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© Fondation Napoléon (Paris)
7 rue Geoffroy Saint-Hilaire
F-75008 Paris
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75008 Paris
Université Paris Sorbonne (Paris IV)
Master : Histoire
Parcours : Recherche
Spécialité : Armée, guerres et sécurités dans les sociétés de l’Antiquité à nos jours
Jean-François Giffon-Scapula
Les troupes corses de la Révolution au 1er Empire
(1789-1815)
Des processus et des mutations, la Corse militaire une identité complexe
Préparé sous la direction du professeur Jacques-Olivier Boudon
Année 2015-2016
1
2
Remerciements
Mes premiers remerciements s’adressent à Monsieur Boudon, Professeur
d’histoire contemporaine à l’Université Paris IV Sorbonne, qui m’a donné ma chance,
à moi petit étudiant corse afin de pouvoir faire ma maîtrise.
Ma gratitude va également à Monsieur Buresi, docteur en histoire et passionné
d’histoire de la Corse, pour ses recommandations et ses conseils pertinents.
Enfin mes derniers remerciements vont à ma famille en particulier mes parents
pour leur soutien et qui m’ont permis de poursuivre ma passion pour l’Histoire et mes
études d’Histoire à Paris. Je voudrais également remercier ma compagne pour m’avoir
soutenu et aidé durant ces deux années de maîtrise à Paris.
3
Introduction
En pleine recomposition culturelle et linguistique depuis une quarantaine
d’années, la Corse se réapproprie son histoire et sa culture. Ce travail universitaire
souhaite s’inscrire dans la compréhension et l’étude de l’histoire militaire corse, région
qui n’a jamais été comme les autres1 en raison de son histoire, de son insularité et de
son rattachement qui paraît encore récent. « Il y a un esprit des îles (…) ce n’est pas
très facile de dire en quoi cela consiste, mais cela se sent (…) c’est d’abord et avant
tout (…) un sentiment, le sentiment de l’étrangeté. Ou de l’étranger. Être insulaire, être
né dans une civilisation d’île, cela veut dire que l’on est séparé, éloigné, écarté des
autres (…) On est, naturellement, et irrémédiablement, isolé (…) Leurs frontières, c’est
la mer, et la mer n’est pas une véritable frontière… », a déclaré Le Clézio.
Encore aujourd’hui, dans la culture populaire, Napoléon, originaire de Corse, suscite
à la fois l’admiration et la haine parmi les ajacciens. Il existe une certaine francophobie
dans certains cantons de Corse où le commandement de Morand a laissé de vives
traces2. Le village de Isolaccio-di-Fiumorbo, sa municipalité et l’association Mimoria di
u Fium’orbu commémorent chaque année la déportation du 6 juin 1808 de tous les
hommes d’Isulacciu dans les prisons d’Embrun. La radio locale Alta Frequenza a dédié
une émission le 6 juin 2015 à ce sujet, en invitant Ghjuvan Francescu Vinciguerra de
l’association Mimoria3.
Michel Crozier a énoncé : « Parler de son pays, c’est parler de soi-même, de ses
incertitudes et de ses faiblesses, de ses aversions et de ses rêves. C’est avouer ses
contradictions et le parti pris de ses espérances (…) nul ne peut le faire légèrement. »
Toutefois, bien que le souvenir soit vif et relancé fréquemment par les mouvements
« nationalistes », peu de recherches universitaires sont menées sur l’Empire et la
Corse. Mon ressenti est que la culture écrite prend encore du temps à s’inscrire dans
1
Michel VERGE-FRANCESCHI, Histoire de la Corse, le pays de la grandeur, Paris : Édition du Félin,
1996, p.19.
2
« Le souvenir des déportés honoré avec émotion », Corse Matin, 9 juin 2011.
3
Radio Alta Frequenza, 6 juin 2015, 10 h 42.
4
la manière de penser en Corse. Cette dernière a toujours eu une culture orale, de par
sa langue et sa transmission.
Ainsi, concernant l’Empire, l’armée et la Corse, parmi les cent mille livres portant sur
le Premier Empire décomptés par Alain Pigeard (docteur en Histoire et en Droit), et
plus particulièrement sur l’armée, peu évoquent la Corse.
À propos de l’histoire militaire corse sous la Révolution et l’Empire, on relève
l’ouvrage La Corse militaire, ses généraux¸ de Paul-Louis Albertini4, retraçant la
biographie des généraux corses, l’histoire militaire de la Révolution corse de 1729
à 1756, puis l’histoire du Royal-Corse, régiment militaire corse sous la monarchie. Le
Carnet hors-série de la Sabretache traite des troupes corses et de l’histoire militaire
de la région (Spécial 1973, série numéro 20), mais de manière brève, à savoir en
évoquant uniquement les tirailleurs, les chasseurs de 1803, ceux de l’île d’Elbe, le
Royal Corse au service de Naples, la garde pontificale, l’infanterie légère royale, ainsi
que les condottieres ; un résumé de l’histoire militaire corse5.
Nous souhaitions nous procurer les trois tomes de l’historien Corse Xavier Poli, qui
s’est lancé, en 1924, dans une large étude des troupes corses. Or, la personne
chargée des collections de la bibliothèque municipale de Bastia nous a informés que
le dernier tome, relatif à la période révolutionnaire et impériale, n’est jamais paru.
L’étude des précédents tomes contribuera toutefois à faire connaître les troupes
corses durant l’Ancien Régime, que l’auteur qualifie de « parti français » avant le
processus d’annexion de la Corse6, ce que soutient également Michel VergéFranceschi7, pour qui l’île était dans la recherche permanente non d’un maître mais
d’un partenaire, se définissant comme « ni maître ni esclave », partenaire admis qu’à
la condition de pouvoir satisfaire son besoin de fierté. L’exemple historique de cette
recherche est Gênes en 1358. Cette ville, dominant le bassin méditerranéen, fut le
4
Paul-Louis ALBERTINI, La Corse militaire, ses généraux : monarchie, révolution, 1er Empire, Paris :
Édition Peyronet, 1958, 563, p. 390.
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, 192, P158
5
6
Xavier POLI, « Histoire militaire des Corses au service de la France », Revue de la Corse 31 (janvierfévrier 1925).
7
Michel VERGE-FRANCESCHI, Histoire de la Corse, le pays de la grandeur, Paris : Édition du Félin,
1996, 563, p.29.
5
choix des élites corses, nobles. Toutefois, avec sa défaite en 1679, d’autres choix se
sont imposés, notamment l’Angleterre puis la France.
Il faudra attendre près de cinquante ans pour remettre l’histoire militaire corse à jour,
avec l’ouvrage Les Corses au combat sous trois drapeaux, de Dominique Buresi,
médecin en retraite devenu docteur en Histoire en 2009 avec sa thèse La Corse
militaire sous l’Ancien Régime de la Renaissance à la Révolution : du mercenaire au
soldat, rédigée sous la direction de Michel Vergé-Franceschi, portant sur l’émigration
militaire, l’utilisation des mercenaires corses durant la période moderne jusqu’aux
ambitions françaises en Corse, la création d’un régiment et le rôle des notables corses
dans l’allégeance inscrivant la Corse dans une société d’« ordre »8. Terme que l’on
cherchera à remettre en cause en Corse par l’étude de la Révolution et de l’Empire,
montrant que la Corse n’en est pas pour autant une société pacifiée, comme en
témoignent les multiples révoltes. Les Corses au combat sous trois drapeaux 17921815, s’il n’est pas un ouvrage universitaire contrairement à sa thèse, se veut la suite
ou une introduction à la période succédant celle moderne en Corse et n’en est pas
moins référencé. Je remercie par ailleurs M. Buresi de nos longs entretiens et de son
aide indéfectible dans mon travail de recherche.
Somme toute, la bibliographie concernant ce sujet est bien maigre. En effet, aucun
des ouvrages ne comporte des notes de bas de page, ce qui rend la recherche plus
délicate.
Néanmoins, ce n’est pas comme si le sujet était vierge. Il faut aller au cœur de
l’histoire corse pour comprendre l’engouement pour les armes et la petite guerre. Il
existe dans cette région une tradition du port des armes et une réputation d’amour de
ces dernières ; l’un des motifs principaux date du XVIe, à savoir la « néfaste » activité
ottomane et barbaresque en Méditerranée. Le développement des méthodes de
« petite guerre » est aussi la conséquence d’une menace et de différentes incursions
sur les littoraux, engendrant de pair le dépeuplement des côtes et le développement
de la vie dans les montagnes. De plus, la Corse est un monde fermé. La société a pour
base la famille.
BURESI, De Sampiero à Bonaparte : la Corse militaire sous l’Ancien Régime, Ajaccio :
Édition Albiana, 2012, p. 630.
8Dominique
6
Cette dernière est transformée en un clan de par les consanguinités autorisées par
l’épiscopat ou la papauté. C’est cette idée de clan qui va nourrir en partie cet idéal
mercenaire, et plus tard cette conception ethnique du régiment. Ce clan implique un
difficile anonymat – on est avant tout « fils de » – principalement en raison du fait qu’il
s’agisse d’une île. Un français du Moyen Âge peut venir seul à Paris, à pied, et se
mêler à la foule en cachant ses origines9. Ce système de clientèle n’est toutefois pas
propre à la Corse. Ce sentiment spécifique d’appartenance à la communauté corse,
omniprésent dans la Rome Antique, se rencontre aussi sous l’Ancien Régime avec le
népotisme de Richelieu. Cette idée de clan va naturellement diffuser un esprit de clan,
statut particulier, voire ethnique.
Cette menace constante va faire de la Corse un réservoir de mercenaires au service
des princes catholiques en Méditerranée, et plus largement du continent.
Mais ce vase n’est pas aussi clos que l’on pourrait le croire. Négliger l’insularité, c’est
négliger le contexte. Des Corses naissent dans les villages de leur père, y grandissent,
mais vont parfois vivre dans un autre une fois mariés. L’insularité s’ouvre au monde
par la mer.
La Corse a également été un lieu de passage des Romains en Méditerranée. Elle a
d’ailleurs la réputation d’avoir été un pays de transhumants, de guerriers mercenaires
et d’habiles navigateurs. Toutefois, on peut s’étonner qu’une si petite île ait pu laisser
une trace aussi notable dans l’histoire militaire de l’Europe. Ce constat trouve son
explication dans les nombreuses périodes troublées vécues par la Corse au cours des
âges.
Dès le début de son histoire, la région a dû faire face à un conflit sur son territoire. En
553, les Carthaginois et les Étrusques chassent les Phocéens qui sont alors mal
accueillis par les Corses, puis par le Roi de Syracuse qui sera à son tour vaincu par
Carthage.
Ainsi, en peu de temps, la Corse connaît quatre fois l’invasion, et son territoire est
transformé en champ de bataille.
9
DUGUAY-TROUIN, Les Officiers généraux bretons, cité dans Michel VERGE-FRANCESCHI, Histoire
de la Corse, le pays de la grandeur, Paris : Édition du Félin, 1996, p. 29.
7
De même, lors de la période romaine, Lucius Cornélius Scipion est chargé de
s’emparer de la Corse, considérée comme stratégique par le Sénat. Il a fallu un siècle
pour venir à bout de la résistance. Puis, dès 163 av. J.-C., la région consent à payer
son tribut et de nombreux Corses deviennent soldats de l’Empire10.
Les guerres intestines en Corse n’ont jamais permis le port d’un uniforme collectif, pour
ne pas dire « national ». Les Corses ont pris part au service des cours étrangères, de
la garde pontificale, de l’ambassadeur de Louis XIV à Rome, des souverains de
Naples, du duc d’Étrurie ou encore auprès de Venise et des Valois.
Pour Michel Vergé Franceschi, l’engagement militaire est dû à un désir de gloire et
non d’argent, désir de montrer au village et à la famille sa vie d’homme 11. Nous
tenterons alors de renouveler le point de vue concernant la période traitée, à savoir
que les hommes qui s’engagent sont souvent animés par l’argent ou ledit
« parti français ». Ils ont un goût pour le maniement des armes, la lutte entre les clans
ainsi que les interventions étrangères qui ont déterminé les Corses à prendre service
dans les différents États chrétiens du bassin méditerranéen. La pauvreté dans les
montagnes de l’île a également stimulé cette émigration militaire. Des montagnes
faisant penser, à Paul Arrighi, dans son Histoire de la Corse, à une autre Suisse. Dans
ces deux recrutements pourtant si différents, mêmes vertus montagnardes et même
vocation de l'infanterie12.
Il y a ainsi une existence prouvée de l’émigration militaire corse datant d’avant la
période qui nous intéresse, les soldats prêtant leurs épées au service des plus grands :
Florence, Milan, Ferrare ou encore le Saint-Siège. La présence française à Gênes
entre 1396 et 1409 du temps du maréchal Boucicaut favorise encore ce phénomène
d’émigration militaire. Charles VIII engage alors à Marignan des Corses condottieri
installés dans le Milanais des Sforza, souverains de Corse entre 1468 et 1478, d’après
un document officiel daté de 1524 intitulé « Compagnie de gens de guerre à pied de
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Carnet de la Sabretache, Bulletin des
collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire, Nouvelle série n°20, spécial 1973, 192,
p.121.
10
11
Michel VERGE-FRANCESCHI, Histoire de la Corse le pays de la grandeur, Paris : Édition du Félin,
1996, 563, p. 42.
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Carnet de la Sabretache Bulletin des
collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire, Nouvelle série n°20, spécial 1973, 192,
p.129.
12
8
la nation corse »13. C’est une préfiguration du XIXe lors de laquelle, grâce aux
Bonaparte, les Corses par milliers vont se couvrir de gloire.
Toutefois, cette préfiguration débute avec la défaite de l’armée nationale de Paoli
contre les troupes du Roi à Ponte Novo en 1769, avec la création du Royal-Corse en
1739 qui est dissous en 1788 et remplacé par deux bataillons de chasseurs corses qui
mettent fin au mercenariat insulaire et institutionnalisent le soldat corse14. Bien que,
dans un premier temps, c’est un choc de civilisation qui s’opère, l’intégration n’est pas
faite. Les militaires envoyés ne s’occupent que des côtes. Seuls viennent en
explorateurs les officiers de la noblesse française. Louis XV tente de séduire les élites
locales par l’argent, les grades militaires et les anoblissements, mais cela n’est guère
très efficace, car les élites en Corse n’ont jamais formé une caste. Toutefois, certaines
élites se rallient à l’ex-Carlo Bonaparte, jeune protégé de Marboeuf, alors commandant
en chef de l’île (1770-1786). C’est le cas aussi des Pozzo di Borgo, nobles officiers
ajacciens, ou Abbatucci de Zicavo, maintenu noble en 1774. Ces notables
entretiennent avec les Français d’excellentes relations. Celles qui refusent de
collaborer soit se posent dans la résistance passive au régime français, soit s’engagent
dans l’action avec l’appui moral et armé d’un millier de Franciscains (exemple : le
Cousin de Carlo Bonaparte qui élimine les grenadiers qui rôdent près de Bocognano).
Ainsi, lors de la pacification, le climat est tendu en Corse. Deux partis sont clairement
en opposition politique. En raison d’histoires de clans et de recherche de tutelle, l’un
est toujours affilié à Pascal Paoli et l’autre aux « Français ». L’utilisation du terme
« Français » ne doit pas être prise comme un propos séparatiste. Si, aujourd’hui, il est
plus ou moins communément accepté dans l’hexagone et en Corse que cette dernière
fait partie de la France, à l’époque, cette séparation est bien plus marquée. Ce climat
tendu ne doit pas être pris à la légère. La France ferme l’université de Corse et expulse
les jésuites de l’ensemble du territoire en 1762-1764, privant la Corse des
établissements secondaires à Ajaccio et Bastia qui appartenait à la compagnie de
Jésus, constituée de juges, d’avocats ou de savants. En outre s’ajoute un
alourdissement des impôts en 1771 puis, en 1773, une hausse de la fiscalité de 50 %
13
Michel VERGE-FRANCESCHI, Histoire de la Corse le pays de la grandeur, Paris : Édition du Félin,
1996, 563, p. 54.
14
Ibid. p. 408.
9
ainsi que de mauvaises récoltes. Les traditions persistent et les fils des notables sont
encore envoyés étudier à Pise, Livourne ou Padoue15.
Des révoltes éclatent en 1774. L’armée agit de manière sauvage : les rebelles sont
abattus, les maisons brûlées et des « nationaux » (révolutionnaires de Paoli : en Corse
Naziunale) envoyés au bagne.
La répression est telle que la Corse ne se révoltera plus durant toute la durée du règne.
Pour la période qui nous intéresse, c’est la constituante de 1789 qui permet le
rattachement définitif de la Corse. C’est un véritablement chamboulement. La lettre de
Paoli adressée à Nobili-Savelli le 23 décembre 1789 énonce : « L’union avec la libre
nation française n’est pas servitude, mais participation de droit. »
Bien que la monarchie française ait introduit de nombreuses inégalités, la solidarité
insulaire fonctionne toujours. Les Signori, équivalent en corse à un statut de mibourgeois mi-noble, sont unis par l’insularité et l’attachement à la Corse. La notion de
la guerre est différente pour la France et la Corse : la France obéit encore à cette
notion de noble qui combat, héritière du Miles médiéval (soldat), alors que la Corse est
encore dans l’optique de mercenaires et miliciens, force armée de Paoli.
La Révolution se prépare alors en Corse, avec des tons différents qu’en France, à
Ajaccio, contre l’évêque Mgr Benoît-André Doria, du fait qu’il est Génois et connu pour
avoir exercé des répressions. Lorsque les nouveaux principes Liberté, Égalité,
Fraternité s’inscrivent en Corse depuis l’Assemblée nationale constituante, la fièvre
apparaît, rappelant la période paoline. Liberta est une notion importante en Corse,
rappelant l’affranchissement vis-à-vis de Gênes16.
À Cargèse, dans le marquisat, propriété des enfants de Marboeuf, il n’y a pas de
troubles anti-nobiliaires. Toutefois, on ne peut qualifier 1789 d’année de la Révolution
corse. Ce sont les symboles de l’occupation « étrangère » qui sont contestés. En
Corse, le régime féodal n’est pas contesté, il n’existe pas. Les portraits de Marboeuf
sont brûlés, de même que les floraisons de cocardes « bianca, celesta e rossa ». Ces
actes sont à lier à la Révolution nationale de 1729 qui aboutit à Paoli.
15
Ibid. p. 391.
16
Ibid. p. 412.
10
Salicetti, avocat de trente-deux ans au conseil supérieur, s’adresse à la constituante
pour dénoncer l’oppression étrangère donc française. Mais pour les députés, les abus
ne proviennent pas de la nation française, mais de la monarchie. Un terrain d’entente
est alors trouvé entre les députés corses et la constituante, un début de réconciliation.
Cette Révolution change alors la donne en Corse. Le 30 novembre 1789, un décret de
l’Assemblée nationale est promulgué ; il énonce que « l’Isle de Corse fait partie de
l’Empire français et que ses habitants seront régis par la même Constitution que les
autres Français ». La restitution de la Corse à Gênes est tout à fait envisageable du
point de vue de Versailles, compte tenu des dépenses engagées par le Roi.
L’opinion insulaire se réjouit de cette nouvelle de rattachement définitif. Pascal Paoli,
retourné en Corse, est reçu par Louis XVI lors de son passage à Paris et couvert
d'éloges par Lafayette. Le rattachement définitif de la Corse et l’arrivée de Pascal Paoli
sont fêtés à l’Assemblée. Mirabeau fait adopter un décret d’amnistie à l’égard des
« Corses qui, après avoir combattu pour la liberté (en 1769), se sont expatriés (après
Ponte-Novo) ».
Mais, dès 1791, le fossé se creuse entre Corses profrançais et paolistes.
Le divorce a lieu entre Paoli et le jeune Napoléon, en septembre 1792. Paoli décide
d’écarter ce dernier des listes des candidats corses à la députation auprès de la
convention, le jugeant trop francophile. C’est une humiliation pour Napoléon celui qu’il
jugeait comme son père spirituel et qu’il adulait.
À Marseille, des troupes sont recrutées et s’unissent au 42e régiment.
Une opération est lancée pour s’emparer de Cagliari, mais c’est un échec, malgré la
présence de Bonaparte. La convention attribue la responsabilité à Paoli, hostile à la
guerre. Selon lui, la Corse n’a besoin « ni de guerre ni de conquête, mais seulement
de liberté et de paix ».
La convention destitue Paoli de ses fonctions de gouverneur, craignant qu’il puisse
donner l'île aux Anglais. Les commissaires aux côtes écrivent : « Cet ancien stipendié
du cabinet britannique donne de vives inquiétudes à tous les bons citoyens. La grande
popularité dont il jouit fait craindre qu’il ne livre la Corse à la première escadre anglaise
qui semblerait la menacer. »
11
Du 27 au 29 mai, le ton monte entre Corte et Paris. À Corte, Paoli convoque une
Consulta à laquelle participent plus de mille partisans armés qui destituent Salicetti,
Multedo et Casabianca de leur statut de députés de la convention. Les Bonaparte et
les Arena17 sont dénoncés comme fauteurs de troubles. On reproche aux frères de
Bonaparte d’avoir été élevés grâce à Marboeuf.
La famille réussit à embarquer pour Toulon. La Maison d’Ajaccio est vouée au pillage,
tandis que celle de Milleli est en proie aux flammes.
Afin de lutter contre l’influence de Paoli, la constitution décide de diviser la Corse en
deux départements : Golo (Bastia chef-lieu) et Liamone (Ajaccio). Paoli est décrété
hors la loi et traître de la République.
Abbatucci tente d’organiser une armée de partisans profrançais, mais les Corses, pour
la majorité francophiles jusqu’à ce que les Anglais soient chassés de Toulon, tombe le
19 décembre 1793. Les Anglais arrivent alors devant l’Île-Rousse et bombardent
Bastia en février, dont s’empare l’Amiral Hood.
Abbatucci et sa petite résistance abandonnent et se rendent à Toulon. Entre-temps, la
Consulta de Corte, se déroulant du 10 au 21 juin, décide d’unir la Corse à l’Angleterre
pour échapper à la dérive de la Révolution, à la terreur, à la guillotine et au tribunal
révolutionnaire.
La République réussit à s’emparer de nouveau de la Corse. Les partisans de Napoléon
s’y infiltrent dès le mois de mai, puis les troupes du directoire débarquent et
contraignent Nelson à rembarquer à Bastia, ainsi que les troupes anglaises et
quelques milliers de Corses anglophiles18.
C’est Napoléon qui est ainsi à l’origine de la bidépartementalisation de 1793/1811 pour
réduire l’influence de Paoli dans le Nord.
Famille Arena, Famille qui embrasse en bloc la révolution, une fraternité chassant d’ile de rousse la
garnison et installant une nouvelle municipalité. L’ainé soutenu par Paoli à l’assemblée électorale
d’Orezza 1790 devient procureur général remplaçant Salicetti. Puis il est chassé de Bastia le 3 juillet
1791 pour avoir voulu appliqué la constitution civile du clergé et précipité la vente des biens nationaux
malgré le refus des communautés villageoises. Les frères Arena ont montré la sincérité de leur
conviction pour la Révolution dont un fut condamné à mort pour avoir attenté à la vie de Napoléon,
Joseph Marie, ils étaient contre le coup d’Etat du 18 brumaire. Dictionnaire historique de la Corse,
Ajaccio, Albiana, 2006.
17
18
Michel VERGE-FRANCESCHI, Histoire de la Corse le pays de la grandeur, Paris : Édition du Félin,
1996, 563, p. 434.
12
L’étude des bataillons et régiments corses ainsi que de la situation militaire corse
confirme la citation « Il faut que la Corse soit une bonne fois française »19 ainsi que le
choix de l’infanterie légère pour ces troupes. La Corse, par ses hommes aussi bien
que par son sol, offre à l’histoire un théâtre privilégié pour la petite guerre. La guérilla
y a donc souvent supplanté les formes classiques de la guerre conventionnelle des
continentaux, stimulée par la lutte entre les clans et l’insurrection contre l’occupant.
Ainsi, ce que l’on sait concernant le domaine militaire est une vérité générale, mais
comme les livres qui le traitent sont très anciens, les notes de bas de page y sont
rarement présentes. On sait qu’en 1788 il y a eu une refonte des chasseurs royaux
corses créant les bataillons de chasseurs. Ceux-ci disposent de quatre compagnies
disposant chacune de douze carabiniers et sont commandés par un lieutenant-colonel.
