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le pouls formicant qui rappelle la marche de la fourmi, le pouls capricant qui imite les
gambades de la chèvre, le pouls gazellant qui copie le saut des gazelles et ainsi de suite.
Le pouls peut varier avec le sexe, l’âge, la saison, la température extérieure, la
disposition du malade, les passions de l’âme. Chaque tempérament a ses variations
particulières. Après mure réflexion, Galien émet l’opinion que la passion amoureuse ne
s’accompagne pas d’une forme particulière de pouls, mais qu’elle se manifeste par le
pouls que l’on perçoit généralement chez les esprits agités. Un de ses disciples toutefois,
Struthius, s’est permis de contredire son maître en affirmant qu’il a peu constater un
pouls très particulier « chez une femme mariée qui avait un amant et qui, chaque fois
qu’on le nommait, présentait une variation distinctive de ses pulsations. » Par respect
pour son maître, Struthius a voulu laisser cette forme de pouls « anonyme », mais on peut
croire d’après sa description, qu’il s’agit du pouls triangulaire (dont la distension revêt en
s’élevant, la forme d’un triangle, sa pointe frappant le doigt avec ardeur.)
Galien affirme qu’on peut « déterminer par le pouls quelles sont les parties
affectées et quelle est l’espèce d’affection, le dérangement actuel qui constitue les
maladies. » Les pouls forts ou faibles, durs ou mous, dénotent la force ou la faiblesse des
facultés attractive, altérative, sécrétive, rétentive, expulsive de l’organe malade. Le pouls
faible, languissant, petit, inégal, indique la faiblesse « absolue » de la faculté. S’il est
alternativement fort et faible, la faiblesse est « relative » et la maladie moins grave. Les
fièvres font varier les pouls de façon distinctive. La fièvre lypirie s’accompagne d’un
pouls ondulant, mais surtout d’une grande variation d’une artère à l’autre. Dans la fièvre
diaire, on retrouve un pouls fréquent. La fièvre hectique s’accompagne d’un pouls
véhément. Le pouls est dur dans les fièvres putrides. Par ailleurs, les affections
pulmonaires s’accompagnent d’un pouls vibratile et humide. Si les membranes sont
« tendues », comme la plèvre, la vessie ou le diaphragme, le pouls devient alors plus dur.
On retrouvera le pouls vibré et distordu dans les squirres et dans les tumeurs contre
nature. Le pouls vermiculaire dans la faiblesse, le pouls convulsif dans les spasmes. Les
hémorragies utérines s’accompagnent d’un pouls dicrote, les vomissements d’un pouls
ondulant, dur et rentrant etc.
Enfin, la palpation du pouls peut déterminer le pronostic chez un malade donné.
(« Quelle sera l’issue de la maladie, dans quel temps elle aura lieu et par quelle voie elle
se fera. ») Le pouls est régulier chez le sujet en bonne santé, irrégulier chez le sujet
malade mais dont le pronostic est encore bon, intermittent chez le sujet qui va mourir.
L’excès de pulsations fortes et grandes sur les pulsations faibles et petites marque
l’empire des facultés sur l’abondance des humeurs et annonce le combat et la victoire.
Lorsque le pouls miure et décurté devient fort et bien élevé, la crise est proche, décisive
et complète. Un pouls qui devient élevé et inégal, indique une crise qui se fera par une
évacuation interne ou externe. Le pouls ondulant annonce une sueur critique. Dans les
fluxions, un pouls inégal qui devient tout à coup véhément, révèle l’apparition d’un
abcès… Les innombrables permutations que Galien propose sont toutes mises à
contribution dans l’identification d’un « dérangement » qui est à l’origine de la maladie
dont souffre le patient et dans l’établissement de son pronostic. Elles devaient toutes être
maitrisées du futur médecin à Paris au
XVII
e siècle : il devait donc connaître par cœur les
dix-huit ouvrages De pulsibus que Galien a composés (ceux du moins qui ont été
conservés) de même que les Commentaria de ses disciples comme Sruthius, Erasistrate
et Valerius.