le programme est très intéressant! C'est particulièrement intéressant de voir qu'il inclue des aspects très différents, de la recherche aux applications cliniques, de la rééducation aux aspects pratiques de la vie quotidienne... Je suis sûre que cette journée sera très enrichissante pour les participants, d'horizons différents Assise du blessé médullaire Utilisation de capteurs de pression pour l’évaluation, l’éducation et l’installation au fauteuil. Serge ABATE, Kinésithérapeute Cadre Santé Centre Dr BOUFFARD-VERCELLI (Cerbère) INTRODUCTION Dans notre pratique courante auprès de blessés médullaires, l’utilisation de capteurs de pression nous est vite apparue comme une aide non négligeable dans l’évaluation, l’éducation et l’installation optimale au fauteuil. Sa simplicité d’utilisation, sa rapidité d’examen, et ses applications immédiates deviennent un atout pour toute l’équipe de rééducation. HISTORIQUE Dans une étude sur les blessés médullaires, KOSIAK, en 1958 annonçait qu’il existait « un lien entre la pression et la survenue des escarres ». L’approche se précise avec Guttmann en 1973 qui déclare que « les forces de cisaillement sont nettement plus néfastes que les forces de compression verticales ». THEORIE Les travaux de Kosiak et Maklebust démontrent qu’une pression de 80 mmHg pendant 2 à 3 heures risque de provoquer une escarre. Dans notre intervention, nous prendrons cette valeur de référence pour identifier la ou les zones à risque. Dans l’évaluation clinique du risque cutané, de nombreuses échelles existent : Norton, Waterlow, Braden… Nous préférons cette dernière qui correspond le mieux à notre population de patients neurologiques. La synthèse de ces échelles, nous permet de déterminer les facteurs de risques principaux : • Atteinte neurologique : avec notion d’immobilité, et de perception sensorielle altérée face à la pression • Dénutrition (Rapport taille / poids) • Taux d’humidité élevé (incontinence) • Age, baisse du débit circulatoire, tabac… Des facteurs de risques plus spécifiques de la station assise peuvent être énoncés: • Morphologie des ischions: antécédents de chirurgie d’escarre, et position en anté ou rétroversion du bassin. • Déformations du rachis avec attitude asymétrique, limitations articulaires des hanches (paraostéoarthropathies), spasticité asymétrique du tronc ou des membres inférieurs… • Type de support, surface de contact (effet enveloppant de certains coussins, friction et cisaillement lors de déplacements). • Position à risque et temps d’assise. ESCARRE Définition (ANAES 2001) : « L’escarre est une lésion cutanée d’origine ischémique liée à une compression des tissus mous entre un plan dur et les saillies osseuses. » LES OUTILS D’EVALUATION L’examen clinique, avec l’inspection, la palpation, l’interrogatoire permet déjà une évaluation. L’utilisation de capteurs de pression (TEKSCAN) permet une étude statique et dynamique. C’est une matrice souple de 50 cm² qui contient plus de 2000 capteurs. Elle est placée sous les fesses du patient, et reliée à un ordinateur pour une visualisation immédiate. En position assise, elle évalue et quantifie les appuis ischiatiques, rétro-trochantériens ou sacrés (pression, surface de contact, pic de pression…). En décubitus dorsal, elle peut enregistrer les appuis scapulaires, sacrés ou talonniers. INTERETS • C’est un outil d’évaluation en temps réel : il permet de visualiser les surfaces d’appui par une échelle de couleur en fonction de la quantité de pression. Nous fixons le seuil de pression à risque à 80 mmHg. Le capteur a aussi un rôle de BIOFEEDBACK en donnant une information en direct au patient sur son positionnement. • Le système permet un repérage des zones anatomiques ou des positions à risque : - vérification d’une décharge relative ou complète (efforts de soulagement ou de soulèvement) - identification de la zone exposée en fonction de la position • Le capteur offre une comparaison : - de différents types de supports: coussin à air (en cherchant le gonflage idéal, en sachant que la tendance naturelle est au « sur-gonflage »…ce qui est néfaste), coussin gel, à mémoire de