Les quatre soldats par compagnies sont « destinés à s’instruire dans les arts et métiers
afin de se rendre utiles dans l’Isle de Corse ».
La Corse connaît l’occupation britannique de 1793 à 1796. Revenue dans le sein de
la République française, l’île fait l’objet, en ce qui concerne sa contribution à l’effort
militaire du pays, d’une politique prudente de la part du Directoire et du Consulat. Si
des paolistes irréductibles se sont exilés et, pour certains, servent l’Angleterre, ceux
plus tièdes se sont résignés au ralliement et vivent dans leur village, surveillés par
leurs compatriotes anti-paolistes20.
Nous tenterons également d’aborder le recrutement en Corse, à savoir la conscription
et le volontariat. En dehors d’elle, le gouvernement français songe tout naturellement
à recruter des troupes, par le volontariat. Toutefois, la conscription est appliqué
tardivement en Corse ce qui rend l’étude plus complexe.
Le Carnet de la Sabretache évoque alors, dès le départ des Anglais, à la fin de 1796,
la création des compagnies franches qui sont levées dans les deux départements
corses. En 1798, passant en Corse lors de son expédition en Égypte, Bonaparte remet
en ordre l’armée en créant deux compagnies franches, une pour chacun des
Tome II : Œuvres de Napoléon Bonaparte, Paris, 1822, librairie historique d’Émile Babeuf : Napoléon
au général Gentili, Vérone, 1er novembre 1796.
19
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Carnet de la Sabretache Bulletin des
collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire, Nouvelle série n°20, spécial 1973, 192,
p.158.
20
13
départements du Golo et du Liamone, pour participer à la répression du banditisme,
séquelle de la période troublée précédente. Ces compagnies sont vite dissoutes et
incorporées ailleurs.
On a aussi connaissance de la formation d’un bataillon d’infanterie légère de
chasseurs corses, 3e de la 3e, qui deviendra le bataillon des tirailleurs corses et, le 12
prairial de l’an XI, de la levée de cinq bataillons d’infanterie légère corses, qui
deviendront, le 23 mai 1805, la Légion corse. Enfin, le décret du 24 floréal An XIII (14
mai 1805) prévoit en Corse, comme dans toute la France, la mise sur pied de
compagnies départementales de réserve, une pour le Liamone et une pour le Golo.
Elles seront nommées « les compagnies des chasseurs du Golo et du Liamone ». Elles
se composent de conscrits de la réserve, d’anciens soldats libérés de plus de cinq ans
de service, d’encadrés d’officiers et de sous-officiers réformés. Ce sont les bataillons
de chasseurs du Golo et du Liamone qui prendront la suite de cette formation par un
décret du 17 thermidor de l’an XIII (5 août 1805), daté de Boulogne.
Comme prévu par leur décret constitutif, les bataillons sont employés dans leurs
départements respectifs, le 2e du Golo servant, en quelque sorte, de réserve
d’intervention. Ils participent donc aux expéditions contre les opposants politiques ou
les malfaiteurs, tous également qualifiés de brigands, et aussi aux opérations de
défense contre les tentatives anglaises sur les côtes.
Le 22 mars 1810, le duc De Feltre propose à l’Empereur de « licencier successivement
les trois bataillons de chasseurs corses au fur et à mesure de la création du Régiment
de la Méditerranée ».
Napoléon approuve le licenciement, « aussitôt que le Régiment de la Méditerranée
dépassera 2 000 hommes » et signe le décret le 9 avril. Les bataillons corses ne
reçoivent plus de recrues dès parution du décret. Les bataillons sont licenciés dans
cet ordre : le bataillon du Liamone, le 1er du Golo et le 2e du Golo. Les sous-officiers
ainsi que les chasseurs qui n’ont pas rempli le temps de leur engagement et qui veulent
continuer à servir les chasseurs corses sont mutés, au fur et à mesure des
licenciements, du 1er bataillon au 2e, puis du 2e au 3e et, enfin, au Régiment de la
Méditerranée. Mais, déjà, les volontaires pour servir au Régiment de la Méditerranée
peuvent y passer.
14
Il semble que les Corses ne souhaitent pas passer dans un régiment où l’on regroupe
les conscrits réfractaires et, aussi, dans un corps dont les bataillons de guerre risquent
de quitter l’île21. Le régiment, en janvier 1811, reste en Corse et à l’Ile d’Elbe et fournit
des renforts à Corfou. Existe aussi le bataillon corse de l’île d’Elbe de 1815-1815. Le
35e léger a pris ce nom le 20 septembre 1812 ; auparavant, il se nommait « le 1er
Régiment de la Méditerranée ». Il était composé de conscrits réfractaires des
départements d’au-delà les Alpes. À partir de 1812, sont de plus en plus recrutés des
réfractaires des départements français du Midi et de la Corse.
Est défini comme conscrit réfractaire « « Tout conscrit absent qui aura été désigné
pour faire partie du contingent aura un mois pour se présenter devant le capitaine de
recrutement. Celui qui, à l’expiration du délai d’un mois, ne se sera point présenté, ou
n’aura pas fait admettre un suppléant, sera, sur la plainte du capitaine de recrutement,
déclaré par le préfet ou sous-préfet conscrit réfractaire. » Quand les conscrits
réfractaires sont retrouvés, ils sont envoyés dans des dépôts spéciaux »22.
À peine arrivé, Napoléon fait savoir qu’il acceptera les sous-officiers et les soldats du
35e et du bataillon colonial voulant rester à son service. Il n’y a pas un enthousiasme
général pour rester, car, peu après, l’Empereur charge les recruteurs de compléter les
rangs, de préférence en Corse.
Avec ces éléments, Napoléon prévoit de constituer le 1er bataillon de chasseurs de l’Ile
d’Elbe, bientôt communément appelé « bataillon corse ».
La plupart des hommes sont Corses, mais il y a aussi des Toscans, des Génois, des
Piémontais, et même des Hongrois. Les cadres sont Français, dont beaucoup Corses.
La discipline est difficile à établir dans ce bataillon, malgré la vigilance de Cambronne
et des grognards des unités de la Garde.
À la fin de 1814, on craint un attentat contre Napoléon de la part de paolistes manipulés
par l’ex-chouan Bruslard, promu maréchal de camp et commandant militaire de la
Corse. Or, le bataillon corse connaît des déserteurs et des cas d’indiscipline, mais son
loyalisme à Napoléon reste sans reproche.
21
Ibid. p.159.
22
Alain PIGEARD, Dictionnaire de la Grande Armée, Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier, Paris,
2002, 805, p.184.
15
Le 1er mars, le bataillon débarque à Golfe Juan. On sait peu de choses sur la suite. Au
départ de Digne, sur Sisteron, il ferme la marche de la colonne. Le 8 avril, il est versé
dans le 1er régiment de voltigeurs de la Jeune Garde reconstituée, dont il forme le 2 e
bataillon.
Mais, quelle que soit la bannière, l’amour du sol natal et l’appartenance à la Corse les
font se distinguer partout où ils se rendent. Même s’il s’agit de parler dans ce mémoire
des Corses au service de la France, il faut aussi prendre connaissance des Corses qui
serviront dans le Royal Corsican Rangers.
Différentes questions vont alors se poser : quels sont les troupes et les
bataillons corses ? Comment ces troupes corses évoluent-elles ? Quels sont leur
historique précis, leur parcours ? Sont-elles aussi désintéressées et fidèles à
Napoléon, car Corses ? Y a-t-il véritablement un parti français parmi ces troupes
corses ? Se pose aussi la question de la situation en Corse durant la Révolution et
l’Empire, afin de nuancer l’avis sur la question, tantôt trop francophile tantôt trop
francophobe.
Il s’agit alors de revisiter cette relation entre la Corse et la France, par
l’intermédiaire de l’armée et de la gestion militaire sur l’île, ainsi que tout l’enjeu
existant dans la lutte des clans, encore active à la fin de la Révolution et sous l’Empire.
Cette étude se propose ainsi, à partir d’un type d’histoire classique, à savoir l’histoire
locale (de la Corse, napoléonienne et militaire), de renouveler l’étude portant sur les
troupes corses de la Révolution à la fin du Premier Empire. On peut espérer une
réactualisation du sujet, pas ou peu traité, qui serait alors inédite dans la manière de
traiter, à savoir sans parti pris et réactualisant le thème pour une nouvelle lecture.
Jean Jehasse23 reprochait déjà à l’historiographe corse Paoli de trop se concentrer sur
la période postérieure à 1768, négligeant les autres périodes. De l’extérieur, on a une
vision d’une Corse tournée vers la terre, misérabiliste et encore trop centrée sur
Gênes.
23
JEHASSE, Jean, La Corse Antique, Ajaccio, 1993, CRDP de Corse, p. 58.
16
Dans la préface du Hors-série sur la Corse de la Sabretache, le Carnet s’étonne qu’une
petite île puisse présenter un caractère militaire suffisamment important pour qu’on le
retrace dans l’histoire.
L’ancien président R.Philippot cité24 a fait une réflexion qui va au cœur du sujet de
mon mémoire : « Si le plus illustre des fils de la Corse a suscité une littérature
considérable, peut-être la plus abondante jamais consacrée à l’histoire d’un homme,
si les trois maréchaux de France, les très nombreux généraux et chefs militaires nés
en Corses ont eu aussi leurs historiens, notamment naguère en la personne du
marquis d’Ornano (….), l’Histoire des troupes corses est peut-être moins connue, et
elle est en tout cas très éparse. »
Dans la préface de Les Corses au combat sous trois drapeaux : 1792-1815 rédigée
par Alain Pigeard, ce dernier reconnaît que ces unités sont dans « l’ombre historique ».
Ce mémoire ne peut pas être une simple compilation de faits d’armes, il doit permettre
de comprendre également s’il existe un sentiment d’appartenance identitaire animant
les combattants républicains qui se retrouvent dans les idées révolutionnaires de
l’esprit de la Consulta d’Orezza et « d’autres fidèles à l’Empereur issu de leur terre »25.
Le sujet traite de la période partant de 1790, mordant légèrement sur 1788, pour
expliquer les origines et transformations des chasseurs royaux corses, jusqu’à la fin
de l’Empire en 1815. Il porte alors sur la création, l’organisation et les transformations
des divers bataillons levées en Corse, sur le caractère ethnique que ces bataillons
vont prendre, caractère ethnique qui est censé être aboli à la Révolution, mais qui va
revenir sous l’Empire, ainsi que sur les faits d’armes et l’historique régimentaire. Il
s’agira également de comprendre la situation militaire en Corse de 1790 à 1815, les
différentes évolutions que l’île a subies dans les domaines politique et militaire, qui
sont intrinsèquement liés à l’intérêt stratégique.
Les documents consultés sont essentiellement les Archives historiques du
Service de la défense à Vincennes, qui permettent de donner un prisme national, mais
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Carnet de la Sabretache Bulletin des
collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire, Nouvelle série n°20, spécial 1973, 192,
p.121.
24
25
Dominique BURESI, Les Corses au combat sous trois drapeaux, 1792-1815, Ajaccio, 2003, 183, p.
7.
17
également les Archives départementales de Corse du Sud pour un croisement local.
Il s’agit de supports papier issus essentiellement de l’administration du ministère de la
Guerre ainsi que des correspondances datant de la période 1788-1815.
Pour les ouvrages, il s’agira principalement d’ouvrage portant sur l’histoire de Corse,
son anthropologie et des ouvrages spécialisés portant sur la période de la Révolution
en Corse, n’ayant alors pour le moment trouvé aucun ouvrage traitant du 1er Empire
en Corse.
Ainsi que des documents provenant de Gallica. Nous tenterons au
maximum de croiser les sources pour en tirer un fait sans aucune interprétation
possible, en essayant d’être le plus critique et sans parti pris.
Le Mémoire sera alors traité en 4 partie distincte, afin d’avoir une considération
d’ensemble et de garder au maximum le contexte complexe de la zone ciblée comme
de l’époque. Il est nécessaire pour traiter l’histoire de Corse sous l’Empire et la
Révolution, de traiter la Corse de la fin du XVIIIe, la conquête de 1769 et les divers
épisodes de Paoli ne pouvant être mis de côté. La Corse représentant une identité
complexe à cheval sur deux périodes la fin de la période moderne et le début de la
contemporaine.
La première partie présentera l’ancêtre, on pourrait dire, des différents
bataillons corses durant la révolution et du 1er Empire, à savoir le Royal Corse et son
évolution jusqu’à la révolution, où il deviendra après avoir été dissous les bataillons de
chasseurs royaux corses, première utilisation officielle des corses pour l’exercice de
l’infanterie légère. Le Royal-Corse présente le cas typique de l’évolution militaire corse,
à savoir du passage de la période du mercenaire corse au statut désormais de soldat
corse.
La deuxième partie portera sur l’infanterie légère corse sous l’Empire,
acheminement de ce processus vers le soldat corse, passant du statut de chasseurs
corses, et auparavant dans des compagnies franches, une occasion va être proposé
celle du bataillon de tirailleurs corses qui va alors partir du camp de Boulogne pour
faire les campagnes d’Allemagne, l’objectif de l’Empereur est net, faciliter la
conscription en les réunissant dans un cadre avec d’autres natifs corses, afin comme
il disait en 1796 de rendre la Corse une fois pour toute française par la voie militaire.
La troisième partie sera là quant à elle afin de présenter les autres levées de
chasseurs qui vont faire baigner à nouveau les troupes corses dans le mercenariat
18
notamment au service de Naples mais en garderont toutefois une certaine fidélité à la
France comme on pourra le voir. Il s’agira également de traiter les bataillons
réfractaires stationnés en Corse à savoir bataillons de la Méditerranée composer
principalement par des italiens mais encadré par des officiers corses.
Enfin, dans la quatrième partie, nous nuancerons le rôle de la Révolution et de
l’Empire, notamment concernant la violence des recrutements tantôt véridique parfois
fantasmé par la mauvaise réputation de Morand en Corse, pour ce faire nous verrons
ce qu’est la Corse à la fin du XVIIIe dans toute la complexité de son histoire et de son
histoire au sein de la France.
19
Chapitre 1. Du Mercenaire au Soldat
1. Le Royal-Corse
2. Le maintien de l’Ordre en Corse et le début de l’infanterie légère corse
3. Les bataillons royaux corses à l’épreuve de la Révolution
Chapitre 2. L’infanterie légère corse sous l’Empire, un processus
1. Des compagnies franches aux bataillons de chasseurs corses
2. Du 3e bataillon de chasseurs corses au bataillon de tirailleurs corses
3. Les chasseurs du Golo et du Liamone
Chapitre 3. La Corse réfractaire et sédentaire
1. Des bataillons de la méditerranée au 35e léger
2. De la Légion corse au Royal-Corse en passant par le Royal-Corse napolitain
3. De la Restauration aux nouvelles compagnies franches et chasseurs en 1816
Chapitre 4. Le temps de la révolution française, la Corse et l’Empire
1. Les débuts de la Révolution Française en Corse
2. La Corse du XVIIIe siècle et ses classes sociales
3. Le Régime Impérial en Corse
20
Chapitre 1 :
Du mercenaire au soldat
Dans ce chapitre, nous mettrons en avant le passage du statut de mercenaire
corse, notamment avec la création du Royal Corse au sein du Royal-Italien dans un
premier temps, puis à la création d’un véritablement régiment indépendant qui va
évoluer jusqu’à la révolution.
I. Le Royal-Corse
1. Le Royal Corse a ses débuts
Il s’agira, dans un premier temps, de mettre en lumière le Royal-Corse. Ce dernier
n’a pas un rapport direct avec la période traitée.
Par ailleurs, les états nominatifs et autres documents qui composent la série XB12
attesteront que certains membres de ce corps ont suivi les modifications du régiment
lors du passage à la République. Il ne serait pas convenable de traiter l’institution
militaire en Corse sous la Ire République et l’Empire sans évoquer la première
administration française, à savoir royale.
Ce corps est levé le 10 août 1739 sur décision de Louis XV, afin de s’attacher à la
noblesse locale et à sa clientèle. Il faut alors remettre en contexte la période de
troubles qui précède 1735 et qui la succède aussi. La Corse se rebelle contre la
République de Gênes, se dotant d’un roi, un aventurier du nom de Théodore de
Neuhoff, apportant armes, fournitures et argent. Gênes, ne pouvant mater cette
rébellion, se tourne vers la France, son alliée traditionnelle, et demande son aide. La
rébellion est matée et son roi part en exil. Ainsi, sous les conseils de Maillesbois, Louis
XV multiplie les gestes de séduction. En naîtra dans l’île un courant pro-français.
La mise sur pied du régiment va demander plus de 18 mois. Le roi en est le colonel,
d'où son titre de Royal. Le colonel-lieutenant, nommé le 15 août, est Alexandre de
Villeneuve, comte de Vence. Il exercera sa fonction jusqu'en 1760. Il appartient à une
vieille famille provençale.
21
Une étroite relation entre le parti français et le régiment est alors perceptible sur l’île,
même si ce corps, encore considéré comme étranger à la couronne française, est
contraire à la loi génoise. Toutefois, dans cette recherche d’équilibre en Corse, la
sérénissime république n’hésite pas à présenter les éventuelles familles intéressées
par ce corps. Il n’y a ainsi pas de recrutement sans son aval26. Les déserteurs sont
pardonnés par Gênes afin de favoriser le recrutement de ce corps, ce qui permet un
double maintien de l’ordre. Il est également fait mention que les officiers français n’ont
jamais essuyé de mauvais traitements en Corse durant la précédente campagne.
Mais un double recrutement sur l’île va entraîner des jalousies. La France, en
puissance absolue, recrute en Corse sous l’aval de Gênes, mais les Génois présents
sur l’île se plaignent que ce corps français est alors plus populaire pour le recrutement
que les corps génois. Cela entraîne une situation tendue concernant le recrutement
pour le Royal-Corse et pour le Royal-Italien. Le marquis Pallavicini se plaint de
permissions excessives et d’abus de recrutements27.
En 1747, le Royal-Corse est composé de 12 compagnies réparties en 11 fusiliers et 1
grenadier, soit 600 hommes. Mais le colonel comte de Vence propose qu’il soit porté
à 650 hommes avec une 12e compagnie de fusiliers28, ce qui porterait le corps à 13
compagnies.
Le régiment est issu de toute la Corse. Le corps est toujours dirigé par M. le vicomte
de Vence, colonel, Jean-Alexandre Romée de Villeneuve. L’état des naissances en
1751 est ainsi fait29 en ce qui concerne les officiers corses :
Capitaine des grenadiers : Viscomti de Tavera né en 1708 à Ajaccio ; nommé capitaine
du Royal-Corse en 1739, capitaine-grenadier en 1740 et fait chevalier de Saint-Louis
en 1747.
Buttafoco : capitaine né à Bastia le 4 octobre 1707 ; nommé capitaine au régiment
Royal-Corse en 1739 et fait chevalier de Saint-Louis en 1746.
26
SHD, XB12, Lettre de M. Sallaireiny au marquis de Suyzieulx, Paris, 29 octobre 1747.
27
SHD, XB12, Copie de lettre du marquis Pallavini.
28
SHD, XB12, Note du colonel comte de Vence, 1747.
29
SHD, XB12, Rapport état du régiment, lieu de naissance, 15 juillet 1751.
22
Major Lafond Ducujula : Jean-Noël de Lafond Ducujula né de Tourcoing à Flandres le
16 février 1716. Nommé cadet dans la compagnie des cadets gentilshommes à la
citadelle de Strasbourg le 9 octobre 1727.
Il participe à la campagne de 1734-1735, à l’attaque du Château de Colorno et
également à la bataille de Guargalle lors de laquelle il est blessé. Cette bataille et sa
blessure sont mentionnées dans une lettre du comte de Vence30.
Autres capitaines :
On note le capitaine Carbuccia, né à Bastia le 2 octobre 1714, fait capitaine en 1739.
Le capitaine Grimaldi, né à Poggio en 1717, a fait la campagne des Flandres ;
Baldassari, né à Bastia en 1714 ; Costa, né à Bastia en 1708, puis fait capitaine en
1740 ; Marengo, né à Bastia en février 1724 et fait capitaine en 1741 ; Zerbi, né à
Bastia en 1718 : Orticono, né en 1710 à Aleria et Pasqualini né à Bastia en 1716.
On peut noter qu’une partie de ces capitaines seront chevaliers de Saint-Louis.
Concernant les lieutenants :
Le lieutenant Poggi, né en 1720 à Bastia ; Montesoro, né à Bastia en 1718 ; Filippo
Rossi, né à Ajaccio en 1723 ; Martelli, né à Guisoni en 1719 ; Massei, né à Bastia en
1726 ; Matteo Buttafoco, né à Bastia le 26 octobre 1731, fils du capitaine notifié
volontaire au régiment en 1739, passé lieutenant en 1746, comme Camille Rossi né en
1733 à Ajaccio ; Franscequini, né à Corbora en 1690, soldat du régiment de Navarre
en 1708, volontaire au Royal-Italien en 1733, puis passé au Royal-Corse en 1743 et
lieutenant en 1746.
On note une certaine prédominance des communes de Haute-Corse actuelle dans la
provenance des hommes du Royal-Corse, s’expliquant par le fait que le lieu du pouvoir
sous la République de Gênes et sous la monarchie est à Bastia.
On compte près d’un ¼ des hommes signalés comme volontaires dans cet état des
officiers en 1751.
30
SHD, XB12, Royal-Corse, Lettre de M. le comte de Vence à M. de Contades.
23
Ces états nominatifs des naissances et compositions du corps permettent de voir la
diversité d’origines et des motivations pour servir dans le Royal-Corse, comme pour
les autres régiments corses au service de la France.
On apprend que le Royal-Corse a notamment servi dans la campagne de Flandres31
par le capitaine Grimaldi, natif de Poggio en 1717, passé lieutenant-colonel en 1760,
qui a fait la campagne des Flandres, comme le capitaine Marengo, natif de Bastia en
février 1724 et passé capitaine en 1741.
Sur la note du capitaine Bartolomeo Bellini, il est indiqué que tous les capitaines du
corps ont également participé à la campagne, notamment au siège de Mastreck. Les
commentaires sur le régiment sont positifs (disciplinés et prometteurs).
Drapeau et Uniforme du Royal Corse d’après Mouillard de 1739 à 1762
31
SHD, XB12, État des services de M. les officiers, régiment Royal-Corse, 1761.
24
Fusiller et Tambour – Royal Corse 1740 par Pierre Benigni32, planche N°58
2.
Réformation du Royal Corse dans le Royal Italien puis sa réincorporation
Entre-temps, le régiment est réformé par incorporation au régiment Royal-Italien
avant d’être rétabli le 15 novembre 176533. Les insulaires du Royal-Italien sont versés
dans le Royal-Corse, soit 9 compagnies dans le Royal-Corse. Les officiers corses sont
incorporés dans le Royal-Corse. Chaque compagnie continuera d’être commandée
par un capitaine, un lieutenant et un sous-lieutenant. Quant à l’état-major, ce dernier
sera
composé
d’un
colonel
qui
aura
une
compagnie,
d’un
colonel
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973
32
33
SHD, XK12, Ordonnance du Roy pour décomposer le régiment Royal-Italien, 15 novembre 1765.
25
commandant/lieutenant, d’un colonel, d’un major, d’un aide-major, d’un quartiermaître, de deux porte-drapeaux, d’un tambour-major, d’un aumônier et d’un chirurgienmajor.
L’habit du Royal-italien reste ce qu’il est, tandis que le Royal-Corse sera à l’avenir
habillé avec du gros drap bleu, une veste et une culotte blanche.
En 1765, les compliments concernant le régiment affluent. Les officiers sont jugés
compétents et honorables : « valeureux régiment à la hauteur de la nation […] La
nation corse devant être en ce moment regardée comme à leur tête et eux comme le
représentant34. » Le régiment est vu comme ayant un bon esprit ; y règnent honneur
et subordination.
Le 26 avril 1775, par ordonnance royale, le Royal-Corse est renforcé par incorporation
de 9 compagnies d’infanterie de la Légion corse35 : « Les neuf compagnies que
comporte actuellement l’infanterie de la région corse seront incorporées dans ce
régiment, à savoir 2 bataillons. »
En 1776, le régiment est composé de 55 officiers, dont 6 auront la Croix de SaintLouis36, 15 viennent du volontariat en ayant commencé comme simples fusiliers, 20
sont originaires d’un village, les 25 autres des bourgs (dont 9 de Bastia et 7 d’Ajaccio).
