11. Galien

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Galien
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Galien de Pergame né en 130, décédé en 210. Il se forme d’abord à
la philosophie et manifeste une grande piété à Esculape qui l’a guéri
miraculeusement d’un abcès. Formé d’abord à Pergame où il étudie l’anatomie, se
familiarise aves la médecine hippocratique (« Il est le premier à avoir ouvert la
voie. Ce qu’il a commencé, il appartient à un autre de le finir. ») et avec la pensée
empirique de Philinos de Cos. Il voyage (Corinthe, Alexandrie) revient à Pergame
où il devient médecin des gladiateurs. En 163, il se rend Rome, devient populaire,
médecin de l’empereur Marc-Aurèle et des autres empereurs Commode, Pertinax,
Septime et Caracalla.
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L’enseignement occupe une partie importante de son temps. En
particulier, il entreprend une série de démonstrations anatomiques sur l’animal qui
deviennent vite populaires. Ses qualités de travail et de générosité sont
neutralisées par un orgueil démesuré : « Personne avant moi n’a donné la vraie
méthode de traiter les malades. »
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Unanimement révéré et reconnu comme le plus grand médecin de
son temps. Il établit son testament professionnel de la façon suivante : « Ayant
exercé la médecine jusqu’à la vieillesse, jamais je n’ai eu à rougir d’un traitement
ou d’un pronostic, ce que j’ai vu arriver à des médecins très illustres. Si quelqu’un
veut s’assurer la célébrité grâce aux œuvres de l’art, il peut sans se fatiguer
recueillir ce que j’ai découvert au cours de ma vie… »
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Il aurait composé 500 ouvrages. Un incendie en 192 en aurait
détruit la plus grande partie. Il nous en reste qu’une centaine dont 83 sont
considérés vraiment authentiques. La traduction française la plus répandue est
celle de Daremberg (1854-1856). Galien a donné lui-même un abrégé de son
œuvre, l’Ars parva ou michrotechne qui a été le bréviaire médical jusqu’au XVIIIe
siécle.
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La circulation du sang d’après Galien :
À partir du foie, le sang passe dans les deux veines caves pour
se rendre en périphérie pour imbiber et nourrir toutes les parties
du corps où il se perd. Il pénètre aussi dans le ventricule droit
d’où il nourrit le poumon. Là, il reçoit de l’air qu’il envoie du
ventricule droit au ventricule gauche par des pores invisibles
pour alimenter le feu inné qui s’y trouve et où il se charge aussi
d’esprits vitaux. Les artères contiennent donc un peu de sang
spiritueux, de la matière aérée et des excréments fuligineux
résultant de l’adustion du sang par le feu inné.
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Galien reprend la théorie des humeurs d’Hippocrate. Il les
caractérise en leur attribuant les qualificatifs ou « intempéries » suivants : Le sang
dérive du feu, il est chaud et sec. Le flegme provient de l’eau, il est humide et
froid. La bile émane de l’air, elle est chaude et humide. : L’atrabile découle de la
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terre, elle froide et sèche. Ces qualificatifs serviront de base à la thérapeutique de
Galien.
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Il y ajoute la théorie du pneumatisme mise en avant par les
stoïciens (Zénon de Kition). Pneuma (ou esprit) :
« Pneuma psychicon ou Esprit animal (de nature éthérée) produit
par le cerveau et véhiculé par les nerfs, (qui sont de petits
vaisseaux). Il est à l’origine de la sensation et du mouvement »
« Pneuma zôticon ou Esprit vital (de nature aérienne) du cœur à
l’origine du dynamisme et la thermogénèse. »
« Pneuma physicon ou Esprit naturel (de nature vaporeuse) issu du
foie qui génère le sang (en distillant le chyle qui se déverse
directement au foie) alors que la rate intervient dans son épuration.
Le sang se perd dans les tissus en les nourrissant et se régénère par
l’absorption des aliments qui se transforment en chyle.
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Galien reprend donc la théorie d’Hippocrate sur la circulation en y
introduisant la notion de pneuma ou esprits. Donc trois systèmes circulatoires
indépendants. Le premier qui va du foie au poumon via la veine artérieuse et qui a
pour fonction de véhiculer le pneuma naturel. Le deuxième circuit va du cœur où
se trouve le feu inné et qui transporte le pneuma vital à tout le corps. Le troisième
va du cerveau vers tous le corps également en transportant le pneuma animal en
empruntant des vaisseaux creux, les nerfs.
