant travail de la professeure Consuelo Maqueda, « Los
Derechos Humanos en los orígenes del Estado Constitucional », en GÓMEZ SÁNCHEZ, Y., Pasado,
presente y futuro…, op. cit., p. 200-201
40
PÉREZ LUÑO, A. E., Los Derechos…, cit., p.35-36.
15
Revue europénnee du droit social
déclaration mentionnée est adoptée comme préambule. Pour de nombreux auteurs,
c’est à partir de ce fait historique que commence réellement la positivation des
Droits de l’Homme. Le premier titre affirme que la Constitution garantit les droits
naturels et civils, puis ces droits sont déclarés. a- En premier lieu, Il est déclaré que
les droits apparaissant comme des manifestations d’égalité (égalité d’accès à
l’emploi, de répartition des charges face à la loi). b- En second lieu, certaines
expressions de la liberté sont reconnues (liberté de mouvement, de communication
et de pensée, de réunion et de demande aux autorités). c- En troisième lieu,
l’inviolabilité de la propriété est reconnue. d- En quatrième lieu, l’élection des
ministres du culte. f- En sixième lieu l’éducation publique.
Certains auteurs considèrent que c’est à cette époque et avec ce texte que le
futur des Droits de l’Homme s’est joué. Avec ce dernier, s’est initié un processus
caractérisé, en premier lieu, par une tension entre l’individu et l’État et, en
second lieu, par une lutte pour parvenir à un État qui respecte la dignité de
l’homme et ses droits. L’être humain en tant qu’individu a pris conscience de sa
situation face au pouvoir politique et arbore ses revendications face à l’État, en
mettant tout en oeuvre pour que ce dernier le respecte et instaure les mécanismes
et les instruments adéquats pour considérer que ces droits sont efficaces et
peuvent être mis en pratique.
À partir de ce moment et tout au long du XXe siècle inclure la reconnaissance
des droits dans les textes constitutionnels deviendra une pratique courante. Les
constitutions de divers États contiendront un élan de droits reconnus, dont
l’exercice et la protection se développeront dans la législation ordinaire.
1.
Modes de reconnaissance des droits par l’État.
À l’heure de reconnaître et de protéger les Droits de l’Homme, les États ont utilisé
divers mécanismes: déclarations, cartes des droits, reconnaissance à travers leur loi
constitutionnelle, etc. Cela a commencé par les grandes déclarations de Droits, puis,
ensuite cela à conduit à leur positivation dans des textes normatifs des droits.
Ainsi, dans cette section, nous allons différencier les niveaux de reconnaissance,
les phases de la reconnaissance et climats d’accentuation de certains droits.
Niveaux
En suivant les diverses techniques de reconnaissance de l’État et en essayant
de les systématiser, quelques auteurs différencient plusieurs niveaux et modes de
reconnaissance.
Depuis l’expérience française et de façon spéciale, tout au long du XXe
siècle, la pratique la plus courante a été la déclaration constitutionnelle de ces
derniers. Il s’agit là du premier niveau de reconnaissance et de protection des
droits: le niveau constitutionnel. À travers lui, les États intègrent les droits à leur
texte constitutionnel, dans certains cas sous la forme de déclarations
introductives et dans d’autres cas au sein de l’article de sa norme fondamentale
16
Revista europeană de drept social
(comme nous le verrons par la suite). Ce niveau a supposé une manière de
convertir les Droits de l’Homme en principes qui orientent tout le système
juridico-politique d’un pays.
Cependant, les États ont perfectionné cette technique initiale avec d’autres
procédés et mécanismes de reconnaissance des droits. Ainsi, la voie vers le
second niveau fut établie par la législation ordinaire. Pour ce système, les droits
déclarés de façon générique par la norme suprême se développent et protègent de
manière plus concrète et directe par le biais de normes issues du pouvoir
législatif. Des lois qui développent certains droits constitutionnels et qui facilitent
leur application immédiate sont promulguées. Cela est le résultat de la structure
pyramidale du système normatif: au sommet de la pyramide se trouve la
Constitution qui est développée et se concrétise au niveau du deuxième échelon,
la législation ordinaire.
Mais, comme il est coutume en matière de pratique juridique, le pouvoir
exécutif (niveau exécutif) se voit parfois dans l’obligation d’intervenir pour
délimiter et réguler l’exercice de certains droits à travers des décrets, des normes
réglementaires, des ordres ministériels, etc., ayant également pour fonction de
réguler et protéger certains droits.
Enfin, le pouvoir judiciaire (niveau judiciaire) est reconnu dans la plupart des cas
pour sa faculté à interpréter la portée et le contenu des droits fondamentaux concernant
les aspects sur lesquels les textes légaux s’avèrent être peu précis ou incomplets.
Sur ce qui a été évoqué précédemment, nous pouvons conclure qu’il existe
quatre niveaux de reconnaissance et de protection des droits de la part de l’État: le
niveau constitutionnel, le niveau de la législation ordinaire, le niveau exécutif et le
niveau judiciaire41.
Dans le cadre du premier niveau, le constitutionnel, la positivation et la
reconnaissance des Droits de l’Homme par l’État, selon l’opinion de certains auteurs,
peuvent être mené à bien par le biais de deux systèmes: via des clauses générales ou
l’énoncé de grands principes (liberté, dignité, égalité, …) et via des normes
spécifiques qui développent ou proclament des droits concrets. Entre les deux, il
existe une voie intermédiaire (système mixte), rendue possible par certains textes
constitutionnels qui, après avoir recueilli des grands principes dans le préambule,
développent un élan de droits au sein de ses articles (principes et normes).
Si nous prenons un exemple concret, nous pouvons affirmer qu’en
Espagne, le système mixte fut imposé en combinant les principes généraux et
les normes spécifiques. Ainsi, notre texte constitutionnel emploie cinq
instruments de positivation, deux s’insérant dans le cadre des principes et trois
dans celui des normes42:
41
Sur les différents niveaux de positivation des Droits de l’Homme, voir : PÉREZ LUÑO, A.E., Derechos
Humanos, Estado de Derecho y Constitución, Madrid, Tecnos, 2003, octava edición, p. 65-108.
42
Ibidem, p. 66-71.
17
Revue europénnee du droit social
Dans les principes, nous trouvons43:
a- Les valeurs et les principes constitutionnels du programme. Il s’agit de
valeurs et de principes considérés fondamentaux. Ils sont recueillis dans le
préambule de la Constitution et dans l’article 1.1 et sont: la justice, la liberté, la
sécurité, le bien commun, la protection des Droits de l’Homme, la promotion de la
culture, la promotion de l’économie, la qualité de vie et le pluralisme politique.
b- Les principes constitutionnels pour l’intervention des pouvoirs publics.
Cela englobe tous les principes dont la finalité et d’orienter les pouvoirs publics
et de délimiter le cadre d’exercice de tous les droits fondamentaux. Cette section
inclut l’article 9,2 (la promotion pour les pouvoirs publics des conditions qui
facilitent la liberté et l’égalité, ainsi que l’élimination des obstacles qui
empêchent leur plénitude et facilitent la participation de tous les citoyens).
L’article 10 (la dignité de la personne est la base de l’ordre politique et de la paix
sociale. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les traités et les
accords internationaux qui seront les critères d’interprétation des droits reconnus
dans la Constitution). Les articles 39 à 52 (principes directeurs de la politique
sociale et économique).
Dans le cadre des normes spécifiques, il existe trois mécanismes de positivation:
• Les normes ou les clauses générales à développer par le biais des lois
organiques. La Constitution espagnole recueille expressément de nombreux
droits (pas de principes ni valeurs) et les renvoie à la législation suivante afin
de les développer et de délimiter leur contenu. (l’Habeas Corpus, la limitation
de l’utilisation de l’informatique, l’exemption de l’obligation de déclarer sur
des faits présumés délictueux, les droits de grève, de droits de pétition, le
régime marital, le statut des travailleurs, les collèges professionnels, les
conventions et les conflits du travail, etc.).
• Les normes spécifiques ou casuistiques. Notre texte constitutionnel
recueille également de façon explicite des droits sans les rapporter à une
réglementation postérieure qui développe ces derniers. De là, on déduit
que sa portée et son contenu se trouvent au sein même de la constitution
et seront d’application directe face au tribunal constitutionnel par le biais
du recours d’amparo (art. 53,1 et 2) ou d’application indirecte face à ce
même tribunal par le biais du recours institutionnel. Dans le cadre de
l’application directe se trouvent: l’égalité face à la loi et la nondiscrimination (art. 14). Le droit à la vie et à l’intégrité physique et
morale (art. 15). La liberté religieuse, idéologique et de culte (art. 16). La
liberté et la sécurité (art. 17). Le droit à l’honneur, à l’intimité
personnelle et familiale et à l’image (art. 18). Le droit à la libre élection
de résidence et de circulation (art. 19). La liberté d’expression, la liberté
43
Cela a déjà été traité par l’auteur dans « Principios, normas y valores (II): El papel de la jurisdicción
constitucional. La aplicación normativa directa de la Constitución », en DE CASTRO CID, B., et
MARTÍNEZ MORÁN, N., 18 lecciones de Filosofía del Derecho, Madrid, Universitas, 2008, p. 109-110.
18
Revista europeană de drept social
de recherche, la liberté d’enseigner (art. 20). Le droit de réunion et
d’association (art. 21 et 22) Le droit de participer aux affaires publiques
(art. 23), etc. Dans le cadre de l’application indirecte figurent: les droits
de propriété et d’héritage (art. 33). La liberté d’entreprise (art. 38), etc.
• Les normes de tutelle. En complétant les instruments et les mécanismes
antérieurs pour reconnaître les Droits de l’Homme, notre Constitution
introduit des normes de protection de ces derniers telles que: la possibilité
de faire appel à des tribunaux ordinaires en procédures de préférence et
sommaire et au tribunal constitutionnel pour un recours d’amparo (art. 53).
L’existence de l’institution du Défenseur du Peuple (art. 54). Le recours
d’inconstitutionnalité (art. 161), etc.
En laissant de côté le cas espagnol qui nous a servi d’exemple ponctuel et
après analyse des différentes techniques qu’ont suivies les États pour reconnaître y
protéger les droits, nous pouvons conclure qu’il a existé différentes phases tout au
long de l’histoire dans la reconnaissance des Droits de l’Homme.
Phases
Au sein même de la phase de reconnaissance des Droits de l’Homme par
l’État, nous pouvons différencier différents échelons à titre de sous phases. La
première est la phase des déclarations solennelles. Il s’agit de documents très
formels qui proclament des droits individuels mais qui possèdent uniquement une
valeur formelle sans application pratique et effective. En second lieu naît l’étape de
la constitutionnalisation des droits et; dans le cadre de la reconnaissance
constitutionnelle, il existe deux techniques: recueillir les droits dans le préambule
des constitutions ou dans leurs articles ce qui leur confère une plus grande valeur
juridique. La troisième phase, qui est celle dans laquelle nous nous trouvons, utilise
tous les mécanismes juridiques (constitutionnalisation, réglementation émanant du
pouvoir législatif, normes dictées par le pouvoir exécutif, tutelle judiciaire) pour
rendre effectif les droits.
Climats d’accentuation
Dans la phase que nous sommes en train de traiter, concernant la
reconnaissance des Droits de l’Homme par l’État, il a eu différentes époques
historiques. Tout d’abord il y a eu un climat qui a favorisé tous les droits
individuels. Ce qui primait, c’était l’individu et sa protection. Puis, la deuxième
époque a consisté en une attaque virulente de tous ces doits, sous la prémisse que le
plus important était le Droit organisationnel de toute la structure sociale et non les
droits des individus. Cette attaque se produit à la fin du XIXe siècle et perdure
jusqu’à la fin du XXe siècle. Ce climat a conduit à affirmer que le Droit objectif
primé sur le Droit subjectif.
19
Revue europénnee du droit social
Les derniers temps ont amené à reconsidérer le fait que le noyau central de
tout ordre juridique est construit pour les droits et libertés des personnes. C’est à
partir de là que certains auteurs parlent du passage de l’État de Droit à l’État de
droits, en considérant que la pierre angulaire de l’édifice de cet État est la
reconnaissance des droits de la personne. Nous sommes dans le troisième moment.
Cette renaissance des droits suppose un retour aux thèses du rationalisme de
l’illustration que nous pouvons résumer par les trois éléments suivants: a- les droits
individuels sont considérées comme étant antérieurs à l’État et leur validité ne
dépend pas de la reconnaissance de l’État. b- Les droits de participation politique
des citoyens sont la base de la légitimité politique. c- La tutelle des droits exige
l’existence d’instruments juridiques la rendant possible.
Néanmoins, tout ce processus de reconnaissance des Droits de l’Homme par
l’État peut être caractérisé par des notes communes que nous allons analyser dans
la section suivante.
2. Caractéristiques de la première phase de la reconnaissance
des Droits de l’Homme
Nous pouvons constater, avec certains auteurs, que lorsque les États
commencent à recueillir ces droits dans leurs ordres internes, les notes suivantes
propres à ce processus seront données:
- En principe, les déclarations de droits sont très solennelles et recherchées.
Ce sont des déclarations « sentencieuses » et littéraires. Elles recueillent les grands
principes et contiennent des affirmations dogmatiques. Avec le temps et en
concordant avec la positivation des droits, le langage sera simplifié et plus
technique, le rendant plus juridique et à travers lui, les Droits de l’Homme seront
recueillis et régulés.
- Les droits sont proclamés en tant que principes de base de la trame sociale.
Ces droits sont déclarés être les guides qui orienteront la construction d’une
société. Le début des textes pose l’existence d’une organisation sociale à l’origine
de la reconnaissance de l’élan de droits et de principes. La reconnaissance
constitutionnelle des droits propose une nouvelle approche des principes
organisationnels de la société, des fonctions de l’État et de l’exercice du pouvoir
politique. Les droits acquièrent une importance fondamentale au sein de l’ordre
juridique de chaque organisation de l’État. Toute la structure de l’État se construira
sur les fondements de la reconnaissance des droits de la personne.
- En étant reconnus par l’État, les droits auront une portée strictement
interne à l’État qui les reconnaît. Chaque État s’engage à protéger et à soutenir ses
citoyens, même s’il arrive un moment où la reconnaissance des droits est
universelle et se proclame à tout homme. Tout cela résulte du fait que chaque
communauté politique possède une juridiction uniquement sur son propre territoire
et sur ses citoyens, bien que peu à peu, la protection s’étendra à n’importe quel
individu se trouvant sur son espace territorial.
20
Revista europeană de drept social
- Les droits reconnus par les États passent par deux époques: ils sont
premièrement considérés comme des facultés naturelles à caractère présocial, abstrait
et absolu. L’homme, antérieurement à sa vie en société, est porteur de facultés qui lui
correspondent de par sa nature, dont personne ne peut le priver et l’État est obligé de
les respecter. Dans la deuxième époque, ces droits seront considérés propres aux
citoyens que l’État reconnaît et protège. Dans cette étape suivante, les facultés sont
déjà acceptées en tant que facultés sociales, elle sont détenues car accordées et
reconnues par l’organisation politique à travers son système.
- Le bloc de droits reconnus passe par trois phases. Premièrement, sont
reconnus les droits d’autonomie individuelles face à l’État. Deuxièmement, sont
reconnus les droits de participation active des citoyens dans la politique de l’État.
Troisièmement, seront recueillis les droits économiques, sociaux et culturels. C’est
l’existence de ces phases qui a permis à de nombreux auteurs de se référer aux
générations des Droits de l’Homme, en parlant de la première, seconde, troisième
et quatrième génération.
- Les droits reconnus ont une triple fonction: garantir l’autonomie
individuelle en tant que citoyens. On commence à parler des droits de l’homme
pour restreindre et même éliminer les lignes arbitraires des principes et du pouvoir,
en se basant sur la capacité autonome et libre de chaque individu. Avec le temps,
l’exercice du pouvoir sera légitime que s’il reconnaît, respecte, protège et garantit
l’exercice de ces droits. De nos jours, le degré de légitimation d’un pouvoir est
donné par les instruments juridiques dans lesquels les Droits de l’Homme sont
développés et protégés.
Voilà les différentes notes qui accompagnent la reconnaissance des Droits de
l’Homme par l’État.
Nous pouvons conclure ce travail en affirmant et en réitérant que cette phase et
le fruit d’une forte tension entre les individus et l’État, qui conduit à une nécessité
de créer un modèle qui respecte la dignité humaine et les droits qui dérive de cette
dernière. Cela s’est traduit par un pas très important à l’heure de voir les facultés
humaine garanties et protégées au sein de l’organisation sociale; face au pouvoir et
face au reste des individus de la société.
Tout au long de ce processus, il est impossible de passer outre certains
évènements qui ont stimulé et défié diverses sociétés au nom du commencement de
la reconnaissance: certains textes médiévaux des royaumes de Castille et León, la
pensée et l’oeuvre de l’École Espagnole de Salamanque, les textes juridiques anglais,
les textes du mouvement indépendantiste d’Amérique, la Révolution Française, etc.
Ces évènements ont forcé divers ordres juridiques à recueillir dans leur
réglementation la reconnaissance de facultés inhérentes à la nature des hommes.
Lorsque les États empruntèrent cet important chemin vers la
reconnaissance dans leurs ordres des droits des individus, ils posèrent la
première pierre de l’édifice des Droits fondamentaux de l’Homme. Cela facilita
le fait que les phases postérieures emboîtèrent le pas à un environnement de
communautés politiques de droit et ce fut les organismes internationaux qui
21
Revue europénnee du droit social
procédèrent à la déclaration, à la reconnaissance et à la protection des droits
mentionnés. Cela facilita également le fait que la reconnaissance et la
protection ne dépendaient plus uniquement de l’autorité de l’État vis-à-vis de
ses citoyens. À partir de ces données, il a été possible de protéger l’homme de
façon intégrale indépendamment du lieu où il se trouvait et de l’État duquel il
était citoyen. Nous nous approchons, bien que nous en soyons encore assez
loin, de l’existence d’une juridiction universelle ayant pour but la protection
des hommes. Les pas donnés jusqu’à aujourd’hui ont été très importants et nous
nous dirigeons vers la mondialisation des Droits de l’Homme.
Dans nos sociétés du XXIe siècle, dans lesquelles furent imposées la culture
mondialisée, dans lesquelles les frontières sont tombées1 et dans lesquelles un
modèle de société unitaire composé d’une mosaïque de cultures s’est développé, il
sera possible de parler de la mondialisation en des termes positifs que si elle
envisage l’universalisation effective de ces droits. Ce n’est que si les nouvelles
structures sociales internationales parviennent à respecter et à donner une dignité à
tous les hommes et les femmes qu’il sera alors possible de parler d’un monde
justement mondialisé.
Dans cette tâche, comme nous l’avons déjà évoquée, la reconnaissance des
droits par les États a supposé un évènement historique totalement révolutionnaire
qui a changé les structures juridiques de nos sociétés. Mais encore de nos jours,
nous constatons qu’il existe encore des États dans lesquels ce pas n’a pas encore
été donné et il est indispensable qu’il se produise sans délations supplémentaires.
C’est en étendant le dynamisme de cette reconnaissance à tous les États et à
toutes les cultures que nous parviendrons à mondialiser les droits et par conséquent
à un processus de mondialisation plus juste.
1
La perméabilisation des frontières s’est produite sur certains aspects, mais pas tous. Comme réaction
défensive de certaines sociétées, le phénomène de la mondialisation a causé, au contraire, la
fortification des certaines frontières et la réapparition de nationalismes et de régionalismes.
22
Revista europeană de drept social
TABLEAU RÉCAPITULATIF
Étape
RECONOCIMIENTO
ESTATAL
Technique de
reconnaissance
NIVEAUX:
- Niveau
constitutionnel:
- Clauses générales
- Normes spécifiques
- Système mixte
- Niveau législatif
- Niveau exécutif
- Niveau judiciaire
PHASES:
- Déclarations
solennelles
- Constitutionnalisation
- Préambule
- Articles
- Mécanismes
juridiques multiples,
(constitution, loi
ordinaire,
réglementation pouvoir
exécutif, protection
judiciaire, etc.)
CLIMATS:
1. Sublimation des
droits individuels
2. Attaque aux droits
individuels
3. Sublimation du droit
objectif
4. Droits et libertés
personnelles
Documents
La déclaration des
droits du bon peuple
de Virginia
La déclaration
d’indépendance des
États-Unis
d’Amérique
Documents
antérieurs
Grande
Chartre de
Jean sans
Terres
Grande
Chartre
leonesa
d’Alphonse a
IX de León
Constitution
d’Avila
Édit de Nantes
La déclaration des
Droits de l’Homme
et du Citoyen
Acte de
tolérance du
Maryland
Lettre de
Rhode Island
Constitution
française de 1791
Lois de Burgos
Certificat de
Fernand le
Catholique
Constitutions du
reste des États
Le décret de
Charles 1er sur
l’esclavage des
Indiens
Lois Nouvelles
Petition of
Rights
Habeas Corpus
Bill of Rights
23
Revue europénnee du droit social
Bibliographie:
-
24
DE CASTRO CID, B. (dir.), Introducción al estudio de los Derechos Humanos, Madrid,
Universitas, 2003, p. 49-50 et 186-193.
GÓMEZ SÁNCHEZ. Y. (coord.), Pasado, presente y futuro de los derechos humanos,
Comisión Nacional de los Derechos Humanos de México-UNED, México, 2004, p. 159205.
MARTÍNEZ MORÁN, N., « Aportaciones de la Escuela de Salamanca al reconocimiento de
los derechos humanos », Cuadernos Salmantinos de Filosofía, XXX, 2003, p. 491-520.
PÉREZ LUÑO, A. E., Derechos Humanos, Estado de Derecho y Constitución, octava
edición, Madrid, Tecnos, 2003, p. 65-108.
PÉREZ LUÑO, A. E., La tercera generación de Derechos Humanos, Navarra, ThomsonAranzadi, 2006, p. 25ss.
PÉREZ LUÑO, A. E., Los Derechos Fundamentales, Madrid, Tecnos, 1984, p. 29ss.
PÉREZ LUÑO, A. E., « Los clásicos iusnaturalistas españoles », en PECES-BARBA
MARTÍNEZ, G., y FERNÁNDEZ GARCÍA, E. (dir.), Historia de los Derechos
Fundamentales (tomo I: tránsito a la modernidad siglos XVI y XVII), Madrid, Dykinson,
1998, p.507-569.
Revista europeană de drept social
EL ANHELO DE UN SOLO GÉNERO.
EL HUMANO
Pedro SANTIAGO
Universidad Nacional Education a Distancia Madrid
Résumé: Il existe des différences entre les genres, constitutive des relations sociales
fondées sur les différences qui distinguent les sexes et la sexualité, qui est définie par les
questions liées avec qui un individu a t´il des relations sexuelles, comment, pourquoi et dans
quelles circonstances, et quels en sont les conséquences. Le pouvoir joue un rôle
fondamental dans les deux concepts, d'abord, dans les relations entre les genres favorise les
hommes, et d'autre part, dans les relations sexuelles, détermine la manière dont la sexualité
est exprimée et vécue. Le contrôle que les gens ont sur leur propre vie et leurs choix sexuels
est affectée par les règles et les valeurs fondées sur le genre qui défini la masculinité où la
féminité. Notre conduite est basée presque constamment sur des normes qui font office de
modèles. En sociologie c´est ce qu'on appelle l'orientation normative de l'action, c'est à dire,
orienté vers l'action conformément aux normes où règles collectives. Les droits sexuels sont
des droits universels de l'homme fondé sur la liberté, la dignité et l'égalité de tous les êtres
humains. En cherchant à harmoniser des intérêts contradictoires, nous fournissons des lois et
des instruments nécessaires au respect de ceux-ci, pour le maintien du bien commun.
Mots clés: Les droits sexuels, différences entre les genres, sexes, sexualité, droits
sexuels, droits universels.
1. INTRODUCCIÓN
Ya en 1948 la declaración Universal de los Derechos del Hombre en su
preámbulo se establecía que: la libertad, la justicia y la paz en el mundo tienen por
base el reconocimiento de la dignidad intrínseca y de los derechos iguales e
inalienables de todos los miembros de la familia humana; que el desconocimiento y
el menosprecio de los derechos humanos han originado actos de barbarie ultrajantes
para la conciencia de la humanidad, se ha proclamado, como la aspiración más
elevada del hombre, el advenimiento de un mundo en el que los seres humanos,
liberados del temor y de la miseria, disfruten de la libertad de palabra y de la libertad
de creencias, considerando esencial que los derechos humanos sean protegidos por
un régimen de Derecho, a fin de que el hombre no se vea compelido al supremo
recurso de la rebelión contra la tiranía y la opresión, que los pueblos de las Naciones
Unidas han reafirmado en la Carta su fe en los derechos fundamentales del hombre,
en la dignidad y el valor de la persona humana y en la igualdad de derechos de
hombres y mujeres, y se han declarado resueltos a promover el progreso social y a
elevar el nivel de vida dentro de un concepto más amplio de la libertad; proclama la
Declaración Universal de los Derechos Humanos como ideal común por el que todos
25
Revue europénnee du droit social
los pueblos y naciones deben esforzarse, a fin de que tanto los individuos como las
instituciones, inspirándose constantemente en ella, promuevan, mediante la
enseñanza y la educación, el respeto a estos derechos y libertades, y aseguren, por
medidas progresivas de carácter nacional e internacional, su reconocimiento y
aplicación universales y efectivos, tanto entre los pueblos de los Estados Miembros
como entre los de los territorios colocados bajo su jurisdicción.
En base a lo afirmado en este preámbulo y lo referido en el artículo 1 “Todos
los seres humanos nacen libres e iguales en dignidad y derechos y, dotados como
están de razón y conciencia, deben comportarse fraternalmente los unos con los
otros”, y en el artículo 2 “Toda persona tiene todos los derechos y libertades
proclamados en esta Declaración, sin distinción alguna de raza, color, sexo, idioma,
religión, opinión política o de cualquier otra índole, origen nacional o social,
posición económica, nacimiento o cualquier otra condición”, artículo 12 “Nadie
será objeto de injerencias arbitrarias en su vida privada, su familia, su domicilio o
su correspondencia, ni de ataques a su honra o a su reputación. Toda persona tiene
derecho a la protección de la ley contra tales injerencias o ataques”, y tomando en
cuenta que las Constituciones de los países Occidentales capitalistas de tradición
judeo-cristiana respetan en las mismas esta declaración, trataré de defender como
ciudadano de la “polis global” lo que en la Declaración se proclama como “familia
humana”, el concepto de un “único género”, el humano, como forma de evitar la
confrontación entre los géneros masculino y femenino, y superador de la
diferenciación en la que parece que no queremos dejar de estar anclados.
No es la finalidad de éste artículo negar las diferencias biológicas entre los
componentes de la familia humana que, también existen en el mundo animal del
que formamos parte. Hablaremos de la heterogénea construcción social y cultural
que nos distingue
2. MASCULINO Y FEMENINO
El status1 desigual entre los grupos produce el prejuicio. Al tratar de
determinar cómo se crea ese status desigual, se debe tener en cuenta un principio
general de la teoría del intercambio: cuando los resultados en términos de
ganancias y de costos de dos grupos diferentes se perciben como mutuamente
excluyentes, de tal manera que cada grupo puede aumentar sus resultados a costa
del otro grupo, los miembros de cada grupo tratarán de proteger o aumentar los
resultados de su grupo, es la base de la discriminación y el conflicto. Si los dos
grupos son desiguales en poder, establecerán diferentes resultados a no ser que
ciertas normas restrinjan la explotación del débil por parte del más poderoso.
1
Backman, S., Psicología social, Mcgraw-Hill, Mexico 1976
26
Revista europeană de drept social
Lo que significa masculino y femenino y el tipo de relaciones que existen entre
hombres y mujeres son hechos culturales2, es decir que forman parte de las visiones
y acuerdos mediante los cuales los miembros de una comunidad perciben y
organizan el mundo y funcionan en el diario vivir. “No es la propiedad sino el
intercambio el que regula las relaciones sociales entre los sexos, Lévi-Straus ve en
la sociedad un conjunto de sistemas organizados a su vez según un orden de cosas,
para este autor el principio fundamental según el cual funcionan las sociedades es
el de la diferenciación sexual3”. (Perotin-Dumon, 2002; 193)
La feminidad es una construcción social, una forma de aplicar las normas de
género. La Real Academia de la Lengua Española define el género como conjunto de
seres que tienen uno o varios caracteres comunes, mientras que el sexo está
determinado biológicamente, el género está determinado culturalmente. Esta
determinación cultural favorece e incluso impulsa determinadas ideas de superioridad
en el hombre y expectativas de obediencia en la mujer. Hay tres áreas principales en las
que la discriminación tiene una especial trascendencia, las relaciones sociales, la
educación sexual y el acoso sexual. Es necesario señalar, que ya en 1640, Thomas
Hobbes4 ponía en entredicho la autoridad patriarcal, y hablaba por primera vez del
carácter convencional de la dominación del varón sobre la mujer. Este aporte de
Hobbes se basa para su justificación en la teoría del Contrato Social, es uno de los
pocos autores que cuando habla de naturaleza humana, o de los hombres, se está
refiriendo a la especie humana y por tanto no está estableciendo ninguna exclusión por
género. Para este autor, el dominio del padre sobre sus vástagos, no se produce por
efectos de una ley natural, sino como producto de un convenio.
Si por derecho natural hay un dominio y una sujección debida, este derecho le
pertenece a la madre. El análisis de los conceptos no se entiende sin su relación con
los fines humanos, es decir, sin una ética5. Esta ética es necesaria para una
adecuada comprensión de la lucha encarnizada que aún siguen y necesitan seguir
manteniendo las mujeres en esta sociedad, que sin lugar a dudas ha conseguido
grandes avances en la igualdad entre los géneros; pero que no obstante las sigue
apartando de la consecución de la plena igualdad.
3. GÉNERO
El interés en el género como categoría analítica ha surgido sólo a finales del
siglo XX. Está ausente del importante conjunto de teorías sociales formuladas desde
el siglo XVIII hasta comienzos del XX. A decir verdad algunas teorías construyeron
2
MacCormack y Strathern, M. (1980), “Nature, Culture and Gender”, Cambridge University Press,
New York, 1980
Pérotin-Dumon, A (2002), “La historia de las mujeres”, en htto://www.sas.ac.uk/ilas PNUD (1999)
“Informe sobre Desarrollo Humano 1999” Oxford University Press, New York , 1999
4
Hobbes, T.(1979) “Elementos de Derecho Natural y Político”, Centro de Estudios Constitucionales, Madrid
5
Villorrio, L. (1982), “Crecer, saber, conocer”, Siglo XXI, México
3
27
Revue europénnee du droit social
su lógica sobre analogías a la oposición hombre y mujer, otras reconocieron una
cuestión de mujer y otras, por último, se plantearon la formación de la identidad
sexual subjetiva, pero en ningún caso hizo su aparición el género como forma de
hablar de los sistemas de relaciones sociales o sexuales. El género es un elemento
constitutivo de las relaciones sociales basadas en las diferencias que distinguen los
sexos y el género, es una forma primaria de relaciones significantes de poder. El
género debe redefinirse y reestructurarse en conjunción con una visión de igualdad
política y social que comprende no sólo el sexo, sino también las clases y la raza.
Las expresiones más radicales sobre la igualdad de los géneros, nacieron y se
gestaron desde los momentos más tempranos de la Ilustración, mientras que
posteriormente se desarrollaron unas reacciones virulentas por parte de la mayoría
de sus portavoces. Siguiendo a Verena Stolke6 podemos encontrar la afirmación de
que la palabra género se introdujo por parte de sexólogos y psicólogos americanos
en los años 1950, con la intención de distinguir el sexo anatómico del género
social. Esa construcción biomédica de género es relevante para entender las
dificultades epistemológicas en la teoría feminista.
El género abarca todos los rasgos que la cultura atribuye e inculca a hombres y
mujeres, es decir, el género se refiere a la construcción cultural de las
características masculinas y femeninas. “La naturaleza biológica de hombres y
mujeres debería ser vista no como un estrecho recinto limitador del organismo
humano, sino, más bien como una amplia base sobre la que puede construirse toda
una variedad de estructuras7”.
Esta sociedad está organizada sobre unos estereotipos masculinos y femeninos
a los que hemos de supeditarnos unos y otras, teniendo en cuenta que los
estereotipos cumplen dos funciones: la primera, facilitar la clasificación y
especificación de los objetos y hechos, esto es, agilizar nuestros procesos mentales;
y en segundo lugar, y ya en una dimensión social, afirmar el propio grupo,
diferenciándolo de los demás, a los que generalmente se les descalifica, en un afán
de cohesión y protecciones colectivas.(Buceta 1992).
El género se define como el dominio psicológico, social y cultural de la
condición de varón y mujer. El género es una construcción social y un sistema de
significados multidimensional que incluye a la identidad de género, tanto personal
como social. La identidad de género se interpreta incluyendo componentes de la
identidad personal y de la identidad social, esto es, la persona tanto en su vertiente
individual como cultural. La identidad de género ha sido definida como la
uniformidad, unidad y persistencia de la individualidad de una persona como varón
o mujer (o ambivalente) en mayor o menor grado, en especial si se experimenta
como autoconciencia y conducta.
6
Stolke, V. (2004). “La mujer es puro cuento: La cultura del género”, en Revista Estudios Feministas,
vol.12, número 002, Rio de Janeiro, Brasil
7
Friedl, E. (1975), “Woman and Men: An Anthropologist´s View”, Rinehart y Wiston, New York 1975
28
Revista europeană de drept social
Las personas tienen varios atributos que difieren en su visibilidad o
diferenciación. La sociedad escoge ciertos atributos como medios de identificación
de varias categorías de personas y desprecia otros. Estos atributos pueden ser
físicos, pueden estar relacionados con la participación en un grupo, organización o
sociedad, como afiliaciones ocupacionales, religiosas o nacionales; o aún pueden
estar basados en ciertos patrones comportamentales, Campbell en 1967, citado en
(Backman, S, 1976)8 sugiere que cuanto mayor sea el contraste entre dos grupos en
un cierto atributo, mayor será la posibilidad de que este atributo aparezca en la
imagen estereotipada que cada uno tiene del otro. Esto sucede tanto en los atributos
que identifican a un grupo como en las características del estereotipo en sí.
4. SEXUALIDAD VERSUS GÉNERO
Pensamos, hablamos y nos relacionamos dentro de un contexto social determinado.
Por ello, de la misma forma que ese contexto social nos puede condicionar, también lo
podemos construir o utilizar según nuestros intereses e intenciones: cada uno de nosotros
podemos construir nuestro mundo. A veces, algunos pretenden construir mundos
para los demás, sin dejar sitio a la elección o decisión personales9.
Siguiendo a José Antonio Nieto y Según Stoller el sexo se refiere a los
componentes biológicos que incluyen, cromosomas, genitales externos, gónadas,
aparato sexual interno, estado hormonal, características sexuales secundarias e
incluso el cerebro. De manera general incluye los genitales y otras características
fisiológicas adscritas a varones o mujeres.
La teorización de la sexualidad humana10 se ha convertido en una tarea básica
para los teóricos sociales dedicados a la elaboración de nuevas teorías de la persona,
la identidad y la corporalidad humanas. El nuevo pensamiento sobre sexualidad
humana ha surgido de una amplia y diversificada serie de campos políticos e
intelectuales: del feminismo radical de los gays, las lesbianas y de la teorización
queer, que plantea la hipótesis sobre el género, afirmando que la orientación sexual y
la identidad sexual o de género de las personas, son el resultado de una construcción
social y que, por lo tanto, no existen papeles sexuales esenciales o biológicamente
inscritos en la naturaleza humana, sino formas socialmente variables de desempeñar
uno o varios papeles sexuales.
La Sexualidad11 es distinta al género aún cuando ambos conceptos se
encuentran altamente vinculados. La sexualidad de un individuo está definida por
8
9
10
11
Backman, S., Psicología social, Mcgraw-Hill, Mexico 1976
Castro Nogueira, L., Castro Nogueira, M.A., y Morales Navarro, J., Metodología de las Ciencias
Sociales. Una Introducción Critica, Tecnos, Madrid, 2008
Rival, L.; Slater, D. y Miller, D.(2003). “Sexo y sociedad. Etnografías comparativas de objetivación
sexual, en : Nieto, J.A. “Antropología de la sexualidad y diversidad cultural” Talasa, Madrid
Consejo Internacional de Organizaciones con Servicios en SIDA (ICASO), en
http://www.icaso.org/publications/genderreport_web_ESP_080505.pdf
29
Revue europénnee du droit social
aspectos relacionados con quien tiene relaciones sexuales, de qué manera, por qué
y bajo qué circunstancias, así como con qué tipo de consecuencias. Es más que un
comportamiento sexual, es un concepto multidimensional y dinámico. Las reglas
explícitas e implícitas impuestas por la sociedad, definidas por el género, edad,
estatus económico, etnicidad y otros factores, influyen en la sexualidad de la
persona. En cada sociedad hay una multitud de sexualidades.
El poder es fundamental tanto para la sexualidad como para el género. La balanza
desigual de poder en las relaciones de género, que favorece a los hombres, se traduce
en un desequilibrio en las relaciones heterosexuales en las que el placer del hombre
reemplaza al placer de la mujer y en donde el hombre tiene un mayor control que la
mujer sobre cuándo, dónde y cómo tiene relaciones sexuales. Asimismo, las dinámicas
de poder son críticas para entender la sexualidad. El poder afecta cualquier tipo de
relación sexual (heterosexual, homosexual o transgénero) y determina cómo la
sexualidad es expresada y vivida. El poder decide quién tiene prioridad en el placer, así
como cuándo, cómo y con quién se tienen relaciones sexuales.
Las minorías sexuales están compuestas por personas cuyas sexualidades y
comportamientos y/o prácticas sexuales no coinciden con lo que es considerado como
una normativa social o con lo que es aceptable socialmente. Las mismas incluyen,
entre otros, a hombres gay, hombres bisexuales, lesbianas, mujeres bisexuales,
personas transgénero y transexuales. En muchas sociedades, esas poblaciones están
altamente estigmatizadas y existen en un entorno de marginalización, desigualdad,
discriminación, criminalización, opresión y violencia.
El control que tienen las personas sobre sus propias vidas y alternativas
sexuales está, al mismo tiempo, afectado por las normas y valores basados en el
género que definen la masculinidad y feminidad. Esas normas y valores de género,
culturalmente definidos, evolucionan a través del proceso de socialización que
comienza en las primeras etapas de la infancia.
La religión y las creencias religiosas forman las bases de la vida comunitaria en la
mayoría de las sociedades. La religión consagra las directrices éticas de muchos
aspectos de nuestra vida diaria y también orienta las creencias y normas que rodean a la
sexualidad. La mayoría de las creencias moldeadas por las religiones prohíben el sexo
antes del matrimonio, los anticonceptivos, incluyendo el uso de condones, y la
homosexualidad. Algunas religiones también consagran un rol sumiso de la mujer,
alimentan la desigualdad de género en las relaciones matrimoniales y promueven la
ignorancia de las mujeres en temas sexuales como un símbolo de pureza.
Como breves definiciones aclarar qué entendemos por sexo: Carácter de los
seres orgánicos por el cual pueden ser macho o hembra, y por sexualidad:
Circunstancia de tener uno u otro sexo. Conjunto de fenómenos biológicos,
psicológicos, sociales, etc., relativos al sexo.
La sexualidad no debe ser reducida a la genitalidad y actividad coital; la
sexualidad se expande a todo el cuerpo, a los sentidos, emociones, deseos y fantasías.
Además involucra aspectos biológicos, emocionales, sociales, culturales, éticos y
filosóficos. Si bien las personas nacen con una determinada carga genética que define
30
Revista europeană de drept social
su sexo biológico, el proceso a través del cual se llega a asumir la propia sexualidad
como una dimensión personal y relacional, se ve fuertemente ligado a condiciones del
medio ambiente y a las relaciones interpersonales, en especial las relaciones afectivas
que se establecen a través del tiempo. De esta forma, la sexualidad es una dimensión
constitutiva de las personas, que comienza y termina conjuntamente con la vida.
Los derechos sexuales son derechos humanos universales basados en la
libertad, dignidad e igualdad inherentes a todos los seres humanos. Y dado que la
salud es un derecho humano fundamental, la salud sexual debe ser un derecho
humano básico, pues es esencial para el bienestar individual, interpersonal y social.
La Declaración del XIII Congreso Mundial de Sexología, 1997, Valencia,
España. Revisada y aprobada por la Asamblea General de la Asociación Mundial de
Sexología (WAS) el 26 de agosto de 1999 en el XV Congreso Mundial de Sexología,
Hong Kong, República Popular China, plantea una serie de derechos, como son:
Derecho a la libertad sexual: establece la posibilidad de la plena expresión del
potencial sexual de los individuos y excluye toda forma de coerción, explotación y
abuso sexual en cualquier etapa y situación de la vida.
Derecho a la autonomía, a la integridad y a la seguridad sexual del cuerpo: incluye
la capacidad de tomar decisiones autónomas sobre la propia vida sexual en un contexto
de ética personal y social; están incluidas también la capacidad de control y disfrute de
nuestros cuerpos, libres de tortura, mutilación o violencia de cualquier tipo.
Derecho a la privacidad sexual: legitima las decisiones y conductas
individuales realizadas en el ámbito de la intimidad, siempre y cuando no
interfieran con los derechos sexuales de otros.
Derecho a la igualdad sexual: se opone a cualquier forma de discriminación
relacionada con el sexo, género, preferencia sexual, edad, clase social, grupo
étnico, religión o limitación física o mental.
Derecho al placer sexual: prerrogativa al disfrute y goce sexual (incluyendo el
autoerotismo), fuente de bienestar físico, intelectual y espiritual.
Derecho a la expresión sexual emocional: abarca más allá del placer erótico o
los actos sexuales y reconoce la facultad a manifestar la sexualidad a través de la
expresión emocional y afectiva como el cariño, la ternura y el amor
Derecho a la libre asociación sexual: permite la posibilidad de contraer o no
matrimonio, de divorciarse o de establecer cualquier otro tipo de asociación sexual
responsable.
Derecho a la toma de decisiones reproductivas libres y responsables:
comprende el derecho a decidir tener hijos o no, el número y el tiempo a transcurrir
entre cada uno, y el acceso pleno a los métodos para regular la fecundidad.
Derecho a la información sexual basada en el conocimiento científico: demanda
que la información sexual sea generada a través de procesos científicos y éticos, que
sea difundida de forma apropiada y que llegue a todas las capas sociales.
Derecho a la educación sexual integral: solicita la impartición de la educación
sexual durante toda la extensión de la vida, desde el nacimiento hasta la vejez, y
exhorta a la participación de todas las instituciones sociales.
31
Revue europénnee du droit social
Derecho a la atención de la salud sexual: conlleva la prevención y el tratamiento
de todos los problemas, preocupaciones, enfermedades y trastornos sexuales.
Del mismo modo nuestra Constitución en su artículo 10.1 refiere que: La
dignidad de la persona, los derechos inviolables que le son inherentes, el libre
desarrollo de la personalidad, el respeto a la Ley y a los derechos de los demás son
fundamento del orden político y de la paz social. Así mismo en el artículo 10.2:
Las normas relativas a los derechos fundamentales y a las libertades que la
Constitución reconoce se interpretarán de conformidad con la Declaración
Universal de Derechos Humanos y los Tratados y acuerdos internacionales sobre
las mismas materias ratificados por España. El artículo 14. Por su parte dice que los
españoles son iguales ante la Ley, sin que pueda prevalecer discriminación alguna
por razón de nacimiento, raza, sexo, religión, opinión o cualquier otra condición o
circunstancia personal o social.
Expertos de la sexología como Masters y Johnson, Kensey o la feminista Sere
Hite ponían el acento en la importancia del conocimiento del propio cuerpo, así
como en saber excitarlo correctamente, influyeron fuertemente en la visión sobre la
sexualidad en los movimientos feministas.
Dentro de los movimientos feministas existen diferentes posiciones sobre la
transexualidad. Mientras algunos consideraban la transexualidad como un invento del
patriarcado que refuerza la división en dos géneros y caricaturiza el género femenino
negándoles que sean “realmente” mujeres. Otros creemos que representan un desafío
para el feminismo porque cuestionan el binarismo del sistema de géneros actual,
metiéndonos de lleno en el debate de las identidades y obligándonos a deconstruir las
dicotomías y binarismos, tanto en el género como en la sexualidad. Su existencia y los
debates con los que interrogan al feminismo cuestionan una acción feminista basada en
una identidad feminista fuerte y esencialista. Y con ello no reivindico que sea posible
prescindir de cierto sentido identitario. Probablemente es necesario seguir construyendo
identidades pero es bueno hacerlo sabiendo que son ficciones, construcciones políticas
necesarias para generar movimiento y rebeldía, pero que deben ser cuestionadas y
reinventadas nada más adoptadas12. En esta misma línea y entre sus conclusiones apunta
esta autora que: “Asimismo, defender la libre elección de formas de ser (género), de
formas de placer y de afecto que no son mayoritarias, puede tener un potencial
subversivo. En esta línea, luchar contra la supuesta homogeneidad que dan las categorías
existentes y afirmar la diferencia, incluso dentro de ellas me parece algo importante. Y en
este camino tiene mucho interés poder subvertir las etiquetas y redefinir sus contenidos”.