Ceux qui ont reçu des distinctions, comme la Croix de Saint-Louis, proviennent
davantage des bourgs et des villes. Le volontariat est alors un moyen d’échapper à la
misère pour certains Corses et Italiens, un moyen d’ascension sociale dans ce nouvel
ordre où, à la fin de leur service, ils pourraient jouir d’une retraite, à l’instar d’Antonio
Vito Passano, ancien volontaire de 1748 qui fait demander sa retraite par l’officier
M. du Belloy37, ou encore le sous-lieutenant Jean-François Biaggini qui a participé à
34
SHD, XB12, État de note concernant les officiers du régiment Royal-Corse, 1765.
35
SHD, XB12, Royal-Corse n°88, note d’ordonnance du 26 avril 1775.
SHD, XB12, Régiment Royal-Corse : État des services de M. Les officiers dudit régiment à l’époque
de la nouvelle formation fait en conséquence par ordonnance du Roy, 25 mars 1776.
36
37
SHD, XB12, Mémoire pour demande de retraite pour Antonio Vito Passano, M. du Belloy, 7 octobre
1778.
26
la campagne des Flandres (dont les batailles de Funres et Cournay, puis, plus tard,
les batailles de Fontenoy et Raucoux)38.
Il ne serait pas inintéressant de faire une parenthèse concernant la Légion corse, un
des viviers du recrutement. Cette Légion corse se place, de 1769 à 1776, dans le
contexte des interventions françaises en Corse depuis 30 ans. Ces dernières ont
montré dans ce pays sans routes et à la population aux mœurs guerrières pour
l’administration française la nécessité de disposer d’unités adaptées à la manœuvre
et au combat face à ces conditions difficiles et d’avoir des unités plutôt rustiques aptes
à la petite guerre et aux escarmouches. Cette Légion peut être vue comme le premier
test de l’utilisation des Corses des unités d’infanterie légère. Il faut également replacer
le contexte militaire à la fin du XVIIe siècle. On commence à voir apparaître des troupes
recrutées le temps d’une campagne et qui, à la rusticité de leurs origines, allient
mobilité et légèreté39. Elles vont connaître une inflation considérable dans les conflits
qui émaillent le siècle suivant. Sous la dénomination de troupes légères, qui est leur
but attribué au vu de leurs caractéristiques propres, ces corps sont à l’origine mis sur
pied pour la durée d’un conflit, mais vont, dans le siècle suivant, faire corps avec le
reste de l’armée.
Leurs origines sont diverses et leurs effectifs variables, du fait que ce sont, initialement,
des troupes irrégulières recrutées pour une campagne. Leurs membres peuvent être
déserteurs des armées adverses, enrôlés de gré ou de force, volontaires motivés
servant sous les ordres d’officiers de l’Armée royale, hussards ou encore bien fusiliers
de montagne. La liste pourrait être longue. La réorganisation en 1763 aboutit à la
formation de 6 légions (terme emprunté à l’ancienne terminologie militaire de Rome
pour désigner une unité mêlant cavaliers et fantassins). Ce sont des unités interarmes,
fortes d’un millier d’hommes, composées de 8 compagnies de fusiliers, d’1 de
grenadiers et de 8 de Dragons. Ces derniers, aptes au combat à pied et à cheval (la
moitié est montée), disposent d’une artillerie légère d’accompagnement et de quelques
sapeurs.
38
SHD, XB12, Mémoire pour demande de retraite pour Jean-François Biaggini, Port Louis, 6 octobre
1778.
39
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 259.
27
Le choix des Corses n’est sans doute pas dû au hasard. À la suite de la campagne de
1768-1769, ils ont démontré leur aptitude aux combats d’escarmouche, aux
embuscades, à la manœuvre dans l’utilisation du terrain, à l’infiltration dans le dispositif
adverse et dans le combat de nuit : qualités essentielles demandées aux personnels
des troupes légères. La volonté de former une légion avec des insulaires s’explique
ainsi aisément. On peut reprendre des témoignages d’époque concernant ce point.
Par exemple, selon l’officier de Picardie40, le Corse est vigoureux, marcheur infatigable
et sobre : « Il passe les nuits dans les champs ou dans une embuscade avec un fusil
dans les bras, un pistolet, un poignard, une carquière garnie de plusieurs cartouches…
un petit sac de cuir sur le dos rempli de petits pains d’orge, de châtaignes et de
fromage, avec une gourde remplie d’eau et de vin pendue à son côté, voilà comment
l’insulaire va à la guerre pour 10 ou 12 jours41. » Cette organisation militaire est celle
de Paoli, qui sert de modèle pour l’organisation en milice régulière en 1755. Ces
milices corses, combattant dans les bois, surgissent à l’appel du tocsin de cornets.
Selon Pommereul, « précédés d’une petite avant-garde, les Corses marchent à
l’ennemi par pelotons, font un feu à volonté et se dispersent aussitôt. Leurs
manœuvres sont favorisées par la nature du pays accidenté, couvert de bois ou de
maquis et coupé par les petits murs d’enceinte des champs » ; « ils procèdent par
surprise. Ce sont plutôt des irruptions que des attaques ». Avant Paoli, l’armée est
essentiellement une milice populaire. Au moment des soulèvements historiques, tous
les hommes valides de 16 à 60 ans, sauf les ecclésiastiques, sont appelés sous les
armes. Ils obéissent à leurs chefs locaux qu’ils ont élus eux-mêmes. L’encadrement
est organisé par Gaffori en 1751, puis en 1755 par Paoli en tant que général en chef.
Mais ce projet permet aussi de s’attacher les familles influentes et de débarrasser la
Corse d’une jeunesse oisive en s’assurant de bons soldats. La création d’une Légion
corse est donc une décision éminemment politique.
En 1769, le roi est saisi d’un rapport qui énonce : « le seul métier des Corses et leur
unique ressource pour vivre est le port des armes. Leur oisiveté pourrait devenir
dangereuse au bon ordre. […] Il semble qu’il est convenable de les attacher au service
40
M. V de CARAFFA, Mémoire Historique sur la Corse par un Officier du Régiment de Picardie 17741777, Imprimerie et Librairie Ve Eugène Ollagnier, 1889, Bastia, Gallica, 268p, p.204.
41
Paul ARRIGHI, La vie quotidienne des Corses au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1970, 288, p. 82.
28
du Roy. […] On propose en conséquence à Sa Majesté de former dans l’île une légion
[…] dont le commandement serait confié à M. le marquis d’Arcambal, de composer ce
corps de troupes mégères de 676 hommes d’infanterie et de 232 Dragons dont 120
montés, faisant en tout 908 hommes, d’accorder à ces troupes les mêmes
appointements, solde et traitement des autres corps des troupes légères, et enfin, de
régler au colonel 1 200 livres d’appointements dont jouit le colonel du régiment
corse42. »
Le roi donne son accord. La création prend effet à compter du 1er septembre 1769. Le
marquis d’Arcambal est nommé colonel propriétaire. La Légion sera désormais connue
sous son nom. Elle comprend 9 compagnies d’infanterie, dont 1 de grenadiers, forte
de 52 officiers et soldats, et 8 de fusiliers, plus étoffées, comprenant chacune 78
fantassins. Les Dragons sont 232, engerbés en 8 compagnies de 29 hommes, dont
seuls 120 disposent de chevaux. Si les fantassins sont corses, les Dragons sont tous
français.
42
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 259-260.
29
Légion Corse ou d'ARCAMBAL par Mac, planche n°16043.
1) Sapeur - 2) Grenadier - 3) Tambour de chasseurs - 4) Dragon
La mise sur pied se fait à Tarascon. Sont versées à la Légion les compagnies de
supplétifs recrutés par le comte de Vaux lors de la campagne qui vient de s’achever
en Corse et les deux compagnies corses de la Légion de Conflans (issue des
Chasseurs de Fischer, c’est une unité d’élite au sein de laquelle les Corses se sont
distingués pendant la guerre de Sept Ans)44. Mais l’existence de la Légion sera brève ;
lors de la réorganisation des troupes légères en 1776, elle sera dissoute sans avoir
jamais combattu. Par conséquent, par ordonnance du 26 avril 1776, le régiment
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973
43
44
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 259-261.
30
d’infanterie de Walsh est incorporé dans la Légion corse pour en former l’infanterie. La
Légion de Conflans prend alors le nom de Légion du Dauphiné et son infanterie corse
est incorporée dans le régiment Royal-Corse pour en former le 2e bataillon.
Fait partie de ce corps un Corse, Lucien Casanova, qui a appartenu au corps de
Fischer45 ou encore à la Légion de Conflans ou Légion de Dragons-chasseurs. Né à
Sartène, il sert, en 1749, dans le régiment Royal-Corse en qualité de fusilier.
Auparavant, il était dans la Corse Cavalerie, incorporé par volontariat en qualité de
lieutenant. Il participe aux trois campagnes d’Allemagne, notamment à Warburg. À
l’avant-garde du marquis de Castrier, il mène l’assaut des Chasseurs à Nimberg et
couvre les flancs du marquis de Castrier après avoir passé le Rhin.
En 1761, dans le corps de Fischer, il se trouve à Franchberg sous les ordres de Msg
Prince de Condé. Il reçoit alors des coups de baïonnette. Il est distingué une seconde
fois à Fribergg à la tête des Grenadiers cette fois-ci. En 1769, il lève une compagnie à
la formation de la Légion corse, M. le marquis D’Arcambal. Une note signée par le
marquis Charles Eugène Gabriel de La Croix atteste de la véracité des propos cidessus concernant Casanova.
45
SHD, XB12, Mémoire pour demander la Croix de Saint Louis pour Lucien Casanova : rédigé par le
Colonel, Lorient, 5 septembre 1778.
31
Royal-Italien & Royal-Corse en 1757 Planche de MARBOT
Fusilier de Royal Corse en 1758 - Coll.
Particulière
3. Le Royal Corse, régiment de Ligne corse
En 1779, le fond du régiment est vu comme bon, mais pas trop élevé comparé aux
autres régiments royaux, pour la raison suivante : il est composé principalement de
nationaux (Corses). Ces derniers seraient taillés médiocrement, mais bien disciplinés.
L’instruction serait également médiocre, mais ils travaillent de bon principe et
apprennent beaucoup en peu de temps.
32
Des transferts sont également procédés du régiment de Buttafoco vers le RoyalCorse46. On note dans ce document 35 désertions, ce qui est plutôt élevé sur les 237
hommes que compte le corps en 1772. Le régiment est toujours composé de Corses,
sauf exception pour le sergent français Oudriauy.
Pendant la guerre d’indépendance et l’engagement de la France au côté des jeunes
états unis, on apprend que le Royal-Corse a envoyé 70 chasseurs. C’est d’ailleurs par
la transformation de ce régiment de ligne en régiment de chasseurs, quand bien même
en 1781 il est toujours dans les régiments de ligne, semblerait-il, que sa fonction ait
changé, vu cette nouvelle dénomination47.
On a également mention d’un autre envoi parti le 29 août et rentré le 29 octobre 1783,
à savoir d’un officier de 57 soldats48.
Dans les années 1780, le régiment est assez vieillissant. Une partie du corps va donc
être successivement remplacée par une autre génération. Toutefois, l’autre partie
suivra les diverses évolutions du régiment. Les demandes de pensions ont lieu vers
les 60 ans en moyenne. Est mentionné que le soldat Giacomo Corra, âgé de 60 ans,
a été blessé à la cuisse droite à la bataille de Closterkamp en Allemagne, et que les
hommes appartiennent pour la plupart depuis 20 ans au régiment49. Le chirurgienmajor et le médecin en font également le rapport.
Ces hommes, pour une partie, demandent alors à se retirer chez eux avant la pension,
à savoir à Casamacciole, Levie, Casalta, Niolo, Zonza et Bocognano 50. Les hommes
présentent deux profils : soit ils ont toujours appartenu au Royal-Corse, soit ils viennent
de la Légion corse après la suppression de cette dernière.
SHD, XB12, Maréchal de camp propriétaire du Royal-Corse à l’attention du commissaire de la Marine,
paiement annuel du Royal-Corse de 190 livres, 1779.
46
47
SHD, XB12, Régiment Royal-Corse infanterie légère : État des hommes que ledit régiment a fournis
pour l’Amérique, 11 mars 1781.
48
SHD, XB12, Infanterie légère régiment Royal-Corse. Demande pour un détachement dudit régiment
destiné à passer de bonne volonté en Amérique en 1782, rentré au corps en 1783, signé Don Grazio
de Rossi, de Giovanni, Rossi.
49
SHD, XB12, Infanterie étrangère : régiment Royal-Corse juillet 1783. Inspection par le comte de Cely,
compte rendu datant du 11 février 1784.
SHD, XB12, Inspection de l’inspection par le duc de Puinee, lieutenant général des armées.
Inspection du régiment à Arras, 7 octobre 1784.
50
33
En 1785, une revue élève le 1er bataillon du régiment à 1211 hommes. Il est composé
de 8 compagnies de fusiliers, d’1 de grenadier et d’1 de chasseurs51. Le découpage
est fait ainsi en deux bataillons. 1er bataillon : compagnie de Grenadier (90 hommes),
compagnie de Massesi (116 hommes), compagnie de Giovanni (117 hommes),
compagnie de Bacciochi (115 hommes), compagnie de Bacciochi (115 hommes) et
compagnie de Ferrandi (115 hommes). 2e bataillon : compagnie de Massei (118
hommes), compagnie de Mattei (116 hommes), compagnie de Salicetti (115 hommes),
compagnie de Sansonetti (115 hommes) et compagnie de Chasseurs (94 hommes)
commandée par le capitaine-commandant Giacinte Rossi.
En tout, 21 seraient décédés et 26 auraient déserté. La majorité aurait été congédiée
par ancienneté (72) et 25 par grâce.
En 1786, la disposition est celle-ci 52: 1er bataillon : compagnie de Grenadier (96
hommes), compagnie de Ferrandi (111 hommes), compagnie de Giovanni (113
hommes), compagnie de Bacciochi (113 hommes) et compagnie de Massesi (116
hommes). 2e bataillon : compagnie de Sansonetti (114 hommes), compagnie de Mattei
(113 hommes), compagnie de Salicetti (114 hommes), compagnie de Carbuccia (112
hommes) et compagnie de Chasseurs (87 hommes) toujours commandée par le
capitaine-commandant Giacinte Rossi.
En 1787, 49 hommes sont congédiés par ancienneté, 23 par grâce, 21 sont morts
entre-temps et 17 ont déserté53. Le reste du régiment est organisé de la manière
suivante : 1er bataillon : compagnie de Grenadier (96 hommes), compagnie de
Ferrandi (119 hommes), compagnie de Giovanni (119 hommes), compagnie de
Bacciochi (119 hommes), compagnie de Massesi (119 hommes). 2 e bataillon :
compagnie de Sansonetti (119 hommes), compagnie de Mattei (119 hommes),
compagnie de Salicetti (119 hommes), compagnie de Carbuccia (119 hommes) et
compagnie de Chasseurs (96 hommes).
51
SHD, XB12, Infanterie légère régiment Royal-Corse, revue faite par le duc de Guines, lieutenant
général des armées du Roy, le 24 septembre 1785.
52
SHD, XB12, Infanterie légère régiment Royal-Corse, revue faite par le duc de Guines, lieutenant
général des armées du Roy, le 12 septembre 1786.
53
SHD, XB12, Infanterie légère régiment Royal-Corse, revue faite par le duc de Guines, lieutenant
général des armées du Roy, le 28 juillet 1787.
34
Pour en finir avec l’évolution des revues du Royal-Corse d’avant la Révolution, la
structure de celle de 1788 est la suivante 54 :
1er bataillon : compagnie de Grenadier (84 hommes), compagnie de Ferrandi (119
hommes), compagnie de Giovanni (118 hommes), compagnie de Bacciochi (110
hommes), compagnie de Massesi (116 hommes). 2e bataillon : compagnie de
Sansonetti (113 hommes), compagnie de Mattei (111 hommes), compagnie de
Salicetti (111 hommes), compagnie de Carbuccia (111 hommes), compagnie Marc
Antonio de Rossi (111 hommes), compagnie de Chasseurs (90 hommes) toujours
commandée par le capitaine-commandant Giacinte Rossi.
On compte 21 morts, 52 déserteurs, 94 congédiés par ancienneté et 30 par grâce. Un
total de 219 hommes en moins. Une partie de l’ancienne génération s’en est alors
allée.
Ces chiffres sont confirmés durant l’inspection du 1er octobre 178855, en ce qui
concerne l’état-major : lieutenant-commandant Camille de Rossi, major De Baciocchi
et quartier-maître Constantini.
Pour les bataillons : compagnie de Giovanni : 88 hommes au lieu de 175, 71 ont au
moins 4 ans de service voire plus, 15 ont déjà fait la guerre, 27 sont déserteurs, 38
sont passés à d’autres corps et 4 sont morts.
Compagnie de Ferrandi : 89 hommes au lieu de 160, 74 ont au moins 4 ans de service
voire plus, 25 ont fait la guerre, 21 sont déserteurs, 32 sont passés à d’autres corps et
1 est mort.
Compagnie de Salicetti : 96 hommes au lieu de 167. 14 ont fait la guerre, 22 ont 4 à 8
ans de service, 55 hommes ont 4 ans ou moins de service, 16 sont déserteurs, 3 sont
morts et 32 sont passés à d’autres corps.
54
SHD, XB12, Infanterie légère régiment Royal-Corse, revue faite par le duc de Guines, lieutenant
général des armées du Roy, le 14 mai 1788.
55
SHD, XB12, Inspection finale 1er octobre 1788 par M. le comte de Narbonne Frizlar, infanterie légère,
bataillon des Chasseurs royaux corses.
35
Compagnie de Rossi : 98 hommes au lieu de 166. 12 ont déjà fait la guerre, 42 ont 4
ans de service ou moins, 36 ont 4 à 8 ans de service, 14 sont déserteurs et 27 sont
partis vers d’autres corps.
Ces données permettent de constater que les troupes corses ne constituent pas
toujours un bloc homogène. Chaque soldat a son parcours.
Au sein de ces compagnies, on dénombre peu de congédiés, contrairement à avant.
Un certain renouveau va meubler les futures compagnies de la République.
Le 21 juin 1787, ils sont 1 157 hommes au lieu de 1 317. 89 sont déserteurs, 100 ont
été congédiés par ancienneté, 659 sont passés dans d’autres corps. Apparaît alors
une séparation nette entre la légère et la ligne en Corse. On assiste à une
spécialisation.
Grenadier Royal-Corse en 1778 d'après le manuscrit
des uniformes militaires des troupes françoises &
étrangères,
infanterie,
cavalerie,
dragons
&
hussards du règne de Louis XVI suivant les derniers
règlements de 1778. Source Gallica - Bibliothèque
Nationale de France
36
Fusilier du Royal-Corse en 1780 - Uniformes
des armées françoises suivant les règlements
du roi. Source Gallica - Bibliothèque Nationale
de France.
37
Les drapeaux des régiments Corses sous l’Ancien Régime 1690-1789 par Rigo56,
planche n°167.
Figure A : Régiment de
Péri : 1690-1715
Figure
B:
Régiment
Royal
Corse
(Collection
Brunon)
R. et
J.
Ordonnance
de 1748
Figure C : Régiment de
Buttafocco
–
1769-
1772 (Musée de Bastia.
Documentation
P.
Charrié).
Figure D : Régiment
Provincial de l’Ile de
Corse
–
(Collection
1772-1789
R.
et
J.
Brunon)
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973
56
38
II. Le maintien de l’Ordre en Corse et le début de l’infanterie légère
corse
1. Le Provincial Corse
Toujours dans un souci d’attacher les Corses à la couronne et de s’assurer de
leur concours quant à la pacification de l’île, le roi créé d’autres unités spécifiques.
Outre la Légion corse citée précédemment, il y a également le régiment Buttafoco, qui
devient plus tard le Provincial de Corse.
Pour le maintien de l’ordre, l’édit du 27 décembre 1769 crée la Maréchaussée de
Corse, soit 1 compagnie de 14 brigadiers, commandée par 1 prévôt général et
encadrée par 3 lieutenants ; elle est composée de 8 exempts (officier subalterne,
exempt du service général), 3 brigadiers, 3 sous-brigadiers, et est forte de 47 soldats.
Des supplétifs, dits volontaires corses, leur sont adjoints pour la chasse aux
« bandits ». Ils se rendent impopulaires par leurs comportements. Ils seront versés au
Provincial en 1772. Ce système n’est pas sans rappeler ce que seront les futurs
Chasseurs corses sous l’Empire dans un premier temps.
S’en suit alors le régiment de Buttafoco. Sa création correspond à une exigence, à
savoir conserver les volontaires corses qui ont participé à la campagne de Corse dans
les rangs de l’Armée royale. Choiseul fait savoir, le 7 juin 1769, au comte de Vaux que
le roi veut recruter un régiment corse qui sera confié à un colonel corse, car, écrit-il :
« Il serait humiliant pour cette nation (…) que l’on prit toujours des étrangers pour les
commander57. » Matteo Buttafoco est choisi, car, contrairement aux autres officiers du
Royal-Corse, il a participé à la campagne de Corse. Par ordonnance du 1 er octobre
1769, le roi autorise la levée de cette unité dont le dépôt sera à Aix-en-Provence, car
le régime de Buttafoco est à l’origine destiné à servir sur le continent. Toutefois est
créé, en 1770, sur l’île, un centre de recrutement. L’engagement contracté est de 4
ans. Le Régiment de Buttafoco sera doté de l’uniforme suivant : habit bleu, collet,
revers et parements noirs, veste et culotte blanche. Il reçoit son drapeau délimité en
57
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 245.
39
quatre quartiers par une croix blanche qui, dans son centre, est frappée d’une tête-deMaure et à chacune de ses extrémités, d’une fleur de lys blanche.
En réalité, la mise sur pied s’avère difficile. Le comte de Vaux signale à Choiseul que
l’on répand la rumeur d’un retour de Paoli, et qu’elle est un encouragement à la
désertion.
Deux soldats du Provincial-Corse en 1772 – par Marbot
L’officier de Picardie livre dans ses mémoires un témoignage sans complaisance sur
ce régiment, expliquant qu’ « tant de vexations, de friponneries, (…) d’une foule
d’édits, de règlements, de lettres, de patentes, les esprits s’échauffent (…) firent
beaucoup de mécontents »58. On croit en diminuer le nombre en levant un corps de
volontaires de la force de deux bataillons (en fait, un seul sera mis à pied) en faveur
de M. de Buttafoco, alors colonel du Royal-Corse. Le colonel est chargé de nommer à
la moitié des emplois. En somme, encore un projet de régiment en Corse qui aura une
58
M. V de CARAFFA, Mémoire Historique sur la Corse par un Officier du Régiment de Picardie 17741777, Imprimerie et Librairie Ve Eugène Ollagnier, 1889, Bastia, Gallica, 268p, p.73.
40
existence plus que brève. Toutefois, il aura quand même le temps d’être ramené sur
l’île en 1772 pour faire la chasse aux bandits. Il est dissous la même année pour
donner naissance au Provincial de Corse dont Buttafoco est nommé inspecteur. Ce
Provincial sera un régiment de milice, recruté par tirage au sort dans chaque commune
du royaume servant de réserve à l’armée active, et n’étant mobilisé qu’en cas de
conflit. Cette institution remonte au règne de Louis XIV. Ce dernier, confronté à
l’Europe coalisée qui se presse à toutes les frontières du royaume, doit renforcer son
armée. Il promulgue, le 20 novembre 1688, une ordonnance qui prescrit que, par
groupe de 500 paroisses, soient levés 400 soldats, habillés et soldés par elles, leur
armement étant à la charge de l’administration royale qui leur versera une solde de 2
sols par jour. Cette formation militaire est dénommée milice. On ne peut assimiler cette
institution au service militaire obligatoire créé sous la République, car ce dernier est
une obligation personnelle du citoyen, alors que la milice est un prélèvement sur la
ressource humaine de la province, qui remplace le ban féodal levé par le souverain,
comme l’y autorise le lien de vassalité. Le recrutement est régional afin de disposer
d’hommes connaissant le terrain et pouvant s’y mobiliser rapidement grâce à sa
garnison en quadrillage.