forme, ou coussin mousse. - de positions habituelles (jambes croisées, pied sur sangle…) - en observant différentes techniques de soulagement, ou l’efficacité de cales compensatrices de rééquilibration pour bassins obliques - de différentes solutions de réglage du fauteuil : inclinaison du dossier et/ou de l’assise, hauteur de palettes • Le capteur a un rôle éducatif : - auprès du patient et/ou de la famille: la visualisation en direct aide à la prise de conscience, et à l’appropriation de l’information. L’objectivité de la mesure donne plus de poids aux conseils prodigués. - • auprès de l’équipe, en renforçant le message préventif. De plus, sa rapidité d’évaluation (20 à 30 minutes) et son interprétation immédiate permettent de proposer conseils, et choix thérapeutiques adaptés dès la première séance. QUELQUES EXEMPLES • Exemple n°1 Pour aider un paraplégique D5 dans le choix d’un coussin pour fauteuil roulant, nous évaluons trois coussins différents: coussin à mémoire de forme, coussin gel et coussin à air. Le coussin à air montre une plus grande sécurité cutanée, suivi de près par le coussin à mémoire de forme. C’est ce dernier qui sera choisi, offrant plus de stabilité chez ce patient. Conclusion exemple n°1 • Le coussin à air n’est pas proposé d’emblée, même si ses performances sont souvent les meilleures. Il peut présenter des inconvénients: instabilité ou gêne au transfert (tétraplégique). • Les conseils de soulagement fessiers restent recommandés quelque soit le type de coussin… • Exemple n°2 Tétraplégique C4C5 Fauteuil électrique commande mentonnière Coussin mousse personnel : problèmes cutanés ischiatiques à répétition. La comparaison des pressions nous fait conseiller le coussin à air. Conclusion de l’exemple n°2 • L’impossibilité de décharge impose un support performant, ou une restriction du temps d’assise… • La possibilité de modifier électriquement l’inclinaison du dossier et des palettes, est favorable à la prévention des problèmes cutanés, par la modification transitoire des zones et intensité de pression. • Exemple n°3 : Jeune femme paraplégique avec la sensibilité conservée, sans aucun antécédent d’escarre. Bassin oblique (scoliose non fixée). Sensation d’instabilité en position assise, et appui douloureux fesse droite. La première évaluation met en évidence un hyper appui sur l’ischion droit. La première proposition est d’équilibrer les pressions en ajoutant une cale sous la fesse droite… mais elle a pour effet immédiat d’augmenter l’appui sur les deux ischions… Alors, nous essayons de jouer sur la surface d’appui fesses-cuisses en plaçant une mousse de 2 cm entre le coussin et l’assise. Nous équilibrons ainsi les pressions ischiatiques, tout en réduisant leur intensité. Nous laissons un temps d’adaptation à la patiente de 24 heures pour évaluer, en situation de vie courante, cette nouvelle installation. En fin de compte, la patiente se sent moins stable….et préfère garder ses réglages initiaux ! Conclusion de l’exemple n°3 • Les « a priori » ne sont pas toujours vérifiés. • Il existe souvent un compromis entre stabilité, confort du patient, et son exposition au risque. • La visualisation aide à la décision, et au conseil donné au patient. LES CONSEILS Malgré les enseignements donnés par cet examen, nous ne manquons pas de renforcer le message préventif en rappelant l’importance de la surveillance des zones à risque par une inspection quotidienne. Il faut également modifier ses appuis par des soulèvements répétés, soulagements latéraux ou antérieurs. Enfin, le maintien d’une « Hygiène de vie » correcte est toujours mis en avant. En plus d’un équilibre nutritionnel satisfaisant, une toilette rigoureuse, la maîtrise des troubles urinaires, et le port de vêtements larges qui évitent les surépaisseurs… permettent de ne pas « risquer sa peau »… CONCLUSION L’utilisation de capteurs de pression est un outil efficace, rapide et pédagogique dans l’évaluation, l’éducation et l’installation du blessé médullaire au fauteuil. Le rôle éducatif doit être suffisamment prégnant pour laisser la place à la rigueur et à la vigilance lors du retour au domicile.