En estas mismas Jornadas feministas la ponente Juana Ramos arguye algo que
creo que se debería destacar como uno de los factores a tener en cuenta como es “la
evolución de los debates en el seno del movimiento (o los movimientos) trans
aporta un modo más flexible de concebir los sexos-géneros-identidades,
cuestionando la necesidad de las cirugías y otras tecnologías moldeadoras de los
caracteres sexuales como forma de legitimar las disidencias transidentitarias.
12
Garaizabal, C.(2009). “Debates feministas sobre la sexualidad”. Jornadas feministas, Granada
32
Revista europeană de drept social
Hombres trans que no consideran necesario someterse a cirugía de reducción de
mamas para reivindicarse hombres, transmujeres sin cirugía genital, transpersonas
que no se amoldan a los estereotipos de mujer o de hombre y que se mantienen en
los márgenes, intersex que se reivindican en su plenitud corporal”.
De esta manera los movimientos y perspectivas trans están contribuyendo a
una decisiva renovación de las concepciones sobre los sexos y los géneros. Y el
impulso para llegar a este estado es la superación del sufrimiento que supone la
imposición de unos modelos determinados, rígidos y exclusivos, cuando la persona
no se adapta o identifica con ellos.
Este artículo parte de la premisa fundamental de que el sentimiento identitario
sexual excluyente genera marginación y violencia. Cuando hablamos de
identidades13, por lo general, nos referimos a ciertas características exclusivas y a
la vez reflexivas de un movimiento, de un grupo o de todo un pueblo.
Cuando hablamos de sexualidad hablamos habitualmente de sentimientos,
hacia sí mismo y/o hacia otra/s personas, en este artículo defendemos la expresión,
libre y responsable, que no incurra en la comisión de ningún delito penal o civil,
hablamos de formas de expresión y/o sentir natural y humana. Desde la experiencia
de las investigaciones realizadas hasta el momento sobre violencia de género y
discapacidad14, hemos planteado que existe legislación en España que aporta
consideración y respeto hacia determinadas personas y colectivos que hasta el
momento de su aplicación no eran adecuadamente considerados, y como no podía
ser de otro modo, todo ello a la luz del reconocimiento de la Declaración Universal
de los Derechos Humanos. Decimos asimismo que leyes bien intencionadas como
la Ley Integral sobre Violencia de Género, contempla medidas para tratar y
erradicar de nuestra sociedad la lacra de la violencia de género, pero que esto se
hacía pensando en la gran mayoría de las mujeres no en el total de las mismas,
dado que persisten en la actualidad todavía recursos y medidas que contempla la
ley que no están adaptadas para las mujeres con discapacidad.
Argüíamos del mismo modo que a las mujeres con discapacidad se les niega
en muchos momentos su identidad como mujeres y una de las consecuencias que
encontramos es la negación y en muchos casos tutela de la sexualidad de dichas
mujeres. La mujer discapacitada no es el tema de este artículo, pero nos sirve para
que el mismo no se identifique con un determinado colectivo, sino sobre el
sufrimiento, cuando no violencia y exclusión, que muchos seres humanos padecen
cuando les negamos la capacidad de expresión de algo tan natural como es la
sexualidad y sus formas expresivas y emotivas.
El poder es fundamental tanto para la sexualidad como para el género. La
balanza desigual de poder en las relaciones de género, que favorece a los hombres, se
traduce en un desequilibrio en las relaciones heterosexuales: en las que el placer del
13
14
Ortiz, R (1996)., Otro territorio, Univ. Quilmes, Buenos Aires
Fernández Santiago, P (2009). “Compendio sobre violencia de género y factores de discriminación
en la mujer con discapacidad. Tirant lo Blanch, Valencia
33
Revue europénnee du droit social
hombre reemplaza al placer de la mujer y en donde el hombre tiene un mayor control
que la mujer sobre cuándo, dónde y cómo tiene relaciones sexuales. Así mismo, las
dinámicas de poder son críticas para entender la sexualidad. El poder afecta cualquier
tipo de relación sexual (heterosexual, homosexual o transgénero) y determina cómo
la sexualidad es expresada y vivida. El poder decide quién tiene prioridad en el
placer, así como cuándo, cómo y con quién se tienen relaciones sexuales.
Los seres humanos somos “algo más que cuerpos”, el cuerpo humano se va
transformando, y se dice que el ser humano está regido por el cerebro, que no es
ese el caso de la sociedad, en la que no impera el cerebro, imperan los intereses
también naturales de vivir en comunidad. En la búsqueda de la armonización de
intereses contrapuestos, nos dotamos de leyes y de los “agentes” necesarios para
que éstas se cumplan, y todo esto basado y en la búsqueda del “bien común”. La
diferencia es suma y no resta, tal vez desde el respeto a la diferencia y a la
inclusión de todos los seres humanos respetuosos de las normas y del proceso
social dinámico, transformador y de cambio, encontraremos un mayor grado de paz
social capaz de acercarnos al reto del respeto universal de los derechos humanos.
El control que tienen las personas sobre sus propias vidas y alternativas
sexuales está, al mismo tiempo, afectado por las normas y valores basados en el
género que definen la masculinidad y feminidad. Esas normas y valores de género,
culturalmente definidos, evolucionan a través del proceso de socialización que
comienza en las primeras etapas de la infancia.
En cierto sentido15, se piensa, el hombre tiene el privilegio de poder equivocarse –
el mundo no se equivoca sobre sí mismo- y por ello es responsable también de la
corrección de sus yerros. La sociedad moderna, con su extenso saber histórico y
culturalmente comparativo, se obliga a sí misma a un reconocimiento de la relatividad
de todas las concepciones del mundo y, por lo tanto, de todo conocimiento … si de
alguna manera queremos atribuir conocimiento al ser humano debemos referirlo a su
conciencia y reconocer en todo caso a la vida una participación necesaria para hacer
posible las observaciones discriminantes, y en particular para hacer posibles los errores.
Es frecuente la práctica de un reduccionismo en la relación entre vida, conciencia y
órdenes sociales….Toda observación del mundo debe tomar de alguna manera el
mundo como diferencia y no como unidad (Lumann, 1996)
5. LA SOCIEDAD, COSTUMBRES,
VALORES Y ACTITUDES MORALES
La conformación de leyes, costumbres, valores y actitudes morales están basadas
en los principios jurídicos y la tradición, siendo estos rígidos, mientras que las
costumbres y valores son dinámicos, el hombre se va a adaptando a estos cambios, es
decir va reescribiendo y describiendo una nueva historia de adaptaciones.
15
Lumann, N. La ciencia de la sociedad, Universidad Iberoamericana, México, 1996
34
Revista europeană de drept social
En muchos momentos, como cuando se describe a la justicia como una imagen
con los ojos vendados y manteniendo en la mano una balanza, queremos expresar
que la justicia es ciega e intenta equilibrar intereses contrapuestos, siendo el
derecho rígido y en muchas ocasiones inflexible, las costumbres y actitudes
morales son dinámicas. Por su parte, la tradición defiende un mundo estático,
donde los logros, siempre y cuando no varíen lo constituido, son aceptados, y
negado todo aquello que reconozca y habilite nuevas visiones del mundo. Sin
embargo las relaciones humanas y sociales, en estos momentos de globalización
donde el mundo se empequeñece y en el cual se cuestionan los sistemas sociales y
económicos imperantes, se reclama el respeto por el medioambiente y la
biodiversidad, se exige una nueva vida respetuosa con la naturaleza y el respeto a
toda forma de vida biológica, social y cultural.
Durkheim en un momento de creciente inquietud y en medio de un contexto de
transformación derivada del proceso de industrialización en el que dichas
innovaciones parecían amenazar el orden y bienestar de las sociedades europeas,
mostró su preocupación por el orden social y la cohesión social, para dicho autor la
cohesión social representa la condición esencial de la vida colectiva, sólo si esta
cohesión existe podrá existir el todo social.
La vida social requiere, tanto en sus formas más elementales como en sus
instituciones más complejas, normas y patrones de conducta que permitan la
interacción ordenada, así como una integración social sostenible, no obstante estos
patrones preexisten cristalizados en sistemas normativos que constituyen la
conciencia colectiva La causa determinante de un hecho social debe buscarse entre
los hechos sociales antecedentes y no entre estados de conciencia individual (…).
La función de un hecho social ha de ser forzosamente social, es decir, consistir en
la producción de efectos socialmente útiles (…) la función de un hecho social ha de
buscarse siempre en la relación que sostiene con un fin social
6. ÉTICA Y JUSTICIA
Desde Aristóteles, fundador de la ética, el “Logos” común ha de preocuparse
antes que de ninguna cosa por un arte de saber vivir, diseñando las prácticas de
análisis y autocontrol destinadas a darnos una buena vida que sólo alcanza su
verdadero sentido en el seno de la polis, como vida orientada a la convivencia con
los otros. Algo que implica un extraordinario esfuerzo de autoconocimiento,
reciprocidad, autocontrol, tolerancia y respeto (…) En esta tradición, las
preferencias, pasiones, inclinaciones y deseos han de someterse a la implacable
exigencia de una razón compartida; a la reflexión de un “Logos” común y político:
a la razón común de los hombres16.
16
Castro Nogueira, L., Castro Nogueira, M.A., y Morales Navarro, J., Metodología de las Ciencias
Sociales. Una Introducción Critica, Tecnos, Madrid, 2008
35
Revue europénnee du droit social
Platón en los primeros libros de la República y por medio de Trasímaco realiza
una primera definición de justicia: “la justicia es la fuerza”. Las leyes declaran que
es justo aquello que el poder y la voluntad del Estado que las promulga quieren,
que el hombre verdaderamente justo es aquel que no identifica poder y derecho, y
es por lo tanto un hombre más sabio y más feliz. El hombre que sigue a su razón
tiene un camino claro en su vida, mientras que el que sigue la ley de la fuerza causa
no sólo infelicidad en los demás, también la suya propia, pues se condena a sí
mismo a poder ser dominado arbitrariamente cuando se encuentre con alguien con
mayor poder que él. Platón del mismo modo cree que la justicia social es la
armonía entre los individuos.
El hombre aparece en Platón como un ser que tiene tres virtudes principales, el
deseo, la razón y el espíritu. El deseo es aquel elemento que nos lleva al placer y a
la satisfacción por las cuales se apagan el hambre y la sed que le dan su origen. La
razón por el contrario es la que el hombre aprende a conocer. La consecuencia de
este aprendizaje es estar preparado para amar, dado que esta es la suprema forma
de conocimiento. El espíritu participa del deseo y del amor, es el coraje el que hace
al hombre arrojado, y es un instinto que nos lleva a acatar lo justo y a indignarnos
contra lo injusto. En lo primero se parece al deseo, y en esto último a la razón.
Para vivir en sociedad es necesario respetar las normas de convivencia que nos
permiten avanzar en una sociedad dinámica y cambiante Como apunta Rousseau17.
El hombre ha nacido libre y en todas partes se encuentra encadenado. Algunos se
creen los amos de los demás aún siendo más esclavos que ellos (…) si no tomase en
consideración más que la fuerza y el efecto que se deriva de ella, diría que, mientras
un pueblo se ve obligado a obedecer y obedece, hace bien, pero que, cuando puede
sacudirse el yugo y consigue liberarse, hace todavía mejor, porque de no recobrar la
libertad basándose en el mismo derecho por el que había sido despojado de ella, está
legitimado para recuperarla, o no lo estaba el que se la arrebató. Sin embargo el
orden social es un derecho sagrado que sirve de base a todos los restantes. Mas este
derecho no procede de la naturaleza, sino que se fundamenta en convenciones.
Las normas morales que seguimos en nuestro devenir diario, así como las
actitudes que tomamos responden a unas normas de conducta que decidimos seguir
y que están guiadas por nuestros valores. El actor18 no es neutral con respecto al
hecho de si sus expectativas son confirmadas por el comportamiento de la otra
persona. El no sólo anticipa el comportamiento de la persona sino que siente que la
otra persona está obligada a comportarse de acuerdo con sus expectativas. Supone
que el otro individuo comparte con él las mismas expectativas del rol. De esta
manera las expectativas de rol son normativas y el que la persona no se conforme
con lo esperado será molesto para el actor. La opinión es la manifestación de una
actitud que se produce en una situación de controversia.
17
18
Rousseau, J.J., El contrato social, Altaya, Barcelona, 1993
Backman, S., Psicología social, Mcgraw-Hill, Mexico 1976
36
Revista europeană de drept social
Respecto a las actitudes argumentar siguiendo a Kimball Young19: “Se puede
definir una actitud como la tendencia o predisposición aprendida, más o menos
generalizada y de tono afectivo, a responder de un modo bastante persistente y
característico, por lo común positiva o negativamente (a favor o en contra), con
referencia a una situación, idea, valor, objeto o clase de objetos materiales, o a una
persona o grupo de personas”.
Sin ser siempre conscientes de ello, nuestra conducta se inspira casi
contantemente en unas normas que cumplen el oficio de modelos. A este respecto
casi nada es fruto de nuestra personal invención, aún cuando hayamos asimilado
como propias todas esas costumbres. Se trata de “maneras de obrar” que
incorporamos a nuestra conducta para prestar a nuestra acción las orientaciones
más apropiadas en la civilización, en los medios, en los grupos en cuyo seno
estamos llamados a vivir, estas maneras de obrar, de pensar y de sentir, resultan
pues coercitivas porque se nos presentan bajo la forma de reglas, de normas, de
modelos en los que debemos inspirarnos para encauzar y orientar nuestra acción, si
queremos que sea aceptable dentro de la sociedad en que vivimos. La coacción
social a la que se refería Durkheim, corresponde pues a lo que en sociología se da
en llamar la orientación normativa de la acción, es decir, la acción orientada de
acuerdo con unas normas o reglas colectivas20.
Como definición de valor y siguiendo a Rocher, se puede decir que “es un
manera de ser o de obrar que una persona o una colectividad juzgan ideal y que
hace deseables o estimables a los seres o a las conductas a los que se atribuye dicho
valor, inscribiéndose éste doblemente en la realidad: se presenta como un ideal que
exige adhesión o que invita al respeto, y se manifiesta en cosas o en conductas que
lo expresan de manera concreta o, más exactamente, de una manera simbólica. Los
juicios de valor están inspirados por los valores lo cual quiere decir que el valor es
anterior al juicio de valor.
La sociedad trata de implantar en las personas valores comunes, que no sólo
determinan las normas morales que rigen nuestro comportamiento, sino que las
normas jurídicas que predominan en una sociedad también están influidas por los
valores dominantes en esa cultura, por esta misma razón podemos argüir que
distintos grupos sociales pueden diferir en sus valores, así como en distintas
culturas las normas pueden ser muy diferentes.
7. CONCLUSIONES
Dejando claro las diferencias existentes entre género y sexualidad, defendemos
la necesidad de las diferentes expresiones de la sexualidad humana y la necesidad
de construir un género común donde la expresión de la sexualidad no sea la que
19
20
http://es.wikipedia.org/wiki/Actitud
Rocher, G., Introducción a la sociología general, Herder, Barcelona, 1985
37
Revue europénnee du droit social
defina las diferencias entre los hombres y las mujeres, se nace macho o hembra, el
llegar a ser hombre o mujer es cuestión de tejer por medio de los valores y cultura
que nos imponen una imagen estereotipada. Los seres humanos somos “algo más
que cuerpos”, el cuerpo humano se va transformando, así mismo se dice que el ser
humano está regido por el cerebro, no es ese el caso de la sociedad, en la que no
impera el cerebro, imperan los intereses también naturales de vivir en comunidad.
En la búsqueda de la armonización de intereses contrapuestos, nos dotamos de
leyes y de los “agentes” necesarios para que éstas se cumplan, y todo esto basado y
en la búsqueda del “bien común”.
La diferencia es suma y no resta, tal vez desde el respeto a la diferencia y a la
inclusión de todos los seres humanos respetuosos de las normas y del proceso
social dinámico, transformador y de cambio, encontraremos un mayor grado de paz
social capaz de acercarnos al reto del respeto universal de los derechos humanos.
Nuestra Constitución en su artículo 10.1 refiere que: La dignidad de la
persona, los derechos inviolables que le son inherentes, el libre desarrollo de la
personalidad, el respeto a la Ley y a los derechos de los demás son fundamento del
orden político y de la paz social. Así mismo en el artículo 10.2: Las normas
relativas a los derechos fundamentales y a las libertades que la Constitución
reconoce se interpretarán de conformidad con la Declaración Universal de
Derechos Humanos y los Tratados y acuerdos internacionales sobre las mismas
materias ratificados por España.
Miguel de Unamuno en ”El Sentimiento trágico de la vida” citado por Salvado
Giner21comienza su ensayo planteándose la que será la cuestión de nuestro tiempo.
“Homo sum; nihil humani a me alienum puto, dijo el cómico latino. Y yo diría
más bien nullum hominem a me alienum puto; soy hombre, a ningún hombre
estimo extraño. Porque el adjetivo humanus me es tan sospechoso como su
sustantivo abstracto humanitas, la humanidad. Ni lo humano ni la humanidad, ni el
adjetivo simple, ni el adjetivo sustantivado, sino el sustantivo concreto: el hombre.
El hombre de carne y hueso, el que nace, sufre y muere –sobretodo muere-, el que
come y bebe y juega y duerme y piensa y quiere, el hombre a quien se ve y a quien
se oye, el verdadero humano.
Porque hay otra cosa, que llaman también hombre, y es el sujeto de no pocas
divagaciones más o menos científicas. Y es el bípedo implume de la leyenda, el
zoon politikón de Aristóteles, el contratante social de Rousseau, el homo
oeconomicus de los manchesterianos, el homo sapiens de Linneo o, si se quiere, el
mamífero vertical. Un hombre que no es de aquí o de allí, ni de esta época o de la
otra, que no tiene sexo, ni patria, una idea, en fin un no hombre.
El nuestro es el otro, el de carne y hueso; yo, tu, lector mío; aquel otro de más
allá, cuantos pesamos sobre la tierra”
A diferencia de mi admirado Don Miguel de Unamuno, mi sueño, mi anhelo,
mi deseo mi ruego es ser y poder ser un no hombre, un hombre implume de la
21
Giner, S., Historia del pensamiento social, Ariel historia, Barcelona, 1994
38
Revista europeană de drept social
leyenda, un zoon politikón, el contratante social de Rousseau, un homo
oeconomicus manchesteriano, un homo sapiens de Linneo, un mamífero vertical,
un hombre que no es de aquí ni de allí, ni de esta época o de ninguna otra, que no
tiene sexo ni patria, ni siquiera una idea, eso sí, un ser humano de carne y hueso,
como tú, me leas o no me leas, tengo el inalienable deseo de ser, vivir, sentir,
desear, y no resignarme a vivir en un mundo donde no impere a libertad y la
igualdad, donde no prime la una sin la otra.
Por último, el deseo de que se hagan efectivas las normativas nacionales e
internacionales que protegen la libertad, la igualdad y, el respeto de todos los
seres humanos.
Bibliografía
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Castro Nogueira, L., Castro Nogueira, M.A., y Morales Navarro, J., Metodología de las
Ciencias Sociales. Una Introducción Critica, Tecnos, Madrid, 2008
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http://www.icaso.org/publications/genderreport_web_ESP_080505.pdf
http://es.wikipedia.org/wiki/Actitud
(ICASO),
en
39
Revue europénnee du droit social
LE CADRE JURIDIQUE
POUR LE TRAVAIL OCCASIONNEL EN ROUMANIE
Dan łOP
Université Valahia, Târgovişte, Roumanie
Maître de conférences,
Chercheur adhérent CEDIMES – Roumanie
Courriel: top,[email protected]
Abstract: Notwithstanding the provisions of the Labor Code, as amended and
supplemented, Law No. 52 of 15 April 2011 on the occasional exercise of activities carried out
by day-laborers regulates how day laborers can run occasional activities. The day laborer is
considering natural law, which is capable of performing unskilled labor and, occasionally, for a
beneficiary. This works as a beneficiary cannot have only one legal entity (Art. 1 lit. b) not
takes into account the physical platforms that use the services of occasional workers.
Keywords: occasional activities; journeyman; unskilled and occasionally work;
beneficiary;. occasional services of some workers.
1. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Par dérogation des dispositions du Code du travail, telle que modifiée et
complétée, la loi n ° 52 du 15 avril 2011 sur l'exercice occasionnel des activités
menées par des journaliers1 réglemente la façon dont la main d’œuvres par jour
peut exécuter des activités occasionnelles.
Le journalier envisage la loi naturelle, qui est capable d'effectuer du travail non
qualifié et, parfois, pour un bénéficiaire2. Cela fonctionne comme un bénéficiaire
ne peut pas avoir une seule entité juridique (art. 1, let. b) de ne pas tenir compte des
plates-formes physiques qui utilisent les services de travailleurs occasionnels. C'est
le cas pour les travaux agricoles des paysans, au motif que les paysans, aider les
uns les autres "quand ils travaillent la terre avec les voisins et parents.
Peut procéder à des travaux occasionnels, individus roumains ou étrangers.
Rapport du compagnon et le bénéficiaire est établi (article 3) sans contrat de
travail. Il est évident que la relation est établie entre le grossiste et le bénéficiaire
est une relation d'emploi, peut être considéré comme une subordination3 relation de
travail, en face du travail indépendant lui-même ou si les fournisseurs, même si le
destinataire exécute un travail sous l'autorité, n'ont aucun statut employés, bien
qu'ils soient rémunérés pour leur travail, mais pas comme un salaire4.
1
Publiée au Journal officiel 276 du 20 avril 2011
L'entité juridique dont les manœuvres d'effectuer des tâches de caractère occasionnel
3
Alexandru łiclea, Droit du travail, édition Universul Juridic, Bucureşti, 2009, p. 10-11
4
Dan łop, Traité, du Droit du travail, l'éditeur Wolters Kluwer, Bucarest, 2008, p. 12
2
40
Revista europeană de drept social
L'analyse de ces relations, régies par une loi spéciale, le droit du travail n'est
pas intégré5.
Ainsi, les litiges entre le bénéficiaire et compagnon, en suspens être réglées à
l'amiable (art. 14) par le tribunal compétent dans le ressort duquel la place
d'affaires est jobber.
En Italie6, contrat de travail occasionnel est régie par l'art. 61 alinéa 2, le
décret-loi 276/03 et est coordonnée et ont une durée totale n'excédant pas 30 jours
dans une année, travaille avec le même agent, à moins que le total des honoraires
réclamés est supérieur au montant € 5000.
Il s'agit de la collaboration de faible volume pour laquelle le législateur n'a pas
jugé nécessaire de prévoir des projets de liaison et sont donc exclus de la discipline
déjà parlé du décret-loi 276/03.
En général, tous les employeurs peuvent utiliser ces contrats stipulant que les
motifs écrits, car il démontre la présence de production technique, organisationnel,
ou de substitution.
Ces raisons ne doit pas être donné d'une manière générique, mais doit être
spécifiquement détaillée pour donner la motivation concrètes et efficaces.
La résiliation peut résulter directement en indiquant la date précise à laquelle le
dernier ou la date limite est indirectement lié à un événement spécifique. À maturité, le
rapport de fin automatiquement, mais par une augmentation de salaire est effectivement
possible d'étendre le rapport initial après la date limite ou prorogé successivement.
Une telle extension a une durée de 30 jours pour les marchés égale ou supérieure
au cours des 6 premiers mois, 20 jours pour les marchés d'une durée inférieure.
2. CONDITIONS RÉGISSANT LES ACTIVITÉS
DES TRAVAILLEURS JOURNALIERS
Durée du travail occasionnel qui peut être exercé conformément à l'art. 4 de la
loi est d'au moins un jour, correspondant à 8 heures. La performance quotidienne
de l'œuvre d'un compagnon ne peut pas dépasser 12 heures et 6 heures pour les
travailleurs mineurs qui travaillent capacité.
Le règlement pour les travailleurs occasionnels est pour les jeunes de moins
de 18, conformément aux dispositions du Code du travail sur le temps de travail
des mineurs travailleurs7.
Même si les parties conviennent à un plus petit nombre d'heures de travail, de
rémunération pour les travailleurs journaliers sera l'équivalent d'au moins 8 heures.
Personne ne peut être engagé si le journalier n'a pas atteint l'âge de 16 ans,
fournis conformément à l'art. 13 par. 1 du Code du Travail et de l'art. 10 du décret
5
I T Ştefănescu, Le droit de l'emploi, traité théorique et pratique, Publishing House Bucarest, 2010, p. 12
F del Giudice, F.Marini, F.Izzo, Diritto de lavoro, edizioni Giuridiche Simone, Napoli, 2007, p. 40-49.
7
Dan łop, op.cit., p. 341.
6
41
Revue europénnee du droit social
no. 31/1954, la personne acquiert la pleine capacité juridique de conclure un
contrat de travail à l'âge de 16 ans, son application ici manque la disposition dans la
législation qui pourrait mettre fin à l'exception du contrat de travail et les mineurs
qui ont atteint 15 ans.
Aucun grossiste ne peut offrir des activités pour le même bénéficiaire pour une
période de plus de 90 jours cumulatifs au cours d'une année civile.
Notez que la longueur maximale est régi uniquement fait que le travailleur
occasionnel un même bénéficiaire, ce qui signifie que pendant une année peut
fournir une travailleur occasionnel à plusieurs utilisateurs successifs.
L'employeur ne peut pas embaucher des journaliers pour travailler dans
l'intérêt d'une troisième disposition qui vient d'exclure la possibilité, d'embauche
"du personnel comme journaliers pour les agences de travail temporaire
3. LES DROITS ET OBLIGATIONS DU BÉNÉFICIAIRE
L'employeur est (art. 5) les droits suivants:
a) déterminer les activités à mener à bien les journaliers, les performances et la
durée lieu de travail;
b) exercer un contrôle sur l'exécution du travail. L'employeur doit:
c) d'établir le registre8 des travailleurs journaliers dans la forme prescrite à
l'annexe. 1, qui fait partie de la loi. Inscrivez-vous pour être tenu au siège
social des ouvriers;
d) registre complet de compagnon, avant de commencer les travaux, selon les
instructions fournies dans l'annexe. 2, qui fait partie intégrante de la présente loi;
e) présenter un registre des organismes compagnon de contrôle compétente; f)
à fournir une formation et d'information sur le travail des ouvriers qui sont à
réaliser, les risques et les dangers qui peuvent être exposés à l'exercice et les
droits des travailleurs par jour, tel que prévu par la loi. La formation a lieu
tous les jours, avant de commencer les travaux;
g) à payer les travailleurs à la fin de chaque journée de travail est convenu de
rémunération;
h) fournir, à ses propres frais, le travail et l'équipement de protection est
nécessaire en raison de la nature et la spécificité du travail de compagnon.
Le bénéficiaire a l'obligation (article 7) à enregistrer au registre des travailleurs
journaliers dans l'ordre chronologique, tous les journaliers avec qui il entretient des
relations en vertu de cette loi. Registre doit être fait tous les jours, sauf périodes ne
sont pas journaliers obtenir des services.
8
Registre spécial préparé par le bénéficiaire pour garder une trace de tous les jours
compagnon
42
Revista europeană de drept social
L'employeur doit soumettre chaque mois, au plus tard le 5 de chaque mois,
l'Inspection du travail est basée cas, un extrait du registre contenant les dossiers des
travailleurs sur le mois précédent.
L'inspection du travail permettra de centraliser, au niveau national, les données
transmises afin de vérifier que les conditions prévues par la loi. Impôt sur le
revenu dû pour le travail effectué par des compagnons est le bénéficiaire (art. 6).
Le montant de l'impôt est de 16% calculée sur le salaire brut et remises en
conformité avec l'art. 58 de la loi no. 571/2003 concernant le Code fiscal, tel que
modifié et complété9.
Les travaux entrepris sous la présente loi ne confère pas (art. 8) de la qualité de
compagnon a assuré le système public de retraite, sécurité sociale ou du système de
santé d'assurance-chômage. Il peut conclure, éventuellement, une assurance santé
et / ou à la retraite.
Pour les revenus du travail effectué par des journaliers ne sont pas en raison de
cotisations de sécurité sociale par l'intermédiaire ou le bénéficiaire.
Conformément à l'art. 9 des Normes méthodologiques approuvé par le décret
du ministère du Travail, de la Famille et de la protection sociale et le ministère des
Finances publiques10 du revenu pour les travailleurs journaliers dans la forme de
rémunération pour le travail quotidien de chaque bénéficiaire est considéré comme
un revenu de salaire, qui sont des dispositions applicables du chapitre. III revenu de
salaire "Titre III" impôt sur le revenu "de la loi. 571/2003 concernant le Code
fiscal, tel que modifié et complété.
Impôt sur le revenu dû pour les journaliers sous forme de salaire journalier
brut. La taxe est calculée par chacun des bénéficiaires des œuvres en appliquant
16% du salaire journalier brut. Le calcul et la retenue à la source en raison de
travaux effectués par les bénéficiaires de la date de chaque paiement de la
rémunération de la journée.
Remise budget de l'État de l'impôt calculé et retenu auprès de chaque
bénéficiaire interprétera des œuvres de 25 mois suivant le mois au cours duquel
ces revenus sont payés.
4. DROITS ET OBLIGATIONS DES JOBBER
Pour les travaux, le compagnon a le droit (article 9) à payer dont le montant est
établi par voie de négociations directes entre les parties.
Le montant de la rémunération horaire brut fixé par les parties ne peuvent pas
être inférieure à 2 euros / heure et pas plus de 10 lei / heure et est donnée à la fin de
chaque journée de travail, avant de signer le registre des travailleurs, le compagnon
9
10
Publié dans la Gazette officielle, Partie I, no. 927 du 23 Décembre 2003
Publié dans la Gazette officielle, Partie I, no.300 du 2 mai 2011.
43
Revue europénnee du droit social
et bénéficiaire. La preuve du paiement de la rémunération est faite par les
travailleurs journaliers signature dans le registre des travailleurs journaliers.
Le travailleur occasionnel qui entreprennent des travaux effectués en vertu de
cette loi est présumée (art. 10) qui est approprié pour la fourniture de ce travail.
Journalier est habilité, conformément à l'art. 10 par. 2 bénéficient d'un équipement
de protection et de la technologie nécessaire pour la conduite des affaires.
Il peut offrir des activités occasionnelles dans les domaines suivants (11):
l'agriculture, la chasse et de pêche, la foresterie, à l'exclusion foresterie, pêche et
aquaculture, la culture fruitière et la viticulture, l'apiculture, l'élevage, des
spectacles, la production cinématographique et audiovisuelle, la publicité, les
activités caractère culturel, relatives aux biens, activités d'entretien et de nettoyage.
Nous apprécions que cette liste exhaustive est illustrative et, comme cela peut
arriver dans l'économie et d'autres secteurs nécessitant une activité avec les
travailleurs journaliers.
Bien entendu, les situations se produit qui va créer des difficultés dans
l'évaluation comme étant l'une des activités mentionnées à l'occasion par la loi,
comme cela a été montré11 que requis par 11 points. i, les activités de manutention
de la cargaison peut être effectuées par des journaliers. Toutefois, si le travail
implique non seulement de ses manutentions et de tri, mais il est la conclusion
obligatoire d'un contrat individuel de travail. Il est également nécessaire pour les
activités de manutention du fret sont occasionnels et non répétitive. Dans le cas où
le travail effectué par une personne morale exige la manutention répétitive de la
cargaison, par exemple tous les jours, il est nécessaire qu'elles soient exécutées par
des salariés sur contrat individuel de travail, pas journaliers.
C'est parce que la loi 52/2011 définit les manœuvres comme la personne physique
est capable d'effectuer du travail non qualifié et, parfois, pour un bénéficiaire. Les
conditions dans lesquelles la société est à ce moment-employés de la fonction de
manutentionnaires, que le travail est effectué à l'occasion, mais répétitif.
5. LA RESPONSABILITÉ
Le dépassement du délai maximum de travail de l'année ou de la durée
quotidienne du travail est sanctionné (art. 12 al. 1 lettre. a) une amende de 10.000 lei.
La même peine est prévue, et si le bénéficiaire ne respecte pas les limites
fixées par la loi sur le jour de paie. Les bénéficiaires qui ne remplissent pas leurs
obligations en vertu de la nouvelle législation sur la tenue du registre et en ajoutant
au risque d'une amende de 6.000 lei (12 par 1, let. b).
Toutefois, le paiement d'impôt de 16% payable par le bénéficiaire pour le
paiement d'une amende (art. 12 al.1 lettre. c) 20.000 lei et l'interdiction de
l'utilisation des journaliers pendant toute la durée du bénéficiaire.
11
Manœuvres loi, manutentionnaires quoi?, www.manager.ro
44
Revista europeană de drept social
Infractions d'investigation et de sanctions soient effectuées (art. 13) par les
inspecteurs du travail et l'Agence nationale de l'administration fiscale.
Contre le mot fautif peut déposer une plainte auprès du tribunal dans les 15
jours suivant la réception ou de processus de communication verbale, la décision
judiciaire qui règle la plainte peut être portée en appel dans les 15 jours suivant la
notification, le service administratif tribunal. Raisons de l'appel est obligatoire.
Motifs d'appel peut être pris oralement à l'audience. L'appel suspend l'exécution de
la décision.
6. REGISTRE DES JOURNALIERS
La norme méthodologique du 29 avril 2011 la loi d'application n °. 52/2011 sur
l'exercice occasionnel des activités menées par les ouvriers, les ouvriers registre est:
a) les documents officiels de la preuve de manœuvres travailleurs journée spéciale;
b) la source de données pour l'élaboration des politiques au niveau national
dans le domaine de l'emploi et la lutte contre le travail non déclaré et les
questions fiscales;
c) les sources de données administratives pour le système d'informations
statistiques telles que les statistiques actuelles, retraçant l'évolution des
indicateurs sur l'emploi et du marché du travail, la surveillance du niveau
du travail non déclaré, notamment dans certains domaines, l'organisation
d'une enquête.
Afin d'assurer un enregistrement uniforme sur l'utilisation de travailleurs les
travailleurs de jour de travail, le bénéficiaire de travail tels que définis en vertu de
la loi n °. 52/2011, le leadership organisé et la mise à jour le registre.
L'inscription au registre est dans l'ordre chronologique pour tous les journaliers
avec qui les relations destinataire en fonction de la loi, selon les instructions
fournies dans l'annexe d'achèvement. 2 de la Loi.
Afin de remplir l'obligation prévue à l'art. 7, al. 2 de la loi no. 52/2011, le
bénéficiaire des documents soumis à l'Inspectorat Territorial du Travail une copie
du registre contenant les enregistrements du mois précédent, certifiés
"conformément à l'original."
Les bénéficiaires des œuvres qui ont établi des succursales, agences, bureaux,
lieux ou d'autres unités similaires, sans personnalité juridique, auxquels elles ont
délégué le pouvoir de conclure des relations juridiques avec les ouvriers, peut
déléguer certains de la gestion, la réalisation et la soumission à l'inspection
territoriale registre du travail des enfants.
Registre qui sera numérotées, paraphé et tenu. Bénéficiaire est conservé à
l'usine la tête et / ou, le cas échéant, à la succursale, agence, représentation, le
travail ou d'autres unités similaires, sans personnalité juridique.
45
Revue europénnee du droit social
Responsable de la conformité des documents légaux sur le leadership
bénéficiaire, complétant et la tenue du registre et est responsable de l'exactitude des
données enregistrées.
Chaque entrée dans le registre d'un nom complet compagnon est inscrite en
lettres majuscules, mention de la formation initiale et père.
Désignation de bénéficiaire est inscrite dans le registre des œuvres avec des
majuscules, sans abréviations12.
Le registre est imprimé et l'Imprimerie Nationale donne un numéro sur
chaque feuille et sa répartition est faite, la demande et le coût, l'inspection du
travail d'inspection du travail régional.
L'inclusion dans les données du Registre uniquement avec l'encre bleue ou de
pâte. Toute modification des données est entré en traversant une ligne horizontale
d'encre rouge ou coller des données d'entrée et également corriger l'encre rouge ou
de pâte, en laissant visible le cachet d'entrée précédente et la signature par le
destinataire des œuvres.
L'enregistrement des données est dans l'ordre chronologique des journaliers
utilisation.
Registre doit être fait tous les jours, sauf périodes ne sont pas journaliers
obtenir des services. Ne laissez pas des postes libres entre les pages et les pages du
registre. Sur la première page du livre est l'identification complète des travaux
d'intérêt général.
12
Les abréviations sont permises: a) S.C. - Société; b) etc - Société par actions; c) LLC - société
à responsabilité limitée;
d) S.N.C. - SNC;
e) S.C.S. - Société en commandite;
f) S.C.A. Société en commandite par actions.
46
Revista europeană de drept social
COMMUNITARIAN SOCIAL DIALOGUE – MODALITY
OF ACHIEVING SOCIAL PEACE
Radu Razvan POPESCU
PhD University Lecturer
Resume: Le mot syndicat, tire de syndic, a la fin du XIV siecle, se rattache au terme
bas latin sindiz, designant celui qui est l’avocat, le representant en justice d’une
collectivite,lequel vient lui-meme du grec sundikos, asistant de justice. L’activite szndicale
est tres normalement orientee vers la defense des droits acquis et interets,tant sur le plan
individuel que dans un cadre collectif.
Mots-cles: libertes syndicales, liberte d’adhesion, actions collectives, defense d’interets
collectifs.
A. Social dialogue regulation at the level
of the International Labour Organization
In the post-war period, I.L.O. adopted an important number of conventions
that have as regulation object fundamental human rights and liberties. Within this
framework, among the conventions considered fundamental are also those
regarding trade union freedom (Convention no. 87/1948) and the right to collective
bargaining (Convention no. 98/1949). The two conventions are closely related, the
first regulating the relations between employers, workers and their organizations
with public authorities, and the second, the relations between the owner, the
workers and their associations. Subsequently, I.L.O. elaborated several other
conventions developing the principles regulated by the two basic instruments.
Convention no. 87/1948 regarding trade union freedom and the protection of
the trade union right establishes, as fundamental principle, the freely exercised
right of workers, but also of persons becoming employed, to organize in view of
promoting and protecting their own interests. It is very interesting to notice that in
the I.L.O. vision there is no difference between the rights of the two social partners,
respectively, the workers and employers without distinction have the right to
establish and to affiliate to organizations according to their own options, in view of
protecting specific interests.
The Convention also stipulates the equality of rights of all workers, regardless
of the sector of activity in which they work, to establish a trade union.
A controversial issue, which was settled by the Convention, referred to the
possibility of establishing trade union within the armed forced and the police.
According to Convention no. 87/1948, the national legislation is entitled to
47
Revue europénnee du droit social
determine the extent to which the guarantees stipulated by this convention are also
applicable to these professional categories.
At the same time, the public authorities must refrain from any intervention of a
nature to limit this right or to prevent its legal exercise. In all cases, the dissolving
or suspending of these organizations through administrative action is forbidden;
moreover, the gaining of legal personality must not make the object of restrictive
conditions.
In order to synthesize these regulations of Convention no. 87/1948, we can
consider that the freedom of trade union or owners’ association implies:
- The freedom to establish an association and to affiliate, which implies the
elimination of any barrier of any kind;
- The right to organize in federations and confederations and to join
international organizations;
- Protection against suspension or dissolving;
- Granting certain rights and guarantees for trade unions activity, such as the
free election of leaders, forbidding the intervention of public authorities in
trade unions activity, the guarantee of leaders’ protection, including, for
limited time, after the end of their term;
- Trade union freedom is conditioned by the existence of other fundamental
freedoms – freedom of expression, inviolability etc.
The right to strike was not explicitly guaranteed through the text of this
convention. Still, the practice of applying this convention, especially the
conclusions of the Experts Commission for the application of the ILO regulations,
considered, constantly, that this right is implicitly covered by the text of the
Convention, which guarantees the right of these organizations to decide on their
own activity, on the one hand, and, on the other hand, the right to strike must be
seen as a corollary of trade union freedom; still, the right to strike is not an absolute
right; it can make the object of different national regulations, and it can be
forbidden, for certain categories of persons, who work in activity sectors vital from
the economic point of view, or it can be limited.
Convention no. 87/1948 was ratified by Romania by means of Decree no.
213/1957 and the substantial elements of this regulation were incorporated in the
Romanian legislation since 1991, when Law no. 54 of trade unions was adopted,
law which today is abrogated. The new trade unions regulation, as it is today,
established by art. 217-223 of the Labour Code and by Law no. 62/2011 regarding
social dialogue, is at the minimum compliance limit in what concerns the
exigencies of the ILO Convention no. 87/1948.
According to Law no. 62/2011, the persons employed with individual
employment contract, public servants and public servants with special statute in
the conditions of the law, cooperative members and agricultural workers
employed, are allowed, without restrain or prior authorization, to establish and/or
to join a trade union.
48
Revista europeană de drept social
Even though the Romanian law, on the one hand, promotes to great principles
of the trade union right: trade union freedom, trade union pluralism, and trade
union independence, on the other hand, limits to the maximum the protection
offered to trade union leaders, in breach even of the ILO Convention, and
established, according to art. 223 para 2 of the Labour Code, that „throughout the
duration of exercising their term, the representatives elected to the management
organisms of trade unions cannot be dismissed for reasons pertaining to the
fulfillment of the mandate their were entrusted with by the unit employees”. By
means of this measure, the trade union leaders enjoy, practically, the same
protection enjoyed by the employees’ representatives, thus, their level of protection
being limited only to the duration of the term and only for reasons pertaining to the
fulfillment of their mandate. In this way, the Convention provision which states the
need to protect trade union leaders throughout their term, but also for a limited
period after the end of this term, is breached, and on the other hand, diminishing
the level of protection, we feel that serious damage is done to the principle of trade
union freedom, by placing the trade union leaders on the same (protection) level
with the employees’ representatives.
Convention no. 98/1949 regarding the right to collective organizing and
bargaining has as objective the protection of workers who exercise their right to
organize and the promotion of collecting bargaining. In the specialty doctrine it
was considered that if Convention no. 87/1948 regulated the vertical relations
between the state and the trade unions or owners’ organizations, Convention no.
98/1949 regulates the horizontal relations between the trade unions and the
owners’ organizations.
An essential objective of the Convention was to ensure the workers’ protection
against anti-trade union discriminations, especially the refusal to be employed for
reasons pertaining to trade union affiliation or to the participation to trade union
activities, as well as against dismissal or other consequences that could be brought
forth as a result of having performed such activities.
Thus, art. 1 of the Convention stipulates proper protection against any acts of
discrimination which tend to affect trade union freedom. In order to eliminate these
anti-trade union practices in matters of employment, point 2 of art. 1 of the
Convention requests that protection refers to the following actions:
- to subordinate the employment of a worker to the condition of not affiliating
to a trade union or to stop being part of a trade union;
- to dismiss a worker or to bring damages to him/her, by any means, for reason
of being affiliated to a trade union or of actively participating to a trade union.
The proving of the anti-trade union character of a measure taken by the
employer, in reality, is very difficult to demonstrate; as the borderline between an
action with anti-trade union character and an act pertaining to owners’ power is very
frail, Recommendation no.143/1971 of ILO suggests that among the means allowing
states to fight against such practices is the inversion of the burden of proof,
49
Revue europénnee du droit social
meaning the employer’s obligation to prove that the measure was justified represents a manner of achieving a balance, fragile, between the two interests.
The second objective of the Convention was the amplification of the role of
collective bargaining. The interpretation of Convention no. 98/1949 was
performed from the perspective of a positive obligation undertaken by the states
that ratify the convention, to take measures for promoting collective bargaining
and social dialogue.
Romania ratified Convention no. 98/1948 by means of Decree no. 352/1958.
Subsequently were adopted Convention no. 154/1981 and Recommendation
no. 163/1981 regarding the promoting of collective bargaining, which completed
the ILO regulations in the matter, according to the social evolution. Convention no.
154/1981 applied to all branches of economic activity; similar to Convention no.
98/1949, the measure through which the guarantees established apply to the armed
forces and the police is left at the latitude of the national legislation of each state
that ratifies the convention; also, for public servants, the legislations of the member
states may establish specific means of applying the Convention.
Romania ratified by Law no. 112/1992, Convention no. 154/1981.
The trade union movement emerged and developed preponderantly in the fields
of industry and services. Subsequently, without being unanimously acknowledged, it
also incorporated agriculture. For reasons related to public authority, the trade union
movement in the field of public servants was difficult to establish.
ILO regulated two Conventions in these directions, respectively, Convention
no. 141/1975 regarding the organizations of rural workers, which has as purpose
the regulation of their trade union freedom, the promotion of their organizations,
and the stimulation of their participation to the economic and social development
and Convention no. 151/1978 regarding the work relations in public office, which
has as object the protection of public servants exercising their trade union right, the
right to negotiation, and the determining of the work conditions, as well as the
regulation of the differences that may occur throughout the exercise of the public
office. Neither of the two convention was yet ratified by Romania.