Un bataillon tient garnison à Bastia, l’autre à Ajaccio. Les compagnies de fusiliers sont
réparties par quartiers. Ces derniers sont au nombre de quatre : Orezza en
Castagniccia et Castifao aux portes de la Balagne sont les quartiers du 1 er bataillon ;
Sarrola-Carcopino, dans la vallée de la Gravona à deux lieues d’Ajaccio, et Sainte
Lucie à Tallano, dans la Rocca, sont ceux du 2e. Ce dispositif de quadrillage du terrain
voit son efficacité renforcée par la présence dans chaque quartier de ces tribunaux
d’exception que sont les juntes. Chacune comprend deux juges corses qui sont
périodiquement renouvelés.
Le but n’est pas la qualité, mais d’avoir un effectif complet. L’ordonnance de création
stipule que les déserteurs du Royal-Corse, de Buttafoco et de la Légion, s’ils rentrent
en Corse et se présentent aux autorités, seront amnistiés sous la réserve de contracter
un engagement de 8 ans.
Licenciées après le traité de Ryswick, les milices sont reconstituées au moment de la
guerre de Succession d’Espagne, en 1701. Ainsi, en 1771, elles constituent 47
régiments provinciaux portant le nom de leur province et 12 régiments de grenadiers
41
royaux versés à l’armée active. En 1775, elles sont dissoutes (sauf le régiment corse)
grâce à l’intervention des députés aux États de Corses qui votent un vœu à l’adresse
du roi (« C’est un régiment qui remplit des missions qui ne sont pas celles habituelles
de la milice qui est une réserve de l’armée active. Si on le supprime, ses missions
devraient être dévolues à des régiments français dont il est certain qu’ils n’auraient
pas la même pratique du terrain »), attirant l’attention de celui-ci sur cette dissolution.
L’ordonnance de dissolution exclura ainsi la Corse de cette dissolution. En 1778, le
régiment est alors réintégré dans les troupes provinciales.
Il faut attendre la réunion de l’assemblée départementale en septembre 1790 pour
qu’Arena fasse voter à l’unanimité un vœu demandant la suppression du Provincial,
désigné alors comme instruction de l’absolutisme royal59.
La milice est encadrée par les officiers dévoués au Roi, issus des familles de
« principali » dont l’anoblissement par le Roi permettra de garantir leur loyauté.
D’autres membres des familles feront carrière dans l’armée, selon un mode de
recrutement clientéliste. Selon le docteur Buresi, durant l’Insurrection du Niolo,
travaillée par des Paolistes, le provincial connaît 50 défections60. Toutefois, celle-ci est
un échec. À ce moment, la Corse peut être considérée comme « pacifiée ». L’enjeu
de la France est alors de réduire à une soumission complète l’intérieur de l’île où les
débris des forces nationales tiennent encore la campagne, formés en petits groupes
agressifs.
Ce provincial aura comme mission principale d’assister la Maréchaussée dans le
maintien de l’ordre public. Le Provincial Corse est mis sur pied pour être une unité de
sécurité publique, assimilable à une gendarmerie destinée au maintien de l’ordre et à
la répression de la délinquance et de la criminalité de toutes sortes. L’officier de
Picardie émettra des critiques : « Le nombre de bandits augmentant, on les fit passer
en Corse (il parle des soldats de Buttafoco) pour remplacer la Maréchaussée ;
alternativement, une moitié reste dans la famille pendant que l’autre est dispersée
dans les garnisons et touche une paie plus forte. On oublie dans ce projet que, si la
petite guerre procure une plus forte paie, c’est les intéresser à les favoriser plutôt qu’à
les détruire (les hors-la-loi), ce qui est arrivé, et même ils en augmentent le nombre
59
Ibid. p. 254.
60
Ibid. p. 249.
42
quand leurs officiers voulurent les punir pour contrarier leur volonté.61 » Il ne s’agit pas
seulement de traquer du simple bandit, il faut également recontextualiser l’après
Ponte-Novu, où l’on voit apparaître une résistance armée avec des incidents qui se
produisent : sur la côte orientale, en juillet 1769, et dans le Niolo à la fin du même
mois, le régiment du Languedoc tombe dans une embuscade ; en février 1770, c’est
au tour du régiment de La Marche près de Zuani ; puis, à la même date, la garnison
d’Appietto manque s’être massacrée et, au cours de l’année 1771, ont lieu des
escarmouches à Bocognano et Bastelica. Ces résistances armées ne sont que le fruit
d’un vide politique. Après le Départ de Paoli, le mouvement « national » trouve refuge
à Livourne. La France hérite alors à cette période d'une situation largement dégradée
aux plans économique et social après 40 années de conflit. Solidarités communales
et familiales restent seules présentes pour tenter d’atténuer les effets, mais la misère
marginalise et conduit à constitution de bandes organisées autour de la famille ou de
communautés villageoises. Ce phénomène frappe préférentiellement les régions
souvent difficiles d'accès où le pastoralisme est l’activité dominante, comme Niolo,
Talavo avec Zicavo, le Celavo avec Bocognano, Vico et Guagno. Le Provincial issu du
régiment Buttafoco, à l’aube de 1789, est toujours stationné en Corse. Il est dissout
pour être versé dans la gendarmerie nationale en 1791.
Chaque bataillon, à partir de 1775, est composé de 10 compagnies, dont une de
grenadiers royaux et une de grenadiers provinciaux. Les portions centrales sont
respectivement à Ajaccio et à Bastia. La compagnie de fusiliers comporte : 1 capitaine,
1 lieutenant, 1 sergent-major, 3 sergents, 8 caporaux et 86 soldats, soit 100 hommes.
La compagnie de grenadiers n’en compte que 55.
L’état-major du régiment est ainsi composé : 1 colonel-chef de corps, 2 lieutenants
colonels, 1 major qui est chargé de l’administration, 2 aides-majors, 2 enseignes par
bataillon et 1 tambour-major. Buttafoco est conservé avec le titre d’inspecteur du
régiment qui lui donne la haute main sur l’unité. Toutefois, le 1 er juillet 1777, cette
fonction est supprimée, ce qui fait que ce dernier est réformé et reçoit une
compensation de 8 000 livres ainsi qu’une concession de terre royale en Corse, lui
permettant de se prévaloir du titre de comte.
61
Ibid. p. 247.
43
L’uniforme des compagnies franches levées sous le Consulat, à savoir les bataillons
du Golo et du Liamone ainsi que les Chasseurs corses s’inspireront largement des
uniformes en question, comprend un caban court en drap marron du pays, à collet et
revers verts, une culotte verte prise dans des guêtres en cuir naturel montant haut et
un chapeau en feutre à bords relevés (les fantassins légers autrichiens, les Jägers,
vont porter pendant les guerres du Premier Empire un chapeau identique, qui sera
connu sous le nom de « chapeau à la corse »). L’armement en dotation comprend un
fusil sans baïonnette, un couteau de chasse, un pistolet et un sabre court.
Le maintien de l’ordre public et la création du Provincial corse font que l’on retrouve
de nombreux régiments corses levés durant cette période. Le rétablissement de l’ordre
est une priorité indispensable pour mettre en place les institutions permettant
l’intégration de l'île au domaine royal. Pendant 15 ans qui la séparent de Révolution,
la Corse connaîtra un calme relatif. En 1778, le roi fera proclamer une large amnistie :
on videra le bagne de Toulon, et on permettra le retour des exilés.
Fusilier du Provincial Corse 1776-1778
par Pierre Benigni planche n°16262,
rejoignant
à
cheval
le
lieu
de
rassemblement de sa compagnie. Il porte
le fameux chapeau dit "à la Corse" porté
en colonne.
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, P158
62
44
2. Législation Insulaire et transformation du Royal Corse en chasseurs
Royaux Corse et chasseurs corses
Certaines dispositions particulières sont prises en Corse, comme le « Code
corse »63. La Corse étant considérée comme un pays d’État, elle conserve ses
circonscriptions administratives, c’est-à-dire 11 provinces regroupant 66 pièves,
lesquelles engerbent 344 communes de l'île, et d'autre part les « Statuti civili e
criminali », survivance de l’époque génoise, que Paoli avait maintenus et auxquels se
juxtaposent les ordonnances et les édits royaux. L'ensemble sera ultérieurement réuni
dans le Code corse. L'institution de la Consulte est maintenue, mais elle n'a qu'un rôle
consultatif et ne se réunira que 8 fois en 20 ans. Il ne faut donc pas exagérer son
influence et rôle politique. Ses délégués sont répartis en 3 ordres : clergé, noblesse,
tiers état. Le clergé comprend 5 évêques, membres de droit, et 18 membres du clergé
séculier, élus par leurs pairs. La noblesse, quant à elle, est composée de 23
représentants, de même que le tiers état. Les uns et les autres sont élus.
Pour administrer le territoire sont mises en place des structures hiérarchisées et
spécialisées, disposition particulière à la Corse. De haut en bas, on trouve : la Province
dirigée par le représentant de l'administration chargé du contrôle des pièves ; à tête
de la piève, le podestat major qui assure le contrôle des communes. La commune,
institution traditionnelle qui orge à travers la notion de village, identité culturelle de la
communauté corse, est conservée. Elle est administrée par le conseil élu, composé
d'un podestat assisté de 2 pères de famille. Ce podestat a conservé la prérogative qui
lui était consentie par le Regno, à savoir celle de rendre la justice, de déterminer la
répartition de l'impôt, d'en assurer la perception et de gérer patrimoine communal.
Les vingt années qui séparent la Corse de la Révolution seront marquées par des
révoltes sévèrement réprimées, avec la participation d’un régiment composé
d’insulaires acquis à la royauté. Mais les Bourbons sauront alterner la mise au pas de
la population, avec des mesures propres à obtenir l’adhésion des notables : entre
63
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIII e siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 232.
45
autres, l’attribution du statut de province d’État, le maintien de certaines spécificités
politiques ou administratives, un statut fiscal particulier, l’accession facilitée à l’ordre
de la noblesse et l’admission d’adolescents dans les prestigieuses écoles réservées
aux enfants des privilégiés. Soumise à l’autorité royale, l’histoire de l’île va alors se
confondre avec celle de la France.
Ainsi, le 17 mai 1788, M. de Frimont réforme le régiment pour créer 2 bataillons
d’infanterie légère64 : le 1er sous le nom de Chasseurs royaux corses et le 2e bataillon
sous le nom de Chasseurs corses65. Le Roi souhaite que ces deux corps soient
composés en entier de soldats, d’officiers, de bas officiers et de nationaux de Corse.
Cette évolution achève la transformation d’un certain nombre de régiments d’infanterie
en 12 bataillons de chasseurs à pied, dont ceux nous concernant.
Le régiment est composé de la manière suivante dans l’état-major :
Le bataillon de Chasseurs royaux corses est dirigé par le lieutenant-colonel
commandant Camillo de Rossi.
Compagnie Giovani (92 hommes), compagnie Ferrandi (89 hommes), compagnie
Salicetti (92 hommes) et compagnie Rossi (94 hommes), soit 367 hommes en armes.
Une autre source datant du 14 mai 1788 chiffre à 392 hommes le bataillon de
Chasseurs royaux, dont 330 sous les armes66.
Le bataillon de Chasseurs corses, quant à lui, est dirigé par le lieutenant-colonel
commandant Don Grazio de Rossi.
Compagnie Sansonetti (94 hommes), compagnie de Mattei (93 hommes), compagnie
de Masessi (88 hommes) et compagnie de Carbuccia (88 hommes), soit 219 hommes
d’armes.
Si l’on prend en compte la totalité des hommes du régiment, avec les officiers, les
boulangers, les ouvriers, etc., ce dernier est composé de 811 hommes, dont 35
64
SHD, XB12, Procès-verbal de réforme du régiment Royal-Corse, 14 mai 1788.
65
SHD, XB123, Copie d’ordonnance du 17 mars 1788.
66
SHD, XB12, Infanterie légère, bataillon de Chasseurs royaux corses, livret de la nouvelle formation
par M. De Frimont
46
étrangers également, le 6 octobre 178867. C’est un corps soumis à une discipline
soutenue et très bien subordonné.
Chasseurs Royaux Corse 1788 et Chasseurs Corses 1788 par Mac, planche n°16168.
67
SHD, XB12, Inspection de M. Frimont, 6 octobre 1788.
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, P158
68
47
3. Organisation des chasseurs royaux corses et des chasseurs corses
En définitive, le régiment est composé de la sorte69 :
État-major : Don Grazio de Rossi, lieutenant-colonel, qui est un ajaccien de 62 ans
avec 40 ans de service, et le major Hyacynte de Rossi.
Compagnie de Sansonnetti (94 hommes) : en mai 1788, 103 hommes.
Stephano Sansonetti est le capitaine-commandant, et Gaspararo d’Ortoli Giacomoni
le capitaine en second.
9 déserteurs.
75 hommes ont 4 à 8 ans de service.
Compagnie de Mattei (90 hommes) : en mai 1788, 100 hommes.
Massimo Mattei est le capitaine-commandant, et Alessandro Colonna Giollina le
capitaine en second.
6 déserteurs.
77 hommes ont 4 à 8 ans de service.
Compagnie de Massesi (93 hommes) : 14 mai 1788, 96 hommes.
Luigi Massesi est le capitaine-commandant, et Antonio Paolini le capitaine en second.
72 anciens ont 4 à 8 ans de service.
Compagnie de Carbuccia (90 hommes) ; 14 mai 1788 (94 hommes).
Antonio Carbuccia capitaine-commandant, Lorenzo Colonna D’Istri capitaine en
second.
72 hommes ont 4 à 8 ans de service.
SHD, XB12, Inspection M. le duc d’Agens, lieutenant général des armées du Roy, infanterie légère,
bataillon de Chasseurs corses, 14 octobre 1788.
69
48
Dans la catégorie récapitulative : il est fait mention que M. Comiti, sous-lieutenant, est
allé recruter à Ajaccio. Donc le recrutement se fait effectivement en Corse.
Dans la liste des absences sont indiquées les communes d’origine, à savoir Bastia,
Orezza, Calenzana, Calvi, Palneca, Pruno, Ghisoni, Righeto et Zicavo. La ville d’Aire
en Artois figure plusieurs fois pour les Italiens. Les absences pour cause de
recrutement sont nombreuses (7/20).
En 1789, le bataillon de Chasseurs royaux corses est composé de 348 Corses et de
33 étrangers70. Il est en état de rentrer en campagne. Les recrues sont jeunes et ont
besoin d’instruction. La discipline du bataillon est bonne sans être sévère, la tenue est
correcte sans être recherchée et les officiers ainsi que les sous-officiers sont bons et
propres au service des troupes légères. 67 ont déjà fait la guerre, 10 sont des
réengagés, 53 vont être congédiés, 164 ont 4 ans de services ou plus. Le régiment
ancien. Ces chiffres sont toutefois approximatifs, car un autre rapport du même jour
élève le bataillon à 418 hommes, dont 383 nationaux corses et 35 étrangers71.
En ce qui concerne les Chasseurs corses72, le commandant est toujours le lieutenantcolonel Don Grazio de Rossi.
La compagnie Sansosetti est composée de 101 personnes, dont 1 sergent-major, 1
fourrier, 6 sergents, 8 caporaux et 59 chasseurs (en 1788, 114 chasseurs).
Après la transformation, on ressent un renouveau. 12 seulement ont fait la guerre,
mais 11 sont à congédier par ancienneté. 80 d’entre eux ont toutefois 4 à 8 ans de
service.
Compagnie de Mattei : capitaine-commandant Mattei, 1 sergent-major, 1 fourrier, 5
sergents et 10 caporaux. 103 hommes en totalité (en 1788, 112). 18 ont fait la guerre,
10 sont à congédier avant le 1er avril 1790 et 79 sont des anciens de service.
Compagnie de Massesi : 1 sergent-major, 1 fourrier, 5 sergents et 8 caporaux. 102
hommes en tout (103 avant 1788).
70
SHD, XB12, Résumé général de la revue du 23 juin 1789.
71
SHD, XB123, Inspection de monseigneur Simourt : infanterie légère, Chasseurs corses, Résumé
général de la revue définitive, 6 octobre 1789.
72
SHD, XB12, Inspection infanterie légère, bataillon de Chasseurs corses, 6 octobre 1789.
49
Compagnie de Carbuccia : capitaine-commandant Carbuccia, 1 sergent-major, 1
fourrier, 6 sergents et 9 caporaux. 104 hommes en totalité, au lieu de 114 (90 en 1788).
Le sommaire de service permet de valider ces chiffres : sur les 418 hommes, 383
viennent de Corse et 10 d’Italie. Ce sont principalement des gens des montagnes :
374 laboureurs/pionniers travailleurs, 12 cordonniers, 10 tailleurs et 3 tanneurs.
On connaît leur provenance en regardant les absences : Ghisoni, Poggio, Bastia,
Vescovato, Renoso et Giussani.
Un mémoire pour gratification offre le cas typique de la progression du soldat corse
dans la 2e moitié du XVIIIe siècle. Dragon, puis grenadier dans la Légion corse en 1769,
sergent en 1772, sous-lieutenant en 1780, quartier-maître en 1788, puis passage dans
les Chasseurs corses en 1788. Une ascension sociale depuis son petit village corse73.
En octobre, le bataillon de Chasseurs corses sert dans le Vivarais, se déplaçant
ensuite dans le Velay et le Gévaudan74. Il dispose de bons et solides soldats dans le
service des troupes légères : instruction toutefois peu avancée. La discipline est
bonne et la subordination très régulière. Les officiers ont un bon esprit. Monsieur de
Frimont fait éloge de ses hommes et de leur honnêteté comme de leur sagesse. Les
sous-officiers sont bien intégrés et servent correctement. Le bataillon est en état de
rentrer en campagne, mais manque un peu de consistance. Toutefois, il connaît
l’essentiel et sait s’intégrer en campagne. Une inspection du 29 octobre 1789 révèle
un armement médiocre, alors qu’auparavant il était satisfaisant. On peut se demander
s’il s’agit d’un effet de la Révolution75.
Le bataillon de Chasseurs royaux corses, lui, est en garnison en Corse. L’état-major
est dirigé par le major de Macciochi désormais. La compagnie Giovanni tient garnison
à Bastia, Calvi et Ajaccio. La compagnie de Ferrandi à Olmeto, Zigliara et Bastia. La
compagnie de Salicetti à Oletta, Bastia et Sartene, et la compagnie de Rossi à Ajaccio
et Sollacaro76.
73
SHD, XB12 Mémoire pour Gratification : Tournon, 29 octobre 1789.
74
SHD, XB12, Inspection faite par M. de Frimont, maréchal de camps et armées du Roy, 6 octobre
1789.
75
SHD, XB12, Inspection au bataillon de Chasseurs corses, 29 octobre 1789.
76
SHD, XB12, Inspection de l’infanterie légère Savoir, état-major, octobre 1789.
50
Les conséquences de la Révolution semblent être ignorées, selon Claude-Marie du
Chilleau, dirigeant les troupes de l’ancienne province du Dauphiné en 1790, qui écrit
au comte de la Luzerne secrétaire d’État à la Marine. Il est fait mention que les
bataillons corses sont les seules troupes de France à avoir ignoré la Révolution et
conservé une subordination et une discipline exemplaires77.
Il est surpris de la tranquillité de la Corse, comparé à la France ; la composition est
correcte et les municipalités ont un bon esprit.
En septembre 1790, il ne reste plus que 3 compagnies dans le bataillon de Chasseurs
corses, à savoir les compagnies Sansonetti, Mattei et Massesi78.
III. Les bataillons royaux corses à l’épreuve de la Révolution
1. Les 3e et 4e bataillons de chasseurs
On constate un changement à la Révolution concernant les Chasseurs royaux
corses. Auparavant, le centre du pouvoir militaire et politique se trouvait au nord, à
Bastia. Avec la Révolution, il va se déplacer sur Ajaccio. On peut le constater du point
de vue du recrutement. Une large majorité est originaire du Sud de la Corse,
notamment d’Ajaccio. En témoigne un rapport qui donne la provenance des individus
lors de leur absence du corps79.
Ces bataillons vont être numérotés. Cela précède l’amalgame militaire issu d’un arrêté
du roi du 1er avril 1791 concernant une nouvelle organisation sur la formation, par
laquelle sera retiré tout rapport avec une province. Le bataillon des Chasseurs royaux
corses prend le numéro 3 provisoirement, et le bataillon de Chasseurs corses le
numéro 4.
L’organisation est procédée après l’arrêté du roi et exécutée par M. Servin de
Fontenay, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis et commissaire des
SHD, XB12, Lettre d’un certain Duchilleau au comte de Luzerne, secrétaire d’État à la Marine,
Tournon, 4 octobre 1790.
77
78
SHD, XB12, État des hommes proposé pour la réforme : infanterie légère, bataillon de Chasseurs
corses.
79
SHD, XB123, Procès-verbal de semestre, octobre 1789.
51
guerres s’occupant du Dauphiné, chargé de mettre en place la nouvelle organisation.
Ainsi, courant 1791, celle du 3e bataillon est celle-ci80 : Camillo de Rossi est 1er
lieutenant-colonel commandant du bataillon, l’état-major est composé du major
Camillo de Rossi 1er lieutenant-colonel, de Giusepp Antonio Bacchiochi avec son fils
Félix 2e lieutenant-colonel, de Vincente Maria Constantini trésorier et de Carlo
Domenico Casanova adjudant-major.
Les compagnies que compte le 3e bataillon se composent comme suit :
La compagnie de Giovanni (53 hommes) : Carlo de Giovanni capitaine de la 1re classe,
Martino Ceccaldi lieutenant de la 1re classe et Giovan Matteo Paccioni sous-lieutenant.
La compagnie de Fiorella (53 hommes) : Pasquale Antonio Fiorella capitaine de la 4e
classe, Leonardo de Giovanni-Limperani lieutenant de la 1re classe et Luigi Catanes
sous-lieutenant.
La compagnie de Ferrandi (53 hommes) : Felice Antonio Ferrandi capitaine 2e classe,
Ugo Colonna Bozzi lieutenant de 2e classe et Pasquale Antonio Bufloro souslieutenant.
La compagnie de Pianelli (53 hommes) : Michèle Antonio Pianelli capitaine de la 4e
classe et de Luigi Antoni sous-lieutenant ; l’emploi de lieutenant est vacant.
La compagnie de Salicetti (53 hommes) : Luigi Antonio Salicetti capitaine de la 3e
classe, Geronimo Giuseppi lieutenant de la 1re classe et Giovan Camillo Mari souslieutenant.
La compagnie de Ciavaldini (53 hommes) : dont Giuseppe Ciavaldini capitaine de la
5e classe, Francesco Masseri lieutenant de la 2e classe et Michele Burazzi souslieutenant.
La compagnie de Francesco de Giovanni (53 hommes) : Francesco de Giovanni
capitaine de la 3e classe, Giovan Giuseppe Peraldi lieutenant de la 1re classe, Andrea
Baciocchi sous-lieutenant.
SHD, XB123, 3e bataillon 1791 – AN II : Bataillon des Chasseurs royaux corses, département de
l’Isère, 21 mai 1791.
80
52
La compagnie Vacant ci-devant Rossi (53 hommes) : pas de capitaine, Felice
Baciocchi lieutenant de la 2e classe, Guillaume Colonna d’Istria sous-lieutenant.
Au total 457 hommes, dont 28 officiers et 429 hommes de troupes. On retrouve dans
cette liste, ainsi que dans le document cité plus haut, six futurs généraux : Pascal
Antoine Fiorella entré comme officier au Royal-Corse en 1770 et qui deviendra comte
et sénateur de l’Empire ; son fils Léonard Giovanni-Limperani qui, en 1806,
commandera la place de Naples ; Félix Bacciochi qui épousera Élisa Bonaparte la
sœur de Napoléon et sera prince de Lucques ; Vincent Constantini, qui a commencé
comme simple soldat au Royal-Corse en 1769 ; Jean-Baptiste Ottavi, né à Ghisoni
comme Constantini, ancien du Royal-Corse, devenant en 1791 sergent au bataillon ;
Jean-Baptiste Bertolosi, né à Ajaccio, engagé à la Légion corse en 1770 et souslieutenant en 1791. En 1792, le 3e bataillon est commandé par le lieutenant-colonel
Charles Pascal Giovanni-Limperani. Ce dernier, né à Bastia en 1744, a servi au Corse
Cavalerie de 1758 à 1760. En 1768, il a participé à la campagne de Corse sous les
ordres du marquis d’Arcambal et a pris le commandement d’une compagnie à la
Légion corse le 1er juillet 1769. Il est ensuite passé au Royal-Corse où il est devenu
major en 1786 et a été nommé lieutenant-colonel du 3e bataillon en juillet 1791.
