DU VENDREDI 19 AU JEUDI 25 SEPTEMBRE 2014 - NO 100 - 3 €
ANTICIPER
Drones, caméras, robots
la French Tech cartonne dans
la sécurité industrielle. P. 24-25
ENTREVUE
Denis Payre (Nous citoyens) :
« Le fonctionnement de l’État doit
changer de fond en comble ». P. 35
INNOVER
Du navigateur qui indique la plus
belle route à la vertèbre imprimée.
TOUR DU MONDE P. 22-23
LE PHÉNIX…
OU LES 100
DERNIERS JOURS
DE FRANÇOIS
HOLLANDE
Un récit de politique-
fiction sur la fin du
quinquennat. Pages 4 à 9
L 15174
- 100 -
F: 3,00
« LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE GESTE DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. »
ENTREPRISES
NON, APPLE
NE TUERA PAS
LES BANQUES
Apple Pay, le service
de paiement mobile,
se déploiera en accord
avec les banques. Du
gagnant-gagnant ? P. 26
MÉTROPOLES
DES PME AUX ETI,
RENNES
ACCOMPAGNE
SES CHAMPIONS
Forte de 160 ETI
et de nombreuses PME
d’excellence, la région
déploie une vision
économique à long
terme et lui consacre
110 millions d’euros par
an. Tour de la Bretagne
dynamique. PAGES 29 à 33
PORTRAIT
ISABELLE RABIER
Elle a levé des fonds
pour déployer sa ligne
de cosmétiques et son
réseau de vendeuses
à domicile.
P. 3 8
Malgré une majorité frondeuse et fragile, le trio Hollande-Valls-Macron
va-t-il enfin sattaquer aux réformes structurelles pour déverrouiller la croissance ?
Notre dossier et les points de vue de : Laurence Parisot, Bruno Lasserre,
Alain Rousset, Jacques-Antoine Granjeon, Jean Peyrelevade, Patrick Artus,
et Pierre-Yves Cossé.
© BERTRAND GUAY / AFP - ANTOINE ANTONIOL / AFP - CHARLES PLATIAU / REUTERS
Sont-ils prêts à tout pour
débloquer
la France ?
Édition spéciale - numéro 100
PAGES 4 à 21 et 34 à 36
Apple : la n
d’un temps
Il n’y a pas de révolution iPhone 6
ou Apple Watch. Il y a la fin d’une époque
qui s’étire. Le smartphone se décline
dans des formats variés, de la montre
à la phablette. Il peut même utiliser
la surface de la main comme écran, ou
la paume comme clavier. Bref, il se décline.
Il peut être lunette ou bague, vêtement
ou stylo. Le smartphone se caractérise
par ses fonctions actuelles : c’est un
récepteur et distributeur d’informations.
À partir de données objectives pouvant
aller jusqu’à des données de santé,
le big data permet la déclinaison
vers une information personnalisée.
La prochaine révolution
est la « moodtech ». Mood désigne
l’humeur d’une personne. On nest plus
dans l’objectif, on est dans le ressenti.
La « moodtech » apportera la meilleure
compréhension de soi. Dans l’immédiat
ce sont des données objectives
interprétées qui dévoilent l’humeur.
Ces données sont dans la construction
de son visage, sa perception du moment,
la voix, le regard, l’écriture, le rythme
cardiaque, la température de la peau
et bien d’autres données musculaires,
de mouvements, de gestes, de respiration.
Bref, des données objectives
interprétatives comme le font
les morphopsychologues, par exemple.
Ces informations recueillies deviennent
une banque de données personnelles et
personnalisées qui contribuent à mieux
se connaître. La « moodtech » fournit
les interprétations courantes comme
les interprétations plus pointues
en fonction des attentes et demandes :
rencontre, visite, sport, repos, etc.
Le smartphone va devenir un…
« moodphone », un « coachphone ». Bien
sûr, il ne remplacera pas son compagnon,
son maître, son… coach, dont le propos
sera plus affiné et sans aucun doute plus
pertinent. Mais ce compagnon, maître
ou coach, nest pas toujours présent.
Le « coachphone », si.
Les fabricants de mobiles tournent autour
du projet, les concepteurs d’applications
aussi. Ils nen sont pas loin.
