grammaire minlmaliste - Bibliothèque et Archives Canada

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DÉPARTEMENT DES LETTRES ET CO-CATIONS
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke
PAS, LES MOTS-N ET LA VARIATION EN QUÉBECOISDANS UNE
GRAMMAIRE MINLMALISTE
Par
SALOMÉE GUY
Bachelière ès linguistique
de l'université de Montréal
&MOIRE PRÉSENTÉ
pour obtenir
LA MAÎTRISE ES ÉTUDES FRANÇAISES
incluant un cheminement en linguistique
Sherbrooke
DÉCEMBRE 1996
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du Canada
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PAS, LES MOTS-N ET LA VARlAnON EN QUÉBECOISDANS üNE GRAMMAIRE
MINIMALISTE
par S A L O ~ GUY
E
Mémoire présenté pour obtenir la mainise ès études h ç a i s e s incluant un cheminwemt en Linguistique
Sherbrooke novembre 1996
La négation est un phénomène universel. Cependant, on remarque une grande variation. Elle se
manifeste différemment d'une langue à l'autre. Ainsi d'un point de vue catégoriel, elle est soit tète, soit
spécifieur. Toutefois, la catégorie syntaxique de la négation en fiançais standard ou en Fançais québécois
est identique: le marqueurpas est spécifieur et l'opérateur ne est tête. Cependant, si on examine l'effet de
concordance, on observe des divergences. II est exclu avec par en FS idors qu'il est admis en FQ. Aussi, la
variation ne peut se définir stnicturellement. Ce mémoire tente d'expliquer cette variation. Il s'appuie sur le
Programme Minimaliste (Chomsky 1995). La variation, dans ce cadre théorique, se situe dans certains
aspects du modèle, notamment le lexique. Enfin, il est avancé que les distinctions observées entre ces deux
dialectes du £lançais peuvent &re interprétées minimalement dans la gramniaire.
A Ginette, Raymond,
Napoléon et Marie-Eve
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce mémoire fut rendue possible grâce à l'appui de professeun
compétents, et aussi @ce au soutien et aux encouragements de mes proches. Elle a
également été partiellement soutenue par le CRSH (410-94-0838) attribué à Mme
Marie-Thérèse Vinet et le Fonds FCAR (94-ER-0401 ) projet interunivenitaire UQAMSherbrooke, attribué a Mmes A.-M. Di Sciullo, M. Lemieux et M.-T. Vinet.
Je désire remercier d'abord et avant tout Mme Marie-Thérèse Vinet, professeure au
Département des lettres et communications à l'Université de Sherbrooke. Elle a été une
directrice de recherche extraordinaire tant par ses encouragements inépuisables, sa
compréhension et sa disponibilité que par son professiomalisme. Elle représente pour
moi la rigueur intellectuelle qui doit habiter tout scientifique. Elle mérite toute ma
reconnaissance et mon admiration.
Je désire également remercier le groupe de recherche de I'UQAM sur les interfaces qui
était constitué entre autres de Mmes Anne-Marie Di Sciullo, Monique Lemieux, Mireille
Tremblay, Fernande Dupuis, Monique Dufiesne et de M. Réjean Canac-Marquis. Tous
m'ont apporté, à un moment ou a un autre de mes démarches, de nombreux
commentaires pertinents pour l'élaboration du présent mémoire.
Je remercie aussi les membres du jury: Jean-Marcel Gard et Gaétane Dostie,
professeurs a 19Universitéde Sherbrooke. Leurs commentaires ont été fort appréciés.
Et enfin, je remercie de tout mon coeur ma famille qui m'a toujours encouragée, plus
particulièrement mes parents, Ginette et Raymond, qui m'ont donné le goût du savoir et
les occasions pour le développer ainsi que mon fière et ma soeur toujours à mes côtés.
Je leur dis également un très gros merci pour leur soutien inconditionnel.
RÉsUMÉ
REMERCIEMENTS
SOMMAlRE
ABRÉV~ATIONS
LEXIQUE
LEXIQUE A N G L A I S - M Ç A I S
INTRODUCTION
O. 1 Introduction
0.2 Des études antérieures
0.3Le sujet de recherche
0.4 Les sources
0.5 Plan
CHAPITRE 1
1.1 Le cadre théorique
1 . 1 . 1 La facuité du langage
1.1 -2 Les objectifsgénéraux du Programme Minimaliste
v
vii
vüi
xi
12
12
14
16
17
17
18
18
18
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22
22
23
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28
29
1.2 Le passage de la Théorie du Gouvernement et Liage au Programme Minimaliste
1 -2.1 La Structure-D
1.2.2 La Structure-S
1-2.3 La théorie X-barre
1 -2.4 Déplacer a
1-3 Les présupposés théoriques
1.4 La Grammaire Universelle
1.5 En perspective...
CHAPITRE 2
2.1 Introduction
2.2 Pas, une tête en fiançais québécois?
2.2.1 Pas, plus et jamais.
2.2.2 Pas
2.3 Le statut de ne en fiançais
2.4 Les mots-N
2.4.1 Les mots-N et les éléments a polarité négative
2.4.2Le mot-N possède-t-il un trait inhérent négatif!
CHAPITRE 3
3.1 introduction
3.2. L'effet de concordance
3 -3 L'incorporation
3 -4 Le noeud NegP
3.5 Les contraintes d'ilots et l'efféî d'opacité
3 -6 Le critère négatif
3 -6.1 Une analyse syntaxique
3.6.2 Quantifieurs universels négatifs?
3 -6.3 Le critére négatif
3.6.4 Un mouvement A'?
3 6 5 L'absorption sémantique
3.7 La séquence [... de NP]
3.8 Conclusion
CHAPITRE 4
4.1 L'effet de concordance en FQ
4.2 Pas, ne et les mots-N en FQ
4.2.1 Ne
74
75
75
4.2.2 Par
76
30
31
31
32
32
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41
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51
51
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59
59
61
61
63
68
70
73
74
4.2.3 Les DP indéfinis
4.3 Le processus de formation de paires de q d f i e u r s
4.4 Les projections fonctionneUes
4.5 La momée du quantifieur
CONCLUSION
5.1 Conclusion
BIBLiOGRAPHIE
vii
CH
Créole haïtien
CN
Concordance négative
DN
Double négation
DP
Syntagme du déterminant
EC
Effet de concordance
EPN
Élément à polarité négative
FP
Forme phonologique
FpQ
Formation de paires de quantifieurs
FQ
Français québécois
FS
Français standard
GU
Grammaire universeIle
NegP
Noeud négatif
PCV
Principe des catégories vides
PLD
Les premières expériences linguistiques (Primary linguistic data)
PM
Programme minimaliste
PP
Principe de projection
SP
Structure profonde
ss
Structure de surface
LEXIQUE
Adéquation descriptive:. objectif qui vise à rendre compte de toutes les phrases bien
fomées de chaque langue et seulement celles-là.
Adéquation explicative: objectif qui vise a expliquer l'acquisition des connaissances
linguistiques.
Cas thématique: cas assigné a des N en position argumentale.
Concordance négative: phénomène par lequel la présence d'un élément négatif
manifeste requiert la présence d'autres éléments marqués négatifs dans la phrase.
Condition A: condition qui stipule que les anaphores doivent être liées dans un domaine
local.
Déplacer a:dans la théorie du gouvernement et du liage, opération qui consiste à
déplacer un item lexical vers un autre constituant.
Déplacer F: dans le Programme Minimaliste, déplacement des traits formels.
Double négation: structure dans laquelle un dément négatif manifeste apparaît dans la
portée d'un autre élément négatif manifeste sans fonction indépendante.
Effet de concordance: structure formée de deux négations et dont l'interprétation
sémantique demeure négative.
Faculté du langage: ensemble des structures innées propres à tout être humain qui
contient des ressources lui permettant d'utiliser et d'acquérir une langue.
Forme phonologique: composante phonologique (voir Chomsky 1994:229-230).
Forme logique: composante non manifeste (covert) (voir Chomsky 1994:229-230).
Grammaire universelle: propriétés grammaticales qui tiennent pour toutes les langues
naturelles existantes et possibles qui définissent la notion de grammaire possible.
h'FL(aussi 1, IP): dans la théorie du gouvemement et du liage, catégorie lexicale qui
chapeaute le temps et l'accord.
Mot-N: terme proposé par Laka ( 1991:105) qui regroupait à l'origine des mots de
l'espagnol comme: nadie (personne), ningùn (aucun), nunca (jamais), mda (rien)...
mots commençant généralement par n dont l'identité est toujours controversée dans
l'état actuel de la recherche.
Paramètre de tête: propriété générale reliée aux items lexicaux suivant laquelle une
grammaire particulière peut choisir de mettre toutes les têtes des projections a la droite
ou à la gauche des noeuds-soeurs
Principe d'économie: principe qui stipule que F ne déplace que ce qui est nécessaire
pour l'opération de convergence.
Principe de projection: principe, dans Ie modèle du Gouvernement et du Liage, qui
avance que tous les niveaux de représentation sont projetés à partir du lexique, en ce
sens que la sous-catégorisation et les propriétés du marquage thématique d'un item
lexical doivent être maintenues et satisfaites à tous les niveaux.
Principe des catégories vides: dans le modèle du Gouvernement et du Liage et plus
particulièrement dans la théorie du gouvernement, principe qui stipule qu'une trace doit
toujours être correctement gouvernée.
Principe du dernier recours: principe qui spécifie qu'une étape dans la dérivation est
légitimée seulement si celle-ci est nécessaire pour la convergence.
Structure-S: dans le modèle du Gouvernement et du Liage, un des trois niveaux de
représentation de la structure syntaxique d'une proposition.
Structure-D: dans le modèle du Gouvernement et du Liage, nom donné au niveau le
plus bas de la structure d'une phrase.
Tbéorie des cas: dans Ie modèle du Gouvernement et du Liage, module constitué de
conventions pour le marquage de cas et également du filtre des cas. 11 s'assure que tout
SN possède un cas tel que requis par le filtre des cas.
Théorie des Principes et Paramètres: approche de la catégorisation grammaticale
prônée dans le modèle du Gouvemement et du Liage, dans laquelle la grammaire d'une
langue particulière est perçue comme un ensemble de principes universaux avec des
ajustements spécifiques à la langue pour un certain nombre de paramètres.
Transformation généralisée: opération qui sert à construire la représentation
syntagmatique en combinant deux éléments lexicaux (merge) ou en remplaçant une
position vide par un constituant pour former un nouveau constituant qui doit satisfaire
les conditions du schéma X-barre.
Théorie du liage: dans le modèle du Gouvemement et du Liage, module qui gère la
coréference entre SN et les catégories vides.
Théorie X-barre: système qui formalise la notion de tête d'un constituant et qui
contraint le syntagme.
LEXIQUE ANGLAIS-FRANÇAIS
Affective operator
opérateur qui légitime les ÉPN
Bare Nps
SN bruts
Checking theory
théorie de la vérification
Definiteness effect
effet de définitude
Formai feature
trait formel
Head movement constraînt
contrainte sur les mouvements de tête
Head parameter
paramètre de tête
Last resort
condition du dernier recours
Mass nouns
noms de masse
Primary linguistic data
les premières expériences linguistiques
Mapping experience
expérience superposée
kgative fronting
négation en début de proposition
Quantifier raising (QR)
montée du quantifieur (MQ)
Spell-out
point de rupture
Tbeory of phrase structure
structure syntagmatique
0.1 Introduction
Le phénomène de la double négation qu'on observe dans différentes langues ou
grammaires' a fait l'objet de plusieurs études (voir entre autres Jespersen (19 17)' KIima
(1964), Labov (1972) et Ladusaw (1980) pour l'anglais et différentes grammaires
dérivées de l'anglais; Pollock (1989) et Moritz (1989) pour l'anglais et le fiançais;
Muller (1984, 1990 et 1993), Attal(1976), Gaatone (1992)' Hinchbühier & Labelle
( 1993) et Acquaviva (1 995) pour le français; Daoust-Blais (1 971),
Lemieux (1 982) et
Vinet ( 1982) pour le québécois; Deprez ( 1995,1996) pour le créole et le français;
Linebarger ( 1981), Laka (1990) et Zanuttini (199 1) pour les langues romanes;
Haegeman & Zanuttini (199 1) pour les langues germaniques). Le caractère antinomique
de la double négation (désormais DN)est probablement la source de cet engouement.
Depuis Aristote et plus particulièrement les Stoïciens, la Loi de la Double Négation est
considérée comme la pierre angulaire en ce qui a trait à la logique de la négation, cf.
Hom (1989). Cette loi stipule qu'une proposition constituée de deux négations résulte en
une proposition positive, cf. Jespersen (1 917). C'est donc dire que l'effet des deux
négations s'annule comme dans les exemples (1) et (2).
(1 ) a. Elle aime pas personne.
b. *elleaime tout le monde'
(2) a. Il a pas rien dit.
-
1
-
-
La notion de langue ou plus précisément de grammaire que nous utilisons f%t réfétence non pas a un objet
d'étude délimite par des 6ontieres géographiques ou socides, mais à un objet abstrait, une construction de
l'esprit qui ne « s'apprend » pas, mais bien qui se « développe » chez tout être humain normalement
constitué, (cf. Lightfoot 1982:18- 19 pour une discussion intéressante sur cette distinction).
b. 'il a dit quelque chose'
Cependant, il est fréquent de retrouver, dans différentes langues, des constructions, en
apparence à double négation, qui, contrairement aux attentes, conservent leur sens
négatif, cf. Jespersen (1917). Ces propositions devraient alors tout naturellement être
pergues comme des propositions illogiques. Par exemple, en français standard
(désormais FS) des propositions comportantpas et un mot-N sont considérées comme
illogiques ou encore ininterprétables alors que de telles constructions se retrouvent en
français québécois (dorénavant FQ) et signifient exactement le contraire de ce qui est
prédit, en (lb) et (2b), par la règle de logique. Le sens des exemples (la) et (2a) dans ce
dialecte est en fait le suivant:
( 1)
c. 'elle aime personne'
(2) c. 'il a rien dit'
On fait ici souvent référence au phénomène de la concordance négative (désormais
CN).Toutefois, la présence de la CN n'est pas une caractéristique unique au français
québécois, elle se trouve également dans toutes les langues créoles, cf. Bickerton ( 198 1),
ainsi que dans d'autres dialectes du français, de même que dans certains dialectes de
l'anglais et de l'allemand, entre autres. En somme, la CN ne peut pas être analysée
comme un simple accident de parcours ou le raisonnement logique est violé. Elle doit
faire partie, contrairement à ce que l'on peut croire, de nos habiletés linguistiques
puisqu'elle existe dans plusieurs grammaires, cf. Déprez (1995:2).
Or comment analyse-t-on de telles propositions? Ne sont-elles pas paradoxales? La tâche
qui nous incombe est donc de découvrir les règles et les mécanismes qui permettent et
régissent de telles constructions dans lesquelles on observe ce que nous appellerons
l'effet d e concordance ( dorénavant EC) suivant Déprez (1996)' c'est-à-dire une
structure formée apparemment de deux négations et dont l'interprétation sémantique
demeure négative. Nous verrons que I'expression CN est inexacte et, par conséquent,
elle sera rejetée, cf Déprez (1995, 1996).
0.2
Des études antérieures
L'étude de la négation d'un point de vue général a fait l'objet de plusieurs travaux. 11y
eut d'abord les philosophes dont j'ai discuté cidessus. Puis, plus près de nous, Jespersen
(1 9 17) relança la discussion en rédigeant un ouvrage très intéressant dans lequel un
chapitre entier porte sur la DN. Depuis, les recherches et les colloques se multiplient.
Un des ouvrages de référence essentiel à toute étude sur la négation est bien celui de
Hom (1989).Son livre s'intéresse exclusivement a la négation. Tous les aspects de la
négation y sont traités. II y décrit entre autres le cheminement des études portant sur la
négation depuis Aristote jusqu'à nos jours; c'est une sorte de « revue des questions
qu'on peut se poser ou qu'on s'est posées sur la négation » comme le dit Atîal(1993).
De plus, Hom réussit à intégrer habilement son propre modèle dans cet ouvrage. Attal
(1993) a par ailleun fait un résumé et une critique des plus complets du livre de Hom.
Aussi, des études comparatives fort intéressantes ont été produites. On peut citer plus
particulièrement Heageman (1995), Zanunini (199 1) et Laka (199 1) qui ont examiné le
comportement de la négation dans différentes langues romanes et germaniques. Leurs
hypothèses seront discutées dans les chapitres suivants. Dans le domaine de la négation
en fiançais, on découvre aussi plusieurs écrits substantiels dont ceux d7Attal(1976,
1984), Gaatone (1971)' Milner (19821, Moritz (1989), Muller (199 1) et Moritz & Valois
(1994). Le livre de Muller (199 1) La négation en français est vraiment une source
importante et passionnante d'attestations. Tout y est du français standard au québécois
en passant par différents dialectes. On trouve également une section entièrement
réservée à la négation dans Darnourette & Pichon (1927: tome 1). D'autres linguistes
n'ont travaillé que certains volets de la négation. C'est le cas de Linebarger ( 1981, 1987)
qui a écrit sa thèse sur la polarité négative et aussi Pollock (1989), qui a proposé un
syntagme négatif (NegP). Ce dernier a provoqué de grands remous dans l'étude du
processus de la négation et ce, à travers toute la communauté linguistique. Plusieurs
hypothèses, dont nous reparlerons plus loin, découlent de cette projection maximale de
la négation Mais auparavant, examinons les travaux qui ont été réalisés sur le FQ. Une
première étude a été entreprise dans le cadre générativiçte en 1975 par Daoust-Blais.
C'est un mémoire volumineux donnant une bonne vue d'ensemble des manifestations de
la négation en québécois. Il y eut aussi quelques articles dont ceux de Hirschbiihler et
Labelle ( 1993), Lemieux ( l982), Muller (1991), Vinet ( 1982), Morin & Valois ( 1994),
Léard ( 1995), Di Sciullo & Tremblay ( 1995).
C'est donc dire qu'un grand éventail de recherches portant sur la négation est a notre
disposition. Dans les travaux qui nous intéressent' donc ceux qui étudient la négation
dans le cadre chomskien et plus particulièrement l'effet de concordance ( aussi appelée
association négative, concordance négative, négation inverse etc.), on distingue deux
grands mouvements. D'une part, il y a les analyses smcturales et d'autre part il y a les
analyses de type modulaire qui ont recours aux modules syntaxique et sémantique de la
grammaire.
1) La première classe d'hypothèses perçoit la négation comme une relation locale
Spécifieur-Tête ( on fait ici référence au syntagme NegP proposé par Pollock (1989))
qui s'inscrit dans la Théorie X-barre de la grammaire générative, cf Pollock (1989),
Zanurtini ( 1991), Laka ( 1991 ), Moritz & Valois (1994) et Acquaviva (1995). Cette
classe se divise en d e w c o m t s ; celui qui privilégie l'hypothèse des quantifieurs
(Zanuttini 1991) et celui qui stipule que les mots comme personne et rien sont des
éiéments à polarité négative (dorénavant ÉPN),cf. Laka (1990). Laka (1990:105)
identifie ces mots aux mots-N.Le terme qu'elle a choisi fait référence aux mots
commençant généralement par n en espagnol2et dont l'identité semble équivoque.