Retraité en 1800, il décède en 1817. Un de ses fils Antoine Jean est tué à Fleurus en
1794.
Nous l’évoquions précédemment, ces bataillons ne sont pas un bloc homogène. Des
mutations peuvent être fréquentes pour ces officiers qui ont choisi le monde militaire
comme émigration sociale. Le 12 janvier 1792 sont mutés dans des compagnies du
83e régiment d’infanterie les lieutenants Rossi, Massesi et Seraldi81.
En février 1791, le décret d’amalgame en demi-brigade est alors mis en place ; « Les
quatre bataillons d’infanterie recevront la même formation que l’infanterie de ligne, en
conséquence le ministre de la guerre formera au bataillon les corps francs à pieds et
les troupes d’infanterie, des légions et il fera l’incorporation de deux de ces deux
bataillons avec un bataillon de chasseurs par ordre de numéro […] 3 bataillons ainsi
formeront une demi-brigade d’infanterie légère qui aura la même organisation82. » Le
SHD, XB123, 3e bataillon d’infanterie légère, 1792, Note de M. Serrier Laval au 3e bataillon d’infanterie
légère, 12 janvier 1792
81
82
SHD, XB123, Décret de la Convention 21, 23, 24 et 25 février 1794, Sospelle Mai 1793 an 2 de la
République française.
53
nombre des compagnies est porté à 8, dont 1 de carabiniers. Le chapeau est remplacé
par un casque portant un cor de chasse avec un numéro. Les couleurs tranchantes
sont modifiées. Si le 4e bataillon conserve la jonquille, l’écarlate distingue désormais
le 3e bataillon.
Une demi-brigade est définit de la manière suivante : « Nom donné à un régiment
d’infanterie pendant la période révolutionnaire et consulaire. Le décret du 21 février
1793 stipule que « l’infanterie que la République entretiendra à sa solde sera formée
en demi-brigades, composées chacune d’un bataillon des ci-devant régiments de ligne
et de deux bataillons de volontaires ». C’est Bonaparte qui rétablit en 1803 le nom du
régiment et celui de colonel, par l’arrêté du 1 er vendémiaire an XII (24 septembre
1803), qui précise : « Les corps d’infanterie seront désormais désignés sous le nom
de régiment. » De 1793 à 1803 la demi-brigade était placée sous l’autorité d’un chef
de demi-brigade, deux demi-brigades réunies formant une brigade. Cette appellation
sera également usitée sous l’Empire. En effet, un décret du 31 mars 1809 organise
une division de grenadiers et de voltigeurs de réserve, forte de 38 bataillons, et répartie
en 13 unités appelées demi-brigades, pour un effectif total de 18 856 hommes.
Chaque demi-brigade est formée de 6 compagnies, à savoir deux compagnies d’élite
(grenadiers et voltigeurs) et les 4 bataillons des régiments indiqués ci-après : 1re demibrigade légère : 6e et 9e légers. 2e demi-brigade légère : tirailleurs corses, tirailleurs du
Pô, 15e et 16e légers. »83.
Le 4e bataillon de chasseurs, l’ancien Chasseur corse, est composé de 368 hommes
en mai 179184 et appartient à la 9e division du Languedoc85. Le nombre a peu évolué
depuis les Chasseurs corses. En avril 1789, il tient alors garnison en Ardèche. Selon
le maire d’Agrêve86, il s’agit d’un bataillon de tenue et de conduite correctes. Ses
membres se doivent de faire route pour Annonay. Le bataillon de Chasseurs royaux
corses est affecté alors dans la région de Viennes, tandis que le bataillon de
83
Alain PIGEARD, Dictionnaire de la Grande Armée, Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier, Paris,
2002, 805, p.208.
84
SHD, XB123, 4e bataillon 1791, Procès-verbal pour constater la formation du 4e bataillon de
Chasseurs faite à Tournon les 20, 24 et 29 mai 1791 par M. Don Grazio Rossi, 1 er avril 1791.
Médecin-Colonel Jean-Pierre SANTINI, « L’Infanterie Légère sous la Révolution, le Consulat et
l’Empire Chapitre 1 : les descendants du « Royal Corse » », Etudes Corse, Nouvelle série, n°26, 2e
trimestre 1960, Archive Départementale de la Corse, Gallica, 84p, p.18.
85
86
SHD, XB123, Lettre du maire d’Agrêve, Ardèche, 23 avril 1789.
54
Chasseurs corses tient garnison à Tournon. Chaque bataillon comprend un état-major
et quatre compagnies fortes de 6 officiers, 90 chasseurs et 12 carabiniers, soit au total
29 officiers et 416 gradés et soldats. L’uniforme se compose d’un habit-veste vert, à
collet, de parements et pattes d’épaules jonquille, d’une culotte verte et d’un chapeau
noir. En temps de guerre, l’effectif est renforcé par 18 officiers et 176 fantassins87. Les
membres ont la même coupe que les Chasseurs royaux.
Le 4e bataillon est organisé en 8 compagnies le 31 octobre 179188, dont :
Compagnie de Mattei (60 hommes) : 4 double chevrons, 12 ayant 4 à 8 ans de service,
11 simples chevrons, et 31 ayant 4 ans et moins de service. 98 hommes le 29 octobre
1789. Beaucoup sont passés à d’autres compagnies.
Compagnie de Vacante ex Sansonetti (60 hommes) : place vacante de capitaine,
Michel Moulu lieutenant 1re classe et Colonna Locari sous-lieutenant. Elle devait être
composée de 141 hommes en 1791, mais on en dénombre 97. 3 double chevrons, 12
ayant 4 à 8 ans de service, 7 simple chevrons, 36 ayant 4 ans et moins de service. 52
sont passés à d’autres compagnies.
Compagnie de Giacomoni (58 hommes). Elle devait être composée de 71 hommes en
avril 1791, mais on en dénombre 49, puis 58. 4 double chevrons, 12 ont 4 à 8 ans de
service, 6 simples chevrons, 35 ont 4 ans et moins de service.
Compagnie de Colonna Giovellina (58 hommes) : 2 double chevrons, 8 ont 4 à 8 ans
de service, 8 simple chevrons, 35 ont 4 ans et moins de service. Disposait de 44
hommes le 1er avril 1791.
Compagnie de Massesi (59 hommes). Elle devait être composée de 135 hommes en
1791, mais on en dénombre 102. 2 double chevrons, 9 ayant 4 à 8 ans de service, 14
simple chevrons, 33 ayant 4 ans et moins de service. 47 sont passés à d’autres
compagnies.
87
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 367.
SHD, XB123, Infanterie légère, 4e bataillon de Chasseurs, livret pour la revue d’inspection, 31 octobre
1791.
88
55
Compagnie de Paulini (58 hommes). Elle devait être composée de 65 hommes en
1791, mais on en dénombre 44. 4 double chevrons, 11 ayant 4 à 8 ans de service, 13
simple chevrons, 30 ayant 4 ans et moins de service.
Compagnie de Carbuccia (56 hommes). Elle devait être composée de 134 hommes
en 1791, mais on en dénombre 98, puis 56 hommes. 1 double chevron, 5 ont 4 à 8
ans de service, 10 simple chevrons, 37 ont 4 ans et moins de service. 48 sont passés
à d’autres compagnies.
Compagnie de Colonna d’Istria (60 hommes). Elle devait être composée de 65
hommes en avril 1791, mais on en dénombre 46. 4 double chevrons, 13 ont 4 à 8 ans
de service, 10 simple chevrons, 32 ont 4 ans et moins de service.
Le 4e bataillon dispose d’un total de 474 hommes. 12 sont morts entre-temps, 27 ont
déserté, 17 ont été réformés, 146 ont été congédiés de grâce et par ancienneté. Le
bataillon dispose de 8 vétérans, de 28 double chevrons et de 86 simple chevrons. 82
ont 4 à 8 ans de service et 270 4 ans et moins de service.
Soit un total de 470 hommes dans le 4e bataillon ex-Chasseur corse. 306 viennent de
Corse, les 135 autres du Vivarais.
Les professions sont décomposées de la manière suivante : 347 laboureurs, 26
cordonniers, 15 menuisiers, 36 tailleurs, 17 serruriers et 10 ouvriers.
Entre-temps, la fonction de gentilhomme a été supprimée par l’article 29 du règlement
du 1er avril 179189. Plus de précisions sur l’état-major figurent dans le document de
mai 1791. État-major : Don Grazio de Rossi 1er lieutenant-colonel commandant,
Hyacinthe de Rissu 2e lieutenant-colonel, Angelo Francesco Franchi quartier-maître
trésorier, Giovanni Agostini Antoni adjudant, Giovanni Santina maître-tailleur, Gjovua
Battista Renesi armurier, Domenico Belgodere cordonnier.
Les compagnies sont toujours à 53 hommes chacune, mais l’organisation des officiers
est la suivante :
89
SHD, XB123, Livret de revue de la nouvelle composition faite à Tournon les 20, 24 et 29 mai 1791
par M. Don Grazio de Rossi, lieutenant-colonel commandant.
56
Compagnie de Sansonnetti : Stefano Sansonnetti capitaine 1re classe, Michel Morlat
lieutenant de la 1re classe, Antonio Colonna Locari sous-lieutenant.
Compagnie de Giacomoni : Gasparao Ortoli Giacomoni capitaine 1re classe, Casino
Colonna d’Ornano lieutenant 1re classe, Giorgio Maria d’Angelo sous-lieutenant.
Compagnie de Mattei : Massimo Mattei capitaine de 2e classe, Anton Francesco
Cuneo lieutenant 2e classe, Vincente Avogari De Gentili sous-lieutenant.
Compagnie de Colonna Giovellina : Alessandro Colona Giovellina capitaine de la 4e
classe, Pietro Andrea Pattavicini lieutenant de 2e classe, Antonio Alessandro Fusini
sous-lieutenant.
Compagnie de Massesi : Luigi Massesi capitaine de 3e classe, Luigi Sansonnetti
lieutenant de 1re classe, Giovan Tomaso Cittadella sous-lieutenant.
Compagnie de Paulini : Antonio Paulini capitaine de 5e classe, Antonio Poli lieutenant
de 2e classe, Antonio Giuseppe Degiovanni sous-lieutenant.
Compagnie de Carbuccia : M. Antonio Carbuccia capitaine de 3e classe, Luigi Carlotti
lieutenant de 1re classe, Luigi Massei sous-lieutenant.
Compagnie de Colonna d’Istria : Lorenzo Colonna d’Istria capitaine de la 5e classe,
Antonio Casquino Peretti lieutenant de la 2e classe, Luigi Questa sous-lieutenant
hommes.
En 1792, le 4e bataillon se trouve ainsi à Tournon, commandé par le colonel Hyacinthe
Rossi qui sera condamné à l’échafaud en 1794. Au début de l’année 1793, il est à
Evian, et le chef de bataillon ; Colonna de Giovellina en prend le commandement (né
en 1751 à Prato, il a commencé comme sous-lieutenant à la Légion corse en
juillet 1769). Il reste aux Alpes jusqu’à la fin de 1793. Il est renforcé par des volontaires
de la Drôme. Il est dirigé sur le théâtre d’opérations du Nord, puis à l’armée de la
Moselle où il souffre de lourdes pertes à la bataille de Kaiserlautern. En 1794 à Colmar,
il entre dans la composition de la 4e demi-brigade légère.
De ses rangs sortent trois généraux : Don Grazio de Rossi, né à Ajaccio en 1729,
officier du Royal-Corse en 1748, a commandé le bataillon en 1788 ; Jacques Louis
Massesi, né en 1749, fils du chancelier de Pascal Paoli et dont parrain est le marquis
de Cursay ; Vincent Avocari de Gentili, né à Nonza en 1760, cadet gentilhomme en
57
1779 dans le Royal-Corse, qui, en 1810, commandera la gendarmerie de Naples90.
Un vétéran de la guerre d’Amérique figure à l’effectif : Antonio Maria Sansonetti, né à
Bastia en 1752, d’abord officier dans le régiment de Buttafoco en 1770, puis lieutenant
au bataillon en 1789, avant de servir en Amérique en 1781.
Chasseur du 4° Bataillon de Chasseurs Corses et Carabinier du 3° Bataillon des
Chasseurs Royaux Corses en 1788 - Dessin original de Michel PETARD colorisé par
Jean Noël Poirron.
90
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 371. P371.
58
2. Parcours des 3e et 4e bataillons
Une lettre de 1792 d’Hyacinthe Rossi nous informe d’ailleurs que, depuis la
déclaration de guerre de la Convention, aucun officier n’est passé à l’ennemi 91.En
effet, les deux bataillons sont engagés de leurs différents faits d’armes. On peut retenir
deux épisodes : la prise de Saorgio dans les Alpes et l’affaire de Kaiserlautern dans le
Rhin. Le 1er octobre, les Chasseurs corses, soutenus par 50 Dragons, éclairent
l’Armée qui se remet en marche par Lescarena, Sospello et Breglio. Ils arrivent devant
Saorgio où ils sont arrêtés par des forces importantes92.
Le 3e bataillon est, en 1792, stationné dans la région d’Orange dans l’actuel Vaucluse.
Il est fort de 8 compagnies, dont une d’élite des carabiniers. En mai 1792, le bataillon
est à l’armée des Alpes, puis à celle d’Italie, où il est engagé contre les Piémontais ;
en 1793, il se bat bravement à Sospel et à la bataille de la Fourche, et participe au
combat de Gilette, faisant 800 prisonniers. Entré dans la composition de la 3 e demibrigade légère, il se distingue en 1794 à la bataille de Saorgio. La demi-brigade est
commandée par un vétéran corse, le chef de brigade Carlo Casanova, né à Riventosa
en 1739 et engagé comme simple soldat au Royal-Corse en 1758.
Passé 1793, l’organisation sera la suivante93 :
État-major : Lieutenant-colonel commandant Luigi Massesi et Stefano Sansonetti,
adjudant-major Giovanni Agostino Antoni, quartier-maître trésorier Angelo Francesco
Franchi.
Pour les capitaines : Colonna Giovellina, Antonio Pasquino Perretti, Lorenzo Colonna
Istria, Pietro Andrea Pallavicini, Michele Moras, Luigi Massei, Antonio Luigi Sansonetti
et Giorgio Maria D’Angelo.
91
SHD, XB123, Lettre de Hyacinthe Rossi à la 4e Armée de la Liberté, 7 juin 1792.
Médecin-Colonel Jean-Pierre SANTINI, « L’Infanterie Légère sous la Révolution, le Consulat et
l’Empire Chapitre 1 : le bataillon de chasseurs », Etudes Corse, Nouvelle série, n°26, 2e trimestre 1960,
Archive Départementale de la Corse, Gallica, 84p, p.21.
92
93
SHD, XB123, 4e bataillon, 1793, Situation du bataillon au 1er mars 1793.
59
Lieutenants : Ambrogio Silvestri, Giovan Francesco Simoni, Rocco Francesco Comiti,
Jean-Baptiste du Pertuis, Giovan Francesco Campana, Michel Andreani, Giuseppe
Maria Nerviarsi et Felice Avogari Gentili.
Sous-lieutenants : Silvesto Salvatori, Pietro Galeazzini, Giovan Domenico Faustini,
Jean-Pierre Agerou, Pierre François Saviry, Martino Susini, Diego Colonna et Nicolas
Poute.
Bien que ces bataillons soient les ancêtres des futurs Chasseurs corses, on comprend
pourquoi Napoléon a choisi de lever à plusieurs reprises de nouveaux bataillons, ces
3e et 4e bataillons se faisant vieillissants en ce qui concerne les officiers94. Toutefois,
ils sont assez jeunes aussi dans l’ensemble, mais comprennent malgré tout
suffisamment d’anciens pour étayer l’inexpérience des jeunes, pour la plupart nés
entre 1730 et 1760, comme Hyacinthe de Rossi né à Ajaccio le 8 janvier 1744, recruté
au Royal-Corse le 20 janvier 1759, devenu sous-lieutenant au Royal-Italien le 1er mars
1763, lieutenant le 30 avril 1768 au Royal-Corse, capitaine-commandant du régiment
le 19 octobre 1780, capitaine-commandant de la compagnie de Chasseurs le 20 mars
1781, chevalier de Saint-Louis le 4 mars 1788 et, enfin, lieutenant-colonel
commandant le 21 octobre 1791. Ou encore Stefano Sansonnetti né à Bastia le 6 mai
1732, lieutenant au Royal-Corse le 20 mars 1750, capitaine-commandant au RoyalCorse le 22 octobre 1777 et chevalier de Saint-Louis le 24 mars 1785. Cette liste est
non exhaustive (Reste de la liste DSC04873). On peut ajouter aux défauts la
médiocrité des recrues s’accumulant dans ces bataillons. Celle de mars 1793 était très
médiocre, et selon le résumé de la Revue, celle d’automne 1792 l’était davantage.
Toutefois, le bataillon remplit tout de même sa mission, ayant une discipline correcte :
« Les soldats de l’ancien fond ont prouvé pendant la campagne qu’il était à même de
rendre de bons services à la République95. »1793 est un tournant pour ces bataillons
également. De nouvelles levées sont commandées dans la Drôme pour ces bataillons
qui commencent à ne plus rien à voir avec la Corse. Selon une note de Jean-Étienne
Guignot chargé de l’encadrement de l’armée des Alpes pour l’instruction, les officiers
et sous-officiers sont limogés. Ils doivent rentrer dans leur foyer ou s’engager comme
volontaires. Toutefois, on les retrouve le 1er août 1793, ce qui indique que, pour la
94
SHD, XB123, 4e bataillon de Chasseurs, Relevé du registre de contrôle.
95
SHD, XB123, Résumé général de la Revue, 1793.
60
majorité96, ils se sont réengagés par volontariat pour conserver leur place. On constate
également de plus en plus de postes d’officiers vacants en raison des limogeages et
de la situation qui devient de plus en plus tendue en Corse. L’habillement est au plus
mal dans le 4e bataillon. Des officiers sont nommés parmi les anciens sergents et
caporaux pour pallier les postes vacants, comme Nerivati et Andreani nommés au
poste de lieutenant97.
Ces bataillons seront amalgamés en 1794 à des bataillons de volontaires pour former
les 3e et 4e demi-brigades légères. En 1794, toutefois, le bataillon est complété à Bourg
Saint-Maurice. Le corps perd peu à peu son caractère purement corse. Si les officiers
sont encore presque tous insulaires, les soldats corses ne doivent plus représenter
que 50 % des effectifs. Le reste est formé d’hommes du Vivarais ou de la Drome. Le
4e bataillon de Chasseurs va quitter les Alpes et passer à l’Armée du nord où il se fait
remarquer le 6 mai 1794 au combat de Provins, mettant en déroute des chasseurs
tyroliens.
On parlait de situation tendue en Corse impliquant ces bataillons d’infanterie légère.
C’était sans compter l’arrêté de Robespierre98 du 28 février 1794 décrétant que « Les
représentants du peuple envoyés par la convention nationale auprès de l’Armée
d’Italie, et dans le département du Midi ; considérant que les citoyens Salicetti chef de
bataillon, Bacciochi, Paccioni, Ciavaldini Capitaine, Frediani Lieutenant, tous au
bataillon d’infanterie légère corse ;
Ont leurs parents à la tête de rebelles dans le département de Corse, les armes à la
main contre la République ; que plusieurs patriotes sont par ceux-ci persécutés et
opprimés ; que d’ailleurs leur civisme est très équivoque :
Arrêtent qu’ils seront destitués de toute fonction militaire et mis en état d’arrestation
jusqu’à la paix ».
Une des raisons de la réduction des bataillons de volontaires au nombre de 4 est cette
non-fiabilité. L’échec de l’expédition de Sardaigne entraîne leur dissolution, car ils sont
SHD, XB123, Note du 4e bataillon d’infanterie légère par Jean-Étienne Guignot, agent secondaire
pour l’encadrement de l’armée des Alpes pour l’instruction.
96
97
SHD, XB123, Note du 4e bataillon d’infanterie légère par Jean-Étienne Guignot, 18 janvier 1793.
98
SHD, XB123 Arrêté de Robespierre et Ricord, le 10 ventôse An II.
61
suspectés d’être inféodés à Paoli. On doute à Paris de leur loyalisme envers la
République.
Drapeau du 3ème Bataillon et 4ème bataillon dans Les Drapeaux de la Révolution et de
l'Empire - L'Infanterie 1786-1815 - Ludovic LETRUN - Histoire & Collections - 2009
3. L’amalgame de 1794 et les bataillons de volontaires corses
La réorganisation des troupes légères en 1794 entraîne la disparition des
bataillons de Chasseurs devenus 3e et 4e bataillons d’infanterie légère qui, amalgamés
avec des bataillons de volontaires, entreront dans la composition des 3 e et 4e demibrigades d’infanterie légère99. Le 4e bataillon de Chasseurs se retrouve à Erlach, près
de Colmar, où il est incorporé avec le 1er bataillon de la Creuse et le 5e bataillon de
99
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 365.
62
l’Ain pour forger la 4e demi-brigade d’infanterie légère où il formera, en 1796, la 21e
demi-brigade dans laquelle on peut compter encore un certain nombre d’officiers
corses100.
On relève dans la 21e légère de nombreux officiers originaires de l’île.
Comme dans tous les départements sera mise sur pied, dès 1790, la milice citoyenne,
destinée à former les bataillons de la Garde nationale. Localement, ce ne sera pas
sans mal en raison des rivalités politiques et de la mauvaise gestion des crédits prévus.
De ces gardes nationaux seront tirés des volontaires, répartis en bataillons de marche.
L’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme stipule que « le maintien des droits
de l’homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée
pour l’avantage de tous et pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».
Le décret du 16 décembre 1789 prévoit le recrutement par engagement volontaire,
mais celui du 9 décembre 1790 précise que chaque citoyen actif doit un service
militaire personnel et obligatoire dès l’âge de dix-huit ans. C’est sur ce dernier texte
que se fonde l’institution de la Garde nationale. Le 24 février 1793, la Convention vote
la réquisition de 300 000 hommes de 18 à 40 ans, célibataires ou veufs sans enfants.
La loi du 19 fructidor an VI (5 septembre 1798), dite loi Jourdan, organise le service
militaire obligatoire, tout en prévoyant, avec les exemptions et le remplacement, la
possibilité de n’appeler qu’une fraction du contingent disponible en usant du tirage au
sort. Elle stipule que « tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie ».
Elle restera en vigueur jusqu’en 1814.
En Corse, la réquisition de 1793 n’aura pas lieu en raison de la sécession, et la loi
Jourdan ne sera appliquée que sous le Consulat. Mais, dès 1802, il sera prévu le
recrutement de 6 bataillons de Chasseurs par engagement volontaire. Les engagés
ne doivent pas figurer sur les listes de recrues retenues par le tirage au sort et doivent
être âgés au minimum de dix-huit ans. La limite d’âge supérieure est, elle, de quarante
ans, à condition d’avoir déjà servi. La convention accorde peu de crédit depuis les
événements de 1794 en Corse aux troupes d’origine corse. La suspicion pèse sur leur
Jean-Pierre SANTINI, « L’Infanterie Légère sous la Révolution, le Consulat et
l’Empire Chapitre 1 : le bataillon de chasseurs », Etudes Corse, Nouvelle série, n°26, 2e trimestre 1960,
Archive Départementale de la Corse, Gallica, 84p, p.22.
100Médecin-Colonel
63
loyauté à la République, et la connaissance de leur attachement à Paoli, qui est leur
chef direct en sa qualité de commandant de la division militaire de la Corse, amène
Salicetti à proposer leur dissolution. On fait d’une pierre deux coups : on licencie des
unités douteuses, dont on sélectionne les éléments sûrs, et on prive Paoli d’une force
armée organisée. Une division militaire est définie de la manière suivante « L’arrêté
relatif aux états-majors des divisions et des places du 3 fructidor an VIII (21 août 1800)
stipule qu’il sera attaché à chaque division militaire un général de division et deux
demi-brigades. Chacun desdits généraux aura le commandement de l’un des
départements de la division. Le commandement de chacun des autres départements
de la division sera confié à l’un des 52 adjudants-commandants ou chefs de brigade
conservés en activité de service. »101.