Les smartphones à six caméras sont
prêts. Les capteurs de mouvement aussi.
Les analyseurs de voix sont sur le bon
chemin. La « moodtech » avance en ordre
dispersé. Il suffit qu’elle s’organise. Or,
lorsque l’on voit l’importance du marché
de la « connaissance de soi », voire en
aboutissement celui de l’« estime de soi »,
on imagine aisément l’attente autour de la
« moodtech ». C’est d’Apple que l’attente
pouvait être la plus naturelle. Comme
dans de nombreux marchés, c’est un
nouvel acteur qui surprend les anciens.
Pourquoi pas un fabricant de robot
humanoïde ? Un fabricant de
« moodbot » ?… Je repars en plongée.
Rendez-vous la semaine prochaine… pour
démontrer l’inverse.
SIGNAUX FAIBLE S
Louvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux
faibles, Éditions Kawa, 2013.
PAR PHILIPPE
CAHEN
PROSPECTIVISTE
@SignauxFaibles
DR
ÉDITORIAL
Éloge de la « phobie
administrative »
M
ars 2015. Dans
une France blo-
quée par les
grèves, Fran-
çois Hollande,
confronté à
une impasse
politique avec les frondeurs de son ex-
majorité, décide de dissoudre l’Assem-
blée nationale, et à l’issue de législatives
marquées par la poussée des extrêmes,
confie à un Premier ministre issu de la
droite la conduite d’un gouvernement
d’union nationale… Tel est l’argument de
la fiction politique que nous vous propo-
sons, dans ce dossier du numéro 100 de
La Tribune Hebdo consacré aux blocages
français.
Fiction ? Oui bien sûr, puisque même
fragile et réduite, la majorité relative qui
a accordé mardi sa confiance à Manuel
Valls ne l’empêchera pas, s’il le souhaite,
d’avancer. Après tout, de 1988 à 1991,
Michel Rocard a pu mener quelques
réformes décisives malgré une majorité
relative au Parlement : création de la
CSG et du RMI, baisse de l’impôt sur
les sociétés, négociation du traité de
Maastricht…
La vraie fiction, finalement, serait
d’imaginer un François Hollande qui
aurait réussi ! Réussi à inverser la courbe
du chômage, à ranimer la croissance, à
faire retrouver à la France son AAA… Le
chemin est encore long.
Malade, la France de 2014 ? Le diagnostic
ne fait aucun doute et le mal est d’abord
et avant tout dans les esprits. Jamais le
pays n’a semblé aussi divisé, fracturé
entre des intérêts particuliers sur la
défensive, au point de faire oublier le
sens du collectif et de l’intérêt général.
« Le problème de la France, c’est d’abord
elle-même ». Sur Europe 1 mercredi
17septembre, le nouveau jeune premier
de Bercy, Emmanuel Macron, a nommé
la maladie. En évoquant, maladroite-
ment, les « illettrées » du groupe GAD ne
pouvant passer leur permis, il a aussi mis
l’accent sur une réalité, la mauvaise santé
de notre système scolaire.
Il faut donc agir et avancer. Mais,
jusqu’où le gouvernement Valls II vou-
dra-t-il et pourra-t-il aller ? La France de
2014 verra sa dette dépasser les 2000mil-
liards d’euros et les 100 % du PIB. Cela
a-t-il permis de vaincre le chômage de
masse ou de rendre les gens plus heu-
reux ? Le refus de regarder la réalité en
face a fait surtout perdre du temps.
Pour autant, les conditions politiques ne
semblent pas réunies pour voir François
Hollande engager un «Grand Soir» à la
Schröder. Une lueur d’espoir vient du
changement, tardif, de logiciel en
Europe, où la croissance semble enfin
redevenir une priorité. Avec un euro
moins fort, une Europe qui réinvestit et
une Allemagne un peu moins rigoureuse,
il sera sans doute plus facile pour la
France de mener des réformes, sous
réserve que cela ne serve pas d’excuse à
ne plus rien faire pour réduire une
dépense publique record.
À condition d’éviter le piège de la rue,
et d’ouvrir une vraie négociation entre
des syndicats et un patronat prêts à
jouer le jeu, il y a donc un espace pour
avancer dans la libération des énergies.