2) Les modèles de type modulaire quant à eux tentent de rendre compte de l'effet de
concordance en suggérant d'intégrer les mots-N à la catégorie des indéfinis, Ladusaw
(1992) et Déprez (1995, 1996) (cf également Gaatone (1971), Labov ( 1972) et Gard
(1995) qui les identifient aux indéfinis, mais dans un cadre théorique différent). Par
conséquent, une étape dans la présente étude consistera en I'analyse et l'identification
des mots-N en FQ, de récents travaux, cf. Ladusaw (1992) et Déprez (1995,1996), ayant
démontré que l'analyse structurale soulevait des dificul tés. Nous nous proposons donc
de revoir et de discuter les hypothèses antérieures pour les données du FQ.
0.3 Le sujet de recherche
Nous nous intéressons au processus de négation et à la variation dialectale entre le FQ et
le FS. Nous étudions plus particulièrement les constructions contenant deux éléments
dits négatifs dans les deux grammaires. Puisque aucune étude exhaustive récente dans le
cadre minimaliste n'a été entreprise sur les données du québécois, ce sujet a soulevé
notre curiosité. Effectivement, qu'est-ce qui permet I'effet de concordance dans
certaines langues/dialectes, mais pas dans d'autres? Nous démontrons que I'EC ne peut
s'expliquer syntaxiquement et que nous devons plutôt recourir à l'interprétation
2
Les mots-N regroupent des mots de l'espagnol comme: r d i e (personne), rtxt~giir~
(aucun), rrzrtlcu
(jamais), rrada (rien)... Laka ( 199 1 :105)
sémantique des mots personne et rien pour expliquer le phénomène. Nous verrons à la
section 2.4 que l'identification de ces mots soulève la controverse. Quant à la stnicture
du syntagme dans lequel ils se trouvent, elle est aussi revue. Bref, le présent mémoire
vise à rendre compte des phrases contenant I'EC en FQ à l'aide d'une analyse de type
modulaire dans le cadre du modèle minimaliste de Chomsky.
0.4 Les sources
Nous nous appuyons plus particulièrement sur les travaux de Déprez (1995, 1996)et ce,
même s'ils n'ont pas encore été publiés. Nous nous permettons d'utiliser les résultats de
ces recherches puisque, en effet, la communauté internationale en linguistique leur
accorde une valeur scientifique établie, du fait qu'ils ont été présentés dans divers
colloques internationaux-
0.5 Plan
Le premier chapitre traite du cadre théorique que nous adoptons, i.e. le modèle
minimaliste (Chomsky 1995). Dans le second chapitre, nous analysons les mots-N. Dans
1e chapitre suivant, nous faisons une revue des hypothèses syntaxiques antérieures. Et
enfin, dans le chapitre 4, nous exposons l'hypothèse que nous privilégions.
CHAPITRE 1
1.1 Le cadre théorique
Nous avons choisi d'étudier le comportement de certains mots-N tels que personne en
fiançais québécois dans le modèle du Programme Minimaliste de Chomsky (1995).
Selon cette théorie grammaticale, le cerveau serait constitué d'une faculté du langage
et posséderait des structures innées propres à tout être humain. Ces structures permettent
entre autres aux enfants d'acquérir une langue dans un laps de temps
exceptionnellement court ( 8000 mots à l'âge de six ans, cf. Lighâoot (1982:121))de
même qu'elles expliquent les similitudes qui existent entre les langues. Ce modèle tente
ainsi de circonscrire le système biologique sous-jacent qui facilite cet apprentissage
extraordinaire.
1.1.1 La faculté du langage
Chomsky a développé une première version du modèle générativiste dans sa thèse de
doctorat qu'il a présentée à la fin des années 50. Dès lors, il suppose l'existence de la
faculté du langage, cf. Chomslq (19952).Il présume également que cette faculté est
constituée de deux composantes: le système cognitif qui est responsable du stockage de
l'information et le système de performance qui exploite ces renseignements. La
première composante est celle qui nous importe, cf Chomsky (1995:2).La faculté du
langage est donc constituée de ressources accessibles a tout être humain qui lui
permettent d'utiliser et d'acquérir une langue. Une structure inhérente à cette faculté
facilite l'apprentissage. Il s'agit d'un système paramétrique qui présente différentes
options pour lesquelles un choix doit être fait Ainsi, chez les bébés naissants, ces
paramètres ne sont pas fixés. C'est pour cette raison qu'un nouveau-né peut apprendre
n'importe quelle langue de la même façon, c'est-à-dire rapidement, aisément et sans
discrimination. Autrement dit, les nouveaux-nés ne sont pas programmés pour apprendre
une langue spécifique. Quant au processus de fuatioa des paramètres, il se déroule
pendant toute la phase linguistique. C'est la durée d'apprentissage couvrant grosso
modo la période d'un an a six ans, cf. Bergeron (1993). Les enfants commencent par
faire des généralisations et raffinent au fur et à mesure les connaissances qu'ils ont de la
langue. Avec le temps, ils possèdent toutes les informations paramétriques pour
maîtriser leur langue. C'est à ce moment qu'ils atteignent une certaine stabilité. Par
contre, si le besoin s'en fait sentir, il est toujours possible de faire des ajustements après
la phase linguistique. II s'agira, cependant, de modifications de type morphophonologique et non pas de rajustements paramétriques. Ainsi, le système
computationnel est le même pour tous. Qu'advient41 alors de la variation?
Dans le modèle des Principes & Paramètres (1 99 1), Chomsky suppose que la variation
se situe dans le choix des valeurs paramétriques. Dans son dernier ouvrage, cf Chomshy
( 1995:6), il précise sa position
en adoptant l'hypothèse de Borer (1984). Borer stipule
que les paramètres sont restreints aux traits formels des catégories fonctionnelles,
Chomsky (1995:6). Reste à savoir quels sont les mécanismes qui permettent à l'enfant
de reconnaître cette variation et de la saisir. À cet effet, Chomsky ( 1995:169- 170)
propose que les premières expériences linguistiques (Prima?yLinguisr ic Dntu (PLD))
soient superposées (rnappzng erperience) à M a t initial du langage. La variation doit
donc être visible pour qu'il y ait superposition. Les aspects visibles de la grammaire
étant le lexique et la phonologie, il n'est pas étonnant, comme le dit Chomsky
(1995169)- que la variation se retrouve dans ces deux composantes. Ainsi, la variation
peut apparaître sous différents aspects du modèle, notamment, dans l'arbitraire du signe
(voire la composante phonologique), dans certaines propriétés grammaticales (par
exemple, les flexions) ou encore dans les propriétés générales reliées aux items lexicaux
(comme le paramètre de tête (headporameter)3),cf. Chomsky ( 1995:169).
1.12 Les objectifs ghéraux du Programme Minimaliste
Chomsky vise essentiellement deux objectifs dans son modèle: rendre compte de
l'adéquation descriptive et de l'adéquation explicative. Le premier objectif est de
rendre compte de toutes les phrases biens formées de chaque langue et seulement celleslà alors que le second est d'expliquer l'acquisition de ces co~aissances.C'est donc dire
que pour atteindre l'adéquation explicative, la description de I'état initial est nécessaire
afin d'analyser les différences observées entre l'état initial et l'état atteint impliquées
dans les processus d'acquisition. Quant a l'adéquation descriptive, on doit pouvoir
définir I'état atteint de la grammaire pour parvenir à décrire les phrases grammaticales
qu'elle peut engendrer, cf. Chomsky (1995:3).Or, dans les premiers temps de la
grammaire générative, l'adéquation explicative a été délaissée au profit d'études
abondantes sur les différentes grammaires. Les recherches visaient a modeler les
théories pour qu'elles épousent la forme de la GU. Il faut ajouter, cependant, que cette
notion est demeurée passablement floue dans les modèles précédents. Dans le modèle
Ce paramètre oflie aux grammaires particulières le choix de mettre toutes les têtes des projections soit a
la droite soit a la gauche des noeuds-soeurs.
minimaliste, Chomsky croit d'abord que « la richesse et la diversité des phénomènes
linguistiques ne seraient qu'illusoires et épiphénoménales puisqu'elles émanent d'une
interaction entre des p ~ c i p e établis
s
et des conditions qui varient Iégèrement. » cf.
Chomsky (1995:8) (l'accentuation est de moi). Par conséquent, il n'y aurait pas autant
de différences qu'on pourrait le croire entre les grammaires. Il s'agirait d'écarts
minimes facilement accessibles. Rappelons-nous que toutes ces informations doivent
être intégrées par les enfants dans un laps de temps relativement court. Aussi, selon
Chomslq (1995:171), les principes doivent être assez restreint pour que les premières
expériences linguistiques (PLD) suffisent à fixer les valeun paramétriques d'une
grammaire. Deuxièmement, l'approche minimaliste est « une théorie du langage qui
considère les expressions linguistiques en tant qu'objets formels qui doivent satisfaire
les conditions aux interfaces de façon optimale. » cf Chomsky (1995: 171). Ceci sousentend que toutes les conditions s'appliquent exclusivement aux interfaces. Plus encore,
ce sont les propriétés des interfaces elles-mêmes qui motivent l'application des
conditions sur les représentations (par exemple: la théorie du liage, la théorie des cas,
la théone thématique etc.). De plus, les expressions linguistiques doivent répondre à la
condition d'économie de la GU qui prescrit la réalisation optimale des conditions
d'interfaces. Ces interfaces, c'est-àdire la forme phonologie (FP) et la forme logique
(FI,),visent respectivement a rendre compte de la dichotomie senskon du langage
introduite par Aristote. Par conséquent, Chomsky suppose l'existence d'un système
computationnel unique et la présence d'une variation lexicale limitée, de type morphophonologique, cf Chomsky ( 1995:7). La variation serait ainsi minimale.
Le passage de la Théorie du Gouvernement et Liage au Programme Minimaliste
Dans cette section, nous discuterons des modifications qui ont été apportées à la théorie
1.2
des Principes et Paramètres dans le but de nous ajuster a l'approche minimaliste. Voici
donc, tout d'abord, une représentation de l'ancien modèle:
SP
(structure profonde)
,S~jtructure
F'P
(forme phonologique)
de surface)
FL
(forme logique)
Quatre modifications importantes sont abordées. On voit d'abord que les motivations
qui appuient la présence des structures-D et -S de la théorie des Principes et Paramètres
ne sont plus valable dans le nouveau modèle. Celles-ci sont alors éliminées. Un seul
niveau, soit celui des interfaces FP et Il, est nécessaire dans I'approche minimaliste.
Par ailleun, la théorie X-barre est éliminée et remplacée par deux relations structurales
fondamentales: la relation Spécifieur-Tête et la relation sujet-prédicat. Le mouvement a
est substitué par déplacer F, ou F représente les traits.
1.2.1 La Structure-0
La structure-D était un niveau dont les fonctions principales étaient d'encoder les
propriétés lexicales des différents constituants de la phrase (Principe de projection,
abrégé en PP), et aussi de représenter les relations argumentales (Cas thématique), cf.
Heageman (1994:304). La pertinence de la structure-D est mise en doute du fait que les
cas thématiques de certaines expressions ne peuvent pas être interprétés à ce niveau
alors qu'ils le devraient. Pour contourner la difficulté, il a été suggéré de les traiter en
forme logique plutôt qu'en stnicnire-D, cf Chomsky (1995:188). Un exemple de ce
paradoxe se retrouve dans certains rypes de consmtcuons adjectivales. De fait, dans
i'exempie (3j (tiré de Chomsb 1995:188 e x 171, John se trouve dans une position non
thématique. La soiution à ce probième e s d'accepter malgré tout i'insenion du
consrituant John dans cette position et d'assigner ie rôle thématique seuiemenr en forme
iogique <aésormaisFij.
(3 j joiui is easy iCp
Gp iIP FR0 10piease t ]]
Gr, si ia structure-D doit faire appei à ia EL, comment justifier la présence abne teiie
mucwe? Et le principe de projection et l'assignation des critères thématiques? En
conclusion, les motifs qui légitiment ce niveau sont aléatoires. Par conséquent, ia
structure-D est éiirninée àans ie hogramme Minimaliste. Quant au PP, il est en partie
remplacé par ia théorie de la transformation généralisée ( n e o r y ofgeneraiized
rrunsjomations, cf Chomsb ( 1995:i 88j j de sorte que ie système computationnel
sélectionne de la même façon un item lexicai et ie projette dans une structure comme
dans le PP [pour la mcture X-barre, voir ia section 1.2.3 ci-dessousj. La
transformation généralisée est en fait une opération qui sen a construire ia
représentation syntagmatique en combinant cieux éiémenrs lexicaux (mergej ou en
remplaçant une position vide par un constiniant pour former un nouveau constituant qui
doit satisfaire les conditions du schéma X-barre. Examinons maintenant le StaM de la
structure-S.
1.2.2 La Structure-S
La structure-S a été proposée pour rendre compte de différentes structures qui exigent ou
n'exigent pas un mouvement iles mots qu- déplacés ou in situj. Par ailleurs, I'absence
de montée du verbe en syntaxe, en anglais, appuie la présence d'une structure-P aion
que la montée manifeste du verbe, en français, motive la structure-S, cf Choms*ky
( 1995:191). Un
deuxième argument en faveur de la SS, dans le modèle des Principes et
Paramètres, vient du fait que les conditions du üage, de t'assignation des cas et de
PRO-doivent être effectives avant la FL.Or, Chomsky (1995: 194) suppose dans le
cadre minimaliste que, quelle que soit la condition, eiie doit s'appliquer à Iùne ou
l'autre des interfaces donc à un seul niveau. De cette façon, le système computatiomel
est identique pour toutes les langues. Dans cette section, nous analyserons
l'argumentation du modèle précédent qui justifie la structure-S et nous verrons
l'argumentation qui justifie un seul niveau, c'est-à-dire celui des interfaces FP et LF,
dans le nouveau modèle. Nous discuterons d'abord du mouvement du verbe er ensuite
des condirions de liage.
Examinons premièrement les verbes. Dans le modèie antérieur, Emonds (1978j et
Pollock ( 1989j ont tenté de rendre compte des differents comportements verbaux en
anglais er en français de façon uniforme. Effectivement, leur hypothèse permettait
d'unir les faits français et anglais sous une même construction (4j où seul le verbe se
déplace alors que les autres constituants occupent la même position dans la structure.
Ainsi, pour i'anglais, les traits d'accord sous le noeud 1se déplaçaient jusqu'au verbe, en
revanche, dans la grammaire française, c'était le verbe qui devait se déplacer vers I pour
obtenir ses traits de temps et de personne.
(4) Sujet verbe (français) nég. verbe (anglais) complément
Le module des cas exigeait que Ies traits d'accord apparaissent en FP et soient visibles
en FL de sorte que les cas devaient se manifester avant ce niveau, à savoir en structure-
s.
Dans le Programme Minimaliste, on doit cependant pouvoir représenrer les différences
autrement- L a variation doit se situer en morphologie et elle se traduit par l'assignation
de traits pIus ou moins forts (Chomsky l9%:232j. Ainsi, les traits d'accord en fiançais
sont fons alors qu'ils sont faibies pour l'anglais. Suivant la théorie de la vérification
(Checkzng rheovj, le verbe extrait du lexique porte déjà tous ses traits morphologiques
et doit monter, en FL,au noeud Agr pour les vérifier. En adoptant cette théorie de la
vérification, la structure-S n'a plus aucune raison d'être. Plus aucun mouvement n'est
requis. Quant aux différences représentationnelles, on dira simplement qu'en français la
montée manifeste du verbe est requise pour la convergence aiors qu'en anglais elle ne
l'est pas et même qu'elle est bannie par les principes d'économie. Mais, ce qu'il faut
retenir, que ce soit en fiançais ou en angIais ou même dans une autre langue, c'est que le
tout se produit aux interfaces ou dans le système computationnel.
Qu'advient-il maintenant du second argument qui justifiait la structure-S, soit les
conditions de liage? Ces conditions devaient également, d'après le modèle antérieur,
s'appliquer en structure-S. Regardons de plus près le cas d'une de ces trois conditions. II
s'agit de la condition qui porte sur les anaphores: la condition A. Cette condition stipule
que les anaphores doivent être liées dans un domaine local. En anglais, par exemple,
certaines anaphores peuvent avoir plusieurs interprétations. C'est le cas pour l'exemple
ci-dessous en (9,cf Chomsky (1995:206-207).
(5) John wondered [which picture of himselfl PiIl took t ]
On remarque d'abord que iiimelfpeut être lié soit a John soit à Bill. On constate ensuire
que I'expression ro take apicture est aussi ambiguë sémantiquement. De fait, elle peut
être interprétée dans son sens propre (prendre une photo dans ses mains, 1'apporter.. .) ou
en tant qu'expression idiomatique ayant le sens de photographier. Mais, on observe des
contraintes qui régissent le liage. L'interprétation du verbe dépend du choix de
l'antécédent par le locuteur par conséquent toutes les associations ne sont pas possibles.
Aussi, la condition A doit s'appliquer en FL après l'interprétation sémantique de
l'anaphore puisque le choix de l'antécédent intervient dans la désignation du sens du
verbe qui se fait en FL. Dès lors, l'interprétation doit être déterminée avant l'application
de la condition A. Et par le fait même, la condition A ne peut pas s'appliquer en
structure-S. Sinon comment expliquer l'agrammaticalité de la phrase (5) où le verbe
signifie photographier et l'antécédent de hzmelfest John. La condition A ne s'applique
pas en structure-S, par conséquent elle ne motive pas la présence de ce niveau.
Bref, les arguments du modèle des Principes et Paramètres qui appuyaient ces différents
niveaux, c'est-à-dire la structure profonde et la structure de surface, sont maintenant
injustifiés. Conséquemment, ils n'ont plus de raison d'être dans le Programme
Minimaliste.
1.2.3 La théorie X-barre
Le Programme Minimaliste, contrairement à la théorie des Principes et Paramètres,
délaisse totalement la notion de structure syntagmatique (Theory ofphrase structure)
dans laquelle une règle associe un niveau de la théorie X-barre a un élément lexical. Les
projections d'items lexicaux ne sont pas en soi identifiés à un niveau barre, c'est-à-dire
X, X' ou p.Il s'agit strictement de propriétés relationnelles et non pas de propriétés
inhérentes aux items lexicaux qui sont déterminées par la constmction. Les notions de
projection maximaie et minimale, par contre, seront conservées puisqu'en FI.
seulement les projections maximales sont interprétables. Cette distinction est donc
maintenue. Enfin,la structure est composée seulement de traits lexicaux et d'objets
lexicaux établis à partir des traits, cf Chomsky (1995:245). Ainsi, la structure en (6b)
remplace celle en (6a).