Through Law no. 140/2008, Romania ratified Convention no. 150/1978 regarding
work administration. On the basis of this convention, the Romanian state must:
- ensure, adequately to the internal conditions, the organization and
functioning of a labour administration system, whose functions and
responsibilities are properly coordinated;
- ensure the proper mechanisms for the consultation, cooperation and
negotiation between the public authorities and the trade union or owners’
representative organizations;
- delegate or entrust certain administration activities to some nongovernmental organizations.
50
Revista europeană de drept social
In the sense of achieving and promoting social dialogue, in a real and
efficient way, ILO adopted Convention no. 144/1976 regarding tripartite
consultations meant to promote the application of the international labour
regulations. The Convention establishes the organizing of efficient consultations, at
least once a year, between the representatives of the Government, the owners and
the trade unions, in order to put into applications the international labour
regulations. All procedural aspects will be established in relation to the national
practice, after consulting the representative trade union and owner’s associations.
Romania ratified the convention by means of Law no. 112/1992 and opted for
entrusting these duties to the Economic and Social Council regulated through Law
no. 62/2011 of the social dialogue. According to it, the ESC has, among other
duties, the task to follow the fulfillment of the obligations deriving from
Convention no. 144/1976, according to art.86, letter d.
This duty of ESC refers especially to the application of art. 5 of the
Convention, by means of which are regulated, at least once a year, the established
tripartite organisms that will have consultations at least with respect to:
- the governments’ answers to the questionnaires regarding the poitns on the
agenda of the International Labour Conference and their comments on the
text drafts that must be discussed in the conference;
- the proposals that are going to be presented to the competent authorities
with respect to the ILO conventions and recommendations, which must be
subjected to ratification before them;
- the re-examining, at reasonable intervals, of the conventions not ratified and
of the recommendations not put into application, in order to suggest the
measures that could be taken for their promotion and ratification, if any;
- the problems the annual reports presented by each member state to the
International Labour Office, regarding the measures taken for the
application of the conventions ratified by them, might pose;
- the proposals regarding the denouncing of the conventions ratified.
Not lastly, in the Report presented during the 97th session, held in the period
May 28th – June 13th, 2008, consecrated to the freedom of association, tripartitism
was considered the ground stone, the fundament of ILO.
B. Social dialogue regulation at the European Union level
By European social dialogue are understood the discussions, consultations,
negotiations and actions performed between the representatives of the two classical
parties in the labour world: trade unions and owners’ organizations established at
the European level.
As in the domestic law, in the community law, the social dialogue takes place
in a bipartite format (between the trade union and the owners’ organizations) and in
tripartite format (social partners and the European Commission).
51
Revue europénnee du droit social
Obviously, European social dialogue completes the social dialogue occurring
at the national level. It allows social partners to intervene in defining the
communitarian social norms and to play an important role in their application.
Together with the communitarian legislation, the open coordination method
and the financial instruments for the application of the policy social (mainly, the
European Social Fund), social dialogue is among the most efficient social policy
instruments of the EU. However, before continuing to the examining of this
evolution, we must stop, in short, on a very distinct EU organism, which is the
European Economic and Social Committee.
1. The European Economic and Social Committee (EESC) was established
in 1957 through the Treaty of Rome, as consultative organ which to represent, in an
expression by now classical, „the voice of the organized civil society”, reuniting –
practically – the representatives of the different segments of the economic-social
life, respectively the interest groups in Europe, especially owners’ organizations
and trade unions, but also other non-governmental organizations.
The EESC speaks on different projects of communitarian interest, mainly by
means of advisory documents, regardless of who is the project initiator – the
Commission, the Council or the European Parliament. In any case, before taking any
decision in matters of economic or social policy, regional and environmental, EESC
must be consulted as an obligation. Obviously, EESC may be consulted also with
respect to the decisions that are going to be taken in other EU action fields, as well.
The advisory documents can be requested by the EU decisional organisms – the
Commission, the Council or the European Parliament – but, EESC can also take
action ex officio, issuing a viewpoint also materialized in an advisory document.
In fulfilling its duties, the EECS issues three types of advisory documents:
- advisory documents following a request from the European Commission, the
Council or the European Parliament;
- advisory documents out of its own initiative, by means of which the EESC
expresses its opinions in all cases when it considers it opportune;
- exploratory advisory documents, in which, at the request of the Commission,
the European Parliament of even the EU Presidency, it has the task of
discussing and making proposals on a given subject, in order that – and on
the basis of which – the Commission formulates proposals accordingly.
EESC may elaborate and discuss informing reports for the examining of an
issue pertaining to the EU policies and to their possible evolutions.
Finally, EESC may adopt, at the proposal of one of its sections, of one of its
groups or of a third of its members, resolutions regarding topics of actuality for the EU.
Through its entire activity, EESC encourages civil society to involve to a
greater extent in the process of elaborating European Union public policies.
After the successive EU expansions in 2004 and, respectively, 2007, EESC is
currently composed of 344 members, a number equal to that in the Committee of
Regions.
52
Revista europeană de drept social
The EESC members are designated by the governments of the member states and
appointed by the EU Council for a 4-year term, which can be renewed, benefitting
from total political independence from the governments that designated them.
The preponderant activity of the EESC members is performed in their
countries of origin, reuniting in Bruxelles in a plenary session, usually monthly. In
the plenary session of the EESC there are established three large groups. Thus, the
Employers’ group joins members from the industrial sector, public and private,
small and medium enterprises, chambers of commerce, banking and insurance
sector, transport and agriculture. The Workers’ group represents all categories of
workers, from unqualified workers to executive managers. Finally, the
miscellaneous Activities group is constituted from the representatives of ongovernmental organizations, consumers’ associations, agricultural workers’
associations, craftsmen organizations, cooperatives and non-profit associations,
environmental protection associations, scientific and academic communities, and
associations representing the family of persons with disabilities.
Promoting the general interest, the Committee frequently finalizes its works
with a „ dynamic consensus”, respectively an advisory document or a point of
view which is the result of initially different positions, sometimes contradictory,
between the Groups established (owners’ associations, trade unions – employees,
other components of civil society) within the EESC. By consulting EESC, the
communitarian decisional organisms can evaluate the impact of the respective
proposals on civil society and, at the same time, can identify new solutions, in
order for the measures to be adopted to have the necessary support of the
European citizens.
For the purpose of consolidating cooperation, the Commission and EESC
usually sign collaboration protocols (the last of this kind being signed in November
2005) by means of which are identified a series of fields – essential – which concern,
to the same extent, the two EU organisms, such as, for instance, the Lisbon Strategy,
sustainable development, structural mutations, impact analysis and the evaluation of
communitarian regulations, as well as the EU’s foreign relations.
Actually, as form of dialogue, confrontation and cooperation, EESC
covers, at the same time, the request of democratic expression within the EU,
and its closeness towards the European citizens, developing what is
synthetically expressed as the „ European conscience”.
Obviously, apart from EESC, the communitarian social dialogue is taking
place, as in the national realm, at two levels. The inter-professional level represents
a complex dialogue regarding the entire EU economy. As indicated by the name,
the sectoral level treats the specific sectors of the European economy (transports,
agriculture, trade, financial services etc.).
The role of the European Commission within social dialogue consists of
supplying to the two parties a balances support, by preziding these reunions, as
(impartial) mediator.
53
Revue europénnee du droit social
2. Trade union organizations – at the European level – are both intersectoral, and sectoral organizations.
European Trade Union Confederation (ETUC) is considered the most
important inter-sectoral confederation. ETUC synthesizes, in general lines, the
diversity of the European trade union movement: with syndicalization rates varying
from 50% to 80%, as is the case of certain northern countries, with unitary (single)
trade unions or, on the contrary, with several trade unions in the same country, with
trade unions organized according to the criterion of trade or industry, with trade
unions having as main goal contestation and, of course, dialogue with the owners’
associations, or, on the contrary, dialogue and co-management. This diversity has,
sometimes, negative reflexes, obvious or less evident, on certain positions that
ETUC took, in time, although, without doubt, its objectives are both the promotion
of the fundamental human (and worker’s) rights, and the protection and promotion
of the social rights, in general. Through its statute, ETUC is called the „unitary and
pluralist organization, representative for the entirety of the labour world”.
ETUC materializes its efforts, among other things, for the promotion of social
stability and collective bargaining in view of improving the workers’ statute in the
labour process and, in general, in society. In time, it played an important role in the
process of elaborating and finalizing certain directives or framework agreements; it
provided a viewpoint, upon request or ex officio, on certain social-economic issues
that were going to be incorporated in the communitarian acquis1.
The European Confederation of Independent Trade Unions (ECITU) was
established in 1990, reuniting trade union organizations, mainly from the public
and semipublic sector. ECITU also has an inter-professional vocation, seeking to
represent the second EU social partner.
In the European trade union movement there are also other trade union
federations, called sectoral (representing a sector of activity), but the majority are
affiliated to ETUC, benefitting, though, of a certain autonomy, especially within
sectoral negotiations.
3. Owners’ organizations at the European level. Unlike the trade union
movement, where ETUC is obviously dominant, in the owners’ movement three
large confederations stand out, organizations that, together with ETUC negotiated a
series of collective agreements, three of them subsequently becoming directives.
Union of Industrialists in the European Community (UNICE), recently
named Businesseurope. Its origins can be traced to 1949 when the Council of
Industrial Federations in Europe (CIFE) was established, which later transformed
into the Union of Industrialists in the European Community countries, and in 1958
1
The following Romanian trade union confederations are ETUC members: Blocul NaŃional Sindical
(BNS – National trade Union Block), ConfederaŃia NaŃională a Sindicatelor din România – FrăŃia
(CNSLR – FrăŃia, National Confederation of Trade Unions in Romania - Brotherhood) and
ConfederaŃia Sindicatelor Democratice din România (CSDR – Democratic Confederation of Trade
Unions in Romania);
54
Revista europeană de drept social
became the Union of Industrialists in the European Community (UNICE), and,
since2007, after 50 years of activity, Businesseurope – the Confederation of
European Entrepreneurs. With this occasion (in 2007) its objectives were restated:
the reuniting of the central industrial federations in order to provide their solidarity,
the encouragements of a competitive industrial policy at the European level, being
a partner of social dialogue with the European trade unions, respectively with the
European Union.
Stating with a certain pride that UNICE was never a sectoral organization,
Businesseurope places in the forefront among its activities the establishing of an
official communication line with the EU institutions, the analysis of the current
problems and the coordination of the answers of European industry in the complex
process of European integration.
Businesseurope reunites more than 40 owners’ associations (exceeding SEE)
of great diversity from the viewpoint of their organizing, their conceptions,
including regarding the culture of collective relations, with decision mechanisms
mainly based on consensus (which can paralyze its activity). In doctrine, although
it is recognized as being open towards issues that are very current for the EU, it is
reproached that „sometimes, it is too reserved with respect to the heavy normative
framework (communitarian – o.n.), factor of reduction of enterprise
competitiveness”.
The Alliance of Owners’ Confederations in Romania (in original, ACPR), is
member of Businesseurope.
4. The issue of representativeness of the social partners
Acknowledging the social partners the right to be consulted in issues of
communitarian social policy, initially by means of the Agreement over social
policy, attached to the Maastricht Treaty, and, currently, through the Amsterdam
Treaty itself (art. 138 and 139 of the Treaty of Rome), the EU opened, in this way,
a difficult, complex issue at the communitarian level, respectively that of their
representativeness, especially when they negotiate collective agreements at the
communitarian level.
As in the internal realm, the representativeness of the social partners at the
European level may be, logically, legal or conventional (by means of mutual
recognition).
From this perspective, the European Commission, in relation to the extremely
diverse practice regarding trade union representativeness, acted „with prudence
towards a representativeness social model”. In time, respectively in 1993, 1996 and
2002, the Commission stated, by means of Communications entitled „for the
development of social dialogue at the communitarian level”, several
representativeness criteria accepted, implicitly or explicitly, also by EESC. In
essence, in order for representativeness at the European level to be recognized:
- the professional organization must, to the largest extent possible, be representative
in all EU member states;
55
Revue europénnee du droit social
- the professional organization may be inter-sectoral, sectoral or per category,
but, it must be structured at the European level and it must be able to
participate “efficiently to the process of European consultations”;
- the professional organization must have the ability to negotiate collective
agreements, first at the national level, by means of the composing organizations,
which can be able to give empowerment for communitarian bargaining.
Hence, representativeness must be demonstrated, and the European
Commission must watch „such as not to have installed, de facto, a presumption of
representativeness generated by the sole criterion of tradition”. In this sense,
without the list being restrictive, the Commission established a list of the
representative organizations. Thus, at the inter-sectoral level, are recognized
UNICE, CEEP, UEAPME (only for small and medium enterprises) and EESC and
at the sectoral level, more than 30 owners’ organizations and 20 trade unions
„within the limits of the sectors of activity within which they are established and
with recognized identity”. Obviously, as indicated in the specialty literature, these
criteria are not imposed except in relation to the EU and not in the mutual relations
between social partners. In fact, on their basis, the procedure applies in the current
practice between these trade union or owners’ structures.
5. Communitarian collective bargaining and agreements
A visible result of communitarian social dialogue is represented by the framework
– collective – agreements, starting with the one in 1995 regarding parental leave and
continuing with the one in 1997 regarding part time work, in 1999 regarding work for
determined time and, respectively, in 2002, with respect to tele-work.
As seen in the doctrine, the consultation of social partners, on the basis of art.
138 of the Treaty of Rome (after the modifications brought through the Amsterdam
Treaty), must not be exacerbated. Thus, of the 12 consultations performed between
years 1993-2002, 3 consultations finalized through framework-agreements which
subsequently transformed into directives, 2 framework-agreements regarding the
work time in the sector of maritime transports and civil aviation followed the same
path, while the Agreement on tele-work is firstly applied according to the own
procedures and practice of the social partners and of the member states.2
At present, social dialogue is institutionalized and practiced in all EU member
states. Social partners are consulted and express their opinions regarding different
decisions of the political power: they frequently do not exclusively remain in the stage
of social dialogue factor, but they actively participate to the application of the national
social policies within the co-management organisms established in different fields.
Currently, in Europe, can be distinguished several major orientations regarding
social dialogue, respectively collective bargaining:
2
See A. Popescu , Dreptul internaŃional şi european al muncii, 2nd edition, C.H. Beck Publishing House,
2008, p.382-389.
56
Revista europeană de drept social
- the British orientation, with a preeminent position of collective bargaining at
the level of unit and without an express legal regulation of the collective
employment contract;
- the Germanic orientation, with a priority position of collective bargaining at
the level of branch, whose results are compulsory, under the aspect of
content, for the of collective bargaining at the level of unit;
- the Latin orientation, with collective bargaining and contracts at the level of
branch, but which do not condition the base matter of the content of the
collective bargaining at the level of unit (France, Spain, Italy).
References
1. Raport general privind evoluŃia legislaŃiei muncii în Uniunea Europeană în perioada 19922010 elaborat în cadrul Comisiei Europene.
2. Andrei Popescu, Drept internaŃional şi european al muncii, C.H. Beck Publishing House,
Bucharest, 2008.
3. Ovidiu łinca, Drept social comunitar, Lumina Lex Publishing House, Bucharest, 2005, p.24.
4. Dan łop, Dreptul social şi politici naŃionale de protecŃie socială, Bibliotheca Publishing
House, Bucharest , 2008.
5. Nicolae Voiculescu, Drept muncii. Reglementări interne şI comunitare, Rosetti Publishing
House, Bucharest, 2003.
57
Revue europénnee du droit social
INÉGALITÉS DE REVENUS, REDISTRIBUTION
ET CROISSANCE EN TUNISIE: CONTRIBUTION
THÉORIQUE DANS LE CADRE D’UN MODÈLE
À GÉNÉRATIONS IMBRIQUÉES
Zahia HAMDÈNE et Lobna BENHASSEN
Faculté de Sciences Economique et de Gestion
Université de Sfax -Tunisie
e-mail: [email protected]
Abstract: In this framework, we have two objectives. First, we analyze the income
inequality in Tunisia and we present the various mechanisms of redistributions introduced
in the aim of easing the disparities of income. Secondly, we study, empirically, the link
between the income inequality, the redistribution and the economic growth using an
overlapping generation model. To make this, first we study this relation in a context where
there is a only set of redistribution: public spending. At second time, we introduce an
enrichment to the model by introducing private altruism. Our objective is to emphasize the
rule of this last one in the enfeeblement of the disparity of income and the promotion of
the economic growth.
Keywords: income inequality, redistribution, growth, overlapping generation model
Introduction
La question des inégalités et de leurs effets sur la croissance occupe une
place centrale dans le débat économique. Cette préoccupation n'est pourtant pas
nouvelle. De nombreux travaux théoriques et empiriques ont montré que les
inégalités de revenus ou de richesses stimulent la croissance (Kaldor (1956),
Stiglitz (1969), stiglitz (1969), Mirlees (1971))1. Cette idée a, plus récemment,
été appuyée par Barro (1999), Forbes (2000) et Barro (2000) qui argumentent
en faveur d'une relation positive entre l'inégalité et la croissance et qui montrent
que les inégalités sont favorables à la croissance. Toutefois, en se référant à la
littérature, plusieurs autres travaux dégagent une relation négative entre ces
deux variables et rejettent l'idée selon laquelle les inégalités présentent un
stimulant de la croissance (Alesina et Rodrick (1994), Bertola (1993), Person et
Tabelini (1994), Saint-Paul et Verdier (1996), Galor et Zeira (1993), Aghion et
Bolton (1997), Picketty (1997)…). A cet égard, la question qui se pose porte
1
Edité par OESCH D. (2001): « L'inégalité frein à la croissance? L'effet de l'inégalité des revenus sur les
taux de croissance de dix pays de l'Europe de l'Ouest », Swiss Political Science Review, 7(2), p27-48
58
Revista europeană de drept social
sur la nature de la relation entre ces deux variables: Les inégalités sont-elles
favorables à la croissance? La croissance se nourrit-elle des inégalités?
Intuitivement, on peut penser que les inégalités sont néfastes à la
croissance. Elles sont à l'origine de la délinquance, de la criminalité de
l'instabilité sociopolitique… . Elles risquent, donc, de freiner la croissance.
Pour cela, une intervention de l'Etat pour les réduire parait nécessaire. L’Etat
doit intervenir pour redistribuer de plus « riche » au plus « pauvre » afin de
dissuader les plus démunis à s'engager dans des activités déléctieuses et de
garantir par la suite un contexte favorable à l'investissement, ce qui en retour
stimule la croissance économique.
L’ensemble de ces questions motive notre travail et nous amènent à chercher
des réponses sur les questions de inégalité de revenu et de la redistribution ainsi
que leur relations avec la croissance économique pour le cas de la Tunisie. Pour
cela, nous procédons, en premier lieu à une analyse détaillée de l’inégalité de
revenu au sein du pays. En second lieu, en se basant sur un modèle à génération
imbriquée de Bénabou (1996) et en se référant à des données couvrant la période
1972-2003, nous étudions, dans un premier temps, le lien entre l’inégalité de
revenu, la redistribution et la croissance dans un contexte d’absence d’altruisme
privé. Ensuite, vu que l’altruisme privé est une cotûme bien ancrée en Tunisie se
manifestant essentiellement à partir de la mise en œuvre d’un large nombre de
programme sociaux financés en grande partie par des fonds privés, nous
procédons à un enrichissement personnel du modèle de départ. L’objectif visé est
double: introduire une seconde forme de redistribution dans le modèle et étudier
l’incidence des transferts privés sur la croissance ainsi que leur rôle dans
l’atténuation des inégalités de revenu.
I. Les inégalités de revenus en Tunisie
En Tunisie, et en absence de statistiques fiables et d’enquêtes sur les
revenus, les inégalités sont décelées à partir de la dépense annuelle moyenne2
pour un groupe de ménages donné (Enquête Nationale sur la consommation et
le budget des ménages, 1980). La dépense moyenne d’un groupe de ménages
constitue donc un indicateur du niveau de revenus. Une dizaine de tranches
des dépenses par personne et par an ou par ménage et par an est définie. Les
2
La dépense annuelle moyenne par ménage se décompose comme suit :
- Dépenses monétaires de consommation de biens et de services
- Dépenses d’autofinancement pour l’acquisition et la construction de logement
- Evaluation de l’autoconsommation alimentaire
- Evaluation de dons reçus en nature
- Evaluation des avantages en nature
- Evaluation des services de logement pour tout ménage propriétaire de son logement ou logé gratuitement
59
Revue europénnee du droit social
calculs sont faits sur la base de la répartition des ménages, de la population et
de la masse des dépenses annuelles suivant ces tranches. Une étude
approfondie des inégalités de revenus permet de dégager que les disparités de
revenus varient considérablement au niveau national, selon le milieu (urbain ou
rural) et les régions.
1. Les inégalités de revenus au niveau national
L’analyse de la distribution des dépenses permet de dégager deux constats
importants. Premièrement, la distribution de revenus a tendance d’être de plus en
plus égalitaire. Les écarts inter-déciles enregistrent une légère tendance à la baisse.
L’évolution du premier et du neuvième décile entre 1975 et 2000 permet de
constater que le rapport (D9/D1) a baissé tout au long de cette période:
Evolution du 1er et du 9ème décile selon le niveau des dépenses entre 1975 et 2000
1er décile
9èmedécile
D9/D1
1975
1980
1985
1990
1995
2000
39
285
68
475
134
890
218
1356
315
1953
412
2537
7.367
6.985
6.6641
6.22
6.2
6.157
Source: Les six dernières enquêtes nationales sur le budget et la consommation des ménages
Deuxièmement la proportion de la population se situant en bas de l’échelle
de distribution est en baisse continue. La proportion de la population appartenant
à la première classe de revenus (dépense par personne et par an<400d31 a baissé
considérablement sur la période 1985-2000. Elle est passée de 25.1% en 1980 à
16% en 1990 et à 9.3% en l’an 2000. D’autre part, la classe de la population se
situant en haut de l’échelle (dépense par personne et par an >2400d) est en
croissance continue depuis 1980. Cette évolution, en sens opposé, du niveau des
dépenses de la population appartenant aux deux extrémités de l’échelle de la
distribution peut être clairement saisie à partir du graphique suivant:
3
Le seuil de 400d représente la dépense moyenne par personne et par an pour un ménage composé
de 5 personnes dont 1 seul membre actif est occupé ayant un salaire proche de SMIG -régime 40
heures- en vigueur en l’an 2000(168d par mois
60
Revista europeană de drept social
Source: ‘l’auteur à partir des données tirées de l’enquête nationale sur le budget, la
consommation et le niveau de vie des ménages, 2000
D’après le graphique, deux types de résultats peuvent être envisagés: Une
réduction de la proportion de la population ayant un revenu inférieur à 600d et une
croissance continue de la classe de la population dépensant plus que 800d.
L’évolution, en sens opposé, de la répartition de la population appartenant aux deux
extrémités de l’échelle de la distribution s’explique, essentiellement, par l’impact des
différents programmes consacrés en faveur de la population déshéritée et des zones
ombres. Les différents programmes et politiques mises en œuvre en faveur des plus
démunis (le Fond National de Solidarité, le Fond National de l’Emploi, les aides aux
familles nécessiteuses…) ont permis de réduire la pauvreté, source première des
inégalités. En effet, la Tunisie a enregistré une baisse très appréciable de la
population pauvre et du taux de pauvreté. La pauvreté a diminué, considérablement,
sur la période 1980- 2000. Elle est passée de 12.9% en 1980 à 7.7% en 1985. Ce
recul de la pauvreté s’est poursuivi pour les années suivantes. Le taux de pauvreté a
encore légèrement diminué en passant de 6.7% à 6.2% entre 1990 et 1995. Il a
atteint un niveau de 4.2% en l’an 2000. Ainsi, la réduction de la proportion de la
population pauvre, accompagnée d’une croissance économique appréciable de
l’ordre de 5%, s’est traduite par une amélioration du niveau de vie des citoyens.
La question qui se pose à cet égard est la suivante: Les inégalités se sont-elles
affaiblies suite à l’amélioration du revenu des classes inférieures ? La réponse à cette
question peut être visualisée à partir de l’évolution de l’indice de GINI dans le temps
(voir graphique). Il ressort des cinq dernières enquêtes sur le budget de ménages que
l’indice de GINI évolue tantôt à la baisse et tantôt à la hausse. Il est passé de 43% en
1980 à 43.4% en 1985. Puis, il a diminué de 3 point et a atteint 40.1% en 1990. En
1995, il a enregistré une légère hausse pour atteindre un niveau égal à 41.7%. Et en
l’an 2000, il a diminué légèrement de moins d’un point (40.9%)
61
Revue europénnee du droit social
Source: l’auteur à partir des données tirées des cinq dernières enquêtes
sur le budget des ménages
Donc, il s’ensuit que l’amélioration des conditions de niveau de vie au sein des
ménages ne peut pas s’expliquer par une distribution plus égalitaire des fruits de la
croissance économique. Egalement, il faut noter que les inégalités de revenus sont
inégalement reparties entre les milieux: La tendance égalitaire est plus ressentie en
milieu rural, appelé aussi milieu non communal qu’en milieu urbain ou communal.
2. Milieu urbain, milieu rural
L’analyse comparative de la concentration des dépenses montre que les
inégalités sont plus prononcées en milieu communal (urbain) qu’en milieu non
communal (rural). Cette idée est bien saisie à partir de l’examen attentif de
l’évolution des inégalités dans les deux milieux et au niveau national.
Source: l’auteur à partir des données tirées de l’enquête sur le budget des ménages, 2000
62
Revista europeană de drept social
Le graphique ci-dessous soulève que l’évolution de la répartition de la
population selon les classes sociales et selon les milieux de résidence reflète une
nette amélioration de la distribution de revenus dans les deux milieux, communal
et rural. En effet, dans le milieu communal, la proportion de la population qui
dépense moins de 400d par personne et par an (au prix de l’an 2000) est passée
de 10.8% en 1980 à 6.4% en 1990 et à 3.8% en 2000. Cette baisse de la
population située en bas de l’échelle est compensée par un élargissement de la
proportion de la population ayant des niveaux des dépenses plus élevés. La
proportion de la population qui dépense plus que 2400d est passée, en communal,
de 7.5% à 10.9% et à 16% au cours de la même période. Concernant le milieu
non communal, la proportion de la population appartenant à la classe inférieure
(<400d par an et par personne) est en baisse continue depuis 1980. Elle est passée
de 46.6% en 1980 à 29.8% en 1990 et à 18.6% en 2000. Celle de la population
qui dépense plus que 2400d, évolue à la hausse et passe de 0.7% à 1.7% et à
3% au cours de mêmes périodes. Il s’en suit, qu’au niveau national, la proportion
de la population appartenant à la classe inférieure se réduit davantage. Et celle de
la classe supérieure s’élargie
Ainsi on peut conclure que la persistance des inégalités de revenus
s’explique, essentiellement, par le fait que la baisse de la proportion de la
population se situant en bas de l’échelle de la distribution, est largement
compensée par une hausse continue de proportion de la population appartenant
à des classes des dépenses supérieures.
3. Disparités régionales de revenus
D’après les cinq dernières enquêtes sur le budget des ménages, on
constate que les inégalités sont plus prononcées dans le District -Tunis et le
Centre- Est et plus faibles dans les régions de Sud-Ouest et de Centre Ouest.
En effet, pour l’an 2000 et en termes de consommation, le premier décile ne
consomme qu’une fraction de 0.54% du total des dépenses de consommation
de la région (District Tunis). En revanche, le dixième décile détient 42.59%
de la masse des dépenses. En d’autres termes, les 10% les plus riches
consomment à peu près 79 fois plus que les 10% les plus pauvres. Pour le
Centre-Est le rapport inter décile est supérieur à 34. Toutefois, au CentreOuest, les inégalités de revenus sont moins prononcées: Le rapport inter
décile (D10/D1) ne dépasse pas 2.5.
63
Revue europénnee du droit social
Le rapport inter décile par région pour l’année 2000
Milieu2
District Tunis
Nord -Est
Nord -Ouest
Centre -Est
Centre -Ouest
Sud -Est
Sud -Ouest
D10/D1
78.87
8.04
6.34
34.5
2.34
5.48
3.86
Source: Calcul fait à partir de l’enquête sur le budget des ménages, 2000
Cependant, il faut noter que dans ces deux régions « favorisées » (le District de
Tunis et le Centre -Est), la pauvreté est réduite. En effet pour le District de Tunis,
uniquement, 2.74% de la population de la région appartient au premier décile. Pour
le Centre-Est, seulement 5.52% de la population de cette région appartient à la
classe des 10% les plus pauvres. Et la plupart des individus se situent dans les
quatre déciles supérieurs (67.38% et 62.04%) respectivement.
En somme, bien que les inégalités de revenu ne soient pas sensiblement réduites
en Tunisie, on assiste à une augmentation très appréciable de la part de revenu
détenue par les classes inférieures de la population. L’augmentation de revenu des
plus démunis et la réduction de la pauvreté, par conséquent, est attribuable en grande
partie aux différents programmes sociaux mis en œuvre par le gouvernement tunisien
dans le but d’assurer une vie saine aux plus démunis de la société
II. Inégalités de revenus, redistribution et croissance:
application d’un modèle à générations imbriquées
au cas de la Tunisie
1. Présentation du modèle 5
Nous considérons une économie à générations imbriquées où les individus
vivent deux périodes t et t +1. A la naissance les agents ont une dotation initiale en
2
Le découpage régional adopté comporte 7 grandes régions
District de Tunis : composé des gouvernorats de Tunis, Ariana, Ben Arous et Mannouba
Nord Est : gouvernorats de Bizerte, Nabeul et Zaghouan
Nord Ouest : gouvernorats de Béja, Jendouba, Kef et Siliana
Centre Est : gouvernorats de Sousse, Monastir Mahdia et Sfax
Centre Ouest : gouvernorats de Kasserine, Sidi Bouzid et Kairouan
Sud Est : gouvernorats de Gabès, Médenine et Tataouine
Sud Ouest : gouvernorats de Gafsa, Tozeur et Kébilli
5
Le modèle que nous présentons est inspiré de celui du Bénabou (1996). La seule différence est au
niveau de l'expression du revenu de la seconde période (équation 1). Benabou l'exprime en fonction
de la richesse initiale. Alors que pour nous, ce revenu dépend des dépenses publiques.
64
Revista europeană de drept social
capital humain W it . Au cours de la première période (t), ils investissent en capital
humain et choisissent au moyen de vote le taux de prélèvement qui permet de
redistribuer les richesses.
i
Au cours de la seconde période, ils obtiennent un revenu Y t à partir de
l’investissement de k it effectué lors de la première période et de dépenses
publiques productives g t (dépenses d’éducation). Ce revenu est intégralement
consommé et a l’expression suivante:
i
i
α
1−α
Y t = r ( k t ) (g ) ;
0< α <1
(1)
∧
t
Avec:
- r: paramètre de productivité
∧
i
- k t :L’investissement après impôt ou subvention, effectué par l’agent i
∧
i
L’expression de k t est une fonction de k it , tel que k it représente le montant
épargné et destiné à l’investissement et qui fait l’objet d’une politique redistributive
impliquant tantôt une subvention et tantôt une taxation de l’investissement selon le
schéma suivant:
∧i
~
i
k t = (k t ) 1 − τ ( k t ) τ ;
0<τ <1
(2)
~
k t représente le seuil de ponction ou de subvention suivant le cas:Les agents
~
~
pour lesquels k it > k t sont ponctionnés. Inversement, ceux pour qui k it < k t sont
subventionnés.
A tout moment, l’Etat équilibre son budget. Ceci peut s’écrire comme suit:
∫
1
0
~
( k it )1− τ ( k t ) τ di =
1
∫ k di
0
i
t
(3)
Les dépenses publiques (dépenses d’éducation) sont financées par une taxe
proportionnelle au revenu de la première période qu’on note τ. Le taux de
prélèvement τ est identique à celui présent dans le mécanisme de ponction subvention
de l’investissement. Le budget de l’Etat est toujours équilibré, donc, on aura:
∫
1
g t = τ w it di
(4)
0
Etant donné que les agents vivent deux périodes, ils cherchent donc à
maximiser leur utilité inter temporelle dont l’expression est la suivante:
U it = log c ti + ρ log d ti
(5)
65
Revue europénnee du droit social
i
i
Avec c t et d t désignent, respectivement, la consommation de la
première et de la seconde période de l'agent né à la date t.
Nous supposons suppose, encore, que les agents sont financièrement rationnés.
En effet, sur le marché de crédit et en présence d’imperfection de l’information, un
phénomène d’aléas moral se produit et fausse la perception des créanciers envers
leurs débiteurs. Les créanciers, agents à capacité de financement, cherchent donc à
sécuriser leurs transitions en exigeant un certain nombre de garanties. Et par
conséquent, les agents pauvres seront financièrement rationnés. Nous considérons
qu’il n’y a aucune possibilité de crédits (absence d’un marché de crédit par soucis
de simplification). Cette méthode de modélisation de rationnement financier est
largement répandue dans la littérature. Elle est utilisée dans des nombreux travaux:
Benabou (1996), Benabou (2000) Desdoigts et Moizeau (2001).
L'équation de la consommation de la première période est purement comptable
et se présente comme suit:
C t = w it (1 − τ ) − k it
(6)
Sous l'hypothèse que les agents consomment l'intégralité de leur revenu en
seconde période, on peut écrire:
d it = yti = r [ kˆti ]α ( g t )1−α
Ce qui revient à écrire l'équation suivante:
~
d it = r [( k ti ) 1 −τ ( k ) τ ] α ( g t ) 1− α
(7)
Le programme de maximisation d’un agent i appartenant à la génération t
s’écrit donc:
~
Max k i [log w it (1 − τ) − k it ] + ρ log[r (k it )1−τ (k ) τ ]α .(g t )1−α ]
(8)
La condition de premier ordre par rapport à kti donne:
⇒
−1
+
w it (1 − τ ) − k it
ρα (1 − τ )
y it
y it
k it
=0
(9)
Le niveau d’investissement d'équilibre est atteint si l’équation (9) est vérifiée.
⇒ k it =
Avec:
ρα (1 − τ ) 2
w it = S ( τ ) w it
1 + ρα (1 − τ )
S(τ) =
(10)
ρα(1− τ)2
1+ ρα(1− τ)
Selon l’équation (10), en présence d’un marché de crédit imparfait,
l’investissement dépend du niveau de revenus de la première période de vie. Le
66
Revista europeană de drept social
revenu de la première période est supposé suivre une loi log-normale de moyenne
m et de variance ∆ 2 soit;
i
log
N (m, ∆ 2 )
wt
L’expression du revenu de la seconde période est, comme déjà avancé, dit = yit .
Etant donné que k it = S(τ) w it et que la taxe prélevée par l’Etat est proportionnelle au
revenu de la première période et sert pour l’essentiel à financer les dépenses
publiques ( gt peut s’écrire comme gt = τwt ), y it peut s’écrire de la manière suivante:
~
~ ) ατ .w 1−α
yit = r[(kit )1−τ (k)τ ]α (gt )1−α = r (S(τ) α (τ)1−α .( w it ) α (1− τ ) .( w
t
t
(11)
D’après l’équation (3), on a:
1
∫ (k )
0
En remplaçant k
i
t
i 1−τ
t
1
~
( k ) τ di = k it di
∫
0
par son expression, on obtient:
~
w
w 1− τ
⇒ (
)τ =
w
E [( w it ) 1 − τ ]
(12)
Sous l’hypothèse que le niveau de productivité atteint par la génération t
s’incarne mécaniquement aux individus de la génération t+1 avec une proportion
i
i
Є t +1 . Tel que Є t +1 est un choc iid. On peut écrire:
yt +1 = Є
i
t +1
yt
(13)
Par conséquent, le taux de croissance économique de long terme de
l’économie est:
G t = log
yt
w
Y
= log[ t +1 ] = log t
wt
y t −1
wt
Tout calcul fait, G t devient égal à
G t = log r + α log S ( τ ) + (1 − α ) log( τ ) − α (1 − α )(1 − τ 2 )
∆2
2
(14)
D’après cette dernière équation, une distribution plus inégalitaire de revenus
réduit la croissance (toute augmentation de ∆2 réduit la valeur de G t ) sous
l’hypothèse des rendements marginaux décroissants de l’investissement ( α<1).
Nous concluons donc que la présence d’une relation négative entre inégalités et
croissance se justifie essentiellement par le fait que les agents à forte productivité
marginale (les pauvres) sont financièrement rationnés. Dès lors, une redistribution
en faveur de ces derniers peut desserrer la contrainte de crédit et par conséquent
générer un effet positif sur la croissance.
67
Revue europénnee du droit social
2. Application du modèle au cas de la Tunisie en absence d’altruisme privé
2.1. Estimation
Comme on l'a déjà mentionné, on va vérifier empiriquement la nature de la
relation entre inégalités et croissance, d’une part, et celle entre redistribution et
croissance d’autre part pour le cas de la Tunisie en absence d’altruisme privé; la
redistribution de revenu s’effectue uniquement moyennant les taxes. L’estimation
va porter sur des données tunisiennes pour la période 1972-2003. La méthode
d’estimation est celle des moindres carrés ordinaires. Et l’équation à estimer est:
G t = β 0 log( PTF ) + β1 log( INV ) + β 2 log( TAX ) + β 3 ( GINI ) + β 4 ( GINITAX ) + ε t
Avec
- G t : le taux de croissance économique. Il est représenté par le PIB/tête
- PTF: productivité globale des facteurs. Elle est calculée à partir du rapport
suivant: PTF = log(
PIB
) (6)
K α L1 − α
- INV: l’investissement en % du PIB
- TAX: les taxes sur les revenus en % du PIB
- GINI: l’indice de GINI qui reflète le degré d’inégalité de revenus des
ménages
- GINITAX: une variable mesurant l’effet combiné de l’inégalité et de la
redistribution sur la croissance.
-
εt : terme d’erreur
2.2. Résultats de l’estimation
L’estimation par la méthode des moindres carrés ordinaires de l’équation
(14) donne les résultats suivants
Variables
LTAX
GINI INDEX
GINI TAX
coefficients
0.842044
-0.140039
1.331536
t-statistic
2.407144
-4.582943
7.776516
L’analyse des résultats dégagés à partir de l’application du modèle sur des
données tunisiennes révèle que R2 est proche de 1 (R-squared est égale à 0.966241).
Autrement dit les variables introduites expliquent bien la variable endogène G t .
Donc, l’équation estimée est statistiquement significative sur le plan économique.
6
Voir Jamal Bouoiyour et Mimoun Yazidi (1997) : productivité et ouverture en Afrique de Nord : Une
étude empirique, Université de Pau et des pays de l’Adour France
68
Revista europeană de drept social
Autrement dit, l’application de ce modèle sur le plan empirique est légitime. De
même, les deux variables inégalités (GINIINDEX) et redistribution (LTAX) ont le
signe attendu. En effet, le coefficient associé à l’indice de GINI est de signe négatif.
D’où, on peut affirmer que, pour le cas de la Tunisie, les inégalités de revenus ont un
effet négatif sur la croissance économique. Ce résultat confirme, en large mesure, la
théorie économique prévoyant une relation négative entre les inégalités de revenus et
la croissance. Encore, ce résultat coïncide avec plusieurs autres travaux empiriques
qui ont dégagé un signe négatif entre ces deux variables (Alesina et Rodrick (1994),
Bourguignon (1998), Deninger et Squire (1996), Alesina et Perotti (1996)).
Concernant la redistribution, le coefficient associé à la taxation est positif et
significatif au seuil de 5%. On peut, donc, conclure que la redistribution en Tunisie a
exercé, tout au long des 30 dernières années, un effet positif sur la croissance
économique. Ce résultat concorde avec toute une branche de la théorie économique
insistant sur l’importance de la redistribution dans la promotion de la croissance
(l’imperfection du marché de crédit, la redistribution via les dépenses publiques
productives…). De même ce résultat est similaire à plusieurs autres études empiriques
concluant à l’existante d’une incidence positive de la redistribution sur la croissance
économique (Perotti (1992), Verdier (1993), Aghion et Bolton (1997)).
3. Incidence de l’inégalité de revenu et de la redistribution en présence de
l’altruisme privé
3.1. Introduction de l’altruisme privé
Une lecture attentive du modèle de Bénabou (1996) nous permet de détecter
deux limites. Premièrement, les individus qui composent l'économie sont non
altruistes. Chaque individu s'intéresse uniquement à son bien-être. Deuxièmement,
Bénabou ne prend en compte qu'une seule forme de redistribution, celle qui s'opère
via les dépenses publiques productives. Or, les dépenses publiques ne sont ni les
seuls instruments de redistribution, ni les plus efficaces. Pour surmonter ces deux
limites, nous nous proposons de fournir un enrichissement personnel en
introduisant une deuxième forme de redistribution à côté des dépenses publiques
représentée: les transferts privés. Les transferts privés introduites prennent la forme
d’un transfert ascendant parents-enfants sous forme d’un investissement en capital
humain et un transfert ascendant de sens inverse. En effet, les parents altruistes
financent en grande partie l’éducation de leur descendants au moyen d’un transfert
et et tirent profit de la maximisation de bien-être de ces derniers. Egalement, au
cours de la seconde période de sa vie, l’individu représentatif s’intéresse au bienêtre de ces parents et leur alloue une partie lt de son revenu de seconde période. En
somme, un individu représentatif reçoit au cours de la première période un transfert
privé auprès de ces parents sous forme de financement de dépenses éducatives. En
seconde période, il finance à son tour l’éducation de ces descendants et effectue des
transferts en faveur de ces parents.
69
Revue europénnee du droit social
Il s’ensuit que ce type de transfert va agir sur l’investissement en capital humain
qui sera financé en partie par l’Etat via la fourniture des dépenses publiques
productives et en partie au moyen de transfert altruiste privé et et par conséquent sur
le niveau de revenu de la seconde période ainsi que sur la fonction d’utilité.
i
Ainsi, toute chose égale par ailleurs, le revenu de la seconde période yt peut
s'exprimer comme suit:
y it = r (k̂ it ) α (g t ) β (e it −1 ) γ
;
α +β + γ =1
∧ i
En replaçant k t par son expression, le revenu de la seconde période peut
s'écrire comme suit:
~
yit = r[(k it )1−τ ( k t ) τ ]α (g t )β (eit −1 ) γ
Ce revenu est destiné à la consommation, aux transferts en faveur des
descendants en finançant les dépenses éducatives (transferts descendants) et au
soutien des parents (transferts ascendants). Ainsi
y it = d it + e it + l it
Avec:
- d ti : la consommation de la deuxième période
- eti : les transferts privés effectués par l’individu i au profit de ses
descendants sous forme d’un financement de l’éducation
- l ti : les transferts effectués par l’individu i en faveur des ses ascendants;
On suppose que la consommation de la deuxième période est le résidu de
revenu après transferts. En effet, les individus altruistes s’intéressent, en premier
lieu, à satisfaire les besoins de leurs enfants et ceux de leurs parents.
Etant donné que les individus vivent deux périodes, ils cherchent donc à maximiser
leur utilité inter temporelle. Cette dernière s'exprime de la manière suivante:
U it = log c it + log e it −1 + ρ log d it + θ log e it + λ log l it
Où cit et d it désignent la consommation de la première et de la seconde période,
respectivement, et eti les transferts privés reçus lors de la première période sous
forme d’un investissement en capital humain (financement de l’éducation par les
parents lorsque l’individu i est jeune)
En remplaçant cit et d it par leurs expressions, la fonction d'utilité inter
temporelle d’un agent i appartenant à la génération t s’écrit donc:
~
Uit = log(w it (1 − τ) − k it ) + ρ log r[ [(k it )1−τ ( k) τ ]α .(g t )β (eit −1 ) γ − eit − lit ] + logeit −1 + θ log eit + λ log lit
En remplaçant k it par son expression dans la fonction de revenu de la seconde
période et étant donné que la taxe prélevée par l’Etat est proportionnelle au revenu
70
Revista europeană de drept social
de la première période et sert pour l’essentiel à financer les dépenses publiques ( gt
peut s’écrire comme gt = τwt ), y it peut s’écrire de la manière suivante:
[
~ ) ατ τβ w β (e i ) γ
y it = r S( τ) α ( w it ) α (1− τ ) ( w
t
t
t −1
]
Ainsi, le revenu de la seconde période dépend de la productivité du capital, du
taux de prélèvement mais aussi des transferts privés.