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Galien introduit une notion théorique nouvelle, celle des facultés
ou forces secondes ou accessoires (Dynameis) : attractive, altérative, sécrétive,
rétentive, expulsive qui permettent à chaque organe d’agir selon sa nature en vue
d’une finalité particulière.
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La digestion est assimilée à une coction (cuisson) qui survient dans
l’estomac où se dégage aussi une chaleur naturelle favorisée par les esprits
dissolvants de la rate. Si la coction est insuffisante, il survient une indigestion et il
se produit alors un suc cru et pituiteux au lieu du chyle bénéfique.
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Le principal mérite de Galien est d’avoir procédé à des vivisections
chez l’animal, d’avoir reconnu le rôle du cerveau, de la moelle, du larynx.
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« Les sections transversales qui coupent entièrement la moelle
privent de sensibilité et de mouvement toutes les parties du corps situées plus bas.
Les incisions qui s’arrêtent au centre de la moelle paralysent les parties situées
sous l’incision. »
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« Pour faire un diagnostic, le praticien doit s’enquérir de toutes les
manifestations présentes et passées, en cherchant lui-même les symptômes actuels
et en s’informant des antécédents, non seulement auprès du patient, mais aussi
auprès de ses proches. »
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La thérapeutique de Galien est complexe et minutieuse faite de
nuances compliquées dans la préparation des médicaments, la chronologie du
traitement, en fonction des symptômes, de l’âge, du sexe, du tempérament, de la
situation sociale du malade, de la saison et de la température extérieure.
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De nombreux ouvrages qu’il a rédigés traitent des médicaments et
de la façon précise de les préparer tels que La préparation et les vertus des
drogues simples et Les remèdes appropriés à chaque partie du corps.
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La saignée avait été pratiquée depuis la plus ancienne Antiquité
dan le cadre de rites religieux. Galien est le premier à recommander la pratique
pour des raisons médicales. Dans le modèle galénique de la circulation, le sang
formé au foie circule dans les veines et se perd dans les tissus. Au terme de ce
mouvement, il est souvent de mauvaise qualité et il y a avantage à le remplacer
par du « plus louable » qui vient du foie. De plus, dans la théorie des humeurs, la
surabondance d’une humeur est à l’origine de presque toutes les maladies et
comme le sang est la plus abondante des humeurs, la saignée est le procédé
thérapeutique le plus efficace et le plus prescrit. Il préconise dans presque tous les
cas les saignées générales et locales à des points, des quantités et des horaires
variables, ordinairement répétés. La saignée deviendra pendant seize siècles la
pierre angulaire des traitements médicaux basés sur l’enseignement de Galien.
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C’est à cette époque qu’apparaît à Rome le clivage entre les
médecins et les pharmaciens. (herborii fournisseurs de plantes médicinales et
pigmentarii fournisseurs de drogues)
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Galien est le premier à énoncer avec précision les formules des
médicaments qu’il propose. D’où le nom de pharmacie « galénique » pour les
médicaments préparés en officine par les pharmaciens.
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Il recommande aussi des purgatifs souvent violents. Dans les cas
d’inflammation, il conseille les révulsifs appliqués sur la peau vis-à-vis l’organe
affecté, les agents physiques. Sa pharmacopée repose sur plus de 500 produits
d’origine animale, végétale ou minérale. Il compose des picra amers), des hiera
(agents sacrés) des thériaques (électuaires très complexes.)
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Pendant plus de quinze siècles, l’héritage médical est devenu un
dogme. Les Pères de l’Église ont décrété la vérité incontestable de son
enseignement. (Galien semble dans ses écrits avoir des convictions monothéistes.)
