Portugal
S= 92152 km2
P= 10 529 000 hab
Le Portugal inaugura le XIXe siècle sous l'occupation des troupes napoléoniennes en
1807, qui entraîna de manière indirecte, en 1822, la perte de l'empire brésilien.
Redevenu indépendant après 1811, avec l'aide des Anglais, le Portugal se retrouva,
une fois de plus, confronté à ce qui fut, du traité de Windsor de 1373 jusqu'en 1945, l'éternel
dilemme de son histoire géopolitique : s'allier à l'Angleterre pour ne pas être absorbé par
l'Espagnol. En 1815, lors du Congrès de Vienne, le Portugal fut de nouveau menacé
d'annexion par l'Espagne, laquelle, appuyée par la Russie qui souhaitait obtenir les îles
Baléares, entendait unifier la péninsule ibérique.
Par ailleurs, l'alliance de Lisbonne avec Londres n'était pas sans risques, notamment
dans le domaine colonial.
Ayant perdu le Brésil, et ne possédant plus que des comptoirs en Asie, à Goa, Timor et
Macao, Lisbonne entreprit, à partir de son domaine africain qui se réduisait à l'époque aux
côtes de l'Angola et du Mozambique, aux îles de Cap-Vert et aux côtes de Guinée, de
reconstituer un troisième empire, sorte de nouveau Brésil, en annexant toutes les régions
d'Afrique australe qui s'étendaient entre l'Atlantique angolais et le Mozambique de l'océan
Indien.
Mais le rêve portugais d'une Afrique biocéanique fut entravé par la politique
britannique en Afrique australe. L'Angleterre, suivant un axe Le Cap-Le Caire, s'attacha à
occuper le coeur de l'Afrique australe et à y créer les deux Rhodésies. Qui plus est, les
ambitions portugaises furent aussi compromises par la conquête belge du Congo, et l'arrivée
des Allemands dans les deux régions du sud-est et du sud-ouest africain Le Portugal
nepréalisa jamais ses ambitions coloniales, et fut même menacé un temps de perdre son
empire africain: les Anglais, soucieux de s'attirer les bonnes grâces de Berlin, négocièrent en
vain avec ces derniers le partage de l'empire portugais.
Pour le Portugal, pays qui avait exploré et conquis le monde au XVe siècle, longtemps
plus tourné vers des continents lointains que vers le sien, mais tombé peu à peu dans une
léthargie sociale et un conservatisme agraire, la fin du XIXe siècle signifia le retour à la
réalité continentale. En effet, le voisin espagnol songeait de nouveau à l'annexer, ainsi que ses
possessions atlantiques des Açores et de Madère, relais stratégiques du fait du développement
des relations transatlantiques. Aux yeux des nationalistes espagnols, le Portugal était une
enclave anglaise dans la péninsule ibérique, destinée, avec l'aide de l'autre enclave, Gibraltar,
à encercler l'Espagne.
Il fallait s'emparer du Portugal et unifier la péninsule ibérique afin de briser
l'encerclement britannique. Cette ambition géopolitique fut une obsession de la diplomatie
secrète de l'Espagne. Au début du XXe siècle, l'Espagne demanda, en échange de son
engagement en cas de guerre aux côtés de la France ou de l'Allemagne, l'assurance qu'elle
aurait les mains libres quant à l'annexion du Portugal. Sous la pression des milieux d'affaires,
la Première Guerre mondiale ivit le Portugal enten guerre aux côtés des Alliés en 1917,
tandis que l'Espagne restait finalement neutre. Les troupes portugaises se battirent en France
et en Afrique, mais le Portugal ne retira de son engagement que quelques rectifications de
frontières en Afrique. L'entre-deux guerres fut marqué par l'arrivée au pouvoir du dictateur
Salazar, et par un durcissement du conservatisme social. Parallèlement, chez le voisin
espagnol, la République avait été proclamée, et certains milieux de gauche réclamaient une
fédération de la République sociale ibérique par la fusion de l'Espagne et du Portugal.
Cette idée profita aux thèmes ultra-nationalistes et anti-espagnols du salazarisme qui
firent échos aux thèmes anti-portugais défendus symétriquement par la Phalange espagnole.