Le revenu global de l'économie étant l'agrégat de revenus individuels, il se
présente comme suit:
[
~ )ατ τ β w β ( w )α (1−τ ) e
Yt = r S (τ )α ( w
t
t
t
t −1
γ
]
En préservant l’hypothèse selon laquelle le niveau de productivité atteint par la
génération t s’incarne mécaniquement aux individus de la génération t+1 avec une
proportion ε t + 1 (yt+1 = ε t +1 y t ) , le taux de croissance économique est:
 y 
w 
y 
G t = log  t  = log  t +1  = log  t 
 y t −1 
 wt 
 wt 
~ ) ατ ( w ) β e γ 
 r [ S (τ ) α τ β ( w t ) α ( 1 − τ ) ( w
t
t
t −1
G t = log 

wt


1−τ
~
w
w
Etant donné que
( )τ =
w
E [( w ti ) 1−τ ]
Et sous l'hypothèse que les revenus de la première période suivent une loi lognormale de moyenne m et de variance ∆ 2 , log w t
N (m, ∆ 2 ), Gt devient:
G t = log r + α log S (τ ) + β log τ + γ log e t −1 − α (1 − α )( 1 − τ ) 2
∆2
− γ log w t
2
Rappelons que:
- r: paramètre de productivité,
- S (τ ) : La part de richesse investie,
- τ : Le taux de prélèvement,
- w t : la richesse initiale d'une économie,
- e t −1 : L'ensemble de transferts privés reçus lors de la première période,
- ∆ 2 : variance de revenus de la seconde période
D'après cette dernière équation (14)', on constate que la redistribution publique
demeure favorable à la croissance économique. Elle permet d'atténuer les inégalités
et par conséquent d'améliorer la croissance économique. Encore, les inégalités
exercent un effet négatif sur la croissance. Et les transferts privés déprime l'effet
nuisible des inégalités et stimulent la croissance économique
71
Revue europénnee du droit social
Ce raisonnement reste t-il vrai sur le plan empirique? Autrement dit,
l'existence d'une relation positive entre transferts privés et croissance est-elle
vérifiée empiriquement?
3.2. Application du modèle au cas de la Tunisie
Pour vérifier s'il existe ou non une incidence positive des transferts privés sur
la croissance économique, on va se référer au cas de la Tunisie et appliquer le
modèle sur des données Tunisiennes pour la période 1972-2003. Les transferts
privés seront représentés par les dons fournis au profit du Fond National de
Solidarité (FNS), organisme par lequel passe une grande part des dons offerts par
les institutions et les acteurs privés. Toutes choses égales par ailleurs, l'équation à
estimer est:
log G
t
= β 0 log( PTF ) + β 1 log( INV ) + β 2 log( TAX ) + β 3 GINIINDEX
+ β 4 GINITAX
+ β 5 log( TR ) + ε t
Avec:
- TR: transferts privés constitués par l'ensemble des dons fournis au FNS
La méthode d’estimation est celle des moindres carrés ordinaires. L'estimation
est faite sur des données tunisiennes couvrant la période 1972-2003. Les résultats
de l’estimation sont reproduits dans ce qui suit (pour plus de détails voir annexe 3):
variable
GINIINDEX
GINITAX
LTAX
LTR
coefficient
-0.008290
0.330625
1.097696
0.447685
t-statistic
-2.152128
5.105467
2.603342
5.247532
Les résultats de l’estimation démontrent clairement que l’introduction des
transferts privés, à côté des dépenses publiques productives est raisonnable. En effet, la
nouvelle variable introduite exerce un effet positif et significatif sur la croissance
économique. Le coefficient associé à cette dernière variable est positif et significatif.
De même, l’introduction des transferts n'affecte pas la qualité de l'ajustement (R2 est
égale à 0.812416) et atténue l’incidence négative des inégalités sur la croissance
économique: En absence des transferts et en présence d'une seule forme de
redistribution (la redistribution publique), le coefficient associé à l’indice de GINI est
de l’ordre de (-0.140039). Ce coefficient, en présence des transferts privés, diminue et
atteint (-0.008290). En d’autres termes, dans la première spécification, une
augmentation de l’inégalité de revenus d’un point de pourcentage réduit la croissance
économique de 0.14%. Dans la seconde, et suite à l’introduction des transferts privés,
une hausse de l’inégalité d’un point de pourcentage induit une diminution de la
croissance de l’ordre de 0.008% uniquement. Ainsi, pour la Tunisie, les transferts ont
permis d’atténuer l’effet néfaste de l’inégalité et ont, par conséquent, favorisé la
croissance économique. Il est à noter, toutefois, que l’effet des transferts sur la
72
Revista europeană de drept social
croissance peut être plus important si on estime notre modèle sur la période des années
quatre-vingt-dix. Ce raisonnement s’explique par l’importance des transferts tout au
long de cette période suite au développement et à la création des fonds spéciaux et des
institutions publiques en faveur des plus démunis et à l’importance des montants
transférés envers les plus défavorisés et les familles nécessiteuses.
Conclusion
En se référant à la théorie économique, on a relevé qu’il n’existe de consensus
ni sur l’incidence de l’inégalité sur la croissance ni sur le lien entre la redistribution
et la croissance. De plus, les pistes de recherche sur ces deux sujets restent
fructueuses. Vu l’ambiguïté des signes associant les inégalités de revenus et la
redistribution à la croissance économique, on a étudié ces deux types de liens pour
un cas précis; le cas de la tunisie.
L’étude est faite par l’estimation de deux modèles à générations imbriquées sur
des données tunisiennes pour la période 1972-2003. Le premier est celui de Bénabou
(1996). Le second est un enrichissement personnel de ce dernier. L'enrichissement
consiste à introduire des hypothèses additionnelles au modèle de départ. En effet, dès
lors que Bénabou (1996) ne considère qu'une seule forme de redistribution, celle qui
s'opère via les dépenses publiques productives, on a introduit les transferts privés
comme deuxième forme de redistribution. Les transferts privés introduits dans notre
modèle fonctionnent comme étant une externalité qui peut influencer les revenus
individuels. Ils nous ont permis de rendre le modèle plus riche et plus proche du
monde réel et de surmonter les limites du modèle de Bénabou (1996).
Notre objectif de départ est de relever l'effet des inégalités ainsi que
l'incidence de chaque composante de redistribution (redistribution publique et
transferts privés) sur la croissance économique: Qui contribue le plus à
l'amélioration de la croissance économique? Est-ce que ce sont les dépenses
publiques ou les transferts privés? Toutefois, et faute de statistique fiable sur les
transferts privés, l'étude empirique de notre modèle est faite en prenant en compte,
uniquement, les dons fournis au profit de FNS, organisme par lequel passe une
grande part des dons offerts par les organismes et les acteurs privés. Ainsi, les
transferts privés intégrés sont sous-évalués du fait qu'il existe plusieurs autres
formes de transferts mais qui ne sont pas déclarés (charité, allocations familiales,
aides…). Par conséquent, on s'attend à ce que l'incidence des transferts privés sur
les inégalités ainsi que sur la croissance économique soit sous-évaluée.
Les résultats dégagés à partir de la validation empirique de deux modèles
mentionnés confirment l’existence d’une relation négative entre les inégalités et la
croissance et d’un lien, de signe opposé, entre les deux variables redistribution et
croissance. Il est à noter que les transferts privés introduits atténuent l'effet nuisible des
inégalités et améliorent par la suite la croissance économique du pays. Néanmoins,
73
Revue europénnee du droit social
notre analyse des inégalités de revenus et de la redistribution et de l’incidence de ces
deux variables sur la croissance économique du pays reste d’ordre général. Une
analyse plus approfondie et plus détaillée est réclamée. Il sera plus utile de déterminer
avec précision l’ensemble de facteurs générateurs des inégalités, la contribution de
chaque secteur d’activité dans la formation des inégalités ainsi que la contribution de
chaque outil de redistribution à la réduction de l’inégalité de revenu.
Bibliographie
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consommation des ménages »
Institut National de Statistiques (1980):« Enquête nationale sur le budget et la
consommation des ménage »
Institut National de Statistiques (1985): « Enquête nationale sur le budget et la
consommation des ménages »
Institut National de Statistiques (1990): « Enquête nationale sur le budget et la
consommation des ménage »
Institut National de Statistiques (1995): « Enquête nationale sur le budget et la
consommation des ménages »
Institut National de Statistiques (2000): « Enquête nationale sur le budget et la
consommation des ménages »
74
Revista europeană de drept social
LA FUITE DES CERVEAUX: EXIL FORCE
OU MAL ETRE DE L’INTELLECTUEL AFRICAIN ?
Par Brice Arsène MANKOU,
Doctorant en Sociologie des migrations, Chercheur au Clersé –
Université de Lille 1 et chargé d’enseignement à l’université du Littoral
Côte d’opale, à l’école supérieur de Commerce du Pas de calais
(ESCIP) et à l’école des éducateurs spécialisés de St Omer et Lille.
Abstract: Africa is a continent which every year attends powerless in the massive
exodus of its frames (executives) and elites. Nevertheless, one of the indications of the
development of a country is the number of the well trained(formed) frames(executives); Q'
we speak " about chosen immigration " or of positive discrimination in France, the continent
which loses in all these concepts is good Africa, which knows for several years, a brain
drain. This phenomenon which tends to become widespread, has several causes among
which: the forced exile and the evil to be of the African elite. Why, does not the African
continent succeed in keeping(guarding) its frames(executives)? Are they chased by
dictatorial diets(regimes) which do not accept the contradictions and the intellectual
debates? Are they victims of the evil to be real due to the numerous problems of governance
which this continent faces? So many questions lifted(raised) by this contribution.
I. LA FUITE DES CERVEAUX: ABUS DE LANGAGE
OU TERMINOLOGIE PROBLÉMATIQUE ?
Personne n’à jamais vu un cerveau s’enfuir me direz-vous. Cheick Modibo
Diarra, actuel président de Microsoft Afrique, qui récuse cette expression en ces
termes: « Un cerveau fuit pour aller où ? La fuite des cerveaux est une notion issue
des salons ou de grandes institutions onusiennes. La réalité est que personne ne
désire quitter son pays, car rien ne peut remplacer l’odeur du quartier dans lequel
on est né » Cheick Modibo Diarra rajoute « Qui est au point de rester dans un
endroit où l’odeur de la terre mouillée par la pluie ne lui inspire rien ? Pour rien au
monde je ne serais parti ailleurs si j’avais trouvé dans ma ville de Ségou, les
moyens de travailler. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où l’accumulation
du savoir est extraordinaire et progresse très vite… »1
Dans ce contexte, la détermination des jeunes d’Afrique de l’Ouest, qui, au péril
de leurs vies, prennent des pirogues de fortune pour partir vers un mieux être, est une
(1)
Interview de Cheick Modibo Diarra, ex membre de la NASA et Président de Microsoft Afrique.
Interview publiée par le magazine du bureau régional de la Banque Mondiale à Dakar.
75
Revue europénnee du droit social
preuve supplémentaire à qui veut l’entendre que lorsque la misère frappe un pays, ou
une région, partir devient un ultime recours. C’est une réaction tout à fait humaine.
Si pour de nombreux intellectuels africains, « la fuite des cerveaux » est un pseudo
problème » arrêtons nous un instant sur le terme « fuite ». Qu’est ce qu’une « fuite » ?
Selon le dictionnaire Larousse, une « fuite » est l’action de fuir, autrement dit
se soustraire à quelque chose de pénible, de dangereux etc.. Nous nous attarderons
sur cette première définition pour évoquer les facteurs déterminants de la « fuite
des cerveaux » en Afrique Sub-saharienne. Mais avant d’en arriver là, faisons un
état des lieux de ce phénomène qui mine notre continent.
II. LA FUITE DES CERVEAUX:
ETAT DES LIEUX EN AFRIQUE
L’Afrique est le continent qui voit le plus grand nombre de ses intellectuels
partir malgré eux, vers des pays où les conditions de vie et de travail semblent
meilleures. A rebours de l’immigration choisie, prônée par Nicolas Sarkozy actuel
Président de la République française, nous assisterons de plus en plus à un pillage,
non seulement de nos richesses, mais aussi de nos cerveaux, dont on a hélas encore
besoin pour le développement de notre continent. Je suis de ceux qui croient que
seule une politique innovante de co-développement permettra de rééquilibrer les
relations Nord-sud et d’endiguer « la fuite des cerveaux ».
II.1 – L’IMMIGRATION EN QUELQUES CHIFFRES
Aujourd’hui 3 milliards d’êtres humains vivent avec moins de deux dollars par jour.
Cette misère lourde, profonde, nourrit l’immigration vers l’eldorado des pays du Nord.
En 2005, par exemple, le nombre de migrants dans le monde était estimé entre 182
et 185 millions, soit environ 2,9 % de la population mondiale. Alors qu’en Afrique, en
Amérique Latine et en Asie, les migrants représentent moins de 2% de la population
totale de chaque région. Que va devenir ce phénomène dans les années à venir ?
En 2050, les démographes prévoient 230 millions de migrants pour une
population de 9 milliards. Et l’Afrique dans tout cela ?
Régions
Afrique
Population totale
Par milliers
795 671
Milliers
16 277
Pourcentage
9,31 %
Réfugiés
6 060
Lorsqu’on observe la quasi-totalité des pays d’Afrique Noire, il y a quelques
points communs sur les facteurs qui contribuent à exacerber « la fuite des
cerveaux ». Parmi ces facteurs, il y a entre autres:
- la crise économique des années 1980 qui a entraîné une crise profonde des
universités africaines;
76
Revista europeană de drept social
- la recherche scientifique qui n’est plus valorisée par les gouvernements
- les chercheurs qui ne sont plus rationnellement motivés dans leurs recherches.
- L’absence des laboratoires dignes de ce nom, et bien d’autres facteurs
contribuent de façon aggravante à la « fuite des cerveaux ».
Selon l’Organisation Internationale des Migrations (OIM), il y a chaque année
près de 20 000 départs d’africains hautement qualifiés vers les pays du Nord, plus
attractifs en matière de salaire et de niveau de vie. Un chiffre sous évalué par
rapport à celui que nous donne l’Organisation de Coopération et Développement
Economique (OCDE) qui a répertorié au sein de ses Etats membres: plus d’un
million d’africains titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur qui quittent
leurs pays d’origine2. Cette situation est d’autant plus dramatique que le retard pris
par l’Afrique pour son développement économique ne cesse de s’allonger. Mais
quels sont les déterminants de cette « fuite de cerveaux » et quelles peuvent en être
les conséquences sur le plan socio-économique ?
III. LES DETERMINANTS DE L’EXODE
DES COMPETENCES EN AFRIQUE
En fait, selon l’Agence Universitaire de la Francophonie, c’est depuis les
indépendances de la plupart des Etats du continent que les élites africaines
s’expatrient3. Ainsi plusieurs causes peuvent expliquer ce phénomène parmi lesquelles:
- La crise économique qui frappe ces Etats contraint à des plans d’ajustement
structurel drastiques imposés par les institutions Bretton woods. (FMI et
Banque Mondiale).
- L’échec de ces plans dont le plan quinquennal de 1982-1986 pour le cas du
Congo Brazzaville.
- L’instabilité politique de ces pays frappés par les guerres civiles et les
mouvements de rébellion.
- Le gel des salaires – la baisse du pouvoir d’achat
- La dévaluation du Franc CFA en 1994.
- L’inflation galopante
- La mondialisation et ses avatars économiques
Tous ces phénomènes ont incité les intellectuels, les diplômés et autres cadres
supérieurs, à migrer dans des pays plus sûrs où les salaires correspondent à leurs
qualifications4.
(2)
« Fuite des cerveaux » Africains, Valérie Thorin in Migrations la tentation du Nord.
Fuite des cerveaux : les racines et remèdes du mal, Agence Universitaire de la Francophonie –
Bureau Afrique de l’Ouest in le journal « Le Soleil » du 24 décembre 2002
(4)
Nations Unies, Chronique en ligne, La fuite des cerveaux et opportunités pour le développement, par
Anne-Christine Roisin, for the chronique
(3)
77
Revue europénnee du droit social
C’est donc les deux variables de cette migration à savoir l’exil ou le malaise de
l’intellectuel, qui sont englobées par ces causes qui touchent l’université, les
hôpitaux, les industries et les autres secteurs d’activités. Mais quelles sont les
incidences socio-économiques de cette migration de compétences et des cadres
pour les pays d’origine ? Comment endiguer ce phénomène ?
IV. LES CONSEQUENCES SOCIO-ECONOMIQUES
DE L’EXODE DES INTELLECTUELS AFRICAINS
Le développement du continent africain passe par les innovations et la
promotion d’une politique hardie, en faveur de la recherche scientifique. En France
par exemple, on parle de plus en plus de « pôles de compétitivité » pour démontrer
que la recherche scientifique est créatrice d’emplois et source de développement
économique et social.
Un pays comme le Malawi est confronté aujourd’hui à l’une des plus graves
pénuries d’infirmières et de sages-femmes dans le continent, alors qu’aujourd’hui
le Malawi est un des états d’Afrique qui a un des taux de prévalence le plus élevé
des séropositifs. Est-ce concevable ?. Aujourd’hui plus de 2/3 des postes
d’infirmières demeurent vacants au Malawi. Plus de la moitié des infirmières
diplômées sont parties travailler à l’étranger.
On sait que l’Angleterre par exemple, encourage la migration des infirmières
et des médecins originaires des pays d’Afrique, tels que le Ghana, le Kenya et le
Nigeria5. Mais combien coûte le recrutement d’un travailleur migrant qualifié à son
pays d’origine qui a investi pour le former ? Eh bien 40.000.000 de CFA, puisque
100 000 travailleurs migrants coûtent à leurs pays d’origine 4 milliards de dollars.
C’est autant dire que ces migrations coûtent cher à leurs Etats.
• Sur le plan économique
« La fuite des cerveaux » peut avoir des incidences négatives sur
l’investissement dans un pays. Car on sait logiquement qu’un cadre a un salaire
élevé, du moins dans les pays développés, et qui dit salaire élevé, dit dépenses de
consommation et d’investissement élevées. La circulation plutôt que la « fuite des
cerveaux » peut favoriser la croissance économique de nos Etats.
Sur le plan social
Sur le plan social, « la fuite des cerveaux » « destructure » la société, car sans
innovation, sans recherche technique et scientifique, une société est condamnée à la
disparition. Autrement dit, une société qui ne sait plus créer, inventer et innover est
une société appelée à disparaître demain, et les chercheurs africains peuvent nous
dire si leurs Etats leur permettent de créer, d’innover et de chercher ?
(5)
Op.cit. Anne Christine Roisin
78
Revista europeană de drept social
V. LES DEUX VARIABLES
DE LA MIGRATION DES CERVEAUX
Après cette analyse on peut se demander si « la fuite des cerveaux » est:
Un exil forcé ou l’expression d’un malaise de l’intellectuel africain?
VI. LES « CONFLITS ARMÉS »
ONT CHASSÉ LES INTELLECTUELS
« L’immigration de crise »6 a gagné le monde intellectuel, culturel et
économique de nos Etats. L’expérience des conflits armés au Congo-Brazzaville a
révélé que notre « alma mater » a souffert de cette folie meurtrière aux multiples
conséquences, paralysant ainsi l’université.
Un universitaire rencontré en France à cette période me confiait: « …
comment continuer à faire de la recherche dans un pays où l’université a été
pillée de fond en comble. Pour ne pas me retrouver sans travail, j’ai choisi l’exil,
mais attention, c’est un exil forcé… »
Il faut néanmoins aussi reconnaître que les migrations de l’Afrique vers la France ou
certains pays d’Amérique du Nord comme le Canada; est une nécessité dans la vie de la
plupart des étudiants ressortissants de l’Afrique qui bénéficient d’un niveau d’études
supérieures. Cette démarche s’explique par plusieurs raisons: beaucoup d’universités
africaines n’ont pas encore de troisième cycle, et de plus la politique de coopération
universitaire des Etats africains avec quelques pays occidentaux encourage une certaine
mobilité entre chercheurs des universités du Sud et leurs homologues du Nord. Mais il ne
demeure pas moins vrai qu’il y a aussi « le fétichisme » du diplôme délivré par les
universités occidentales, l’internationalisation de l’activité académique qui amène les
universitaires à des séjours d’enseignement ou de recherche hors de leur pays7.
VI – DES LORS, QUELS REMEDES POUR
ENDIGUER « LA FUITE DES CERVEAUX »
EN AFRIQUE CENTRALE ?
Pour favoriser les retours volontaires des cerveaux en Afrique Centrale, il
convient d’améliorer les conditions des chercheurs en Afrique Centrale. Cela
suppose que le chercheur africain ne soit plus le parent pauvre de la démocratie.
(6)
(7)
Jean Baptiste DOUMA Les déterminants de l’immigration des ressortissants Congolais (Brazzaville)
en France.
Abdoulaye Gueye, un objet d’étude surréaliste, la fuite des cerveaux africains ? CELAT, université
Laval Québec.
79
Revue europénnee du droit social
Pour cela, il faut des gestes courageux des politiques. L’ex Président du Nigeria par
exemple, M. Olesegun Obansanjo, est l’un des chefs d’Etat qui a tenté activement
de remédier à « la fuite des cerveaux ». Lors de ses nombreux voyages à l’étranger,
l’ex Président Nigérian s’entretenait souvent avec des cadres et des intellectuels
ayant quitté le Nigeria, pour leur demander comment ils peuvent contribuer au
développement du pays8.
Pour quitter aussi massivement le continent, les politiques privent les chercheurs
de ce dont ils ont droit, subventions pour la recherche, salaires décents, avantages et
protections sociales dignes de ce nom, pour faire revenir les cerveaux, il convient de
rétablir les droits des chercheurs à travailler pour le bien du continent.
A cet effet, plusieurs exemples en Afrique peuvent nous édifier. Le cas du
Sénégal où le gouvernement en 1994, après le constat de la réalité des fuites des
cerveaux, a entrepris des réformes et des mesures pour améliorer les conditions
d’enseignement dans l’enseignement supérieur et intéresser les enseignants du
supérieur. C’est dans ce cadre que l’on avait décidé d’abolir la mesure de la
titularisation automatique des assistants par la réforme de la loi 81-59 qui encadre
le statut des assistants au Sénégal. Cette réforme offre à l’assistant stagiaire cinq
chances de renouvellement de son statut. Si aux termes des délais, il ne passe pas
Maître-assistant, il perd le statut et doit quitter l’université pour laisser la place à
d’autres chercheurs qui attendent9. C’est une mesure incitative pour faire revenir
plusieurs des docteurs africains qui se complaisent à occuper des postes sous-payés
et infériorisants et dévalorisants dont le seul motif est de prolonger leur séjour en
Europe. Beaucoup de ceux que j’ai rencontré en France m’ont indiqué qu’ils ont
bien envie de rentrer, mais la question qui demeure c’est de savoir pourquoi faire ?
On sait que plusieurs universités africaines ont du mal à recruter pour des questions
budgétaires. Les recrutements avec des salaires décents peuvent apparaître comme
une des solutions envisageables pour inciter les retours d’intellectuels. La France
connaît actuellement le même problème avec la vague des départs massifs de
jeunes docteurs et chercheurs vers les Etats-Unis et les pays d’Amérique du Nord
où les conditions de travail et les salaires, sont meilleurs. Et actuellement une
politique incitative est menée par les autorités françaises pour maintenir les
chercheurs en France en leur offrant de meilleures conditions de travail.
En conclusion, on peut affirmer que la question de « la fuite des cerveaux »
dépend d’une réelle volonté du politique qui doit se battre en amont pour éviter cet
exode qui plonge encore davantage le continent dans le sous-développement. Le
politique et lui seul a les capacités dans un pays comme le nôtre de faire vivre la
recherche scientifique. Son rôle se situe donc à la croisée des chemins, s’il veut
faire vivre la recherche ou s’il veut la saborder.
Plus qu’un défi, « la fuite des cerveaux » que certains chercheurs ont qualifié
« d’exode ou d’exil intellectuel » est un phénomène social qui gangrène plusieurs
(8)
(9)
Gunisai Mutume, Inverser « la fuite des cerveaux » in Afrique Relance, Vol 17 (juillet 2003), page 1
Op cit. Fuite des cerveaux : les racines et remèdes du mal.
80
Revista europeană de drept social
Etats d’Afrique Centrale. Ce n’est donc pas une fatalité, nous pouvons endiguer ce
phénomène. Encore, faudrait-il que nos politiques puissent mesurer l’ampleur du
problème pour agir.
Mais quelle politique, le politique doit-il appliquer pour retenir les cerveaux
dans nos pays ? Quelle politique incitative, nos gouvernants doivent-ils mettre en
oeuvre pour redorer le blason de la recherche scientifique ?
C’est au politique et à lui seul de répondre.
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82
Revista europeană de drept social
LA MESURE DE LA PAUVRETÉ DANS
LA PENSÉE ÉCONOMIQUE: VERS L’INSTAURATION DE
NOUVELLES MESURES
Zahia HAMDÈNE
Doctorante à la Faculté de Sciences
Economiques et de Gestion – Université
de Sfax- Tunisie
e-mail: [email protected]
Lobna BENHASSEN
Maître des conférences à la Faculté de Sciences
Economiques et de Gestion –Université
de Sfax- Tunisie
e-mail: [email protected]
Abstract: Poverty is a phenomenon well anchored in the human history. The aim of this
paper is to justify the pass from the traditional approach of measure of the poverty which
limits it to an incapacity of financial resources ( monetary approach) to an alternative one
which become more and more used and advance that poverty have many faces (
multidimensional approach). For that purpose, we supply a detailed analysis of the various
limits sent to the monetary approach and we develop the varied manners of conception of
the multidimensionality of the poverty, both theoretical and empirical. A particular attention is
allowed to the new measures of well-being of the UNDP (2010) which marks, shows and
recognizes the importance of the multidimensional approach as measure of the poverty
Keywords: monetary approach, multidimensional approach, multidimensional poverty
index (MPI), Human Development index adjusted to inequality
Introduction
La mesure et l'analyse de la pauvreté revêtent une importance cruciale au
niveau des objectifs cognitifs (la connaissance de la situation), des raisons
analytiques (la compréhension des facteurs déterminant de cette situation), des
objectifs de stratégie politique (la conception des interventions politiques les mieux
adaptées aux problèmes détectés) et des objectifs de surveillance et d'évaluation
(l'analyse de l'efficacité des politiques actuellement suivies et de l'évolution de la
situation)( Coudouel, Hentschel et Wodon (2002)). Néanmoins, les politiques de
lutte contre la pauvreté en général échouent faute de pouvoir mesurer correctement
la notion même de pauvreté. Les études statistiques soulignent la diversité et la
multiplicité des difficultés rencontrées par les économistes pour la mesurer. La
difficulté majeure porte sur la mesure même de la pauvreté: Comment identifier les
pauvres ? Comment mesurer la pauvreté ? Quelle unité de mesure à utiliser ?...
Dans la littérature économique, nous pouvons distinguer entre deux approches:
l’approche monétaire et celle multidimensionnelle. La première définit comme
pauvre toute personne qui ne parvient pas à satisfaire, faute de ressources
financières suffisantes, ses besoins de base. Cette dernière, malgré sa simplicité,
est largement critiquée. On lui reproche la fixation « arbitraire » des seuils de
pauvreté, le choix de l’unité de mesure (individu ou ménage), le choix de critère de
83
Revue europénnee du droit social
mesure (revenu ou consommation), la prise en compte d’une unique dimension
pour identifier les pauvres: le revenu …Pour surmonter ces limites, l’instauration à
une mesure alternative est mise en oeuvre. Il s’agit d’utiliser une approche plutôt
multidimensionnelle. Cette dernière ne limite pas la mesure de la pauvreté à
l’unique insuffisance de revenu. Elle préconise la nécessité de prendre en compte
des multiples autres dimensions.
Dans ce qui suit, nous développons, en premier lieu, l’approche monétaire de
mesure de la pauvreté et nous énumérons les différents critiques et limites
adressées à cette dernière. En second lieu, en se référant à la littérature
économique, nous soulevons l’existence d’une polysémie de définitions et de
mesure de la pauvreté multidimensionnelle tant sur le plan théorique que sur le
plan empirique
I. L’approche monétaire:
les principaux concepts et leurs limites
Trois éléments sont requis dans le calcul d'une mesure de la pauvreté. En
premier lieu, il faut choisir le paramètre et l'indicateur les mieux adapté à la mesure
du bien-être. Ensuite, il convient de sélectionner une ligne de pauvreté, c'est-à-dire
un seuil en dessous duquel un ménage ou une personne déterminée sera considérée
comme pauvre. Finalement, il est nécessaire de sélectionner une mesure de la
pauvreté à utiliser pour l'établissement de rapports concernant la population tout
entière ou uniquement un de ses sous-groupes.
En se référant à la théorie économique, nous soulignons l’existence d’une
abondante littérature sur la mesure de la pauvreté monétaire. Néanmoins, il faut
signaler que plusieurs limites sont adressées à ces mesures. La contestation de
mesure monétaire par certains groupes d’intellectuels porte, entre autres, sur le
choix de ligne de pauvreté, de l’unité de mesure et de critère de mesure
I. 1. Les seuils de pauvreté monétaire
Il existe un vaste débat sur la mesure de la pauvreté en général et sur la
fixation des seuils de pauvreté en particulier. L’identification des ménages pauvres
se fait à l’aide d’une ligne de pauvreté. Il s’agit d’un niveau de revenu fixé
d’avance, que l’on considère comme la frontière qui sépare les pauvres des non
pauvres. Cette méthode, extrêmement simple, pose cependant le problème de la
détermination de la ligne de pauvreté la plus appropriée.
Nous distinguons, au moins, deux limites. La première s’attache, à la fois à
l’arbitraire du seuil et au caractère dichotomique des seuils. La seconde est liée à
l’illusoire précision des données alors que les systèmes nationaux sur lesquels les
indicateurs chiffrés reposent font défaut pour les populations en très grande
pauvreté (Reddy et Pogge, 2008; Reddy et Pogge, 2005; Ravallion, 2008). De ce
84
Revista europeană de drept social
fait, nous présentons dans ce qui suit, en détails, les différentes méthodes de
détermination du seuil de pauvreté ainsi que les difficultés y sont associées.
I.1.1. la pauvreté absolue
Cette mesure considère que la pauvreté est un concept absolu, ce qui signifie
que la pauvreté ne dépend que de la situation de l’individu pauvre et non pas de
celle de reste de la société. Un individu pauvre sera alors celui qui ne peut
consommer, faute de moyens, un certain nombre de biens d'usage ordinaire ou de
consommation de base (biens de nécessité). Ainsi, la pauvreté est une situation où
les conditions d'existence sont jugées difficiles parce que les individus ou les
ménages sont privés de l'essentiel des biens de consommation qui peuvent définir
un certain "niveau de vie".
La principale limite adressée à la mesure absolue de la pauvreté est soulignée
par Ravallion (1996). Pour ce dernier, un seuil de pauvreté absolue est un niveau
constant et unique de niveau de vie sur l’ensemble de domaine dans lequel les
comparaisons de la pauvreté sont effectuées. Par conséquent, des comparaisons de
la pauvreté en terme absolu classeront des individus ayant le même niveau de vie
dans la même catégorie -pauvre ou non pauvre- quelque soit le moment ou le lieu
considéré. Encore plus, le seuil de pauvreté absolue n’est qu’une traduction
strictement monétaire d’un ensemble de besoins absolus. Il reflète les budgets
minimaux nécessaires à la satisfaction d’un ensemble de besoins, alimentaires et
non alimentaires, considérés comme essentiels. Les principales difficultés portent,
ainsi, sur la constitution de la liste de ces besoins essentiels et la définition des
quantités minimales requises pour les satisfaire.
Pour déterminer le seuil de pauvreté absolue, deux stratégies peuvent être
envisagées: la méthode de budget standard et celle de la part du budget consacrée à
l’alimentation.
la méthode du budget standard
La méthode de budget standard consiste à déterminer le seuil de la pauvreté à
partir d'une spécification entière de la liste des besoins alimentaires et non
alimentaires. Dans le cadre de cette méthode, le seuil de pauvreté est déterminé en
calculant le niveau de dépenses minimales nécessaires à l’achat d’un panier de
bien. Pour ce faire, on détermine les niveaux de consommation minimaux d'un
ensemble de besoins essentiels, constitué de besoins alimentaires (nourriture) et
non alimentaires (le logement, l'habillement ou le transport) (Fusco, 2007). A partir
de cette liste de quantités minimales (xi), on utilise les prix (pi) en vigueur pour les
différents biens afin d'obtenir le niveau de dépenses minimales nécessaire à l'achat
de ce panier de biens. La somme de ces diverses quantités monétaires (pi.xi)
constitue le seuil de pauvreté absolue (Z) (Fusco, 2007).
Plusieurs limites sont adressées à cette approche. En effet, dès lors que les
résultats de cette méthode sont étroitement liés à la perception de l’expert quant aux
conditions de vie et aux besoins des individus, ce type d'approche s'expose, à la fois
aux risques d’ethnocentrisme (chauvinisme) et de paternalisme (Fleurbaey et alii,
85
Revue europénnee du droit social
1997)). Le premier risque signifie que l'expert peut se tromper quant à l'universalité
de son jugement, tandis que le paternalisme traduit le fait que l'expert impose son
point de vue aux autres pour leur propre bien. De plus, on peut également noter que
cette approche ne tient pas compte de l'hétérogénéité des goûts et des préférences des
individus. Il ressort de ces limites que ces prises de position extérieures peuvent
entraîner des représentations erronées ou absurdes de la réalité qui ne reflètent pas de
manière fiable les habitudes, les goûts et les besoins des individus.
La méthode de la part du budget consacrée à l'alimentation
La méthode de la part du budget consacrée à l’alimentation est une stratégie
indirecte du calcul du seuil de pauvreté qui se base sur la détermination des besoins
alimentaires à partir desquels on infère le seuil de pauvreté global. Elle consiste à
estimer le coût d'une combinaison alimentaire qui satisferait l'apport requis en
énergie nutritive. Le montant obtenu est ensuite multiplié par l'inverse de la part
des dépenses totales consacrées à l'alimentation par chaque type de famille. On
obtient ainsi un niveau de dépenses totales qui correspond au seuil de pauvreté
pour les différents groupes de ménages.
Cette méthode de calcul des besoins alimentaires utilise la relation mise en
évidence par Engel (1895) selon laquelle la proportion du revenu consacrée aux
dépenses alimentaires décroît lorsque le revenu augmente; le coefficient par lequel
on multiplie le niveau de dépenses alimentaires pour obtenir le seuil de pauvreté est
le multiplicateur d'Engel, utilisé essentiellement dans les pays en développement,
avec un multiplicateur d'Engel de l'ordre de 0,75 (Destremau et Salama, 2002). Une
des difficultés de cette méthode est attachée à la robustesse de la relation d'Engel et
l'homogénéisation qu'elle implique. En effet, la proportion des dépenses allouée
aux nécessités varie largement à tous les niveaux de revenu. Aussi, d’après Nolan
et Whelan (1996), un nombre significatif de ceux qui sont en dessous du seuil de
revenu défini ne dépenseront pas moins que la proportion déterminée pour les
nécessités, tandis que certains individus qui seront au-dessus du seuil dépenseront
plus que cette proportion
La principale difficulté adressée à cette méthode est la détermination des
quantités minimales pour chaque besoin. En effet, contrairement à ce qu'on peut
penser, même pour les besoins nutritionnels, référant considéré comme objectif par
excellence, il est difficile de déterminer la quantité effectivement requise par les
individus. Le calcul de ces besoins énergétiques nécessite de nombreuses
précautions pour permettre la comparaison d'un individu à un autre (métabolisme,
climat, niveau d'activité, âge), et l'évaluation du revenu minimal pour satisfaire ces
besoins doit tenir compte des habitudes et coutumes alimentaires du groupe étudié
(Fusco, 2007). Même en prenant ces précautions, on n'est pas sûr d'obtenir des
résultats satisfaisants et représentatifs car, comme le souligne Alcock, (2006),
différents individus ont besoin de différentes choses en différents endroits et dans
des situations différentes. Encore il n'existe pas un unique niveau de consommation
de nourriture nécessaire pour survivre, mais plutôt un large intervalle dans lequel
l'efficacité physique décline lorsque la consommation de calories et de protéines
86
Revista europeană de drept social
baisse (Atkinson, (1998a)). Dans la même lignée de pensée, Cling et alii (2002)
considèrent que les mécanismes qui gouvernent les variations journalières de
l'équilibre énergétique sont encore mal connus, et les études de l'état nutritionnel
d'une population à partir d'une classification des individus reposant sur une norme
ignorent les variations intra et inter-individuelles des besoins énergétiques ainsi que
des consommations effectives.
C'est sur la base de ce nombre de limites adressé à la mesure absolue de la
pauvreté que l'approche relative s'est progressivement imposée comme alternative.
I.1.2. la pauvreté relative
Dans le cadre d'une mesure monétaire et relative de la pauvreté, les besoins
sont définis en fonction des niveaux de vie habituels de la société étudiée. En
d’autres termes, la pauvreté est relative lorsqu’on considère que les revenus d’une
personne ne leurs permettent pas d’accéder à un niveau de vie jugé normal dans
une société donnée (d’Agostino, 2008). De ce fait, un individu n’est pas considéré
comme pauvre parce qu’il n’atteint pas un certain niveau de vie donné, mais parce
que son niveau de vie est très bas si l’on compare à ceux des autres membres de la
société. Ainsi, le seuil de pauvreté est défini, tout simplement, comme une
proportion d'une caractéristique centrale -la moyenne ou la médiane- de la
distribution de l'indicateur de niveau de vie (dépenses de consommation, revenus,
revenus équivalents).
L'idée sous-jacente à cette méthode est que les individus dont le revenu est éloigné
d'une certaine proportion du revenu moyen ou médian de la société parviendront
difficilement à participer entièrement à la vie de la communauté. Son principal atout
est sa simplicité et sa transparence. Elle est simple à comprendre et à mettre en place et
peut servir de point de départ à l'analyse de la pauvreté. Nolan et Whelan (1996) font
de la transparence un argument pour son utilisation. Ils proposent, néanmoins, une
batterie de seuils pour avoir une image plus juste de la réalité d'utiliser. Ces seuils sont
fixés à 40%, 50% et 60% du revenu équivalent médian.
Plusieurs limites peuvent, cependant, être adressées à l’approche relative.
Premièrement, les résultats sont très sensibles aux variations de la ligne de
pauvreté: Le nombre d'individus considérés comme pauvres sera fortement
dépendant de la valeur du seuil. A titre illustratif et pour bien saisir cette idée nous
avançons un exemple concret: dans un rapport de l’INSEE 2008, environ 4.2
millions de français sont pauvres au seuil de 50% du revenu médian (7.1% de la
population) en 2006. Ce nombre est, dès lors, de l’ordre de 7.8 millions au seuil de
60% (13.2% de la population) (d’Agostino, 2008). Deuxièmement, dans le cadre de
comparaisons internationales, deux pays présentant des distributions du revenu
similaires à des niveaux très éloignés pourront avoir des taux de pauvreté
identiques. Troisièmement, les choix de seuils sont arbitraires et résultent en
dernier ressort de décisions politiques imposées quant au montant qui constitue un
minimum acceptable dans une société donnée (Piachaud, 1981). Un quatrième
point de critique est issu du fait que l'approche purement relative peut ne pas tenir
87
Revue europénnee du droit social
compte de changements brutaux dans une économie. En effet, si, sous l'effet d'une
récession économique ou d'une catastrophe naturelle, on assiste à une réduction
générale des revenus sans que la distribution des revenus ne soit affectée;
l'approche relative ne permettra pas de mettre ce changement en évidence (Ringen,
1988). Encore, les données à la base de la construction de mesure de la pauvreté ne
sont pas exemptes de défauts: l’insuffisance de la couverture des populations
situées en bas d’échelle des revenus ce qui a entre autres conséquences de rendre
plus difficile la construction d’un indicateur précis de pauvreté relative, difficultés
de la mesure des revenus du patrimoine, absence de mesure des phénomènes de
non recours aux prestations qui tend à relativiser le niveau de la pauvreté et de
l’exclusion ( Berthoud, Lengaigne et Mardellat, 2009), ne pas tenir compte du
patrimoine des ménages ni de leurs équipements en biens durables, de la durée de
la pauvreté, de l’accès réel à un certain nombre de droits fondamentaux dans les
domaines de la santé, du logement, de l’éducation ou de la participation à la vie
politique et sociale (Concialdi et al, 2004) …
I.1.3. La pauvreté subjective
Pour la mesure subjective de la pauvreté, est pauvre toute personne qui estime
que son revenu donne un niveau de satisfaction inférieur au minimum qu'il juge
nécessaire pour vivre. Les seuils de pauvreté sont, ainsi, les fruits des jugements
subjectifs sur le niveau de vie jugé acceptable par la population d’une société
donnée et les conceptions de la pauvreté subjective résulte de deux manières de
collectes de données: La première tente de définir un seuil de pauvreté à partir
d’enquêtes de perception. La seconde, cependant, cherche à définir la perception
des ménages sur ce problème social (Jany-Catrice, 2009). Elle se base
fréquemment sur les réponses fournies dans le cadre d’enquêtes à des questions de
type (Ravallion, 1996):
- « Quel niveau de revenu considérez-vous, personnellement, comme un
minimum absolu ? En d’autres termes, quel est le niveau de revenu en dessous
duquel vous ne pourriez pas joindre les deux bouts ? »
- « Avez-vous assez pour vivre ? »
- « Quel est le minimum nécessaire pour votre famille ? »
- « Quels sont les groupes les plus vulnérables du village ? »
Sur la base des réponses à ces questions, des lignes de pauvreté peuvent être
fixées. Il s’ensuit donc que l'approche subjective de la pauvreté se base,
essentiellement, sur les opinions personnelles des individus. Elle est, aussi,
qualifiée d'interne car le processus d'évaluation de la pauvreté ne se base plus sur le
raisonnement externe, et supposé objectif, d'un expert mais plutôt sur les
sentiments des individus. En effet, la détermination du seuil de pauvreté subjectif
se fait en fonction des réponses à un ensemble de questions portant sur le niveau de
vie des individus et la manière dont il est perçu. De ce fait, cette méthode n'est plus
externe et normative mais interne et empirique.
88
Revista europeană de drept social
L’approche subjective souffre, néanmoins, de plusieurs défauts qui ont amené
certains économistes à la rejeter de manière définitive (Dagum, 1989). Les
jugements personnels du bien-être peuvent parfois être considérés avec méfiance,
soit parce que les individus sont mal informés, soit parce qu'ils ne sont pas en
mesure d'effectuer un choix rationnel même si les informations dont ils disposent
sont parfaites. De plus, comme le signalent Kangas et Ritakallio (1998), se sentir
pauvre est différent d'être pauvre et on peut aisément concevoir des situations ou
les individus se sentent pauvres alors qu'ils ne le sont pas et d'autres ou les
individus objectivement pauvres ne se percevront pas comme tels. En effet, d’une
part, les individus isolés de la société peuvent seulement se comparer à ceux qui
sont dans la même situation et certaines personnes qui seront "objectivement"
classées comme pauvres pourront en réalité ne pas ressentir la situation comme
telle (Runciman (1966)). D’autre part, l'existence d'individus aux goûts
dispendieux peut également poser problème. Un individu dont le niveau de vie et
les attentes sont très élevés pourra se ressentir comme désavantagé si , malgré son
revenu élevé, il ne parvient pas à les satisfaire. Il se considérera, alors, comme
pauvre alors qu'objectivement il ne l'est pas. Encore, on reproche à l'approche
subjective un manque de robustesse lié au fait qu'elle dépend de la formulation des
questions et qu'elle nécessite que les ménages aient la même interprétation des
différents termes employés et le même référentiel au niveau de leurs réponses
(Fusco, 2007). Pour Ringen (1988), être pauvre dépend de la manière dont on vit et
pas de nos sentiments. Ainsi, on peut considérer que le sentiment de satisfaction est
important mais ne détermine pas en soi un état de pauvreté objectif. Finalement,
Gadrey et Jany-Catrice (2005) avancent que les données sur les quelles reposent les
statistiques de la pauvreté sont souvent d’ordre déclaratif et que la floraison
d’indicateurs subjectifs est loin d’être sans intérêt surtout si elle est couplée avec
des indicateurs objectifs.
I.1.4. L’approche administrative
Une autre méthode mérite d'être mentionnée, il s’agit de la méthode
administrative, qualifiée aussi d'officielle, de légale ou de politique. Elle consiste à
définir la pauvreté en fonction des critères d'accès au système de protection sociale
de la société étudiée. Ainsi, le niveau de revenu en dessous duquel l'Etat fournira
des prestations sociales pourra être retenu comme seuil de pauvreté. Donc, suivant
cette conception, est pauvre celui qui perçoit un ou des minimaux sociaux. Cette
pauvreté institutionnelle est un élément fondamental de mesure de degré de
privations puisqu’elle fournit une estimation de l’intensité de l’assistance sociale.