A
b.
la
fleur
N+
I
fleur
Les catégories découlent des propriétés des items lexicaux et aucun niveau barre
n'intervient entre les items lexicaux et leur tête, cf Chomsky ( I995:249). Dans le cadre
minimaliste, il est donc possible de se départir complètement de la théorie de la
structure des syntagmes (Phrase structure rheory) tel que présentée dans le modèle des
Principes & Paramètres.
1.2.4 Déplacer a
Dans le Programme Minimaliste, déplacer a est remplacé par déplacer F (Move F, ou
F signifiefeafure, c'est-à-dire trait). Déplacer a était une opération qui consistait à
déplacer un item lexical vers un autre constituant. Mais, dans une perspective
minimaliste, les mouvements résultent plutôt de l'obligation de vérifier les traits
morphologiques. Or, dans cette optique minhaliste, seul le déplacement des traits
formels devient pertinent, cf. Chomsky (1995:262,265). De plus, le mouvement peut
également enaaîner ce qui est indispensable a la convergence, soit le mot en tant que tel,
cf. Chomsky (1 995:265). Le principe d'économie (Economyprincpies) stipule à cet
effet que F ne déplace que ce qui est nécessaire pour t'opération de convergence. Le
principe du dernier recours (Lasr resort) spécifie qu'une étape dans la dérivation est
légitimée seulement si celle-ci est nécessaire pour la convergence. En d'autres termes, si
cette étape n'avait pas été franchie, la dérivation n'aurait pas convergée. (cf. Chomsky
1993:32). Ces conditions impliquent que tout F non vérifié doit l'être et que seulement
les constituants dont les traits n'ont pas été véritiés sont susceptibles de se déplacer.
Cette opération permet entre autres d'expliquer les différences qu'on observe entre le
mouvement du verbe en français et en anglais. Ainsi, en anglais, uniquement les traits
du verbe se déplacent et sont vérifiés en FL.Par conséquent, le mouvement est non
manifeste. Par contre, en français, le verbe est déplacé pour qu'il y ait convergence en
FP. Le déplacement est alors manifeste, cf. Chornsiy (19951269).
1.3 Les présupposés théoriques
Nous incorporons trois présupposés théoriques à notre analyse de la négation. D'abord,
la variation observée dans les différentes grammaires se situe dans les mits formels des
catégories fonctionnelles, une hypothèse d'abord suggérée par Borer ( 1984) et adoptée
par la suite par Chomsky (1995: 169-170). Elle se définit par des traits plus ou moins
forts sur les catégories non-substantives de la grammaire, c'est-à-dire les catégories
fonctionnelles. Deuxièmement, on identifie les mots-N à des DP indéfinis, cf. Ladusaw
(199 1) et Déprez ( 1995, 1996), caractérisés par le trait [-nég]. Ces indéfinis
s'apparentent à l'interprétation des numéraux. Finalement, nous supposons que les motsN ne sont pas soumis au critère de négation. Haegeman & Zanuttini (199l), cf Zanuttini
( 1991 ), ont adopté le critère négatif, sur le modèle du critère qu-, pour rendre compte
des diverses manifestations de la négation dans les langues germaniques et romanes
qu'elles ont étudiées. Sous cet angle, la variation est de type structural. L'analyse
syntaxique qu'elles soutiennent s'appuie également sur l'existence du syntagme négatif
Ne@, proposé d'abord par Pollock (1989) et ensuite remanié et adopté par Chomsky
(1989) et Belletti (1990). Nous verrons dans le chapitre 3 qu'une analyse de type
syntaxique ne réussit pas à rendre compte adéquatement de la variation observée en FQ
et en FS. Le modèle minimaliste pose plutôt que la variation se situe dans la composante
morpho-phonologique de la grammaire. Par conséquent, nous ne retiendrons pas
l'hypothèse du critère négatif, cf Haegeman et Zanuttini (199 1). Ce dernier sera
présenté et discuté dans le deuxième chapitre.
1.4 La Grammaire tTniversellc
Revenons brièvement sur I'état initial de la faculté du langage qu'on appelle
Grammaire Universelle (GU),cf Chomsky (1 99S:6, 167, 169). C'est l'état qui précède
les différentes phases d'apprentissage ( la période pré-linguistique et la période
linguistique, cf. Bergeron ( 1992) et Chomsky (1 995: 14), et dans lequel aucun paramètre
n'est encore fixé. La GU correspond aux propriétés grammaticales communes aux
gammaires de toutes les langues possibles parmi les langues naturelles. Par conséquent,
la GU est le point de départ de toutes les grammaires et elle est donc la même pour tous.
On entend par grammaire, la théorie d'une langue particulière, cf. Chomsky ( 1995:167);
comme le français, l'anglais, l'allemand ... Bref, ChomsLq suppose que la détermination
des valeurs parametriquesde la GU constitue le processus d'acquisition d'une langue,
cf Chomsky (1995;14). Puisque le seul moyen mis à la disposition de l'enfant pour
établir les paramètres et acquérir le lexique est d'être exposé au langage, les options
permises par la GU doivent être excessivement restreintes. Aussi, Chomsky (1 9956)
adopte l'hypothèse de Borer (1984) qui stipule que la variation est spécifique aux traits
formels des catégories fonctionnelles (c'est-à-dire non substantives).
En conclusion, étant donné que tous les principes généraux des grammaires se
retrouvent dans la GU, les informations idiosyncratiques, celles qui varient, seront
inscrites dans le lexique et en forme phonologique (dorénavant FP). Ceci est d'autant
plus probable, que le lexique et la FP permettent la visibilité nécessaire à I'accessïbilité
de l'information essentielle à l'apprentissage chez l'enfant (Chomsky95: 169).
1.5 En perspective...
Dans le chapitre suivant, nous analyserons le statut des différents constituants impliqués
dans I'EC? c'est-à-dire les mots comme personne et rien qui appartiennent à un
ensemble dont les propriétés ne sont pas toujours faciles à identifier et aussi les
constituants de la négation: ne et pas. Leur comportement est un indice qui nous
permettra de les classer cians une catégorie, mais aussi nous les comparerons avec
d'autres éléments. Différents tests nous révéleront leur véritable identité. Ainsi, dans la
section 2.2 nous traiterons dupas, puis en 2.3, il s'agira du ne et enfin nous étudierons
les mots-N dans la section 2.4. Dans cette dernière section, nous examinerons également
le trait [[I nég] qui provoque continuellement la controverse avec ces types de mots.
Ce n'est qu'au chapitre 3 que nous ferons une revue des hypothèses antérieures.
2.1 Introduction
Nous avons déjà mentionné le fait qu'en FS les propositions contenantpas en
cooccurrence avec un mot-N sont soit considérées comme ininterprétables, soit
interprétées avec un effet de double négation, cf. Gaatone (1971:167-168).
(7) ?? Je n'ai pas vu personne (FS) (Muller 199 1: X 9ex. 2)
L'exemple en (7) est au contraire interprété avec wi effet de concordance en FQ.
L'hypothèse de Moritz et Valois (1994) traduit cette variation dans l'interprétation en
termes structuraux. Ils obsement non seulement que le ne en FQ est absent des
constructions, mais ils supposent également que le pas joue en fait le même d e que
celui du ne du FS, en l'occurrence celui de tête du syntagme NegP (voir Pollock (1989)
pour de plus amples détails sur le syntagme négatif). Le mot-N quant a lui est analysé
comme spécifieur de la tête pas.
Cependant, de récents travaux, cf. Ladusaw (1992), Acquaviva (1995) et Déprez (1996)'
ont démontré que l'analyse de Moritz & Valois soulevait des difficultés. Par conséquent,
nous nous devons de réanalyser les données pour le FQ. Nous démontrons,
contrairement a Moritz & Valois, que le statut de pas, c'est-à-dire celui de spécifieur,
est le même pour le FS et pour le FQ. De plus, nous observerons le comportement des
mots-N, afin de vérifier s'il s'agit, dans un premier temps, de quantifieurs existentiels
(ÉPN),cf Laka (1990),ou de quantifieun universels, cf. Ladusaw (1992) et Déprez
(1995, 1996), et, dans un deuxième temps, s'ils portent des traits négatifs inhérents. Ce
chapitre traite donc du statut de pas, de ne et des mots-N en FQ dans une perspective
minimaliste dans le but d'expliquer la variation observée entre le FQ et le FS.
2.2 Pas, une tête en fraawis québécois?
Dans un article publié en 1994, Moritz & Valois supposent, étant domé l'absen
en langue parlée, l'absence totale de cette particule dans la grammaire du FQ. Dans cette
grammaire, la tête de la négation serait par conséquent la particule pas. Cependant, cette
hypothèse est mise en doute par Déprez (1995,1996). Nous observerons donc le
comportement de pas pour faire la lumière sur son statut syntaxique, a savoir si c'est
véritablement une tête. Mais, dans un premier temps, nous discuterons des corrélations
entre pus. plus et jamais tous trois adverbes de négation, cf Pollock l989:38 1 et Di
Sciullo & Trernblay (1 996: 1 1 note 7, 16).Puis, nous observerons le comportement de
pas pour établir son statut syntaxique.
2-2.1 Pus, plus etjamais.
Tout d'abord, on observe que personne et rien peuvent être accompagnés de différents
adverbes de négation tel quejamais, plus et pas, cf Pollock op. cit,comme en (8).
(8)
a. Jamais personne ne m'a regardé comme ça avant. (FS/FQ)
b. Plus rien ne me plaît. (FSEQ) (Muller 19911270.ex. 1 )
c. Pas personne m'aime. (FQ)
(Vinet 1982:174, ex. 22a)
On pourrait croire, en raison de leur distribution, qu'ils sont identiques. D'autant plus
qu'ils se comportent de façon similaire dans au moins un autre contexte. En effet, ni
l'un, ni l'autre ne peut apparaître après le participe passé, cf Muller (1 99 1 :291 ), Guy &
Vinet (1996) et Di Sciullo & Tremblay (1996). En tant qu'adverbe de négation de
phrase, ils sont tous exclus en position postverbale ou à l'intérieur d'un syntagme
prépositionnel.
(9)
a. *J'ai écouté jarnais/plus/pas leur conseil.
b. *Elle écoute avec jarnais/plus/pas ses amies de la musique.
Néanmoins, pas, adverbe de négation absolq n'agit pas tout à fait de la même façon que
jamais adverbe négatif à valeur temporelle et plus, à valeur aspectuelle. De fait, pas ne
peut pas apparaître aussi facilement quejamais, lorçqu'il est suivi d'un DP défini en
début de proposition, cf Guy & Vinet (1996). Ces agrammaticalités s'observent en FQ
de même qu'en FS.
(1 0) a. *Pas mes parents accepteront.
b. Jamais mes parents n'accepteront.
c. +Pas Éric serait parti à l'âge de 16 ans pour un échange éti
un an.
d. Jamais Énc serait parti à l'âge de 16 ans pour un échange étudiant d'un
an.
J ~ m a i squant
,
a lui, peut se trouver dans cette position, à condition qu'il apparaissent
dans un contexte qui marque l'éventualité, tel qu'en (1Ob) et ( 1Od). 11 se comporte donc
différemment du pas.
Qui plus est, pas possède des propriétés lexicales qui lui sont propres. Celles-ci lui
permettent d'être interprétées en tant que négation de constituant, de telle sone qu'il lui
est possible de se manifester dans d'autres positions comme en position sujet (1 la) et
(1 1b) ou en position prédicat dans une construction existentielle du type (( il y a N en
(ilc) et (lld).
(1 1) a. Pas un chat est venu. (Guy & Vinet 1996)
b. Pas personne est venu. (Guy & Vinet 1996)
c. Y a pas (pas) un chai qui est venu (Guy& Vinet 1996)
d. *Y a pas pas personne qui est venu. (Guy & Vinet 1996)
Cependant,pas, négation de constituant, est exclu en position objet, c t Di Sciullo &
Tremblay (1996:XZ).
(1 2) a. *Personne aime pas Mario. (Di Sciullo & Tremblay l996:XZ)
b. Marie est sortie pas de bottes.
Dans ce cas, il s'agit peut-être du fait que le DP est défini, comme semble l'indiquer
l'exemple ( lzb).''
Par contre, plus, contrairement apas5, peut s'insérer devant un DP définis.
(13) Plus le moindre bruit n'était audible. (FS) (Muller 199 1:29 1)
En résumé, J u m i s , plus et pus sont adverbes de phrase. Les différences d'acceptabilité,
qu'on observe dans les exemples ci-dessus, proviennent des contraintes syntaxiques de
l'adverbe pas inscrite dans ses propriétés lexicales. Ainsi, pas, en tant qu'adverbe de
négation de phrase, peut apparaître seulement a l'intérieur d'un certain domaine
notamment entre V et le participe passé ou en début de proposition (negutivefronting).
Nous discuterons plus précisément des positions accessibles àpas dans la section 4.4.
Par contre, contrairement àjamais, plus peut former un constituant avec un mot-N, (cf.
Muller ( 1991270-72) et l'exemple (12) plus haut) de la même façon que pus. Nous
Ce phénomène a eté porté ê notre attention à la toute fm de notre recherche, par conséquent il n'a pas été
observé à fond et devra f'aire l'objet d'une étude détaillée dans un avenir rapproché.
= Cependant, G. Dostie nous a informé que t'exemple suivant aurait une acceptabilité relative:
I
?Pas te moindre bmit n'était audible.
supposons donc quejamais est uniquement adverbe de
Quant àplus, il peut se
comporter comme un adverbe de phrase ou une négation de constituant. Et pas, pour sa
part, peut être négation de constituant et négation de phrase, mais dans ce cas sa position
est restreinte, voir également Muller (199 1:257 et suivantes). Nous concluons, après
l'observation de la distribution dans la phrase dejamais, plus et pas, que ces adverbes
de négation possèdent des propriétés lexicales distinctes. Et enfiin,jamais et plus
associés a un mot-N sont tout à fait acceptables en FS de même qu'en FQ contrairement
àpas en FS. Bref, la variation syntaxique provient des propriétés lexicales propres à
chacun de ces adverbes de négation.
2.2.2
Par
Plusieurs chercheurs, dont Moritz et Valois ( 1994:679), Muller (1 99 1:322), Lemieux
(1983), Vinet ( 1982) et Déprez ( 1995), ont noté le fait qu'en FQ la cooccurrence de la
particule négative pus et d'un mot-N est permise (voir les exemples (1 ) et (2) repris cidessous en (14)). Pas peut, en effet, apparaître en présence d'un mot-N sans pour autant
entrainer I'agrammaticalité de la proposition, mais seulement en FQ. Ainsi, les
exemples (14) a et b sont tout à fait acceptables dans cette grammaire.
(14) a. Elle aime pas personne.
b. Elle a pas rien dit.
Dans une hypothèse structurale de la négation à la Pollock (1989), pas est le spécifieur
de la tête ne de NegP. Selon Moritz & Valois (1994), les mots-N se comporteraient
comme lepas en FS. En effet, ils peuvent légitimer la catégorie vide d'un constituant
' G.Dostie, nous a également fait observer quejam4i.s peut apparaitre en isolation contrairement à plus et
pas qui sont agrammaticaux dans un te1 contexte.
Est-ce que tu viens? Jamais/*Plus/*Pas
I
[[Qp
el de ...] de la même façon que pas; à condition cependant qu'ils c-commandent la
catégorie vide du syntagme nominal quantifie pour qu'il y ait un accord Spécifiew-Tête
de façon à ce que la phrase soit grammaticale. Voici les exemples de Moritz et Valois
(1994:678, repris ici en (15) et (16))
(15) a Jean ne mange pas [ade pain].
b. * Jean ne mange [a de pain].
( 16) a. P e r s o ~ ne
e mange [a de pain].
Mais en (1 7a) (exemple (3 1a) tiré de Moritz & Valois (1994:678)), personne ne ccommande pas la catégorie vide, comment est-il alors possible d'expliquer la
grammaticalité de cette phrase?
(17) a. Lucie n'a donné [M> 0 de liwe] [rr a personne].
Moritz et Valois (1994) supposent qu'il y a un mouvement du mot-N en FL dans la
position spécifieur de NegP tel que représenté en (1 7b).
(1 7) b. Lucie [Ne personiîei [Ne' n'a domé [NP 0 de livre] kpti II].
L'impossibilité d'obtenir une proposition où il y a cooccurrence de pas et d'un mot-N
s'explique alors aisément. La position spécifieur de NegP ne peut accueillir qu'un seul
constituant; c'est-àdire l'w ou l'autre, mais jamais les deux.
Tout va bien jusqu'à maintenant. Néanmoins, il faut expliquer pourquoi personne et pas
peuvent se retrouver dans la même phrase en FQ. Ainsi, une simple note de bas de page
a été accordée pour rendre compte des faits en québécois, cf. Mo&
& Valois
(1 994:679, note 12). On suppose qu'étant donné l'absence de ne dans cette grammaire,
lepas serait la tête et qu'ainsi le mouvement des mots-N ne serait pas bloqué. Moritz &
Valois peuvent ainsi représenter l'accord Spec-Tête entre un mot-N et le marqueur de
négation. Mais attention, si on postule que la particule négative pos est tête, cela
implique qu'elle bloque tout mouvement de tête (Head bfovemenfConstrainf, Travis
(1984))et par conséquent celui du verbe puisque Emonds (1978) et Pollock (1 989) ont
démontré que les verbes tensés en français se déplacent à 1. Si pas était véritablement
une tête, le mouvement du verbe serait bloqué a cause de la négation qui se situe entre I
et le verbe. Mais, ce n'est pas ce qu'on observe en FQ (cf Déprez (1995)). En fait il n'y
a aucune différence entre l e p du FQ et celui du FS.
Tous deux permettent le mouvement de tête puisque le verbe tensé les précède toujours.
( 18) a.
b.
* Tu pas parles à personne aujourd'hui. (FSEQ)
* Tu pas as parlé
à personne aujourd'hui. (FSEQ)
De plus, si pas est une tête, il devrait, tout comme la tête ne, être sensible aux
contraintes d'îlots, voir Rizzi ( 1990:19) concernant les contraintes d'îlots et la négation.
En bref, la négation agirait en tant qu'opérateur (affective o p e r m , Le. les opérateun
qui légitiment les ÉPN),suivant l'hypothèse de Klirna (1964), provoquant ainsi la
contrainte d'îlots. L'élément déplacé ne peut pas être relié à une trace de la proposition
enchiissée puisque la négation bloque le liage entre la trace d'un constituant sans cas
thématique, déplacé à l'extérieur du domaine de la négation, et son antécédent. La
négation crée un effet d'opacité, cf Rini (1990: 17). Cependant, on ne trouve pas ceci
en FQ, cf Guy &Vinet (1 996). Effectivement, si on regarde les exemples (19) et (20),
on remarque que pour des constructions similaires, en FS et en FQ, oùpos ne ccommande pas le mot-N, les phrases sont grammaticales en FQ.