Le scénario du choc salutaire étant poli-
tiquement risqué, place à la réforme en
pente douce. Ce qu’il faut, selon
Macron, c’est « faire une série de petites
réformes, de petits déblocages », pour sti-
muler la croissance. Le nouveau
ministre a visiblement vite compris qu’il
ne servait à rien d’agiter des totems,
telles les 35 heures. Il veut mener à son
terme la loi sur la croissance, qui devrait
arriver au Parlement début 2015, avec au
menu le déverrouillage du travail du
dimanche, des seuils sociaux et des pro-
fessions réglementées. Même s’il est illu-
soire d’attendre un choc de la baisse des
tarifs des notaires, constater que ceux-ci
n’ont pas varié depuis 1978 en dit long
sur l’immobilisme français. Emmanuel
Macron était alors âgé de 1an…
Les réformes les plus utiles sont rare-
ment celles qui font le plus de bruit
médiatique. Parmi celles-ci, la plus
importante, celle qui pourrait vraiment
changer les choses, porte un nom : sim-
plifier. Simplifier pour alléger les
contraintes qui pèsent sur les entre-
prises et leur font passer plus de temps
à des tâches administratives qu’à se
développer et à conquérir de nouveaux
marchés. Un éphémère ministre a cru
bon de plaider la « phobie administra-
tive » pour justifier le non-paiement de
ses impôts. Il ne faudrait pas, pour le
bien du pays, que cette maladie-là
devienne contagieuse !
PLUS D’INFORMATIONS SUR LATRIBUNE.FR
UN NOUVEAU QUOTIDIEN NUMÉRIQUE
Les racines de la crise financière
de 2008, puis de la crise économique
qui a suivi, sont profondes et l’on sent
bien qu’elles peuvent résister
longtemps aux vieilles recettes et aux
ajustements à la marge. Pour en venir
à bout et entrer dans une nouvelle
époque, il faudra prendre le risque
de l’innovation économique, mais
aussi politique et sociale. Notre
conviction, à La Tribune, est
qu’il y a peu à attendre des lieux
de pouvoir traditionnels, aujourd’hui
souvent coupés des réalités.
Les solutions d’avenir prendront
leur source dans les territoires,
dans les métropoles, là où se fait
l’économie réelle, là où les acteurs
publics, entreprises et citoyens savent
travailler ensemble à de nouveaux
modèles. La Tribune veut croire
à cette renaissance économique.
Elle veut être le média
qui accompagne ce mouvement,
en France comme à l’étranger.
C’est pourquoi chaque jour à 19 h 00,
à partir de mardi 23 septembre,
La Tribune proposera à ses abonnés
une nouvelle formule de son quotidien
numérique, « le premier quotidien
économique des métropoles »,
accessible sur mobile et sur tous
les écrans. Sa présentation vous
permettra un accès plus direct
et plus facile, tant à l’essentiel
de l’actualité économique nationale
et internationale de la journée,
qu’aux quatre thèmes éditoriaux que
nos abonnés privilégient : l’innovation ;
le numérique ; le développement
des métropoles ; et bien sûr les idées
nouvelles de l’économie, qui font
l’ADN de La Tribune depuis bientôt
trente ans.
Pour être à l’heure au rendez-vous
de mardi prochain 19 h 00,
et découvrir le premier numéro,
rendez-vous dès maintenant
sur notre site laTribune.fr
Merci d’être fidèle.
JEAN-CHRISTOPHE
TORTORA
DIRECTEUR
DE LA PUBLICATION
@jc_Tortora
DR
PAR
PHILIPPE
MABILLE
@phmabille
DR
TENDANCES
LA TRIBUNE - VENDREDI 19 SEPTEMBRE 2014 - NO 100 - WWW.LATRIBUNE.FR
I 3
L’ÉVÉNEMENT
4 I
LA TRIBUNE - VENDREDI 19 SEPTEMBRE 2014 - NO 100 - WWW.LATRIBUNE.FR
LES FAITS. Avec le vote de la confiance au gouvernement Valls II, François Hollande
entre dans une nouvelle étape de son quinquennat, peut-être pas la dernière comme
le laisse sous-entendre notre scénario de politique-fiction (lire pages 5 à 9).