Après le manifeste de Pillnitz, et devant les menaces de guerre, la Constituante décide
de recruter des volontaires parmi les gardes nationaux et d’en former des bataillons
destinés à servir les armées.
Quatre sont prévus pour la Corse. Le premier est stationné à Bastia, le deuxième à
Ajaccio, le troisième à Calvi et le quatrième à Corte. Leurs chefs de corps respectifs
sont les lieutenants-colonels Casalta, Quenza, Achille Murati et Grimaldi, avec pour
adjoints, dans l’ordre : Piétri, Bonaparte, Salicetti, Colonna Leca, lieutenants-colonels
en second102.
Ces bataillons de volontaires seront destinés à participer à l’expédition de la
Sardaigne. Les effectifs disponibles seront insuffisants, leur valeur militaire obérée par
la médiocrité des cadres et l’insuffisance de l’équipement. On peut estimer à 500 le
nombre de volontaires qui seront de la partie, soit un petit bataillon. En fait, la Corse
n’est pas en mesure, dans les conditions de l’époque, en raison de l’absence de
registres militaires, des difficultés administratives des municipalités et de sa
démographie, de fournir un gros contingent. Il faut ajouter que la désignation des
volontaires se fait sous la responsabilité des maires et est donc influencée par les
rivalités locales, ce qui favorise la désertion. Il ne va pas être aisé de recruter ces
101
Alain PIGEARD, Dictionnaire de la Grande Armée, Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier, Paris,
2002, 805, p.219.
102
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 376.
64
bataillons de la République, car les unités stationnées dans l’île sont faiblement
dotées : à Bastia, environ 1 800 hommes des 26e ex Royal-Bresse et 52e de ligne ex
La Fera ; à Ajaccio, le 42e ex Royal-Limousin fort de 900 fantassins, et à Corte, 400
Suisses de Salies-Grisons. S’y ajoutent 200 gendarmes de la 28e division et le 2e
bataillon de volontaires des Bouches-du-Rhône très mal discipliné. C’est alors que, le
5 février 1793, le décret n° 403 prescrit la formation de 4 bataillons d’infanterie légère
numérotés de 15 à 18 à la suite dans le corps des Chasseurs. Ils sont recrutés parmi
les éléments sûrs de la population, fidèles à la République, soldés comme les
volontaires et de composition identique, soit 5 compagnies par bataillon. Leurs officiers
sont nommés et non plus élus. Leur uniforme est celui prescrit pour l’infanterie légère,
mais la pénurie régnant en Corse, uniformes et équipements manquent et on fait flèche
de tout bois. L’effectif n’a jamais été au complet ; on peut l’estimer à 1 200 hommes
environ. Par ailleurs, les troupes stationnées sur l’île sont peu nombreuses et peu
disciplinées pour maintenir l’ordre.
Ces 4 bataillons de volontaires nationaux corses seront alors véritablement très
incomplets sans uniformes et peu reluisants103. Le 1er bataillon est le plus valable avec
ses 400 hommes ; le deuxième, celui de Bonaparte, arrive péniblement à 500
hommes ; le 3e, où la désertion fait des ravages, est composé de 300 hommes ; quant
au 4e, celui de Calvi, il n’atteint même pas les 200 hommes. Un total de 3 164 hommes
qui concourent à la défense de la Corse, dont les 1 400 bataillons républicains.
Ces bataillons de volontaires auront une existence courte104. Devant cette situation et
les périls, les commissaires de la convention Delscher, Salicetti et Lamcombe Saint
Michel décident de licencier les bataillons de volontaires corses à l’exception du 1er et
de mettre sur pied 4 bataillons de chasseurs recrutés dans le pays parmi les bons
républicains. Un décret de la convention 403 du 5 février 1793 prescrit la levée en
Corse de 4 bataillons de Chasseurs composés et soldés comme des nationaux.
Ils prennent les numéros, 15, 16, 17 et 18, appartenant au général Saint-Martin.
Jean-Pierre SANTINI, « L’Infanterie Légère sous la Révolution, le Consulat et
l’Empire Chapitre 2 : les bataillons de chasseurs de 1793 », Etudes Corse, Nouvelle série, n°27-28, 3e
et 4eme trimestre 1960, Archive Départementale de la Corse, Gallica, 60p, p.18.
103Médecin-Colonel
104
Ibid. p.22.
65
Le 15e bataillon, qui sert à couvrir Bastia, occupe le poste de Furiani et assure la
communication entre Saint-Florent et Bastia. Entre-temps, il est transporté à Toulon :
amalgamé le 10 juillet 1794 avec le 2e volontaire des Bouches-du-Rhône.
Le 15 avril 1973, sur les 83 officiers, 14 sont corses, dont les capitaines Antoine Mattei,
Simon-Brando Albertini et Mathieu Giomarchi. Lieutenants : Pierre Simenoni au 26 juin
1793, François Marie Casabianca au 15 avril 1793, Jean-Baptiste Alberti au
13 octobre 1793, Jean Carbuccia au 30 octobre 1793. Sous-lieutenants : Jacques
Mattei sous-lieutenant 15 avril 1793, André Bozio, Antoine Ciatoni, Antoine Giovanelli,
Antoine Giomarchi, François Olivieri et François Marochin105.
Le 16e bataillon dispose d’un encadrement très incomplet, très insuffisant. Il semble
que Lacombe Saint-Michel ait fait nommer Gentili chef du 3e bataillon. Joseph Arena
figure aussi dans la liste des officiers, avec Bonelli, chef du 2e bataillon, futur
responsable des tirailleurs corses106.
Le 18 septembre, il défend Barbaggio et Patrimonio. Il capitule à Bastia, rapatrié à Nice
avec moins de 75 hommes (amalgamé dans le 11 e bataillon de l’Ain et le 5e bataillon
des basses Alpes) et devient la 22e demi-brigade ayant de nombreux Corses comme
officiers. Cette demi-brigade se trouve affectée à l’armée d’Italie sous les ordres de
Massena à la bataille de Loano le 23 novembre 1795.
Le 17e bataillon est encore plus faible que les autres. Il est formé à Corte le 15 avril
1793. Il dispose de très peu de compagnies. Après la capitulation de Bastia, il rentre à
Nice avec moins de 100 hommes. Il ne contribue pas à former, comme on le croit
généralement, la 17e demi-brigade.
Le 18e bataillon d’infanterie légère est installé au Cap Corse et, entre Calvi et Bastia,
participe au combat de Saint-Florent. Il est ramené à Toulon après la capitulation :
(amalgamé avec le 3e du Vaucluse et le 3e du Mont-Blanc) pour former la 18e demibrigade d’infanterie légère qui changera de numéro en 1796 pour devenir le 29 e107.
105
SHD, XB223, 15e Légère, état nominatif de la 15e demi-brigade, 9e commission.
106
SHD, XB223, 16e légère, 16e légère formée le 19 fructidor an 2.
Médecin-Colonel Pascal Pierre SANTINI, « L’Infanterie Légère sous la Révolution, le Consulat et
l’Empire Chapitre 2 : les bataillons de chasseurs de 1793 », Etudes Corse, Nouvelle Série, n°27-28 3e
et 4e trimestre 1960, médecin colonel Pascal Pierre SANTINI, 60p, p.28.
107
66
Il est composé de Salicetti, commandant en chef du bataillon. Ce Corse (Salicetti), âgé
de 72 ans, est « inhabile à commander, ne connaît pas une syllabe de la langue
française ». Sur les 86 officiers, 22 sont corses, dont Panzani adjudant-major
(Ajaccio) ; Battaglioni (Corte) ; Poli (Cervione), 50 ans, capitaine Maroni de Cazaconi ;
Luia (Bastia) ; Caloni (Salicetti), capitaine Antomarchi de Pietra requis comme
médecin dans cette armée ; Battaglioni d’Omesa. D’autres noms figurent, comme
Benedetti, Emmanuelli, Catoni de Salicetti, Grimaldi de Castilla, Mattei né à Garguale
et Arrighi, Guelfucci, Lorenzi ou Battaglioni (nés à Corte)108. Il est également fait
mention du parcours de Vincent Marie Constantini, chef de la brigade dans l’état-major,
né à Ghisoni le 21 février 1751. Ce soldat au Royal-Corse passe ensuite au 3e
régiment d’infanterie légère, puis est incorporé dans la Légion des Alpes avant de
devenir chef de brigade à la 18e demi-brigade le 24 thermidor An II109.
Par la suite, les Corses qui ont été versés dans la 28 e division de gendarmerie y sont
extraits afin d’être versés dans les 3 colonnes mobiles du Golo et dans les 2 du
Liamone, fortes chacune de 300 hommes, pour ratisser le territoire, combattre toute
éventuelle insurrection110 et arrêter et faire juger par une commission militaire les 4
députés qui ont porté la couronne au roi d’Angleterre, les membres du gouvernement
et le meneur, ainsi que tous les immigrés. Le but est de « Faire tout pour rétablir la
tranquillité de l’île, étouffer toutes les haines et réunir à la République ce pays si
longtemps agité ».
En parallèle sont levées 3 compagnies de la Garde nationale à Bastia, 2 à Ajaccio, 1
à Calvi, 1 à Saint-Florent, 1 Corte et 1 à Bonifacio.
Les dernières compagnies de volontaires corses sont amalgamées début 1797 avec
la 11e demi-brigade d’infanterie légère ; la 2e compagnie avec la 12e ; les 3e et 4e seront
avec la 20e d’infanterie légère ; les 5e et 6e avec la 18e léger, et les 7e et 8e avec la 17e
SHD, XB223, 18e bis légère ancienne, Armée d’Italie 18e demi-brigade d’infanterie légère, État
nominatif des officiers.
108
SHD, XB223, 18e demi-brigade, extrait d’une revue particulière faite sur le Rhin par le chef demibrigade le 14 ventôse an 3 de la République française, Armée devant Mayence.
109
Correspondance Générale de Napoléon, tome 2, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, au Général Gentili, Modène, 17 octobre 1796, p.60.
110
67
légère. Puis, elles ont ordre de se rendre à Milan où elles seront armées et partiront
en campagne111.
Ces 4 bataillons sont mis sur pied par la volonté de la Convention à une époque
troublée de l’histoire de l’île. La Corse traverse une crise de loyalisme, déchirée entre
l’amour des nouvelles idées et la confiance envers Paoli, chef toujours respecté.
111
Ibid. Au général Berthier, Milan, 4 janvier 1797, p.226.
68
Chapitre 2 :
L’infanterie légère corse sous l’Empire, un processus
Dans ce chapitre, il sera question des compagnies franches du Golo et du
Liamone, des bataillons de Chasseurs Corses et du bataillon de tirailleurs Corses. Ces
étapes importantes marquent la tentative d’inscrire militairement l’île dans la
République, afin de pacifier son territoire.
I. Des compagnies franches aux bataillons de chasseurs corses
1. Les compagnies franches du Golo et du Liamone
La Corse n’étant pas soumise à la conscription en 1797, il est alors décidé de lever
des compagnies franches. Diverses compagnies de volontaires sont ainsi soulevées
et formées. Cette action rentre dans le cadre de la restauration républicaine en Corse.
Le 24 vendémiaire an IV, le général Gentili, combattant de Ponte-Novu, rallié à la
République, écrit à Bonaparte : « Vive la République ! Notre pays est rendu à la
liberté. » Il avait été chargé en mai, par le commandant de l’armée d’Italie, de nouer
des contacts en Corse avec les partisans de la France, dans la perspective de la
reprise de l’Île. Le 24 octobre, plus un soldat anglais n’est présent sur cette dernière,
et Salicetti prescrit la levée de cinq colonnes mobiles du Golo et du Liamone, qui
prendront aussi le nom de « compagnies franches »112.
Deux termes sont pourtant antinomiques, à savoir Levée et Volontariat, cette situation
sera dénoncée par les deux préfets de l’île, à savoir de l’attitude des conscrits corses
eux-mêmes : leur mécontentement « provient de l’aversion qu’ils ont de servir en
qualité de conscrit ; quelque explication qu’on ait donnée à ce sujet, quelques moyens
de raisonnement et de persuasion qu’on ait employés pour établir que les conscrits ne
différent en rien des volontaires, il n’a pas été possible de les faire changer d’idée et
112
Dominique BURESI, Les Corses au combat sous trois drapeaux 1792-1815, Ajaccio, 2003, 183,
p. 36.
69
surmonter leur éloignement pour ce nom : ils refusent de se présenter aux jours et
lieux fixés par les maires et lorsqu’ils sont désignés, ils ne se rendent aux dépôts qu’au
dernier moment et seulement par la crainte de se voir poursuivis comme déserteurs et
leurs familles inquiétées ; plusieurs même, dans la crainte d’être désignés par la
commune pour marcher comme conscrits, se sont enrôlés dans la compagnies
franches, ou on rejoint… le bataillon d’Antibes. »113
Sont levées et formées dans le Golo à Bastia la compagnie provisoire de sapeurs du
8 frimaire an V (28 novembre 1796), la 1re compagnie provisoire du 24 frimaire an V
(14 décembre 1796) destinée à l’armée d’Italie par ordre du général Gentili, la 2e
compagnie provisoire du 5 pluviôse an V (24 janvier 1797)114, trois compagnies
franches du 15 germinal an V (4 avril 1797) et la compagnie d’éclaireurs du 25 fructidor
an V (11 septembre 1797)115. Les deux compagnies provisoires sont composées
chacune de cinquante hommes prêts à porter serment à la République.
On dénombre six compagnies franches dans le Liamone à Ajaccio : la compagnie
franche du 26 pluviôse an V (14 février 1797)116, les compagnies Levie et Ternano du
30 brumaire an V (20 novembre 1796), la compagnie Costa du 10 frimaire an V
(30 novembre 1796), la compagnie Cotti du 15 frimaire an V (5 décembre 1796) et la
compagnie d’éclaireurs du 25 fructidor an V (11 septembre 1797). Les deux dernières
compagnies de volontaires corses des départements du Golo et du Liamone citées cidessus sont levées le 25 fructidor an V (11 septembre 1797) par le général de division
Aubert en raison des « traces » persistantes du royaume anglo-corse, en effet le
passage de la Corse dans le giron britannique déstabilisa une fois de plus
politiquement l’île.
Le service de ces compagnies s’effectue dans les deux départements. Elles se doivent
de montrer un attachement à la République, en assistant la gendarmerie, en faisant
en sorte que soit « préservée la tranquillité intérieure » de l’Île, en traquant et en
BERGES, « Insoumission et désertion en Corse sous l’Empire », Etudes Corses, Corses et
Sardaigne entre Réformisme et Révolution, La marge édition, numéro 30/31, 1988, 348, p.305.
113Louis
114
SHD, XK4, Procès-verbal de la compagnie franche provisoire du Golo, par Ignace Joseph Lepidi,
commissaire de guerre à l’armée d’Italie, Bastia, 5 pluviôse an V.
SHD, XK4, Procès-Verbal concernant l’organisation des compagnies, par M. Lary, commissaire de
guerre, Bastia, 15 nivôse an V.
115
SHD, XK4, Procès-verbal concernant l’organisation de la compagnie franche provisoire du Liamone,
par Ignace Joseph Lepidi, commissaire de guerre à l’armée d’Italie, Bastia, 26 pluviôse an V.
116
70
interpellant les bandits, les émigrés, les prêtres de retour, les espions et ceux jouant
le rôle d’agents de l’étranger afin de soulever le peuple contre la République. Elles
sont divisées en huit escouades (soit seize au total), comptant cent quarante-six
hommes chacune117. Aucun uniforme n’est affecté à ces compagnies : seuls les
officiers peuvent porter les marques de distinction relatives à leur grade ; les éclaireurs
ne portent pas de distinction militaire.
Ces unités sont récompensées de vingt-quatre francs par interpellation d’émigré ou
d’individu soupçonné de révolte118. Le recrutement s’effectue exclusivement parmi les
républicains pro-français. Afin de lutter contre l’agitation à l’intérieur des terres 119, le
général Ambert est envoyé en Corse120. Les décrets d’exception frappant les prêtres
réfractaires sont vécus comme une persécution religieuse. Ils engendrent de multiples
révoltes dans le Fiumorbu, conduisant à celle de la Crucetta ; les insurgés se
reconnaissent à une petite croix cousue sur leur coiffure.
2. L’idée de chasseurs corses
Toutefois, ces deux compagnies d’éclaireurs ont une existence brève, car le 8
brumaire an VI (29 octobre 1797), le directoire exécutif ordonne de dissoudre la
compagnie du Golo et de ne pas donner suite à celle du Liamone 121, souhaitant ne
pas envenimer la situation en Corse par des répressions en souvenir de l’expérience
précédente avec Pascal Paoli et l’intervention britannique.
L’idée des compagnies d’éclaireurs étant abandonnée, c’est celle des compagnies de
chasseurs qui est adoptée. Ces compagnies franches servent de bras armé à la justice
du directoire en Corse, notamment avec le retour de Miot de Melito que le directoire
exige. Napoléon demande alors la création d’un tribunal criminel extraordinaire qui se
SHD, XK4, Procès-verbal d’organisation, ordre du jour : organisation de deux compagnies
d’éclaireurs, Ignace Joseph Lepidi, commissaire de guerre à l’armée d’Italie, Bastia, 25 fructidor an VI.
117
SHD, XK4, Arrêté pour la formation de deux compagnies d’éclaireurs corses pour veiller à la sûreté
intérieure du pays, vendémiaire an VII.
118
119
SHD, XK4, Lettre du général Ambert au ministre de la Guerre, an VI.
120
SHD, XK4, Projet d’arrêté envoyé au directoire exécutif, 27 fructidor an VI.
121
SHD, XK4, Lettre du ministre de la Guerre au général citoyen Ambert, 8 brumaire an VI.
71
situera à Ajaccio et sera composé de cinq juges, dont deux militaires. Cette cour sera
d’une grande sévérité dans la lutte contre le banditisme et d’autres maux en Corse,
afin d’éviter de nouvelles révoltes122.
La levée de ces deux compagnies de chasseurs est ordonnée par le général
Bonaparte qui leur demande de se réunir à Toulon pour l’armée d’Italie123.
La première est levée le 21 fructidor an VI (7 septembre 1798) dans le département
du Golo par le général de division Ambert ; soixante-six individus sont prêts à prêter
serment124. La seconde, toujours dans le Golo, est levée quelques jours plus tard par
le même général, le 27 fructidor an VI (13 septembre 1798). Ces deux compagnies,
composées d’éclaireurs, totalisent cent cinquante hommes, comprenant des officiers
et des sous-officiers, soit soixante-dix-sept hommes pour chacune d’elles125.
Deux compagnies de chasseurs sont levées dans le Liamone le 15 frimaire an VII
(5 décembre 1798), mais licenciées le 1er fructidor an VII (18 août 1799).
Dans le département du Liamone, un certain citoyen Antoine Lauro chef d’Escadron
de la gendarmerie et Hugues Peretti pour commander ces trois corps. Les deux
premiers devant se réunir à Ajaccio tandis que le 3 e doit se rendre à Bonifacio. Ceux
du Golo quant à eux doivent se rendre à Porto Vecchio comme les 3 compagnies de
carabinier que compte la 23e division militaires126.
Après ce licenciement, il est prévu de lever deux compagnies franches dans le
Liamone, chacune d’entre elles composée de quatre officiers, d’un caporal, d’un
lieutenant, de deux sous-lieutenants, d’un sergent-major, de six sergents, d’un fourrier,
de douze caporaux, de cent vingt-quatre fusiliers et de deux tambours, soit un total de
122
Dominique BURESI, Les Corses au combat sous trois drapeaux 1792-1815, Ajaccio, 2003, 183,
p.55.
123
SHD, XK4, Extrait des registres du directoire exécutif du 5 vendémiaire an VII.
SHD, XK4, Procès-verbal concernant l’organisation de la 1re compagnie de chasseurs corses,
département du Golo, Ignace Joseph Lepidi, commissaire des guerres à l’armée d’Italie, 21 fructidor an
VI.
124
SHD, XK4, Procès-verbal concernant l’organisation de la 2e compagnie du 1er corps de chasseurs
corses, département du Golo, Joseph Ignace Lepidi, commissaire des guerres à l’armée d’Italie, 21
fructidor an VI.
125
Correspondance Générale de Napoléon Tome 2 : La Campagne d’Egypte et l’Avènement 17981799, Paris, Fayard, 2005, 1272, Au Général Berthier, chef de l’Etat-major de l’Armée d’orient 9 prairial
an VI 28 mai 1798
126
72
quatre cent cinq hommes pour ces deux compagnies. Le recrutement sera effectué
par volontariat, et les hommes contracteront un engagement de quatre ans 127. Ces
compagnies franches se seraient d’ailleurs rendues à Malte128 pendant ou après la
conquête de l’île.
En janvier 1803, Miot est remplacé par un général nommé Morand qui est investi des
pleins pouvoirs civils et militaires.
Cette nomination atteste de la volonté du Premier Consul de faire participer la Corse
à l’effort de guerre nationale et de lui donner les moyens de faire face à toute menace,
d’où qu’elle vienne. Une lettre envoyé au Général Berthier le 8 juillet 1802 pourrait
confirmer cette idée, « Le but de cette formation c’est d’engager les habitants des
montagnes à prendre du service comme les deux départements de l’ile fournissant
une grande quantité de bons soldat il est essentiel de leur offrir un débouché en
France »129 et « Tous les officier sous off et soldat de ce bataillon doivent tous être
corses ».
Mais, un mois plus tard, le 3 juillet 1804, ces deux compagnies du Liamone sont
dissoutes et incorporées, sur les conseils130 du ministre de la Guerre, compte tenu du
mauvais état de l’unité, dans le bataillon de chasseurs corses131. Les hommes doivent
s’habiller et s’armer à leurs frais. Ils reçoivent la poudre et le plomb nécessaires pour
confectionner cinquante cartouches. Les soldats bénéficient de dix sous par jour, les
caporaux douze et les sous-officiers quinze, en complément de pain. Les officiers se
voient octroyer la solde de leur grade. Ils sont levés pour une expédition sur la
Sardaigne qui, finalement, n’a pas lieu. Ils sont cependant maintenus sur pied pour
assurer la tranquillité de l’Île, et leur service est réglé comme celui de l’ancien
Régiment provincial. Chaque bataillon dispose d’un quartier d’assemblée où les
compagnies se réunissent chacune successivement pendant un mois. La compagnie
127
SHD, XK4, Extrait des registres des délibérations du gouvernement de la République, 26 prairial an
XII.
Correspondance Générale de Napoléon Tome 2 : La Campagne d’Egypte et l’Avènement 17981799, Paris, Fayard, 2005, 1272, Au Général Berthier, chef de l’Etat-major général de l’armée d’orient
Quartier General Malte 14 juin 1798
128
Correspondance Générale de Napoléon, tome 7, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au Général Berthier, 8 juillet 1802, p.517.
129
130
SHD, XK4, Rapport fait au Premier Consul par le ministre de la Guerre, 1er floréal, an XII.
131
SHD, XK4, Lettre de Lambert, inspecteur aux revenus, au ministre Berthier, 14 messidor an XII.
73
de service perçoit la solde entière et le pain, les autres compagnies uniquement la
demi-solde.
Lorsque la guerre reprend avec l’Angleterre, un ordre du 1er mai 1803 énonce que tous
les bataillons doivent être rassemblés dans les diverses places fortes de l’Île.
Sont également levées, par l’arrêté du 12 janvier, deux compagnies franches corses,
composées chacune de trois officiers et de quatre-vingt-dix hommes, pour occuper les
îles de la Maddalena et d’Asinara.
Le Premier Consul transfère donc les officiers, dont le lieutenant Giomarchi132,
lieutenant dans le 3e bataillon de chasseurs corses du 8e régiment d’infanterie
légère133.
3. Les chasseurs corses
Dans cette optique, avec la reprise de la guerre avec l’Angleterre en 1803, le
ministre Berthier soumet un projet d’arrêté concernant la levée de cinq bataillons
d’infanterie légère corse destinés à être employés dans l’Île : « Cette levée ne peut se
faire que par enrôlement volontaire à prix d’argent. J’ai pensé que la durée de
l’engagement devait être de trois ans, le prix de l’enrôlement de 36 francs et que la
composition, deux bataillons, ainsi que leur solde et leur administration devaient être
modifiées suivant ce qui convient le mieux aux localités134. » Le Premier Consul y
répond favorablement. L’état-major de chaque bataillon est alors composé d’un chef
de bataillon, d’un adjudant-major, d’un lieutenant quartier-maître, d’un chirurgien, d’un
tambour-maître,
d’un
maître
tailleur
et
d’un
armurier.
