THÉÂTRE
Claudel et Brecht
dans
l'espace
«L'Échange » sur un immense parquet
et « l'Opéra de quat'sous » sur un plateau trop grand,
Vitez et Strehler n'ont pas peur du vide
Larolisse
À L'ORDRE
DU JOUR
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LES IiIANÇA: QUI SONTTLE ?OU VONT-ILE?
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Quatre livres actuels pour sai-
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monde terriblement vivant.
chaque volume broché (17 X 22,5 cm)
Deux grands classiques de notre temps au
programme : Claudel et Brecht. On a voulu les
rapprocher quand tout les sépare. Et d'abord
les dates. Ecrit en 1895, « l'Echange » baigne
encore dans le symbolisme. C'est la pièce d'un
jeune homme, tout imprégné de Rimbaud.
,Louis Laine est à la ressemblance de l'Homme
aux semelles de vent. Mais en face de lui :
Marthe la fidèle, Léchy Elbernon, la bohé-
mienne artiste à moitié ivre, Thomas Pollock
Nageoire, le businessman presbytérien, lut-
tent à égalité. Ce quatuor tragique où chacun
s'exprime en longs monologues, pareils à des
solos de Wagner, est dur à percevoir à première
audition, tant il est riche de digressions. A lire
avant de voir jouer.
D'autant plus qu'Antoine Vitez ne nous faci-
lite pas la tâche. En choisissant pour décor
(Yannis Kokkos) un immense parquet en
pente, que domine un grand chêne, il est obligé
de disperser ses quatre protagonistes. Eprou-
vant le besoin de « distraire » le spectateur, il se
croit même obligé de faire grimper à l'arbre
Léchy, malgré ses longues jupes, et de faire
descendre des cintres, à la fin, un cheval mort
qui, selon les indications de Claudel, doit ra-
mener le corps du jeune révolté... On ne com-
prend pas très bien non plus pourquoi Vitez a
imposé un débit si monotone à Dominique
Reymond (Marthe) et à Andrzej Seweryn (Pol-
lock Nageoire) et un style plus expressionniste
à Jean-Yves Dubois (Louis Laine) et à Claude
Degliame (Léchy Elbernon)... Ces questions
pour comprendre pourquoi, dans d'autres re-
présentations passées, « l'Echange » nous
avait ému davantage. Ceux qui découvrent
• cette belle oeuvre pour la première fois seront-
ils plus sensibles ? On le souhaite pour Clau-
del, pour Vitez, pour ce théâtre de grande
envergure. (Théâtre national de Chaillot.)
Plus facile d'accès, malgré la longueur, cet
« Opéra de quat'sous » est très couru, malgré le
prix excessif des places (de 42 francs à
340 francs). Mais comme Vitez, Giorgi° Stre-
hler a dû composer avec un plateau et surtout
une salle trop grands. Il a voulu remplir cet
espace avec un luxe décoratif auquel il avait
renoncé pour la dernière mise en scène de
Brecht que nous ayons vue de lui, « la Bonne
Ame de Setchouan », résolument abstraite.
Ici, les décors et les costumes, les accessoires—
vieille auto changée en chambre à coucher,
meubles délirants... — ont l'air de combler un
vide. Il n'est pas jusqu'au jeu des comédiens --
Denise Gence, Yves Robert, Jean Beng
-
uigui
en tête — qui ne soit compliqué 'à l'extrême,
sans que tous aient assimilé ce que voulait
Strehler. Mais ce style peut s'affirmer au fil des
représentations.
On ne s'étonnera pas que ce soient les
songs,
surtout quand ils sont chantés par la formida-
ble Milva, qui emportent l'adhésion du public.
La musique de Km-t Weill n'a pas pris une
ride : elle témoigne d'une modernité que nous
ne recherchons plus. Et ce n'est pas seulement
par référence historique et aux années 20 que le
texte de Brecht reste provocant et fort — mal-
gré une traduction lourdingue — quand il met
directement en cause les fondements de la
morale bourgeoise et la toute-puissance de
l'argent... On pourrait craindre que la richesse
décorative et de la mise en scène nuise à ces cris
du cœur. Il n'en est rien. Strehler donne à cette
oeuvre faussement naïve sa dimension d'opéra,
parodique. On le voit bien lorsqu'à la fin il
costume les personnages en figurants
d'« Aida », pour une apothéose ironique et
gaie. Ce grand spectacle serait tout à fait en-
thousiasmant si Strehler n'avait pas voulu —
ou dû ? — utiliser deux comédiens germani-
ques, Barbara Sukowa et Michael H eltau
(Mackie), 'qui, pour parler le français, modi-
fient leur voix et n'arrivent pas à imposer leur
jeu. Milva, peut-être parce que vraie chanteuse
et italienne, s'en tire beaucoup mieux. (Théâ-
tre musical de Paris.)
Prenons un peu de repos en allant voir la comé-
die de Jean Sarment, « Léopold le bien-aimé »,
que Jouvet avait créée en 1927, avant de
connaître Giraudoux. Georges Wilson, qui
l'avait déjà mise en scène pour la télévision, y
joue le rôle d'un colonial revenu au pays, frère
d'un curé (Jean Topart) qui se croit encore aimé
d'une amie de jeunesse (Suzanne Flon),
trompé par une lettre tombée au rebut que lui
rapporte, après vingt-cinq ans, un postier far-
felu (Jacques Dufilho). Il suffit d'avoir lu le
nom de ces comédiens pour comprendre
qu'après soixante ans la pièce de Sarment,
charmante et désuète à souhait, passe encore la
rampe avec succès.
Jean Poiret pourrait passer pour le successeur
de Jean Sarment, à cause du sujet, et de Sacha
Guitry, par la faconde. Il a inventé un person-
nage au moi hypertrophié, dont la femme et les
collaborateurs veulent rabaisser le caquet.
Dans la mise en scène aisée de Bernard Murat,
la pièce de Poiret, « les Clients », plaira à ceux
qui aiment en lui le comédien, plus peut-être
que l'auteur, moins rapide dans l'écriture que
dans le jeu:A ses côtés; Françoise Fabian et
d'autres comédiens, dans des rôles plus atten-
dus partagent son succès de grand public.
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:éâtreEdouard-VII.)
Guy Dturn.u.