2 24 heures | Lundi 11 juin 2012 24 heures | Lundi 11 juin 2012 Point fort Point fort 3 Les «certitudes» du président d’Exit énervent P.-Y. Maillard Suicide assisté Faut-il accepter l’initiative Exit ou le contre-projet du Conseil d’Etat? Débat entre les pères des deux textes Votation cantonale Lise Bourgeois et Pascale Burnier Textes Florian Cella Photos L e 17 juin, Vaud pourrait être le premier canton de Suisse à légaliser le suicide assisté. Les citoyens devront choisir entre l’initiative Exit, qui impose aux EMS subventionnés d’accepter l’assistance au suicide, et le contre-projet du Conseil d’Etat, qui l’étend aux hôpitaux mais avec de nombreuses conditions (lire l’encadré en page 3). Pour la première fois, le conseiller d’Etat socialiste Pierre-Yves Maillard et le Dr Jérôme Sobel ont accepté de se livrer à un face-à-face musclé. Ce débat n’envoie-t-il pas un message négatif aux personnes âgées qui se sentent souvent inutiles? Pierre-Yves Maillard (P.-Y. M.): Malheureusement, chaque fois que l’on parle du suicide, cela a tendance à en augmenter la fréquence en créant un effet épidémique. Et le risque est plus élevé chez des personnes qui se sentent une charge pour autrui. C’est le tort de cette initiative et de la propagande qui l’accompagne. Ce qui me frappe, c’est l’étendue des certitudes des partisans d’Exit et de certains de ses opposants. Comme beaucoup de Vaudois, j’ai surtout eu des doutes. Faut-il ou non légiférer, par exemple? Et puis nous sommes arrivés à une ou deux convictions. Avec le contreprojet, nous voulons notamment éviter la banalisation du suicide. Jérôme Sobel (J. S.): Chacun a sa certitude qui n’est valable que pour lui. Mais revenons au «message négatif». Je dirais que l’immense majorité des gens ont peur de mourir et souhaitent repousser cette échéance. Seul un petit nombre de gens, suffisamment forts émotionnellement, psychologiquement, spirituellement et philosophiquement, sont capables de convoquer leur propre mort. Ce petit nombre doit pouvoir avoir accès à cette ultime liberté. Les personnes ne meurent-elles pas déjà dignement avec les soins palliatifs? J. S.: La dignité pour une personne est celle qu’elle se souhaite. Toutes les visions sont respectables. Pour certains, ce seront les soins palliatifs. J’y ai toujours été favorable. Mais cela doit rester une option, pas une obligation. Il y a des gens qui sont aux soins palliatifs, qui souhaitent s’en aller, mais qui doivent quitter un établissement pour mourir à cause d’un blocage institutionnel. En Hollande et en Belgique, c’est possible. Là-bas, ce sont des soins palliatifs complets, alors que chez nous ils sont partiels. P.-Y. M.: L’initiative séduit par l’illusion qu’on peut maîtriser jusqu’à sa mort. C’est un fantasme. Il peut y avoir des conséquences très lourdes pour ceux qui entourent la personne qui choisit le moment de sa mort. Cela pose donc la question du rapport à autrui. Un suicide, c’est un acte contre soi ou pour soi. Mais on ne peut pas réduire la question à ce pur individualisme. Je conteste cette façon de poser la liberté d’un être comme la valeur absolue. Avec le contre-projet, vous faites primer l’intérêt de la communauté de l’EMS sur celui de l’individu qui souhaite mourir. N’est-ce pas à nous de décider plutôt qu’aux soignants et aux proches? P.-Y. M.: Je ne dirais pas les choses comme ça. Le contre-projet est une tentative de compromis entre liberté individuelle et respect de la communauté qui entoure le paVC1 Contrôle qualité Jusqu’où faut-il aller? tient et qui aura à répondre de ce qui lui arrive. Compromis difficile quand les deux positions sont défendues par des milieux non dénués de sectarisme. C’est vrai de certains opposants de principe au suicide assisté. Mais c’est vrai aussi d’Exit et de Dignitas, qui appuie M. Sobel dans cette campagne: absence de transparence financière et leadership réputé infaillible évoquent un fonctionnement de type sectaire. L’enrichissement spectaculaire du leader de Dignitas ajoute un trouble. J. S.: J’ai passé une journée devant la Commission juridique du Conseil national pour présenter les comptes d’Exit. M. Minelli, de Dignitas, s’est livré au même exercice. Il est ressorti de cette séance que nous n’avions rien à nous reprocher. P.