Condition sur le sujet:
( 19)
a *[Inviter personnel a été facile. (Moritz & Valois 1994)
b. unviter personnel serait le meilleur coup que tu pourrais
(Guy & Vinet 1996)
faire. (FQ)
c. *bviter grand-mondel serait le meilleur coup que tu pourrais
(FQ)(Guy & Vinet 1996)
Condition sur l'adionction:
(20) a *Pierre souhaite que Marc
Valois 1994)
-
faire.
parte [avant d'engager personnel (Moritz&
b. Pierre souhaite que Marc parte e(u [avant d'engager personnel (FQ) (Guy
& Vinet 1996)
c. *Pierre souhaite que Marc parte p- [avant d'engager grand-rnondeI(FQ)
(Guy & Vinet 1996)
Ces faits compliquent passablement ~'argrrmentationdt5veiopptis dans Ir rnodde de
Moritz & Valois (1 994). Comment est-il alon possible de rendre compte des
constnictions en (19b) et (20b) du FQ qui violent les contraintes d'îlots auxquelles elles
devraient être soumises?
Par ailleurs, on remarque des similitudes entre le cornportrmanL dupus qdbeçois ei
criui
du FS. Dans les deux grammaires, il peut être spécifieur de différentes projections
tel que démontré en (21).
(21 ) a. Veux-tu du foie? Pas beaucoup, s'il-vous-plaît.
b. Qui veut de la crème glacée? Pas moi.
c. II est sorti pas de bottes en plein hiver.
d. J'ai eu pas une soirée de libre de la semaine.
PUSpeut aussi être modifié en FQ de même qu'en FS, voir aussi Déprez (1 995: 10).
(22) a Elle est même pas venue pour ma fëte
b. T'as presque pas malade, tu peux quand même aller à l'école.
c. Y'a quasiment pas parlé de la soirée.
En conclusion, le marqueur de négation ne du français standard et le pus du FQ ne
peuvent pas avoir le mSme satut étant donné qu'ils réagissent différemment aux
contraintes d'îlots (voir les exemples (19) a et b et (20)a et b). Par ailleun, le même
comportement de pas en présence d'un verbe tensé et aussi la possibilité d'être
spécifieur et celle d'être modifiée, sont trois tests qui nous permettent de dire que pus
possi.de uui coinportment identique dans la grammaire du FS et dans celle du
qu6bécois. Par consdquent, nous adoptons I'hypothtisc qui identifie le pus au s@cfieur
en FQ, cf. Hirschbiihler & Labelle ( 1993) et Déprez (1995,lW6), et en FS. cf Pollock
(1989), R i À (1990), Acquaviva (1995) et Déprez (1995, 1996).
2.3 Le statut de ne en français
Nous avons déjà mentionné le fait que le ne en FQ parlé est généralement omis, cf.
Daoust-Blais ( l970:7-9), Lemieux ( 1982) citant l'étude de S a n k ~ ~ V i n c e(nl977),
t
Milner (1 979:8O note 1), Vinet (1 982:172) et Di Sciullo et Tremblay (1996). Daoust-
Blais affirme cependant que « le ne ne semble pas faire partie du système du parler de
Montréal )) parce que, entre autres, son absence affecte les pronoms dans les
constructions impératives. En effet, dans les exemples (23) pour le FS et (24) pour le
FQ, on remarque que les pronoms n'occupent pas la même position. (Les exemples sont
tirés du mémoire de Daoust-Blais (1975:8-10):
(23)a. N'en mange pas.
(24) a. Mange-zen pas.
b. N'y vas pas.
b. Va-z-y pas.
c. Ne le lui donne pas.
c. D o ~ e - l upas.
i
d. Ne lui en parle pas.
d. Parle-z-y en pas.
Moritz et Valois (1994: 679 note 12) vont dans le même sens et excluent complètement
le ne de la grammaire du FQ. Pourtant ce phénomène d'effacement a aussi été observé
en français standard parlé, par Gaatone (1971:67),Morilz (1989:24), Horn (1989:455),
Muller (1 99 1:142-143) et Di Sciullo & Tremblay (1996: 17). Malgré une absence
étendue du ne à l'oral, Vinet (1982: 172-173) suivant Milner (1979) soutient que « les
deux usages [i-e. les constructions avec et sans ne] ne manifestent aucune propriété
différentielle quant au système de la négation ». C'est l'hypothèse que nous retiendrons,
voir aussi Lemieux (1982), d'autant plus que les locuteurs du FQ considèrent les
constructions avec le marqueur de négation ne grammaticales, cf Di Sciullo &
Tremblay (1996: 29). Ce qui nous porte à croire que l'hypothèse de Moritz & Valois
(1 994: 679) pour le français québécois ne tient pas.
Aussi, le marqueur de champ ne est généralement absent phonologiquement en langue
parlée et présent a l'écrit en FS et en FQ. Bref le statut catégoriel de ne est le même dans
les deux grammaires.
2.4 Les mots-N
L'appellation mot-N a été introduite par Laka (1990) pour identifier l'ensemble des
mots, comme personne et rien,commençant généralement par n en espagnol (voir la
note 1 p. 12) et qui se comportent à la fois comme des éléments à polarité négative
(quantifieurs existentiels) (cf. Carlson 1980:8007Ripi 1982:122, Laka 1990:$2.6 et
Vallduvi 1994) et des quantifieurs universels (CE Zanuttini 1991:116 et aussi Carlson
1980:800', Hoeksema 1983). Dans ce chapitre, la première étape Wait d'abord à
identifierle statut de ne (section 2.2) et pm (section 2.3) en FQ pour mieux comprendre
leur relation avec les mots-N par la suite. Nous avons ainsi conclu que ne était une tête
et pas spécifieur en FS et en FQ. convient donc maintenant d'analyser le
comportement des mots-N personne et rien en québécois afin de déterminer la catégorie
a laquelle ils appartiennent Certains ont postulé qu'il s'agissait CÉPN dont Lemieux
(1982) pour le FQ (et, pour d'autres grammaires, Jackendoff (1969), Baker (1WO),
Lasnik (1975), Linebarger (1981). Rizzi (1982), Longobardi (1987) (en position objet),
Laka (1WO), Ladusaw (1992),Di Sciullo & Tremblay (1996:32-33) (en position objet)).
D'autres supposent que ce sont des quantifieurs universels, cf Longobardi (1987) (en
position sujet), Ladusaw (1992:240,243), ZanuRini (199 1), Acquaviva (1 995), Déprez
(1995, 1996) et Di Sciullo & Tremblay (1996:32-33) (en position sujet). Enfin, la
pertinence du syntagme négatif sera étudiée dans une approche minimaliste de l'analyse
des mots-N.
2.4.1 Les mots-N et les éiéments P polarité négative
Les éléments à polarité négative (désormais ÉPN)sont reconnus du fait qu'ils
nécessitent un contexte négatif pour être légitimés, cf Carlson 1980:800, R i p i
l982:122, Laka 1990:$2.6 et Vallduvi 1994. Par conséquent, plusieurs linguistes ont
postulé que les mots-N étaient des ÉPN puisqu'on les rencontre dans les mêmes
C'est, entre autres, Carlson (1 980) qui souleva I'arnbiguté du mot any de l'anglais. En e&i, il observe
que ce dernier est analysé en tant que quantifieur universel par Quine (1960) et en tant que quantifieur
existentiel par Küma (1964). Plusieurs tests utiiisés par Carlson pour distinguer les quantifieurs universels
et existentiels sont maintenant reconnus par la communauté Linguistique. Par conséquent, nous les utilisons
pour analyser les mots-N du fiançais (FQou FS) chez lesquels on observe une ambivalence comparable à
celie du mot any de l'anglais, mais différente égaiement.
contextes, cf Lemieux (1 982) pour le FQ et Jackendoff (1969), Baker (1970), Lamik
( 1975), Linebarger (1 98 1), Rizzi (1%2), Longobardi (1987Xen position objet), Laka
(1WO), Ladusaw (198O), (1992) Di Sciullo et Tremblay (1 996:32-33) (en position objet).
Effectivement, il a été observe que les m o t s 4 possèdent certaines caractéristiques
communes avec les ÉPN,cf. Ladusaw (1980), Laka (1990), Valldùvi (1994) et Déprez
(1995). La première étape consiste donc a comparer le comportement des mots-N
personne et rien en québécois avec de véritables ÉPN pour lesquels un contexte négatif
ou encore la présence d'un marqueur de négation e a toujours obligatoire.
Un des contextes communs aux ÉPN et aux mots-N implique la présence d'un marqueur
de négation. Voici quelques exemples avec des mots-N en (25) et avec des expressions a
polarité négative en (26):
(25) a. Personne ne vint de la ville. (Nina Berberova, La résurrection de Mozart,
traduit par Luba Jwgenson, coll. Actes Sud, 1989)
b. J'ai un mari,je g a i besoin de personne.(N-Berberova, lm. cit.)
c. Jamais je n'ai entendu rien de plus parlant que les mailles du tricot de ma
mère. (Jovetîe Marchessault, Tryptique lesbien, Les éditions de la pleine
lune, 1980, p. 102)
(26) a. Je n'ai
vu un chat.
b. *J'ai vu un chat.
c. Elle (n')a même
levé le mtit doigt pour nous aider.
d *Elle a même levé le wtit doigt p u r nous aider.
Notons que le marqueur de champ ne seul ne peut pas légitimer un ÉPN. On stipule
donc qu'il ne porte pas de trait négatif inhérent, cf. Di Sciullo & Trernblay (1996).
(27)
a. *Je n'ai vu un chat.
De plus, il existe trois contextes négatifk spécifiques qui peuvent légitimer les ÉPN, cf
Linebarger (198 1) et (1 987)' Zanuttini (199 1) et Déprez (1995, t 996). D'abord, la
préposition sans (28) de même qu'un autre mot-N (29) peuvent Iégitimer les mots-N et
les EPN. Et enfui, il y a les questions de type ouihon (30), mais dont l'acceptabilité
reste marginale8.
(28) a. Elle a écouté sans rien dire.
b. Elle a écoute sans dire quoi que ce soit.
c. Il est parti sans voir personne.
d. II est parti sans voir qui que ce soit.
(29) a. Elle a jamais rien volé à personne.
b. Elle a jamais volé quoi que ce soit à qui que ce soit.
(30) a. ?As-hi vu personne d'intéressant ici?
b. As-tu vu qui que ce soit ici?
Cependant, malgré les similitudes entre Les ÉPN et les mots-N, on remarque également
des différences importantes qui nous laissent croire qu'il s'agit peut-être de deux
catégories distinctes. Il est possible entre autres de rencontrer des mots-Ndans certains
contextes, habituellement réservés aux ÉPN,mais pour lesquels ils possèdent un sens
négatif contrairement aux ÉPN,cf. Déprez (1995, 1996). Cette interprétation
sémantique en apparence négative se retrouve d'une part dans les comparatives tel qu'en
(31), c f Linebarger (198 1).
'Voir également Horn (1989) a Progovac (1988) qui discutent de la variation des contextes
légitimant les ÉPN dans les diverses grammires.
(3 1) a. Je chante comme persunne. (Elvis cité par Dorothé Berryman, dans la
série télévisée Biographie, 20 mai 1996, Canal D)
'je chante comme zéro personne'
b. Elle est plus intelligente que quiconque que je connaisse.
'Elle est plus intelligente que n'importe qui/ tout le monde' (sous-entendu
quelqu' un) que je connaisse. (IXprez 19959)
D'autre part, cette divergence s'observe aussi dans les propositions conditionnelles
enchâssées présentées dans deux types de structures tel qu'en (32-33) et (3435)' cf.
Linebarger (1 98 1 ).
(32) a. Je me demande si personne va venir.
'je me demande si aucune/zéro personne va venir'
b. Je me demande si qui que ce soit va venir.
'je me demande si quelqu'un va venir'
(33) a. Je me demande si rien a été volé.
'je me demande si aucune chose n'a été volée7
b. Je me demande si quoi que ce soit a été volé.
'je me demande si quelque chose a été volé'
(34) a. Si tu dévoiles le secret à penonne, tu seras révoqué.
'si hi dévoiles le secret a zéro personne, hi seras révoqué'
b. Si tu dévoiles le secret à qui que ce soit, tu seras révoqué.
'si tu dévoiles le secret à quelqu'un, tu seras révoqué'
(35) a. Si tu dis rien, tu iras dans ta chambre.
'si tu dis aucune chose, tu iras dans ta chambre'
b. Si tu dis quoi que ce soit, tu iras dans ta chambre.
'si tu dis quelque chose, tu iras dans ta chambre'
Il existe deux autres tests qui démontrent une interprétation divergente entre le mot-Net
l'hW. Cependant, lorsque nous avons interrogé des locuteurs du FQ, on obtenait une
interprétation variée pour ces contextes. Les données étant instables, nous ne nous
appuierons pas sur ces deux tests, mais nous avons tout de même cru bon de les
présenter ici puisqu'ils sont souvent utilisés dans les études sur la négation, cf Laka
(1990),Valldùvi (1994) et Déprez (1995). est question premièrement des propositions
restrictives enchâssées sous un quantifieur.
(36) a. Tous les enfants qui ont parlé it personne sont obligés de le dire.
b. Tous les enfants qui ont parlé a qui que ce soit sont obligés de le dire.
(37) a. Toutes les personnes qui ont rien vu doivent le dire.
b. Toutes les personnes qui ont vu quoi que ce soit doivent le dire.
Et deuxièmement, il s'agit des mots-N utilisés en tant que complément de phrase d'un
prédicat advenatif avec un sens négatif inhérent.
(38) a. Je refuse de voir personne.
b. Je refuse de voir qui que ce soit.
(39) a. Je refuse de rien boire.
b. Je refuse de boire quoi que ce soit.
(40) a. Je ne crois pas qu'il n'invitera personne (Déprez 1996)
b. Je ne crois pas qu'il invitera qui que ce soit. (Déprez 1996)
Vous noterez que les interprétations sémantiques n'ont pas été inscrites du fait que les
locuteurs natifs du FQ ne sont pas d'un commun accord.
Bref, les similitudes qui nous portaient a croire qu'il s'agissait bien &PN ne sont plus
des évidences incontestables. De plus, trois contextes exclusifs aux mots-N mettent à
rude épreuve cette hypothèse puisque les ÉPN y sont exclus. D'abord, les mots-N
peuvent apparaître en position isolée, cf. Zanuttini (199 1).
(4 1 ) a. Avec qui as-tu parlé? Personne.
b. AV& qui as-tu parlé? *Qui que ce soit.9
Puis, il est possible de modifier les mots-N par l'adverbe presque, cf. Zanuttini (199 1),
Hoeksema (1983) et Hom (1989);
(42) a. J'ai vu presque personne au cours hier.
b. *J'ai vu presque qui que ce soit au cours hier.
Et enfin, on peut les retrouver en position préverbale contrairement aux ventables ÉPN,
cf. Valldùvi (1994).
(43) a. Personne est capable de faire ça.
b. *Qui que ce soit/grand monde est capable de faire ça.
Ces deux premiers tests, c'est-à-dire la possibilité d'apparaitre en position isolée et
d'être modifié par 1'adverbe presque sont des propriétés spécifiques aux quantifieurs'O
',
universels ( Zanuttini 1991:116 et aussi Carlson 1980:8001 Hoeksema 1983). Les ÉPN
(Linebarger 1981 3 8 ) étant des quantifieun existentiels (Carlson 1980:800, Rizzi
1982:122, Laka 1990:52.6 et Vallduvi 1994), il est alors normal qu'on ne puisse pas les
retrouver dans ces contextes. Par conséquent, même si les mots-N en FQ sont
J.-M. Léard a G. Dostie. nous ont fair remarquer quep"2oufe peut apparaître dans un tel contexte alors
qu'en tant q u ' É P ~il devrait être exclu. Cependant, nous avons observé une intonation particdièrement
losrque la phrase a été prononcé. Des recherches produites par M.-T.Vinet (mimeo. 1996a) démontrent
que le focus joue un rôle dans t'interprétation de Ia négation. Par conséquent, la possibiiité de retrouver
ptroute dans un tel contexte pourrait peut-être s'expliquer par le focus. Par ailleurs, on observe qu'il
échoue le test avecpresque (*presque pantoute) ce qui appuie l'hypothèse de 1'EPN que nous adoptons.
.l 5. Voir à la section 4.5 pour une définition de la notion de quantifieur.
-- Voir Ia note 7 à la page 42.
quelquefois accompagnés d'un marqueur de négation, ce motif n'est pas suffisant pour
les identifier aux ÉPN en FQ. Le même raisonnement a été développé par Zanuttini
(1 99 1 ) pour le mot-N nessuno en italien.
En conclusion, nous n'opterons pas pour une hypothèse homogène qui stipule qu'il
s'agit toujours ~'ÉPN,comme Laka (1990) l'a proposé pour les mots-N en espagnol.
2.4.2
Le mot-N possède-t-il un trait inhérent négatif?
Suivant certaines hypothèses structurales proposées, les mots-N doivent établir une
relation Spec-Tête avec le ne en français. Si tel est le cas, quelle est la nature du trait
qu'ils doivent partager? Est-ce le trait [knég] tel que proposé par Zanuttini (1 99 1),
Acquaviva (1995) et aussi Ladusaw (1980) et Di Sciullo & Tremblay (1 996) pour la
position sujet?
Nous avons vu que les EPN nécessitent la présence d'un élément négatif pour être
légitimés (44) et (45) a et b. Examinons maintenant en c si les mots-N en font autant.
(44) a
* J'ai
levé le petit doigt de la journée.
b. J'ai pas levé le petit doigt de la journée.
c. *Personne a levé le petit doigt de la journée.
(45) a. *Marie a parlé à un chat.(l'expression signifie 'parler a personne')
b. Marie a pas parlé à un chat.
c. *Personne a parlé a un chat.
On remarque que les mots-N en FQ peuvent parfois légitimer les ÉPN de la même façon
que pas (46a, b et c), mais pas toujours (46d et e).
(46) a. Je regarde pas ça pantoute.
a'. Personne regarde ça pantoute.
Y aime pas trop trop le film.
b'. Personne aime trop trop le film.
c. Je ne veux pas quoi que ce soit.
c'. Personne veut quoi que ce soit.
b.
d. Y écoute pas grand monde, y fait à sa tête.
d'. *Personne écoute grand monde, y font à leur tête.
e. Ça marche pas pantoute.
el. *Rien marche pas pantoute.
Par conséquent, ceci est un indice qui nous incite a croire qu'ils ne portent pas de trait
[+nés].
Cependant, on remarque également que les mots-N n'exigent pas la présence d'un
ehnent négatif manifeste ou non manifeste pour être Iegitimés.
(47) a. Elle part sans rien amener.
b. Y regarde personne.
c. Y fait absolument rien dans la maison.
d. Y a personne qui m'écoute.
e. C'est la clé de personne.
f Je me marie avec toi ou personne.
