Une "éthicratie"
Mais à la différence de cette notion "négative" (l'acratie), elle apporte un élément
"positif" en spécifiant une façon de prendre les décisions collectives.
Contrairement aux systèmes traditionnels (hiérarchiques ou démocratiques), le
choix de l'option retenue l'issue de la délibération) ne prend pas en compte les
personnes qui la soutiennent ou pas (leur statut hiérarchique ou leur nombre), mais
seulement sa propre nature. En l'occurrence, sa conformité à une éthique
universalisable, juste, humaniste, et plus précisément, utilitariste (dans le sens
philosophique anglo-saxon du terme (2) ), d'où le troisième sens du préfixe "u"...
En gros, on retient l'option qui maximise la somme des bien-être de tous, tout en
veillant à ne sacrifier personne (2). Tout naturellement, le long terme est privilégié
(prise en compte de l'impact écologique ou éducatif, par exemple), puisque cela
correspond généralement à plus de bonheur pour plus de monde.
Une "ratiocratie"
Bien sûr, reste la question "technique" de prévoir quel est le choix qui accroîtra le
plus ce bonheur total.
Il est bien évident que l'on ne peut savoir cela avec certitude. Cependant, il est
toujours possible d'estimer des probabilités pour les différentes conséquences
possibles d'un choix donné, en procédant d'une façon "rationnelle" (observation,
application de lois scientifiques, expérience, bon sens etc.) L'expérience montre
qu'une telle procédure est globalement plus favorable à nos objectifs (même si une
erreur est toujours possible). La décision choisie sera en quelque sorte la meilleure
que l'on pouvait raisonnablement prendre.
La notion de raison apparaît d'ailleurs dans le mot "ukratio" ("ratio" signifie raison
en latin).
Cette délibération rationnelle a d'ailleurs toujours un coût (ne serait-ce que sa durée
et le nombre de personnes qui s'y consacrent). Réduire le risque d'erreur pourra
demander un travail d'investigation... dont le coût est à prendre en compte ! Il va de
soi que plus une décision présente un enjeu important, plus cela vaudra la peine de
faire des investigations plus approfondies afin de réduire le risque (le temps
consacré à la délibération sera donc proportionnel à l'enjeu qu'elle représente).
Il peut arriver que plusieurs choix soient "rationnellement" équivalents (compte
tenu de la faiblesse des connaissances dont on dispose). L'absence de détermination
n'est pas alors un véritable problème, puisque précisément, ils sont "équivalents".
C'est seulement si l'enjeu le justifie que l'on pourra poursuivre l'investigation afin
de les départager (ou de trouver d'autres choix meilleurs). Le cas échéant
(indétermination), le choix pourra se faire au hasard, ou, pourquoi pas, à la
majorité si le coût de ce "sondage" n'est pas trop important).
2
Principe de surveillance populaire
L'exercice d'un pouvoir (non-discrétionnaire) doit pouvoir être contrôlé aussi
facilement et complètement que possible par tout le monde, et le cas échéant,
sanctionné.
Principes décisionnels (nature des décisions)
Éthique
Principe de libre circulation
Quiconque le souhaite doit pouvoir choisir la société qui lui convient, cela
nécessitant éventuellement de changer de lieu et de trouver des partenaires
adéquats. (Même l'ucratie, elle-même multiforme, ne saurait être imposée).
Principe de non-pauvreté
Le bonheur total est supposé s'accroître en priorité par la satisfaction des
besoins les plus fondamentaux de tout le monde (source environnementale du
bonheur, bien-être matériel), puis par une éducation au savoir-être (source
psychologique).
Principe de non-exploitation
Le bien-être matériel de quelqu'un ne peut être accru au détriment de celui
d'une ou plusieurs autres personnes dont les bien-être matériels deviendraient
ainsi plus faibles que le sien.
Principe d'écologie
La préservation de la biosphère est prioritaire : gestion durable des ressources.
De cohérence
Principe de cohérence décisionnaire
Une décision collective ne peut pas enfreindre les principes ucratiques (en
particulier, en mettant en place un pouvoir discrétionnaire).
Principe de cohérence culturelle :
La culture, les pratiques et l'éducation doivent développer une éthique cohé-
rente avec l'ucratie, et en particulier : l'esprit critique, la maîtrise de soi, le
respect et la bienveillance.
Principe de cohérence organisationnelle
Le mode d'organisation lui-même doit alimenter le moins possible (via les
comportements et les concepts qu'il induit) les dispositions psychologiques
s'opposant (par leurs conséquences) à l'harmonie et au bonheur, et le plus
possible celles qui y contribuent...
En particulier, on évitera d'attribuer des pouvoirs trop désirables, ou que le
désir de pouvoir se développe par la possibilité pour chacun de travailler à son
obtention.
7
Tout d'abord, nous verrons que le projet Ukratio a pour principe de ne rien imposer
à personne (y compris l'ucratie), et que plusieurs formes d'ucratie sont possibles
(chacun pouvant proposer et rejoindre celle qui lui convient le mieux). Il va de soi
que celui qui choisit une éthicratie conforme à sa propre éthique y est
remarquablement libre puisque la contrainte n'existe que lorsque l'on se voit
imposer une chose qui ne nous convient pas...