-Y. M.: Oui, mais chez Dignitas, un suicide c’est 10 500 francs. Chez vous, ça coûte… J. S.: 40 francs! P.-Y. M.: Cela fait une sacrée différence. Avec votre initiative, Dignitas viendra aussi faire son marché dans les EMS vaudois. Les prix seront plus élevés, mais les conditions moins strictes. J. S.: Je ne suis pas là pour défendre Dignitas. Il y a peu de précisions dans le texte d’Exit. Etes-vous prêt à aller jusqu’à assister une personne qui se dit fatiguée de la vie? J. S.: Oui, lorsqu’une personne est à l’hiver de sa vie, qu’elle est atteinte de pathologies invalidantes, c’est-à-dire un ensemble de maladies qui lui rendent la vie de plus en plus difficile, que sa situation va se dégrader jusqu’à la mort, qu’elle est philosophe et qu’elle souhaite mettre un terme à ses jours car elle a de la peine à marcher, qu’elle a des problèmes d’incontinence, qu’elle est malvoyante, que ceux qu’elle a aimés sont déjà morts, pourquoi voulez-vous que nous lui imposions de continuer un purgatoire sur terre? Ne pas l’écouter est une forme de maltraitance. La personne qui demande un suicide assisté doit avoir son discernement. Qu’en est-il des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer? J. S.: Il faut poser un diagnostic clair. On explique à la personne et à ses proches que si elle est en début de maladie, et qu’elle souhaite réellement s’en aller pendant qu’elle a encore le discernement attesté par des bilans neuropsychologiques, on va pouvoir l’aider. Si cette personne attend trop et perd son discernement, on ne pourra plus le faire. «Je n’ai pas confiance dans les médecins en place. Ils vont utiliser ce contre-projet comme un instrument de blocage!» Choc des visions Le conseiller d’Etat reproche au docteur le manque de précision de son texte. L’initiant estime que le contre-projet ouvre la porte aux blocages. Jérôme Sobel, président d’Exit P.-Y. M.: Tout cela est révélateur. On ne vote pas pour ou contre Exit, on vote un texte. Or la vérification de la capacité de discernement que vient d’exposer M. Sobel n’est pas dans son texte, ni même la vérification du diagnostic… Dignitas pratique des suicides avec un sac en plastique et de l’hélium! Cela sera possible dans les EMS vaudois si l’initiative passe. J. S.: Nous n’avons pas inscrit tout ça dans le texte parce que c’est implicite. Il y a un arrêt du Tribunal fédéral et le Code pénal qui l’imposent. Si on avait tout inscrit, on nous aurait dit que notre texte est indigeste et inutilisable. Quant aux cas de suicides à l’hélium, il faut connaître les faits. Dignitas a été poussée à la faute, et les personnes qui se sont donné la mort ainsi l’ont fait en toute connaissance de cause. P.-Y. M: Désapprouvez-vous cela, oui ou non? J. S.: Oui, pleinement. P.-Y. M.: Pourtant votre texte le permet. Le Conseil d’Etat ne fait-il pas un cadeau empoisonné aux médecins en leur donnant le pouvoir de décider qui peut se suicider ou non? P.-Y. M.: Nous pensons que l’initiative a des chances sérieuses de passer. Ceux qui prônent le double non augmentent d’ailleurs ces chances. Or elle mettra les soignants dans des situations impossibles car ils seront obligés de laisser entrer n’importe quelle association, et on leur en fera reproche. Donc mieux vaut assumer. Dans le contre-projet, le médecin ne décidera pas du suicide assisté: il vérifiera si le patient La votation de dimanche prochain L’avis des partis Sur quoi on vote La majorité des partis vaudois suivent les consignes de vote du Grand Conseil. C’est donc oui au contre-projet du Conseil d’Etat