Ce qui peut suggérer qu'ils soient négatifs. Notons toutefois que le ne, en FS et en FQ,
ne légitime pas les ÉPN si bien qu'il ne peut pas porter de trait [+nég]. Il est donc
absolument impossible que les mots-N et le marqueur de champ ne partagent ce trait. De
fait, les mots-N semblent se comporter différemment dans I'une et l'autre position. En
position sujet, par peut se joindre à un r n o t - ~ ' ~ce, qui est impossible en position objet
ou a l'intérieur d'un groupe prépositionnel. Voir les exemples ci-dessous.
(48) a. *Elle a vu pas personne. (FSEQ)
.-
-
-
- --
-
-
-- Notez que cette option n'est pas présente chez tous les locuteurs du FQ, nous pensons qu'elle est
optionnelle. C'est pourquoi on observe une variation dans l'interprétation de telles phrases. Certains
locuteurs vont ajouter une stmcnue clivée en début de phrase, comme ily a, pour « comger » I'enonce.
b. Pas personne a été vu lors de l'incident.
c. *Elle parle à pas personne.
d. *Je travaille pour pas rien.
Cependant, on observe que cette option n'est pas sans rehction. La négation de
constituant ne s'applique que pour certains quantifieun (universels en (49a) et (49b)),
ÉPN (49c) et aussi avec méme (50a) et (SOb), cf. Guy & Vinet (1996). Plus encore, la
négation de la séquence [0de ...] iiI'exterieur du champ du verbe ne peut pas être
légitimée tel qu'en (49d). Et aussi, pas doit être suivi d'un DP indéfini (voir également
plus haut) contrairement aux exemples (49e) et (490; sinon la négation de consti~ant
est exclue.
(49) a Pas personne est parti avant deux heures.
b. Pas tout le monde est allé au feu hier.
c. Pas grand-monde s'est déguisé pour la Ete.
d. *Pas d'enfants sont allés au spectacle.
e. *Pas Eric est allé a l'opéra.
E *Pas cinq sont venus chez moi.
(50) a.
Pas même Jean est venu me voir. (Guy & Vinet 1996)
b. Même pas trois ont répondu. (Guy & Vinet 1996)
Trois hypothèses existent: une hypothèse suggère que les mots-N soient [-nég], cf. RiÀ
(1982), Laka (1 990),une autre privilégie plutôt le trait [+nég], cf. Zanuttini (199 1),
Acquaviva (1995)' et la troisième intègre les deux premières hypothèses, ainsi les mots-N
portent le trait [-nég]en position objet et [+nég] en position sujet. Ce modèle hybride a
été suggéré entre autres par Di Sciullo & Tremblay (1 996) p
u
r le FQ, cf Ladusaw
(1980) et Longobardi (1987). Toutefois, une telle supposition est très coûteuse car les
enfants doivent alon être capables de repérer cette différence. Ils doivent alors distinguer
deux
systèmes, l'un pour la position sujet et l'autre pour la position objet. Mais est-ce vraiment
nécessaire? Une hypothèse unifiée serait grandement préférable- Par conséquent, nous ne
retiendrons pas ce type de modèle hybride puisqu'il n'est pas assez accessible pour les
enfants et aussi parce qu'il n'est pas économique. Quant à l'hypothèse qui interprète
négativement les mots-N, nous la rejetons également Même si les m0tç-N n'ont pas
besoin d'être légitimes par la négation, cela ne montre pas qu'ils sont négatifs. Qui plus
est, les mots-N ne pewent pas légitimer les ÉPN.En conclusion, nous ne retiendrons pas
non plus cette analyse. Reste uniquement l'analyse des mots-N [-nég], celle-là même que
nous choisissons bien que les mots-N puissent apparaître isolément avec un sens négatif.
Nous reviendrons plus en détail sur cet aspect dans les sections à venir.
Bref, nous n'adoptons pas l'hypothèse de Zanuttini (1 991 ) qui suggère que les éléments
soient tous négatifs intrinsèquement ni l'analyse hybride, cf. Di Sciullo & Tremblay
(1996)pour le FQ et aussi Ladusaw (1 980) et Longobardi (1987). Nous vérifierons
plutôt l'hypothèse de Déprez pour laquelle les mots-N sont caractérisés par le trait [nég]. Elle nous semble la plus efficace.
CHAPITRE 3
ANALYSES ANTÉRLEURES
3.1 Introduction
Certaines théories antérieures, cf. Pollock (1989), Rizzi (1 WO), Zanunini ( 199 1), Laka
(1 99 1), Moritz & Valois (1994), postulent que la CN est un phénomène syntaxique. La
CN serait constituée d'une tête, cf. Kayne (1989) et d'un spécifieur optionnel, tous deux
engendrés directement sous NegP ou déplacés sous ce dernier. NegP serait une
projection fonctionnelle, cf. Pollock (1989), sous NT. Cette analyse s'oppose a
l'analyse traditionnelle du fait qu'elle légitime la présence de deux négations dont
l'interprétation est négative. Ce serait 18 une option possible en GU comparable aux
questions multiples et a u propositions relatives observées dans plusieurs grammaires
distinctes, cf. Déprez (1995). Examinons maintenant de façon plus détaillée chacune des
hypothèses retenues, mais d'abord, précisons la notion d'effet de concordance.
3.2. L'effet de concordance
L'effet de concordance, aussi dénommé concordance négative, vise à illustrer le lien qui
existe entre une tête négative (ne) et un spécifieur négatif (un mot-N) qui se combinent a
travers un mouvement manifeste ou non manifeste pour former un seul constituant
négatif. Voyons immédiatement comment certains chercheurs traitent la chose. Nous
verrons donc dans ce chapitre certaines analyses de I'EC. Puis, dans le chapitre suivant,
nous justifierons notre position. Les différentes hypothèses seront abordées de façon
chronologique.
3.3 L'incorporation
Rim (1982) a proposé une règle pour rendre compte des phrases comportant un
marqueur négatif et un mot-N en italien. Cette règle se lit comme suit (traduction libre):
Dans la structure [...nég...Qx..],ou Nég est une négation propositiomelle
qui c-commande Qx, et Qx est un quantifieur d'un certain type, Qx
incorpore optionnellement nég.
Selon Rizzi, des mots tel que nessuno sont des quantifieurs existentiels qui doivent,
comme les ÉPN,apparaître dans la portée d'un marqueur négatif Cependant, lorsqu'un
quantifieur comme niente est en position préverbale, il obtient son interprétation
négative non pas du marqueur négatif puisqu'il n'y en a pas, mais d'un processus
d'incorporation négative tel qu'en (5 1 ) semblable a celui proposé par Klima (1964).
(5 1)
nessuno + [+nég] lorsque ctommandé par VP
Toutefois, cette hypothèse ne peut pas rendre compte de la variation observée en
québécois o u p s apparaît librement avec un mot-N en position sujet, cf Lemieux
(1982). Aussi, même si nous postulions que la règle en (51) est optionnelle en FQ,
comment alon rendre compte de l'absence du marqueur de négation ne à l'oral alors
que dans la règle d'incorporation, la négation doit c-commander le quantifieur?Par
conséquent, nous rejetons ce raisonnement.
3.4 Le noeud
NegP
C'est Pollock (1 989) qui a introduit le syntagme négatif Ne@. Il a observé le
comportement des verbes en français et en anglais dans la phrase en même temps que
celui de la négation. Voici, les grandes lignes de son hypothèse.
Pollock (1989) adopte l'hypothèse d'Emonds (1 978)selon laquelle le français possède
une règle de montée obligatoire du ver& à 1. Déprez & Pierce (1993) appuient
également cette hypothèse. Par ailleun, Pollock (1989) propose de diviser le noeud 1en
deux catégories fonctionnelles distinctes; c'est-à-dire AgrP et TP.Selon lui, la négation
apparaît entre ces deux projections. Toutefois, cette analyse a été revue et l'on adopte
généralement cette structure avec l'interversion d7AgrPet de TP,cf Belletti (1989),
(1990) et Chomsky (1991 ). NegP se trouve donc sous AGR et au-dessus de TP dans
l'arbre syntagmatique que voici.
Spe Nég
P
Pas
Nég'
/ \
Nég
TP
I
I
Cette structure permet de rendre compte des constructions en fiançais contenant soit un
verbe tensé soit un verbe a I'infinitif Aussi, il postule que la négation constitueune
projection en soi (NegP) constituée d'un spécifieurpas et d'une tête ne. Dans le cas
d'un verbe tensé, le verbe doit monter à p.Le ne en fait autant et vient se placer devant
le verbe alors que lepas demeure dans sa position initiale. Par conséquent, Pollock
(1989) note que le verbe tensé précède toujours lepas. Quant à l'élément de négation
ne, il est un clitique et il doit se rattacher à la première tête fonctionnelle, dans ce c a s 4
T. Les infinitifs ne montent que jusqu'à gr', c'est pourquoi ne et pas précédent le
verbe dans les exemples (53) et (54).
(53)
ne pas [,souvent manger]
(54)
ne[- pas
manger, [w souvent t, ]]]
Par ailleurs, pas est selon Pollock (1989) spécifieur du marqueur de négation ne. Cette
conclusion est basée sur l'observation du comportement de pas et du verbe à l'infinitif
en présence d'un adverbe comme souvenr tel qu'en (53) et (54). Il remarque que les
verbes non tensés peuvent se placer avant l'adverbe ce que pus ne peut pas faire.
Examinez 1'exemple (55).
(55)
*ne manger pas souvent
(56)
Jules ne mange pas la pomme.
D'autres tests nous permettent de corroborer l'hypothèse du spécifieur. L'argument
massue vient du fait quepas n'empêche en rien le mouvement de tête du verbe. De plus,
pas est un spécifieur puisqu'il peut être modifie et qu'il peut apparaître en position
spécifieur de différents constituants. Le tout a déjà été démontré à la section 2.2.
Les verbes à I'infi~nitifse déplacent donc sous Agr et les verbes tensés montent jusqu'à
T. Ainsi, puisque le pas suit obligatoirement le verbe tensé, mais qu'il peut précéder le
verbe à l'infinitif ou l'adverbe, sa position est entre
et ~g'.Lepus est sélectionné
par le blégo ne comme spécifieur sous la projection Ne#. Cette dernière affirmation
pose cependant problème. Pourquoi, en effet, ne retrouve-t-on jamais l'ordre pas ne tel
que dans l'arbre présenté ci-dessus? Selon Pollock (1989)' le ne doit se cliticiser à une
projection fonctionnelle audessus de Ne@. Par contre, si on adhère à une telle
explication, on fait alors face a un autre problème. II s'agit des constructions avec pour
ne pus précédant que. Dans ce type de construction, il faut alors supposer l'insertion
d'une projection fonctionnelle entre la préposition qui précède le syntagme négatif et ce
dernier afin que le ne de la suite pas ne se déplace pour obtenir l'ordre ne pas. Comme
dans l'exemple suivant:
(57) a. Je l'ai envoyée moi-mêmepour ne pas que les autres la voient.
Or, Hinchbühler & Labelle (1993) n'identifient aucune raison valable pour justifier de
manière indépendante une telle projection.
On remarque aussi d'autres failles dans l'hypothèse de Pollock (1989). Entre autres, le
fait que certains constituants négatifs (point,plus, guère) sont spécifieun d'une
projection ne qui peut être soit Ne& soit un syntagme adverbial, soit simplement un
argument, cf Zanuttini (1991:36).Pollock doit avoir recom à ce type d'interprétation
pour rendre compte de phrases dans les exemples (58) et (59)' cf Pollock (1989:413) où
le verbe infinitif précède le pas.
( 5 8)
(?) Pierre dit ne manger pointrpludrien.
(59)
*Pierre dit ne manger pas.
Ceae explication retire a l'hypothèse de Pollock son caractère unifié et par le fait même
l'affaiblit. De plus, on observe qu'il est impossible de rendre compte de certains faits en
FQ; entre autres, l'absence de la tête ne à l'oral et sa présence à l'écrit tel qu'en (60) ou
encore de l'intrusion dupas en (61)' ou du comportement ambivalent depas, en (60a) et
(61) par exemple, pour la même structure. En effet, cornnent Pollock peut-il expliquer
la structure en (61), ou le pas se retrouve en position sujet? Cette position est
généralement inaccessible à un spécifieur négatif tel que démontré en (62).
(60) a Personne est venu. (à I'oral en FS et en FQ)
b. Personne n'est venu. (a l'écrit)
(61) Pas personne est venu.
(62) *Pas rien tient. @Q/FS)
L'analyse syntaxique qu'il propose est donc insuffisante. De fait, elle ne répond pas à
l'adéquation descriptive que Chomsky prône dans ses modèles puisqu'elle ne peut pas
rendre compte des différentes attestations. Examinons maintenant la suite des études de
Rizzi.
3.5 Les contraintes d'îlots et l'effet d'opacité
Un peu plus tard, Rivi (1990) revient sur le problème et avance que le phénomène de la
négation est sujet aux contraintes d'îlots. II remarque, en effet, que la négation provoque
un effet d'opacité sur certains adjoints tel que dans l'exemple (63d).
(63) a. Pierre est ici, ce qu'ils savent. (Rizzi 1990)
b. Pierre est ici, ce qu'ils ne savent pas. (Rizzi 1990)
c. Pierre est ici, comme ils le savent. ( R h 1990)
d. *Pierre est ici, comme ils ne le savent pas. (Rizzi 1990)
Par conséquent, il émet l'hypothèse d'un parallélisme entre le phénomène
d'opacité de la négation et le phénomène d'opacité des îlots qu-. Voici son
raisonnement (traduction libre):
Si la négation se qualifie en tant qu'élément de Iiage potentiel A' (un
spécifieur A'), I'effet d'îlots peut se traduire par le PCV @?mcipe des
Catégories Vides] à travers la Minimalité Relativisée: si un élément non
théta-marquéest extrait du domaine de la négation, il ne pourra pas
gouverner (antecedent-govem) sa trace a cause de la Minimalité
Relativisée et d'une violation du PCV qui en résultera. (Rizzi 1990)
Il donne des exemples patents du français oh la négation se modèle sur d'indiscutables
éléments A' pour Licencier des syntagmes nominaux avec un spécifieur nu113:
(64) a. Combien a+ il lu [e de livres]? (élément qu-)(Rizzi 1990)
b. Xl a beaucoup lu [e de livres]. (QPrsyntagme quantificationnel]
adverbial) (Ri&
1990)
c. II n'a pas 1u [e de livres]. (négation)(Rim 1990)
Aussi, comme Pollock (1 989), Rizzi (1990)analyse le pas du français en tant que
spécifieur, cf la section 2.2. De fait, pas peut se combiner avec plusieurs projections,
cf. Cinque (1995).
(65)
a Veux-tu des épinards? Pas beaucoup.
b. Les enfants mangent pas tout dans leur assiette.
(66) Je croyais Marie pas capable de faire cela. (Rizzi 1990)
Quant au statut syntaxique depos, nous abondons dans le même sens.
De plus, R ~ A(1990) adopte la structure flexionnelle proposée par Pollock (1989) (voir
l'arbre syntagmatique de la section précédente) et adaptée par Belletti (1989) et
Chomsky ( 1989). Il s'agit de la projection où ne est adjoint à A
~
et
~ où
O pas est
spécifieur de p.
(67)
13
Jean n'a
[ip
pas
rVp beaucoup mangé]]] (RizLi 1990)
Cette hypothèse est réfutée par Deprez (1 995, 1996); nous en discuterons également plus loin lorsque
nous analyserons l'hypothèse du critère négatif.
Par ailleurs, le phénomène du Licenciement de I'ÉPN par un opérateur en FL
déclencherait, selon Rim (1990), l'effet de la contrainte d'îlots qui rendrait compte de
variations dans l'interprétation sémantique. Ainsi en (68b) la trace de l'objet est thétagouvernée par le verbe ce qui permet au principe des catégories vides (dorénavant
PCV) d'être satisfait. Toutefois, en (68~)'la trace étant le spécifieur du verbe n'est pas
théta-gouvernée par ce dernier. Elle devrait être gouvernée par l'antécédent suivant le
principe de la Minimalité Relativisée (ReZativized A4inimaZity), mais elle ne l'est pas à
cause du pas. Par conséquent, cette structure est rejetée par le PCV'~.
(68) a. Il n'a [pas beaucoup résolu [e de problèmes]]]
b. [beaucoup de problèmes] il n'a [pas [résolu r ] ] ]
c. 'beaucoup il n'a [pas [f résolu [e de problèmes]]]
Déprez (1995) remarque qu'une hypothèse unifiée de ce type ne peut rendre compte des
diErences observées entre le français et le créole haïtien (CH); deux langues à EC,
mais pour lesquelles le statut syntaxique de la particule négative differe. De fait, lepas
est spécifieur en fiançais alors qu'en CH lepa est tête. D'une part, le statut catégoriel de
l'élément négatif et la structure qmtaxique du Ne@ ne permettent pas de rendre compte
des phénomènes de I'EC dans ces deux lany e s et leun dialectes, voir Déprez (1995),
qui diflerent syntaxiquement. D'autre part, on observe des divergences entre le CH et le
fiançais. De fait, le CH répond aux conditions de localité contrairement au français. Plus
encore, le CH ne se soumet pas à la Minimalité Relativisée alon que le français y est
contraint. Et enfin, les conditions de localité se différencient de celles des mouvements
14
Le principe de la catégorie vide (PCV) stipule qu'une position vide doit toujours être proprement
gouvernée.
A' standard, cf Déprez (1995) et la section 3.6.4 ci-dessous pour une discussion plus
détaillée.
3.6 Le critère négatif
Le critère négatif a été développé par Zanuttini (1991) et Haegeman & Zanuttini (1 99 1).
C'est un principe qui vise à rendre compte syntaxiquement de 17EC.11 est une réplique
parfaite du critère qu- de Rizzi (1990). Ainsi, le critère négatif stipule que tout élément
avec le trait [+nég] forme un constituant avec une tête négative. Ce principe laisse
entendre qu'il y a un mouvement. Voici maintenant les propositions impliquées.
Premièrement, les mots-N doivent être analysés en tant que quantifieurs universels
négatifs. Deuxièmement, le critère négatif provoque le mouvement obligatoire des mots-
N vers la position spécifieur de Ne@. Troisièmement, I'EC découle d'un processus
d'absorption sémantique. Et enfin, la variation dans les grammaires émane du statut
syntz~iqueet de la position du syntagme négatif dans la phrase.
3.6.1 Une analyse syntaxique
Examinons immédiatement le dernier point: l'aspect syntaxique. De prime abord, il est
impossible d'affixmer que les différences proviennent de variations stmchirales dans un
modèle minimaliste. Certes, les langues different dans leur syntaxe visible du fait que
les marqueurs de négation peuvent être soit des têtes soit des spécifieun suivant les
grammaires. Cependant, il est aussi possible d'interpréter différemment une même suite
de mots dans une même grammaire.