LES ENJEUX.
Comment débloquer un pays crispé autour d’un socle de mesures politiquement
acceptables, économiquement efficaces et socialement justes ? La nouvelle équipe
gouvernementale affronte une responsabilité historique, sur fond de crise politique et morale.
A
vec une croissance en
panne, presque à
l’arrêt, des résultats
franchement calami-
teux sur le front du
chômage et des défi-
cits, publics et exté-
rieurs, la France
mérite-t-elle le qualificatif d’« homme
malade » de l’Europe que l’on entend par-
tout dès que l’on franchit les frontières ?
Une chose est sûre, la France de 2014
inquiète, non seulement parce qu’elle donne
le sentiment d’avoir décroché du train euro-
péen, mais aussi et surtout parce qu’elle ne
donne pas, ou pas encore, l’impression d’en
avoir pris toute la mesure.
Avant l’été, avant que François Hollande
n’achève son virage social-démocrate en se
séparant de tous les ministres qui refusaient
d’entrer dans sa ligne, l’ex-commissariat au
Plan, rebaptisé France Stratégie, avait publié,
sous la signature de son patron, l’écono-
miste Jean Pisani-Ferry, un énième rapport
sur la France dans dix ans, tentant d’appor-
ter un diagnostic « objectif » de notre situa-
tion, dans un louable effort de projection
dans l’avenir. Parmi les innombrables ques-
tions qui se posent, l’une d’elles, passée
curieusement assez inaperçue, lançait un
pavé dans la mare : « Avons-nous encore les
moyens de notre modèle social ? »
Question actuelle s’il en est, à l’heure où un
gouvernement de gauche « décomplexée »,
orientée sur une ligne franchement pro-
entreprise (pour ne pas dire libérale,
puisqu’il paraît qu’en France c’est un gros
mot), affirme, avec Manuel Valls à Matignon
et Emmanuel Macron à Bercy, vouloir accé-
lérer le pas des réformes, au nom justement
du sauvetage dudit modèle français. Pour
les uns, celui-ci est notre « emblème » ; pour
les autres, il est « notre fardeau ». Ce
modèle que, paraît-il, le monde entier nous
envie doit être entendu dans sa définition
la plus large : la protection sociale (maladie,
retraite, chômage, famille, accidents du tra-
vail), plus une multitude de prestations sous
conditions de ressources, plus la réglemen-
tation du travail, la politique du logement,
l’éducation et la formation.
Ce modèle redistributif, l’un des plus géné-
reux au monde, est financé par un ensemble
de recettes publiques, impôts et cotisations,
mais rencontre deux limites. Son finance-
ment, d’abord, qui a longtemps reposé sur la
croissance, est fragilisé par les pressions
déflationnistes actuelles. Si l’on croit à la
thèse selon laquelle l’Occident est entré dans
un cycle de croissance et d’inflation très
faibles, voire, de stagnation séculaire (au sens
de Robert Gordon), alors, il y a tout lieu
d’être très inquiet car le modèle français est
condamné à plus ou moins brève échéance.
Sauf à être profondément revisité.
Une deuxième critique porte non pas seule-
ment sur son coût, mais sur son efficacité.
Reposant sur un contrat implicite avec la
classe moyenne, qui le finance parce qu’elle
en bénéficie, le modèle français est certes l’un
des plus coûteux, mais pas celui qui produit
les meilleurs résultats en termes de lutte
contre les inégalités. C’est globalement vrai
des inégalités monétaires (la France a un des
meilleurs indices de Gini des pays dévelop-
pés), mais pas des inégalités en matière
d’éducation, de logement et surtout d’emploi,
notait le rapport France 2025. Pire, le risque
est aujourd’hui de faire le constat que ce
modèle favorise un chômage de masse. Parce
que visant trop large, il rate finalement sa
cible prioritaire, à savoir ceux qui sont le plus
éloignés de l’emploi. C’est le procès fait par
Emmanuel Macron, avant qu’il ne devienne
ministre, dans son entretien au Point, lorsqu’il
s’inquiète du décalage entre « droits for-
mels » et « droits réels » des travailleurs.