Toute contestation de son œuvre au Moyen-âge conduit au bucher. Même
Descartes a repris la pensée de Galien au sujet de la circulation en écrivant qu’il
existe au niveau du cœur « un feu sans lumière qui sert à réchauffer le sang. » Au
XVIIe siècle, on affirme à Paris : « Il est préférable de se tromper avec Galien que
de suivre l’opinion d’un charlatan. »
LE POULS D’APRÈS GALIEN
Hippocrate fait mention à plusieurs reprises du pouls dans l’examen du malade,
mais interprète ses variations en fonction du pronostic dans un nombre limité d’affections
comme l’empyème par exemple où un pouls inerte est de mauvaise augure. Mais c’est
Galien qui va enrichir de façon démesurée la séméiologie du pouls (sphygmologie) en
composant au moins dix-huit livres sur le sujet (plusieurs autres auraient été brulés dans
l’incendie de la bibliothèque qui abritait ses œuvres à Rome). Grâce à lui seul, le pouls
deviendra pendant au moins quinze siècles la méthode d’examen dominante du malade
autant pour le diagnostic que pour le pronostic. Sa popularité au XVIIe siècle vient sans
doute du fait que la palpation du corps humain par les médecins n’était pas encore
acceptée par l’establishment médical et que ce genre de contact était laissé aux
chirurgiens.
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Galien établit la valeur séméiologique du pouls d’après deux ordres d’éléments
qu’il a lui-même mis en lumière en parallèle à la théorie des humeurs qu’il a héritée
d’Hippocrate : les « intempéries » de chaud, de froid, de sec et d’humide et les
« facultés » : attractive, altérative, sécrétive, rétentive, expulsive dont les variations chez
la personne en santé et chez le malade modifieront les caractéristiques du pouls.
Il ne croit pas que le pouls soit secondaire à l’arrivée du sang qui afflue dans
l’artère sous l’effet de la contraction du cœur. Comme l’affirme Diderot qui le cite (De
pulsibus Libri XVI), « il ne compte pas parmi les causes du pouls, le mouvement des
humeurs ou esprits dans les artères. » Au contraire, c’est le mouvement propre de la paroi
artérielle qui est responsable du pouls. (« La force pulsatrice est dans la membrane des
artères et absolument indépendante de l’esprit qui pourrait s’y trouver. » C’est en se
dilatant que l’artère aspire les esprits et certaines humeurs de la même façon « qu’un
soufflet aspire l’air lorsqu’on en écarte les parois. » Le pouls est donc un phénomène
local influencé par les « intempéries » et les « facultés » qui avoisinent l’artère tâtée.
La contraction de la paroi artérielle (« affaissement de l’artère ») a pour but de
chasser et dissiper les « excréments fuligineux »produits au niveau du cœur lors de
l’adustion du sang par le feu inné « de la même façon que la vessie et les intestins
évacuent l’urine et les matières fécales. » On comprendra qu’en cas de fièvre,
l’affaissement de la paroi artérielle sera plus vif et plus important. La distension de
l’artère (phénomène actif) pour sa part, a comme fonction d’attirer la matière aérée,
rafraichissante qui sera distribuée aux tissus et aux organes avoisinants.
Comme le pouls est un phénomène local, (les mouvements de distension et de
contraction étant des mouvements prenant naissance dans la paroi artérielle) Galien
préconise de le tâter avec trois ou quatre doigts (en variant la pression de superficielle à
marquée) et dans plusieurs sites, pour s’assurer que les anomalies notées sont partout
présentes ou « collectives » et non limitées à une seule portion de l’artère.
C’est avec une grande précision (et une grand complexité) que Galien décrit les
diverses phases du pouls. La distension d’abord suivi d’un premier repos, puis
l’affaissement de l’artère causée par une contraction de la paroi qu’on peut percevoir au
doigt. Cette contraction de la paroi est elle-même suivie d’un autre repos qui précède la
distension de l’artère. Chaque phase (distension, repos initial, contraction, repos terminal)
a une durée déterminée et la variation de durée de chaque phase de même que les
permutations de chacune de ces valeurs donne lieu pour cet aspect seulement’ à plus de
deux cents « espèces » de pouls. La contraction et la distension sont étudiées
individuellement dans chacune de leurs caractéristiques. Par exemple, la distension peut
être plus ou moins longue, large ou haute. Le choc sur le doigt peut être plus ou moins
fort, dur, « humide » etc. Des variations du même type peuvent se retrouver au niveau de
la phase de contraction.
Le pouls peut évidemment être irrégulier et différentes formes d’arythmies sont
décrites. La situation se complique de ce que le genre d’irrégularité et son intensité
varient selon le site de palpation du pouls sur le corps.