C’est elle aussi qui est la plus proche des évaluations des sentiments subjectifs de
la pauvreté: les personnes se considèrent davantage pauvres quand elles sont
récipiendaires de minima sociaux (Jany-Catrice, 2009). Le montant de prestations
sociales peut être considéré comme un consensus ou un choix collectif implicite sur
ce que représente le niveau minimal acceptable dans la société, c'est-à-dire le
montant minimum que la société se doit de garantir à tous ses citoyens. Autrement
89
Revue europénnee du droit social
dit, suivant cette approche, est pauvre toute personne qui reçoit des aides parce que
son revenu est au dessous d’un niveau de revenu jugé minimum. Il y a donc
derrière cette manière de mesurer, l’idée assez classique que ce sont les politiques
publiques qui formatent en partie le statut et donc une certaine forme de la réalité
du pauvre (Alesina et Glaeser, 2006)
Nombre de limites peuvent être adressées à la méthode administrative. Cette
dernière suppose que les mécanismes d'attribution de l'aide fonctionnent
correctement et que ce sont les plus nécessiteux qui en bénéficient. Or ceci n'est
pas évident des lors qu'on considère que les individus n'ont pas tous la même
capacité à s'informer et à entreprendre les démarches nécessaires (Fleurbaey et alii,
(1997)). De plus, certaines personnes en sont exclues. Il s’agit notamment des
jeunes qui sont considérés à la charge de leurs parents jusqu’aux 25 ans et les
personnes qui n’en font pas la demande ou qui n’arrivent pas à remplir les dossiers.
Encore, c'est une méthode quelque peu tautologique et biaisée du fait qu’elle prend
plus en compte l'idéologie de l'Etat et ses capacités, budgétaires ou autre, à agir
plutôt que la situation effective des citoyens. Enfin, elle comporte des effets
pervers et peut faire l'objet de manipulation politique car, étant à la fois un objectif
et un outil de politique sociale, le moyen le plus simple de réduire la pauvreté serait
de réduire le montant des aides sociales (Fusco, 2007).
I.1.5. Les seuils multiples et l’approche par dominance
La coexistence des différentes méthodes de fixation du seuil de pauvreté et
l’existence des multiples limites respectives à chacune d’entre elle, nous permettent
d’affirmer qu’il est difficile de fixer un seuil de pauvreté unique. De ce fait, la
recherche d’une alternative s’avère nécessaire, à ce stade. Il s’agit, notamment, de
l'utilisation d'une combinaison des différents types de seuils et du recours à des
méthodes ordinales telle que l'approche par la dominance stochastique.
L’originalité de la première méthode tient au fait qu’elle utilise de seuils
multiples. L'option qui est souvent proposée est l'utilisation des seuils doubles de
pauvreté: un seuil absolu et un seuil relatif. Le seuil absolu permet de prendre en
compte les risques de dénutrition. Celui relatif permettra de visualiser la situation
d’un individu par rapport aux autres membres de la collectivité (Ravallion, 1992).
L’utilisation des seuils multiples est davantage appuyée par Fleurbaey et alii
(1997). Ces derniers proposent d'utiliser deux seuils; un seuil relatif classique et un
autre dit absolu relatif proche d'un minimum social. Ils justifient l’utilité de leur
choix par le fait que le seuil relatif est très utile dans les périodes de croissance. Il
permet de déterminer les individus qui ne participent pas au mouvement et ne
bénéficient pas, par voie de conséquence, des fruits de la prospérité. Le seuil absolu
permet, néanmoins, de renseigner durant les périodes de récession s’il y a des
individus qui tombent en dessous d'un seuil minimal. Egalement, l’utilisation des
seuils multiples permet de renseigner sur la concentration de la pauvreté. Par
exemple, suivant les statistiques de l’INSEE, le taux de pauvreté monétaire au seuil
de 60 et 50 % du revenu médian est, respectivement, de 12.1% et de 7.3%. Soit 7.1
90
Revista europeană de drept social
millions au seuil de 60% et 3.7 millions au seuil de 50%. Ceci nous permet de
détecter la forte concentration de la pauvreté entre ces deux niveaux puisque plus
de 3 millions de personnes se situent entre 50 et 60% du revenu médian (Berthoud,
Lengaigne, et Mardellat, 2009)
L’approche par la dominance cherche à identifier les conditions sous
lesquelles on peut comparer deux situations de manière non ambiguë. Ainsi, si on
appelle Z* le seuil de pauvreté qui varie entre [Z-, Z+], on peut examiner les
classements de différentes distributions de revenu, en fonction de l'incidence de la
pauvreté, dans l'intervalle de Z*. Si le résultat en termes de classement des
distributions est le même, alors la condition de dominance stochastique de premier
ordre nous amène à conclure que Z* appartient effectivement a l'intervalle [Z-, Z+]
et qu'une distribution est effectivement dominée par l'autre (Atkinson, (1987).
L’avantage certain de cette méthode ordinale est qu’elle donne lieu, dans le cadre
des comparaisons de la pauvreté, à des résultats intéressants et à des classements
robustes indépendamment du seuil de pauvreté choisi.
En somme, ce qui importe, avant tout, notamment lors de toute analyse
comparative de la pauvreté est que le seuil produise des comparaisons cohérentes,
en ce sens que la pauvreté mesurée d’un individu quelconque ne dépende que de
son niveau de vie et non du sous-groupe auquel il appartient. Pour assurer une telle
cohérence, il est nécessaire que le seuil soit constant par rapport au niveau de vie. Il
faut, de plus, noter qu’aucune approche n’est dénuée d’inconvénients, car certains
facteurs déterminants de bien-être ne sont pas quantifiables et il est impossible
d’éviter un certain arbitraire lorsqu’on définit un seuil de pauvreté en pratique. Il
convient, également, de mentionner qu’il existe divers choix préalables à effectuer
lorsqu'on souhaite appliquer l'approche monétaire de la pauvreté, dont l'influence
sur les résultats peut être importante (Hagenaars et alii, 1994; Atkinson, 1998a).
Ces derniers concernent, entre autre, le choix de l'indicateur de niveau de vie
(revenu, consommation…), de l'unité d'observation (individu, ménage, famille…)
et des échelles d’équivalences.
I.2. Le problème d’identification de pauvres
La question de la mesure de la pauvreté monétaire est soumise à une série de
critiques et d'interrogations qui peut remettre en cause la façon dont on appréhende
ce phénomène. En effet, un examen attentif des différentes mesures monétaires de
la pauvreté nous pousse à chercher des réponses à des questions de type:
Quelle unité de mesure de pauvreté à privilégier lors de l’étude de la pauvreté;
L’individu, le ménage ou, plutôt, la famille ? Si l'unité de base retenue est la
famille, quelle échelle d'équivalence doit-on retenu sachant que ce choix peut
fortement influencer les résultats de l’analyse de la pauvreté ? Quel concept de
revenu utiliser; revenu courant, revenu nominal, dépenses courantes, …Et si l'on
doit mesurer le bien être en termes de biens de consommation ou de services, doit-
91
Revue europénnee du droit social
on prendre en compte d’autres facteurs tels que la production domestique et le
loisir dans le mesure du bien être ?...
I.2.1. Les problèmes associés au choix du critère de pauvreté
Le niveau de bien-être n’est pas discernable directement. Généralement, on
recourt à des variables observables pour inférer approximativement le niveau de vie
des individus et par voix de conséquence, fournir une mesure de la pauvreté. Ces
indicateurs sont, essentiellement, le revenu et les dépenses de consommation d’un
ménage. Le choix entre l’utilisation de revenu ou des dépenses de consommation
dans l’approximation du niveau de bien-être n'est pas indifférent. En effet, l'évolution
de ces deux variables n'est pas identique et l'utilisation de l'un ou de l'autre aboutit à
des résultats différents sur le plan conceptuel ainsi que pratique.
Dans ce qui suit nous recensons les bienfaits ainsi que les limites de chacun de
ces deux critères de mesure de pauvreté.
I.2.1.1. Les limites de l’utilisation de revenu
L’approche basée sur le revenu est une approche indirecte, ou potentielle. Elle
nous informe sur les moyens à la disposition des individus pour satisfaire leurs besoins.
L'utilisation du revenu comme approximation du niveau de vie se heurte à
plusieurs difficultés conceptuelles. Premièrement, le lien entre revenu courant et
niveau de vie n'est pas immédiat. En effet, l'impact du revenu sur le bien-être
individuel dépend de l’existence d’autres facteurs qui peuvent influencer le niveau
de vie de manière significative (Nolan et Whelan, 1996). Il s’agit de l’existence ou
non d'autres ressources pour compléter le revenu courant (revenus patrimoniaux ou
non monétaires). Egalement, la manière avec laquelle l’individu va utiliser son
revenu ainsi que ses préférences affectent bien la relation qui existe entre revenu et
niveau de vie; des ménages au même niveau de salaire peuvent suivre différentes
trajectoires et ainsi souffrir de différents niveaux de déprivation (Perry 2002; Layte
et alii, 2001). Deuxièmement, pour Sen (1985, 1987, 2000, 2003), même si des
individus disposent des biens matériels dont ils peuvent en tirer profit, la
transformation de ces moyens en accomplissements n'est ni automatique, ni
identique pour tout le monde. Elle est, plutôt, contingente à un ensemble de
facteurs de conversion personnels, sociaux ou environnementaux (Sen, 2003). En
conséquence, l'utilisation d'un indicateur de ressources tel que le revenu ne permet
pas de tenir compte de la diversité et de l'hétérogénéité humaine: L’indicateur de
ressources ne permet pas de tenir compte des éléments des différences propres
entre les individus ainsi que des différentes réalités socioéconomiques et
environnementales auxquelles ils sont confrontés.
Deux solutions sont envisagées pour dépasser la limite de revenu. La première
solution consiste à calculer des revenus ajustés aux fonctionnements des individus
(Lelli, 2005; Kuklys, 2004). Elle vise à surmonter l’inadéquation de revenu en
fonction des caractéristiques personnelles, environnementales et sociales qui
92
Revista europeană de drept social
caractérisent un individu. La deuxième solution consiste à déplacer l’analyse de ce
que les gens ont ou n’ont pas vers ce que les gens font ou ne font pas (Alcock, 2006).
I.2.1.2. La consommation
Deaton (1997) et Lachaud, (1998) avancent que, sur le plan pratique, il est
préférable de privilégier la consommation au revenu du fait qu’elle fournit une
image plus fiable du bien-être effectif des ménages. En effet, selon la distinction
établie par Sen (1979a, 1981) et Ringen (1987, 1988), l'approche basée sur la
consommation est une approche directe du niveau de vie des individus. Elle
renseigne sur les besoins qui sont ou non effectivement satisfaits.
La consommation est considérée comme plus adéquate que le revenu dans la
mesure de bien-être pour plusieurs raisons. Nous énumérons, entre autres:
- dans l’optique économique, l’utilité des individus dépend des quantités
consommées de chaque bien et non pas de revenu
- Dans les économies où le secteur informel est florissant, les ménages peuvent
avoir des difficultés à se rappeler avec exactitude les revenus tirés de nombreuses
activités parallèles qui servent à l’achat immédiat de produits alimentaires ou
d’autres produits de première nécessité.
- Usuellement, la consommation est plus stable que le revenu dans le temps.
Elle donne un meilleur aperçu des conditions de vie à long terme. Dès lors il est
préférable de la privilégier au revenu (Deaton, 1997; Lachaud, 1998).
Il découle de ces arguments que le débat entre l'utilisation du revenu ou de la
consommation n'est pas forcement tranché. Pour Nolan et Whelan (1996), ce débat
peut s’attacher soit à la crédibilité des données d'enquêtes sur le revenu ou la
consommation soit à la distinction qu’on doit établir entre un concept de pauvreté
basé sur les ressources d'un autre basé sur le niveau de vie. Egalement, il faut noter
que les possibilités de maintien ou d'élévation du niveau de consommation par les
mécanismes d'emprunt peuvent fausser l'image fournie par la consommation
I.2.2. Quelle unité d’analyse privilégiée: individu ou ménage?
L'unité d'observation peut être le ménage, l'unité de consommation, l'unité
familiale, la famille proche ou l'individu. En pratique, les statisticiens utilisent, le
plus souvent, le ménage ou l’individu comme unité d’observation. Néanmoins,
quelle que soit l’unité choisie, il existe des limites qu’il faut mentionner.
I.2.2.1. Le choix de ménage
Dans le choix de ménage comme unité d’analyse, l’hypothèse implicite retenue
est que les membres qui le composant mettent en commun leurs ressources et ont le
même niveau de vie: ils partagent leur situation de richesse ou de pauvreté. Cette
hypothèse revient à solliciter que la distribution des ressources à l’intérieur d’un
ménage se fait selon une structure équitable qui tient compte de la différence des
besoins de ses membres. Elle est analogue à celle d'un chef de famille bienveillant et
93
Revue europénnee du droit social
plausible pour certaines ressources dont le ménage dans son ensemble bénéficie, tels
que le logement (loyer et entretien), les biens publics ou la garde des enfants.
Cependant, elle pose problème dans le cas des biens qui répondent à des besoins
particuliers à chaque membre du ménage et qui peuvent, par conséquent, faire l'objet
d'une distribution inégalitaire (nourriture). Dans ce cas, le choix d'une unité d'analyse
agrégée peut entraîner la négligence de problèmes d'inégalités intra-menage
(femmes, enfants, personnes âgées). Afin de surmonter cette limite, il est plus
adéquat de plaider pour le choix de l'individu comme unité d'analyse.
I.2.2.2 Le choix de l’individu
Le choix de l'individu comme unité d'analyse n’est pas, néanmoins, sans
limites. En effet, choisir l’individu comme unité d’analyse revient à assigner que
chaque membre du ménage dispose des ressources qui lui sont propres ou destinées
(salaires, allocations, part des biens communs du ménage). Ceci revient à assumer
que le bien-être de l'individu est indépendant de celui des autres membres du
ménage. Par conséquent, le choix de l’individu comme unité d’analyse ne permet
de tenir compte ni des économies d'échelles réalisés au sein d’un ménage ni des
transferts intra-ménages (parents vers enfants). Or, ignorer ce type de transfert
reviendrait à considérer que tous les individus, n'ayant pas de salaires, sont sans
ressources. Cette hypothèse n'est pas acceptable et débouche toujours sur des
conclusions erronées.
Ainsi, on peut conclure que le choix de l'unité d'analyse, quel qu'il soit,
entraîne des difficultés. Mais ce qui importe le plus, c’est le fait que ce choix peut
avoir des répercussions importantes et graves en termes de résultat (Atkinson,
1998a; Atkinson et alii, 2002). L’une de solution pour surmonter les difficultés
rencontrées dans le choix de l’unité de l’analyse est de recourir à l’utilisation des
échelles d’équivalence. Néanmoins, la question qui se pose à ce niveau est: quelle
échelle d’équivalence doit- on privilégier?
I.2.3. Les problèmes de l’échelle d'équivalence
La mesure du seuil de pauvreté ne limite pas à dénombrer le nombre des
pauvres. Associé à l’unité du ménage, la taille de celui-ci influe directement sur les
résultats. Un assez large consensus existe donc autour de l’idée que le seuil de
pauvreté doit (Jany-Catrice, 2009):
- être rehaussé pour tenir compte du nombre d’individus qui composent le ménage
- tenir compte de l’économie d’échelle dans la consommation au sein du
ménage et du moindre coût relatif d’un enfant par rapport à un adulte.
L’origine à l’utilisation d’une échelle d’équivalence se trouve, donc, dans
l'idée que des ménages de taille différente et de composition différente connaissent
des niveaux de vie différents. Ainsi, l’objectif de l’utilisation d’une échelle
d’équivalence est, principalement, la neutralisation des effets de taille et de
composition des ménages pour pouvoir apporter des jugements corrects dans le
94
Revista europeană de drept social
cadre des comparaisons de pauvreté. En effet, les échelles d'équivalence permettent
d'une part, de prendre en compte le fait que les individus au sein d'un ménage n'ont
pas tous les mêmes besoins (adulte versus enfant). D’autre part, ils tiennent compte
des économies d'échelles qui peuvent se réaliser au sein d’un ménage tel que la
réduction des coûts de fonctionnement (logement, cuisine, chauffage, garde des
enfants) (Glaude, 1998).
L’utilisation des échelles d’équivalence vient, aussi, pour répondre aux
insuffisances des autres mesures de bien-être (revenu, consommation) ainsi que des
unités d’analyse (individu, ménage). En effet, un revenu ou un niveau de
consommation d'un montant donné ne signifie pas la même chose pour un individu
seul que pour un couple marié avec deux enfants. Plus le nombre d'adultes, et dans
une moindre mesure le nombre d'enfants, dans le ménage est élevé, plus la
compensation monétaire nécessaire pour maintenir le niveau de vie du ménage est
importante. Chaque membre de la famille se voit ainsi attribuer un poids. A cette
fin, deux types d’échelle d’équivalence sont distingués: l’échelle d’Oxford jusqu’à
la fin des années 1980 et l’échelle de l’OCDE modifiée depuis permettant d’établir
des seuils de pauvreté par unité de consommation (d’Agostino, 2008)
Premier adulte
Deuxième
adulte
Enfants (-14)
ans
Echelle Oxford
1
0.7
0.5
Echelle OCDE modifiée
1
0.5
0.3
L’INSEE, par exemple, confère à une personne vivant seule un poids égal à 1,
un adulte supplémentaire (ou un enfant de plus de 15 ans) se voit attribuer un poids
de 0,7 et un enfant de moins de 15 ans un poids de 0,58 (Accardo, 2007).
Ce principe présente, cependant, un certain nombre de limites. D’une part, le
choix de l'échelle d'équivalence n'est pas négligeable au niveau de l'identification
des groupes socio-économiques pauvres, notamment en ce qui concerne les
individus seuls par rapport aux familles nombreuses (de Vos et Zaidi, 1995).
D’autre part, l’échelle d’équivalence ne permet de tenir compte des économies
d’échelle qui peuvent se réaliser au sein d’un ménage. Il en découle que le
problème de l'échelle d'équivalence réside donc non pas dans le choix des
coefficients de pondération (purement arbitraires) mais dans son principe même.
Encore plus, l’utilisation des échelles d’équivalence suppose implicitement qu’une
équité de redistribution est admise au sein du couple entre homme et femme et
envisage plus généralement une situation harmonieuse des situations des individus
au sein des foyers. Or au moins deux types d’inégalités dans l’accès aux ressources
du ménages peuvent (co-)exister: d’une part entre homme et femme, d’autre part
entre adultes et vieux (Jany-Catrice, 2009).
95
Revue europénnee du droit social
II. LA MULTIDIMENSIONNALITÉ DE LA PAUVRETÉ:
APPROCHES THÉORIQUES ET EMPIRIQUES
La pauvreté monétaire est largement utilisée comme mesure de la pauvreté sur
le plan pratique. Néanmoins, face aux limites que connaît cette dernière, sa
pertinence théorique est mise en doute. Pour cela une approche alternative est
proposée. Il s’agit de l’approche multidimensionnelle. Cette dernière vise à
apporter un enrichissement à l’information monétaire à travers l’introduction
d’autres dimensions à l’étude de la pauvreté en partant de consensus de l’existence
d’autres aspects de privation. L’introduction de dimensions relatives à l’existence
humaine -en termes de logement, santé, emploi, loisir, relations sociales et
ressources économiques- apporte un enrichissement considérable à notre
compréhension de la privation et ses causes. En effet, la prise en compte de ces
variables qualitatives sans oublier les ressources économiques permet d’approcher
le véritable portrait de la privation.
En se référant à la littérature économique, nous soulevons l’existence d’une
polysémie de définitions et de mesure de la pauvreté multidimensionnelle sur le
plan théorique ainsi qu’empirique. Dans ce qui suit, nous présenterons les diverses
approches théoriques ainsi que les différentes conceptions empiriques de la
pauvreté multidimensionnelle.
II. 1 La pauvreté multidimensionnelle: approches théoriques
La littérature sur les différentes approches conceptuelles de la pauvreté
multidimensionnelle est extrêmement abondante. Elle fournit plusieurs façons de
définir la pauvreté. On distingue, entre autres, les approches par les capabilités de
Sen et l’approche par les besoins de base.
II.1.1. Approche par les capabilités
L’approche par les capabilités est initiée par Sen (1985). Elle enveloppe trois
principales composantes: les « commodités », ou ressources, les « fonctionnements »
et les « capabilités ».. Ces trois notions sont définies, par Sen (1992), de la manière
suivante: « La commodité est ainsi un ensemble de vecteurs de fonctionnements
reflétant la liberté d’une personne à mener un genre de vie plutôt qu’un autre (…).
Un fonctionnement est une réalisation, tandis que la capabilité renvoie à l’aptitude à
réaliser. Les fonctionnements sont donc plus directement liés aux conditions de vie
puisqu’ils correspondent à différents aspects des conditions de vie. Au contraire, les
capabilités sont des notions de liberté au sens positif de terme (…) »
Les commodités désignent, donc, l’ensemble des biens et services qui ne sont
pas nécessairement marchandes. Les fonctionnements prennent en considération
les accomplissements ou les réalisations des individus c’est-à-dire ce qu’ils sont et
ce qu’ils font avec leurs ressources. Ils reflètent le type de vie qu’un individu mène.
96
Revista europeană de drept social
Le concept de « capabilités », cependant, met en avant deux composantes
essentielles: les potentialités et les opportunités. Les potentialités correspondent,
comme le mentionne Rousseau (2001), aux caractéristiques particulières, à savoir,
les dotations en capital social, capital humain, capital physique et capital
économique. Les opportunités sont conditionnées par l'environnement spécifique
de l'individu. Ce dernier est constitué par l'ensemble des institutions formelles ou
informelles qui déterminent des contraintes de fonctionnement. La mise en relation
des opportunités et des potentialités de l'individu permet donc de déterminer les
fonctionnements qu'il est susceptible de mettre en œuvre, ses capacités et par
conséquent, le niveau de bien-être de l'individu.
Ainsi, Sen approxime le bien-être à travers les droits positifs des individus et
essai à l’aide du concept de « fonctionnement » de transposer ces droits dans un
espace mesurable. Cette approche préconise que tout individu doit avoir certaines
capacités jugées fondamentales pour l’atteinte d’un certain niveau de vie. A cet
effet, l’individu doit être adéquatement logé, bien nourri, avoir accès à l’éducation
et à la santé, prendre part à la vie communautaire, etc. De ce fait, la chose qui fait
défaut dans cette approche, n’est ni l’utilité ni la satisfaction de besoins de base,
mais des habiletés ou des capacités humaines.
Il faut noter, néanmoins, que, bien que, cette approche fournit un concept large de
bien-être, ses applications à la pauvreté sont peu nombreuses. Le développement de
certains indicateurs par le PNUD (l’indicateur de développement humain et l’indicateur
de pauvreté humaine) en est une tentative parmi d’autres. Les travaux qui tentent de
rendre opératoire l’approche de Sen, présentent deux insuffisances notables. D’une
part, ils ne fournissent pas une mesure de la notion de « capabilité »: faute des données
disponibles, seuls les « fonctionnement » accomplis ou réalisés sont en général utilisés
comme approximation des « capabilités ». D’autre part, ces tentatives s’éloignent
parfois du cadre conceptuel auxquels elles sont sensées se rattacher car les indices
composites reposent sur une combinaison d’indicateurs de nature différente dont
certaines correspondent à des « capabilités » (libertés civiles et droits politiques), et
d’autres à des ressources ou à des biens (nombre de téléphones par tête ou revenu par
tête). C’est précisément le cas de l’IDH pour lequel la prise en compte du PIB par tête
peut être remise en question notamment si l’IDH est conçu comme un indicateur pur de
« capabilités » (Bérenger et Verdier-Chouchane. (2004))
II.1.1.1. Relation ressources- capabilités
Bien que le revenu constitue un moyen essentiel pour développer les capabilités,
la situation financière des individus reste toujours étroitement dépendante des
possibilités d’action qui se présentent à eux. A titre d’exemple, l’éducation
universelle et des services sanitaires adéquates et accessibles permettent d’améliorer
la qualité de vie des populations et de fournir plus de possibilités pour encaisser un
revenu plus élevé et d’échapper par conséquent à la pauvreté monétaire. Il s’en suit
que les capabilités affecte la situation des individus pauvres via, aux moins, deux
canaux. D’une part, la promotion des capabilités, en permettant aux individus d’agir
97
Revue europénnee du droit social
et de choisir librement, tend à rendre leurs vies plus riches et leur permettre de
surmonter les problèmes de privation. D’autre part, l’ensemble des capabilités
dessine en grande partie la manière dont les individus profitent des ressources dont
ils disposent pour réaliser les fonctionnements qu’ils valorisent.
Robeyns (2005) distingue trois groupes de facteurs de conversion des
ressources en fonctionnements. Le premier type de facteurs est lié aux
caractéristiques personnelles de l’individu (aptitudes physiques, intellectuelles,
sexe, âge, niveau d’activité, conditions de santé…). Ces facteurs vont influencer la
manière dont l’individu va effectivement traduire ses ressources en
fonctionnements. Le second s’attache aux facteurs de conversion sociaux
(politiques, biens publics, normes sociales, relation de pouvoir) qui selon les règles
sociales et les traditions d’un pays peuvent en partie contraindre certains individus
et les obliger à réduire leurs fonctionnements essentiels (notamment les femmes).
Enfin, il y a les facteurs de conversion environnementaux (conditions climatiques,
sécheresse, famine, état de routes) qui influence, en grande partie, la capacité à se
nourrir, à se déplacer, et à être en bonne santé, notamment en présence des
problèmes de sécheresse ou de famine.
L’approche par les capabilités garantit donc, via l’introduction et l’analyse de
facteurs de conversion personnels, sociaux et environnementaux, de prendre en
considération la diversité des situations aux quelles les individus sont confrontés et
de tenir compte de la variété des êtres humains à travers la pluralité des
fonctionnements et des capabilités d’une part, et par l’influence des facteurs de
conversion, d’autre part (DIOP, 2008).
II.1.1.2 La pauvreté dans l’approche des capabilités
Dans l’approche des capabilités de Sen, la pauvreté est perçue comme un déficit
des capabilités fonctionnelles élémentaires qui empêche, un individu ou un ménage,
d’atteindre certains minima jugés acceptables suivant les normes sociales de la
société dont il fait partie. L’individu ou le ménage est, ainsi, inapte de mettre en
œuvre, et de développer, l’ensemble de ses dotations pour satisfaire ses désirs et ses
aspirations. Autrement dit, faute des potentialités et /ou opportunités suffisantes, il se
trouve dans l’incapacité de réaliser des fonctions essentielles de la vie humaine. Pour
Sen (2003) il importe, tout d’abord, dans toute analyse de la pauvreté de porter
l’attention exclusivement sur les revenus. Ensuite, il faut mettre l’accent sur d’autres
facteurs sources de privation tel l’état sanitaire, le manque d’éducation ou de
qualification, le chômage ou encore l’exclusion sociale. La prise en compte de ces
facteurs enrichit davantage la base informationnelle et permet, par la suite, une
meilleure compréhension de la nature de la pauvreté et ses mécanismes
Sen (2003), tout en proposant une analyse de la pauvreté qui va en dehors de
la sphère du revenu, instaure donc à une alternative à l’approche monétaire. Il
considère que l’évaluation de la pauvreté à partir des ressources monétaires ou des
dotations initiales est inadéquate et insuffisante pour juger le degré de privation
dont souffrent les individus. Il propose une analyse qui accorde plus d’importance
98
Revista europeană de drept social
à d’autres facteurs de privation de la vie humaine telle que l’éducation, la santé,
l’exclusion sociale… La prise en compte de ces facteurs enrichit la base
informationnelle et améliore la compréhension de la pauvreté (DIOP, 2008) et nous
permet de déboucher sur la définition de la pauvreté proposée par Sen (2005): « il
est juste de considérer la pauvreté comme une privation de capacités de base
plutôt que simplement comme un revenu faible. La privation des capacités
élémentaires se traduit par une mortalité prématurée élevée, de la malnutrition,
une morbidité persistante, un faible taux d’illettrisme et d’autres problèmes »
La définition de la pauvreté en termes de capabilités apparaît donc légitime
pour, au moins, trois raisons. D’abord, outre leur rôle primordial dans l’assurance
d’un niveau de revenu acceptable aux individus, les capabilités constituent le
fondement même d’une vie humaine digne et permettent aux individus
d’augmenter leur revenu. Ensuite, l’existence d’une relation étroite entre
l’impossibilité ou l’incapacité de développer les aptitudes personnelles et le
maintien des revenus faibles ne peut nier la présence d’autres facteurs influant la
production des capabilités. Enfin, la relation entre privation monétaire et privation
de capabilités varie considérablement en fonction des caractéristiques individuelles
(âge, sexe…), de la situation géographique (catastrophe naturelles, insécurité…) ou
encore de l’environnement épidémiologique…Ainsi, « malgré le rôle majeur des
revenus dans les avantages dont jouissent les individus, la relation entre revenu (et
autres ressources) d’un côté, et accomplissements individuels et libertés de l’autre,
n’a rien d’automatique, de permanent ou d’inévitable. Un large faisceau de
facteurs contingents soumet à des variations continuelles la conversion des revenus
en fonctionnements que nous souhaitons obtenir et affectent la conduite que nous
nous fixons » (Sen, 2003). Reste à signaler que, même si l’apport théorique de
l’approche de capabilités est largement reconnu par les économistes, des difficultés
méthodologiques existent et persistent lors de la mise en œuvre de cette dernière.
La principale critique adressée à l’approche par les capabilités est que nous
sommes inaptes de prendre en compte l’intégralité des capabilités lors de l’étude et
de l’analyse de la pauvreté (Robeyns, 2000, Favarque et Robeyns, 2005).
II.1.2. Approche par les besoins de base
L'économiste anglais B. S. Rowntree (1901), dans sa fameux ouvrage
«poverty: A study of Town life », est communément reconnu comme le pionnier
dans l’analyse et la mesure du concept des besoins de base (Asselin et Dauphin,
2000). Ce dernier a fait référence à trois catégories de besoins fondamentaux;
l'alimentation, le logement et les articles ménagers tels que les chaussures, les
vêtements et le carburant et a utilisé des méthodes différentes pour établir le
minimum requis dans chaque catégorie. Pour l'alimentation, il a fait allusion aux
standards nutritionnels établis par les nutritionnistes pour les différents individus
(hommes, femmes, adultes et enfants), pour les articles ménagers, il a utilisé une
approche qualitative en recourant à la perception effective des gens de ce qui devait
99
Revue europénnee du droit social
être considéré comme un minimum de base tandis que pour le logement, il a tout
simplement retenu ce que les gens payaient inévitablement.
L’approche par les besoins de base n’est, cependant, apparue explicitement
dans le champ des politiques de lutte contre la pauvreté que vers les années
soixante-dix (Sylla et al., 2005). Elle est essentiellement développée par
l’UNICEF, qui a essayé d’identifier un certain nombre de besoins de base à
satisfaire absolument pour ne pas être pauvre. Appelée aussi approche de
« conditions de vie » ou « pauvreté d’existence », l’approche par les besoins de
base considère que « la chose manquante dans la vie des pauvres est un sous
ensemble de biens et services spécifiquement identifiés et perçus comme
universels, communs aux hommes de différentes cultures et civilisations »
(Destremau et Salama, 2002; Ambapour, 2006). Il s’agit, donc, d’une approche
dont la pauvreté désigne le manque ou l’inadéquation dans les domaines
alimentaires, de l’équipement, des standards et des services ou activités communs
ou usuels dans une société (Townsend, 1979).
Les principaux besoins de base souvent pris en compte sont: éducation, santé,
hygiène, assainissement, eau potable, habitat, accès aux infrastructures de base, etc
(Akoété et Kossi, 2009, UNICEF, 2008; Sylla et al., 2005). Ils sont dits “de base”
car leur satisfaction est considérée comme un préalable à l'atteinte d'une certaine
qualité de vie. Développée par les organismes internationaux pour reconnaître le
caractère multidimensionnel de la pauvreté, l’approche par les besoins de base,
additionne, ainsi, l’accès aux services sociaux de base aux domaines fondamentaux
de l’approche par les capacités (Keetie et Gassmann, 2006). La prise en compte de
multiples dimensions de la pauvreté vient, ainsi, et dans une large mesure pour
surmonter les insuffisances de l’approche monétaire (UNICEF, 2008).
En somme, dans l’approche par les besoins de base, le pauvre est un individu
privé d’un minimum de commodités de base jugées indispensables pour mener une
vie digne. Elle est considérée comme l’une de méthodes les plus appropriées pour
cerner le concept de la multidimensionnalité de la pauvreté. Elle permet non
seulement de conceptualiser les différentes facettes de la pauvreté, mais également
de mesurer les privations des individus sur différents domaines. Cependant, le
problème majeur confronté lors de la mise en œuvre de l’approche par les besoins
de base est la détermination même de ces besoins de base du fait que ces derniers
peuvent varier non seulement d’un individu à l’autre selon l’âge et le sexe mais
également avec le type et le niveau d'activité de l'individu, qui sont endogènes. Ce
sont généralement les nutritionnistes, les physiologistes et autres spécialistes qui
sont appelés à les déterminer (Ligue de droit de l’homme, 2008; Sylla et al., 2005).
D’autres limites sont adressées à l’approche par les besoins de base. Il s’agit, entre
autres, du fait que ses partisans ne comparent les individus que dans l’espace
d’accomplissement sans se préoccuper de l’espace de ressources (Zonon, 2003) et
qu’elle est sujette, dans son opérationnalisation, à la disponibilité des données
pouvant permettre l’analyse.
100
Revista europeană de drept social
II.2. Les différentes manières de concevoir la multidimensionnalité sur le
plan empirique
En se référant à la littérature empirique, nous constatons l’existence de
plusieurs tentatives qui ont essayé de rendre opérationnelles les différentes
conceptions théoriques de la pauvreté multidimensionnelle. On peut citer, entre
autres, les méthodes faisant références à la notion de déprivation, la théorie des
ensembles flous et les indicateurs composites
II.2.1. Les méthodes basées sur un seuil entre déprivation ou non
Une première méthode pour concevoir la multidimensionnalité de la pauvreté
fait appel à la notion de la déprivation. Cette approche se fonde essentiellement sur
une notification binaire selon que l’individu est dépourvu on non sur un ensemble
des attributs considérés comme fondamentaux. Ainsi, une personne est considérée
comme pauvre par rapport à un attribut si la réalisation de cet attribut est en
dessous d'un seuil objectif ou d'une norme sociale zj.
Si on note par xij les quantités de bien j possédées par l'individu i; j = 1..m et i
= 1..n, et Dj l'ensemble des gens déprivés sur l'item j, on pourra à partir des valeurs
de xij, déterminer le degré de déprivation de l'individu i sur l'item j
Dans le cas d'une situation binaire de déprivation, et avec des variables rangées
en ordre croissant de déprivation, on a simplement:
ξ
D
j
= (x
ij
 0 si x ij > z
) = 
 1 si x ij ≤ z j
j
Avec ξDj est une fonction croissante des quantités xij
La principale limite adressée à cette méthode est qu'elle ne nous renseigne que
sur la présence ou l'absence d'un item. Elle ne nous informe ni sur la qualité, ni sur
la quantité de l'item (Perez-Mayo (2003)).
II.2.2. La théorie des ensembles flous
La théorie des ensembles flous est issue de travaux de Zadeh (1965). Elle est,
ensuite, développée par Dubois et Prade (1980) (Véro et Verquin, 1997; Berenger,
2008). Pour les initiateurs de cette théorie, la vision dichotomique (pauvre / non
pauvre) constitue une représentation trop abusive de la réalité: la pauvreté n’est pas
un item qu’un individu dispose ou non, mais plutôt une situation vécue et réelle
dont l’intensité diffère d’un individu à un autre "plus souvent qu'on ne le pense, les
classes d'objets rencontrées dans le monde physique n'ont pas de critère
d'appartenance précisément définis mais sont plutôt caractérisés par un continuum
de degré d'appartenance" (Lemmi et al. (1994)
101
Revue europénnee du droit social
La théorie des ensembles floues part du constat qu'il existe des ensembles
pour lesquels l'identification de l'appartenance ou non ne repose pas sur des critères
précis et offre un outil mathématique adéquat pour traiter les phénomènes pour
lesquels il n’existe pas de critère clairement identifiable pour définir l’appartenance
à un groupe. L’utilisation de cette méthode en économie est relativement récente et
ses applications les plus connues s’attachent notamment à l’analyse
multidimensionnelle de la pauvreté (Bérenger et Chouchane, 2004). Elle semble
apporter à l’approche des capabilités de Sen un appui empirique rigoureux pour
l’implémentation d’une analyse multidimensionnelle de la pauvreté en termes de
fonctionnements. Deux principales raisons justifient l'utilisation de l'analyse en
termes d'ensembles flous à la mesure multidimensionnelle de la pauvreté. Tout
d'abord, le passage au multidimensionnel implique la prise en compte de
dimensions par essence floues, telles que les dimensions sociologiques ou
psychologiques. Ensuite, l'utilisation de plusieurs dimensions entraîne la possibilité
que des individus soient pauvres par rapport à une dimension et pas par rapport à
d'autres. Il y a donc une ambiguïté qui ne permet pas de bien apprécier la situation
des individus au sein de leur société.
La construction de mesures floues repose sur quatre étapes indispensables:
l’identification de la population pauvre, la détermination de degré d’appartenance,
le calcul de ratio de pauvreté d’un ménage, et l’agrégation de ratio de pauvreté de
la population. (pour plus de détails voir Alperin et Mussard, 2005; Alperin et
Terreza, 2007).
II.2.3. L’approche totalement floue et relative
Cheli et Lemmi (1995) soulignent que leur nouvelle approche met de coté les
assertions de type normatif concernant les seuils de pauvreté et permet de collecter
des informations sur la nature multidimensionnelle des conditions de vie d'une
population donnée, du moins autant que faire se peut en fonction des informations
contenues dans les enquêtes auprès des ménages ou par les gouvernements. Cette
approche est totalement floue du fait qu’elle évite la spécification de seuils
critiques inférieur et supérieur. Elle est totalement relative, car le degré de
déprivation de chaque individu sur un item donné va dépendre de sa place dans la
distribution de l'item. Ainsi cette méthode permet de dépasser les deux objections
que ces auteurs formulent à l’ encontre de Cerioli et Zani (1990).
A l’instar Cerioli et Zani (1990), Cheli et Lemmi (1995) distinguent trois
cas des variables: dichotomiques, quantitatives et ordinales. Dans le cas des
variables dichotomiques, le principe est le même que précédemment. Dans le
cas des variables quantitatives, on peut dépasser la linéarité de la fonction
d'appartenance. Pour le cas des variables ordinales, l'hypothèse
d'équidistribution des modalités et donc d'équidistance entre elles, présente
chez Cerioli et Zani, est relâchée.
102
Revista europeană de drept social
Comme tout à l'heure, Cheli et Lemmi (1995) désignent par xij la mesure de
la déprivation de l'individu i par rapport à l'indicateur j. Les variables étant
rangées en ordre croissant de déprivation, ils notent par xmj les m = 1..s
modalités que xj peut prendre. x 1j étant la modalité à plus faible risque de
pauvreté et Fj est la fonction de distribution cumulative de j, ils définissent la
fonction d'appartenance comme suit:
ξiD (i) = 0 si x ij = x1j

Fj ( x mj ) − Fj ( x mj −1
 D
D
m −1
ξ
=
ξ
(
x
)
+
si x ij = x mj
 i
j
j
1
1
−
F
(
x
)
j
j

Cette approche est moins arbitraire car on n'a plus à définir de seuils et elle est
cohérente avec une approche relative de la pauvreté.
Qizilbash (2003) considère que les travaux de Cerioli et Zani ou Cheli et
Lemmi sont des contributions importantes à la mesure de la pauvreté et de la
vulnérabilité. Néanmoins, il reproche à ces auteurs de déterminer le degré
d’appartenance pour chaque individu via la moyenne pondérée des degrés
d'appartenance sur chaque dimension. Pour Qizilbash (2003), les implications
de cette méthode sont les suivantes: pour être considéré comme pauvre de
manière non ambiguë (la proposition "l'individu est pauvre" est vraie à un degré
1), un individu doit l'être dans toutes les dimensions; pour être considéré
comme non pauvre de manière indiscutable (la proposition "l'individu est
pauvre" est vraie à un degré 0), un individu ne doit l'être sur aucune dimension
pour un seuil donné; si un individu est pauvre de manière non ambiguë sur
certaines dimensions et non pauvres de manière non ambiguë sur d'autres, alors
il est pauvre à un certain degré.
Pour Qizilbash (2000), ce raisonnement est incompatible avec une vision
selon laquelle un individu est pauvre si un de ses besoins essentiels n'est pas
satisfait. Si on se situe dans une approche absolue ou les dimensions sont toutes
indispensables et font toutes partie d'un noyau de pauvreté, cela n'est pas
satisfaisant. Il en déduit que la multidimensionnalité ne peut pas être un
argument de justification de l'utilisation de la théorie des ensembles flous car
cette méthode ne permet pas de tenir compte de certaines intuitions que la
multidimensionnalité soulève.
II.2.4. Les méthodes d'agrégation et le critère de déprivation global
L'agrégation consiste à étudier la manière dont on peut rassembler
l'information dans un indice sommaire ou en une liste de dimensions.
Au niveau de cette phase, différentes méthodes s'offrent à nous. On en étudie
deux ici. La première méthode consiste à utiliser une batterie d'indicateurs
103
Revue europénnee du droit social
élémentaires représentatifs des diverses dimensions sans procéder à leur
agrégation. La seconde solution consiste à mettre au point, à partir de cette batterie
d'indicateurs élémentaires, un indicateur agrégé global.
III.2.4.1.Une batterie d'indicateurs élémentaires
La première stratégie définie par Brandolini et D'Alessio (1998) est la stratégie
complémentaire (supplementary strategy). Elle a pour objet de compléter
l'information issue de la distribution des ressources, mesurée par le revenu ou un
autre indicateur, par les indicateurs de niveau de vie. L'avantage de cette option est
la simplicité. Son inconvénient majeur est le manque de synthèse et la difficulté
d’en tirer une image unitaire bien définie. En effet, une pluralité d'indices évoluant
dans des sens différents peut générer une certaine confusion. De plus, dans le cas
d'une batterie d'indicateurs, il est fort probable que l'on obtienne uniquement un
ordre partiel lorsqu'on essaie de comparer des observations dans la mesure où une
observation peut en dominer une autre sur un indicateur mais être dominée sur un
autre (Fusco, 2007).
Cherchye et alii (2004) considèrent que ce dernier point est une sévère limite
dans le cadre de l'évaluation des performances sur différentes dimensions. Cela
constitue leur argument en faveur de la construction d'indices agrégés qui
constituent un moyen de synthétiser l'information.
III.2.4.2. L'indice agrégé
Il s’agit d’une approche entièrement agrégative qui consiste à construire un
indicateur composite global ξ P (i) pour chaque individu i. On suppose, dans ce
cadre, que les divers attributs d'un individu peuvent être agrégés en un seul indice
cardinal de bien-être et que la pauvreté peut être définie en termes de cet indice
(Dickes, 1989).
La construction d’un tel indice se déroule en plusieurs étapes. En effet, il faut
d’abord déterminer les degrés normalisés de déprivation sur chaque variable ainsi
que les règles par lesquelles on va lier ces informations.
Ainsi, si on repart d’une matrice X, cela revient à appliquer une fonction
d'agrégation h aux j=1..m degrés de déprivation ξD j (i) de l'individu i tel que:
ξp (i) =h(ξD1 (i),ξ D2(i),....ξDm(i))
Il faut noter, cependant, que La fonction h peut être spécifiée de diverses
manières, pour Chiappero (1994), il est souhaitable que l'opérateur d'agrégation h
soit compris entre les valeurs minimales et maximales des degrés de déprivation et
puisse permettre des interactions entre les différents indicateurs de déprivation.
104
Revista europeană de drept social
Une possibilité pour satisfaire ces conditions est d'utiliser la moyenne
m

D
D
α
h
(...,
ξ
(
i
),...;...,
w
,...)
=
w
(
ξ
(
i
))


j
j
j
j
pondérée d'ordre α suivante: α
 j=1

∑
1
α
Où wj est le poids attribué à chaque indicateur au sein du processus
d'agrégation, wj ≥ 0 et
m
∑w
j
= 1 ; et α est un paramètre qui détermine le niveau de
j=1
substitution entre les attributs
L'interprétation de ce type d'indice est aisée (Cherchye et Vermeulen, 2004).
Une bonne (mauvaise) performance dans une dimension donnée implique une plus
grande (faible) valeur sur l'indice composite. Pour un indice de déprivation, cela
signifie que plus un individu sera pauvre dans une dimension, plus la valeur de
l'indice sera forte. Pour un indice de bien-être, plus le bien-être d'un individu sera
élevé sur une dimension, plus l'indice global de bien-être sera élevé. Dans le cas de
l'utilisation de poids, l'effet global dépend de la structure de pondération. Plus le
poids attribué à un indice élémentaire (ou une dimension) est élevé, plus son
impact sur l'indice synthétique sera important.
Ce type d'indicateur présente bien entendu des avantages et des inconvénients.
L'atout principal réside certainement dans le classement complet que cette méthode
permet. Egalement, cet indice est utile pour cibler les politiques du fait qu’il permet
de comparer les différents groupes socio -économiques tels que les hommes et les
femmes, les enfants et les personnes âgées, etc.
Néanmoins plusieurs limites sont adressées à cet indice agrégé.