et non à l’initiative d’Exit, avec le contre-projet en préférence en cas de double oui. Les Verts et A Gauche toute! s’écartent cependant du mot d’ordre et recommandent le double oui avec préférence au contre-projet. L’initiative «Assistance au suicide en EMS» porte uniquement sur les EMS subventionnés. Elle impose aux établissements d’accepter l’assistance au suicide si un résident en fait la demande auprès d’une association de type Exit ou auprès d’un médecin. Elle est conforme au Code pénal suisse et à la Constitution vaudoise. L’initiative est rejetée par le Grand Conseil. L’Alliance du centre, formée des Vert’libéraux, du PDC, de Riviera libre et de l’UDF, ne donne, en tant que telle, aucune consigne puisque les partis sont divisés. Ainsi, les Vert’libéraux, emmenés par le médecin Jacques-André Haury, ne croient pas dans les vertus du contre-projet et s’engagent en faveur d’Exit, au nom de la liberté individuelle. Le Parti démocrate-chrétien rejette au contraire les deux textes, les jugeant tous deux trop «contraignants» dans un registre très délicat. Enfin, l’Union démocratique fédérale, d’obédience évangélique, dit également deux fois non au motif que ces textes constituent «un premier pas vers une complicité dans le suicide des personnes âgées». Le contre-projet du Conseil d’Etat étend la procédure aux hôpitaux. Le suicide assisté ne peut être refusé, pour autant que la personne soit capable de discernement et qu’elle souffre d’une maladie ou de séquelles d’accident graves et incurables. Ces vérifications sont faites par le médecin responsable de l’établissement, en concertation avec l’équipe soignante, le médecin traitant et les proches. Il a le droit de solliciter l’avis d’un autre pratiquant ou d’une commission d’évaluation interne. Le texte précise aussi que les soignants, à titre professionnel, ne doivent pas assister à la prise de la potion létale. Ce contreprojet a l’aval du Grand Conseil vaudois. dispose de son discernement, si sa maladie est incurable, si la potion qu’il va ingérer est bien soumise à prescription médicale, si les conditions sont remplies pour que la personne décide par elle-même. Quant aux proches et à l’équipe soignante, ils seront simplement informés et consultés; ils n’auront pas de pouvoir de décision. J. S.: C’est exactement pourquoi nous refusons ce contre-projet. Dès le moment où il y a aura un médecin opposé à la pratique, il décidera qu’il n’y a pas discernement. J’ai vécu un cas où le médecin a déclaré une personne incapable de discernement. J’étais d’un avis contraire. J’ai demandé en vain des preuves. Trois mois plus tard, j’ai fait venir un psychiatre neutre, et ce dernier a confirmé le discernement. Le médecin de l’EMS et l’ancien médecin cantonal ont dit que le psychiatre était vendu à Exit… P.-Y. M.: Avec le contre-projet, il y aura possibilité de faire appel à la Commission des plaintes des patients en cas de blocage. C’est un organisme indépendant de l’Etat. Dr Sobel, qu’avez-vous prévu pour éviter un business de la mort? J. S.: Je rappelle que le médecin traitant du patient peut aussi faire un suicide assisté. J’aimerais aussi imaginer à terme que les médecins, au lieu de se décharger sur nous, endossent cette pratique. Plusieurs motions au niveau national prônent un enseignement du suicide assisté en Faculté de médecine et dans les écoles de soignants. Il faut leur faire comprendre qu’une demande de suicide assisté n’est pas un échec: c’est une personne qui, philosophiquement, souhaite un départ différent. P.-Y. M.: Je ne comprends pas votre position. Au lieu de rester cantonné dans la privatisation du suicide assisté, dans une activité quasi clandestine, vous aviez une chance unique avec le contre-projet de commencer une approche mieux encadrée et acceptée. J. S.: Non, car j’ai des expériences très douloureuses avec les soignants. P.