(69) a. Personne n'a rien fait. (Muller 1991:3 18)
b. 'II n'y a personne qui ait fait quelque chose.'
c. 'Il n'y a rien que quelqu'un ait fait.'
Ainsi, une proposition comportant plusieurç mots dits négatifs peut être interprétée
comme une seule négation ou encore comme une affi~rmationsuivant la grammaire. Par
conséquent, une analyse de type syntaxique telle que proposée par Zanuttini (1 991) et
Haegeman Br Zanuttini (1991) nous incite a la r6flexion. Elle est discutable du fait que
;'accord Spec-Tete implique une relation biunivoque et non multiple, cf Déprez (1995).
Nous verrons, cidessous, que Zanuttini (1991) a tenté de parer cette difficulté en
propsaiit une rigle d'absorption. Par aillem, Moritz & Valois (1995) affhnent que le
PUA
du FQ est une tête et differe ainsi dupas du FS. En conséquence, il ne bloque pas le
diplacemm des mots-N dans la position spécifieur comme c'est le cas pour lepus du
FS lui-même spécifieur. De cette façon, on obtient toujours une stnicture Spzc-TSte
conforme pour la formation du constituant négatif La règle d'absorption sémantique est
alon inopérante de sorte que la phrase est inimerprktabie ou ericwe üii übtiéiit uiie
lecture a double négation. Toutefois, lepas du FQ se cornpone comme celui du FS
lorsqu'il y a mouvement du verbe; aussi, il peut être modifie par nzCnze et il apparait en
position spicifieur pour différents constituants. MGme si on observe des distinctions
quant a la compatibilité avec les mots-N,voir également la section 2.2, nous maintenons
qu'il est spécifieur. Pourtant, malgré ces similitudes, le pus du FQ accepte I'EC alors
que celui du FS ne le permet pas. Bref, cela nous autorise à stipuler que le statut
syntaxique ne peut sanctionner des prévisions de ce type, cf Déprez (1 995, 1996). En
conclusion, la position de la négation dans le syntagme Ne@ n'est pas un facteur
déterminant dans la légitimation de I'EC.
3.6.2 Quantifietirs universels négatifs?
Par ailleurs, plusieurs dont Carlson (198O:8OO), Rim (1 982:122), Laka (19W:§2.6),
Vallduvi (1994) et Haegeman & Zanuttini (op. cü.) maintiennent qu'on doit distinguer
les quantifieun universels des ÉPN (existentiels). Nous retenons deux tests pour appuyer
cette affirmation. D'abord, seuls les quantifieurs universels commepersonne et rien
peuvent apparaître isolément en réponse a une question (l'exemple en (41) est repris en
(70));
(70)
a. Qui as-tuvu? Personne.
b. Qui as-tu vu? *Qui que se soit.
et ils pewent être modifiés par l'adverbepresque, voir aussi les exemples (22) a (26).
(71 )
11 y avait presque personne à la réunion.
(72)
*Il y avait presque qui que ce soit à la réunion.
De fait, les ÉPN sont agrammaticaux dans des constructions de ce type. Zanuttini ( 1991)
retient donc l'hypothèse de Carlson (1980),Rizzi (1982) et Kayne (1984) selon laquelle
(53).
il existe une différence importante entre le quantifieur existentiel ( 5 2 ) et ~ E P N
Nous assumons également que les deux types de quantifieun se distinguent, cf la
s t c î i u ~2.4.;
~ pius lierit, cependant nous verrons iila section 4.2.3. les raisons pour
lesquelles nous assumons malgré tout qu'il soit ici question de quantifieurs existentiels.
Par ailleurs, nous avons aussi clairement démontré qu'il ne s'agit pas de quantifieurs
négatifs (voir les fondements de ce raisonnement dans la section 2.4.2 cidessus).
3.6.3 Le critère négatif
Voici enfin le critère négatif auquel les quantifieurs sont sujets (traduction libre):
Le critère Nég
Tout ?Co négatif doit être en relation Spec-Tête avec un XP négatif
Tout W négatif doit être en relation Spec-Tête avec un 9 négatif
Ce critère impose un mouvement qui se situe entre la Structure de Surface (Structure-S)
et la Forme Logique (dorénavant Fi.)du quantifieur pour permettre une relation SpecTête avec Ne@. En fait, il est obligatoire pour tout élément qui porte des traits [+nég]
de former un constituant avec une tête négative. (Notez que le critère négatif a été
développé dans le cadre du modèle du gouvernement et du liage.) Ainsi, Zanuttini
(1991) appuie l'hypothèse selon laquelle il existe une projection Ne@, cf Pollock
(1 989) et aussi Chomsky (1989), Rim (1WOa), Belletti (1990), Laka (1990) et Ouhalla
(1990), pour les langues romanes. Suivant son argumentation les formes préverbales
négatives ne peuvent être autre chose qu'un NegP. Selon les données, aucune
distribution syntaxique des catégories existantes ne correspond à celle observée pour les
éléments préverbaux négatifs dans les langues romanes. Les catégories auxquelles on
fait référence sont l'adverbe, le complémenteur et les pronoms clitiques (ce qui n'inclut
pas les marqueurs négatifs du type ne du français qui sont dépendants d'un quantifieur
placé après le verbe). Aussi, le marqueur négatif n'apparaît pas dans une flexion verbale
quelconque; que ce soit le temps, l'aspect ou l'accord puisqu'ils sont des suffixes fixés à
la droite du verbe alon que la négation est à gauche, cf. Zanuttini (1991). En effet,
Zanuttini admet qu'il existe une catégorie Ne@. Elle va même jusqu'à suggérer deux
types de Ne@: Ne@-1 et Ne@-2- Ne@-1 rend compte des éléments négatifs situés plus
haut que TP tel que le non italien en (73a) alors que les marqueurs négatifs placés
immédiatement sous TP (74)a, comme le nen piedmontais, sont représentés par le Ne@-
2, voir aussi Laka (1990). Elle admet également que tous les marqueurs négatifs sont
soit tête soit spécifieur des projections NegP.
(73)
a. Maria non ha telefonato a sua rnadre (italien) (Zanuttini 1991)
b. Uana n'a pas appelé sa mereg
(74)
a. Maria a mangia nen (piedmontais) (Zanutthi 199 1)
b. U a n a ne mange pas*
Cette distinction est nécessaire pour justifier la variété de comportements des mots-N
dans les langues romanes. Zan&
(1991) soutient que ces catégories se différencient
non seulement en raison de leur position structurale, mais aussi à cause de leur propriété
sélectionnelle. Selon elle, Ne*-1
est dépendant de l'ekment fonctionnel TP par lequel
il doit être licencié, contrairement à Ne@-2 qui ne l'est pas. En ce qui nous concerne,
nous nous en tiendrons à l'étude de NegP-2 puisque c'est cette catégorie, d'après
Zanuttini, qui conespond aux mots-N du fiançais.
Nous n'adhérons pas à ce type d'analyse du Critère de la négation parce que nous ne
croyons pas que les différences sont une conséquence des variations structurales, cf
Déprez (1995, 1996). De fait, le pas du FQ est spécifieur tout comme celui du FS (voir
p. 50)' même s'il accepte I'EC contrairement au FS. Bref, le statut syntaxique ne peut
pas sanctionner des prévisions de ce type.
3.6.4 Un mouvement A'?
Il appert que les mots-N sont sujets aux contraintes d'îlots; soit la condition sur le sujet
(75a)' soit la condition sur l'adjonction (75b), cf. Moritz & Valois (1994) et également
la section 2.2.2 plus haut. Dans ce type de consîniction, le mot-Nspécifieur est séparé
de la tête du syntagme négatif par un îlot, ce qui produit une phrase agrammaticale.
(75) a. *Inviter personne n'a été facile. (h4orit.z & Valois 1994)
b. *Fred désire ne rester en ville pour aider personne. (Déprez l996:B)
Cette agrammaticalite nous porte à croire qu'il s'agit d'un déplacement du mot-N en FL
vers la position spécifiew du Ne@; c'est-à-dire un mouvement A'. Ce qui confirme
encore une fois le parallélisme avec le mouvement qu-. Mais, cette conclusion est
biaisée. Ce test n'est pas recevable puisqu'il existe des dépendances qui ne nécessitent
pas de mouvements, comme la légitimation des ÉPN, voir aussi Ross (1 967),et qui sont
également sensibles aux contraintes d'îlots. Or, on ne peut considérer ce test comme un
argument de poids pour appuyer l'hypothèse d'un mouvement A' vers Spec NegP en FL,
et ce, malgré le fait que les positions spécifieun de NegP et de Comp soient considérées
comme des positions A', cf. Zanuttini (1991)' R ~ M(1990).
Qui plus est, en FQ, les effets sont différents. Observez les exemples suivants dans
lesquels il y a violation d'îlots.
(76) a. Inviter personne serait le meilleur coup que tu pourrais pas faire. (FQ)
(Guy& Vinet 1996)
b. "Inviter grand-monde serait le meilleur coup que tu pourrais pas faire.
(FQ)(Guy & Vinet 1996)
c. Pierre souhaite que Marc parte avant d'engager personne. (FQ)(Guy&
Vinet 1996)
d. *Pierre souhaite que Marc parte avant d'engager grandmonde. (FQ) (Guy
& Vinet 1996)
Le parallélisme semble naturel d'autant plus que I'EC observe, de la même façon que
les mouvements qu-, la Minimalité Relativisée (RelativkedA4inimolit): R i v i (1990))
(77) *Je ne me suis demandée quoi faire pour personne.
et aussi le PCV dans les exemples (75) et (78).
(78) a Je n'ai exigé qu'ils arrêtent personne.
b. *Je n'ai exigé que personne soit arrêté.
Cependant, il existe aussi des divergences importantes dont il faut tenir compte.
D'abord, le critère des contraintes d'îlots est discutable d'autant plus que les ÉPN sont
exclus du même type de construction alon que normalement ils ne se déplacent pas
(voir également cidessus).
(79) a. *Inviter qui que ce soit n'a été facile. (Déprez 199624)
b. *Fred désire ne rester en ville pour aider qui que ce soit. (Déprez
1996:M).
De plus, l'interprétation des exemples en (78) ne fait pas l'unanimité, cf Muller (199 1 ).
Pourtant, lorsque le PCV est en cause, on n'observe normalement aucune variation en ce
sens. Ce qui signifie qu'il s'agit probablement d'un autre processus.
Par ailleurs, I'EC se justifie par un mouvement A vers Spec Agro et non pas un
mouvement A' vers Spec NegP. En effet, le mouvement A' n'est pas limité dans la
proposition, voir les exemples (80) à ( 8 3 ) ~contrairement
'
au mouvement A, et aussi
(80) à (83) b et c. Observez les exemples de constructions infinitives ci-dessous
identiques dans les deux contextes en question (les exemples sont tirés de Déprez
(199524)).
(80) a *Je n'ai regretté d'avoir pu rencontrer personne.
b. J'ai regretté de n'avoir pu rencontrer personne.
c. Qui as-tu regretté d'avoir rencontré? I Qui a regretté de rencontrer qui?
(8 7 ) a. *Je n'ai décidé de rien leur dire.
b. J'ai décidé de ne rien leur dire.
c.
Qu'as-tu décidé de leur dire? / Qui a demandé à Marie de rencontrer qui?
(82) a. *Je n'ai demandé à Marie de rencontrer personne.
b. J'ai demande à Marie de ne rencontrer personne.
c. Qui as-tu demandé à Marie de rencontrer? / Qui a demandé à Marie de
rencontrer qui?
(83) a. *Je ne savais avoir invite personne.
b. Je savais n'avoir invité personne.
c. Qui savais-tu avoir invité? / Qui savait avoir invité qui?
D'autres faits nous indiquent que I'EC est limité a la proposition. Par exemple, dans des
phrases contenant deux doubles négations, mais dans deux propositions différentes, I'EC
est inadmissible. On observe plutôt la DN en FS et en FQ.
(84) a. Personne n'a regretté d'avoir rien mangé. (FS)
b. 'Personne n'a regretté de ne pas avoir mangé quoi que ce soit.'
(85) a. Personne n'a demandé à Marie de rien manger. (FS)
b. 'Personne n'a demandé à Marie de ne pas manger quoi que ce soit.'
(86) a. Il y a pas personne qui a pas rien mangé. Les patients ont tous bien
mangé- (FQ)
b. 'Tout le monde a mangé quelque chose.'
Non seulement, si on regarde les phrases en b des exemples (84) à (86),on remarque
que deux négations sont nécessaires à l'interprétation ce qui toutefois exclut I'EC. Mais
aussi, rien n'empêche les mots-Nde se déplacer dans la position du spécifieur de NegP.
Ces observations nous démontrent que I'EC en français est limité au domaine de la
proposition. Or, une telle déduction entraîne nécessairement des corollaires. Ainsi, les
contraintes d'îlots que l'on croyait dues au mouvement A' s'expliquent plutôt par les
contraintes sur le domaine. D'autres faits viennent soutenir cette conclusion Il s'agit de
phrases dans lesquelles on retrouve un marqueur de négation dans une proposition et un
mot-N dans l'autre proposition. Ces constructions reçoivent nécessairement une lecture
négative.
(87) a J'espère pas que les étudiants lisent rien. (FQ)
b. On pense pas quYAlicevienne avec personne. (FQ)
Par contre, on trouve certaines exceptions. Elles se présentent dans différents contextes
particuliers qui comportent toujours un complément infinitival. Ces contextes sont
reconnus pour leur transparence et ils créent un domaine de proposition unique. II s'agit
des compléments infinitivaux des verbes modaux (88a), des verbes causatifs (88b) ou de
perception (88c), de même que des compléments de petites propositions (88d) ainsi que
des compléments des verbes tels que vouloir (88e).
(88) a. Je ne peux parler à personne.
b. Tu lui as fait voir rien de bon.
c. Elle ne l'a vu appeler personne.
d. Je ne trouve personne accueillant.
e. Je ne veux entendre personne.
Ces contextes sont typiques des relations restreintes. Qui plus est, si on insère un mot-N
en position sujet dans ce type de phrases, on obtient une lecture négative.
(89) a. Personne ne peut parler à personne.
b. Personne lui a fait voir rien de bon.
c. Personne ne I'a vu appeler personne.
d. Personne ne trouve personne accueillant.
e. P e r s o ~ ne
e veut entendre personne.
En résumé, même si I'EC et les mouvements qu- partagent ceriaines ressemblances
quant aux contraintes de localité, nous ne pouvons pas déduire qu'il existe un &ait
parallélisme entre les deux phénomènes. De fait, il ne s'agit peut-être pas d'un
mouvement en FL puisqu'on obtient I'agrammaticaiite des phrases aussi avec les mots-
N. Par ailleurs, I'EC en français est limite dans le domaine de la proposition (clause
restriction) ce qui implique qu'il n'est pas question ici de mouvement A' et donc que le
mot-N ne se déplace pas en R. dans la position Spec Ne@.
3.6.5 L'absorption semantique
La règle d'absorption sémantique a été suggérée pour rendre compte des structures dans
lesquelles il y a plusieurs mots-N (ex. 89) étant donné que le rapport Spec-Tête est
habituellement une relation locale impliquant une relation biunivoque. Cette règle se
modèle sur celle proposée par Higginbotharn & May (1981), cf. May (1 989), p u r les
questions multiples.
(90) Je (ne) fais pas perdre rien à personne.
Voici I'adaptation de Zanuttini pour des spécifieurs multiples de Ne@.
Règle d'absomtion
vx-'
vy-,
vz-
+ vx, y, z-
Cette règle permet à la fois de conserver le rapport biunivoque et aussi d'inhiber la règle
de logique. Cette analyse consolide l'hypothèse d'un parallélisme entre la CN et les
éléments qu-, qui doivent, eux aussi, se soumettre à la règle d'absorption.
En comparant brièvement ces deux types d'absorption, on s'aperçoit qu'ils ne sont pas
aussi proches parents qu'on le croyait. Effectivement, un opérateur portant le trait [+qu-
1, en anglais, est incapable de légitimer l'absorption dans une construction à questions
multiples. Qui plus est, le statut syntaxique n'a pas d'importance.
(91) a. *I wonder if (tête) John saw which man?
b. *I wonder whether (spécifieur) John saw which man.
Par contre, dans une phrase contenant plusieurs mots-N, seul un opérateur négatif et tête
de syntagme peut légitimer les mots-N.
(92) a. Pesonn pa jamn di pèsonn anyen. (Déprez 1995)
b. ' P e r s o ~ enégjamais dit à personne rien.'
Cependant, la légitimation d'un tel contexte par un opérateur est exclue en FS (93a)
alors qu'elle est tout à fait acceptable en FQ (93b).
(93) a. *Annie (ne) regardait pas personne. (FS)
b. Elle (n')écoute pas personne. (FQ)
En résumé, la règle d'absorption dans les questions multiples bannit l'absorption avec
les opérateurs alors que, dans les phrases à EC, l'opérateur négatif est essentiel dans
certaines langues comme le CH ou le créole fiançais de la Louisiane, cf. Déprez (1996).
Suivant l'hypothèse de Higginbotharn & May (1 986), les opérateurs empêchent
l'absorption parce que leurs propriétés sémantiques diffèrent des déments qu-. 11est
alors surprenant que l'on fasse appel au même phénomène d'absorption pour rendre
compte de I'EC malgré la variation dans les diverses grammaires.
A w i , nous affirmons qu'il est impossible de motiver, par une règle d'absorption telle
que celle proposée par Zanuttini (1991), les exemples particuliers du québécois où
l'opérateur ne ne bloque pas l'absorption tel qu'en FS.
3.7 La séquence [...de hT]
Moritz & Valois (1994) se basent sur trois types de données pour appuyer l'hypothèse
d'un mouvement en FL vers Spec NegP. Les premières ont déjà été étudiées par Kayne
(1984). Ce dernier soutient qu'un quantifieur préverbal peut légitimer une catégorie vide
pst-verbale s'il la c-commande. (exemples tirés de Moritz & Valois 1994)
(94) a Jean a mangé [Np beaucoup de chocolat]
b. Jean a [vp beaucoupi mangé [i
c. (?)Jean a beaucoup vu
d. *Jean a vu
0,de chocolatll
0 d'enfants]
manger]].
d'enfants] [w beaucoup manger]].
cette propriété est aussi applicable aupas en français qui peut lui aussi licencier la
catégorie vide de sa position Spec Ne@, voir Kayne (1984).
(95) a. Jean ne mange pas [ade pain]
b. Personne ne mange [e de pain]
Maintenant, si on examine les données en (96), on remarque que l'analyse par MQ
prédit que les phrases sont grammaticales malgré le fait quepersonne soit placé après la
catégorie vide et ne puisse pas la ccommander.
(96) a. *[a d'articles] n'ont été donnés à personne.(Moritz & Valois 1994578)
b. [p personne,
[a d'articles] n'ont été donnés (à) t, ]] (Moritz & Valois
l994:6?8)
c.
