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Les Carnets de la Persagotière
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Alain BEUCHER
De l’enfant sourd …
à l’enfant ayant des troubles du
traitement auditif :
un autre regard
N° 41-2012
Janvier 2012
Publication de
l’Institut public la Persagotière
NANTES
www.la-persagotiere.fr
Dr Alain Beucher De l’enfant sourd … à l’enfant ayant des troubles du traitement auditif : un autre regard.
Les Carnets de la Persagotière n° 41-2012 – Institut public la Persagotière
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Alain BEUCHER est médecin pédiatre. Il a été médecin directeur du CAMSP (Centre d’Action Médico-
Sociale Précoce) Polyvalent de Maine et Loire pendant de nombreuses années, et il a collaboré en tant
que médecin pédiatre avec des centres pour enfants ayant des déficiences sensorielles (déficience
auditive, déficience visuelle)
Ce texte issu d’une conférence donnée par l’auteur le 28 novembre 2011 à l’Institut Public la
Persagotière
Alain BEUCHER © Tous droits réservés.
Alain BEUCHER autorise la diffusion de ce texte par photocopie à des fins de formation, aux conditions expresses que son nom et l’origine de ce texte
figurent sur chaque page, et que ce texte ne soit pas transformé. Toute autre publication, sur tout support, est soumisse à son agrément préalable. Toute
publication non autorisée s’expose à des poursuites judiciaires.
Dr Alain Beucher De l’enfant sourd … à l’enfant ayant des troubles du traitement auditif : un autre regard.
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Je souhaite, au cours de cet exposé, vous entretenir des T.T.A. (troubles du traitement auditif), que
j’ai véritablement découverts, il n’y a seulement que quelques années, grâce à plusieurs séjours au
Québec, notamment à l’Institut Raymond Dewar de Montréal. Il s’agit d’un trouble particulier de la
fonction auditive, d’un mauvais traitement de l'information auditive … qui sont encore souvent
méconnus par les pédiatres et par les médecins ORL, et par beaucoup de professionnels de la surdité.
Ce trouble bien spécifique dans le vaste champ des ‘’surdités’’ était souvent étiqueté : surdité
verbale, agnosie auditive … mais sans une approche plus précise tant sur le plan évaluatif que
thérapeutique.
C’est avec beaucoup d’humilité que je vous entretiendrai de ces troubles centraux du traitement de
l’audition, car certains, parmi vous, connaissent mieux que moi ces difficultés bien spécifiques.
Le développement du bébé
Je souhaite, tout d’abord, introduire mes propos en vous parlant du développement du bébé, car il
est important de bien connaitre les bases sur lesquelles le bébé va se construire.
I.
Un bref rappel : tout être vivant sexué est conçu à partir de deux êtres de sexe
différent.
Il est sexué dès la première cellule avec l’ovule de la mère et l’unique spermatozoïde (X ou
Y) du père, parmi les 200 à 300 millions de spermatozoïdes inséminés lors du rapport sexuel. Donc,
nous sommes tous nés du hasard. Nous sommes un être tout à fait original et tout le monde est
différent et unique sur terre.
Chacun est conçu individu, organisme, objet réel constitué d’os, de muscles, d’organes, de peau… Cet
individu isolé devient personne par sa relation à l’autre : « Je dis ‘’Je‘’ parce que d’autres m’ont dit
‘’Tu‘’ … » nous dit, si joliment, Albert Jacquard, qui s’exprime d’une autre manière : « Cet individu ne
devient une personne, c’est-à-dire un être conscient de son existence qu’au sein d’une société »
Quand la maman attend un bébé, elle lui parle, elle lui dit « arrête de remuer, de bouger, de te
retourner, d’avoir le hoquet… », elle le nomme et le fait alors exister en tant que personne.
Soulignons également que le bébé, dés sa naissance est une ‘’bombe’’ d’interactions : il recherche
du regard sa maman et ces interactions sont fondamentales : « L’homme naît par le langage et le
langage naît par l’homme » dit Claude Lévi-Strauss
II.
Deuxième notion : le bébé est toujours un pré – maturé.
Nous sommes tous nés
prématurément. On naît « avant terme » tout simplement parce que l’homme a développé le
langage oral, la parole, l’intelligence et la mémoire. Ce développement explique la croissance
extraordinaire de notre cerveau. Chez l’homme, le rapport entre le volume de son cerveau et celui de
son corps, est disproportionné par comparaison au monde animal.
C’est la remarquable évolution de l’homme qui est responsable de la grande immaturité du
nouveau-né. Le poids du cerveau d’un nouveau-né est de 300 grammes ; à un an, il est de 900
grammes, et à l’âge adulte, il est de 1200 à 1500 grammes. L’intelligence n’est pas proportionnelle à
la taille du cerveau : Einstein avait un petit cerveau… ! Ce veloppement fabuleux se fait grâce à
toutes les plicatures (les circonvolutions cérébrales) qu’il comporte, puisqu’un nouveau-né a un
cerveau d’une surface corticale de 680 cm
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alors que celle d’un enfant de 2 ans atteint 1600 cm
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. Le
développement et la croissance du cerveau se réalisent grâce aux sutures crâniennes et aux
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fontanelles, qui en permettent l’expansion par leur absence de fermeture. C’est ainsi que nous
pouvons comprendre la grande immaturité cérébrale du petit de l’homme, et combien son cerveau
va se développer de façon remarquable pendant la première année de sa vie mais aussi tout au long
de la vie.