-Y. M.: Alors aidez-nous à éliminer ces pratiques autoritaires par une norme claire et précise, en soutenant le contre-projet! Exit n’a-t-elle pas confiance dans les médecins? J. S.: Je n’ai pas confiance en ceux qui sont en place et qui vont utiliser ce contre-projet comme un instrument de blocage! P.-Y. M.: Alors vous vous condamnez à avoir le monopole de cette pratique. J. S.: Non, grâce à l’enseignement de cette pratique en Faculté de médecine. P.-Y. M.: Si votre initiative passe, vous n’avez aucune garantie que les choses changent. Lorsqu’un texte va trop loin, les difficultés continuent, car il y a des blocages trop importants. Vous m’appellerez alors pour que votre initiative soit appliquée dans certains EMS. Alors que le contre-projet présente l’avantage d’être applicable. Il a aussi la vertu de dépassionner. Cette chance, vous ne la saisissez pas. Vous savez que le suicide assisté est tabou dans les EMS et chez les soignants… P.-Y. M.: Oui, mais le contre-projet a déjà fait progresser les mentalités. Les deux associations représentant les EMS l’ont accepté. VC1 Contrôle qualité C’est un pas considérable. Si l’initiative passe, j’ai peur que cela fige les positions. Dr Sobel, pourquoi limiter l’assistance au suicide aux EMS, alors que le contre-projet l’étend aux hôpitaux? J. S.: L’EMS est le domicile de la personne, contrairement à l’hôpital. Au CHUV, il y a une procédure d’évaluation pour les demandes d’assistance au suicide, mais elle ne fonctionne pas. Elle est appliquée comme un processus de blocage. Alors lorsque nous avons une demande dans un hôpital, on dit à la personne: «Vous rentrez à domicile et on va pouvoir vous aider.» P.-Y. M.: Alors vous préférez que les médecins des hôpitaux disent dans tous les cas non?! C’est extraordinaire, M. Sobel! Pourtant les vrais problèmes, où des gens désespérés ont passé à l’acte par des moyens parfois affreux, ce n’est pas en EMS que je les ai vus, mais à l’hôpital. Ça m’a fait prendre conscience qu’il fallait faire progresser les mentalités et permettre parfois l’assistance au suicide à l’hôpital. J. S.: Moi, je vois les blocages qui existent… P.-Y. M.: (Il tape du poing.) Mais, bon sang, dépassez votre méfiance envers les soignants! Le texte du contre-projet permettrait justement d’éviter des passages à l’acte, qui ont davantage lieu à l’hôpital qu’à l’EMS. L’hôpital n’est pas le domicile, donc il faut privilégier le retour à domicile. Mais quand l’état de la personne est trop dégradé, ce n’est parfois pas possible. Donc si les soins palliatifs ont été proposés, dans de rares cas le suicide assisté, encadré, comme à l’EMS, doit être possible. Et M. Sobel s’oppose à un texte qui le permet! J. S.: Tout cela est fantastique à entendre, M. Maillard. Mais dans la pratique, les médecins vont respecter cela de la façon la plus restrictive possible. P.-Y. M.: Vous dites maintenant que vous avez eu des refus?! J. S.: Plusieurs… P.-Y. M.: C’est quand même extraordinaire! Je suis chef du département, autorité de tutelle du CHUV, ça fait six ans que cette pratique existe, et ni moi ni le directeur «L’initiative mettra les soignants dans des situations impossibles» Pierre-Yves Maillard, chef de la Santé publique vaudoise général du CHUV n’avons reçu un seul message de M. Sobel pour signaler une demande refusée ou un blocage… J. S.: Pourtant, dernièrement, le CHUV a porté plainte contre moi et contre une accompagnatrice d’Exit car nous avions parlé en tête à tête avec la famille du patient sans la présence d’un médecin. J’ai été convoqué par le médecin cantonal pour me faire remonter les bretelles! Mais dans les EMS en tout cas, le suicide assisté est généralement toléré. Pourquoi l’inscrire dans la loi? J. S.: Car la loi doit s’appliquer partout si une institution touche des subventions de l’Etat. Si un EMS ne veut pas appliquer cette loi, il a le droit. Il doit le dire clairement quand un résident y entre, et il ne doit pas bénéficier