LTP
[a d'articles]
[r [Ne pe=omei
Valois l994:678)
h.n'a été donné (à) ti 1111 (Moritz &
Moritz Br Valois proposent donc qu'il y ait un mouvement a L I de façon à ce que
personne puisse ccommander la catégorie vide. Voici comment ils représentent la
phrase en FL:
(97)
Le PerSOMei
...ne... [a de
...Il
Selon Moritz & Valois, cette analyse est préférable à celle de la montée des quantifieun,
cf. Longobardi (1Wl), puisqu'elle ne permet pas, contrairement à l'hypothèse de
Longobardi (1 99 1), d'obtenir une phrase dans laquelle il y a un sujet constitué d'une
catégorie vide. En effet, la montée des quantifieurs se fait par l'adjonction du
quantifieur à la projection IP alors que la montée en R ne se fait qu'en position Spec
NegP oii il est impossible de cîommander le sujet.
D'une part, ce type d'analyse suggère un mouvement au-dessus de VP.Si on ne spécifie
pas la position hôte, I'hypothèse de la montée du quantifieur, CE Kayne (1984) et Déprez
(1995)' pourrait tout aussi bien s'y appliquer. L'autre analyse possible est celle où ne
légitime les syntagmes [de NP]. Mais cette dernière, d'abord proposée par Kayne
(1968)' ne plaît pas à Moritz & Valois puisque ce n'est pas toujours le cas tel que dans
l'exemple:
(98) *Aline ne boit de Iait.
Ils la rejettent donc. Par ailleurs, il existe non seulement des structures dans lesquelles
aucun mot-N ne ctommande le syntagme [de NP] que ce soit en structure-S ou en FL,
mais il y a aussi des contextes qui n'ont plus la même acceptabilité si le ne est absent,
les phrases deviennent alors plus difficiles et même impossibles en FS et aussi en FQ.
(99) a Avant que qui que ce soit *(ne) boivent de bière, il vaudrait mieux
vérifier qu'elle n'est pas empoisonnée. @éprez 199529)
b. II craignait qu'un tel scandale *(ne) fasse de tord à ses amis. (Déprez
1995:îg)
c. Je doute qu'il *(ne) fasse d'ennuis à qui que ce soit (Déprez l995:29)
En fait, il s'agit d'une négation explétive qui doit être c-commandée par un dément
lexical tel que avant que, craindre ou douter. Ce n'est donc pas le ne en soi qui légitime
la séquence [de NP], mais bien l'ensemble de la négation explétive puisque le ne
explétif est restreint à des contextes particuliers. Ce pourrait ê e un opérateur vide dans
la position spécifieur de CP,cf. Laka (1990) qui légitimerait cette séquence, cf. Déprez
(1WFn.24) et Guy & Vinet (1996).
Qui plus est, des phrases contenant des petites propositions dans lesquelles on retrouve
des mots-N en relation avec ne, excluent totalement la légitimation du syntagme [de
NP]. (ex. tiré de Déprez 199529)
(100) a On ne croyait Jean fidèle à personne.
b. *On ne croyait de maris fidèles à personne.
Ainsi, les conditions de localité de même que la légitimation des syntagmes [de NP] ne
sont pas des tests valables pour appuyer une hypothèse structurale telle que celle de la
concordance négative, cf. Haegeman & Zanuttini (199 1) et Moritz & Valois (1994).
Une auae évidence qui appuie l'hypothèse d'un mouvement en FL à Spec Ne@ et
l'hypothèse de la concordance négative est la présence de phrases construites avec
plusieurs négations, mais qui, sémantiquement, n'en expriment qu'une seule (voir la
section 0.2).
(1 01) a. Personne n'a rien vu.
b. Je n'ai parlé de rien B personne.
c. Personne n'a jamais écrit de livres.
Il semblerait qu'il y ait une parenté entre le phénomène des constructions qu- à
questions multiples et le phénomène de la négation multiple. Dans les deux cas, il y
aurait une règle d'absorption, cf. Longobardi (1991) et Higginbotharn & May (1981). En
ce qui concerne le phénomène de la négation, cette règle s'applique aussi aux marqueurs
de négation. Il faut cependant noter que, comme les complémenteurs, ce ne sont pas
tous les forclusifs qui pennettent cette règle. Nous excluons cette hypothèse dans le
modèle que nous adoptons. L'argumentation pour expliquer ce choix se retrouve dans le
chapitre suivant.
3.8 Conclusion
Nous ne retenons donc pas l'hypothèse du critère de négation tel que postulé par
Zanuttini (1 99 1) et Haegeman & Zanuttini (199 1 ) et soutenu par Moritz & Valois (1994)
de même que Aquaviva (1994). Dew raisons majeures nous incitent à rejeter cette
hypothèse. D'abord les mots-n sont contraints au domaine de la proposition alors que le
critère négatif prédit un mouvement A'qui lui n'est pas restreint dans son domaine.
Deuxièmement, l'argument des contraintes d'îlots pour appuyer le mouvement A' étayé
par Zanuttini (199 1 ) et Haegeman & Zanuttini (199 1) et soutenu par Moritz & Valois
(1 994) n'a pas de poids du fait que les mots-N ne leur obéissent pas tout comme les
ÉPN qui eux sont des éléments qui demeurent in situ. Nous jugeons donc que cette
argumentation est inappropriée pour justifier un mouvement A'. Dans le chapitre 4, nous
appuyons plutôt l'hypothèse d'un mouvement A-
L'EFFET DE CONCORDANCE EN QUÉBECOIS
4.1 L'effet de concordance en FQ
Suivant les conclusions des chapitres 2 et 3, la variation dans l'interprétation de la
négation en FQ et en FS ne peut pas se traduire en termes structuraux. En effet, le ne est
tête et le pas est spécifieu.dans les deux grammaires; il est donc impossible de rendre
compte des différences syntaxiquement. Par conséquent, nous rejetons l'analyse de type
structural, plus précisément le Critère de Négation postulé par Zanuttini (1991) et
Haegeman & Zanuttini (199 1 ) puis adapté par Moritz & Valois (1994) pour le français.
Nous préférons un modèle de type modulaire dans lequel la variation se situe dans le
lexique tel que postulé par le Programme Minimaliste. Dans notre hypothèse,
l'interprétation sémantique et la structure interne du DP sont significatives. Les mots-N
sont donc des DP indéfinis [-nég], cf Ladusaw (1992) et Déprez (1995, 1996), dont
l'interprétation se rapproche de celle des numéraux. Ces mots-N sont légitimés par la
montée du quantifieur, cf Kayne (1984), Homstein (1999, Lasnik ( 1995), Déprez
(1995, 1996). Le cumul des mots-N dans une même proposition est traité quant à lui par
un processus de formation de paires de quantifieurs a la May (1 W),CE Déprez (1 995,
1996). De plus, nous supposons qu'il existe plusieurs syntagmes fonctionnels dans
l'arbre qui permettent de représenter les différentes positions que la négation (lepas en
français) peut occuper dans la phrase, cf Aquaviva (1995). Par conséquent, nous
n'adhérons pas à l'hypothèse de Pollock qui stipule qu'il existe un noeud unique pour
accueillirpas, c'est-adire NegP.
Examinons maintenant, comment nous analysons la négation en FQ dans ce modèle.
Dans chacune des sections cidessous, au risque de nous répéter, nous résumons
brièvement les conclusions auxquelles nous sommes arrivée dans les chapitres
précédents, ceci afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble de la problématique de la
négation en FQ.
4.2 Pas, ne et les mots-N en FQ
4.2.1 Ne
Nous avons déduit que le ne du FQ est, malgré son absence marquée à l'oral, toujours
présent dans la grammaire'5, cf Milner (1979) et Vinet (1982). Et ce, parce que les
locuteurs du FQ acceptent aussi les structures avec le ne, cf. Lemieux (1982)' Di Sciullo
& Tremblay (1 996) et Vinet (1982). De plus, le ne du FQ conserve, tout comme le pas,
le même statut catégoriel que son homologue en FS. Il est tête, cf. Pollock (1989),
Déprez (1 995,1996) et Aquaviva (1995:94).Cependant, il ne porte pas le trait [+nég]
étant donné qu'il ne peut pas légitimer un ÉPN, cf Di Sciullo & Tremblay (1996) et
Guy & Vinet (1996).
(102) *Elle ne voit quoi que ce soit.
Par conséquent, les analyses syntaxiques qui proposent l'accord Spec-Tête pour rendre
compte de I'EC, cf. entre autres Zanuttini (199 1), Zanuttini & Haegeman (1 99 1), Laka
(1990), Moritz & Valois (1994), Progovac (1994), Valldùvi (1994), sont inadéquates.
.-
- = Nous sommes consciente qu'une recherche plus approfondie sur la question du ne est nécessaire. mais
faute de temps et d'espace, nous nous la réservons pour d'autres travaux.
4.2.2 Pas
Dans le cadre d'une analyse stmchirale, Moritz & Valois (1994) ont proposé pour le FQ
que le pas soit analysé en tant que tête puisqu'il peut apparaître en cooccurrence avec
des rn0tç-N. Or, nous réfutons cette analyse; premièrement, parce que lepm ne bloque
pas le mouvement du verbe tel que le prédit la contrainte sur le mouvement de tête, cf.
Travis (1984); et, deuxièmement, parce que les constructions du FQ demient être
sensibles aux contraintes d'îlots, comme toutes les têtes le sont, ce que nous n'avons pas
observé. Par ailleurs, on a remarqué que le par du FQ occupe la position de spécifieur
pour différentes projections et qu'il peut être modifié. Par conséquent, nous concluons
que lepas du FQ est spécifieur, cf. Hirschbühler & Labelle (1993) et Déprez (1995),
comme l'est lepas du FS, cf. Pollock (1989),Rizzi (1990),Acquaviva (199594) et
Déprez (1995, 1996).
4.2.3 Les DP indéfinis
A première vue, les mots-N possèdent des propriétés similaires à celles des ÉPN
(quantifieurs existentiels). Mais, comme nous l'avons démontré dans la section 2.4,
lorsque nous les observons attentivement, les mots-N different de ces derniers. En effet,
ils se trouvent dans des contextes propres aux quantifieurs universels (terme fort) tel
qu'en position isolée ou modifiée par l'adverbe presque. Cependant, Déprez (1995:4 1,
1996:13) a remarqué, à juste titre, que presque peut aussi modifier des termes faibles.
De fait, les DP numéraux peuvent être modifiés par ce type d'adverbes. Ils sont alon
identifiés à des quantifieurs faibles par Milsark (1974) et à des indéfinis par
Diesing( 1992).
(1 03)
Il y a presque 200 personnes qui viennent à chaque année.
Ainsi, ce test n'est pas pertinent pour conclure que les mots-N sont des quantifieun
universels. Par conséquent, nous choisissons d'assimiler les mots-N aux indéfinis
(quantifieur faible) suivant la proposition de Diesing (1W ) , également soutenue par
Déprez ( 1995, 1996). Qui plus est, les mots-N ont la possibilité d'apparaitre dans des
contextes ou l'effet de définitude (defniteness effeci) s'applique, alors que l'insertion de
véritables quantifieurs universaux est exclue, cf Déprez (1996:14).
(1 04) a.
II y a personne a la maison.
b.
*Il y a chaque personne / tout le monde a la maison.
c.
Il reste rien dans le réfrigérateur.
d.
*II reste tout !chaque chose dans le réfrigérateur. l6
Nous privilégions par conséquent l'hypothèse du quantifieur faible et non fort comme le
sont les quantifieurs universels, cf. Ladusaw (1992) et Déprez (1995, 1996:14). De plus,
nous supposons qu'ils ne portent pas de traits négatifs inhérents puisqu'ils ne peuvent
pas légitimer ~'ÉPN.11 s'agit par conséquent de DP indéfinis [-nég], cf Ladusaw
(1992), Acquaviva (1995:96) et Déprez (1 995, 1996), qui possèdent des propriétés qui se
comparent à celles des numéraux. D'autant plus que, en tant que DP numéral, ils
Ce test est Iégitirnement remis en question par J.-M. Léard puisqu'il est possible de dire:
1
a. II y a tout le monde dans le jardin.
b. II y a personne dans le jardin.
Toutefois, il nous est actuellement impossible d'expliquer ces faits qui semblent liés ici à un contexte
particulier puisque la modification de l'objet locatif n'entraîne pas nécessairement une acceptabilité:
u
*II y a tout le monde à/dans Paris.
Nous laissons cette question en suspens pour des recherches ultérieures.
l6
peuvent avoir deux interprétations possibles; forte ou faible. L'interprétation forte
engendre la montée du quantifieut (dorénavant MQ) (Quantifier Raising),cf Kayne
(1984) et Déprez (1995,1996). Ce processus permet la légitimation des mots-N. Ainsi,
voilà un autre argument qui va à l'encontre de l'hypothèse de I'EC. soit l'accord
Spécifieur-Tête. Nous verrons plus loin, à la section 4.5, les implications de cette
proposition. Mais d'abord, voici la structure sous-entendue du DP indéfini numéral.
On observe, dans cet arbre, le mouvement de personne vers la tête D. Cela lui permet
d'incorporer le numéral zéro. Ceci n'a rien d'étonnant puisque rien et personne
possédaient un sens positif jusqu'au
( 199 1:261),
siècle, cf Jespersen ( 19l7:21), Muller
Bréal 1900 cité dans Hom ( l989:453-W) et aussi Aquaviva ( 1995:9617).
Ce mouvement leur a donc permis d'acquérir les propriétés de pronom indéfini à valeur
zéro. L'interprétation positive toutefois n'a pas complètement disparu. En effet, on
observe que les mots-N en FQ et en FS ont un comportement ambivalent; ils peuvent
" Parallèlement au fiançai% Acquaviva (1995:94) a observe dans cenains dialectes de l'allemand d'une
époque antérieure (en moyen haut allemand) que les coostructions a EC constituaient la norme. On en a
même retrouve dans la Littératurejusqu'au
sikle.
i
a. Das disputirt ihm rziemand ni ch^. (Schiller)
En ce qui concerne cela, personne ne le confionterait. (traduction iibre)
b. Keine Sorge brauchst Du ni& fbr mich pi haben (Goethe)
Tu n'as pas besoin de t'inquiéter pour moi.(traduction Iibre)
Les exemples sont de Paul (1959, Deutsche Grammatik, Band IV. Niemeyer, Halle (5& edition)) cite dans
Aquaviva (199594).
11 n'est pas surprenant,en effet, de retrouver encore aujourd'hui des reliques de I'EC d'états antérieurs.
dans cettains diaiectes allemands tout comme dans certains dialectes du français.
être utilisés soit en tant que nom positif (lO4a) et ( 1 0 4 ~comme
)~
en moyen français, soit
en tant que pronom indéfini numéral (106b) et (106d).
(1 06)a. Un rien I'efiaie.
b. Rien ne l'chie.
c. Une personne est venue.
d Personne n'est venu. (exemples de Guy & Vinet 1996)
II est toutefois essentiel que personne et rien en tant que constituant nominal aient une
catégorie D spécifiée. De fait, Longobardi (1 994:620) affirme qu7«une expression
nominale est un argument uniquement si elle est introduite par une catégorie D N, cf
Acquaviva (199579).Avec cette interprétation, la structure interne du DP ne comporte
pas d'indice de déplacement du nom puisque ce dernier demeure in situ et que la
position D doit être vacante pour accueillir un déterminant.
iine
personne
Par ailleurs, on observe un parallélisme frappant entre le comportement des mot& et
celui des DP numéraux. Ces similitudes renforcent la correspondance entre les deux. En
effet, non seulement, les DP numéraux peuvent apparaître en isolation comme les mots-
(108) a. As-tu des enfants? Deux filles, pas de garçon.
b. Veux-tu me dicter les domees? Trois Allemands, zéro Norvégien, deux
Chinois...
mais encore, l'interprétation négative des mots-n en réponse à une question s'explique
tout naturellement par le processus d'incorporation avec le numéral zéro (voir cidessus).
Aussi, Déprez (1995) a obsené une corrélation entre les contextes de
grammaticalisation des mots-N et les SN bruts (baresNPs). De fait, l'apparition des
mots-N sans déterminant se produit dans les contextes propres aux pluriels bruts dans la
grammaire du f h ç a i s du
siecle; et, selon Diesing (1992:16)' les SN bruts sont des
NP indéfinis qui n'ont pas besoin de déterminant manifeste. L'introduction des mots-N
dans ces contextes s'est effectuée au moment ou I'utilisation des pluriels bruts cessait
d'être productive, soit vers la fin du XW? siècle. Ainsi, la grammaticalisation des mots-
N a été rendue possible, d'abord par la perte des traits de genre et de nombre,puis par
l'incorporation de la tête lexicale dans le déterminant indéfini vide. Effectivement, tous
les DP indéfinis en français moderne doivent être précédés d'un déterminant que ce soit
les indéfinis pluriels, les noms de masse (mass noun) ou les indéfinis négatifs, à
l'exception des numéraux, cf Déprez (199549 et suivantes). Par conséquent, il n'est pas
surprenant d'assimiler les mots-n aux indéfinis à caractère numéral et de suggérer la
structure du DP en (105)' sans déterminant comme dans les SN bruts. De plus, il est à
noter que ce processus de grammaticalisation n'est propre qu'à certains items du lexique
et non pas à tous les noms. 11n'est donc pas question de généralisations. Nous attribuons
donc cette pariicd arite à rien et personne.
4.3
Le processus de formation de paires de quantifieurs
Qu'advient-il de I'EC? Pour expliquer I'EC en FQ et en FS, on a recours à un processus
sémantique de formation de paires d e quantifieurs (dorénavant FPQ), cf Scha (198 1)
et May (1989). Les quantifieun absorbés sont en réalité le résultat de la combinaison de
deux quantifieurs simples en un seul quantifieur complexe (n-many unary quantifien s
n - a q quantifier) (Déprez 1995, 1996). Ceci permet aux quantifieurs de préserver la
valeur logique de la négation Soit l'exemple suivant:
(109) Personne n'a rien vu.
zéro <x, y> lpersome x] [rien y] x a vu y
Si on examine la phrase en (log), nous supposons que les motçn signifient zéro
personne et zéro chose, c'est-à-dire qu'ils sont assimilés à un numéral. L'EC en français
est alors aisément analysable. L'application du processus de FPQ fournit ainsi une
lecture à EC et non pas à DN.Dans une phrase tel qu'en (1 1Oa), I'EC provient de la
lecture de paire de quantifieurs entre les DP numéraux. Pourtant, on n'obtient pas cette
interprétation en ( 11Ob).
(1 l O) a. Personne n'a rien mangé. (EC)
b. Pas une personne n'a rien mange. (DN)
La FPQ est tout simplement impossible en (1 lob) puisqu'ii n'y a pas de parallélisme
entre les quantifieurs. Effectivement, le constituant sujet contient une négation alors que
rien est un numéral. Par contre, si on choisit l'analyse syntaxique, cf Zanuttini (1991)'
Moritz & Valois (1994), l'absorption sémantique n'est pas exclue en (1 lob). Or, lYEC
n'est pas une interprétation possible. Un des objectifs essentiels du PM, c'est-à-dire
l'adéquation descriptive, n'est pas observé ici puisque l'analyse ne peut rendre compte
des faits en français.