Il est formé de cinq compagnies dans les départements du Golo et du Liamone,
commandées chacune par un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant, un sergentmajor, quatre sergents, huit caporaux, et composés de cent soldats, soit un total de
cent dix-sept hommes par compagnie et de cinq cent quatre-vingt-douze hommes pour
les cinq bataillons réunis. L’habillement, déterminé par le général commandant la 23 e
132
SHD, XK4, Lettre du chef de la 4e division du ministère de la Guerre au chef de la 2 e division, 24
messidor an XII.
133
SHD, XK4, Arrêté du Premier Consul, sur la proposition du ministre de la Guerre, non daté.
134
AN, AFIV 1372, Projet d’arrêté au Premier Consul, 12 prairial an XI.
74
division, est constitué d’une guêtre, d’une culotte, d’une veste et d’un bonnet en drap,
appelé baretta misgia, marron-brun et fabriqué à partir de poils de chèvre du pays.
Le général Morand décide de la forme et des couleurs distinctives de l’uniforme. La
coupe est celle de l’infanterie française, selon le règlement de 1786. L’habit est
distingué par une ou plusieurs couleurs distinctives disposées sur les revers, au collet
et aux parements.
Cette idée toute fois avant qu’elle ne fût appliquée par Berthier, vient de Napoléon luimême. En janvier 1800 au Citoyen Salicetti alors délégué extraordinaire dans la 23e
division reçoit une lettre de Napoléon lui disant, que le ministre de la guerre a ordre de
lui remettre en main propre les ordres pour la levée de six bataillons ainsi que des
notes pour les généraux Casalta135, Cervoni136 et Ambert. Pour les 6 bataillons il s’agit
de 4236 hommes, le choix des corses à ce poste est naturel car « vu que les Corses
sont très propres à la guerre de montagne »137. La même lettre est envoyé alors à
Berthier également le 12 janvier 1800, l’intention du gouvernement serait alors en effet
de lever 6 bataillons dans les départements du Golo et du Liamone et seraient
organisés de la manière suivante, à savoir 9 compagnies comprenant 1 capitaine, 1
lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent major, 2 sergents, 4 caporaux, 1 tambour et
67 hommes soit un total de 78 hommes par compagnie138. Chaque homme devra
apporter son fusil et ses cartouches comme il sera commun lors de la levée de 1803.
Le 21 prairial an XI, le général Morand envoie l’instruction suivante aux préfets du Golo
et du Liamone : « Le gouvernement a décidé qu’il serait levé cinq bataillons d’infanterie
Général Casalta, il est issu d’une vieille famille affilié aux Ceccaldi et aux Buttafacco, il adhère
néanmoins aux principes révolutionnaires et organise les milices nationales de Bastia. Il est promu
lieutenant-colonel des bataillons volontaires corses. Il lutte pour maintenir l’ile dans le giron
révolutionnaire. Refoulé en France en 1794, il rejoint l’armée d’Italie avec le Grade de General et
réprime durement la Cruccetta, sous les ordres de Morand il écrase dans le sang toutes les velléités de
rébellion. Dictionnaire historique de la Corse, Ajaccio, Albiana, 2006.
135
Général Cervoni, né à Soveria 29 aout 1765 et décédé à la bataille d’Eckmühl en 1809, fidèle de
Paoli il quitte la corse après Ponte Novu pour se réfugié en Italie, Il rentre comme soldat au royal
corse puis étudie le droit avant de rentrer en Corse au moment de la révolution. Il devient Commandant
de la garde nationale du Golo, en 1799 envoyé en corse pour mater les mouvements qui secoue l’ile
par le Général Ambert. Ibid.
136
Correspondance Générale de Napoléon, Tome 6, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au citoyen Salicetti délégué extraordinaire dans la 23e division, 12
janvier 1800, p.79.
137
138
Ibid. Au Général Berthier, Paris, 12 Janvier 1800, p.77.
75
légère par engagements volontaires. Les engagements se font pour trois ans en temps
de paix. »
En septembre 1804, les garnisons sont les suivantes : le 1er bataillon est à Ajaccio ;
ses compagnies sont successivement détachées pour marcher en colonnes mobiles
ou cantonner dans différents points. Le 2e bataillon est à Bastia ; ses compagnies
stationnent dans les communes avoisinantes. Le 3 e bataillon est à Cervione ; une
compagnie surveille les plages du Fiumorbo et une autre tient garnison à Corte. Le 4e
bataillon est à Sartène ; ses compagnies stationnent dans les environs, notamment à
Fozzano et à Olmeto. Le 5e bataillon est à l’Île-Rousse et en Balagne.
Des colonnes mobiles circulent dans les deux départements, capturant bandits et
déserteurs, comme le faisait le Régiment provincial. Dans l’esprit du Premier Consul,
la création des bataillons doit sceller le retour de la Corse dans le giron de la
République. Des individus provenant de divers horizons sont recrutés et incorporés.
On y trouve des paolistes, des républicains, d’anciens émigrés et d’anciens
adversaires.
Toutefois, l’état sur la levée de l’an XIII montre les proportions énormes des
désignations de conscrits par rapport à la population : sur 727 conscrits inscrits pour
la levée de l’an XIII dans le Golo, 598 ont été désignés à part égale pour l’active et
pour la réserve et 47 pour l’inscription maritime, soit 89 % de l’ensemble de la classe.
Le 6 fructidor an XIII, le préfet du Golo signale que cette levée ne pourra et ne sera
jamais remplie en raison de l’importance du contingent demandé : les désignations ne
pourront porter en fait que sur 248 individus en raison des réformes, des exemptions
et des renvois devant le conseil de recrutement. SI l’on ajoute 250 enrôlés volontaires
dans les bataillons spéciaux d’infanterie légère corse, on ne peut désigner plus de 146
hommes pour l’active et 32 pour la réserve.
Un peu plus tard, le préfet persiste à dénoncer les injustices du tableau des opérations
de la levée de l’an XIII : « le département a été surchargé par la fixation de son
contingent qui n’a pas été proportionné à sa population ; tous les individus qui ont
atteint l’âge de la conscription se sont trouvés mis à la disposition du gouvernement. ».
L’examen de la levée de l’an XIV sur les deux départements corses semble prouver
que les cris d’alarme des préfets ont trouvé un écho favorable au ministère de la
Guerre : dans le Liamone, on ne trouve plus que 104 conscrits désignés sur 500
76
inscrits sur la liste, soit 21% ; dans le Golo, il n’y a plus que 166 conscrits désignés,
soit 22%139.
On sait d’ailleurs, pour le 1er bataillon de chasseurs corse, qu’il y a une nette majorité
de corse, toutefois 10% de français selon le registre d’incorporation140. Principalement
des corses du Golo, mais près de la moitié des bourgs et l’autre moitié du monde rural,
la ville de provenance principale est Ajaccio, on retrouve environ 60% de volontaire.
Louis BERGES, « Insoumission et désertion en Corse sous l’Empire », Etudes Corses, Corses et
Sardaigne entre Réformisme et Révolution, La marge édition, numéro 30/31, 1988, 348, p.306
139
140
SHD, 23YC22, Registre d’Incorporation 1er bataillon de chasseur an XII
77
78
79
Uniforme du 1er, 2ème, 3ème, 4ème, et 5ème bataillon de Chasseurs Corses dans
Chasseurs corses, chasseurs des Pyrénées et chasseurs à pied, 1803-1884 notes et
aquarelles par E. Fort, Gallica.
80
Chasseur volontaires corse 1803-1805 par Benigni, planche n°162141.
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973
141
81
II. Du bataillon de chasseurs corses au bataillon de tirailleurs corses
1. La levée du bataillon
Le Premier Consul est convaincu que la Corse est une des frontières de la France
et, à ce titre, doit bénéficier des moyens de sa défense. Mais il est nécessaire qu’y
règne l’ordre intérieur et qu’aucune subversion n’y soit tolérée.
La loi Jourdan-Delbrel du 19 fructidor an VI (5 septembre 1798) va dans le sens de la
politique militaire de Bonaparte, puisqu’elle dispose que « tout Français est soldat et
se doit au service de la patrie ». L’expérience montre que cette loi s’applique
difficilement en Corse. Aussi, dès que Mourant prend ses fonctions, le Premier Consul
le presse à recruter en Corse par la voie d’engagements volontaires : « Les deux
départements fournissent une grande quantité de bons soldats […] Procurez-vous des
recrues par tous les moyens142 ».
Le bataillon de tirailleurs corses prend forme. Avec le décret du 19 messidor an X
(8 juillet 1802) est formé et réuni à Antibes143 le 3e bataillon de la 3e demi-brigade
d’infanterie légère de chasseurs corses, comprenant dix compagnies, dont une de
dépôt. Il est constitué de natifs des départements du Golo et du Liamone. Sont ainsi
appliquées des règles dérogatoires au droit commun, qui rappellent les conditions de
mise sur pied du ci-devant Royal Corse, à savoir un recrutement exclusivement parmi
les natifs des deux départements corses. Ce dernier est toutefois plus difficile que
prévu. Deux centres de recrutement sont installés à Ajaccio et à Bastia avant d’être
redirigés sur Antibes. Ajaccio et Bastia étaient les principaux dépôts auparavant.
Pour comprendre ce qu’est un bataillon de dépôt il faut s’en référer à cette
définition : « Dans un régiment, c’est toujours le 5e bataillon qui reste au dépôt et qui
ne comprend pas de compagnies d’élite ; les autres sont les bataillons de guerre. En
1808, un bataillon de dépôt est composé de 4 compagnies. Il est donc plus faible dans
ses effectifs ; en principe, il est commandé par le major du régiment. Les recrues
142
Dominique BURESI, Les Corses au combat sous trois drapeaux 1792-1815, Ajaccio, 2003, 183,
p. 56.
143
SHD, XK4, Extrait des registres des délibérations des consuls de la République, 19 messidor an X,
Paris.
82
arrivent au dépôt et font l’école du peloton puis du bataillon dans ce cadre ; ensuite
elles rejoignent les unités en campagne ou cantonnement. »144.
On retrouve selon le registre d’incorporation du 3e bataillon de chasseurs, 30% des
individus proviennent des bourgs, 70% des villages, 20% de volontaires sur le registre
de 300 pages comprenant environ 1800 signatures145. On pourrait supposer alors que
les corses sont plus nombreux à choisir de servir sur les armes en Corse pour la
défense insulaire plutôt que de partir en campagne en Europe.
Le général Morand envoie aux deux préfets de l’Île les instructions du 21 prairial an XI
à savoir: « Le gouvernement a décidé qu’il serait levé cinq bataillons d’infanterie légère
par engagements volontaires. Les engagements se font pour trois ans en temps de
paix […] Ceux qui souscrivent reçoivent vingt-quatre francs. » Il est autorisé à nommer
aux emplois d’officiers, après accord du ministre de la Guerre. Cette attribution lui
accorde un immense pouvoir : il peut ainsi réintégrer dans l’armée des officiers de l’exarmée royale, des soldats ayant appartenu à l’armée du royaume anglo-corse,
promouvoir des sous-officiers méritants et faire accéder au grade d’officier des fils de
famille. Les préfets prennent le relais sur le terrain en précisant la marche à suivre.
Une bonne réputation est exigée, l’état de santé doit être contrôlé par le médecin
attestant de l’aptitude au service et le procès-verbal d’enrôlement à adresser au
ministre doit être signé par le conscrit.
Le commandant de la 23e division, ainsi nommé capitaine des chasseurs corses, a
pour ordre de recruter les officiers qui composeront le bataillon. Ceux choisis qui
appartiennent aux gendarmeries Natali et Albertini en Corse sont alors réformés de
ces dernières afin d’incorporer le bataillon. Le recrutement n’est pas fait par hasard ; il
est recherché une structure fidèle au gouvernement français146. Le 7 mai 1803, le 3e
bataillon des chasseurs corses et les autres bataillons de chasseurs sont intégrés dans
la 8e légère, conservant l’administration qui leur avait été attribuée147.
144
Alain PIGEARD, Dictionnaire de la Grande Armée, Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier, Paris,
2002, 805, p.89.
145
SHD, 23YC27 3e bataillon chasseur devenu tirailleurs an XI 1807
146
SHD, XK4, Lettre du ministre de la Guerre au commandant de la 23e division, 22 pluviôse an XI.
147
SHD, XK4, Extrait des registres des délibérations du gouvernement de la République, 17 Floréal an
XI.
83
Ce 3e bataillon dispose d’un certain succès parmi les Corses francophiles et les Corses
de l’armée. En témoigne la lettre de deux officiers, l’un au service de santé, l’officier
Manuelli, et le lieutenant Venturini à la 29e demi-brigade légère, adressée au Premier
Consul, dans le but de pouvoir intégrer le bataillon de chasseurs corses et ainsi servir
sur leur terre natale148. Ce bataillon a pour but comme l’avait déjà indiqué Napoléon,
de faciliter le recrutement et la conscription en Corse. Toutefois en Mars 1803, le préfet
Galeazzini du Liamone et Pietri du Golo ainsi que les maires n’ont pas pu encore réussi
à mettre en route les conscrits désignés, en cas de refus ces derniers seront envoyés
« aux colonies par punition »149. Fin Avril, effectivement les communes du
département du Liamone à l’exception d’Ajaccio, Sartène, Eccica-Suarella et Santa
Maria di Sicché étaient loin d’avoir fourni les quotas. Selon Xavier Poli, par ordre de
Morand le Général Radet organise une colonne volante pour soumettre les réfractaires
et placé des garnisaires car l’Etat avait épuisé tous les moyens de « douceur », mesure
prise également dans le golo, toutefois cette méthode des garnisaires est contredite
par Louis Berges.
Ces colonnes mobiles ont pour but de « Afin de lutter contre les insoumis et les
réfractaires, des colonnes mobiles sont instaurées sous l’Empire. Composées de
troupes d’élite, ces colonnes dont commandées par des généraux expérimentés et
déterminent leur marches en fonction des renseignements fournis par les préfets. Elles
ont ordre d’arrêter tout individu de moins de trente ans qui ne peut fournir la preuve
d’avoir satisfait aux lois de la conscription… On trouve également des colonnes
mobiles au sein de l’armée ; chargées de la discipline ; un ordre du jour de l’Empereur,
daté du 14 mai 1809, les organise ainsi en Autriche pour faire régner l’ordre. Leur objet
principal est de rechercher, arrêter et faire conduire au chef-lieu du cercle tous les
maraudeurs et traîneurs de l’armée, soit français soit alliés, qui n’appartiendraient pas
à des corps qui seraient dans le voisinage, pour les faire juger. »150.
Les difficultés du recrutement sont dues notamment aux registres paroissiaux mal
tenu, donnant de véritables difficultés au recrutement à savoir ou non si un individu est
148
SHD, XK4, Les lieutenants Manuelli et Venturini face au Premier Consul, 22 pluviôse an XI.
149
Xavier POLI, Tirailleurs Corses 1803-1812, Bulletin de la société des Sciences Historiques et
Naturelles de la Corse Imprimerie Moderne BASTIA, 1936, 227, p.10.
150
Alain PIGEARD, Dictionnaire de la Grande Armée, Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier, Paris,
2002, 805, p.170.
84
apte selon la loi au service militaire. Les parents souvent pour protéger les leurs,
appuyé par des témoins, disent que leurs enfants ont été baptisés à 2 ou 3 ans afin de
les sauver, mais le cas échéant la décision revient au bon vouloir du maire. Pouvant
être alors indulgent pour ses partisans, et d’une grande partialité quand il s’agissait
d’adversaire. Ainsi, au printemps 1803, le bataillon est en effet au complet. Un arrêté
du 2 mai 1803, prescrivit alors l’envoie à Antibes comme nous l’avons dit
précédemment, et ce afin de former le 3e bataillon de la 3e demi-brigade légère
ancienne devenue 8e demi légère nouvelle.
2. Bataillon de tirailleurs corses
Le 1er septembre 1805, le 3e bataillon prend le nom de « bataillon de tirailleurs
corses ». Il est rattaché au 8e régiment d’infanterie. Est créé au même moment un
nouveau bataillon de chasseurs qui, avec les deux premiers bataillons, fournissent un
contingent pour les tirailleurs151. Tous portent la tenue bleue impériale, comme
l’ensemble des régiments de ce type. La couleur du collet de l’habit, des parements et
des pattes de parements est modifiée, pour devenir vert pomme. Il s’agit de la seule
unité à porter cette teinte. Pendant longtemps, beaucoup ont pensé que ces hommes
portaient un uniforme marron. Cette confusion est sans doute due à la présence de
nombreux corps de chasseurs dans l’Île vêtus ainsi lorsqu’ils rejoignaient le bataillon.
Ils portent la demi-guêtre ou guêtre courte propre à l’infanterie légère.
Ils seront surnommés « cousin de l’Empereur », car le chef de Bataillon Ornano avait
une parenté avec Napoléon, ce dernier est d’ailleurs chevalier de la Légion d’honneur
au camp de Boulogne.
Les tirailleurs sont : « Les tirailleurs marchent en éventail, en dehors des rangs, devant
les bataillons ou escadrons, pour attaquer l’ennemi. Ils entament l’affaire que les corps
vont ensuite continuer, permettant ainsi une progression offensive ou protégeant
défensivement l’infanterie dans sa retraite. Quelquefois, elle se borne à un tiraillement
insignifiant, peu meurtrier et sans résultat ; c’est ce qui s’appelle à proprement parler,
151
SHD, XK4, Décret de Napoléon, camp de Boulogne, 14 Fructidor an XIII.
85
« tirailler »…C’est la Révolution qui développera et systématisera cette manière de
combattre ; certains régiments y seront spécialisés et prendront le nom d’infanterie
légère. »152.
En octobre 1803, ils quittent Antibes pour se rendre au Camp de Boulogne 153, selon
Xavier Poli, 131 hommes sur les 950 de l’effectif partirent à l’hôpital à cause de la
dureté de l’hiver. C’est au moment où ils quittent le camp de Boulogne avec la Grande
Armée que la dénomination de Tirailleurs Corses devient vraiment effective, et non
plus le « 3e bataillon du 8e léger ». A ce moment-là en 1805, ils font partie du 4e corps
de la Grande Armée sous les ordres du Maréchal Soult, 3 e division d’infanterie du
Général Legrand, brigade légère du Général Merle.
En 1805, ils sont à l’avant-garde dans la division Vandamme154 en direction
d’Augsbourg où dans un premier temps ils sont chargés de garder la ville
d’Augsbourg155 village après avoir rejoint le corps d’armée du Maréchal Soult puis
ensuite rejoindre la division Legrand et participer à la bataille d’Ulm après une longue
marche forcée qui a éreinté le bataillon, en 1809 les tirailleurs Corses refont partie de
la Division Legrand156 comme au camp de Boulogne où ils étaient affecté au 4e corps.
Cette première campagne est rude pour eux. Ils sont pieds nus durant les premiers
mois, devant attendre une distribution157. La division franchit l’Inn avant d’arriver à
Viennes, puis participe à la bataille d’Hollabrünn158 lors de laquelle elle s’illustre en
ouvrant le feu face à une arrière garde russe, ce qui permet de couvrir les autres
compagnies qui suivent en colonne. Auparavant, le bataillon avait participé à la
capitulation de la ville d’Ulm le 12 octobre.
152
Alain PIGEARD, Dictionnaire de la Grande Armée, Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier, Paris,
2002, 805, p.559.
153
Xavier POLI, Tirailleurs Corses 1803-1812, Bulletin de la société des Sciences Historiques et
Naturelles de la Corse Imprimerie Moderne BASTIA, 1936, 227, p.23.
154
AN, AFIV 1372, Lettre de Napoléon à Soult, 4 octobre 1805.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 14, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au Maréchal Berthier Saint Cloud 1806, p.653.
155
Correspondance Générale de Napoléon, tome 18, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au Général Clarke, Comte d’Hunebourg ministre de la guerre 1 er
janvier 1809, p.194.
156
157
AN, AFIV 1372, Lettre de Saligny aux chefs d’état-major du 4e corps, 26 octobre 1805.
158
Dominique BURESI, Les Corses au combat sous trois drapeaux 1792-1815, Ajaccio, 2003, 183,
p.72.
86
Le 1er décembre, les tirailleurs corses et du Pô forment avec la 3 e de ligne un corps
d’observation qui, selon les ordres du maréchal Soult, doit tenir Telnitz et Sokolnitz lors
de la bataille d’Austerlitz et entraver la marche de l’ennemi en maintenant position sur
les lisières. Les pertes sont lourdes, l’effectif est presque réduit de moitié, mais le
bataillon s’est bravement comporté dans la défense du village de Sokolnitz159. L’effectif
est réduit de moitié. Le capitaine Morandini, le lieutenant Buttafoco et le souslieutenant Albertini sont blessés.
Le 1er août 1806, le bataillon de tirailleurs corses n’est plus susceptible de recevoir de
changements160, il est alors composé de 10 compagnies dont une de carabiniers et
huit de chasseurs et celle de dépôt à Antibes. Les mutations provenant des
compagnies franches du Golo et du Liamone ont été incorporées. La nomination
s’ensuit alors, conformément à la loi du 9 germinal an III. Le ministre y répond
favorablement, adressant les nominations de capitaine et de lieutenant à l’Empereur.
Le bataillon de tirailleurs corses repart alors en campagne. Le 27 septembre, il reçoit
l’ordre de mise en route, qui n’étonne personne. Le bataillon fait toujours partie du 5 e
corps dans la division Legrand. Le 9, cette dernière est regroupée à Munchberg.
Malgré une marche forcée de trente-deux kilomètres, quand elle arrive à neuf heures
du matin, en vue d’Iéna, elle est à quinze kilomètres du champ de bataille. Elle n’y
participe pas, mais se lance à la poursuite de l’ennemi161 afin de le harceler obligeant
Blücher de mettre à bas les armes et Ney faisant le siège de Magdebourg.
Napoléon rappelle à l’armée en 1807 son souhait que les conscrits corses soient
incorporés dans les tirailleurs corses et non dans le 17e léger162.
Durant les combats de Hof, la division Legrand encaisse 4 charges et fait face à 10 000
russe avant que la 26e Léger et les cuirassiers d’Hautpoul les fasse décrocher,
auparavant Morandini et ses hommes dûrent affronter 6 bataillons russes.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 11, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, 36e Bulletin de la Grande Armée, p.582.
159
160
SHD, XK4, Rapport fait au ministre par le chef de la 2e division, 1er août 1806.
161
Dominique BURESI, Les Corses au combat sous trois drapeaux 1792-1815, Ajaccio, 2003, 183,
p.81.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 14, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au Général Lacuée, Osterode 20 mars 1807, p.602.
162
87
A Eylau, c’est la mort dans la neige, Legrand a déployé ses deux bataillons de
tirailleurs de chaque côté de la route qui mène à Eylau, les russes qui prennent
l’initiative subissent un feu nourri qui les fait reculer mais en ordre. Le 26 e léger et les
tirailleurs corses parviennent à rentrer dans le village, progressant de maison en
maison. Le bataillon a été durement éprouvé, un tiers de l’effectif est à terre 163, le
bataillon est réduit à 400 hommes, 14 officiers ont été tués ou blessés. Le Général
apprend à Morandini qu’il est nommé chef de bataillon. Le lendemain, une pluie de
boulet s’abat sur Eylau, Morandini fait sortir ses hommes du village, il reçoit ses ordres
du Général Legrand « notre mission est de tenir le village sans esprit de recul ».
A Heillsberg, le 11 juin 1807, l’objectif est tenu en une heure, les tirailleurs corses, du
Po et le 26e léger soutenu par les 18e et 75e de ligne avec la réserve du 105e de ligne
ont ordre de chasser l’ennemi du bois de Lawden. Toutefois, l’ennemi démasque ses
escadrons, les bataillons se mettent en carré et Legrand trouve refuse dans le carré
corse. Les corses sont chargés avec les piémontais d’aller dégager le 18 e de ligne en
prise avec 3 régiments ennemi. Les corses ont 4 officiers et 71 soldats hors de combat
dont Morandini qui est a été blessé. Le bataillon participe après à Friedland et
l’armistice de Tilsitt.