L'éclatement de la guerre civile espagnole contribua à diminuer la méfiance qu'entretenaient,
de part et d'autre de leurs frontières, nationalistes portugais et espagnols. Salazar envoya vingt
mille volontaires portugais à la rescousse des phalangistes espagnols et des rebelles
franquistes. Mais une fois de plus, la géopolitique l'emporta sur l'idéologie. Le contexte de
préparation de la Deuxième Guerre mondiale encouragea le retour des rivalités entre Lisbonne
et Madrid. Face à la configuration des alliances en formation, le Portugal cherchait avant tout
à conserver son intégrité.
Lisbonne était menacé d'être envahi par l'Espagne et l'Allemagne s'il ne rejoignait pas
les puissances de l'Axe. Cependant, se ranger dans le camp de l'Axe lui aurait coûté, sans nul
doute, la perte immédiate de ses colonies d'Afrique vouées à être conquises par l'Afrique du
Sud et la Grande-Bretagne.
L'Espagne quant à elle, en envahissant son voisin aurait couru le risque d'un
débarquement britannique au Portugal, d'où serait partie une contre-attaque s'appuyant sur les
forces stationnées à Gibraltar, qui aurait entraîné l'occupation anglaise de l'Espagne.
L'objectif de Londres consistait à détacher l'Espagne des puissances de l'Axe, en faisant jouer
le levier de la neutralité portugaise, celle-ci ayant l'avantage de protéger les Açores, relais
stratégique entre les État-Unis et la Grande-Bretagne. Cet objectif anglais fut atteint :
Lisbonne et Madrid signèrent en 1939 le Pacte ibérique qui garantissait l'intangibilité des
frontières et confirmait la neutralité des deux pays. À l'image de l'échec des milieux
germanophiles de Lisbonne et de Madrid, la géopolitique l'avait emporté sur la proximité
idéologique des régimes.
A partir de 1942, le Portugal se rangea dans le clan des Alliés. Les armées anglaises et
américaines occupèrent les Açores tandis que, dans le cadre de la guerre contre le Japon, les
forces hollandaises et australiennes s'emparaient du Timor.
La fin de la Seconde Guerre mondiale permit au Portugal d'inaugurer un nouveau
cycle géopolitique. Dégagé de toute menace espagnole et libéré de toute pression d'ordre
continental, le Portugal pouvait revenir à son histoire, celle d'une nation traditionnellement
ouverte à l'océan Atlantique, ayant plus de poids opolitique sur d'autres continents que sur
le sien. Ainsi le Portugal trouvait-il naturellement sa place dans l'Alliance atlantique et devint-
il un acteur de la guerre froide beaucoup plus important en Afrique qu'en Europe.
A partir des années 1960, l'Union Soviétique s'employa à soutenir les luttes de
libération dans l'ensemble des colonies portugaises, notamment en Angola et au Mozambique,
deux pays aux richesses importantes et qui, en outre, servaient de rempart à l'Afrique du sud.
Pour Moscou, démanteler l'Afrique portugaise revenait à affaiblir l'Afrique du sud et, par voie
de conséquence, l'ensemble du monde occidental. La difficulté de l'armée portugaise à réduire
des révoltes massivement soutenues par l'Union soviétique, ainsi que le coût financier de la
guerre, eurent raison du régime salazariste, en même temps qu'ils provoquèrent d’importants
mouvements d'émigration, vers les pays voisins, de Portugais soucieux d'échapper à la guerre
d'Afrique. Le retour à la démocratie au Portugal en 1974 fut accompagné de la décolonisation
générale des terres portugaises, à l'exception toutefois de Macao. Dix années plus tard, en
1985, en adhérant à la Communauté Économique Européenne, le Portugal, mettait un terme à
un vieux tropisme géopolitique impérial qui l'avait toujours poussé à affirmer sa présence hors
du continent européen plutôt qu'à l'intérieur.
Fort d'une cohésion nationale sans faille, à la différence de son voisin espagnol, le
Portugal aborde la construction européenne avec sérénité. Lisbonne offre ses capacités de
projection atlantique à l'Europe, et n'a plus à craindre une éventuelle absorption par une
Espagne qui est plus préoccupée par le maintien de l'unité nationale que par une extension
territoriale héritée d'un autre âge.
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