Assurance tourisme médical Manque-t-il un produit à l’offre d’assurance ? André Giroux 8 Au printemps 2008, Pierre Gaulin subit un scan dont le résultat indique une pierre au rein de 10 millimètres. Sauf que son urologue ne l’en informe pas. « Je ne l’apprendrai qu’au printemps 2010, par un collègue de cet urologue, lorsque j’irai récupérer mon dossier médical », mentionne-t-il. Entre-temps, la pierre au rein grossit, douloureusement. À l’automne 2009, le patient consulte un urologue d’une autre clinique. Des examens confirment la présence de l’objet, qui fait maintenant 19 millimètres. « Trop tard pour l’éclatement, le médecin m’annonce la nécessité de l’opération », se rappelle Pierre Gaulin. L’opération, prévue pour le printemps 2010, est annulée cinq fois : « le médecin doit opérer d’urgence un autre patient, la chambre prévue n’est plus disponible, et toutes sortes d’autres raisons », précise-t-il. Pendant ce temps, la pierre au rein a la fâcheuse manie de grossir, de durcir et de provoquer des douleurs inhumaines. Allons voir ailleurs si le gazon est plus tendre et le ciel, plus bleu. C’est à Cuba que Pierre Gaulin sera opéré. « J’ai effectué des recherches sur le tourisme médical, souligne sa conjointe Suzanne Daoust, par ailleurs notaire et conseillère en assurance pour les particuliers chez Desjardins Sécurité financière. J’ai repéré une entreprise qui se spécialise comme intermédiaire entre les Québécois et les cliniques cubaines. » Départ vers la Havane le 24 mai 2010. Rendez-vous à la Clinica Cira Garcia, « recommandée par des amis cubains, Mars 2011 www.conseiller.ca précise Suzanne Daoust. Avant de partir, nous avons obtenu la confirmation de spécialistes cubains que l’opération pouvait être pratiquée, et nous avons reçu la liste des examens préparatoires à subir ». Ces tests commencent au lendemain de l’arrivée à Cuba. Les médecins pratiquent l’opération trois jours plus tard. Retour au Québec le 14 juin. « Lors de notre séjour à Cuba, raconte Suzanne Daoust, j’ai partagé la chambre de mon mari. Elle était dotée d’une salle de bain privée, d’une télévision satellite et d’un www.conseiller.ca ordinateur afin que nous puissions communiquer avec nos parents et amis québécois. La propreté des lieux était de rigueur. De plus, un médecin parlant français a traduit les informations données par le médecin cubain. » Hormis les billets d’avion, le séjour à Cuba – hébergement, alimentation et soins compris – a coûté 3 880 $ canadiens au couple. Au moment de mettre sous presse, celui-ci avait obtenu de la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ) un remboursement de 1 319 $. Mars 2011 9 Assurance tourisme médical Le deuxième urologue qu’a rencontré Pierre Gaulin a accepté d’assurer le suivi au retour du patient au Canada. « Il a reconnu que les médecins cubains avaient accompli du bon travail, mentionne le patient voyageur. Quant à nous, nous sommes satisfaits des services obtenus. » Que retient Suzanne Daoust de cette expérience ? « Qu’au Québec, les solutions à moyen et à long terme ne sont d’aucun secours pour les malades d’aujourd’hui. » Aucune assurance sur le marché n’aurait pu répondre au besoin de M. Gaulin, traité à Cuba faute d’obtenir les soins à temps au Québec. Le service de liaison Québec-Cuba L’entreprise Services de santé International SSI (Servimed), sise à Québec, a assuré le lien entre le couple Gaulin-Daoust et les médecins cubains. « Nous n’assurons des liens qu’avec Cuba, indique Lucie Vermette, présidente-directrice générale de l’organisme. La réputation du système de santé cubain, la proximité entre le Québec et Cuba (moins de quatre heures de vol) et les coûts abordables motivent ce choix. » Ses clients présentent trois types de besoins : contourner les délais d’attente du système hospitalier québécois, réduire les coûts par rapport à ce qu’il en coûterait dans la Belle Province ou obtenir des soins carrément inaccessibles ici. « Sauf exception, la RAMQ ne couvre pas les soins esthétiques, mentionne Lucie Vermette. Or, les coûts sont beaucoup plus élevés ici qu’à Cuba. D’autres maladies, dont la rétinite pigmentaire (qui peut rendre aveugle), sont traitées à Cuba, mais pas au Québec. » Depuis sa création en janvier 2007, SSI a traité près de 400 dossiers. « Nous nous occupons de tout, explique Lucie Vermette. Dès le premier appel du client, nous fournissons toutes les informations et lui recommandons vivement 10 de prendre un temps de réflexion avant de confirmer sa décision de se faire traiter à l’étranger. Cette pratique demeure très controversée. » S’il maintient sa décision, le client doit fournir ses dossiers médicaux à SSI et répondre à un questionnaire complet sur son état de santé. SSI traduit le tout avant de le transmettre aux médecins cubains. « Sept à dix jours plus tard, nous recevons un programme médical personnalisé et détaillé. Ce document mentionne les tests requis en territoire cubain, la durée de l’hospitalisation et les coûts. Nous fixons ensuite la date de départ avec notre client; il n’existe pas de longues files d’attente à Cuba. » Le coût des services d’ouverture de dossier de SSI : 450 $. « Cela inclut la traduction de tous les documents, tant ceux en provenance du Québec que de Cuba, l’accueil et le transport du client de l’aéroport à l’hôpital cubain, la réservation des billets d’avion, etc., énumère Lucie Vermette. De plus, nous demeurons l’agence de liaison pendant les