UN PROGRAMME HORS SUJET
ET HORS DE PROPORTION
À l’heure où le gouvernement Valls II,
conforté in extremis mardi par une majorité
certes étroite et relative, affirme vouloir
accélérer le tempo des réformes, cette
réflexion sur la croissance et la capacité de
la France à sauvegarder son modèle social
est évidemment décisive. Au nom de la
croissance et de l’emploi, François Hollande
a engagé la gauche dans une politique de
l’offre, pro-entreprise, politiquement et éco-
nomiquement risquée. Pour libérer les éner-
gies, le gouvernement, sous le vocable
« simplifications », met le cap sur quelques
réformes symboliques pour déverrouiller le
pays : relèvement des seuils à partir des-
quels certaines obligations sociales s’im-
posent aux entreprises ; augmentation, dans
certaines zones touristiques, du nombre de
dimanches et de soirs où le travail est per-
mis ; allégement des contraintes pour accé-
der à certaines professions réglementées
(professions du droit, de la santé).
Autant de gadgets qui occuperont sans doute
l’espace médiatique et visent, de façon
louable, à créer un environnement plus pro-
entreprise. Mais en dehors du choc positif
sur la confiance des patrons et entrepre-
neurs, ce programme demeure encore lar-
gement hors sujet et hors de proportion
avec ce qu’exigerait une réelle volonté de
débloquer la France. La question des
35 heures est refermée avant même d’avoir
été ouverte ; celle du code du travail et de
son inadaptation à un monde où les cycles
économiques et technologiques sont de plus
en plus rapides n’est pas même abordée.
Quant à la concurrence, la façon dont la
gauche a cédé à la corporation des taxis
contre les VTC en dit long sur sa capacité à
affronter les groupes de pression.
La balle des réformes est de facto renvoyée
aux partenaires sociaux auxquels il est
demandé, une fois de plus, de négocier, sur
les retraites complémentaires ou l’assu-
rance-chômage. Mais, coincé entre les posi-
tions de plus en plus extrémistes du Medef,
le conformisme de syndicats sur la défen-
sive, même les plus réformistes, et une
majorité frondeuse, le trio Hollande-Valls-
Macron semble loin d’être en mesure d’ac-
coucher du programme à la Schröder dont
certains rêvent tout haut. Blocages, vous
avez dit blocages…
Blocages,
vous avez dit blocages…
Le président le plus impopulaire de la V
e
République
Cote de confiance des présidents de la République depuis 1978.
01-01 01-02 01-03 01-04 01-05 01-06 01-07
Mois/Année de mandat Source : TNS Sofres
10%
20%
30%
13%
40%
50%
60%
70%
F. Hollande 2012N. Sarkozy 2007
V. Giscard d’Estaing 1 9 74 F. Mitterand 1981 F. Mitterand 1988 J. Chirac 1995 J. Chirac 2002
PAR
PHILIPPE
MABILLE
@phmabille
Mardi
16septembre, le
gouvernement
Valls II a obtenu
la confiance
de l’Assemblée
nationale, mais
à une majorité
étriquée
de 269 voix
(contre 306
en avril, et pour
une majorité
absolue de
257), tandis
que 244
députés ont
voté contre.
31 députés PS
se sont
abstenus.
© Gonzalo Fuentes /
Reuters
LA TRIBUNE - VENDREDI 19 SEPTEMBRE 2014 - NO 100 - WWW.LATRIBUNE.FR
I 5 I 5
DIMANCHE 15 MARS 2015, DANS LA
SOIRÉE, AU PALAIS DE L’ELYSÉE
Depuis la publication, l’été précédent, du
feuilleton du Figaro « Hollande s’en va », la
réalité s’acharnait à rattraper la fiction. Sa
majorité était en miettes, la croissance en
berne et les finances publiques dans un état
calamiteux. Dans la tourmente, il avait fait
le choix de la social-démocratie, mais il lui
en coûtait. Ses pourfendeurs appelaient cela
le social-libéralisme. « Foutaises », avait cher-
ché à le rassurer son ami Jean-Pierre. « La
frontière droite-gauche n’est plus pertinente. Il
y a le camp de la réforme et celui de la conser-
vation, fût-elle maquillée en populisme. C’est
aussi simple que cela », avait asséné le secré-
taire général de l’Élysée. Simple ? Voire.