Mickelwright (2001) en relève trois; En premier lieu, la simplicité de ce type
d'indice est un désavantage notable car une grande quantité d'information est
perdue dans le processus d'agrégation. En second lieu, cet indice ne permet pas
de tout retranscrire et communiquerait moins d’information que les indicateurs
pris séparément de chaque dimension du bien-être. Finalement, le classement
complet et les résultats peuvent se révéler très sensibles aux hypothèses sousjacentes à la construction de l'indice.
En effet, différentes structures de pondération impliquent différentes valeurs
de l'indice et ce, même si le classement est préservé. Dès lors, le fait qu'il y ait
rarement une structure de poids qui soit plus appropriée qu'une autre, implique que
les classements complets issus de ce type d'indice ne seront pas robustes (Cherchye
et Vermeulen, 2004).
Cette méthode a également été critiquée par d'autres auteurs. Bourguignon
et Chakravarty (2003), par exemple, la considèrent comme restrictive. Pour
eux, elle revient à considérer la pauvreté multidimensionnelle comme un simple
indice de pauvreté monétaire sur la base d'une généralisation appropriée du
concept de "revenu". Or, "la question de la multidimensionnalité de la pauvreté
105
Revue europénnee du droit social
apparaît des lors que les individus, les observateurs sociaux et les politiciens
veulent définir une limite de pauvreté sur chaque attribut individuel: revenu,
santé, éducation, etc."
III. LE PNUD ET LES MESURES MULTIDIMENSIONNELLES
DE LA PAUVRETÉ: VERS L’INSTAURATION DE NOUVELLES
MESURES DE BIEN-ÊTRE
Le caractère multidimensionnel de la pauvreté est largement reconnu par le
PNUD. Cette reconnaissance de la limite de la mesure monétaire et de
l’importance de l’approche multidimensionnelle s’est traduite par le
développement de divers indices de bien-être qui essayent de tenir compte de
plusieurs dimensions pour refléter une mesure - qui approxime le plus réellement
que possible- le niveau de bien-être des individus. En effet, les rapports sur le
développement humain du PNUD ont instauré diverses mesures de bien-être et de
pauvreté. Il s’agit de l’IDH et de l’IPH qui sont conçus dans les années quatrevingt dix et des deux nouvelles mesures très récemment introduites dans le
rapport du développement humain de l’an 2010: l’indice de pauvreté
multidimensionnelle et l’IDH ajustés aux inégalités.
III. 1. L’indicateur de développement humain (IDH)
Créé en 1990 par le Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD), l'indicateur de développement humain, noté IDH, est un indice
composite destiné à évaluer le niveau de développement humain des pays du
monde. Il s’agit d’un indice composite qui varie entre 0 (exécrable) et 1
(excellent et qui synthétise le niveau de la vie humaine moyennant le calcul d’une
moyenne de trois indices. C’est un indicateur qui fait la synthèse de trois séries
de données: la santé, le savoir et la qualité de vie. Ces composantes de l’IDH sont
définis par:
la santé /longévité: mesurées par l'espérance de vie à la naissance. Il s’agit
d’une mesure indirecte de la satisfaction des besoins matériels essentiels
tels que l'accès à une alimentation saine, à l'eau potable, à un logement
décent, à une bonne hygiène et aux soins médicaux.
le savoir ou niveau d'éducation: mesuré par le taux d'alphabétisation des
adultes (pourcentage des 15 ans et plus sachant écrire et comprendre
aisément un texte court et simple traitant de la vie quotidienne) et le taux
brut de scolarisation (mesure combinée des taux pour le primaire, le
secondaire et le supérieur), il traduit la satisfaction des besoins immatériels
tels que la capacité à participer aux prises de décision sur le lieu de travail
ou dans la société.
106
Revista europeană de drept social
le niveau de vie: quantifié à partir du logarithme du produit intérieur
brut par habitant en parité de pouvoir d'achat, il cherche à tenir compte
des éléments de la qualité de vie qui ne sont pas décrits par les deux
premiers indices.
Nombre de limites est adressé à l'IDH. En effet, cet indicateur suppose que
ses composantes sont commensurables. Autrement dit, il suppose, par exemple,
qu’une augmentation de l'espérance de vie est substituable à une augmentation
de la production marchande. Encore plus, le choix de pondérations pour
construire l’IDH n’est pas sans critiques: On reproche souvent au calcul de
l’IDH l’ajout du logarithme au PIB par habitant du fait qu’il a pour effet de
minorer les écarts considérables de richesse entre pays. De même, étant basé
sur des moyennes nationales, il ignore la corrélation significative entre les
différents aspects de la qualité de vie et ne dit rien sur la distribution des
conditions individuelles dans chaque pays. En conséquence, l'indice combiné
ne change pas si les performances moyennes dans chaque domaine restent
inchangées alors que la corrélation des conditions individuelles entre domaines
décline. Egalement, l'IDH est fondé sur des statistiques nationales officielles,
dont la fiabilité est très inégale, par exemple pour ce qui concerne le taux
d'alphabétisation, surestimé dans certains pays. Enfin, calculé à partir de
chiffres généralement collectés deux ans plus tôt, l'IDH est toujours publié avec
un certain retard.
III.2. L’indicateur de pauvreté humaine (IPH)
Pour pouvoir mesurer l’ampleur de la pauvreté dans un pays ou une région
donnée et tenir compte de la situation des pauvres, nous avons besoin d’identifier
et d’agréger les pauvres. De ce fait, l’indicateur de pauvreté humaine est crée en
1997 sous l’égide du PNUD. Il indique et reflète les pénuries des capacités des
individus. En effet, l’un des principes indispensables qui préside à la construction
de l’IPH est le postulat que la pauvreté est vécue comme un ensemble de «
privations fondamentales » et que cette pauvreté existe et persiste même dans les
économies industrielles. Les privations fondamentales diffèrent, cependant,
selon le degré de développement des pays et une dimension spécifique aux
privations potentielles est ajoutée à l’IPH- réservé aux pays développés:
chômage de longue durée. En somme, le PNUD a spécifié deux indicateurs de
pauvreté humaine: l’IPH-1 pour les pays en développements et l’IPH-2 pour les
pays développés (Padayachy, 2008). Le premier, l’IPH-1, adapté au pays en voie
de développement synthétise plusieurs indicateurs représentatifs des manques
ressentis par la population dans trois domaines: la longévité (P1) (le taux de
décès avant quarante ans), d’instruction(P2) (le taux d’analphabétisme) et de
conditions de vie (P3) (la moyenne de trois sous indices: le taux de personnes qui
n’ont pas d’accès à l’eau potable (P31), le taux de personne qui ne peuvent pas
107
Revue europénnee du droit social
accéder aux services de santé (P32) et le pourcentage d’enfants de moins de cinq
ans qui souffrent d’insuffisance pondérale (P33)).
Ainsi l’IPH-1 est calculé à partir de la relation suivante:
IPH − 1 = 3
Avec:
P3 =
P11 + P22 + P33
3
P31 + P32 + P33
3
S’agissant du second indicateur, l’IPH-2, utilisé pour classer les pays riches, il
reprend les variables relatives aux capacités (survie, instruction et niveau de vie) qui
doivent refléter les conditions de vie économique et sociales des pays de l’OCDE, et
il ajoute l’exclusion sociale appréhendée par le chômage de longue durée. Il est,
ainsi, calculé à partir de la moyenne cubique de quatre paramètres: le taux de décès
avant soixante ans (P1), le pourcentage d’illettrisme (P2), le manque de conditions de
décentes, représenté par le taux de personnes vivant avec moins de la moitié de
médiane du revenu disponible (P3) et le taux de chômage de longue durée (P4).
Pratiquement, l’IPH-2 se calcule comme suit:
IPH − 2 = 3
P13 + P23 + P33 + P43
3
A l’instar de l’IDH, l’’IPH n’est pas sans limites. On reproche à ce dernier de ne pas
couvrir l’ensemble des dérivations dont souffrent les pauvres. Il s’agit, d’une part, des
manques qu’ils subsistent en termes de biens matériels et d’autre part, des insatisfactions
psychologiques qu’ils ressentent par rapport au milieu auxquels ils appartiennent
(famille, village, pays). Encore, les enquêtes de terrains qui permettent aux pauvres de
faire état de leur situation font apparaître plusieurs difficultés dont l’IPH n’est pas en
mesure de les traduire objectivement: être frappé par un handicap, ne pas posséder
de terres, des bétails, d’outils, ne pas pouvoir envoyer des enfants à l’école, être mal
logé, manquer de relations sociales, être contraint d’accepter des emplois dégradants,
…En outre, les pauvres disent souffrir d’un manque de considération de l’Etat et
plus globalement des collectivités publiques (d’Agostino, 2008)
III.3. Indice de la pauvreté multidimensionnelle
L’indice de pauvreté multidimensionnelle est initié par l'organisation Oxford
Poverty and Human Development Initiative (OPHI), relevant de l'Université
d'Oxford dans un Rapport intitulé « Acute Multidimensional Poverty: a new index
for developing countries ». Cet indice est élaboré par les deux auteurs Alkire et
Santo (2010) sur la base d'une approche conçue en 2007 par Foster et Alkire.
L’importance de cette nouvelle mesure de la pauvreté est davantage appuyée par le
108
Revista europeană de drept social
PNUD. En effet dans son rapport publié en octobre 2010 l’IPM remplace l’indice
de pauvreté humaine IPH qui figurait dans les rapports du développement humain
depuis 1997 témoignant ainsi et reconnaissant l’importance, l’utilité et la rigueur de
cet indice comme nouvelle mesure de bien-être.
Le IPM est une des trois nouvelles mesures introduites dans le rapport du PNUD
2010, avec l’Indice de Développement humain ajusté aux inégalités et l’Indice des
Inégalités entre les Sexes - Gender Inequality Index. Il se réfère aux trois dimensions
considérées par l’IDH pour identifier les manques graves dont souffrent les individus.
En effet, Alkire et Santos (2010) choisissent 10 composantes pour la construction de
l’indice de pauvreté multidimensionnelle; deux pour la santé (malnutrition et mortalité
infantile), deux pour l’éducation (années de scolarisation et inscription scolaire) et six
visant à capturer le niveau de vie (accès au services et bien-être du ménage). La
pauvreté est mesurée séparément sur chacune de ces 10 dimensions et chaque
composante est lui attribué un propre poids. Conformément à l’IDH, les trois
composantes principales- santé, éducation et niveau de vie - sont également pondérées
(un tiers chacun) pour former l’indice composite. Egalement, les indicateurs introduits
dans chaque dimension ont le même poids; pour la santé, chaque indicateur a une
pondération égale à 1/6, même chose pour les deux indicateurs de la dimension
éducation et pour les six indicateurs de niveau de vie chacun pèse 1/18.
Le MPI révèle, donc, la combinaison des privations qu’un ménage batte en
même temps. Un ménage est identifié comme multidimensionnellement pauvre si
et seulement si, il est privé dans une certaine combinaison d'indicateurs dont la
somme pondérée est 30 pour cent ou plus. Les dimensions introduites, les
indicateurs utilisés et les pondérations respectives sont résumées dans le tableau
ci-dessous:
Dimensions, indicateurs et pondération des indicateurs dans l'Indice
de pauvreté multidimensionnelle (IPM)
Dimensions
1. Santé
2. Éducation
Indicateurs
Mortalité infantile
- Un enfant est mort dans la famille.
Nutrition
- Un adulte ou un enfant dans la famille souffre
de
malnutrition.
Année de scolarité
- Aucun des membres du ménage n'a au moins 5
ans de
scolarité complète.
Inscription des enfants à l'école
- Un enfant d'âge scolaire n'est pas à l'école
entre 1 an et 8 ans.
Pondération
1/6
1/6
1/6
1/6
109
Revue europénnee du droit social
3. Niveau de vie
Electricité
- Les ménages ne disposent pas de l'électricité.
Accès à l'eau potable
- L'accès ne répond pas aux définitions des
OMD ou le
ménage ne dispose pas d'un accès à l'eau à
moins de 30
minutes à pied de son domicile.
Assainissement
- L'assainissement ne répond pas aux définitions
des OMD ou
les toilettes sont partagées.
Sol et qualité du logement
- Le sol de l'habitation est sale, composé de
sable, de bouse, de
fumier.
Combustible de cuisson
- La cuisson des aliments est effectuée au bois,
au charbon de
bois ou à la bouse.
Biens de transport ou de communication
possédés
- Parmi les biens possédés, le ménage n'a pas
plus d'un poste
de radio, de télévision, de téléphone, d'un vélo
ou d'une moto.
1/18
1/18
1/18
1/18
1/18
1/18
Alkire et Santos (2010) avancent plusieurs arguments pour justifier et appuyer
le choix de différentes dimensions. Premièrement, tandis qu'il pourrait y avoir un
peu de désaccord de la convenance d'inclusion du travail, l'autorisation, ou de la
sécurité physique dans une mesure de pauvreté, la valeur de santé, l’éducation et
des variables de niveau de vie de base sont largement reconnus. Deuxièmement, il
y a des littératures substantielles et des domaines d'expertise sur chacun de ces
sujets, qui rendront l'analyse du MPI plus facile. Troisièmement tandis que
quelques données font défaut, la validité, la robustesse et les limites des différents
indicateurs sont bien documentées; une telle documentation n'est pas développée
dans d’autres domaines. Quatrièmement, le développement humain apprécie les
valeurs intrinsèques ainsi qu’instrumentales de ces dimensions. Ces mêmes
dimensions sont soulignées dans les approches du capital humain qui cherchent à
clarifier comment chaque dimension contribue fortement à la croissance de revenu.
Cinquièmement l’introduction de trois dimensions uniquement simplifie des
comparaisons avec des mesures de pauvreté de revenu: les auteurs de l’indice de
pauvreté multidimensionnelle comparent leur mesure avec les mesures de la
pauvreté fournie par la Banque mondiale à un seuil de l’ordre de 1.25$ par jour
110
Revista europeană de drept social
pour 104 pays. Il faut noter, également, que l’IPM renforce sa pertinence et sa
robustesse à partir du rapport qu’il établi avec les OMD. En effet, les auteurs de
l’indice de pauvreté multidimensionnelle emploient des indicateurs qui sont
étroitement liés aux OMD: nutrition (OMD 1), scolarisation (OMD 2), mortalité
infantile (OMD 4), accès à l’eau potable et aux installations sanitaires, (OMD 7).
En somme, l’IPM est une nouvelle mesure visant à représenter les privations
graves dont endurent des individus de manière synchronique. Il reflète des
manques dans des services très rudimentaires et des fonctionnements humains
principaux pour les gens. Il peut être exploité pour donner une idée exhaustive sur
les individus pauvres et permet d’effectuer des comparaisons entre groupe
d’individus au sein d’un même pays ainsi qu’entre pays, régions et au niveau
mondial. Bien que profondément contraint par la disponibilité de données, l’IPM
révèle un modèle de pauvreté nettement différent de la pauvreté de revenu, comme
il reflète différents types de privations.
Le Rapport sur le Développement humain 2010 (RDH) s’appuie sur les
données les plus récentes et les plus fiables disponibles depuis 2000 et présente des
estimations pour 104 pays couvrant une population totale de 5,2 milliards de
personnes (92 pour cent de la population des pays en développement). Environ 1,7
milliards d’individus dans les pays concernés – un tiers de leur population globale
– vivent dans une situation de pauvreté multidimensionnelle. Le calcul de l’IPM
pour 104 pays montre qu’environ 1,75 milliard de personnes − un tiers de leur
population − vivent dans une situation de pauvreté multidimensionnelle; il s’agit là
des pays où au moins un tiers des indicateurs indiquent une déprivation sévère en
termes de santé, d’éducation ou de niveau de vie. Ce chiffre dépasse les 1,44
milliard d’habitants de ces pays vivant avec moins de 1,25 $ par jour (bien que cela
soit inférieur à la proportion de personnes vivant avec 2 $ ou moins).
Comme toute mesure, l’IPM n’est pas sans limites. Selon ses propres auteurs
et les spécialistes de la Banque Mondiale différentes critiques peuvent être
adressées à cette nouvelle mesure de la pauvreté. Nous pouvons classer ces
dernières en trois: des limites portant sur les données, d’autres liées aux dimensions
et indicateurs retenus et des limites adressées au seuil et aux pondérations.
Pour les données, leur non disponibilité ou leur manque pour un grand nombre
des pays fait que les approximations de l’IPM 2010 sont présentes uniquement
pour 104 pays. Egalement, les années de référence diffèrent considérablement d'un
pays à un autre; Pour soixante-quatre pays elles remontent à 2005 ou plus
récemment; pour trente pays à 2003 ou 2004, et pour dix pays à 2000-2002. Cette
différence rend difficile la comparaison de niveau de pauvreté entre pays et ne
permette en aucun cas de classer les pays selon le niveau de cet indice.
Concernant les dimensions et les indicateurs retenus, les auteurs du rapport
sur le développement humain 2010 avancent que l’IPM se heurte à plusieurs
limites tant empiriques qu’analytiques. En premier lieu, les dimensions introduites
dans le calcul de l’IPM renferment des indicateurs dont le choix a été dicté par des
contraintes attachées beaucoup plus à la nature des données collectées par les
111
Revue europénnee du droit social
enquêtes DHS qu'aux priorités et aspirations des individus. Donc, elles ne tiennent
pas compte de toutes les priorités socio-économiques dont celles qui renforcent
l’aptitude des individus à s'auto-protéger contre le fléau de la pauvreté. Autrement
dit, les indicateurs d'apport qui reflètent la capacité des gens à se prendre en charge
sont tous écartés. C'est le cas notamment des facteurs de revenu tels que l'emploi,
la couverture sociale, l’accès aux moyens de financement…
Deuxièmement, les données concernant la santé ne sont pas précises et
omettent les insuffisances de certains groupes, en particulier, pour l’alimentation.
Troisièmement, pour être considéré comme « multidimensionnellement » pauvre,
un ménage doit endurer des insuffisances concernant au moins six indicateurs de
niveau de vie ou trois indicateurs de niveau de vie et un indicateur de santé ou
d’éducation, ce qui rend l’IPM moins sensible aux petites imprécisions.
Quatrièmement, l’IPM ne tient pas compte des inégalités à l’intérieur d’un même
ménage, même si elles sont marquées. Par conséquent, même si l’IPM va bien audelà d’un simple recensement des pauvres et mesure l’intensité de la pauvreté
subie, il ne reflète pas les inégalités entre les dépourvus.
Les critiques adressées au seuil et aux pondérations retenus sont les suivantes:
les variables utilisées pour mesurer l’IPM sont définies et subjectivement pondérées
de sorte que tout déficit sanitaire, nutritionnel ou scolaire d'un membre du ménage
augmente le risque pauvreté des autres membres et ce, indépendamment des
ressources dont dispose le ménage. En termes de substituabilité, le fait de ne pas
disposer d’un certains nombre de biens est pareil, en termes de risque de pauvreté, à
l'absence totale d'un système scolaire de base. Encore plus, la mesure de la pauvreté
d'après l’IPM se fonde sur un seuil subjectif arbitrairement fixé à 30%.
III.4. L’indice de développement humain ajusté aux inégalités
L’IDH ajusté aux inégalités (IDHI) est l’une de mesures novatrice du PNUD
(2010). Comme son nom l’indique, il permet de mesurer le développement humain
tout en tenant compte des disparités entre individus à travers les différentes
dimensions. En effet, l’IDHI perçoit les déficits de développement humain dus aux
inégalités dans les trois dimensions constitutives de l’IDH: la santé, l’éducation et
le revenu et permet de dissimuler les disparités marquées entre individus au sein
d’un même pays. De ce fait, contrairement à l’IDH, l’IDHI ne tient pas compte
uniquement des réalisations moyennes d’un pays en matière de santé, d’éducation
et de revenu, mais aussi de la répartition desdites dimensions parmi les différents
membres de la communauté; il escompte la valeur moyenne de chaque dimension
en fonction de son niveau d’inégalité permettant, ainsi, d’instaurer un rapport direct
entre les inégalités dans les dimensions de l’IDH et les pertes résultantes en matière
de développement humain (PNUD 2010).
L’IDHI d’un pays est généralement inférieur à l’IDH et l’écart entre les deux
variables est dû aux inégalités attribuées aux différentes dimensions. La première
mesure peut être considérée, compte tenu des disparités, comme un indice reflétant
112
Revista europeană de drept social
le niveau réel du développement humain tandis que la seconde peut designer le
développement humain « potentiel » qui pourrait être obtenu lorsque les différentes
dimensions sont équitablement réparties. Il s’ensuit, donc, que l’IDH s’égalise à
l’IDHI dans un contexte de parfaite répartition de différentes réalisations. Dans le
cas contraire, l’IDHI est inférieur à l’IDH et la perte de développement humain
potentiel due aux inégalités se creuse au fur et à mesure que les inégalités
s’accentuent; plus les disparités sont importantes, plus l’IDHI est bas et plus l’écart
entre les deux indices s’amplifie. La différence entre IDH et IDHI correspond,
ainsi, au « déficit » de développement humain potentiel dû à l’inégalité
L’indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI) est calculé en
se basant sur un ensemble d’indicateurs composites sensibles à la répartition. Tout
en préservant les mêmes dimensions introduites pour le calcul de l’IDH, l’IDHI est
calculé comme la moyenne géométrique des indices relatifs à la santé, l’éducation
et le niveau de vie ajustés en fonction des inégalités. Les dimensions retenus, les
indicateurs respectifs et l’ensemble des indices intermédiaires utilisés afin
d’aboutir à une mesure de l’IDHI sont résumés dans la figure ci-dessous:
Ainsi, l’IDHI ne tient pas compte uniquement du développement humain
moyen des pays mais également de la manière dont ce développement est réparti. Il
prend en compte les inégalités en calculant, en premier lieu, pour chaque
dimension puis, en second lieu, entre les dimensions.
Le calcul de l’IDHI se déroule en trois étapes: mesure des inégalités,
ajustements des trois dimensions – éducation, santé et niveau de vie- aux inégalités
et calcul de la valeur de l’IDHI. Ces différentes étapes sont explicitement
développées dans ce qui suit.
113
Revue europénnee du droit social
Étape 1. Mesure de l’inégalité dans les répartitions sous-jacentes
Soit X1, … , Xn la répartition sous-jacente dans les dimensions d’intérêt et
soit A = 1– g/µ la mesure de l’inégalité pour chaque variable avec représente la
moyenne géométrique et m la moyenne arithmétique de la répartition. Pour chaque
variable, -à savoir l’espérance de vie, la durée de la scolarisation et le revenu
disponible ou la consommation par habitant- l’expression de Ax peut s’écrire ainsi:
Ax = 1−
n
X 1 .....X n
X
(1)
La moyenne géométrique de l’équation 1 ne peut pas comporter de valeurs
nulles. En effet, pour la durée de scolarisation, une année additionnelle est ajoutée
à toutes les observations afin de calculer les inégalités. En ce qui concerne le
revenu par habitant, les valeurs négatives ou nulles sont remplacés par la valeur
minimale du percentile inférieur égal à 0,5 % de la répartition des revenus positifs
tandis que, pour les valeurs aberrantes obtenues, l’exercice consiste à tronquer un
percentile supérieur égal à 0,5 % de la répartition dans le but de d’atténuer
l’incidence des revenus extrêmement élevés (pour plus de détails voir Alkire et
Foster (2010)).
Étape 2. Ajustement des indices dimensionnels par rapport aux inégalités
Cette étape consiste à ajuster la valeur moyenne X de chaque dimension en
fonction des inégalités présentes dans la répartition. Le niveau moyen atteint suite à
l’ajustement au niveau des inégalités est:
X * = X (1 − A x ) = n X 1 ...X n
(2)
La multiplication des différents indices de l’IDH, notés Ix, par (1-Ax), permet
d’obtenir des nouveaux indices qui tiennent compte des inégalités. Les indices
ajustés aux inégalités II est ainsi
x
IIx = (1 − Ax ) I x
(3)
Pour la dimension revenu, nous devons noter, cependant, que l’indice du
revenu ajusté aux inégalités, I* I , repose sur l’indice RNB (et non pas son
logarithme), I*Revenu. Il permet ainsi à l’IDH ajusté aux inégalités de tenir compte
de l’impact total dû aux inégalités de revenu.
Revenu
Étape 3. Calcul de l’IDH ajusté aux inégalités
Une fois, les différentes dimensions de l’IDH sont ajustées aux inégalités,
l’IDHI peut être facilement calculé. Il correspond à la moyenne géométrique des
ces dernières:
114
Revista europeană de drept social
IDHI ∗ = 3 I I Longévité . I I Instructio n . I* I Re venu
= 3 (1 − A Longévité ).I Longévité .(1 − A Instructio n ) I Instructio n .(1 − A Re venu ) I*Re venu
Egalement, nous calculons l’IDH sur la base de l’indice de revenu (et non pas
son logarithme). L’IDH* est donc:
IDH∗ = 3 Ilongévité.IInstruction .I*Revenu
La perte en pourcentage de développement humain, due à la présence des
inégalités dans chaque dimension, est calculée de la manière suivante:
Perte = 1 −
IDHI ∗
= 1 − 3 (1 − A Longévité ).(1 − A Instructio n ).(1 − A Re venu )
IDH ∗
Sous l’hypothèse que le déficit en pourcentage en raison des disparités, en
termes de répartition des revenus, est identique au revenu moyen et à son
logarithme, l’IDHI se calcule comme suit:
 IDHI ∗
IDHI = 
∗
 IDH

.IDH =


3
(1 − A Longévité ).(1 − A Instructio n ).(1 − A Re venu ) .IDH
Il est donc clair que l’IDHI, fondé sur une classe d’indices composites
sensibles à la répartition, tel que proposée par Foster, Lopez-Calva et Szekely
(2005), permet de refléter les inégalités existantes au niveau de chaque dimension.
Par conséquent, il peut être utile pour repérer l’origine de sous-developpement,
rendre compte des déficits du niveau de développement humain potentiel dus aux
inégalités et orienter les politiques publiques afin d’améliorer le niveau de
développement économique d’un pays quelconque. Le calcul de l’IDHI au niveau
régional permet de détecter l’origine des déficits du développement humain.
Il ressort, à partir du graphique, que l’Afrique subsaharienne subit les déficits
les plus considérables en raison d’une inégalité accrue sur l’ensemble des
dimensions de l’IDH, suivie de l’Asie du Sud puis, des États arabes. Pour l’Asie du
Sud, le déficit de développement est d’une à une forte inégalité en matière de santé
et l’éducation. Concernant les États arabes, les pertes en termes de bien-être sont
généralement expliquées par une répartition inégale de l’éducation; A titre
illustratif, l’IDH de l’Égypte et le Maroc baisse de 28 point de pourcentage en
raison principalement d’inégalités dans le domaine de l’éducation. Pour les autres
régions, les déficits sont globalement imputables plus directement à l’inégalité dans
une seule dimension. Il s’ensuit, donc, que ce sont les pays à faible niveau de
développement humain qui enregistrent les disparités multidimensionnelles les plus
115
Revue europénnee du droit social
marquées. En revanche, les pays développés connaissent moins d’inégalités en
matière de développement humain. Encore plus, ce sont les inégalités non
monétaires qui importent dans les pays à faible IDH. Pour les continents pauvres,
l’inégalité est plus prononcée pour les deux dimensions éducation et santé. Elle
représente, par conséquent, un défi à surmonter par les responsables politiques afin
de réduire l’inégalité d’accès aux services publics et d’améliorer, par voie de
conséquence, le niveau du développement du pays
CONCLUSION
Les critiques formulées à l’encontre de l’approche de la pauvreté monétaire
ont conduit à proposer une approche alternative qui intègre en plus des indicateurs
monétaires d’autres non monétaires. L’approche multidimensionnelle permet par
conséquent, de tenir compte, au-delà de l’insuffisance de revenu, d’autres aspects
de bien-être omis par les mesures classiques de niveau de vie. L’approche
multidimensionnelle est donc un concept plus riche qui permet de tenir compte des
différentes facettes de la pauvreté et de fournir par conséquent une idée plus claire
et plus réelle de niveau de vie et de l’état de privation et de dénuement.
Cependant, bien que cette dernière est plus riche en information et reflète plus
clairement l’état de précarité des individus et des nations, elle n’est pas sans limite.
En effet, bien que les mesures de la pauvreté multidimensionnelle présentent des
nouvelles méthodologies récentes et très prometteuses, la difficulté fondamentale
rencontrée lors d’une définition d’une mesure multidimensionnelle de la pauvreté
est d’apprécier l’étendue de la liberté de choix de dimensions à retenir. En effet, les
économistes n’ont pas atteint un consensus sur les dimensions qui importent le plus
et justifient très rarement leurs choix des dimensions introduites dans le calcul
d’une mesure multidimensionnelle (Duclos et alii, 2002). Egalement, le choix des
dimensions retenues peut être contraint par la disponibilité des données.
Reste à signaler que la recherche empirique sur la multidimensionnalité de la
pauvreté ne vise pas l’élaboration des mesures parfaites mais plutôt de fournir des
mesures suffisantes, reflétant le mieux que possible le niveau de vie et permettant,
par conséquent, aux décideurs politiques de prendre les mesures les plus
pertinentes pour lutter contre la pauvreté.
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121
Revue europénnee du droit social
L’AIDE À LA PERSONNE, ILLUSTRATION
DES ENJEUX CONTEMPORAINS DE LA CERTIFICATION
PROFESSIONNELLE EN FRANCE
Pascal CAILLAUD,
Chargé de recherche CNRS en droit
Laboratoire « Droit et changement social »
(UMR CNRS 3128 –Université de Nantes)
Directeur du Centre associé au Céreq des Pays
de la Loire – MSH Ange Guépin 1
Abstract : „Home care services, illustration of the contemporary evolutions of
qualifications in France”. Despite the Borloo Act of 2005 concerning home care services, it is
always difficult to identify the boundaries of this professional sector. This difficulty raises, in
corollary, a second: how to identify existing professional qualifications, evidence of capacity
and skills of stakeholders in this sector and how analyze the rights that these qualifications
provide their holders? Qualifications in home care services are confronted with recent legal
reforms of qualifications in France and the central role now given to the public authority in
charge of this issue. Home care services are there always a free professional activity?
Sometimes related to health and safety of people, do they not gradually become a regulated
profession, for which possession of a certification becomes legally binding?
Key words: home care services; legal reforms of qualifications; free professional activity
Introduction
Se pencher sur le sujet des certifications professionnelles de l’aide à la
personne soulève deux difficultés majeures pour un juriste2.
D’une part, il parait ardu de cerner avec précision ce que l’on qualifie de
« services d’aide à la personne » (SAP). Les diverses sources officielles, juridiques
comme informatives3, contribuent à entretenir une incertitude sur la détermination
des frontières de ce champ professionnel. Il est ainsi bien difficile de trouver une
définition précise de la notion de « services à la personne » dans la législation
afférente4. La communication de l’agence, créée ad hoc en 20055, n’est guère plus
1
5 allée Jacques Berque - BP 12105 - 44021 NANTES CEDEX 1 - [email protected]
Ce texte est issu d’une communication à la journée d'étude du Centre associé au CEREQ des Pays
de la Loire, « Le développement de l'aide à la personne : pour quelle professionnalisation ? », Nantes,
19 novembre 2009.
3
Comme le site internet de l’Agence nationale des services à la personne :
www.servicesalapersonne.gouv.fr.
4
Loi n°2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant
diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
5
Agence nationale des services à la personne, Décret 2005-1281 du 14 octobre 2005.
2
122
Revista europeană de drept social
utile : la typologie des services qu’elle fait entrer dans son champ de compétences
s’apparente à un véritable inventaire à la Prévert qui vise aussi bien les activités
concernant les humains, les animaux et les végétaux !6
Cette difficulté à identifier les frontières du secteur de l’aide à la personne a
été unanimement soulignée par les nombreux rapports publics, antérieurs comme
postérieurs à la loi Borloo de 2005.
Faisant référence à la « convention nationale pour le développement des
services d’aide à la personne », signée le 22 novembre 2004 entre l’Etat et les
différents acteurs de l’aide à domicile, le rapport de l’Assemblée nationale,
préparatoire à la loi de 2005, définit les SAP comme « l’ensemble des services
contribuant au mieux-être de nos concitoyens sur leurs lieux de vie, qu’il s’agisse
de leur domicile, de leur lieu de travail ou de loisirs » et les catégorise en cinq
grandes familles : les services à la famille, les services associés à la promotion de
la santé à domicile ou sur le lieu de travail, les services associés à la qualité de vie
quotidienne à domicile ou sur le lieu de travail, les services associés au logement et
au cadre de vie et les services d’intermédiation (Giro, 2005).
Toutefois, comme le souligne le rapporteur de la loi, cet ensemble
extrêmement vaste d’activités ne coïncide pas avec la nomenclature plus précise de
l’INSEE sur la branches des « services aux particuliers » qui regroupent les
services domestiques (ménages pour les personnes privées par du personnel
domestique), les services personnels (blanchisserie, coiffure, soins de beauté et
entretien corporel, services funéraires) mais aussi les hôtels restaurants, les
activités récréatives, culturelles et sportives (Giro, 2005).
Les années qui suivirent l’adoption de la loi Borloo furent prolifiques en
termes de rapports publics sur le sujet, qu’il s’agisse du rapport Verollet pour le
Conseil économique, social et environnemental (Verollet, 2007), du rapport du
CERC (CERC, 2008) ou du rapport Debonneuil pour l’IGAS (Debonneuil, 2008).
Tous s’accordent sur un certain nombre de constats. D’abord, les contours de ce
secteur sont relativement indéfinis : la liste des activités établie par la « convention
nationale pour le développement des services d’aide à la personne » de 2004 ne se
retrouve pas dans celle du décret du 29 décembre 20057 plus limitative qui exclut
toutes les activités de soins du régime d’agrément qu’il instaure et n’y fait pas
figurer non plus les assistantes maternelles.
Ensuite, ce n’est pas tant la nature des activités professionnelles qui caractérise
ce secteur que le régime fiscal et social dont il bénéficie : réduction d’impôt pour
les ménages utilisateurs de ces services dès lors qu’ils sont assurés en emploi direct
6
7
Le site internet de l’ANSP catégorise trois types d’activités entrant dans son champ de compétence :
les services à la famille (de la garde d’enfants à l’assistance informatique), les services à la vie
quotidienne (de la préparation des repas et des commissions à la collecte et la livraison du linge
repassé ou au jardinage) et les services aux personnes dépendantes (du garde malade aux soins et
promenades aux animaux de compagnie).
Décret n°2005-968 du 29 décembre 2005 fixant la liste des activités mentionnées à l'article L. 129-1
du code du travail.
123
Revue europénnee du droit social
ou par un intermédiaire agréé, taux réduit de TVA (5,5%), régime spécifique de
cotisations sociales pour les entreprises agréées8 et recours au Chèque emploi
service universel (CESU) déclaratif ou préfinancé pour la rémunération des
professionnels (CERC, 2008).
L’hétérogénéité, voire le morcellement des activités de l’aide à la personne, se
retrouve également dans la diversité des conventions collectives applicables aux
salariés de ce secteur, soulevant, par là même, des questions portant sur la
représentativité des organisations d’employeurs. Si le plan gouvernemental de
développement des SAP ne cachait pas sa volonté d’entrainer les partenaires
sociaux dans la négociation d’une « convention collective commune aux
prestataires de services à la personne, déterminant un socle de règles s’appliquant à
l’ensemble des salariés du secteur, qu’ils relèvent de l’économie privée de droit
commun ou de l’économie privée associative »9, force est de constater que cette
unification conventionnelle n’est pas en voie de réalisation. L’accord national
professionnel conclu dans « le secteur des services à la personne » le 12 octobre
2007 par la seule Fédération des entreprises à la personne (FESP)10 a, dans un
premier temps, fait l’objet d’une extension le 1er avril 2008, avant que, dans un
second temps, l’arrête ministériel y procédant soit annulé par le Conseil d’Etat le
23 juillet 2010, après un recours de la Fédération des entreprises de propreté et
services associés (FEP) et le Syndicat national des établissements et résidences
privées pour personnes âgées (SYNERPA)11. Subsistent donc aujourd’hui plusieurs
conventions collectives pouvant couvrir les activités de l’aide à la personne : d’une
part, les trois conventions signées par la FEPEM12, relatives aux salariés des
particuliers employeurs, aux jardiniers et gardiens de propriété et aux assistantes
maternelles du particulier employeur, d’autre part, celles du secteur non lucratif
(conventions collectives des organismes d’aide ou de maintien à domicile, des
travailleuses familiales, des aides familiales rurales et personnels de l’aide à
domicile en milieu rural (ADMR), de l’hospitalisation privée à but non lucratif …)
et enfin celles du secteur lucratif dont la nature des activités peut être assimilée à
l’aide à la personne comme les coiffeurs à domicile (CERC, 2008).
Cette première difficulté –l’indétermination des frontières des SAP- en
soulève, en corolaire, une seconde : comment identifier les certifications
professionnelles existantes, attestant des capacités et aptitudes des intervenants de
ce secteur et par là même, analyser les droits que ces certifications procurent à
leurs titulaires ?
8
Article D.7231-1 du Code du travail.
Cette convention devait être déclinée, en tant que de besoin, par des conventions spécifiques
applicables aux différentes catégories de métiers des services à la personne ; Ministère de l’emploi, du
travail et de la cohésion sociale, Plan de développement des services à la personne pour la constitution
d’un pôle d’excellence national dans le secteur des services à la personne, 16 février 2005, p. 36.
10
Et par la CFDT, la CGT-FO, la CFTC et la CFE-CGC.
11
Conseil d’Etat, 23 juillet 2010, n° 316953.
12
Fédération des particuliers employeurs.
9
124
Revista europeană de drept social
Or, sur ce point également, tous les rapports officiels consécutifs à la loi
Borloo de 2005 considèrent que la professionnalisation de ce secteur se heurte à un
« morcellement des titres et des diplômes » (Verollet, 2007), « une offre de
qualification peu lisible » (CERC, 2008) et la nécessité de mettre en place « un
système de formation initiale lisible et articulé avec des systèmes efficaces de
formation professionnelle » (Debonneuil, 2008).
Face à ces constats, notre propos ne consistera pas à étudier avec précision
chaque certification professionnelle pouvant entrer dans le champ bien flou de ce
secteur, mais plutôt à les confronter aux grands principes qui gouvernent
actuellement le droit des certifications. Dans quel cadre juridique s’inscrivent les
titres et diplômes de ce secteur depuis sa structuration en 2005 ? Ne peut-on pas
considérer certaines activités de l’aide à la personne comme des professions
réglementées dans lesquelles la possession d’une certification est obligatoire ? A
contrario, dans le cas d’activités libres, les conventions collectives entrant dans la
sphère de l’aide à la personne, ont-elles toutes la même appréhension des
certifications, notamment quant à la place qu’elles leur accordent dans les
classifications d’emploi, qui y figurent nécessairement ?13
Dans un premier temps, nous présenterons l’influence qu’ont eue les récentes
évolutions du paysage national de la certification professionnelle sur les
certifications de l’aide à la personne (I). Dans un second temps, nous analyserons
la diversité des effets juridiques de ces certifications pour leur titulaire, en termes
de droit d’accès aux activités professionnelles ou de rémunération (II).
1. Un secteur soumis aux évolutions du paysage
national de la certification professionnelle
La création du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et
de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) chargée de
le gérer, par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, ont eu un impact
sur le paysage français des titres et diplômes qu’il est encore difficile de mesurer
complètement.
Au motif d’une meilleure et nécessaire information des individus face aux
méandres du paysage de la certification professionnelle14, les pouvoirs publics ont
fortement contribué à modifier les règles et principes juridiques gouvernant le droit
national des diplômes et des titres.
13
14
Article L.2261-22 du code du travail.
On pourra se référer aux constats du Livre blanc de Nicole Péry, "La formation professionnelle :
diagnostics, défis et enjeux", contribution d secrétariat d’État aux droits des femmes et à la formation
professionnelle, Paris, 1998, 229 p.
125
Revue europénnee du droit social
Le diplôme de l’Etat, mètre étalon de la qualification individuelle15, a laissé sa place
à la notion de certification professionnelle dont il n’est aujourd’hui plus qu’une des
composantes avec les titres à finalité professionnelle et les certificats de qualification
professionnelle (CQP) des partenaires sociaux16. Si la certification professionnelle est
ainsi devenue aujourd’hui un objet juridique autonome, accessible aussi bien par la
formation scolaire, universitaire, continue, l’apprentissage ou la validation des acquis de
l’expérience17, cette autonomisation s’est accompagnée d’une normalisation de son
régime juridique en termes de construction et de délivrance, sous le contrôle de la CNCP
dont la nature et le régime juridique font aujourd’hui l’objet de débat18. Les certifications
du secteur des SAP s’inscrivent évidemment dans cette évolution.
2. L’aide à la personne face à la normalisation
de la certification professionnelle
Tout en créant le RNCP, le législateur n’a pas apporté de définition organique
de la notion même de certification professionnelle, qu’elle intègre pourtant dans le
langage juridique. Cette notion ne peut être identifiée que par ses composantes :
« les diplômes et titres à finalité professionnelle, ainsi que les certificats de
qualification figurant sur une liste établie par la commission paritaire nationale de
l’emploi d’une branche professionnelle »19
Ainsi, l’ensemble des certifications a donc vocation à entrer dans le nouveau
cadre normatif établi par le RNCP et doit dorénavant respecter des conditions
juridiques, imposées par le Code de l’éducation aux certificateurs, qui traduisent
une extension du modèle du diplôme de l’Etat (Caillaud, 2010) : présence des
institutions publiques et des partenaires sociaux dans le processus de construction
ou d’officialisation de la certification20, structuration de la certification autour de
référentiels21 (y compris pour les certificats de qualification professionnelle –
CQP22) , reconnaissance de la certification sur l’ensemble du territoire national23,
15
« Il ne suffit pas de déterminer les différentes catégories professionnelles : encore faut-il que, lors de
la formation des relations individuelles de travail, le salarié possède bien la qualification attendue de
lui. Longtemps, la pratique y est parvenue au moyen du contrat à l’essai qui permet à l’employeur
d’apprécier toute la capacité technique du salarié. Le droit moderne tend surtout à garantir cette
aptitude par un diplôme qui sanctionne un enseignement ». (Durand, 1950).
16
Article L. 335-6 du code de l’éducation.
17
A l’exception des CQP. Article L. 335-5 alinéa 1 du Code de l’éducation.
18
Article 22.III de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle
tout au long de la vie.
19
Article L. 335-6 du code de l’éducation.
20
Article L. 335-6 al. 4 du Code de l’éducation. Il s’agit d’étendre à tous les ministères, le modèle des
Commissions Professionnelles Consultatives (CPC) de l’Education nationale
21
A l’exception notable des diplômes de l’enseignement supérieurs.
22
Article 22 de la loi du 24 novembre 2009 relative à « l'orientation et à la formation professionnelle tout
au long de la vie.
23
Article R. 335-12 du code de l’éducation, condition que l’on retrouve pour les diplômes : articles L.
331-1 (enseignement secondaire) et L.613-1 (enseignement supérieur) du code de l’éducation
126
Revista europeană de drept social
présence d’un jury impartial24, obligation de reconnaitre la validation des acquis de
l’expérience (VAE) comme mode d’obtention de la certification25…
Comme il en était fait état précédemment, il parait donc bien difficile de
déterminer précisément les certifications entrant dans le champ professionnel de
l’aide à la personne. Selon les sources, ce nombre varie considérablement. Unanimes
à considérer que les SAP recouvrent un champ extrêmement vaste d’activités pour
lesquelles la professionnalisation est un impératif relativement important, les rapports
publics postérieurs à la loi Borloo de 2005 n’abordent la question des certifications
que de façon partielle, soit pour un seul pan d’activités comme l’aide à domicile
(Verollet, 2007), soit par les seules certifications publiques (Debonneuil, 2008), soit
par le seul niveau V de formation (CERC, 2008).
Destiné à l’information des professionnels comme des consommateurs, le site
officiel de l’ANSP propose un moteur de recherche des certifications du secteur de
l’aide à la personne. 62 certifications y sont recensées, reflétant la diversité du
paysage de la certification : 43 émanent de ministères, 3 de branches professionnelles
(titres de l’institut FEPEM) et 16 d’autres certificateurs (Greta, CNAM, Ecole J.
Blum, lycées professionnels privés, Chambres de Commerce et d’Industrie…)26.
La nature des certificateurs, comme celle des niveaux, est souvent source de
tension (Veneau, Maillard, 2008), et le secteur de l’aide à la personne, notamment
dans le cas des « particuliers employeurs » à travers le statut juridique des titres
délivrés par la FEPEM, en est une illustration.
Organisation historique de la représentation des particuliers-employeurs, la
FEPEM a été créée en 1948 à l’initiative d’employeurs pour contractualiser et
donner un cadre juridique à la relation professionnelle entre les particuliers
employeurs et leurs salariés27.
