9
Avant-propos
Ce livre collectif est le fruit d’un acte volontariste, de la décision de nous lancer
dans une réflexion commune sur le lien problématique entre les conflits religieux
qui ont marqué l’Europe de la première modernité, et la genèse même d’une
notion et d’une forme historique, politique et culturelle, qui intègre dans sa consti-
tution cette conflictualité religieuse. Si la question proposée pour les concours au
recrutement dans l’enseignement secondaire en France est évidemment à l’origine
de cette initiative, elle ne saurait expliquer la participation d’historiens venant de
presque toute l’Europe occidentale, auxquels l’institution du « concours» en France
est difficile à expliquer. S’ils ont accepté de se lancer avec nous dans cette aventure,
dans l’urgence, c’est bien par intérêt pour une problématique fondamentale de
l’histoire européenne qui n’a rien perdu de sa virulence, si l’on pense aux débats
sur la construction de mosquées à Cologne et à Zurich, ou encore à celui sur une
éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union européenne, sans oublier la question
conflictuelle des origines chrétiennes de l’Europe.
En ce sens, ce livre n’est pas un manuel. Les auteurs ont certes essayé de faire
le point dans leurs domaines respectifs et de donner une synthèse de l’état actuel
de la recherche internationale, mais en gardant le cap d’une discussion ouverte et
problématique (qui ne vise pas l’exhaustivité). Cet ouvrage n’a pas non plus de
« ligne directrice». Comme le verra le lecteur, les positions divergent sur l’inter-
prétation des affrontements religieux et sur des concepts comme la confessionna-
lisation. C’était notre intention. La lecture des contributions de ce groupe d’his-
toriens européens donnera, espérons-le, une idée des différents styles de penser et
manières de faire, une variété qui constitue la richesse de l’Europe (une diversitas
que n’auraient du reste pas boudée les hommes du esiècle). Une vérité qu’on
a fini par accepter, souvent à contrecœur, dans les affrontements religieux de la
première modernité.
Nous nous sommes résignés, dans la préparation de cet ouvrage, à un compro-
mis pragmatique qui est un défaut lié à la formulation de la question des concours,
c’est-à-dire de limiter l’ouvrage à l’espace géographique européen. Or les affronte-
ments religieux ont des prolongements hors de l’Europe. Et nous savons bien que
l’histoire de l’Europe est l’histoire d’une expérience globale des Européens de la
première modernité qui imprègne fortement les conflits religieux dans et hors de
l’espace géographique européen. Nous avons essayé d’y remédier en esquissant au