Quand, au mois d’août, Arnaud Montebourg
et Benoît Hamon s’étaient mis à ruer un peu
trop fort dans les brancards, il leur avait sim-
plement montré la porte. Et les deux che-
vaux fous avaient quitté l’écurie gouverne-
mentale, suivis par la belle Aurélie. Sur quoi
était venue la trahison de Valérie, cette
« ambitieuse » qu’il avait portée au firmament
et qui n’avait pas hésité à bafouer les règles
pour assouvir son désir de vengeance. «Cin-
quante nuances d’aigrie », avait moqué
LeCanard… Il éprouvait pour eux plus de
compassion que de colère. La fuite et la
transgression n’étaient pas la liberté. Philip-
pulus, le chroniqueur mystère du Figaro, se
trompait. Il ne s’en irait pas, dût-il jouer son
pays contre son parti. Avec «Valls2», il
savait qu’il s’aventurait sur des terres dan-
gereuses. Il ignorait alors encore à quel
point. À présent, il savait et il était prêt.
Il sortit dans le jardin en direction de la rose-
raie, foulant le sol détrempé d’un pas léger.
Il ne s’était jamais senti ni aussi seul ni aussi
fort. Sa décision était prise. Il s’autorisa à se
repasser le film des semaines passées, sans
craindre d’être saisi par la peur de perdre le
contrôle, comme si souvent dans le passé.
Les sondages calamiteux, la montée de
Marine Le Pen. Tout cela n’était rien à côté
de l’engrenage qui s’était enclenché à Mar-
seille. En septembre, la Commission euro-
péenne avait demandé le remboursement de
200 millions d’euros d’aides… et celui de
220autres était en suspens. Aucun gouver-
nement n’avait jamais eu le courage de se
débarrasser de ce boulet. Il lui était retombé
sur le pied. Il n’avait même plus le choix,
entre la paix avec Bruxelles au prix de la
guerre sociale, et la paix sociale au prix de la
guerre avec Bruxelles. Emmanuel Macron
avait imposé le redressement judiciaire. Il
l’avait laissé faire. Après tout, on l’avait mis
là pour ça. Un seul investisseur s’était pré-
senté : Xinmao, le même groupe chinois qui
avait tenté deux ans plus tôt de mettre la
main sur le fabricant de fibres optiques
Draka. Cela n’avait pas été du goût des syn-
dicats. Sur le Vieux Port, novembre s’était
terminé dans une atmosphère insurrection-
nelle. Le personnel de la compagnie avait
défilé aux côtés de milliers de jeunes révol-
tés par le pilonnage de Gaza par l’armée
israélienne. « HOLLANDE M’A TUER »,
scandaient-ils d’une même voix. Deux poli-
ciers avaient fini noyés dans le port. Le Pre-
mier ministre lui avait présenté sa démis-
sion. Il l’avait refusée.
Cela avait été le début d’un embrasement
national. Sur ce, la fonde était repartie de
plus belle. Les ténors du parti qui lui avaient
prêté main-forte pour voter la confiance au
gouvernement «Valls2» dosaient leur
loyauté à l’aune de ses ambitions présiden-
tielles. Le front des « anciens » s’était relâché
au moment des discussions budgétaires, au
point que l’État avait failli commencer 2015
sans budget ! Les coups de semonce de l’Ély-
sée étaient restés vains, jusqu’à un certain
vendredi 5 décembre.
À 19 heures, une explosion avait fait sauter
les grilles de la porte 5 du chantier naval
STX, à Saint-Nazaire. Depuis la suspension
de la vente des Mistral à la Russie, la car-
casse du Sébastopol attendait, inachevée,
dans un bassin. STX n’avait pas trouvé de
nouveau commanditaire. Et le Vladivostok
mouillait dans la rade de Brest. Au moment
où le mystérieux collectif « Où souffle le
Mistral » revendiquait l’attentat, une autre
nouvelle tombait sur le fil des agences
annonçant la dégradation de la note fran-
çaise. C’était la troisième fois en deux ans.
