G. COTTIER, Mort de l’Humanisme?
Foucault parle de pensée occidentale, suggérant par là que la pensée
est un fait de culture et que toute culture, située dans l’espace et le temps, est
particulière.
Historiquement l’affirmation du cogito est contemporaine de
l’émergence et du développement des sciences empiriques qui prennent
l’homme pour objet. La naissance de ces sciences signifie donc
simultanément la naissance de l’homme comme objet de pensée. Mais la
position de l’homme est ambiguë parce qu’il est à la fois objet pour un savoir
et sujet qui connaît (cf. p. 323). Les sciences positives conduisent à découvrir
sa finitude, - une finitude pensée, non plus à l’intérieur de la pensée de
l’infini, mais à partir d’elle-même (cf. p. 327). Ainsi, pour l’analytique de la
finitude, l’homme apparaît comme un «étrange doublet empirico-
transcendantal»: «Car le seuil de notre modernité n’est pas situé au moment
où on a voulu appliquer à l’étude de l’homme des méthodes objectives, mais
bien le jour où s’est constitué un doublet empirico-transcendantal qu’on a
appelé l’homme» (cf. p. 329-330).
La situation culturelle qui s’est ainsi créée avait été perçue par Kant
quand, dans la Logique, il avait rapporté les trois questions critiques (que
puis-je savoir ? que dois-je faire? que m’est-il permis d’espérer?) à une
quatrième: Was ist der Mensch? cette question parcourt la pensée depuis le
début du XIXème siècle, parce qu’elle opère, «en sous-main et par avance, la
confusion de l’empirique et du transcendantal dont Kant avait pourtant
montré le partage» (cf. p. 352).
En d’autres termes, la crise actuelle est celle de l’Anthropologie, qui,
comme analytique de l’homme, avait «un rôle constituant dans la pensée
moderne» (cf. p. 351). La tâche actuelle est donc celle du «déracinement de
l’Anthropologie». Le premier effort en ce sens est représenté par l’expérience
de Nietzsche qui « à travers une critique philologique, à travers une certaine
forme de biologisme» «a retrouvé le point où l’homme et Dieu
s’appartiennent l’un et l’autre, où la mort du second est synonyme de la
disparition du premier, et où la promesse du surhomme signifie d’abord et
avant tout l’imminence de la mort de l’homme […]. De nos jours on ne peut
plus penser que dans le vide de l’homme disparu» (cf. p. 353).
Pour Foucault, l’aporie porte sur la coexistence de l’être du langage
(tel qu’il en construit la théorie) et l’être de l’homme (essentiellement ramené
à sa finitude). Or cette coexistence est impossible. «Leur incompatibilité a été
un des traits fondamentaux de notre pensée» (p. 350, cf. p. 346-351). C’est
évidemment ces deux points qui doivent être discutée, comme doit l’être le
dualisme interne de l’anthropologie kantienne. Mais tel n’est pas mon