DG/2016/001 original : français
Discours de la Directrice générale de l’UNESCO
Irina Bokova,
à l’occasion de l’inauguration de la Chaire UNESCO-Bernard Maris
« Economies Sociétés »
Hôtel de Ville, Paris, le 8 janvier 2016
Madame la Maire de Paris, Chère Anne Hidalgo,
Excellence Monsieur Philippe Lalliot, Ambassadeur de France auprès de
l’UNESCO,
Monsieur Kacem Afaya, du Quartet Tunisien Prix Nobel de la Paix 2015,
Monsieur Michel Wieviorka, Président de la Fondation Maison des Sciences de
l’homme,
Monsieur Lionel Larqué, Délégué général Pour une Alliance Sciences Sociétés,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Mes premiers mots sont pour vous remercier chère Anne Hidalgo de nous avoir
accueillis ici, à la Mairie de Paris aujourd’hui et je voudrais vous féliciter aussi pour
l’initiative d’organiser une nuit de débats au mois d’avril prochain. L’UNESCO est la
maison des débats, de l’humanisme, et nous serons la première institution à nous
joindre à cette initiative et à ouvrir les portes de l’Organisation pour une nuit de
débats citoyens.
Je remercie Michel Wieviorka et Lionel Larqué d’avoir pris l’initiative de cette
Chaire, dont l’inauguration soulève une émotion particulière, un an après les
attentats contre Charlie Hebdo et l’hyper Casher, un an après l’assassinat de
Bernard Maris.
Je dirai simplement quelques mots sur la signification et l’attachement que
l’UNESCO porte à cette nouvelle institution de recherche.
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Cette chaire est d’abord le moyen de parler de Bernard Maris autrement que
comme victime d’un attentat et je crois que c’est très important car il n’y a pas de
plus bel hommage que celui qui consiste à transmettre son héritage, son œuvre, et
à élargir le chemin qu’il a tracé dans la pensée économique contemporaine.
Bernard Maris, prix du meilleur économiste de France il y a 20 ans déjà, était une
figure incontournable de la réflexion économique.
Il aura rappelé, avec son sens inné de la formule, que l’économie n’est pas une
science exacte, amorale et apolitique, qui devrait imposer du dehors ses lois
immuables à la société.
L’économie est une science sociale, qui doit se nourrit de toutes les autres
sciences humaines, la sociologie, l’histoire, la psychologie, l’art, de la littérature.
Et ce doit être même une science populaire, qu’il faut partager, vulgariser,
s’approprier et discuter.
Son travail de pédagogie, sa volonté de démystifier l’économie à la télé, à la radio,
dans la presse, aura contribué à ce qui est le plus important dans une société libre :
le débat démocratique entre citoyens éclairés.
Je suis certaine qu’il y a dans cette salle de nombreux auditeurs et lecteurs de sa
« lettre aux gourous de l’économie », ou de son « anti-manuel d’économie» qui ont
un jour souris à la lecture d’un papier ou tendu l’oreille à l’écoute d’une chronique,
en se sentant plus éclairés, plus informés, plus intelligents.
Cette veine humaniste, qui utilise la connaissance comme un outil pour agrandir et
libérer, et non pour asservir ou intimider, résonne au cœur du mandat de
l’UNESCO, car la dignité humaine, et la dignité sociale, passent aussi par le
partage et la maîtrise des savoirs.
L’héritage de Bernard Maris, c’est de s’intéresser d’abord à la dimension humaine
de l’économie, qui permet de traiter une diversité de problèmes politiques et
sociaux, l’accès à l’eau, l’environnement, la santé, la pauvreté, l’exclusion sociale.
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Et c’est précisément la mission centrale de cette chaire, d’intégrer et de relier, par
la recherche, l’économie et la société.
C’est aussi la mission de la Fondation Maison des Sciences de l’homme, de
Fernand Braudel à Michel Wieviorka dans sa capacité à tisser des liens entre les
disciplines.
L’actualité de l’année 2015 a montré à quel point ce travail de Bernard Maris était
précurseur.
Toute la philosophie moderne du développement humain, l’architecture du nouvel
agenda des Nations Unies pour deux mille trente et ses 17 objectifs de
développement durable, et même l’accord de la Cop 21, supposent d’intégrer les
différents aspects du développement économiques, sociaux, environnementaux
de traiter ensemble des dimensions qui ont été longtemps abordées séparément.
Cette capacité à faire du lien, entre les idées et les gens, à construire du collectif,
était le moteur de Bernard Maris.
C’est précisément ce moteur dont nous avons besoin et c’est pourquoi la présence
à nos côtés de M. Kacem Afaya, du Quartet Tunisien, revêt une telle importance,
en rappelant le rôle central du dialogue social pour faire avancer un peuple et tout
un pays, fédérer et rassembler.
L’UNESCO a de grands espoirs pour cette nouvelle chaire, qui peut aider à
renouveler la science économique, connecter des chercheurs innovants à travers le
monde, pour une société plus libre, plus consciente d’elle-même et nous sommes
heureux qu’elle vienne renforcer un réseau de près d’un millier de chaires
universitaires dédiées à l’excellence de la recherche dans 126 pays dans le monde,
dont une trentaine en France.
C’est aussi notre façon de répondre à l’intolérance, par davantage de culture,
davantage de pensée, de curiosité et de malice, que Bernard Maris avait à
revendre, et qui est sans doute la forme la plus belle et la plus élevée de
l’intelligence.
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