« Les conditions politiques et sociales ne nous
semblent pas réunies pour mettre en œuvre les
mesures destinées à libérer le potentiel de crois-
sance, préalable indispensable à la baisse du
chômage », avait commenté un économiste
de Standard and Poor’s. Sinistre coïnci-
dence. « Ceux qui jettent de l’huile sur le feu
devront un jour rendre compte au peuple. Les
intimidations ne nous font pas peur », avait
déclaré le président On ne savait pas très
bien qui il visait, de l’agence de notation ou
des poseurs de bombe qui avaient revendi-
qué l’attentat.
« Emmanuel, dis-moi franchement, est-ce que
nous avons quelque chose à craindre en dehors
du désagrément d’être traité comme des écoliers
par ces illustres arrogants qui ont laissé pourrir
le système pendant des années ? », avait-il alors
demandé à son ministre de l’Économie.
« Pas grand-chose », avait répondu l’ancien
banquier d’affaires. « La France ne s’est jamais
financée à un prix aussi bas », expliqua-t-il
avec cet art de la pédagogie qui lui avait per-
mis de faire son chemin, de Rothschild
jusqu’au sommet de l’État. « Tant que le sys-
tème financier croule sous les liquidités et que
nous gardons le cap, il n’y a rien à craindre. »
L’avertissement de l’agence s’était révélé
salutaire car elle avait également abaissé
d’un cran ou deux la note d’une vingtaine de
grandes villes françaises. Dans un parlement
où 80 % des députés étaient également des
élus locaux, cela avait provoqué une onde de
choc. Comme par miracle, une dizaine de
frondeurs avaient soudainement rejoint
l’enclos de la majorité et voté le budget en
session extraordinaire. Un 24 décembre.
« Joyeux Noël, Monsieur Hollande ! », avait
titré Libération. « Quelle bande d’opportu-
nistes ! Petite fronde, petite guerre » : tel était le
fond de sa pensée.
Dans les semaines qui suivirent, le Trésor
avait continué ses émissions de dette, sans
problème. L’argent ne coûtait plus rien.
L’analyse de Macron tenait la route. Le pré-
sident se félicitait de son choix. Son jeune
ministre rassurait les marchés. Cristallisant
l’hostilité de la gauche, il servait de surcroît
de bouclier à Valls. Et l’ancien secrétaire
général adjoint avait pris l’habitude de reve-
nir régulièrement au Château débriefer le
président. Au fond, sa vocation était celle
d’un homme de l’ombre, plus que d’un
ministre. Mais en ce soir de février où il avait
sollicité une nouvelle entrevue, son regard
clair, souligné de cernes inhabituellement
sombres, avait perdu sa rassurante sérénité.
« Nous allons vers des moments difficiles »,
avait-il commencé.
– Il y a un mois tu me disais pourtant qu’il
n’y avait rien à craindre.
– C’était il y a un mois. Depuis la Réserve
fédérale a accéléré son tapering.
– Son quoi ?
– Disons qu’elle a commencé à refermer le
robinet.
– Et ?
– Et pour le dire vite, les taux vont remonter.
– Il y a deux semaines, Trichet m’a dit qu’on
ne rejouerait pas le scénario de 1994, que la
FED avait préparé les esprits, que le marché
anticipait…
Mille neuf cent quatre-vingt-quatorze. Les
investisseurs qui désertent. Des taux
Le Phénix… ou les 100 derniers jours
de François Hollande
Quoi de plus stimulant qu’une fiction pour tenter de prévoir le futur d’un quinquennat qui prend des allures
de désastre pour la gauche. Un récit où la réalité dépasse parfois l’imagination, comme le départ d’Arnaud
Montebourg du gouvernement. Selon un sondage IFOP pour le JDD, plus de huit Français sur dix ne veulent pas
revoir François Hollande à l’Elysée en 2017. Mais la prévision est un art difficile, surtout lorsqu’il sagit de l’avenir…
FLORENCE
AUTRET
CORRESPONDANTE
À BRUXELLES
RETROUVEZ SUR
LATRIBUNE.FR
SON BLOG « VU
DE BRUXELLES »
DR
SUR LE VIEUX PORT,
NOVEMBRE S’ÉTAIT TERMINÉ
DANS UNE ATMOSPHÈRE
INSURRECTIONNELLE
FICTION
JEAN-
MARC PAU
ILLUSTRATIONS
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