L’Usine à GES n° 30 / février 2007 / Dossier Comment faire baisser l’intensité carbonique de nos économies Longtemps, l’on a opposé croissance économique et réduction des émissions de GES. Les chocs pétroliers ont montré qu’il était possible de découpler l’augmentation de la richesse et la consommation d’énergie. Une logique qui doit être réutilisée pour la lutte contre les changements climatiques. Explications. Les travaux scientifiques les plus récents font état de la nécessité de limiter les émissions mondiales de gaz à effet de serre (lire L’Usine à GES n°29) afin de stabiliser leur concentration dans l’atmosphère et ainsi de limiter l’effet de serre. Mais ces recommandations se heurtent souvent à des inquiétudes d’ordre économique : pays développés comme en voie de développement ne souhaitent pas limiter leur croissance en imposant des contraintes environnementales à leurs entreprises. Ce phénomène est d’autant plus important que ces contraintes ne sont pas encore internationales et qu’il en résulte un risque de perte de compétitivité pour les entreprises soumises à des limitations d’émissions. C’est une des explications de la non-ratification du protocole de Kyoto par les États-Unis. Croître en émettant moins Cependant, combiner limitation des émissions de gaz à effet de serre (GES) et « croissance économique correcte » n’est pas impossible. Cela consiste à diminuer l’intensité en GES des économies, c’est-à-dire la quantité d’émissions par unité de richesse produite (usuellement par unité de PIB). Or, une baisse d’intensité en gaz à effet de serre s’observe dans les pays développés depuis plusieurs décennies. Pour le CO2 en particulier, qui représente plus de 80 % des émissions de GES, l’intensité moyenne observée y est passée de 1,4 kg CO2 / US$ en 1971 à 0,6 kg CO2 / US$ en 2003, soit une baisse de 60 % ! Les raisons d’une telle baisse sont diverses. Une première explication est liée à l’évolution de la structure des économies. Une partie des productions industrielles a été délocalisée vers des pays en voie de développement, ce qui a entraîné une baisse des émissions des pays du Nord. Le secteur tertiaire qui a pris le relais n’en est pas moins très hétérogène du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, depuis les activités financières très peu émettrices jusqu’au transport encore très dépendant du pétrole. L’acquis des chocs pétroliers La deuxième explication à la baisse des intensités en CO2 des économies développées depuis 1950 est d’ordre énergétique. Les chocs pétroliers de L’Usine à GES n° 30 / février 2007 / Dossier 1973 et 1976, en particulier, ont fait prendre conscience de la dépendance des économies envers les ressources d’énergie fossile, sur lesquelles s’était basé jusque là leur développement. Les réponses à cette constatation ont été variables : programmes d’économies d’énergie, changement de structure de production électrique… sans compter les effets sur les modes de production industriels qui ont globalement permis d’améliorer l’efficacité énergétique. En France par exemple, des campagnes d’économie de l’énergie se sont doublées du choix politique de produire de l’électricité à base d’énergie nucléaire, qui assure aujourd’hui 80 % de sa production électrique. Ces évolutions ont été plus ou moins suivies dans le temps. Ainsi le tableau suivant montre que la baisse des intensités en CO2 s’est atténuée dans les dernières années aux Etats-Unis et surtout au Japon : Evolution de l’intensité en CO2 d’origine énergétique (CO2 / PIB) Ces baisses inégales des intensités en CO2 des grandes économies mondiales sont à rapporter aux niveaux initiaux. Ainsi, l’intensité en CO2 japonaise, en 1950, était deux fois moindre par rapport à celle des pays de l’Union des 15. Ces derniers ont néanmoins réussi à atteindre des niveaux d’intensité parmi les plus bas. Le cas des pays européens est à ce titre intéressant puisqu’à la forte baisse des intensités en CO2 s’ajoute une forte convergence de ces mêmes intensités en CO2 (voir graphique). Pourtant, les politiques communes de lutte contre le changement climatique, et en particulier le marché européen d’échange des quotas de CO2, n’ont été mises en place que récemment. Diminuer le contenu carbone Ces évolutions à la baisse des intensités en gaz à effet de serre n’ont pas été suffisantes pour compenser la hausse des productions nationales. Ce sera dorénavant tout l’enjeu de la lutte contre le changement climatique que de proposer des mesures pour diminuer le contenu en carbone de l’économie ; diminution qui devra compenser, par ailleurs, les facteurs de hausse des émissions, à savoir la croissance démographique et le niveau de développement. D’où la nécessité de promouvoir de nouvelles technologies L’Usine à GES n° 30 / février 2007 / Dossier afin d’introduire une rupture dans nos modes de production et de consommation et ainsi de diminuer leur impact sur les émissions de gaz à effet de serre. La mise en place d’outils communs d’action dans le cadre du protocole de Kyoto et du système d’échange de quotas de CO2, ou encore la définition d’une politique énergétique liée aux engagements communautaires en matière d’émissions de gaz à effet de serre permettront de renforcer les bons résultats obtenus par l’Europe. Cependant le réchauffement climatique est un enjeu mondial qui nécessitera des engagements internationaux contraignants. Anaïs DELBOSC