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Être spectacteur est une chose, mais il y a une façon plus active de s’intéresser à l’art théâtral
Rappelons que le mot drame vient du grec drama qui signifie action.
Il désignait donc à l’origine le «jeu d’action».
Dès le XVIe siècle, l’art dramatique est au programme des collèges
de jésuites. (Avant eux, les protestants avaient fait ce choix pédagogique qui, selon
eux, permettait un retour aux sources des anciens). Il s’agit alors d’une méthode pour
former les élèves à l’art de la parole, la rhétorique, tout en les catéchisant. Le théâtre
n’est pas qu’un divertissement. Il sert à l’assimilation de compétences et de valeurs.
Les textes, d’inspiration biblique, sont
écrits par les jésuites eux-mêmes et les
représentations annuelles deviennent
vite de véritables événements sociaux
qui rassemblaient l’élite des villes où se
trouvaient ces collèges. Cette tradition
est interrompue par la suppression de la
Compagnie de Jésus en 1773 et repren-
dra à son retour en 1814. Le théâtre y est
obligatoire parce qu’éducatif. Il prend de
plus en plus d’importance et des sujets
profanes y font leur apparition. Au départ,
ce ne sont que des tragédies, puis on y in-
troduit quelques comédies. Les textes, à
l’origine joués en latin, le sont de plus en
plus souvent en français. Bien entendu,
tous les rôles sont tenus par des garçons.
Un des plus célèbres élèves des jésuites
est le révolutionnaire Condorcet qui pro-
posera une réforme du système éducatif
et qui, le premier, jettera les bases de
l’établissement d’un droit d’auteur.
À la fin du XIXe siècle et au début du
XXe, apparaissent les patronages qui
regroupent de nombreux enfants des
milieux populaires. Qu’ils soient laïcs,
privés, paroissiaux ou municipaux, ils
proposent diverses activités sportives et
culturelles et amèneront le formidable
mouvement de l’éducation populaire qui
trouvera son apogée après la seconde
guerre mondiale. Après une période un
peu désorganisée, et la loi de séparation
de l’église et de l’état, ils se structureront,
d’abord en association loi 1901, puis se
regrouperont en fédérations nationales
qui sont toujours aujourd’hui porteuses
des objectifs qui les ont fait naître. La
FNCTA en est aujourd’hui l’héritière et la
parfaite illustration.
Après la première guerre mon-
diale, les mouvements de «L’édu-
cation nouvelle» introduisent
dans leur enseignement les pra-
tiques artistiques dont l’expres-
sion dramatique, se fondant sur
l’idée qu’une éducation équili-
brée passe par l’expérimentation et en-
courage la création.
Il est une personnalité importante de
cette histoire dont il convient de rap-
peler l’œuvre. Dès 1929, Léon Chance-
rel travaille avec un jésuite, le père Paul
Doncoeur, pour adapter les préceptes de
Copeau au théâtre routier. Il fonde au
sein des Scouts de France la Compagnie
des comédiens routiers, puis, en 1935, le
Théâtre de l’oncle Sébastien, théâtre pour
enfants basé sur la Commedia dell’arte et
l’improvisation. En 1957, il crée l’Associa-
tion du théâtre pour l’enfance et la jeu-
nesse dramatique (ATEJ) et rédige «Jeux
dramatiques dans l’éducation». Traduc-
teur de Constantin Stanislavski et pion-
nier de l’éducation populaire, il a aussi
beaucoup influencé le théâtre amateur et
les méthodes de formation des acteurs et
des animateurs.
Après la seconde guerre mondiale, c’est
la grande époque de la décentralisation
et les contacts entre le monde du théâtre,
le monde de l’éducation et le monde des
amateurs s’enrichissent considérable-
ment grâce aux tout nouveaux centres
dramatiques régionaux et aussi aux Mai-
sons des jeunes et de la culture créées
en 1948. Nombre d’enseignants et de co-
médiens amateurs se forment grâce à des
stages de réalisation dont l’encadrement
est confié à des CTP, conseillers tech-
niques et pédagogiques Jeunesse et sport,
dont beaucoup deviendront des metteurs
en scène importants sur nos scènes natio-
nales. Puis, l’aventure continue avec An-
dré Malraux et les Maisons de la culture
et bien sûr, l’arrivée au ministère de la
culture de Jack Lang qui attache une très
grande importance aux liens entre art
dramatique et jeunesse. Il instaurera les
APA, ateliers de pratique artistiques et
les classes A3 théâtre et cinéma, entre
autres. En 1983, l’Association Nationale
de Recherche et d’Action théâtrale (l’AN-
RAT) sera fondée afin de créer un espace
de réflexion pour les enseignants et les
artistes. En 1998, Catherine Trautmann,
alors ministre de la culture, dans sa charte
des missions de service public pour le
spectacle vivant, réaffirme l’engagement
de l’état et préconise la création de lieux
ressources de théâtre.
La réforme des conservatoires de 2004
confortera le dispositif d’accès à l’ensei-
gnement du théâtre à travers les diffé-
rentes strates à rayonnement commu-
nal, inter-communal (290), départemental
(108) et régional (42), constituant ainsi un
réseau de mieux en mieux réparti sur l’en-
semble du territoire.
Malheureusement si depuis crise budgé-
taire et changements de politiques cultu-
relles n’ont pas favorisé le développement
de toutes ces dynamiques, elles conti-
nuent contre vents et marées à amener
nos jeunes vers le spectacle vivant.
dossier
Le théâtre de la jeunesse
Une pratique, qui, bien au-delà de la simple expression corporelle, les
amènera un jour à défendre sur un plateau les œuvres de nos auteurs
classiques et contemporains et à perpétuer ainsi la longue et belle his-
toire du «Théâtre», afin qu’il reste un art plus vivant que jamais dans un
monde de plus en plus tourné vers le virtuel.
© N. Adam
Eondrements
par les jeunes du Conservatoire de Quimper,
à la journée jeune du festival de l’ADEC 56, dirigés par Eric Houguet