cinq années qui suivent le retour au pays. » Quant au suivi au Québec, « nous demandons à nos clients de prendre entente avec leur médecin de famille ou un médecin de CLSC avant leur départ pour Cuba. La réponse à cet égard est généralement très bonne ». L’élimination de la pierre au rein de Pierre Gaulin a coûté près de 6 000 $, incluant les services de SSI, deux billets d’avion aller-retour et les frais médicaux à Cuba. Le remboursement partiel de 1 319 $ est rare, opine Lucie Vermette. « À moins d’un accident ou d’une maladie survenus sur place, pendant un voyage d’affaires ou de vacances, rarement la RAMQ rembourse les frais de santé provenant de l’étranger. Nous suggérons tout de même à nos clients d’envoyer leur facture dans l’espoir que les gouvernements comprendront un jour que les Québécois ne se rendent pas se faire soigner à l’étranger par caprice. » Un manque dans l’offre d’assurance Aucune assurance n’aurait pu répondre aux besoins du couple Gaulin-Daoust. Les assurances maladies complémentaires à celles de la RAMQ fonctionnent sur le même principe : l’assuré n’est couvert que dans les cas de maladie ou d’accident requérant des soins urgents à l’étranger. Le « tourisme médical » ne répond pas à cette définition. De plus, la pierre aux reins ne fait pas partie des maladies couvertes par l’assurance maladie grave. « L’assurance tourisme médical n’existe pas, précise Nathalie Tremblay, chef des produits en assurance santé chez Desjardins Sécurité financière. Ce qui existe, c’est l’assurance maladie grave. L’assuré qui reçoit un diagnostic de l’une des maladies inscrites à son contrat d’assurance reçoit une somme forfaitaire. Il peut l’utiliser comme il le veut, sans aucune restriction. Il peut évidemment y recourir pour recevoir des soins à l’étranger, mais il peut aussi s’en servir pour compenser les dépenses inhérentes à sa maladie. Par exemple, une femme atteinte d’un cancer du sein pourra vouloir s’acheter une perruque pour compenser la perte de ses cheveux. » Mars 2011 www.conseiller.ca Assurance tourisme médical « Une personne atteinte de maladie grave perdra inévitablement des revenus, alors que ses dépenses augmenteront. Or, l’assurance invalidité ne compense que partiellement la perte de revenus. Quant aux dépenses liées à la maladie, elles demeurent souvent supérieures à celles liées au travail. De plus, cette assurance ne s’adresse pas au conjoint, qui voudra peut-être ou devra réduire ses activités professionnelles, et par conséquent ses revenus, afin de prendre soin de son conjoint. L’assurance maladie grave permet de compenser cette diminution de revenu. » Si l’assurance maladie complémentaire ne couvre pas les soins obtenus par la télémédecine et la téléréadaptation, l’assurance maladie grave le fera si, bien sûr, le mal dont est atteint le patient fait partie de la liste prévue au contrat. « Ce type d’assurance est beaucoup plus utilisé pour les cancers que pour le tourisme médical », précise Mme Tremblay. La prestation est versée 30 jours après le diagnostic et peut atteindre de 25 000 $ à deux millions de dollars. « Elle atteint en moyenne 100 000 $. » La Croix Bleue fait aussi partie des assureurs offrant ce produit. « On peut y souscrire pour un enfant de 30 jours, et jusqu’à 65 ans », mentionne Guy Papillon, vice-président aux ventes et aux projets spéciaux. « L’admissibilité se termine à l’âge de 100 ans. » Maladies couvertes par Desjardins Dans le cadre de son assurance maladie grave « Vision » (75 ans) Troubles cardiovasculaires Cancer/Tumeur Accident cérébrovasculaire Chirurgie coronarienne Crise cardiaque Cancer Tumeur cérébrale bénigne Coma Maladie d’Alzheimer Troubles neurologiques Maladie du neurone moteur Maladie de Parkinson Paralysie Sclérose en plaques Greffe/Insuffisance Insuffisance d’un organe vital nécessitant une greffe Transplantation d’un organe vital Insuffisance rénale À Fasciite nécrosante (bactérie mangeuse de chair) l’exception de la surdité, l’option 100 ans de l’assurance maladie grave « Vision » de Desjardins offre toutes les protections précédentes en plus de celles-ci : la chirurgie de l’aorte, le remplacement des valves du cœur, l’anémie aplastique, la méningite bactérienne et la perte d’autonomie. L’assurance couvre aussi certaines maladies détectées à un stade précoce : l’angioplastie coronarienne, le cancer précoce de la prostate, le carcinome canalaire in situ du sein et le mélanome malin superficiel. Maladies infectieuses Infection à E. coli (maladie du hamburger) Maladie de Lyme Virus du Nil occidental Brûlures sévères Cécité Autres Infection au VIH dans le cadre de l’emploi Perte de membres ou de la parole Surdité Maladies couvertes par la Croix-Bleue La Croix-Bleue offre trois programmes qui ressemblent au programme 100 ans de Desjardins, avec les exceptions suivantes : ■■ La protection de base. Elle ne couvre que les maladies suivantes : accident vasculaire cérébral, cancer, chirurgie coronarienne, crise cardiaque et insuffisance rénale. ■■ La protection de luxe pour adultes de plus de 16 ans. Elle n’inclut pas les maladies infectieuses et ne couvre qu’une seule des maladies détectées à un stade précoce, l’angioplastie coronarienne. ■■ La protection multiple pour enfants. À la protection de luxe pour adultes de la CroixBleue s’ajoutent l’autisme, le diabète de type 1, la dystrophie musculaire, la fibrose kystique et la paralysie cérébrale. 12 Mars 2011 www.conseiller.ca