Très longtemps seule organisation représentative des particuliers employeurs,
elle s’est vue contester cette représentativité par une nouvelle organisation issue
d’une scission interne. Se fondant sur sa qualité d’organisation représentative du
secteur de l’aide à la personne et le recensement de 3,5 millions de particuliersemployeurs en 2008, employant 1,6 millions de salariés (et d’une masse salariale
ainsi estimée à près de 9 milliards d’euros), la FEPEM affiche une volonté de
siéger au sein des instances représentant les employeurs, telles que la Commission
nationale de la négociation collective (CNNC) ou la Caisse nationale d’allocation
familiales (CNAF) 28. Toutefois, les pouvoirs publics considèrent que cette
24
Article R. 336-16 du Code de l’éducation, condition dont le non respect entraîne le retrait immédiat de
l’enregistrement au RNCP.
25
Article R. 335-21 du Code de l’éducation. Seul le fait pour un certificateur de ne pas solliciter
l’inscription de sa certification lui permet donc d’être dispensé de pratiquer la VAE (Conseil d'État,
4ème sous-section, 20 mai 2005, 266543)
26
Un recensement par niveau fait apparaître une domination du niveau V (19 certifications) et du niveau
II (17 titres et diplômes). 9 certifications sont du niveau IV, 9 du niveau III et 8 du niveau I.
27
www.fepem.fr
28
Question écrite n° 07440 de M. Marcel RAINAUD (Aude - SOC) publiée dans le JO Sénat du
12/02/2009 - page 36.
127
Revue europénnee du droit social
demande de siéger au sein de ces instances nationales entre dans la question du
champ national interprofessionnel. Or, si l’importance de la FEPEM, « en termes
d’emplois et de particuliers d’employeurs représentés, est indéniable », elle
apparaît comme une organisation essentiellement sectorielle dont le périmètre ne
lui permet pas de prétendre au caractère interprofessionnel : elle n’est en effet
présente que dans deux branches et conventions collectives, sur les quelques 700
identifiées. La FEPEM ne peut donc par conséquence « bénéficier des mêmes
prérogatives que les organisations d’employeurs qui bénéficient d’une
représentativité au niveau de ces instances à caractère interprofessionnel »29. En
réalité, les années 2009 et 2010 furent une période de « redistribution des cartes »
dans la représentation du particulier employeur. En 2009, une scission du syndicat
Ile-de-France de la FEPEM débouche sur la création du Syndicat des particuliers
employeurs (SPE). Le 25 mars 2009, le Conseil d’Administration de la Fédération
des Entreprises de Services à la Personne a entériné l’adhésion du Syndicat des
particuliers employeurs (SPE). A cette occasion, elle est devenue la Fédération du
service aux particuliers (FESP) et regroupe désormais l’ensemble des acteurs du
secteur du service aux particuliers30. Avec cette fusion, la FESP, membre du
MEDEF, devient ainsi l’organisation professionnelle représentative de l’ensemble
des acteurs privés des métiers du service aux particuliers. Enfin, en décembre 2010,
le Ministre du Travail, de l’Emploi, et de la Santé a reconnu la représentativité du
syndicat des particuliers employeurs (SPE)31 dans le champ de deux conventions
collectives32, qui permettront ainsi au SPE d’engager des négociations de réforme
de ces textes sans que, nécessairement, la FEPEM ne signe, voire même ne
participe aux négociations sauf si l’extension est demandée (Langlois, 2008). Cette
reconnaissance de représentativité met donc fin à la situation de monopole de la
FEPEM dans la représentation du particulier-employeur, et permet même, par
ricochet, au MEDEF, de devenir représentatif dans ce secteur du fait de
l’appartenance du SPE à cette confédération. Par la même occasion, c’est une
recomposition de la représentation dans le secteur des services à la personne qui se
profile. Ainsi, à l’occasion d’un renouvellement de poste du collège « personnes
âgées », la FEPEM a-t-elle perdu son siège au conseil d’administration de la Caisse
nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes
handicapées (CNSA) où elle siégeait depuis 200533.
29
Réponse du Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville
publiée dans le JO Sénat du 28/01/2010 - page 196.
30
Le Syndicat des Entreprises de Services à la Personne (SESP), le syndicat des particuliers
employeurs (SPE), le Syndicat des Auto-Entrepreneurs (SAE) qu’elle vient de créer et les sociétés qui
opèrent dans le développement de la profession (enseignes …).
31
Site internet de la FESP. http://www.sesp.asso.fr/pages.php3?rub=4&ssrub=25
32
"Convention Collective Nationale des salariés du particulier employeur" du 24 novembre 1999 et
étendue depuis le 2 mars 2000 et convention collective des assistants maternels du particulier
employeur est, depuis le 1er janvier 2005, d'application obligatoire pour tous les parents qui font
accueillir leur(s) enfant(s) au domicile d'un assistant maternel agréée.
33
Le Journal du Domicile et des services à la personne, mai 2009
128
Revista europeană de drept social
Toutefois, la FEPEM reste très active dans le champ de la certification
professionnelle. Par l’intermédiaire de « l’Institut Fepem de l’Emploi Familial ».
Créé en 1994, cet institut de formation professionnelle s’appuie sur 400 organismes
de formation et délivre, sous sa responsabilité, trois certifications de niveau V (CAPBEP), figurant au Répertoire National des Certifications Professionnelles
(RNCP) jusqu’en juillet 2013 : AssistantFrance de vie dépendance ; Assistant
maternel / Garde d’enfants ; Employé familial. La reconnaissance des effets
juridiques de ces titres est un enjeu très important pour la FEPEM dont une partie de
la stratégie s’est orientée vers une action contentieuse devant le juge administratif
autours de ces certifications et de la défense des formations dispensées. Tel est
l’origine du recours de la FEPEM contre le décret du 20 avril 2006 relatif à la
formation des assistants maternels34. Ce décret introduit, dans le Code de l’action
sociale, un article D. 421-27-6 aux termes duquel sont dispensés de suivre la
formation prévue « les assistants maternels titulaires du diplôme professionnel
d’auxiliaire de puériculture, du certificat d’aptitude professionnelle petite enfance, ou
de tout autre diplôme intervenant dans le domaine de la petite enfance homologué ou
inscrit au répertoire national des certifications professionnelles au moins au niveau
III ». La FEPEM déposa un recours en excès de pouvoir au motif que certaines
formations classées au niveau V n’avaient pas été prises en compte. Bien
évidemment, l’objet de ce recours est la certification délivrée par l’Institut FEPEM
« Assistant maternel / Garde d’enfants » et reconnu au Niveau V (CAP-BEP) par la
Commission Nationale de la Certification Professionnelle (CNCP). Pour le Conseil
d’Etat, le pouvoir réglementaire a fixé, « avec l’objectif de garantir la qualité des
prestations pouvant être dispensées par les assistants maternels, une liste de
qualifications professionnelles regardées comme équivalentes à celle prévue par le
code de l’action sociale et des familles » sans entachée d’illégalité sa décision35.
Si cette pluralité des certifications de l’aide à la personne apparait ainsi source
de tensions, allant jusqu’au contentieux, elle permet également de consolider la
place centrale de la CNCP, perçue comme organisme régulateur dans cette jungle
des qualifications.
3. Les services aux personnes fragiles:
la consécration du rôle central de la CNCP
Il aurait été erroné de considérer que la suppression, en 200236, de la liste
d’homologation des titres et des diplômes de l’enseignement technologique et le
remplacement de la Commission Technique d’Homologation (CTH) par la CNCP
n’étaient que des changements sémantiques (Caillaud, 2010). Certes, la
34
35
36
Décret n° 2006-464 du 20 avril 2006 relatif à la formation des assistants maternels
C.E., 1er décembre 2008, FEPEM, n° 294566.
Loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.
129
Revue europénnee du droit social
composition de ces deux instances parait similaire, fondée sur le quadripartisme
(représentants de l’Etat, des employeurs, des salariés et des personnalités
qualifiées). Cependant, les missions dévolues par le législateur à la CNCP
dépassent celles de la CTH. Ainsi, veille-t-elle à la cohérence, à la complémentarité
et au renouvellement des diplômes et des titres et réalise l’évaluation publique
qu’elle juge nécessaire des CQP. Elle peut également émettre des
recommandations à l’attention des institutions délivrant ces certifications et, en vue
d’assurer l’information des particuliers et des entreprises et leur signale les
éventuelles correspondances entre les certifications enregistrées dans le RNCP37.
Depuis la loi de modernisation sociale en 2002, l’opportunité d’accroitre le
rôle de la CNCP dans la régulation du paysage national de la certification a été
plusieurs fois suggérée.
Ainsi, la contribution de la promotion René Cassin, des élèves de l’Ecole
Nationale d’Administration (ENA), en 2002, à l’occasion d’un séminaire portant
sur la formation professionnelle, proposait de donner à la CNCP la mission de
coordonner l’activité des CPC, supposant de réunir régulièrement celles-ci pour
leur donner les grandes orientations de leurs activités mais également de leur
enjoindre, le cas échéant, de créer, rénover ou supprimer un diplôme (ENA, 2002)
Plus récemment, le rapport Besson de 2008 proposait de dépasser cette
mission de coordination pour consacrer un réel pouvoir normatif de la CNCP à qui
il reviendrait de définir les règles gouvernant l’inscription des certifications de
l’État, et « d’évaluer l’intérêt du diplôme dans le métier » (Besson, 2008).
C’est dans ce contexte qu’en 2009, le Premier ministre a confié au Président
de la CNCP une mission de proposition d’une « démarche opérationnelle de
simplification de l’offre de certification dans le domaine de l’aide aux personnes
fragiles ». Le rapport, remis en novembre 2009 (Asseraf, 2009) émet des
préconisations sur la nécessité de poursuivre cette démarche pour aboutir à
l’élaboration d’un référentiel commun de certification de niveau V, ainsi que de
niveau IV, de dresser des passerelles entre ces certifications et de conduire une
expérimentation régionale de mise en œuvre de cette simplification.
Au-delà des seules certifications relatives aux services aux personnes fragiles,
ce rapport de mission préconise également d’évoluer vers une coordination
interministérielle des Commissions Professionnelles Consultatives (CPC)38 ainsi
qu’une véritable régulation du paysage des certifications, par la création d’un
37
38
Article L. 335-6 du code de l’éducation.
Créées par chaque ministre responsable d'établissements ou d'actions de formation professionnelle
continue ou d'enseignement technologique, les CPC formulent, à partir de l'étude des qualifications
professionnelles, des avis et propositions (Article D335-33 et suivants du Code de l’éducation) :
1°) sur la définition, le contenu et l'évolution des formations dans les branches professionnelles
relevant de leur compétence ;
2°) sur le développement des moyens de formation en fonction de l'évolution des débouchés
professionnels et des besoins de la branche d'activité considérée ;
3°) sur les questions d'ordre technique et pédagogique ayant trait à l'élaboration et à l'application des
programmes, des méthodes de formation et à leur sanction.
130
Revista europeană de drept social
secrétariat ad hoc dont l’animation pourrait être confiée, soit à l’un des
certificateurs, soit à la CNCP elle-même.
Secteur en pleine évolution, les SAP, en général, et les services aux personnes
fragiles en particulier, sont donc un terrain idéal pour mener des chantiers
d’expérimentations des évolutions du système national des certifications
professionnelles.
Si, aux yeux de pouvoirs publics, des partenaires sociaux et des usagers, ces
évolutions peuvent paraître souhaitables pour rendre plus lisible l’offre de titres et
de diplômes de ce secteur, il nous parait nécessaire de rappeler un certain nombre
de principes juridiques actuels du droit des certifications, qu’il conviendrait de
repenser si de telles préconisations étaient retenues. En effet, la seconde
préconisation du rapport suppose que soient accrues les compétences de la CNCP
(Asseraf, 2009). C’est justement ce qu’a fait le législateur, au moment même de la
publication de ce rapport. L’article 22 de la loi du 24 novembre 2009 relative à
l’orientation et à la formation tout au long de la vie renforce ainsi la portée des avis
de la Commission. D’une part, préalablement à l’élaboration de diplômes ou de
titres de l’Etat, l’opportunité de leur création fait l’objet d’un avis public de la
CNCP dans un délai de trois mois. D’autre part, les Certificats de Qualification
Professionnelle (CQP), délivrés par les branches professionnelles, peuvent
également être enregistrés au RNCP, après avis conforme de la même commission.
Ces évolutions sont-elles suffisantes ? La CNCP a-t-elle la légitimité et les
moyens d’assurer ces tâches ? Quelles formes juridiques peuvent alors être
envisagées ?39 D’une part, la notion d’autorité administrative indépendante (AAI)
définie par le Conseil d’État (Conseil d’Etat, 2001), comme « organisme
administratifs qui agissent au nom de l’État et disposant d’un réel pouvoir, sans
pour autant relever de l’autorité du gouvernement » peut être utilisée40. En tant
qu’autorité, elle pourrait ainsi prendre des décisions exécutoires, sans que son
caractère administratif ne soit contesté. D’autre part, la notion d’agence, de plus en
en plus répandue en France pour participer à la transformation des relations entre
l’État et ses établissements publics41, pourrait également être invoquée. Sans aller
plus en avant dans ces projections, il nous parait nécessaire de mettre l’accent sur
leurs enjeux. A la différence d’une AAI, la notion d’agence participe à un
mouvement qu’Alain Supiot qualifie de « reféodalisation du lien contractuel »
contribuant à l’affaiblissement des États et à la séparation du pouvoir et de
l’autorité (Supiot, 2005).
39
Article 22.III de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle
tout au long de la vie : « Dans un délai d'un an après la date de publication de la présente loi, le
Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité d'adapter le régime juridique de la
Commission nationale de la certification professionnelle au regard de ses missions ».
40
Comme la CNIL, le CSA, la CADA, la HALDE…
41
Agences régionales d’hospitalisation, du médicament, de la sécurité alimentaire….
131
Revue europénnee du droit social
4. L’aide à la personne: entre liberté professionnelle
et activité réglementée par la certification
La vertu recherchée d’une certification, qu’il s’agisse d’un diplôme, d’un titre
à finalité professionnelle ou d’un CQP est incontestablement le bénéfice d’une
gamme étendue de droits pour celui qui en est le titulaire, principalement en
matière d’accès à l’emploi, d’exercice professionnel ou de rémunération. L’analyse
juridique des droits du certifié, en selon cette trilogie, peut paraître séduisante, mais
ne traduit qu’imparfaitement leur nature.
En effet, il apparaît que d’un côté, certains de ces droits sont garantis par
l’Etat, notamment lorsqu’il s’agit d’accéder à certaines professions que la
puissance publique a jugé bon de limiter aux titulaires de certifications, le plus
souvent des diplômes (Caillaud, 2000). D’un autre côté, les professions non
réglementées par l’Etat ont une appréhension juridique différente de la
certification : même si l’on tient compte des diplômes possédés par un individu,
ceux-ci ne sont qu’un indicateur d’un niveau de formation et n’accordent pas à eux
seuls, l’attribution de droits. On peut les analyser comme des droits éventuels, leur
réalisation dépendant de la volonté de l’employeur, seul juge de la capacité de ses
salariés, dans le respect des classifications des conventions collectives42. A ce
niveau également, les certifications des SAP se caractérisent par leur diversité.
5. La certification pour classer les emplois
de l’aide à la personne
Un des principaux soucis de tous les rapports publiés après la loi de 2005, est
de renforcer la professionnalisation des intervenants de l’aide à la personne,
notamment par un effort massif de qualification et de simplification de l’offre de
certification existante (CERC, 2008). Ces préoccupations montrent ainsi, s’il en
était besoin, que toutes les professions entrant dans le champ de la loi Borloo ne
sont pas juridiquement limitées aux titulaires de certifications. Ainsi, l’article
D.7231-1 du Code du travail n’établit-il une liste que de professions libres d’accès.
Notre attention se portera sur la place qui est accordée à ces certifications par
les partenaires sociaux dans le cadre de la réglementation conventionnelle de
l’emploi. En effet, depuis la loi du 16 juillet 1971 d’orientation de l’enseignement
technologique, les conventions collectives de branches, pour être étendues, doivent
obligatoirement intégrer «les éléments essentiels servant à la détermination des
classifications professionnelles et des niveaux de qualification, notamment les
42
Soc. 4 janvier 1980, Bull., V, n°6 : « L’employeur est juge sauf détournement de pouvoir, de
l’aptitude de chacun de ses salariés pour atteindre ses résultats ». Ce droit a été consacré par
le Conseil constitutionnel, le 20 juillet 1988, Droit Social, 1988, p. 762.
132
Revista europeană de drept social
mentions relatives aux diplômes professionnels ou à leurs équivalences». En
l’espèce, l’adverbe notamment est très important puisqu’il rend juridiquement
obligatoire la présence des diplômes professionnels dans la classification43. La
lecture des débats parlementaires44 montre qu’il s’agit de garantir des droits aux
salariés diplômés en contraignant les négociateurs à intégrer les diplômes
professionnels, notamment les nouveaux, tels le DUT45 dans les classifications.
Soulignons toutefois que ce lien entre le diplôme et les classifications
professionnelles a été subrepticement supprimé à l’occasion de la réécriture du
Code du Travail46. La lecture du nouveau code, applicable depuis le 1er mars
200847, montre que l’obligation de recodifier à droit constant, c’est-à-dire sans
modifier le sens de la norme juridique, n’a pas été entièrement respectée48 puisque
le nouvel article L.2261-22 n’impose plus la mention obligatoire des diplômes
professionnels, ou d’une quelconque certification professionnelle (Caillaud, 2010).
Dans le cas de l’aide à la personne, la difficulté réside dans le fait qu’il ne s’agit
pas d’une branche ou d’un secteur couvert par une unique convention collective mais
d’un ensemble disparate d’activités professionnelles, surtout marquée par un régime
fiscal et social commun. En principe, c’est donc une pluralité de conventions
collectives qu’il conviendrait d’analyser pour étudier la façon dont les employeurs et
les salariés de l’aide à la personne appréhendent les certifications.
La convention collective nationale « des aides familiales rurales et personnel
de l’aide à domicile en milieu rural (ADMR) » du 6 mai 1970 ainsi que celle « des
organismes d’aide ou de maintien à domicile » du 11 mai 1983, accordent une
place importante aux certifications. Dans ces classifications, l’accès à certaines
catégories se fait sur la base de la possession d’un diplôme ou d’un titre énuméré
par l’accord collectif comme le classement B1 d’employé de maison ou C.1
d’auxiliaire de vie sociale49. Les diplômes et titres professionnels sont donc
appréhendés comme des attributs du salarié, dont la possession ouvre directement
des droits à classement et rémunération.
43
Cette disposition de la loi de 1971 fut intégrée en 1973 dans l’article L. 133-5 du Code du
travail.
44
Assemblée nationale, Séance du 8 juin 1971, J.O. Débats parlementaires, 9 juin 1971. p. 2490.
45
Décret 66-27 du 7 janvier 1966 portant création d’instituts universitaires de technologie, JORF
9 janvier 1966, p. 274
46
Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, JORF du 10 décembre 2004
page 20857.
47
Loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative
au code du travail, JORF, n°0018 du 22 janvier 2008 page 1122.
48
La particularité du processus législatif par voie d’ordonnance est de se dérouler sans débats
parlementaires.
49
Pour B1 Employé de maison : BEP carrière sanitaire et sociale, BEPA option services, spécialité
services aux personnes, BEPA option économie familiale et rurale, CAP agricole, option économie
familiale et rurale CAP agricole et para-agricole employé d'entreprise agricole, option employé
familial, CAP petite enfance, CAP employé technique de collectivités, titre assistant de vie du
ministère du travail, titre employé familial polyvalent sous réserve de l'homologation du ministère et
brevet d'aptitudes professionnelles assistant animateur technique. Pour C1 auxiliaire de vie sociale :
diplôme d'Etat d'auxiliaire de vie sociale, CAFAD et BEP sanitaire et sociale mention aide à domicile
à condition d'en avoir obtenu l'équivalence au diplôme d'auxiliaire de vie sociale (AVS).
133
Revue europénnee du droit social
Le cas de la convention collective nationale des « salariés du particulier
employeur » du 24 novembre 1999 illustre parfaitement les mouvements
d’évolution des grilles de classifications des dernières décennies (Saglio, 1987). La
classification initiale de cette branche était initialement fondée sur la même
méthode que celles de l’ADMR ou des organismes d’aide à domicile, et présentait
un lien fort entre fonction occupée et diplôme. Ainsi, le niveau II était-il accessible
par la possession du certificat d’employé familial polyvalent (titre homologué), le
niveau III par l’acquisition d’un certificat de qualification professionnelle (CQP)
reconnu par la branche50.
Un accord signé le 8 avril 2010 (et non encore étendu) a refondu cette grille
dans l’objectif affiché de « prendre en compte les métiers traditionnels et
d’introduire de nouvelles activités ». Jugée « obsolète et rigide » par le préambule
du nouvel accord, l’ancienne grille a donc été abrogée pour une méthode de
classification à « critères classants » permettant au particulier employeur de définir
l’emploi adapté à ses besoins. Dans un premier temps, les différents emplois font
l’objet d’une description précise et commune afin d’identifier les missions
principales, les conditions d’exercice, les compétences, les connaissances et les
aptitudes, et les prérequis permettant d’y accéder. Dans un second temps, chaque
emploi est positionné sur la grille traduisant une hiérarchisation des emplois
repères les uns par rapport aux autres. Au nombre de cinq, les critères classants
retenus (les connaissances requises, la technicité, l’autonomie, la résolution des
problèmes et la dimension relationnelle) sont déclinés pour permettre l’attribution
de points en fonction d’un système de pondération. Le critère des connaissances
requises prend en compte l’ensemble des savoirs, compétences et aptitudes
nécessaires pour exercer l’emploi ou les activités effectuées par le salarié. Or,
comme la plupart des grilles à critères classants, le critère des connaissances est
structuré en degrés dans lesquels l’emploi est mis en relation avec un niveau de
formation (du niveau V bis au niveau I). Si ces niveaux sont étalonnés par des
diplômes professionnels nationaux51, ceux-ci servent uniquement à classer l’emploi
et non directement attribuer une rémunération au salarié (Caillaud, 2003).
Enfin, dans l’annexe de l’accord relatif aux services à la personne, signé le 12
octobre 2007, et dont l’extension a été annulée par le Conseil d’Etat52, les
négociateurs ont voulu rappeler l’existence d’une qualification minimum des
intervenants auprès des personnes âgées. Celle-ci est établie par la possession d’un
diplôme de l’Etat ou d’un titre inscrit au RNCP53, une expérience professionnelle
de trois ans ou le bénéfice d’un contrat de formation aidé par l’Etat54.
50
Accord du 9 juillet 2007, BO n° 2007-38, arrêté du 26 novembre 2007, JO du 28 novembre 2007.
Nomenclature approuvée par décision du groupe permanent de la formation professionnelle et
de la promotion sociale, le 21 mars 1969, s’appuyant sur la circulaire no 11-67-300 du 11 juillet
1967, BO no 29 du 20 juillet 1967.
52
Cf. Supra
53
Des diplômes visés par le code de l’action sociale, de la santé publique, aux certificats
délivrés par l’institut FEPEM.
54
Article 3 de l’annexe à l’accord professionnel du 12 octobre 2007 relatif aux services à la personne.
51
134
Revista europeană de drept social
Ainsi est-il difficile de considérer l’existence d’un modèle unique de
classification commun aux différentes conventions collectives existantes dans le
secteur des SAP. Celles-ci oscillent entre faire de la certification l’attribut du
salarié, entrainant son classement et sa rémunération, ou considérer titres et
diplômes seulement comme les indicateurs d’un niveau de connaissances
nécessaires à la tenue d’un emploi. Cependant, l’accord du 12 octobre 2007 relatif
aux services à la personne et ses exigences en matière de classifications nous
rappellent que ce secteur est assez proche de certaines professions réglementées.
6. La certification pour réglementer
juridiquement la profession
Le flou portant sur les frontières du secteur des SAP peut légitimement permettre
de s’interroger sur le caractère réglementé de certaines des activités qu’il recouvre.
D’une part, si la loi Borloo de 2005 restreint le champ de l’aide à la personne aux
emplois familiaux et aux nouveaux services (informatique, gardiennage…), le rapport
du CERC de 2008 considère de son côté que peuvent entrer dans une acception large
des « services de proximité aux ménages », la garde d’enfants hors domicile, les soins
médicaux à domicile (CERC, 2008). Or, ces derniers relèvent du secteur médico-social
et sont des professions réglementées par la possession d’un diplôme. Il en est de même
des établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans. Bien qu’un
récent décret55 ait réduit les exigences de qualification des intervenants, l’article R.
2324-4 du Code de la santé publique impose toujours que le personnel chargé de
l’encadrement des enfants soit constitué, pour 40% au moins de l’effectif, de
puéricultrices, d’éducateurs de jeunes enfants, d’infirmiers, de psychomotriciens, tous
diplômés d’Etat ou d’auxiliaires de puériculture diplômés56.
D’autre part, dans le cas de certaines activités de l’aide à la personne, le
rapport à l’individu accompagné, à son corps ou son alimentation, peut
légitimement soulever la question de la nécessité de les réglementer dans le cadre
de la protection de la santé et de la sécurité physique. Rappelons en effet que la
limitation de l’accès à une profession par la possession d’un diplôme ou de toute
autre certification met en jeu la liberté professionnelle, liberté publique autonome,
qui selon l’article 34 de la Constitution, relève de la compétence exclusive du
législateur57, sous le contrôle du Conseil constitutionnel58 et surtout ne peut
intervenir que lorsque l’intérêt général est en jeu. Or, parmi ces motifs d’intérêt
55
Décret n° 2010-613 du 7 juin 2010 relatif aux établissements et services d'accueil des enfants
de moins de six ans.
56
Dans le cas de micro-crèches (moins de 10 places), cette exigence est satisfaite par la
possession de certifications de niveau V.
57
Conseil Constitutionnel, 83-156, 28 mai 1983, AJDA 1983, p. 619.
58
« La liberté d’entreprendre n’est ni générale, ni absolue : elle s’exerce dans le cadre d’une
réglementation instituée par la loi ». Conseil constitutionnel, 85-200, 16 janvier 1986, Recueil, p. 9.
135
Revue europénnee du droit social
général justifiant une telle limitation, figure au premier chef, la protection de la
santé et de la sécurité physique des personnes. C’est ce motif qui justifie
juridiquement depuis longtemps la réglementation des activités médicales,
paramédicales… et plus récemment, certaines activités artisanales et commerciales.
Très longtemps libres59, ces dernières ont fait l’objet d’une réforme de leur
exercice en 1996, dès lors qu’il s’agit d’activités mettant en jeu l’hygiène, la santé
et la sécurité des consommateurs60. C’est ainsi que furent réglementées par
l’exigence d’une qualification de niveau V, les soins esthétiques à la personne
autres que médicaux et paramédicaux, ainsi que la coiffure à domicile.
Or, le récent rapport du Président de la CNCP concernant les services aux
personnes fragiles soulève des interrogations. Dans le cadre de la conception d’un
référentiel commun aux diverses certifications de ce secteur, la CNCP fait figurer
parmi les activités et tâches transverses, « la prévention et la sécurité des risques
professionnels pour la personne comme pour l’intervenant », le respect de normes
alimentaires comme le respect des circuits propres-sales… (Asseraf 2009)
Le référentiel ainsi proposé, dégage quatre « process » parmi lesquels l’aide à
l’approvisionnement et l’alimentation, ainsi que les soins d’hygiène, de confort et
de bien. Or, les premiers mettent en avant « le respect des normes alimentaires, la
préparation des repas et des collations, et le soutien à la prise de médicament », les
seconds « la réalisation de soins de conforts hors prescription médicale »61.
Autant de tâches en relation avec la personne et son corps. A ce titre, la CNCP
relève d’ailleurs que la moitié des 19 certifications de niveau V ayant fait l’objet de
l’étude ne prennent pas en compte le soutien à la prise de médicament. Par ailleurs,
le rapport prend la précaution de préciser que dans le cadre de sa mission, elle a
pris soin d’éviter les gestes professionnels réglementés, soumis à habilitation ou
autorisation comme, justement, la prise de médicament. Seul est donc ciblée
« l’aide » à cette prise.
La frontière apparaît donc bien ténue et on peut se demander si les pouvoirs
publics attendront les premiers incidents dans ce domaine, et les inévitables
contentieux pénaux et en responsabilité civile, nés de la plainte possible de famille,
avant d’envisager que ne soit réglementées de tels actes professionnels.
*
*
*
Les services d’aide à la personne illustrent parfaitement les évolutions
contemporaines qui affectent le droit des certifications. Soumises à une
normalisation depuis la loi de modernisation sociale de 2002, elles sont l’objet des
59
« La liberté et la volonté d’entreprendre sont les fondements des activités commerciales et
artisanales ». Article 1 de la loi du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de
l’artisanat.
60
Loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement du commerce et de l’artisanat.
61
Ibidem, p. 18.
136
Revista europeană de drept social
premières manifestations du pouvoir croissant de la commission nationale de la
certification professionnelle. Toutefois, la diversité les caractérise dès lors que l’on
se penche sur la question des droits qu’elles confèrent à leur titulaire. Dans le cas
de professions libres, il est difficile de dégager un modèle unique d’appréhension
des diplômes, titres et certificats de ce secteur par les classifications des différentes
conventions collectives qui les couvrent. Enfin, leur rapport à la santé et la sécurité
des individus rend tout à fait plausible l’hypothèse d’une réglementation de
certaines de ses activités.
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262
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137
Revue europénnee du droit social
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
DU FRAGMENT AU TOUT
Jean Paul LAMBERT
Secrétaire de l’association Usologie
Responsable de la Revue POSPER France
Abstract: For a fair, social economy: from the part to the whole Money spent on making
up for the ravages caused by lack of money will never pay the social price of money! Social
workers can testify. Today it is technically possible to let go of the monetary system in place.
When we acquire goods a computerized till calculates two transactions: price and stock
management. But pricing is not necessary. When considered, it is even harmful, as production
is dependent upon financial profit. If producers cannot finance their operation it cannot be
carried out, even when the resources are at hand. By subtracting the financial aspect – money
– from the exchange of goods and services, we are then free to manage the earth's resources
in an objective, ecological and fair manner. By abolishing money, the idea of a fair and social
economy ceases to perform the task of social safety valve, or adjuvant, as it does today. In
such an economy, managed by inventive and generous workers, fairness and solidarity would
become the central principles of society. The part becomes the whole.
Keywords: social economy; social price of money; financial profit.
1. Une rétrospective
Risquons-nous à une rétrospective sommaire.
Dans un premier temps, des individus se distinguent en prenant en charge une
situation humaine triste, difficile, négative. L’engagement de ces volontaires a en
général une dimension personnelle – parce que c’est lui et que c’est moi. On les
regarde faire. On les trouve bien bêtes ou on admire leur dévouement. Les chiens
aboient, la caravane passe.
Leur volontariat fait école, au sens de « se répand » : il s’applique à des
souffrances de plus en plus diverses et contrastées, les handicapés mentaux et
physiques, les ventre creux et les obèses, les mendiants et les surendettés.
A cette école n°1, celle de l’attention portée à son prochain s’en adjoint bientôt
une seconde. Le volontariat se professionnalise.Il y a des choses qu’il vaut mieux
savoir et des improvisations fatales. Et enfin troisième école : celle des moyens
matériels, des appuis à trouver pour survivre, à commencer par vous, pour que ceux
que vous aidez ne soient pas abandonnés à leur triste sort si vous disparaissez.
L’engagement personnel peu à peu s’institutionnalise et toutes les institutions
caritatives s’orientent comme naturellement vers une double autonomisation : celle
138
Revista europeană de drept social
des personnes auxquelles on apporte un secours et celle de leurs ressources
propres, en tant qu’institutions.
L’Eglise nous donne un exemple de cette triple école : elle a attiré les
volontaires, elle leur a appris à aider comme on apprend n’importe quel métier, et
elle s’est peu à peu constitué tout un patrimoine de bonnes œuvres, qui vivaient de
leurs terres, d’activités diverses, et se soutenaient les unes les autres. Son
exemple a donc largement retardé le moment où la collectivité publique a cessé de
se défausser sur elle du soin d’éponger les malheurs et douleurs.
Il l’a retardé aussi pour une autre raison. Il a fallu en effet attendre le moment
où les souffrances et les douleurs n’ont plus été vécues dans un certain rapport avec
la volonté de Dieu ou avec la punition du péché originel ou personnel.
L’autonomie morale des individus, conquête relativement récente, s’est croisée
avec celle de l’autonomie politique dans son rapport à la puissance de l’Eglise.
2. Trois contraintes inhérentes au travail
social dans les conditions actuelles
De cette rétrospective on peut tirer au moins trois leçons.
1. La première, que plus on soigne plus il y a à soigner.
Les « cas » sont de mieux en mieux connus, et les boîtes dans lesquelles les
ranger, à qui les confier. Mais de ces « cas », on en invente toujours de nouveaux.
Les différences deviennent de plus en plus sensibles, de plus en plus
insupportables, d’autant plus insupportable qu’on connaît des gens à qui les
confier, pour leur bien, évidemment…
Des gens dont on exagère alors à dessein les compétences et dévouements. La
triple obligation signalée par Marcel Mauss, celle de donner, de recevoir et de
rendre, joue à fond, d’une manière qu’on peut tourner en dérision. Tous ces
infirmes et laissés pour compte, dont on vous fait cadeau, vous devez les recevoir
comme un signe de reconnaissance. On reconnaît votre utilité, et vous allez le
« rendre » en le prouvant.
2. Deuxième leçon : celle de votre utilité, justement.
A la place que vous occupez pour aider, sous la casquette que vous portez,
celle de policier, de juge des enfants, d’éducateur de rue, vous n’avez aucun
moyen d’intervenir au niveau des causes. L’enseignant spécialisé dans le rattrapage
scolaire, par exemple, ne peut rien contre une course aux résultats de plus en plus
sévères, qui distingue de plus en plus tôt ceux qui ne suivent pas.
Il ne peut, comme le juge des enfants et tant d’autres travailleurs sociaux,
qu’éponger les dégâts. Pour protester il faut changer de casquette. Et sous cette
autre casquette d’ailleurs, il faut faire très attention aux dispositifs choisis pour
freiner le débit des assistés. Attention à l’eugénisme, dans le cas des trisomiques,
attention à ne pas détourner le contrôle des naissances, en Inde, par exemple,
139
Revue europénnee du droit social
pour éviter de naître femme, attention de ne pas attenter aux libertés en enregistrant
tous vos emprunts et prévenir avant que vous ne soyez trop endetté.
Pour que votre protestation soit entendue, il faut jouer à fond l’argument de la
contre-productivité, comme les incarcérations qui achèvent d’éduquer les jeunes à
certaines pratiques et en font des héros à la sortie, et en général de toutes les
interdictions, qui ont pour effet de créer ou d’entretenir des niches de distinction,
ou de provocation, qui appellent au secours.
3. Ceci introduit à la troisième leçon, relative à la norme.
Certaines normes, celles du mieux-vivre de base, ne se discutent pas. Par
exemple tout faire pour qu’un infirme puisse saisir un objet, porter un aliment à sa
bouche, pouvoir se déplacer, j’en passe. Il s’agit de normes physiques.
Et puis il y a celles qui touchent indifféremment l’ensemble des usagers, les
normes sociales, qui font remarquer les différences et engendrent des exclusions. Lire,
écrire, compter, se présenter, créent des fractures sociales sur lesquelles il est inutile
d’insister. Le travail social consiste alors à rattraper, « mettre à niveau ». Il ramène
donc à la norme, ou le plus près possible de la norme, il fait en sorte que ce qu’il y a
d’anormal dans la normale ne se voie pas. Mais il facilite aussi la production de
nouvelles normes, de nouvelles exigences et un contrôle social de plus en plus sévère.
Le travailleur social est fort mal placé pour critiquer le système, puisqu’il
en vit. Le mot « collabo », qui s’appliquait à ceux qui acceptaient l’invasion des
Nazis semble un peu fort pour qualifier l’attitude générale du travailleur social. Il
serait pourtant pertinent d’en faire usage pour réveiller les bonnes consciences et
rappeler que certaines conditions sont inacceptables et appellent à y résister.
3. Victoires à la Pyrrhus
Le problème est que pas plus les travailleurs sociaux que les autres ne voient
pas clairement par quoi ni par qui ils sont occupés. Comment la puissance qui les
occupe leur apparaîtrait-elle comme étrangère ? Elle les tient à sa disposition
depuis leur naissance et ils ne doivent de survivre qu’en s’adaptant à ses diktats
comme s’ils étaient naturels.
Qu’est-ce qui unifie pourtant tous les champs du travail social ?
Le problème de l’argent. La dernière illustration vient de nous en être donnée
par le président Sarkozy au sujet de la dépendance. Celle-ci se traduit en effet par
un triple rapport à l’argent. Ceux qui ont en charge une personne dépendante n’ont
pas l’argent et cette charge les gêne pour travailler dans des conditions normales.
La personne dépendante ne gagne pas d’argent, ou sa retraite et les allocations ne
suffisent pas à sa prise en charge convenable. Mais voyez comme le système
économique est bien fait si on sait s’en servir: car s’occuper de ces gens peut créer
des emplois, à condition bien entendu de créer des profits monétaires, mais on se
garde bien de le dire et devinez qui les créera ? .
140
Revista europeană de drept social
Toutes les situations douloureuses se ramènent à des questions d’argent.
L’injustice par rapport aux soins, c’est de l’argent dont on n’a pas assez et qu’il va
falloir trouver. Le chômage, c’est de l’argent, la retraite aussi. Et pourquoi faut-il
prouver vos savoirs, attraper des diplômes ? Pour se valoriser sur le marché de
l’emploi, garder son emploi ou en changer plus facilement. Une séparation, un
deuil, un accident, c’est aussi de l’argent.
Toutes les situations douloureuses aboutissent à déclarer des droits. Droit au
travail, droit aux allocations familiales. Droit à une fin de vie décente, aux soins
médicaux, le droit au logement. Chacun de ces droits est une conquête, que nous
fêtons comme telle. Mais ils sont étroitement associée à leur financement. Ils n’ont
d’ailleurs été reconnus que dans la mesure où on avait de quoi les financer, et où ça
coûterait plus cher, physiquement et politiquement, si on n’intervenait pas à temps.
Nous fêtons les droits sociaux comme des victoires. Ce sont pourtant autant
de victoires à la Pyrrhus, dans la mesure où elles contribuent à réduire la condition
humaine à un construit social artificiel qui ne connaît qu’un matériau : l’argent.
La condition monétaire n’explique pas les handicaps physiques,
les
trisomiques 21, elle n’explique pas tous les malheurs conjugaux. Mais elle explique
à 100% l’économie sociale, obligée de compter en argent pour vaincre les misères
de l’argent. Nous multiplions les astuces pour protéger et créer des niches de
protection. Il reste que ce sont des niches, et que nos qualités de dévouement, de
gestionnaires, seraient mieux employées dans une économie sans argent.
Mais une économie sans argent ? Est-ce possible ?
4. Le pivot du changement
La preuve qu’elle est possible, elle nous est donnée tous les jours rien qu’en
achetant votre journal. Les codes à barres dont tous les articles sont aujourd’hui
munis activent deux circuits.
Le premier, celui des prix, le seul auquel nous prêtons attention. Et puis celui
des renouvellements.
Si celui des prix tombait en panne, ce serait la catastrophe, pensons-nous,
parce que le fournisseur ne serait plus remboursé et ne pourrait plus reproduire sa
marchandise. Mais imaginons sérieusement ce qui se passerait s’il était supprimé.
L’entrepreneur qui a fourni le produit recevrait, dans les mêmes conditions
qu’aujourd’hui le signal qu’il faut renouveler son produit, son service. Il
répercuterait le signal à ses propres fournisseurs, et ceux-ci aux leurs.
Dans une économie sans argent, où les données sont informatisées,
l’entrepreneur n’est pas empêché de se réapprovisionner pour des questions de
prix, comme aujourd’hui. Aujourd’hui, si les matières premières sont devenues
trop cher, il ne peut pas suivre, il n’est plus suffisamment concurrentiel, il doit
fermer boutique, et licencier. Seules les entreprises les plus performantes, en
termes de profits monétaires, peuvent se les procurer, ou emprunter pour le faire.
141
Revue europénnee du droit social
Nous touchons là les limites que l’argent lui-même impose à l’argent, sans
parler de la chute des cours, quand les entrepreneurs ont si bien travaillé qu’il y a
surproduction et chute des cours. Les prix descendent au-dessous du prix de
revient, et alors on brade, on brûle, ou on porte la production à un organisme
d’Etat qui vous donne une subvention et détruit au lieu de distribuer, et nous
devons demander à la gendarmerie locale de cesser de surveiller les poubelles à la
fin des marchés, pour les protéger contre les vols des SDF.
La faisabilité de l’informatisation des données du plus proche au plus lointain ne
pose pas de problème techniques insurmontables. Elle est certainement moins
perverse que la titrisation des dettes ! De nouveaux problèmes surgiront (cf.
prosperdis.org). Il faut déjà y penser, mais en fonction des avantages. Par exemple ?
Dans une économie sans argent, si quelque part, tout à coup, en amont, les
fournisseurs ne peuvent pas fournir, ce ne sera pas parce que c’est trop cher,
mais parce que le renouvellement n’est pas possible. Il faudra y pourvoir dans de
tout autres conditions, et la planète n’y perdra pas : son souci interviendra dès la
création de l’entreprise.
Dans le cadre d’une économie sans monnaie, les banques deviennent des
banques de données. Elles enregistrent tout ce qu’il y a et calculent les seuils de
renouvelablité au-delà desquels on ne peut aller sans menacer l’environnement.
Elles donnent accès aux choses du plus proche au plus lointain et permettent donc
de récupérer plein de ressources locales oubliées. Je vous laisse broder sur ce
canevas, étudiez-le bien, et vous verrez que tout cela peut se mettre rapidement en
place, aussi rapidement que l’euro.
5. La maîtrise des usages
Les conséquences de l’abolition de la monnaie sont considérables.
Reconquête des ressources locales, fin de la colonisation du Nord par le Sud et de
celle qui s’annonce par l’ex-Empire du Milieu. La solidarité internationale prend le
pas sur le profit qu’il faut absolument faire, fin de la financiarisation de l’économie.
Les travailleurs ne devront plus travailler pour la croissance monétaire,
dont une proportion de plus en plus étroite est reconvertie en salaires. Ils ne
verront plus les conditions de travail sacrifiées aux profits monétaires ni les
avantages sociaux à l’apurement des dettes. Ils auront un accès direct au fruit de
leur travail et non plus par le truchement d’un salaire plus ou moins élevé. Ils
retrouveront le droit de se nourrir eux-mêmes et renouvelleront les produits et
services en fonction de leurs usages à eux et non plus des profits qu’il faut en faire
sur le marché.
C’est à la lumière de la maîtrise de leurs usages qu’il nous faut donc imaginer
ce que deviendra le comportement des usagers et non plus des résultats d’une
aliénation qui a forgé les comportements et ce qu’on prend pour la nature humaine.
142
Revista europeană de drept social
L’idée d’abolir la monnaie provoque encore aujourd’hui une objection massive.
C’est un peu comme « si Dieu n’existe pas, tout est permis ». Que vont faire les
gens s’il n’y a plus la carotte et le bâton du salariat, s’ils n’ont plus d’instrument
pour se comparer ? « S’il n’y a plus d’argent, ils ne voudront plus rien faire !! ».
Rassurons-nous. A une enquête menée au sujet de l’attribution du revenu
d’existence à tous 10% des personnes interrogées disent carrément non. 90%
disent OUI.
Dans l’hypothèse où il serait appliqué, 60% oui, sans réserve, parce que ça ne
changerait rien pour eux, ils aiment ce qu’ils font. 30% oui, mais plus à plein temps
ou pour faire autre chose. 10% disent dormir, puis voyager, reprendre des études.
Ces 30 et 10% ne désirent pas être inactifs, juste pouvoir s’investir dans des
activités choisies, et s’ils se reposent, puis voyagent, ou reprennent des études, ce
n’est pas perdu pour la société. On les retrouvera tôt ou tard en pleine activité et
même suractifs, papillonnant d’une activité à l’autre, comme beaucoup de
retraités d’association en associations.
Dans cette même enquête,
à la question « est-ce que les autres iraient
travailler »,
80% disent NON. Ils pensent que les autres n’iraient pas. Mais eux, ils
iraient, et à 80% ça fait une confortable majorité. Si donc vous associez cette
majorité à l’intérêt renouvelé qu’ils auraient pour ce qu’ils font et les conditions
dans lesquelles ils décideraient de le faire,
l’objection « ils n’iront pas travailler » ne tient pas.
6. Le travail social, du fragment à la totalité
Dans une économie démonétisée, le travailleur social n’est plus obligé d’aller
au repêchage des laissés pour compte, il n’est plus obligé de les remettre à niveau
pour assurer leur compétitivité, il n’est plus obligé de les inciter à prendre le
premier boulot qui vient.
L’économie sociale et solidaire n’est plus obligée de créer des poches de
résistances capables de s’autofinancer et de conquérir des parts de marché dans
des secteurs improbables comme la récupération.
