CCNM/GF/COMP/WD(2002)12
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La Tunisie qui a opté irréversiblement pour l’économie de marché basée sur la libre concurrence
et ce en vertu de ses engagements internationaux, a subi à l’instar des autres pays émergeants un coût
social élevé se traduisant notamment par la liquidation de 37 entreprises publiques irrécupérables et par la
compression de milliers de postes d’emploi soit dans le cadre de la privatisation de certaines entreprises
publiques soit dans le cadre de la restructuration des entreprises publiques en difficultés.
Par ailleurs, les pays en développement comme la Tunisie sont-ils protégés et ont-ils les moyens
de se protéger de la concurrence déloyale de certains produits des pays développés, et des comportements
anticoncurrentiels exercés par certaines des entreprises de ces mêmes pays sur les marchés des pays en
développement?
Et même dans les cas où cette concurrence déloyale comme le dumping et où ces comportements
anti-concurrentiels comme la distribution sélective et même exclusive sur les marchés des pays en
développement sont constatés et vérifiés, ces derniers ont-ils les moyens de sanctionner les entreprises
mères ou les holdings d’autant que ces dernières sont installées dans les pays développés et qu’elles
imposent filiales ou à leurs partenaires installés dans les pays en développement ?
De plus les pays dits développés et à économies libérales et qui ont imposé au reste du monde
l’instauration et le respect des règles de la libre concurrence et de l’ouverture des marchés, respectent-ils
eux-mêmes ces règles de la libre concurrence ? Ouvrent-ils totalement leurs marchés aux produits
d’importation comme ils l’exigent des pays en développement?
Le contingentement des produits en provenance des pays en développement notamment
agricoles, la mise en place par les pays développés d’obstacles non tarifaires divers, la fixation de périodes
limites pendant lesquelles l’importation est autorisée (agrumes, légumes, fruits...) pour ne pas gêner leur
production locale ne sont-ils des comportements anticoncurrentiels destinés à entraver l’accès au marché ?
Dans ces conditions n’aurait-il pas été préférable, avant d’imposer aux pays en développement
l’ouverture de leurs marchés aux produits étrangers, d’élaborer au préalable un code ou une charte
internationale du droit de la concurrence définissant d’une façon précise le contenu des règles de la
concurrence ainsi que les pratiques anticoncurrentielles et mettant en place un mécanisme efficace pour
lutter contre ces pratiques et sanctionner toute entrave à la concurrence.
De plus et en vue de permettre aux pays en développement de se protéger contre les abus des
holdings, qui occupent incontestablement une situation de position dominante sur les secteurs ou les parts
de marché relevant de leurs activités et qui abusent de cette position en imposant à leurs distributeurs dans
le pays en développement des conditions draconiennes anticoncurrentielles, n’aurait t-il pas été opportun
de mettre en place un accord international d’entraide judiciaire en matière de concurrence ?
Cet accord n’aurait-il pas aidé les pays en développement de sanctionner les comportements
anticoncurrentiels commis par des sociétés étrangères dans leurs pays en les aider à mener des enquêtes
dans les pays où ces “sociétés mères” ont leur siège social et à exécuter les sanctions qui seraient
prononcées contre elles ?
Il apparaît donc à travers ce qui a précédé, que la libre concurrence même dans les pays
développés n’est pas une fin en soi et qu’elle trouve ses limites dans la nécessité de protéger l’intérêt
économique et social du pays concerné en fonction de ses propres spécificités et de ses contraintes.
C’est dans ce contexte que le législateur tunisien, préalablement à l’ouverture totale du marché
tunisien à l’importation, a mis en place une série de mesures d’accompagnement et a introduit dans le texte
de la loi sur la concurrence des exceptions au principe de la libre concurrence.