Maintenant, comment pouvons-nous expliquer les constnictions en FQ qui ont une
lecture négative et dans lesquelles les mots-N en début de proposition (negorive
fionting) peuvent s'associer librement àpas qui porte le trait [+dg]? Est4 toujours
question de parallélisme? Est-ce le mot-N ou le pas qui est en jeu? Or, nous savons
pertinemment que lepas est restreint au domaine du participe passe (section 2.2.1).
Mais, malgré cette dernière affinnation, nous croyons que c'est le statut dupas qui est
ici détem'nant. Effectivement, il agit commejamais e t p h , en ce sens qu'il peut se
trouver en début de phrase suite à un déplacement, cf Vinet (1996). Ceci est corroboré
dans les correspondances suivantes.
(1 11) a. Pas personne a été choisi.
b. Le professeur a pas choisi personne.
c. *Le professeur a choisi pas personne.
La foxme active de la phrase passive en (1 l la) est ininterprétable si on h è r e pas en
position de négation de constituant tel qu'en (1 l 1c). Or, on sait que pas peut être
négation de constituant puisqu'il peut modifier un adverbe ( 1 l2a) ou des formes dont le
rôle est de marquer le focus comme même et un seul (1l2b), cf. Vinet (1996).
(1 12) a. Elle voit un pas ben bon médecin.
b. Alice a écrit pas une seule page depuis une semaine.
Par conséquent, si lepas de l'exemple (1 l la) n'est pas une négation de constituant,
l'autre possibilité est d'être analysé en tant que négation de phrase. C'est donc ce que
nous postulerons p u r les structures où le pas se trouve devant le sujet (negative
fionring). Aussi, on doit pouvoir trouver une projection fonctionnelle dans cette
position. Passons donc immédiatement à la problématique de la représentation de la
négation dans l'arbre.
4.4
Les projections fonctionnelles
Plusieurs études ont suggéré diverses positions dans la phrase pour représenter les
structures possibles contenant la négation dans différentes langues. Entre autres,
Chomsky (1989)stipule que la négation se trowe entre AgrP et TP;Laka (1990:86,98),
propose pour le basque une négation au-dessus de IP dans une projection fonctionnelle
qu'elle appelle Z (ce qui lui permet de rendre compte, entre autres, des constructions
impératives) et Zanuttini (1991)l'insère, tout comme Laka, en position préverbale et
ajoute une autre position pour rendre compte du pi5 en italien. Voici en bref, les
différentes positions suggérees pour la négation:
(113)
IPNégI
Nég P
Nég IP
I
V
(Chomsky1989)
V
(Laka 1990)
Nég V
(Zanuttini 199 1)
Acquaviva (1995:81)les intègre toutes. Chacune d'elle est une projection fonctionnelle
qui peut accueillir des adverbes négatifs ou des marqueurs de négation.
(1 14) a. Nég V Nég V Nég V
b. FPI V FP2 V FP3 V (Acquaviva l995:8 1)
Les multiples réalisations syntaxiques dans une même phrase proviennent par contre de
l'interprétation d'un seul objet. Aussi, au moins une de ces projections fonctionnelles
doit contenir un opérateur de négation tête. Maintenant, si on adopte cette hypothèse, il
est alors essentiel de postuler que la tête ne en h ç a i s est toujours présente même si on
ne la réalise pas toujours; ce qui conf~rmenotre hypothèse du ne sous-jacent. Nous ne
précisons pas davantage, mais nous supposons qu'il doit apparaître avant l e p , cf
Hirschbuhler & Labelle (1993) pour une discussion plus approfondie. Aussi, en FS et en
FQ, FP3 correspond a la position dupas adverbe de phrase situé entre le verbe te&
et
le participe passé. Voila pour les cas sîmples. Maintenant comment analyserpas en tant
qu'adverbe de phrase, et l'insérer en début de proposition (negutivefronting) en FQ?
Nous postulons quepas dans ce cas précis se place en FPI suivant Acquaviva (1995:84).
Voici son hypothèse:
La négation de phrase est un opérateur négatif booléen 7 qui se réalise
syntaxiquement en tant que projection fonctionnelle avec des traits formels
négatifs: FP.FP peut, en principe, apparaître n'importe où, mais tout en
observant les contraintes morphologiques [de la grammaire en question]. La
négation de phrase correspond à la stnicture dans laquelle l'opérateur de
négation est au-dessus de la portée existentielle 131. Pour obtenir cette
interprétation, FP doit apparaître plus haut que VP en FL.
La variation selon Acquaviva se trouve donc dans les diverses réalisations de la
négation. Ainsi, nous supposons qu'en FQ, il est possible de réaliser lepas adverbe de
phrase en FPl alors que cette option est exclue de la grammaire du FS. Cette propriété
se traduit en termes de traits. Par ailleun, il n'y pas d'objection à intégrer un FP audessus de CP puisque cette position est accessible pour légitimer un ÉPN, cf Acquaviva
(1 995:85).
(1 15) a. Not that John had uny idea of where he was going.
b. Pas que John n'ait aucune idée d'où il allait.
(116)
Pasquejesache.
Qui plus est la projection fonctionnelle peut dominer les DP et ainsi représenter la
négation de constituant. Cette analyse nous semble plausible puisqu' elle parvient a
rendre compte du phénomène de la négation en FQ et en FS et de la variation dans le
lexique entre les deux grammaires.
4.5 La montée du quantifieur
Définissons premièrement la notion de quantifieur. On appelle quantifieur tout élément
qui n'a pas de référent dans l'univers du discoun. On l'oppose à l'expression-l qui est
référentielle. Soit la phrase suivante:
(1 17) Alice a vu quelqu'un.
AIice est une expression-R qui renvoie à une entité spécifique alors que queïqu Ln est
sans référent. L'argument complément du verbe est alors une variable puisqu' en fait
Alice peut avoir vu n'importe qui. Cette variable peut ainsi porter différentes valeun.
Par ailleurs, elle doit être liée a un quantifieur. Ces quantifieun ou opérateun doivent se
déplacer en FL pour déterminer la portée qu'ils ont sur la phrase. En bref, un
quantifieur est un élément qui doit être lié à une variable et qui doit occuper une
position dans laquelle il peut assigner la portée en FL. Ceci nous permet maintenant de
comprendre pourquoi il est nécessaire que les mots-N subissent un mouvement pour être
légitimés dans la phrase; ils sont des quantifieurs. Aussi, nous privilégions l'hypothèse
de la montée du quantifieur (MQ) au mouvement quo. Voici maintenant en quoi consiste
la MQ.
Dans le cadre du Programme Minimaliste, cf Chomsky (1995), la MQ consiste en un
mouvement non manifeste a l'interface de la FL du trait [+quant], cf Chomsky
(1995:377). La MQ se produit à l'intérieur de la proposition, le mouvement n'est donc
plus limité à IP et il s'adjoint à une catégorie que nous ne spécifierons pas ici ( ce
pourrait être v, T ou encore AGR).La MQ est analysée en tant que mouvement A; ce qui
appuie notre cheminement analytique puisque c'est ce que nous avons observé pour
I'EC en FQ. Ce type d'hypothèse a déjà été proposé par Déprez (1995,1996). Selon elle,
I'EC s'exprime par un mouvement A vers Spec ~gro'*
en K. Ce qui engendre la
restriction sur le domaine de même que les conbaintes d'îlots et le PCV.Le mouvement
de tour à gauche en français constitue une construction parallèle a celle du quantifieur
rien où on observe le même mouvement à gauche (voir cidessous le tableau des
contextes communs). On remarque que ces deux structures possèdent un déplacement
dont les propriétés sont apparentées aux mouvements A. Ainsi, il s'agit d'une relation
strictement locale, cf Déprez (1995). Il est donc impossible de retrouver les constituants
dans des positions A': c'est-à-dire soit à l'extérieur de la proposition soit dans Spec CP.
C'est exactement ce qui ressort de l'exemple suivant:
(1 18) a. Ces objets d'arts que Jean a *tous dit *tous que Mane avait tous vendus
I
A'
I
AI
I
A
I
A
b. Ces objets d'artsi [opi que [ Jean a [tous ti [ dit [Cp tous, que [ Marie avait
*
,.[
tous t, [ vendus t, ]]]]]]]] (Déprez 1995)
De plus, le tout ne peut se déplacer à l'extérieur de la proposition infinitive; ce qui
confirme les limites du domaine.
(1 19) *J7aitout su avoir lu.
(120) *J'ai tout regretté de lire.
(1 21) *Je n'ai rien regrené de voir.
(122) *J7aitout forcé Jean à lire.
" Nous mentionnons ce ditail à titre indicaiif. Cependant, il impone peu, pour l'instant, de spécifier la
position hôte. L'important est de préciser qu'il s'agit d'un mouvement A en EL.
(1 23) *JYaitout pennis à Jean de lire. (Milner 1982)
Mais, il existe certains contextes qui font exception. Le tout peut se retrouver hors de la
proposition dans des conditions spécifiques. Ces contextes sont également communs à
tout et àpersonne et rien qui sont légitimés exceptionnellement par le ne qui se trouve à
l'extérieur de l'infinitive.
Compléments infinitivaux de verbes modaux
il a tout pddu voir.
Il n'a pas pddu voir personne.
(Tl a rien pu voir.)
On ne peutldoit parler de rien ici.
Cornpl éments de verbes du type de vouloir (verbe à restructuration (Déprez
1995))
Il a tout voulu voir.
Il ne veut voir personne.
(II a rien voulu voir.)
Complérnenîs infinitivaux de verbes causatifs et de perception
Ils lui ont tout faitfvu dire.
Ils ne l'ont fait'vu parler à personne.
(Ils lui ont rien fait dire.)
Compléments de petites propositions
Je les ai tous considérés stupides.
Je ne considère personne stupide.
II a tout trouvé passionnant
Il ne trouve penonne intéressant.
(Il a rien trouvé intéressant.)
II ne trouve rien à son goût.
J'ai tout estimé dangereux.
Je n'estime aucun de vous coupable.
Par conséquent, nous concluons que les constnictions avec les rn0ts-N et aussi les
phrases avec rouf font appel au même processus; c'est-à-dire la MQ, cf Homstein
(1995) et Lasnik (1995). Le fait que les constructions avec tour à gauche et celles avec
les quantifieun sont également sensibles pareillement au domaine de la proposition, que
les mêmes exceptions sont observées dans les deux consmictions et finalement que rien
se comporte exactement comme le constituant tous quand il se déplace a gauche
constituent des évidences patentes en faveur de la MQ, cf Déprez (1995, 1996). La
seule différence observée entre rien et personne est syntaxique et elle s'explique par le
déplacement de rien avant le point de rupture (spell-out)alors que personne n'effectue
le mouvement qu'en FL,cf Déprez (1995). De plus, cette analyse corrobore les
contraintes sur le domaine auxquelles les mots-N sont soumis puisque effectivement il
s'agit d'une position A et que cela implique nécessairement qu'ils soient restreints au
domaine de la proposition. Cette hypothèse s'oppose au modèle de Zanuttini (1 99 1)
puisque I'EC en fiançais ne fait jamais appel au mouvement A'. Ceci implique que des
phrases du type de (124) et (125) ne peuvent plus s'expliquer en ternes de contraintes
d'îlots car les déplacements ne se font pas à l'extérieur de la proposition.
( 124) a. Pierre est ici, ce qu'ils savent.
b Pierre est ici ce qu'ils ne savent pas.
(125) a. Pierre est ici, comme ils Ie savent
b. *Pierre est ici, comme ils ne le savent pas. ( R i z i (1990a), cité dans
Haegeman ( 1995))
Pour en finir avec les mots-N!
En conclusion, nous proposons que les mots-N puissent 5tre d'une part des noms positifs
obligatoirement accompagnés d'un déteminant auquel cas nous postulons la
représentation du DP en (108) ou d'autre part des DP indéfinis numéraux [-nég]
(quantifieur faible) avec la représentation en (106). Nous observons premièrement,
qu'on les associe aux quantifieun faibles (indéfini) puisqu'ils peuvent être soumis à
l'effet de définitude (definiteness effect) contrairement aux quantifieun forts
(universels). Deuxièmement, ils s'apparentent aux numéraux car, tout comme ces
demien, ils peuvent apparaître en isolation. Troisièmement, les raisons pour lesquelles
les DP indéfinis numéraux ne sont pas précédés d'un déterminant deviennent évidentes
quand on observe leur évolution diachronique en corrélation avec celle des SN bruts.
Notons que cette explication eR valable aussi bien pour le FS que pour le FQ. De fait,
les mots-N ont tranquillement pris la place de ceux-ci qui sont, par définition, des
indéfinis sans déterminant manifeste, cf Diesing (1992:16).Qui plus est, seuls les
numéraux de tous les DP indéfinis en français actuel ne sont pas précédés d'un
déterminant. Enfin, nous proposons que les mots-N soient légitimés par le processus de
MQ. En effet, la comparaison du mouvement de tous a gauche et du déplacement de
rien nous a permis d'établir un parallélisme entre les deux. On a observé la même
sensibilité au domaine de la proposition, des exceptions identiques et le même
mouvement. Par conséquent nous concluons qu'il s'agit du même processus, c'est-à-dire
la MQ.
Par ailleurs, I'EC provenant du cumul des mots-N s'explique par le processus de FPQ à
la May (1989), cf. Déprez (1 995). Quant à la négation de constituant et la négation de
phrase ( aussi le negaiivefiontzng), c'est la représentation dans l'arbre qui en rend
compte. Ainsi, nous postulons qu'il existe au moins deux positions FP dans lesquelles la
négation de phrase pm en FQ s'insère; soit FP 1 (negativefionting), voir Aquaviva
(1995), soit FP3 sa position habituelle en français. FP peut également dominer un DP
pour exprimer la négation de constituant.
CONCLUSION
5.1 Conclusion
En conclusion, nous avons présente une étude des faits de l'effet de concordance (EC)
en FS et en FQ. Nous avons mis à l'épreuve deux modèles divergents proposés
actuellement en recherche; les analyses structurales et i'analyse modulaire. Le premier
chapitre consiste essentiellement à décrire brièvement le cadre théonque dans lequel
nous travaillons, c'est-à-dire le Programme Minimalide. Dans le chapitre 2, nous avons
présenté des faits qui nous incitent à croire que lepas et le ne se comportent de ia même
façon en FQ et en FS, c'est-à-dire que le statut syntaxique de ces éléments ne varie pas
d'une grammaire a l'autre contrairement à ce que Moritz & Valois (1 994) ont proposé.
Ainsi, pas est toujours spécifieur et ne est toujours tète. De plus, nous avons observé le
comportement ambivalent des mots-N pour conclure qu'ils ne sont ni des ÉPN ni des
éléments négatifs. Dans le chapitre suivant, nous avons analysé les différentes
suggestions qui ont été proposées pour expliquer le phénomène de 17EC.On a vu que les
analyses syntaxiques telles que l'incorporation, les contraintes d'ilots et l'effet d'opacité
de R i n i (1982,l WO), le syntagme NegP de Pollock (1989)' le critère négatif de
Haegeman et Zanunini (1991) et enfin l'absorption sémantique, cf. Higginbotham &
May (1981 ), ne rendent pas compte adéquatement de I'EC en FQ. Aussi, les
constructions comportant la séquence [...de NJ ne justifient pas une analyse de type
structural, malgré l'argumentation de Moritz & Valois (1994). Par ailleurs, nous avons
observé que les mots-Nsont contraints au domaine de la proposition ce qui n'est pas le
cas si on postule un mouvement A' tel que dans le critère de négation, cf Zanuttini
(199 1) et Haegeman & Zanuttini (1991). Bref, nous rejetons les analyses de type
syntaxique.
Ces observations nous ont donné l'occasion d'explorer une autre voie, c'est-à-dire celle
de l'analyse modulaire. Nous adoptons plus précisément l'analyse de Déprez (1995,
1996) avec quelques modifications. Dans cette analyse, le ne est toujours présent en FS
et en FQ même s'il n'est pas toujours réalisé. Aussi, il ne porte pas de traits négatifs
puisqu7i1ne légitime pas les ÉPN.Quant aupas, il est toujours spécifieur. Les mots-N,
pour leur part, sont associés à la catégorie des DP indéfinis [-nég] avec une
interprétation qui se rapproche des numéraux par un processus d'incorporation avec le
numéral zéro. Ce rapprochement permet d'expliquer aisément les mots-N en isolation.
On les associe aux indéfinis puisqu'ils sont soumis à l'effet de définitude (defini~eness
efeci). De plus, on a justifié l'absence de déteminant par l'introduction des mots-N
dans les contextes des SN bmts qui eux-mêmes ne nécessitaient pas de déterminant. Les
mots4 sont donc des termes faibles qui, comme les DP numéraux, ont deux
interprétations possibles. L'interprétation forte engendre la MQ, ce qui leur permet
d'être légitimés. Le parallélisme entre tous, reconnu pour obéir à un mouvement A, et
rien, un mot-N, confirme qu'il s'agit bien de la MQ. Par ailleurs, on a remarqué que les
mots-N possédaient un sens positif dans un état de langue antérieur et l'on trouve encore
cette interprétation aujourd'hui. Aussi, pour exprimer ces deux possibilités (indéfini et
SN positif), on fait appel à deux structures différentes du DP en (1 06) et en (108)
suivant le modèle proposé par les travaux de Déprez De plus, la formation de paire de
quantifieun permet de rendre compte de I'EC. Par ailleurs, pas peut dominer les DP
pour exprimer la négation de constituant.
Nous ajoutons que la négation en début de proposition (negafivefionfing)est possible
puisqu'il existe une position accessible. De fait, pas est une négation de proposition qui
peut s'introduire dans au moins dew positions différentes dans l'arbre, cf Acquaviva
(1995), contrairement à Pollock (1989) qui avait proposé une seule position L'une
d'elle se trouve au-dessus de CP et l'autre entre le verbe tensé et le participe passé.
Ainsi, nous avons vu que les grammaires du FQ et du FS possèdent des traits qui
permettent le cumul des mots-N alors que seul le FQ possède I'EC entre pas et un ou des
mots-N et la négation en début de proposition (negotivefionting). Par ailleurs, on sait
que le phénomène de 1'EC n'est pas unique au FQ, puisqu'on le trouve également dans
plusieurs langues romanes.
Enfin nous tenons à souligner que cette étude représente une étape d m la poursuite de
nos travaux de recherche sur la négation. Nous sommes consciente qu'il existe encore
de nombreux problèmes résiduels à résoudre, notamment en ce qui a trait à la
représentation de ces phénomènes dans la grammaire du FQ. Nous espérons que ces
questions sauront faire l'objet d'une recherche plus approfondie dans un avenir
prochain.
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