III.
Troisième notion :
très schématiquement
, le bébé se construit sur trois axes qui sont
intriqués, imbriqués, complémentaires
et qui se développent progressivement au fur et à
mesure de la croissance et de la construction du petit enfant.
1. L’axe physique :
Appropriation, habitation, rassemblement du corps. Dans les premières années de sa
vie, le bébé va rassembler son corps. A trois mois, il regarde ses mains (au cours des 1
ères
semaines, c’est le hasard du mouvement), puis il rassemble ses deux mains. Il prend
l’objet au contact, puis le porte à la bouche et enfin le passe d’une main à l’autre, mais il
commence toujours par le passer par la bouche. C’est ainsi qu’il rassemble ses 2
hémicorps. À 5 ou 6 mois, il va saisir ses pieds puis les porter à la bouche. C’est ainsi que
le bébé se rassemble, il s’approprie et va ’’habiter’’ son corps.
Moteur : la croissance, la maturation neurologique, le développement des 2 autres axes
vont permettre, progressivement, au bébé d’acquérir les différents niveaux d’évolution
motrice : contrôle de la tête, tenue assise, ramper, 4 pattes, se mettre debout avec
appui, marche …
Sensoriel : les capacités des fonctions sensorielles se développent et permettent à la
plateforme sensori-tonique de s’accroitre progressivement (cf.ci-dessous)
2.
L’axe cognitif :
très précocement le bébé développe ses capacités cognitives. Par
l’expérience, il découvre qu’il est ‘’capable de’’. Par exemple : le bébé de 9 -10 mois découvre
qu’en tirant sur la ficelle, de la boîte à musique, cela déclenche la musique et il réitère
pendant plusieurs jours cette découverte ‘’assourdissant’’ un peu son entourage !
3.
L’axe psychique et psychologique :
dès les premières semaines de sa vie, le bébé, qui est
dans une fusion salutaire et nécessaire, va petit à petit réaliser qu’il est différent de sa mère.
La conscientisation de son identité psychique va être progressive dans les 1er mois et c’est
vers l’âge de 7-8 mois, environ, que cette construction de l’identité psychique se manifeste
par l’angoisse de séparation. C’est l’âge auquel peut se manifester des graves angoisses et
des états dépressifs du nourrisson (dépression anaclitique de Spitz). Le bébé se rend compte
qu’il est différent de sa mère et, à cet âge, la fonction paternelle est de soutenir la maman
dans ce processus de séparation. L’expérience de l’absence, la représentation mentale de sa
mère, l’expérience de son retour sont les bases fondamentales de la mise en place du
langage et de la parole du nourrisson. Il est bien démontré que les bébés qui restent ‘’collés’’
à leur mère et qui, à la fin de leur 1ère année, n’expérimentent pas cette saine distanciation
présenteront plus fréquemment des retards de langage et de parole.
IV.
Quatrième notion : Le bébé élabore, très précocement la ‘’frontière’’ entre le dehors et
le dedans, c'est-à-dire le ‘’Moi-Peau’’
(Didier Anzieu). La peau est le lieu de notre première
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limite, de notre première perception du dehors et du dedans. Cette construction du ‘’Moi-Peau’’
s’établit par les informations provenant :
Du dedans, à partir de l’intérieur de son corps : Moi-Os, Moi-Muscles et Moi-Organes (Benoît
Lesage).
o Le Moi-Os représente l’espace ‘’cristallin’’ du corps, l’espace vibratoire du corps. Les
vibrations perçues par le squelette peuvent être provoquées par percussion, par un
diapason ou un plancher vibrant. les enfants sourds agissent beaucoup à ces
vibrations. La méthode verbo-tonale de Guberina l’aide du SUVAG) utilise la
transmission de la voix en exploitant les capacités vibratoires du squelette, pour la
rééducation des sourds et malentendants. L’os a quelque chose à voir avec l’être.
o Le Moi-Muscle : le muscle a quelque chose à voir avec l’action et la tension. Les
muscles avec leur tonus ont une fonction contenante.
o Le Moi-Organe : monde des pulsions et des émotions. Importance des organes pour
les rythmes (vide / plein - réplétion / vidange) et pour les rythmes fonctionnels
d’ordre péristaltiques.
Du dehors, à partir de l’extérieur du corps … le contenant étant alors élaboré à partir des
informations sensorielles extéroceptives : sensibilité superficielle cutanée (tactiles)
provenant du toucher, de la palpation, des massages … Une mère qui touche son bébé, qui
le masse va, ‘’sans le savoir’’ aider à la construction de cette frontière qu’est la peau.
Le développement harmonieux du bébé et sa construction équilibrée, tant physiquement
que psychologiquement et intellectuellement, s’appuient sur ce « Moi-Peau », cette limite
entre le dehors et le dedans.
Les aptitudes en émergence
3-5 ans 6-8 ans 9-11 ans 12-15 ans 16-18 ans
Langage
Motricité fine et globale
Modulation sensorielle
Gestion des émotions
Fonctions exécutives
(mémoire, attention,
organisation,…)
Aptitudes sociales
Gestion du
comportement
Résolution de problème
L’enfant est un processus …
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