Dans une économie démonétisée,
l’expérience acquise
par les travailleurs sociaux,
l’économie sociale et solidaire
n’a plus à s’exercer en compensation,
fragmentairement.
Son éthique s’étend à la société tout entière.
143
Revue europénnee du droit social
Le ciment du construit sociétal, national et international n’est plus l’argent
mais la solidarité, précisément, des nationaux entre eux, des peuples entre eux, et
des hommes avec les autres habitants de la planète, végétaux et animaux, dont ils
ne font plus du profit mais de la vie.
Abolir la monnaie n’abolira certes pas l’angoisse existentielle ni les aléas
de la vie personnelle. Ils sont la vie même, mais compliqués, distordus par
l’usage de l’argent.
Privés de la référence à l’argent, nous ne pourrons imputer nos échecs, nos
succès, qu’à nous-mêmes et à la qualité de nos liens sociaux. Dans ce nouveau
cadre, le travailleur social, comme n’importe qui peut enfin faire son cœur de
métier - d’homme. Nos capacités de don, d’attention à autrui, libérées des
contraintes de l’argent, pourront s’exercer sans collaborer à une économie injuste
par construction.
7. Appel
La crise que nous traversons semble particulièrement favorable pour en finir
avec l’ambiguïté de notre solidarité de rattrapage. Les travailleurs sociaux
peuvent y jouer un rôle aussi important qu’au moment de l’adoption de chaque
nouveau droits social. Ils sont les mieux placés pour faire les comptes, et montrer
que
l’argent dépensé
pour corriger les handicaps créés par la course à l’argent
pour créer des niches protectrices qui cachent les méfaits de l’argent
cet argent ne paiera jamais le coût sociétal de l’argent.
Nous les invitons donc à faire cause commune avec tous ceux qui ne se
contentent pas de s’indigner des méfaits de l’argent. Au lieu d’en émettre par
milliards pour sauver les banques et d’endetter par milliards les générations
montantes,changeons plutôt de paradigme sociétal et abolissons l’argent.
144
Revista europeană de drept social
LE FRANC CFA : UNE MONNAIE COLONIALE
QUI RETARDE LE DEVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE
Séraphin Prao YAO
Enseignant-chercheur à l’Université de Bouaké
La-neuve (Côte d’Ivoire)
[email protected]
Abstract: Our study aims at establishing the bond between the adoption of CFA franc
as currency of 15 African countries and their economic development. Our study shows that
CFA franc is, for a great part, responsible of the underdevelopment of the African Countries
of the CFA Zone. The study lets thus foresee a weak consideration for monetary dimension
in the development process sin Africa.
Key words: zone of monetary anchoring, Franc zone; growth and development,
monetary sovereignty.
INTRODUCTION
Dans le monde contemporain, depuis que l’Asie du Sud a elle-même entamé
son propre décollage économique, le constat est indiscutable, même s’il peut être
atténué par nombres de réussites locales : la crise de développement de l’Afrique
subsaharienne est unique. Elle touche le cœur et l’essentiel de l’Afrique
subsaharienne : l’Afrique noire continentale tropicale (Jean-Pierre FOIRRY, 2006).
Et en particulier, les Pays Africains de la Zone Franc (PAZF).
La zone CFA ou Zone Franc, se divise en trois sous-régions monétaires
dirigées par trois banques centrales respectives : l'UEMOA (Union économique et
monétaire ouest-africaine) est dirigée par la BCEAO (Banque centrale des Etats
d'Afrique de l'Ouest) et regroupe le Niger, le Togo, le Sénégal, le Mali, le Bénin, le
Burkina Faso et la Côte d'Ivoire; la CEMAC (Communauté économique et
monétaire de l'Afrique centrale) est dirigée par la BEAC (Banque des Etats
d'Afrique centrale) et regroupe le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon,
la Guinée équatoriale et le Tchad; enfin, la BCC (Banque centrale des Comores)
dirige la politique monétaire de la République fédérale islamique des Comores.
Sur le plan théorique, la fixité des changes avec la monnaie française met les
pays de la Zone Franc à l’abri des inconvénients d’un taux de change flottant, c'està-dire des incertitudes quant à la valeur de la monnaie par rapport à leurs
principaux partenaires. Cela permet d’éviter les pertes de changes et les biais dans
les décisions d’investissement. En effet, la monnaie de ces pays étant garantie par
le Trésor français, leur assure une certaine crédibilité, par le truchement d’une
discipline imposée. Le Franc CFA favorise les compensations entre pays et permet
145
Revue europénnee du droit social
d’absorber des chocs de court terme sans oublier que la convertibilité externe
facilite la mobilité des capitaux et les échanges commerciaux.
En revanche, l’arrimage du Franc CFA, hier à la monnaie français,
aujourd’hui, à l’euro, réduit ou retarde l’ajustement dans le cas des chocs durables.
Il réduit également la flexibilité et conduit à un ajustement en termes réels. La
convertibilité externe peut conduire à des fuites de capitaux liées aux échanges
avec le pays à monnaie inconvertible.
Du coup, cette Zone Franc fait l’objet depuis des décennies de vives
interrogations. Le débat sur le franc CFA s’enfle, mobilise et inquiète les PAZF,
dont la monnaie s’apprécie automatiquement suite à celle de l’euro par rapport au
dollar, rendant ces économies moins compétitives sur le marché mondial. De plus
en plus, les africains s’imprègnent des réalités monétaires et s’interrogent sur le
bien-fondé du maintien du franc CFA, une monnaie coloniale.
Philippe Hugon (1999) dans son livre intitulé « La zone franc à l’heure de
l’euro », s’interroge, à juste titre, sur le statut de la zone franc : est-elle une zone
monétaire ou une survivance néocoloniale ?
Aujourd’hui, le Franc CFA est décrié par les africains, tant ses principes et
mécanismes sont contraires à l’esprit du 21e siècle et à la volonté pour les pays de
faire porter à la monnaie, le rôle de moteur du développement. Au-delà de l’intérêt
que revêt ce sujet, il est également actuel, de notre point de vue, pour plusieurs
raisons. Ce papier réactualise l’importance de la dimension monétaire dans les
stratégies de développement en Afrique. Aussi présente-t-il un enjeu considérable
en ce qui concerne la recherche des voies et moyens pour un financement du
développement des PAZF.
L’objectif du présent papier est justement de montrer comment le Franc CFA
retarde le développement économique des PAZF et pourquoi cette monnaie doit
disparaître pour faire place à une monnaie africaine au service du développement.
Cela suppose en premier lieu de montrer l’importance de la monnaie : il s’agit de
donner une définition élargie à la monnaie (I).
Faisant suite à cette démarche définitoire de la monnaie, il sera utile en
deuxième lieu, de présenter l’historique de la zone franc (II).
Une telle présentation permettra en troisième lieu de dire pourquoi sortir de la
zone franc (III).
1. UNE DEMARCHE DEFINITOIRE DE LA MONNAIE
C’est faute d’avoir compris que la monnaie n’est pas banale, que le
développement des pays africains de la zone franc (PAZF) se trouve aujourd’hui à
la limite du paradoxe. Dans les lignes qui suivent, nous allons donner les fonctions
et surtout la nature de la monnaie.
146
Revista europeană de drept social
I.1. LES FONCTIONS DE LA MONNAIE
Charles Rist se refusait à définir la monnaie parce qu’elle recouvrait un
domaine très vaste. En effet, la monnaie est l’un des concepts les plus difficiles à
définir de la théorie économique. La monnaie est de plus en plus présente à tous
les niveaux de la vie quotidienne des agents économiques et, parallèlement, ses
formes sont de plus en plus complexes et multiples.
Depuis Aristote, la monnaie est définie par les trois fonctions qu’elle est
supposée exercer : la monnaie comme intermédiaire des échanges, la monnaie
comme réserve de valeurs et, enfin, la monnaie comme unité de compte.
Considérée comme intermédiaire des échanges (unité de paiement), la
monnaie est un instrument qui permet d’échanger deux biens, en évitant les
contraintes du troc. Il s’agit de surmonter la contrainte de la double coïncidence
exacte des besoins du vendeur et de l’acheteur en qualité et en quantité, sur un
même lieu, contrainte propre au troc. En considérant une économie de troc,
l'absence de double coïncidence limite les possibilités d'échanges et l'apparition
d'un élément tiers, la monnaie, règle cette contrainte, elle "lubrifie" les transactions.
La médiation monétaire serait une condition nécessaire au développement des
échanges de biens et de services selon Jevons. Cette fonction suppose que la
monnaie a un pouvoir libératoire, c’est-à-dire qu’elle garantie la possibilité
d’effectuer des règlements et également d’éteindre des dettes. Or il est possible
d’avoir des monnaies en circulation sans pouvoir libératoire. Comme le dit
Feminas Laurent (2001), citant B. Courbis, E. Froment et J.-M Servet, si le
paiement renvoie, selon, à « l’appartenance à une communauté de paiement dans
laquelle les moyens de s’acquitter sont établis », alors, l’unité de paiement peut
différer de celle de compte.
La monnaie exerce également une fonction de réserve de valeur pour deux
raisons : la non-synchronisation entre les recettes et les dépenses d’une part et
l’incertitude sur les réserves futures d’autre part. Elles constituent deux motifs de «
demande de monnaie ». Elle a une fonction de réserve de valeur parce qu’elle est
acceptée par tous et surtout parce qu’elle est unité de compte. Mais, cette fonction
n’est pas spécifique à la monnaie car les agents économiques disposent d’autres
moyens pour conserver de la valeur, c’est-à-dire détenir de la richesse. Cette
dernière a d’ailleurs plusieurs composantes :
- la richesse non financière, qui est constituée des biens matériels (or, maison,
bijou, usine…) et immatériels (comme, par exemple, un fonds de commerce, une
qualification) ;
- la richesse financière, qui est constituée des titres qui peuvent s’échanger
directement contre des biens matériels ou qui, en général, doivent d’abord se
transformer en monnaie pour s’échanger contre des biens matériels (actifs
monétaires, actifs financiers).
147
Revue europénnee du droit social
La monnaie a une troisième fonction : celle d’unité de compte. Sans monnaie,
dans une économie marchande, il y a autant de prix que de paires de biens, de types
d’échanges entre deux biens. S’il y a n biens, il y a n(n-1)/2 prix relatifs. Pour
opérer ses arbitrages dans un système de troc, chaque consommateur doit avoir en
tête tous ces prix. Si un de ces biens est utilisé comme étalon des valeurs, alors le
système des prix est profondément simplifié. Il suffit alors de connaître les n-1
expressions de la valeur des autres biens dans le bien choisi comme monnaie pour
connaître l’ensemble des rapports de valeurs des n biens. La monnaie permet donc
d'établir une échelle de prix simple et unique, exprimée en unités monétaires.
Mais une " vraie " unité de compte ne peut avoir de valeur par elle-même sauf
à varier. Or, c'est bien ce que les hommes ont fait en utilisant, pendant de brèves
périodes historiques, comme valeur monétaire, des biens ayant eux-mêmes un
certain prix. Toutefois, durant la majeure partie du Moyen-Âge, le Prince
demeurait le " maître des mesures " : il imprimait son sceau et fixait les valeurs
monétaires qui différaient, la plupart du temps, de celles du métal incorporé.
Il est donc difficile de se satisfaire de la définition fonctionnelle de la monnaie.
Il nous faut approfondir la question monétaire en disant ce qu’elle est et non ce
qu’elle fait.
I.2. LA QUESTION DE LA NATURE DE LA MONNAIE
Qu’est-ce que la monnaie ? Cette question par laquelle il fallait bien commencer,
n’admet pas de réponse simple, acceptée par l’ensemble des économistes, ni sous
l’angle empirique, ni sous l’angle théorique. Notre préoccupation à ce stade de notre
réflexion, est de dissiper le « nuage épais » qui enveloppe les contributions sur la
nature de la monnaie, qui revêt plusieurs dimensions.
La monnaie est une créance à vue des agents économiques sur le système
bancaire et une dette de celui-ci. De ce point de vue, il est impossible de dissocier
la monnaie du système monétaire d’où d’ailleurs l’importance des banques dans
une économie monétaire de production.
Cette définition est complétée par l’approche institutionnelle de la monnaie : la
monnaie est certes une technique mais c’est aussi un phénomène social qui met en jeu
des relations humaines. L’enjeu principal de la monnaie est toujours l’appartenance à
une communauté de valeurs. Or, cette appartenance s’inscrit dans des formes
relativement différentes selon les époques et les sociétés. La monnaie est une institution
qui exprime et conforte les valeurs globales de la société où elle existe.
La monnaie a également une dimension conventionnaliste. Elle est générée par
une convention marchande : j’accepte la monnaie car autrui l’accepte. La qualité
d'une monnaie se mesurera, dès lors, à l'aune de son aptitude à conserver sa valeur
d'une période à l'autre et de sa capacité à inspirer confiance à ses utilisateurs.
Comme le rappelle Femenias Laurent (2008), citant Simmel, c'est donc bien la
communauté dans son ensemble qui garantit que la monnaie soit acceptée
aujourd'hui et dans l'avenir en règlement des échanges.
148
Revista europeană de drept social
Ce minimum de cohésion sociale et de confiance, qui est au fondement même
de toute monnaie, émane soit d'un acte de foi (acceptation générale du numéraire
par la communauté), soit d'un édit des autorités qui l'établit comme cours légal
dans un territoire donné.
Dans le premier cas, la monnaie peut provenir soit d'une coutume
immémoriale, soit d'une convention émergeante ou librement négociée, ou encore
être le résultat d'une concurrence entre monnaies privées où une a fini par
s’imposer dans un vaste réseau d’échange.
Dans le second cas, la monnaie est la production d'un monopole d'État qui
impose le médium d'échange et tente de le contrôler. La puissance publique tire
profit de cette situation à divers échelons : la monnaie sert, à la fois, de source
d'unité symbolique du pays, de source de revenu pour l'État et de moyen
d'indépendance politique, le pays ayant sa propre devise.
Suivant l’approche chartaliste, largement impulsée par Knapp, « la monnaie
est une créature de la loi », c’est-à-dire du droit. Selon Desmedt Ludovic et Piégay
Pierre (2007), Il s'agit pour lui de réfuter les approches métallistes et/ou
quantitatives pour placer au premier plan l'aspect conventionnel de la monnaie.
C’est l’État qui sélectionne et impose une forme-monnaie en choisissant une
certaine unité et en lui donnant une validité sur un territoire qui correspond à son
espace national. Ainsi, l’acceptation inconditionnelle de la monnaie par les
individus est garantie par l’État.
Il s’agit de dire que c'est l'autorité politique représentative qui, dans un espace
national donné, fait battre monnaie et lui donne cours légal, un principe repris,
après bien des vicissitudes, du droit romain.
La monnaie a également une dimension politique : les nations se sont construites
autour de la monnaie et autour d’un roi qui avait le pouvoir de battre monnaie.
Au 19ème siècle, l’unification progressive de l’Allemagne s’est faite à partir
du Zollverein, mais aussi par une monnaie commune : le Thaler. A l’heure actuelle,
le pouvoir monétaire est perçu comme un élément de la souveraineté nationale : ses
capacités régulatrices lui viennent de son aptitude à représenter les valeurs qui sont
au fondement de la communauté d’échanges.
La monnaie est envisagée comme un attribut de la puissance publique et un
instrument de propagande au service de cette dernière. Le principe de la souveraineté
mis en lumière par Jean Bodin a permis de dégager une souveraineté de l’Etat dont la
souveraineté monétaire semblait être partie intégrante. L’époque romaine montre
bien que la monnaie faisait partie des symboles qui exprimaient la personnalité, la
puissance et permettait de situer le romain et tout ce qui n’était pas romain.
A l’origine le « souverain » est une monnaie anglaise (pas un roi). Le
« souverain » est une monnaie d'or anglaise qui a été frappée pour la première fois
en 1489 par Henry VII d'Angleterre. Bien que la pièce ait une valeur nominale
d'une livre sterling ou 20 shillings, le souverain était à l'origine une monnaie sur
laquelle ne figurait aucune marque de valeur. La souveraineté est le pouvoir de
149
Revue europénnee du droit social
battre (frapper) « le souverain » (monnaie de l’époque). Or seul le roi avait ce
pouvoir de battre monnaie, d’où le parallélisme entre souverain et roi.
On sait par ailleurs que dans un régime démocratique, le pouvoir de battre
monnaie devrait être confié à des élus du peuple. Car le pouvoir de battre monnaie
signifie la possibilité de définir une « politique monétaire », qui accompagne la
politique économique. A contrario on ne peut financer une politique économique
(par exemple le plein emploi), si on ne maîtrise pas la monnaie. Le pouvoir de
battre monnaie a toujours été reconnu comme attribut de la souveraineté nationale.
Et les banques en tant qu’intermédiaires financiers ont toujours eu pour vocation le
financement de l’essor économique des nations. C’est la raison pour laquelle,
l’exercice du pouvoir monétaire, c’est à dire l’orientation de la politique monétaire
est une préoccupation constante des gouvernements.
Pour autant, comme le souligne Blanc Jérôme (2005), on doit d’abord comprendre
que la monnaie en elle-même n’est pas une marque de la souveraineté : le propre de la
souveraineté est le pouvoir de modifier le cours légal et le contenu métallique des
pièces. Mais si cette manipulation relève de la puissance de la loi, qui est celle du
souverain, seul le droit de battre monnaie est de la même nature que la loi.
« La monnaie renvoie au prince et plus généralement à une organisation
politique de la société [...] La monnaie est inséparable d'un ordre ou d'un pouvoir.
A tout système monétaire est assignée une limite, qui est celle de l'acceptation des
moyens de paiement. L'aire d'extension du système de paiement se confond avec
celle de la souveraineté de l'institution qui émet la monnaie légale. Monnaie et
souveraineté sont donc étroitement liées ».
D’ailleurs la zone franc a deux dimensions. Une dimension verticale du fait
des liens monétaires et sociopolitiques entre la France et les pays africains, et une
dimension horizontale compte tenu des relations d’intégration que nouent les
pays africains de la zone entre eux. Cette orthogonalité de la zone l’éloigne
d’une zone monétaire optimale. A partir de là, la monnaie franc CFA devient une
monnaie rhizome.
Cette monnaie rhizome qu’est le franc CFA a des racines en occident et en
Afrique : c’est une monnaie qui dépayse les africains.
La section ci-après présente l’évolution historique de la Zone Franc. Elle
apparaît comme une extension de l’espace économique français.
II. L’HISTORIQUE DE LA ZONE FRANC
ET SON FONCTIONNEMENT
Nous présenterons successivement l’évolution de la Zone Franc et ses
principes puis les traits caractéristiques de son fonctionnement.
150
Revista europeană de drept social
II.1. EVOLUTION HISTORIQUE DE LA ZONE FRANC
La zone franc lato sensu, regroupe 26 entités territoriales ; elle comprend,
outre 15 pays africains, la France, les DOM-TOM, la principauté de Monaco et
Mayotte ; elle est depuis le 1er janvier 1999 liée à l’Union monétaire européenne
puisque les francs de la zone sont arrimés à l’euro.
Historiquement, même s’il est difficile de donner une datation exacte de la
zone franc avant son officialisation, il est possible de lui trouver un ancrage.
La dislocation progressive de l'espace monétaire et commercial international
dans les années trente, la montée en puissance généralisée du protectionnisme et
l'enchainement des dévaluations compétitives provoquèrent de la part des
puissances coloniales une réaction de repli sur leurs empires. L'échec de la
conférence de Londres en 1933, fit apparaître les zones monétaires. La formation
d'une zone économique impériale, protégée de la concurrence extérieure et fondée
sur la complémentarité des productions coloniales et métropolitaines, passait par la
création d'un espace monétaire commun. Un grand nombre de pays d'Amérique
centrale et d'Amérique du Sud vont rattacher leur monnaie au dollar pour former la
« zone dollar ». Tout comme la « zone sterling », la zone franc est donc née de la
volonté initiale d’isoler l’empire colonial du marché international et de créer un
espace préférentiel après la crise de 1929. Elle a été institutionnalisée le 9
septembre 1939, lorsque dans le cadre de mesures liées à la déclaration de guerre,
un décret instaura une législation commune des changes pour l'ensemble des
territoires appartenant à l'empire colonial français.
La zone Franc, en tant que zone monétaire caractérisée par une liberté des
changes, est formellement créée.
Officiellement, le franc CFA est né le 26 décembre 1945, jour où la France
ratifie les accords de Bretton Woods et procède à sa première déclaration de parité
au Fonds monétaire international (FMI). Il signifie alors « franc des colonies
françaises d'Afrique ».
Mais cette définition de la parité du Franc se fait avec une différenciation selon
les secteurs géographiques1 : le Franc des Colonies Françaises du Pacifique
(FCFP), un Franc des Colonies Françaises d'Afrique (FCFA) et un Franc de la
métropole valable également pour l'Afrique du Nord et les Antilles (FF).C'est aussi
l'occasion d'affirmer l'unité car le communiqué du ministre des Finances parle de «
Constitution de la zone franc » et ce sera la première fois que le terme est utilisé
officiellement.
1
Le FCFP valait 2,40 FF et le FCFA 1,70 FF.
151
Revue europénnee du droit social
II.2. LES PRINCIPES ET LE FONCTIONNEMENT DE LA ZONE FRANC
II.2.1. LES PRINCIPES DE LA ZONE FRANC
Les principes de la coopération monétaire ont été rappelés dans les différentes
conventions dont la convention de coopération entre les pays membres de l'Union
monétaire ouest-africaine et la République française du 4 décembre 1973. Les
principes fondamentaux sont au nombre de quatre :
1) La fixité des parités avec la monnaie ancre : la parité des monnaies de la
Zone avec l’euro est fixe et définie pour chaque sous-zone. Les monnaies
de la Zone sont convertibles entre elles, à des parités fixes, sans limitation
de montants.
2) La garantie de convertibilité illimitée du Trésor français : la convertibilité
des monnaies émises par les différents instituts d'émission de la Zone franc
est garantie sans limite par le Trésor français.
3) La libre transférabilité : les transferts sont, en principe, libres à l’intérieur de
la Zone. À l'intérieur de chaque sous-zone, et entre chaque sous-zone et la
France, les transferts de capitaux sont en principe libres.
4) La centralisation des réserves de change : elle apparaît à deux niveaux
puisque les États centralisent leurs réserves de change dans chacune des
deux Banques centrales tandis qu’en contrepartie de la convertibilité
illimitée garantie par la France, les banques centrales africaines sont
tenues de déposer, auprès du Trésor français sur le compte d'opérations
ouvert au nom de chacune d'elles, une fraction de leurs réserves de
change (50 % pour les avoirs extérieurs nets de la BCEAO et 60%
jusqu’au 30 juin 2008, 55 % jusqu’au 30 juin 2009 et ensuite 50% pour
la BEAC). Depuis 1975, ces avoirs bénéficient d'une garantie de change
vis-à-vis du DTS.
II.2.2. LES MECAMISMES POUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA
COOPERATION MONTAIRE
Pour l’essentiel, les comptes d’opérations et la concertation entre la France et
les PAZF, constituent les piliers de la coopération monétaire entre la France et ses
partenaires africains.
Le fonctionnement des comptes d’opérations
Les modalités de fonctionnement ont été formalisées par des conventions
conclues entre le ministre français de l'Économie et des Finances et le représentant
de chacun des instituts d'émission de la Zone franc.
Les comptes d’opérations sont des comptes à vue ouverts auprès du Trésor
français au nom de chacun des trois instituts d’émission : la BCEAO, la BEAC et
la Banque centrale des Comores. Ces comptes sont rémunérés et offrent la
possibilité d’un découvert illimité.
152
Revista europeană de drept social
Ils disposent d’un dispositif de sauvegarde. Si les Banques centrales peuvent
recourir sans limitation aux avances du Trésor français, cette faculté doit, dans
l'esprit des accords, revêtir un caractère exceptionnel.
Pour éviter que les comptes d'opérations ne deviennent durablement débiteurs,
des mesures, dont certaines de nature préventive, ont été prévues.
La concertation avec la France
Outre les fréquentes rencontres informelles entre les responsables français
et africains, une réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des
États de la Zone franc se tient semestriellement. La première de ces réunions
s'est tenue à Paris en mars 1965. Il a été décidé à cette occasion que les
ministres se réuniraient deux fois par an, en avril, à la veille du Comité
monétaire et financier international (CMFI) du FMI et du Comité du
développement de la Banque mondiale, et en septembre-octobre, également à la
veille des assemblées annuelles de ces deux institutions.
III. POURQUOI LA ZONE FRANC DOIT DISPARAÎTRE:
ELLE FAVORISE LE SOUS-DEVELOPPEMENT
La question à laquelle nous répondons ici est celle de savoir pourquoi les pays
africains de la zone franc doivent-ils sortir de cette zone ou du moins décoloniser le
franc CFA pour la remplacer par une monnaie qui tiendra compte des réalités
africaines. Notre thèse se justifie pour au moins deux raisons.
Premièrement, le franc CFA et ses mécanismes sont des leviers qui perpétuent
l’extraversion des économies africaines.
Deuxièmement, le franc CFA est un instrument de domination et de la défense
des intérêts de la France en Afrique. La monnaie Franc CFA, n’a jamais favorisé le
développement.
III.1. LE FRANC CFA ET SES MECANISMES FAVORISENT
L’EXTRAVERSION DES ECONOMIES AFRICAINES
• Les principes de la zone franc posent problème. Précisons ici
rapidement ce point.
En premier lieu, au niveau de la parité fixe, selon les enseignements de la
théorie standard, elle se justifie d’autant plus que l’économie est petite, peu
ouverte, faiblement diversifiée, polarisée sur le pays de monnaie d’ancrage,
qu’il y a à l’intérieur des zones une mobilité forte du travail et faible mobilité
du capital.
La fixité du change peut également se justifier pour des motifs d’ordre
microéconomiques (réduction des incertitudes sur des taux de change réels) et
macroéconomiques (stabilité des prix, gestion saine des finances publiques). Et ceci
153
Revue europénnee du droit social
d’autant plus que les petites économies africaines sont fortement ouvertes et qu’elles
sont fortement intégrées au niveau des importations et des capitaux à l’Europe.
Cependant, ces arguments favorables à la fixité du change sont contrecarrés par
l’existence de chocs réels et nominaux, intérieurs et extérieurs. Des économies
fortement exposées à des chocs comme les pays de la zone franc, ont intérêt à
stabiliser l’économie par la flexibilité de change. Dans le cas de chocs externes, le
taux de change flexible neutralise les effets des chocs. Dans le cas de chocs interne
réels (comme la sécheresse), il permet de stabiliser le produit national réel.
Le taux de change flottant permet théoriquement une autonomie de la politique
monétaire et joue un rôle de stabilisation automatique. Le régime de change fixe a
pour conséquence de ne pas s’adapter aux réalités économiques. La parité fixe du
franc CFA contre l’euro (1 euro valant 655,957 francs CFA) nous conduit à nous
intéresser à la parité de l’euro contre le dollar puisque le dollar constitue l’unité de
cotation du cours des matières premières sur le marché mondial. L’appréciation de
l’euro est partiellement défavorable à la zone franc puisqu’elle correspond à une
appréciation parallèle du franc CFA par rapport au dollar, et donc à des recettes
d’exportations et des recettes fiscales en francs CFA plus faibles.
En deuxième lieu, au sujet de la libre transférabilité, cette disposition favorise
la fuite des capitaux. Selon la CNUCED, la fuite des capitaux en 30 ans des pays
africains depuis les indépendances dépasse 400 milliards de dollars américains.
Selon Hugon (1999, p.99), on estime l’hémorragie des capitaux hors UEMOA à 3
milliards de francs en 1991, à 4,6 milliards en 1992 et à 5 milliards de francs durant
les 6 premiers mois de l’année 1993. Les placements spéculatifs effectués en francs
Cfa en France entre janvier 1990 et juin 1993 s'étaient élevés à 928,75 milliards de
francs Cfa, soit environ 1,416 milliards d’euros.
Le montant des transferts sans contrepartie des ménages non africains sortis
des PAZF en direction de la France et le RDM est passé de 89 millions de dollars
(en 1970) à 434 millions de dollars (en 1993). Le montant cumulé de ces transferts
est estimé à 3783,6 millions de dollars (soit 2200 milliards de franc CFA).
En 2004, l’Afrique noire (sans l’Afrique du Sud) a reçu 0,4% des IDE dont la
moitié a été au bénéfice de l’Angola et du Nigeria.
En troisième lieu, concernant la convertibilité illimitée, elle est virtuelle. La
convertibilité revient à dire simplement que tout étranger détenteur de cette
monnaie doit avoir la possibilité, à tout instant, de l’échanger librement contre
d’autres monnaies ou contre de l’or. La convertibilité revêt plusieurs formes et on
en distingue le plus souvent les degrés de convertibilité par rapport aux opérations,
aux pays, et aux agents. Pour les petites économies que sont les pays africains de la
zone franc, il n’est pas bon d’avoir des monnaies convertibles. Dans la remuante
histoire du franc français, l’échange de francs contre des devises n’était pas libre,
mais réglementé. Cette convertibilité externe du franc, rétablie en 1958 pour les
non-résidents, n’était pas totale pour les résidents. Par exemple, ceux-ci ne
pouvaient pas sortir des capitaux hors des frontières sans autorisation
administrative. La Tunisie par exemple a une politique qui s’appuie sur le maintien
154
Revista europeană de drept social
de contrôles des capitaux, c’est-à-dire sur une « convertibilité » partielle de la
monnaie, certaines opérations sur les mouvements des capitaux avec l’extérieur
restant soumises à restrictions. Cela permet à la Banque centrale de conserver une
certaine marge de manœuvre sur sa politique intérieure. Quant au géant chinois, la
grande fragilité de son système bancaire étatique (créances douteuses) ne l’autorise
pas aujourd’hui à libéraliser son marché des changes et à rendre sa monnaie
librement convertible sous peine de faire peser des risques importants sur la
croissance économique chinoise. Le Naira n’est pas une monnaie convertible
pourtant le Nigeria est un géant économique ; la Roupie également n’est pas
convertible pourtant l’Inde est une puissance économique.
La convertibilité du franc CFA est d’autant plus virtuelle que les francs CFA
de la BCEAO et ceux de la BEAC ne sont pas convertibles entre eux, ce qui
n’encourage pas le développement des échanges entre les deux zones. Au
contraire, les mécanismes de la zone franc facilitent les relations financières et
commerciales entre la métropole et les territoires, tout en supprimant le risque de
change entre les deux monnaies (Euro et franc CFA).
• Le franc CFA n’a pas apporté le développement aux africains
Déjà, parmi les 49 pays moins avancés (PMA), 35 sont en Afrique
subsaharienne (ASS). La zone franc, elle, représente 12% de la population
africaine, 12% du PIB et 1,5% des exportations.
Avec une population de 25% supérieure à celle de la France, les PAZF
représentent 4,5% du PIB français ou 1,5% de masse monétaire. Sur les 15 Etats
de la Zone franc, 10 sont classés parmi les pays les moins avancés, 3 parmi les pays
à faible revenu (Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire) et 2 parmi les pays à revenu
intermédiaire (Gabon, Guinée équatoriale).
A titre de comparaison, le PIB des 15 pays de la Zone franc représente moins
de 3% du PIB de la France. La masse monétaire de la Zone franc représente 1,2%
de la masse monétaire de la France.
La zone franc n’a pas apporté le développement aux pays membres mais le
développement du sous-développement.
Pour atténuer cette pauvreté, l’aide française est venue comme une bouée de
sauvetage. En effet, les pays de la zone Franc sont des principaux bénéficiaires de
l'aide publique au développement française. En 1997, ils ont reçu environ la moitié
de l'APD bilatérale française aux pays d'Afrique sub-saharienne, ce qui représente
23 % des apports bilatéraux de la France aux pays en développement (6,5 milliards
de franc (MdF) sur 27,8 MdF d'aide bilatérale en 1997). Dans le cadre du
traitement de dette au sein du Club de Paris, 10 pays de la Zone franc2 ont bénéficié
d'annulations pour un montant total rééchelonné de 23 MdF. La France a apporté
près de 50 % de l'effort ainsi consenti par les créanciers. En plus des accords
2
Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et Togo.
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Revue europénnee du droit social
conclus dans le cadre du Club de Paris, la France a pris des mesures bilatérales
exceptionnelles de réduction de dettes, en annulant en 1989, les crédits d'aide
publique au développement (Dakar I), puis en procédant à une nouvelle annulation
en 1994 (Dakar II), soit une annulation de dette de 55 MdF au profit des pays de la
zone Franc. Entre 1993 et 1996, l'effort de réduction de dettes a représenté en
moyenne une contribution annuelle de la France de 3,2 MdF, soit plus du tiers de
l'aide bilatérale française à la zone Franc.
En tout état de cause, les pays de la zone franc ne sont pas mieux lotis en
termes de performances macroéconomiques à comparer aux pays africains hors
zone franc. Une synthèse de nombreux travaux comparant les performances est
présentée chez Hadjimichael et al. (1995).
Lorsqu’on compare les taux de croissance du PIB des pays africains de la zone
franc et des pays hors zone, il apparait que les années 60 et 70 sont marquées par
des résultats supérieurs pour les pays de la zone franc (5% contre 4,4%) alors qu’il
y a inversion au cours de la décennie 80, plus précisément entre 1985 et 1991(1%
contre 3,7%), sur l’ensemble des trois décennies, les résultats sont, en revanche,
comparables3. On note également une plus grande instabilité des taux de
croissance au sein de la zone. L’écart-type du taux de croissance a été entre 1971 et
1987 de 7% contre 4,5% pour les pays voisins. De 1980 à 1994, les écarts du PIB
réel par rapport à sa tendance à long terme ont été supérieurs.
Selon le rapport du PNUD (2007,2008), l’indice de développement humain
(2005), pour les PAZF est égal à 0,468 (moyenne) contre 0,493 (moyenne) pour
l’Afrique subsaharienne. L’indice de développement humain (indice composite
reposant sur l’espérance de vie, le taux d’alphabétisation et le niveau de vie
exprimé à parité de pouvoir d’achat) des pays de la Zone franc n’est que
légèrement inférieur à celui de la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne.
Toutefois, au niveau mondial, les pays de la Zone franc font partie des pays
dont le développement humain est considéré comme faible, à l’exception du
Cameroun, du Congo, du Gabon et de la Guinée-équatoriale qui appartiennent à
la catégorie intermédiaire. Le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Mali, le
Niger, la RCA et le Tchad, en particulier, étaient classés parmi les 10 derniers
sur une liste de 177 pays.
En 2010, la situation n’est guère reluisante pour les pays de la zone franc. La Côte
d’Ivoire demeure en dépit de la crise militaro-politique qu’elle traverse depuis 2002, le
premier pays africains de la zone franc en termes de PIB réel. Pourtant, le franc CFA
n’a pas permis à ce pays de faire mieux que les pays hors zone franc (Tableau 1).
3
Source : Guillaumont, 1995 p.105 et 106.
156
Revista europeană de drept social
Tableau 1: Le classement des pays africains de la zone
franc en termes de PIB réel en 2010.
Rang
Pays
1er
2e
3e
4e
5e
6e
7e
8e
9e
10e
11e
12e
13e
14e
Côte d'ivoire
Cameroun
Guinée-Equatoriale
Sénégal
Gabon
Congo
Mali
Burkina-Faso
Tchad
Benin
Niger
Togo
Centrafrique
Guinée-Bissau
PIB réel
(en milliards de dollars)
22,4
21,9
14,5
12,7
12,6
11,9
9,1
8,7
7,6
6,5
5,6
3,1
2,1
0,8
Source : Le Monde : bilan du monde, la situation économique internationale, 2011, p. 91.
Les pays comme l’Algérie, l’Angola, l’Ethiopie, le Kenya, le Maroc, le Nigeria,
le Soudan, la Tanzanie, la Tunisie, pour ne citer que ces pays, ont chacun un PIB
réel supérieur à celui de la Côte d’Ivoire (le premier en termes de PIB réel en 2010 de
la zone franc), comme l’indiquent les tableaux 2 et 3 ci-dessous. Certains de ces pays
font mieux en matière d’espérance de vie. Au sein des PAZF, le Togo (63), le Benin
(62) et le Gabon (61) occupent le peloton de tête en termes d’espérance de vie.
Les pays qui ont accédé très tôt à leur souveraineté monétaire ont des
espérances de vie plus élevées que les trois pays cités ci-dessus. Il s’agit par
exemple de la Tunisie (74), de l’Algérie (73), du Maroc (72), de Maurice (72) et du
Cap-Vert (72).
157
Revue europénnee du droit social
Tableau 2: Le classement des pays africains de la zone franc
en termes de PIB réel/ habitants en 2010
Rang
Pays
1er
2e
3e
4e
5e
6e
7e
8e
9e
10e
11e
12e
13e
14e
Guinée-Equatoriale
Gabon
Congo
Cameroun
Côte d’Ivoire
Sénégal
Tchad
Bénin
Mali
Burkina-Faso
Guinée-Bissau
Centrafrique
Togo
Niger
PIB réel/habitants
(dollars)
11081
8395
3075
1071
1016
964
743
673
649
590
498
469
441
383
Source : Le Monde : bilan du monde, la situation économique internationale, 2011, p. 91.
Tableau 3 : Le PIB réel et le PIB réel/habitants de quelques pays hors zone franc.
Pays
Algérie
Angola
Botswana
Ethiopie
Ghana
Kenya
Maroc
Maurice
Mozambique
Namibie
Nigeria
Ouganda
Soudan
Tanzanie
Tunisie
Zambie
PIB réel (milliards de
dollars)
159
85,8
12,5
30,9
15,3
32,4
91,7
9,4
10,2
11,5
206,7
17,1
65,9
22,4
43,9
15,7
PIB réel/Habitants
(dollars)
4478
4812
6796
365
646
888
2868
7303
473
5454
1324
504
1643
543
4160
1286
Source : Le Monde : bilan du monde, la situation économique internationale, 2011, p. 91.
158
Revista europeană de drept social
III.2. LE FRANC CFA EST UN INSTRUMENT DE DOMINATION ET
DE DEFENSE DES INTERETS DE LA FRANCE EN AFRIQUE
L’intérêt économique pour la France est très significatif, car, l’enjeu principal
de la zone franc pour la France n’est pas seulement de nature matérielle,
économique ou comptable, mais réside également dans la reproduction continue
d’un ensemble de relations qui, en effaçant la « perte » survenue en 1960, préserve
son statut de puissance internationale. Le dispositif de la zone franc, conservateur
dans son essence, entretient en Afrique l’ossature des Etats et leur survie dans un
système économique et social figé.
Ensuite la zone franc développe l’extraversion de nos économies.
Avec le franc CFA, les PAZF sont des réservoirs de Matières premières et des
déversoirs de produits manufacturés.
L’empire colonial français, qui absorbait 10% des exportations françaises à la
fin du 19e siècle et 17% à la veille de la crise de 1929, devint dans les années
trente, et jusqu’à la constitution de la communauté économique européenne, un
débouché majeur pour les entreprises métropolitaines. Elles y écoulaient 42% de
leurs exportations en 1952.
Selon la commission européenne (2002), en 1999, 40% des exportations de
l’espace UEMOA étaient destinées à l’Europe. Les importations en provenance de
l’UE et en direction de l’UEMOA la même année se situent à 43%.
Les exportations de la zone UEMOA en direction de cette zone représentent
12% et 10% pour les importations. Les avantages présentés aux Africains sont
quant à eux des plus artificiels : outre l'attrait des investissements directs à
l'étranger (IDE), le franc CFA est censé épargner les risques de change avec la
zone euro et donc faciliter l'accès au marché unique européen. Les monnaies
coloniales encourageaient l’intégration économique avec la puissance de tutelle, et,
dans une moindre mesure, avec le reste du monde.
En effet, les grands pays exportateurs dans le commerce intra UEMOA sont la
Côte d’Ivoire et le Sénégal qui ont exporté vers la zone respectivement 11 et 6,5%
de leurs exportations totales entre 1990 et 2003 (Boogaerde et Tsangarides, 2005).
Ces pays sont de ce fait de loin les grands offreurs de biens manufacturiers dans la
zone en détenant respectivement 74 et 14% des exportations intra zone.
Cependant, la France domine les flux d’investissement entre la Zone Franc et
l’Europe. Selon la Banque de France (2002), sur la décennie 1989-1998, la France
a contribué à 71 % des flux nets d’investissements des pays de l’OCDE vers la
Zone franc. Le poids de la France dans le stock des investissements directs
étrangers en Zone franc est estimé à 40 %. Au total, la Zone franc accueille plus de
40 % du total du stock des investissements français en Afrique.
159
Revue europénnee du droit social
Enfin la zone franc et ses mécanismes maintiennent un système bancaire
oligopolistique dominé par les banques françaises. Les banques sont des maillons
importants du système financier. Elles remplissent un double rôle. D’une part, elles
sont des entités privées qui recherchent le profit ; d’autre part, elles constituent des
réseaux qui fournissent à l’économie globale un bien collectif : les systèmes de
paiement et de règlement. Or les systèmes financiers africains en général et ceux de
la Zone Franc, en particulier, sont peu profonds, étroits, peu diversifiés et
n’assument pas leur rôle dans le financement du développement (Popiel ,1995). La
création d’un embryon de système financier au sein des pays de la zone franc
pendant la période coloniale avait pour seul dessein de répondre aux besoins de
financement des sociétés d’import-export et d’exploitation des produits primaires
agricoles (Benin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali), miniers (Niger, République
centrafricaine, Sénégal, Togo) et pétroliers (les pays de la CEMAC aujourd’hui).
Les banques ne trouvaient pour ainsi dire aucun intérêt à développer un réseau
d’agences à l’intérieur de ces pays ou à établir des contacts avec les populations
locales. Le taux de bancarisation dans l’UEMOA est très faible (moyenne de 4%).
Ce taux était en 2001 de 99% en France.
Hier, les banques commerciales proposaient surtout des crédits à court terme
permettant de s’adapter au caractère cyclique de la production et de la
commercialisation des produits tropicaux et aux délais d’acheminement des
produits manufacturés entre la métropole et l’Afrique. Aujourd’hui encore, le crédit
bancaire ne facilite pas la formation du capital car il finance plutôt les affaires
commerciales et d’import-export. Le financement bancaire en Côte d’Ivoire est de
l’ordre de 16% contre environ 70% en Tunisie.
Il est d’ailleurs lié au système commercial mis en place par l’économie de
traite et non au système de production. La stratégie bancaire postindépendance est
restée identique à celle de la période coloniale. Le maintien, après les
indépendances, des schémas d’organisation spatiale et sectorielle de l’activité
économique (spécialisation sur le commerce et l’exportation de matières premières
brutes) cumulé à l’échec des politiques de diversification industrielle expliquent
aujourd’hui encore la perpétuation des structures économiques héritées de la
période coloniale et les caractéristiques financières qui en découlent.
Par ailleurs, les centres de décision de ces grandes firmes bancaires sont situés
à l’étranger. Autant de facteurs qui réduisent leur impact sur les pays où elles sont
installées : elles paient des impôts, sans pour autant s’embrayer sur l’économie
nationale. Au total, sur le plan bancaire, le système bancaire postcolonial ne
tranche guère avec la logique coloniale, celle qui consistait à financer l’échange et
la production de matières premières exportées.
Finalement, avec le franc CFA, la France domine économiquement,
commercialement et politiquement les Pays Africains de la Zone Franc, cette
monnaie n’apportant rien au développement économique de ces derniers
160
Revista europeană de drept social
CONCLUSION
Ce n’est pas sans hésitation que les gouvernants des pays africains de la zone
franc traitent le sujet du franc CFA. En dépit de la lassitude, qui, épisodiquement,
gagne ces sphères politiques, il faut une plus grande volonté politique pour décider
du sort du Franc CFA et partant de la Zone Franc.
Au cours de ces pages, nous avons voulu être méthodique afin de faire
ressortir le thème dominant de notre argumentation : le Franc CFA n’a pas permis
aux Africains d’amorcer un véritable développement autocentré. Les structures et
les principes de fonctionnement de la Zone Franc constituant un handicap sérieux
pour le développement économique des pays membres.
L’organisation monétaire hiérarchique de la zone franc, vu comme le reflet d’un
système politique de domination coloniale s’oppose à un processus de
développement qui tienne compte des réalités africaines. La monnaie « Franc CFA »,
en tant que fait social total semble étranger aux africains. Une des principales
caractéristiques du colonialisme fut de remplacer les monnaies primitives par les
monnaies européennes en les imposant pour le paiement des impôts. Or ces liens
sociopolitiques ont eu historiquement tendance à se distendre alors que la
superstructure monétaire demeurait. La monnaie « franc CFA » s’est imposée. En
s’imposant historiquement par la violence, et en s’étendant au sein de la société
notamment par la traite négrière, par le commerce import-export et par l’impôt, la
monnaie, signe CFA, issue de cette histoire, apparaît souvent comme extérieure à la
société qu’elle veut normer. Du coup, il semble impossible qu’une telle monnaie
participe au développement économique des pays africains.
161
Revue europénnee du droit social
Références bibliographiques
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