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À son avènement en 1799, Bonaparte est à la tête d’un pays qui connaît de grandes
difficultés : l’enseignement et les finances sont sinistrés, les forêts sont pillées et le
brigandage s’est accru. D’un point de vue monétaire, la France sort meurtrie de l’épisode
révolutionnaire marqué par une phase de thésaurisation des monnaies en métal précieux alors
en circulation, puis, par une période d’inflation consécutive à une émission de plus en plus
importante d’assignats gagés sur les Biens nationaux, et, par une période de brutale déflation
caractérisée par une absence de signes monétaires. Pour rétablir l’autorité de l’État, Bonaparte
entreprend des réformes importantes qu’il nomme lui-même « masses de granit » du fait de
l’extrême dureté et longévité de cette roche. Cela passe dans un premier temps par une
réforme fiscale pour mettre fin à l’anarchie monétaire de la Révolution et rétablir les finances
de l’État et la confiance que ce dernier suscite. Grâce à Gaudin, ministre des Finances,
Bonaparte dispose, dès l’an IX, d’un budget apparemment équilibré qui lui permet de payer
régulièrement les rentiers qui ont beaucoup perdu. Les pillages des armées victorieuses de la
République menées par Bonaparte contribuent par ailleurs à la reconstitution de la circulation
métallique en alimentant les réserves du territoire en or et en argent aux dépens des pays
voisins (Italie, Belgique, Pays-Bas) puisque les métaux précieux pris sont destinés à la frappe
du numéraire, évitant ainsi toute refonte dans les ateliers monétaires dont les plus importants,
après Paris et Lyon, sont ceux qui reçoivent les piastres espagnoles par voie de terre ou de
mer (Bayonne, Perpignan, Marseille). En janvier 1800, la Banque de France est créée. C’est
une banque privée avec le soutien du gouvernement. Elle assure aux finances de l’État des
avances en attente de la rentrée des impôts ce qui renforce le crédit de celui-ci.
Mais, s’il faut rétablir l’autorité de l’État et la confiance pour faire sortir le numéraire
enfoui sous la Révolution, le signe le plus probant de tout rétablissement est la création d’une
monnaie en France. C’est ce qui va être réalisé, quelques jours seulement après la visite de
Bonaparte à la Monnaie de Paris, le 21 ventôse an XI (12 mars 1803), par la loi dite de
« Germinal » (7-17 Germinal an XI / 28 mars – 7 avril 1803), constituée de 22 articles, qui
dispose que « cinq grammes d'argent, au titre de 9/10 de fin, constituent l’unité monétaire,
qui conserve le nom de Franc », choisi en avril 1795 pour remplacer celui de « livre » et
confirmé par la loi du 28 thermidor an III (15 août 1795). La loi prévoit en outre la fabrication
de deux pièces d’or (20 et 40 francs), de six d’argent (¼, ½, ¾, 1, 2 et 5 francs) et de trois de
cuivre (2, 3 et 5 centimes) qui, comme celle de ¾ de franc, ne sont finalement pas émises. Ces
nouvelles monnaies, œuvres de Tiolier, nommé Graveur général le 1
er
avril 1803, sont basées
sur le système métrique décimal établi depuis le 1
er
août 1793. Les articles suivants règlent les
modalités de fabrication, de taille, de titre et de poids ainsi que des tolérances qui y sont
attachées.
Napoléon et son désir d’uniformisation de la monnaie
Le seul moyen de remettre de l’ordre dans le système monétaire et de restaurer ainsi la
confiance dans la monnaie est de procéder, dans un souci d’uniformisation, au retrait de la
circulation des monnaies de l’Ancien Régime et de la Révolution française frappées selon le
système duodécimal. Pour Napoléon, c’est une « nécessité de parvenir à une uniformité
générale de la monnaie, dans tous les départements de l’Empire, en y rendant général et
exclusif, l’usage de la nouvelle monnaie impériale de France »
1
. À son avènement, il circule
en effet une quantité importante de monnaies diverses, reflétant un aspect anarchique :
monnaies d’or, d’argent et de cuivre frappées à l’effigie de Louis XV (depuis l’édit de mai
1
Archives Nationales AF IV 1864, pièce n° 35 : extrait d’une lettre du ministre du Trésor public, Mollien,
adressée à Gaudin (23 novembre 1809).