Université Paris-Est Marne-la-Vallée
En partenariat avec le CFCPH de l’AP-HP
Master 2 Philosophie
Parcours « Ethique médicale
et hospitalière appliquée »
Consolation de
l’inconsolable
Le partage et l’illusion
Laurent Bergès
Responsable pédagogique : Eric Fiat
Année universitaire 2015-2016
Université Paris-Est Marne-la-Vallée
En partenariat avec le CFCPH de l’AP-HP
Master 2 Philosophie
Parcours « Ethique médicale
et hospitalière appliquée »
Consolation de
l’inconsolable
Le partage et l’illusion
Laurent Bergès
Responsable pédagogique : Eric Fiat
Année universitaire 2015-2016
RÉSUMÉ
A la rencontre du malheur d’un homme, que ne ferait son semblable sinon sécher
ses larmes, l’étreindre, le réconforter ? Une intention consolatrice qui dessinerait la
praxis soignante sous des contours inattendus, ceux d’une blouse tombant entre
philia et agapè. Avec les Anciens, mais surtout à la lecture de Hans Blumenberg
et Michaël Fœssel, nous interrogerons la pertinence d’un entre-deux thérapeutique
invitant au dépassement de la peine au travers du partage et d’un retour à la parole,
l’homme affligé privilégierait le ressassement et le refuge dans une pensée
souveraine. Vertu serait en effet prêtée au récit et à son écriture, une médiation
dont nous ferons discussion. Se démarquant d’une vérité révélée, échouant sur notre
incomplétude Ŕ n’est-elle pas, selon Stig Dagerman, « impossible à rassasier » ? Ŕ,
la consolation se distingue autant par sa nécessité que par son illusion. Impuissant
à guérir un homme inconsolable, le soignant-consolateur ne viendrait-il pas se
rappeler à une même condition et y revisiter le motif originel de sa vocation ?
ILLUSTRATION DE COUVERTURE
(Frédéric PAJAK, encre de Chine pour le Manifeste incertain, Tome 1/4, 2012)
Au fil de son roman graphique Manifeste incertain, Frédéric Pajak conduit une
œuvre protéiforme naviguant entre les hommes, les lieux et une histoire de l’Europe
au XXe siècle. Ecrivain-voyageur, il frotte ses impressions itinérantes sur les traces
du passé. Il s’attache notamment à la personne de Walter Benjamin dont il relate
les dernières années d’errance et de précarité contraintes, jusqu’à sa fin tragique à
Port-Bou. En lui, il reconnaît un homme désenchanté semblant promis à la
permanence du doute et à une inquiétude fondamentale. Mais le chemin nous
mène aussi auprès de figures anonymes. Ici, deux hommes s’étreignent sans que
nous sachions pourquoi ils se serrent, sans que nous puissions deviner qui de l’un
console l’autre, à moins qu’ils ne se réconfortent tous deux. Ce geste d’amitié où le
bras de l’un vient recouvrir l’épaule de l’autre illustre, mieux que les mots dont
nous ferons usage, la générosité de l’homme dans l’adversité ; il nous donne à
penser son besoin de consolation et sa capacité à consoler.
MOTS-CLÉS
Consolation, pensée, médiation, récit, vocation.
SOMMAIRE
INTRODUCTION …………………………………………………………. page 1
I- UNE RELATION CONSOLATRICE page 3
I.1 L’étreinte et les larmes p. 3
I.2 Le corps à l’œuvre p. 8
I.3 Vers l’entre-deux p. 12
I.4 Ressassement et dépassement p. 15
I.5 Exhortation à la parole p. 17
I.6 Un temps sans attente p. 21
II- MÉDIATION : LA BELLE ILLUSION page 26
II.1 Une aide récusée p. 26
II.2 Correspondance : les mots pour le dire p. 30
II.3 L’écriture, la narration p. 34
II.4 Ecrire la perte, au risque de la plainte p. 38
II.5 Figure résignée, figure irréductible p. 42
II.6 Une fausse consolation ? p. 45
III- UNE MÊME CONDITION page 48
III.1 De la promesse au vertige p. 48
III.2 Autour d’une vocation p. 53
III.3 Un homme réconcilié ? p. 60
CONCLUSION ..……………………………………………………….…… page 63
BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………….…. page 65
INDEX DES AUTEURS CITÉS ………………………..……………………… page 68
1
INTRODUCTION
Le soin fait réunion de gestes et de mots choisis. Sans cesse renouvelé, il demeure
pourtant ce théâtre attendu de tekhnè et de sensible, une grammaire convenue qui
donne à l’entre-deux thérapeutique sa langue et ses usages. Mais devant la détresse
d’un homme inconsolable, ce malheur qui se range mal dans la clinique, nous serions
comme fébriles sur nos savoirs, troublés dans nos habitudes et ainsi portés à créer une
autre conduite qui n’émanerait pas que de nos seuls apprentissages. Parce que nous en
savons bien peu de cette douleur-là Ŕ et se pourrait-il seulement qu’elle se soigne ? Ŕ,
ce sont des exceptions dans l’acte et la parole qui modèlent une praxis imprévue.
Loin de confirmer la règle, ces exceptions ne viendraient-elle pas ici faire intrigue ?
Il nous apparaît en effet que la consolation, réponse pratique à une perte chez l’autre
dont nous aurions fait reconnaissance, explore et interroge une zone d’incertitude du
soin, à moins qu’elle n’en rappelle leur même, l’espoir et la limite. Nous le
questionnerons comme suit : consoler, pas de côté entre philia et agapè, participe-t-il
de ce qui fonde une praxis soignante ? Ne pouvant ni restituer ni se substituer à un
objet perdu, le soignant viendrait-il par son acte consolateur se rappeler à une même
condition et au motif de sa vocation ?
Notre première partie intéressera une approche pratique de la consolation et ainsi
la relation entre ceux que nous qualifierons pour l’un d’inconsolable, pour l’autre de
consolateur. Ici mélancolique et tout à une peine indicible, là désabusé et cultivant son
tachement, ailleurs encore endeuillé et habipar l’absent, l’homme inconsolable se
garderait de la parole, privilégiant la solitude et le refuge dans une intériorité autant
tourmentée que rassurante. A sa rencontre, l’homme consolateur produira les premiers
gestes d’une attention réconfortante et d’une invitation au dépassement du malheur
que nous déclinerons ainsi : sécher les larmes, étreindre un corps, encourager la parole.
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