RÉSUMÉ
A la rencontre du malheur d’un homme, que ne ferait son semblable sinon sécher
ses larmes, l’étreindre, le réconforter ? Une intention consolatrice qui dessinerait la
praxis soignante sous des contours inattendus, ceux d’une blouse tombant entre
philia et agapè. Avec les Anciens, mais surtout à la lecture de Hans Blumenberg
et Michaël Fœssel, nous interrogerons la pertinence d’un entre-deux thérapeutique
invitant au dépassement de la peine au travers du partage et d’un retour à la parole,
là où l’homme affligé privilégierait le ressassement et le refuge dans une pensée
souveraine. Vertu serait en effet prêtée au récit et à son écriture, une médiation
dont nous ferons discussion. Se démarquant d’une vérité révélée, échouant sur notre
incomplétude Ŕ n’est-elle pas, selon Stig Dagerman, « impossible à rassasier » ? Ŕ,
la consolation se distingue autant par sa nécessité que par son illusion. Impuissant
à guérir un homme inconsolable, le soignant-consolateur ne viendrait-il pas se
rappeler à une même condition et y revisiter le motif originel de sa vocation ?
ILLUSTRATION DE COUVERTURE
(Frédéric PAJAK, encre de Chine pour le Manifeste incertain, Tome 1/4, 2012)
Au fil de son roman graphique Manifeste incertain, Frédéric Pajak conduit une
œuvre protéiforme naviguant entre les hommes, les lieux et une histoire de l’Europe
au XXe siècle. Ecrivain-voyageur, il frotte ses impressions itinérantes sur les traces
du passé. Il s’attache notamment à la personne de Walter Benjamin dont il relate
les dernières années d’errance et de précarité contraintes, jusqu’à sa fin tragique à
Port-Bou. En lui, il reconnaît un homme désenchanté semblant promis à la
permanence du doute et à une inquiétude fondamentale. Mais le chemin nous
mène aussi auprès de figures anonymes. Ici, deux hommes s’étreignent sans que
nous sachions pourquoi ils se serrent, sans que nous puissions deviner qui de l’un
console l’autre, à moins qu’ils ne se réconfortent tous deux. Ce geste d’amitié où le
bras de l’un vient recouvrir l’épaule de l’autre illustre, mieux que les mots dont
nous ferons usage, la générosité de l’homme dans l’adversité ; il nous donne à
penser son besoin de consolation et sa capacité à consoler.
MOTS-CLÉS
Consolation, pensée, médiation, récit, vocation.