Mais même en supposant que l'ucratie soit imposée, on peut remarquer alors que la
contrainte serait plutôt moins gênante que dans les autres systèmes (qui sont
d'ailleurs bel et bien imposés aujourd'hui !) En effet, mieux vaut être dominé par un
tyran dont les décisions sont moins cruelles et moins imprévisibles. Le choix du
plus grand bonheur possible de tous n'est pas particulièrement cruel (les
nombreuses victimes de l'iniquité actuelle l'apprécieraient même sûrement !)
Ensuite, si l'on prend l'exemple de la démocratie directe (qui est pourtant un des
systèmes les plus libéraux actuellement imaginés) on voit que chacun y est soumis
au diktat de la majorité. Celle-ci est faite d'humains à la psychologie complexe, pas
forcément prévisible, beaucoup moins, en tout cas, qu'une éthique précisément
déterminée...
Une société harmonieuse
Un intérêt de ce système, outre que les décisions sont objectivement les meilleures
possibles, est que les conflits sont considérablement réduits. D'une part, il n'y a pas
de conflit pour obtenir un pouvoir hiérarchique, puisque ceux-ci n'existent pas
(donc, moins de conflits d'intérêts) ; d'autre part, il est difficile pour quelqu'un de
favoriser un intérêt particulier puisque toute proposition doit être argumentée sur la
base du bien commun ! (5)
Une autre objection possible concernant ce système est que tous les choix ne sont
pas forcément argumentables. Ainsi, lorsqu'il s'agit de goûts personnels...
Ceci n'est pas un problème, au contraire : il n'est alors pas nécessaire
d'argumenter : il suffit de faire le choix qui maximise la somme des satisfactions de
chacun (pour obtenir « le plus grand bonheur possible »). On distinguera donc
entre les décisions nécessitant une argumentation et celles qui n'en ont pas besoin
et peuvent de ce fait, être "automatisées" (pour certaines, ce peut être une
combinaison des deux procédés).
C'est d'ailleurs ainsi que fonctionne l'économie ucratique, encore appelée EEBEM (
pour : Économie Écologique du Bien-être et de l'Équité Maximums) : chacun
indique ses préférences en matière de travail et de consommation, et en fonction de
ça, les travaux et consommations sont distribués de façon optimale (ce n'est qu'un
calcul à effectuer, en se basant sur l'éthique adoptée !)(6)
Pas besoin de discussion, plus d'exploitation et plus de pouvoirs qui seraient trop
désirables... (qu'il soient formels, informels, politiques ou économiques). L'argent
et la possession sont en effet des pouvoirs par nature très désirables, dont
4
l'existence entretient donc la cupidité, laquelle induit de nombreux crimes, conflits,
oppressions et injustices dans le monde...
Des garde-fous
: les principes ucratiques
préambule
Au vu de l'état du monde actuel en dépit de nombreux discours et bonnes intentions
en tous genres, afin de prévenir toute dérive malencontreuse qui pourrait être
dommageable au projet (Ukratio), celui-ci se donne 14 principes bien précis.
Ce ne sont pas des "commandements", mais des garde-fous pouvant toujours être
discutés en vue du « plus grand bonheur ». Mais faute d'une telle discussion
préalable, rien qui ne respecterait pas ces principes ne doit pouvoir, aujourd'hui, se
revendiquer légitimement de l'ucratie (ceci, afin d'éviter que le concept ne soit
galvaudé).
Une cause de souffrance est l'imposition à quelqu'un d'une chose qui le répugne, et
ce, d'autant plus que la répugnance est forte. S'interdire d'imposer quoi que ce soit
serait utopique : va-t-on, sous ce prétexte, laisser l'assassin commettre son forfait ?
Ce serait oublier que l'assassin impose quelque chose à autrui, de bien plus
répugnant (en général) que l'interdiction de tuer : l'obligation de mourir !
On peut, par contre, limiter le pouvoir au contrôle de l'application de règles
décidées collectivement selon une procédure bien précise (absence de pouvoir "dis-
crétionnaire"), et limiter ce pouvoir "exécutif" grâce à une surveillance appropriée.
En réduisant ainsi le pouvoir institutionnel et en le rendant moins désirable, on
réduit la soif de pouvoir... dont on peut constater les méfaits dans le monde actuel.
Les sources de bonheur sont assez variables selon les individus. Il va donc de soi
que ce sera à chacun d'établir ce qui fait son bonheur.
On peut penser, toutefois, que le bonheur passe, pour le plus grand nombre, par
l'obtention d'un minimum de confort, et que l'obtention de ce minimum est plus
importante qu'un accroissement de même amplitude au-delà de ce minimum.
On peut penser également que le bonheur résulte essentiellement d'une attitude
intérieure, d'une façon de considérer les choses et d'agir.
Une ucratie devrait donc, typiquement, assurer en priorité des droits de base
comme celui de pouvoir se nourrir convenablement, de disposer d'un logement, de
vivre en sécurité etc., et promouvoir une philosophie du bonheur (ou plusieurs).
Pour le plus grand bonheur possible, le mode de prise de décision doit encore être
efficace : les problèmes doivent être résolus rapidement sans que l'on ne s'égare
dans des débats interminables ou des querelles de personnes.
Par ailleurs, les foules peuvent être facilement manipulées (d'où des décisions non
conformes à notre objectif).
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