Finalement, en plus des innombrables permutations de tous ces traits particuliers
(elles se comptent par centaines), certaines formes de pouls ont des attributs si
spécifiques que Galien leur donne un nom particulier et qu’on doit les reconnaître
immédiatement comme le pouls vermiculaire qui se présente comme la reptation du ver,
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le pouls formicant qui rappelle la marche de la fourmi, le pouls capricant qui imite les
gambades de la chèvre, le pouls gazellant qui copie le saut des gazelles et ainsi de suite.
Le pouls peut varier avec le sexe, l’âge, la saison, la température extérieure, la
disposition du malade, les passions de l’âme. Chaque tempérament a ses variations
particulières. Après mure réflexion, Galien émet l’opinion que la passion amoureuse ne
s’accompagne pas d’une forme particulière de pouls, mais qu’elle se manifeste par le
pouls que l’on perçoit généralement chez les esprits agités. Un de ses disciples toutefois,
Struthius, s’est permis de contredire son maître en affirmant qu’il a peu constater un
pouls très particulier « chez une femme mariée qui avait un amant et qui, chaque fois
qu’on le nommait, présentait une variation distinctive de ses pulsations. » Par respect
pour son maître, Struthius a voulu laisser cette forme de pouls « anonyme », mais on peut
croire d’après sa description, qu’il s’agit du pouls triangulaire (dont la distension revêt en
s’élevant, la forme d’un triangle, sa pointe frappant le doigt avec ardeur.)
Galien affirme qu’on peut « déterminer par le pouls quelles sont les parties
affectées et quelle est l’espèce d’affection, le dérangement actuel qui constitue les
maladies. » Les pouls forts ou faibles, durs ou mous, dénotent la force ou la faiblesse des
facultés attractive, altérative, sécrétive, rétentive, expulsive de l’organe malade. Le pouls
faible, languissant, petit, inégal, indique la faiblesse « absolue » de la faculté. S’il est
alternativement fort et faible, la faiblesse est « relative » et la maladie moins grave. Les
fièvres font varier les pouls de façon distinctive. La fièvre lypirie s’accompagne d’un
pouls ondulant, mais surtout d’une grande variation d’une artère à l’autre. Dans la fièvre
diaire, on retrouve un pouls fréquent. La fièvre hectique s’accompagne d’un pouls
véhément. Le pouls est dur dans les fièvres putrides. Par ailleurs, les affections
pulmonaires s’accompagnent d’un pouls vibratile et humide. Si les membranes sont
« tendues », comme la plèvre, la vessie ou le diaphragme, le pouls devient alors plus dur.
On retrouvera le pouls vibré et distordu dans les squirres et dans les tumeurs contre
nature. Le pouls vermiculaire dans la faiblesse, le pouls convulsif dans les spasmes. Les
hémorragies utérines s’accompagnent d’un pouls dicrote, les vomissements d’un pouls
ondulant, dur et rentrant etc.
Enfin, la palpation du pouls peut déterminer le pronostic chez un malade donné.
(« Quelle sera l’issue de la maladie, dans quel temps elle aura lieu et par quelle voie elle
se fera. ») Le pouls est régulier chez le sujet en bonne santé, irrégulier chez le sujet
malade mais dont le pronostic est encore bon, intermittent chez le sujet qui va mourir.
L’excès de pulsations fortes et grandes sur les pulsations faibles et petites marque
l’empire des facultés sur l’abondance des humeurs et annonce le combat et la victoire.
Lorsque le pouls miure et décurté devient fort et bien élevé, la crise est proche, décisive
et complète. Un pouls qui devient élevé et inégal, indique une crise qui se fera par une
évacuation interne ou externe. Le pouls ondulant annonce une sueur critique. Dans les
fluxions, un pouls inégal qui devient tout à coup véhément, révèle l’apparition d’un
abcès… Les innombrables permutations que Galien propose sont toutes mises à
contribution dans l’identification d’un « dérangement » qui est à l’origine de la maladie
dont souffre le patient et dans l’établissement de son pronostic. Elles devaient toutes être
maitrisées du futur médecin à Paris au XVIIe siècle : il devait donc connaître par cœur les
dix-huit ouvrages De pulsibus que Galien a composés (ceux du moins qui ont été
conservés) de même que les Commentaria de ses disciples comme Sruthius, Erasistrate
et Valerius.
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