des subsides publics. Ce n’est pas à la société de financer des EMS religieux, qui sont, pour certains, les derniers territoires d’évangélisation des gens. J’ajoute que je trouve incroyable que des soignants disent être peinés si une personne en EMS fait appel à Exit. Si on meurt après une longue agonie, ils trouvent cela normal. Mais si on choisit sa mort pour éviter cette agonie, les soignants se sentent offensés et considèrent cela comme un échec de la prise en charge. Les EMS qui n’acceptent pas le suicide assisté seront-ils sanctionnés si cette pratique devient légale? P.-Y. M.: Si des EMS ne respectent pas une norme issue d’un choix démocratique, l’échelle graduée des sanctions prévue par la loi sera applicable. Le contre-projet empêchera certains EMS d’imposer leurs choix spirituels à leurs patients, mais il ne leur enlèvera pas toute responsabilité et toute voix au chapitre. Non parce que la mort d’un patient fait de la peine à un soignant, mais parce que si un jour Dignitas vient dans un EMS sans avoir consulté les proches et les soignants, avec un sac en plastique et une bombonne d’hélium, ils doivent savoir quoi faire. La réponse de M. Sobel est: «Laissez faire!» Celle de tous ceux qui soutiennent le contre-projet est: «Ce n’est pas acceptable.» J. S.: Dignitas agit avec des gens de l’étranger et pas avec des locaux. Et les membres suisses sont de Zurich. Le contre-projet ne prévoit rien en matière de maladies incurables… P.-Y. M.: Bien sûr que si. J. S.: Non, Exit parle de maladies évolutives qui vont occasionner des souffrances de plus en plus importantes. Pas vous! P.-Y. M.: Relisez le contre-projet! Nous n’avons jamais dit que la maladie devait conduire à la mort. C’était d’ailleurs un débat, pour tout vous dire. Mais après mûre réflexion, nous avons admis comme critère la maladie grave ou les suites d’un accident entraînant des souffrances dont on sait qu’elles ne vont pas être guéries. Donc le contre-projet permet de faire appel au suicide assisté dans le cas que décrit M. Sobel. Le problème est qu’avec l’initiative ces critères ne sont pas vérifiés. J. S.: Tous les cas de suicide assisté sont annoncés à la justice. Elle vérifie qu’il n’y ait pas de mobile égoïste. Il ne faut donc pas mieux contrôler Exit, mais limiter le pouvoir des médecins d’EMS sur les gens qui choisissent cette fin de vie. Dans le contre-projet, les médecins et les soignants, malgré leur gentillesse et leur bonne foi, peuvent bloquer le suicide assisté. Lorsqu’un médecin d’EMS demande l’avis d’un deuxième médecin car il ne veut pas qu’il soit dit qu’il est contre Exit et qu’il fait appel à un confrère qui a le même avis que lui, ça, c’est un blocage! P.-Y. M.: Vous dites aux institutions soignantes qui luttent contre les conduites suicidaires toute l’année et sont responsables de la santé des patients: «Vous devez laisser passer toutes les associations d’assistance au suicide sans aucun contrôle.» Or le Code pénal est on ne peut plus sommaire sur cette question. J. S.: Un arrêt du Tribunal fédéral complète le Code pénal; il précise des conditions et des obligations en cas de suicide assisté. Est-ce que je devais mettre ces seize pages dans mon projet? P.-Y. M.: M. Sobel, le Code pénal et sa jurisprudence se contentent de l’absence de mobile égoïste. A partir de quand les 10 000 francs de Dignitas sont un défraiement ou une activité lucrative? A partir de quand la proximité avec quelqu’un qui fait don de sa fortune à l’association qui l’aide à se tuer devient un mobile égoïste? Ces questions, déjà assez complexes, occupent effectivement la justice. Mais après deux ans de réflexions sur ce thème, nous avons acquis la conviction qu’une institution soignante ne peut éviter d’autres vérifications. Car cette dernière peut être attaquée et se faire accuser par le conjoint d’une personne qui aurait été assistée par une association peu scrupuleuse.