Courant 1809, le bataillon des tirailleurs corses rejoint sous le commandement du
Général Oudinot dans la division Coehorn avec les 2e et 4e demi-brigades légères. Ils
entrent en campagne en Bavière avec 813 tirailleurs. Le 22 avril, ils prennent la route
de Ratisbonne mais arrive trop tard à Eckmühl. Le 3 mai 1809, ils sont à Ebersberg où
Masséna fait engager les tirailleurs corses, ils arrivent à rentrer dans le château avec
la 4e légère mais une fois dedans c’est un piège à feu, la compagnie corse à l’arrièregarde est détruite, les survivants avec Morandini sont blessés ou capturés, mais leur
sacrifice a sauvé la brigade.
Lors de leur participation à la campagne d’Allemagne de 1809, notamment à Essling
et Wagram164 où ils s’emparent des batteries avec la brigade Conroux, ils se relient au
corps de Davout sur la droite pour ensuite, par un changement de direction, à gauche,
s’aligner derrière les divisions Frère et Grandjean, se placer entre Baumerdorf et
163
Dominique BURESI, « Relation historique des campagnes des troupes corses, 1792-1815 », Histoire
et Défense les cahiers de Montpellier, n°44, Montpellier, 2007, 224, p.117.
164
SHD, XK4, Rapport fait au ministre de la Guerre par le général Vandame, 16 octobre 1810.
88
Grosshofen et prendre pied sur les rives du Russbach, auxquelles les Corses
s’accrochent. Mais ils ne peuvent pénétrer dans le village.
Deux sous-lieutenants sont blessés Casalta et Barbieri. Ce dernier décède de ses
blessures. Le lendemain, à six heures, le combat reprend. Sur le front du 2e corps,
jusqu’à midi, a lieu un duel entre les deux artilleries.
La division Tharreau poursuit son avancée. Wagram est assiégé, non sans pertes ;
celles de quatre officiers. Un sous-officier, le sergent-major Berlandi, blessé à la
cuisse, est promu dans l’ordre de la Légion d’honneur comme le capitaine
Casabianca165.
En 1809, l’ancien chef de bataillon, Morandini, de retour de la prison de l’ennemi, a
pour ordre de reprendre ses fonctions, et le chef de bataillon Casabianca de se rendre
chez le Duc de Rivoli afin de reprendre ses fonctions d’aide de camp166.
1809 le régiment est assez déstabilisé, mal équipé, mal administré selon Napoléon qui
demande lui-même des comptes au Général Comte Dejean alors ministre directeur de
l’administration de la guerre167. Les tirailleurs corses et les tirailleurs ont d’ailleurs
beaucoup perdus à la bataille d’Ebersberg qui eut lieu le 3 mai 1809 168, mais ces
bataillons ont selon l’Empereur un excellent esprit.
Napoléon dans une lettre au Général Clarke, se plaignant du fait que les dépôts des
tirailleurs corses disposent de recrue d’autres départements de ceux de la Corse. Le
bataillon de tirailleurs corses est selon Napoléon est un moyen de son intention afin
de faciliter la conscription pour les départements de Corse afin de les réunir dans un
cadre composé de leurs compatriotes169.
La conscription est « la levée annuelle de soldats pour le compte de l’armée, les jeunes
enrôlés étant désignés par le terme de conscrits. Le recrutement révolutionnaire fondé
165
SHD, XK4, Rapport fait au ministre par le commandant de la 24e division, 30 août 1808.
166
SHD, XK4, Ordre du Bureau de l’infanterie, 6 octobre 1809.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 18, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au Général Comte Dejean ministre directeur de l’administration de
la Guerre à Paris La Malmaison 22 mars 1809, p.445.
167
168
Ibid. Au Général Clarke, Enns 4 mais 1809, p.622.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 19, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au Général Clarke, Schönbrunn, 7 septembre 1809, p.517.
169
89
sur le volontariat avait montré ses limites, aussi le Directoire vote-t-il la loi dite JourdanDelbrel, le 19 fructidor an VII (5 septembre 1798), instituant la conscription en France.
Désormais, tous les Français âgés de 20 à 25 ans doivent effectuer un service militaire
dont la durée n’est pas fixée de manière précise.
1° La répartition du contingent annuel est fixée d’après le décret du Sénat, par la
direction compétente, pour chaque département. Le préfet en arrête le chiffre pour son
département
2° Il est dressé, dans chaque commune, par les soins du maire, une liste générale
alphabétique des conscrits, ceux de l’année et les ajournés des années précédentes.
L’inscription sur cette liste doit être demandée par le conscrit lui-même ou par son
représentant légal
3° Le conseil de recrutement (troisième phase de l’opération) se tient en public. Il
comprend le préfet et le général du département, le major d’un régiment qui y a son
dépôt, le capitaine commandant le recrutement, plusieurs officiers de santé, de
préférence ceux des hôpitaux jamais les mêmes deux ans de suite). Le conseil tient
les registres minutieusement paraphés, et qui ne doivent porter aucune modification
ni surcharge.
4° Rentré au chef-lieu de département, le conseil se prononce sur les substitutions,
hors de la présence des sous-officiers de recrutement et des maires des communes
pour les tenir rigoureusement à l’écart de ce genre d’opérations. La substitution est
une permutation de numéro entre un conscrit qui en a tiré un mauvais et une autre en
ayant tiré un bon. Ils doivent être du même canton et de la même classe. Le substitué
versera sur le champ une somme de 100 francs destinée à l’équipement du
substituant. »170.
Un état des Archives nationales (AF IV 1121-1147)171 donne le chiffre de 1 940 699
conscrits pour la période courant l’an VIII jusqu’à la levée des 300 000 hommes de
1813.
170
Alain PIGEARD, Dictionnaire de la Grande Armée, Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier, Paris,
2002, 805, p.181
171
Ibid. p.184.
90
Les Tirailleurs Corses - Planche d'André JOUINEAU
Chasseur - Sergent major - habit de carabinier - Habit de voltigeur - Carabinier Drapeau - Fanions de Compagnies - Tambour - Officier - Sapeur
3.
L’incorporation du bataillon
dans le 11e régiment d’infanterie
légère
Par ailleurs, les années 1810 et 1811 marquent un tournant dans l’existence du
bataillon des tirailleurs corses, par leur réformation puis incorporation dans le 11e léger.
En Allemagne, le bataillon est affecté au corps du maréchal Davout lors de la
dissolution du 2e corps. Le 16 juin 1810, il est à Mayence, après un temps à la garde
des villes Hanséatiques172. En août, il stationne à Boulogne avant que s’opère la
réforme de réduction des compagnies. Des plaintes sont portées alors au ministère
Correspondance Générale de Napoléon, tome 20, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au général Clarke duc de Feltre Gand 17 mai 1810, p.517.
172
91
afin que les officiers corses conservent leur poste. En témoignent les notes du
sénateur Casabianca relatives aux états de service du capitaine Campana, proposant
alors de le mettre en état de retraite ou de le faire servir dans les bataillons de la
Méditerranée, ce capitaine servant depuis la Révolution173. La réorganisation est alors
entamée le 5 août 1810 par le général Vandamme, conformément à la décision de
l’Empereur. Désormais, les tirailleurs corses et les tirailleurs du Pô sont réduits chacun
à six compagnies, conformément à l’ordre de l’Empereur174. Le général enregistre des
plaintes des officiers concernant la réduction du corps175. La réforme est perçue
comme nécessaire, selon un rapport de l’adjudant Borghèse qui a passé cinq mois
avec les tirailleurs corses. Ce dernier qualifie le chef de bataillon Morandini d’ « officier
sans moyen pour l’administration », doté d’un caractère « rapace » et commandant de
manière « partiale » et « despotique ». Il dénonce également le chaos dans
l’administration, dont le dénuement des soldats en est la preuve, et le fait que la solde
n’est jamais payée régulièrement – si les commandants de compagnies osent
réclamer ce qui est leur dû, Morandini les injurie avant de les punir. Il considère que la
réforme est nécessaire, car, selon lui, le chef de son bataillon n’est pas instruit et ne
détient aucune qualité pour être chef de ce corps176. Ainsi, l’image idyllique des
tirailleurs corses que se plaisent tant à mettre en avant les anciens militaires corses
est quelque peu écornée. Le général Vandamme déplore les mêmes problèmes, citant
que les tirailleurs du Pô et corses sont dans un état peu satisfaisant, que
l’administration est en désordre et que le chef de bataillon est de mauvaise foi177.
En Mars 1811, le bataillon de tirailleurs corses est placé à Magdebourg sous les ordres
du Maréchal Davout178 et dans la division Dessaix179.
173
SHD, XK4, Note du sénateur Casabianca, 23 juin 1810.
174
SHD, XK4, Rapport fait au ministre de la Guerre par le commandant de la 23 e division militaire, 17
août 1810.
175
SHD, XK4, Rapport fait au ministre de la Guerre par le général Vandame, 16 octobre 1810.
176
SHD, XK4, Rapport de l’adjudant Borghèse au ministre de la Guerre, 10 septembre 1810.
177
SHD, XK4, Lettre du général Vandame au ministre de la Guerre, Camp de Boulogne, 26 novembre
1810.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 21, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au Maréchal Davout Prince d’Eckmühl commandant en Allemagne,
Paris, 24 mars 1811, p.594.
178
179
Ibid. Au Général Clarke, Paris, 24 Mars 1811, p.589.
92
Le 3 juin 1811, Napoléon crée la 7e compagnie des tirailleurs corses, appelée
« compagnie de dépôt »180, la forme à Trèves et ordonne au lieutenant de partir pour
la Corse afin de recruter181. Néanmoins, ce sursaut d’espoir est vain, car, le 11 août
de la même année, l’Empereur décrète que les bataillons des tirailleurs corses et des
tirailleurs du Pô formeront le 11e régiment d’infanterie légère, numéro vacant depuis
1803. Le dépôt est effectué à Trêves et les tirailleurs corses forment le 1 er bataillon.
Dorénavant, les hommes provenant de la conscription de l’île d’Elbe sont envoyés
dans ce régiment, recruté à Turin182. Le 15 septembre 1811, l’incorporation des
bataillons est achevée. Ces derniers comprennent au total sept cent huit hommes 183.
Le dépôt de ce régiment est Wesel, où il va tenir garnison. Il retrouve le bataillon
piémontais au corps d’observation du Rhin. Il compte au total quatre bataillons.
Comme dit précédemment, le 1er bataillon est constitué des anciens tirailleurs corses.
Le bataillon piémontais devient le 2e bataillon du régiment. Le Valais ayant été
incorporé à l’Empire, le bataillon valaisan forme le 3e bataillon. Le 4e est constitué de
recrues corses et piémontaises. Ils rejoignent le 2e corps d’Oudinot, 8e division de
Verdier. Le régiment est composé en tout de 85 officiers, et 3506 soldats et sousofficiers avant de rentrer en campagne en Russie où ils vont participer au combat de
Polosk et de Svolna sur la grande route de Saint-Pétersbourg.
Il entre en Russie en juin avec quatre-vingt-deux officiers et trois mille cent dix-huit
fantassins. Le 2e corps forme la droite de l’armée. Il accuse des pertes sévères ; le
colonel Casabianca est tué le 11 août, lui qui avait été désigné par l’Empereur pour
prendre le commandement du Régiment 1 an plus tôt.
Le régiment disparaît à la Bérézina en même que les capitaines Buttafoco et Spoturno
à la tête de leurs hommes, puis le régiment est reconstitué en 1813. Il a perdu toute
identité corse, les anciens du bataillon ayant pratiquement disparu en Russie. En 1814,
180
SHD, XK4, Décret de Napoléon, Chartres, 3 juin 1811.
181
SHD, XK4, Lettre du commissaire ordonnateur chef de la 4e division au ministre de la Guerre, 6 juin
1811.
182
SHD, XK4, Copie du décret de Napoléon, 11 août 1811.
SHD, XK4, Procès-Verbal d’incorporation des bataillons des tirailleurs corses dans le 11 e régiment
d’infanterie légère, Place de Wesel, 15 septembre 1811.
183
93
il reçoit près de cinq cents hommes de l’ex-Real Corso, rapatriés de Naples. Ils
participent avec lui à la campagne de Belgique en 1815184.
On peut s’interroger sur les raisons qui ont conduit à dissoudre ce bataillon d’élite. À
partir de 1810, l’armée a des besoins énormes en termes d’effectifs et les bataillons
formant corps sont difficiles à gérer, alors que les nouveaux régiments recrutent au
sein des cent trente départements de l’Empire. Xavier Poli livre un détail intéressant185,
à savoir que l’existence de bataillons formant corps présentaient des inconvénients
pratiques, au moment d’entrer en campagne ils se devaient de les enrégimenter et
l’expérience de la guerre de 1809 était là pour prouver que les intérêts des officiers et
soldats étaient souvent sacrifiés par les colonels qui se souciaient peu de faire ressort
l’éclat des troupes mises momentanément sous leurs ordres.
Désormais, les tirailleurs, incorporés dans des unités sans caractère identitaire,
continuent à maintenir leur réputation à titre individuel.
III. Les chasseurs du Golo et du Liamone
1. La levée des bataillons de chasseurs du Golo et du Liamone
Le 5 août 1805 est décrétée la levée de deux bataillons, les bataillons du Golo et
du Liamone, spécialement destinés à la défense intérieure et extérieure des deux
départements186.
Le recrutement a lieu au sein de ces derniers187. Chacun des bataillons est composé
de cinq compagnies de cent hommes (soit cinq cents hommes). L’organisation, le
traitement et la solde sont identiques.
184
Dominique BURESI, Les Corses au combat sous trois drapeaux 1792-1815, Ajaccio, 2003, 183p,
p.102-103.
185
Xavier POLI, Tirailleurs Corses 1803-1812, Bulletin de la société des Sciences Historiques et
Naturelles de la Corse Imprimerie Moderne BASTIA, 1936, 227p, p.183.
186
SHD, XK4, Lettre du ministre de la Guerre au président du Comité central des revues et de
l’administration des troupes, Paris, 11 fructidor an XIII.
SHD, XK4, Décret de Napoléon, extrait des minutes de la secrétairerie d’État, camp de Boulogne,
17 thermidor an XIII.
187
94
Aucun individu âgé de moins de vingt-cinq ans ne peut y être admis. Le général
commandant de la 23e est chargé de la nomination des officiers et des sous-officiers.
Les bataillons prennent ainsi forme avec l’arrêté du général Morand, qui porte sur la
création des deux bataillons, dans le Golo et dans le Liamone188, le 20 et 22 octobre
1805189.
Avec la transformation du 3e bataillon de chasseurs corses en tirailleurs corses,
Napoléon donne ordre de lever, le 7 décembre 1805, dans la 23e division militaire, un
3e bataillon d’infanterie légère corse nommé « 2e bataillon du Golo » et où sont admis
des hommes des deux départements190.
Toutefois, ce bataillon ne rencontre pas un franc succès avec le prolongement de la
guerre, et l’attrait de la terre natale est toujours plus fort. S’ensuit une vague de
démission de la plupart des officiers le 3 septembre 1808. L’Empereur et le ministre
de la Guerre acceptent et autorisent les démissions191 de Fabrizy, lieutenant au
bataillon du Liamone, qui souhaite être employé dans l’administration en Corse,
d’Ottavi, sous-lieutenant au bataillon du Golo et de Borbone, sous-lieutenant au
bataillon du Golo ; ces derniers souhaitent se rapprocher de leur foyer, l’un pour
affaires, l’autre pour considérations familiales. Ces trois bataillons, comme les autres
bataillons corses, ne dérogent pas à la règle ; ils sont composés, en haut comme en
bas de la hiérarchie, par une large majorité de Corses192 : Cesari est le chef du
bataillon, suivi de l’adjudant-major Galloni, du quartier-maître Mattarana, des
capitaines Quenza et Battesti, des lieutenants Cesari et Folacci ainsi que d’autres
noms typiquement insulaires.
Le capitaine Casabianca présente un parcours tout à fait atypique du soldat corse
durant le Premier Empire : ancien du bataillon de volontaires corses engagé le 1er avril
188
SHD, XK4, Procès-verbal d’organisation du 1er bataillon du Golo, 28 vendémiaire an XIV.
189
SHD, XK4, Procès-verbal d’organisation du 2e bataillon du Golo, 30 vendémiaire an XIV.
SHD, XK4, Décret de Napoléon, extrait des minutes de la secrétairerie d’État, Austerlitz, 16 frimaire
an XIV.
190
191
SHD, XK4, Minute de la lettre écrite par le ministre de la Guerre au général de division commandant
la 23e division à Bastia, 3 septembre 1808.
192
SHD, XK4, Extrait des minutes de la secrétairerie, Palais de St-Cloud, 19 juin 1806.
95
1798, puis lieutenant des tirailleurs corses et, enfin, capitaine au bataillon de
chasseurs du Golo193.
2. Rôles des bataillons du Golo et du Liamone et sa situation en Corse
En août 1808, les trois bataillons d’infanterie légère (le bataillon du Liamone et
les deux bataillons du Golo) stationnent en Corse afin de rétablir l’ordre suite à la vague
d’insurrections qui frappe la Corse194. Pourtant, la situation militaire de 1808-1809 en
Corse est assez catastrophique. Selon un rapport du général Morand datant de 1809 :
la gendarmerie de Corse dispose de très faibles ressources après le départ à pied de
la 14e brigade de gendarmerie pour le grand-duché de Toscane ; la moitié du bataillon
de la Méditerranée, fort de trois cent soixante hommes qui stationnent en Corse,
occupe les hôpitaux et est dans l’« impossibilité d’être d’une quelconque utilité » ; les
conscrits réfractaires qui se multiplient portent encore sur eux leurs habits villageois et
attendent leur équipement depuis six mois ; les trois bataillons du Golo et du Liamone,
quant à eux, disposent d’un armement médiocre et sont mal vêtus.
Morand demande que ces corps puissent jouir des mêmes avantages que le bataillon
franc de l’île d’Elbe, car, selon lui, ils disposent d’une grande force morale et d’un
dévouement sans faille « qui ne laisseraient rien à désirer concernant les exécutions
des mesures du gouvernement qui pourraient être ordonnées195 ». Il considère que
ces bataillons, quoique petits, méritent que l’on parle de leur situation, car ils assurent
des tâches routinières parfois ingrates.
La résistance aux levées est largement masquée par la création des bataillons corses
dans lesquelles se sont engagés en grand nombre ceux qui refusent de partir comme
conscrits, en témoigne la décision de Napoléon du 9 janvier 1804 pour Morand de faire
admettre 100 conscrit réfractaires condamnés à l’amande dans bataillons de
193
SHD, XK4, Mémoire de proposition pour la solde de retraite en faveur du capitaine Casabianca de
la 5e compagnie du bataillon du Golo, Bastia, 29 octobre 1809.
194
SHD, XK4, Rapport fait au ministre par le commandant de la 24e division, 30 août 1808.
195
SHD, XK4, Rapport fait à Napoléon sur la situation actuelle de la force armée en Corse par le
commandant Morand, Bastia, 6 mai 1809.
96
chasseurs corses afin de prévenir les inconvénients qui pourraient résulter de la
désertion dans les montagnes.
Les statistiques préfectorales sont donc faussées à l’origine et les préfets corses
peuvent en profiter pour affirmer que les Corses ne refusent pas le service militaire
mais plutôt la forme qu’il prend, c’est-à-dire une sorte d’impôt du sang. La constitution
de bataillons corses est donc faite pour répondre à l’avance au souhait des Corses de
ne pas servir comme simples hommes de troupe mais comme guerriers professionnels
organisés en corps spécial au service de l’Empereur. Le succès des bataillons corses
prend ici toute sa signification, surtout si on le compare à des tentatives analogues
réalisées dans d’autres régions de l’Empire196.
3. Faits d’arme et l’incorporation dans le Royaume de Naples
Ils participent à la surveillance et à la défense des côtes harcelées régulièrement par
la Royal Navy.
En 1809, les Anglais attaquent la batterie des Sanguinaires. En 1810, c’est à
Macinaggio qu’ils tentent un débarquement. La même année, le sous-préfet de
l’arrondissement de Sartène se porte avec cent cinquante hommes à Campo Moro à
la suite d’une tentative anglaise de débarquement. En 1811, deux bâtiments au
mouillage à Sagone sont attaqués, après que la batterie de côte a été démontée par
le feu ennemi. Pour éviter leur capture par abordage, ils sont incendiés par leur
équipage, mais l’intervention de la troupe conduit les Anglais à ne pas tenter de
débarquer197.
Les bataillons participent aux missions de la gendarmerie et à la lutte contre le
banditisme, lors desquelles ils subissent des pertes, en coopération avec les soixantedouze brigades de l’Île.
Louis BERGES, « Insoumission et désertion en Corse sous l’Empire », Etudes Corses, Corses et
Sardaigne entre Réformisme et Révolution, La marge édition, numéro 30/31, 1988, 348, p.311.
196
197
Dominique BURESI, Les Corses au combat sous trois drapeaux 1792-1815, Ajaccio, 2003, 183,
p.61.
97
En juin 1809, un nouveau projet de bataillon corse d’infanterie légère voit le jour. La
levée s’opère une fois de plus par un enrôlement volontaire parmi les Corses qui ne
sont pas sujets à la conscription. Leur uniforme est identique à celui des autres
bataillons de chasseurs corses198.
Morand a ainsi pour ordre de lever dans les départements du Golo et du Liamone un
nouveau bataillon de chasseurs corses, afin qu’ils prennent garnison à Livourne en
Toscane, composé de cent quatre-vingt-treize hommes, dont huit officiers199. Celui-ci
prend la dénomination de « 4e bataillon d’infanterie légère corse ». Les engagements
sont de trois ans200.
Un rapport fait état que le bataillon est entièrement composé de Corses, car les
bataillons corses, en général, « ne peuvent être bien commandés que par des
Corses »201.
Ce bataillon au service de la France n’est qu’éphémère ; l’Empereur décide de
l’envoyer au service du roi de Naples, pour qu’il soit incorporé dans la Légion royale
corse. Le bataillon cesse d’être à la solde de l’Empire français dès son arrivée à
Naples202.
Ainsi, de 1804 à 1810, les unités levées ont pour caractéristique d’être entièrement
composées de Corses, et certaines d’avoir un uniforme en drap du pays marron, avec
un armement comportant, outre la dotation réglementaire, un pistolet et une giberne
dite « à la corse ». L’extension des conflits et les besoins croissants en hommes
entraînent l’appel de nombreux contingents. L’incorporation à l’Empire de
départements belges, rhénans, italiens, hollandais et même suisses donne un
caractère cosmopolite à l’armée napoléonienne.
Une difficulté de la période est de distinguer les différents chasseurs levés en Corse,
5 bataillons ont été levé en 1803 en Corse et ce pour y rester habillés en marron drap
198
SHD, XK4, Décret de Napoléon, Schönbrunn, 1er juin 1809.
199
SHD, XK4, Lettre du ministre de la Guerre au commandant de la 23e division, 14 juin 1809.
200
SHD, XK4, Extrait des minutes de la secrétairerie d’État, Schönbrunn, 21 juin 1809.
201
SHD, XK4, Rapport au ministre par le général Morand, 23 septembre 1809.
202
SHD, XK4, Lettre du Ministre de la Guerre au roi des Deux-Siciles, 18 avril 1810.
98
du pays, 4 des bataillons passeront ensuite en Italie où ils formeront la Légion Corse.
Ces levées sont différentes de celle qui formera les tirailleurs corses habillés en bleu.
Tableau par Batailles des officiers tués et blessés203.
203
Xavier POLI, Tirailleurs Corses 1803-1812, Bulletin de la société des Sciences Historiques et
Naturelles de la Corse Imprimerie Moderne BASTIA, 1936, 227p, p.205-206
99
Suite Tableau par Batailles des officiers tués et blessés204
204
Xavier POLI, Tirailleurs Corses 1803-1812, Bulletin de la société des Sciences Historiques et
Naturelles de la Corse Imprimerie Moderne BASTIA, 1936, 227p, p.207.
100
Les drapeaux des formations corses sous la République et l’Empire – 1792-1815,
planche n°168205.
Figure E : 1er Bataillon des Volontaires de Corse 1792-1794 (Documentation Charrié)
Figure F : Tirailleurs Corses – 1804-1811 (Collections du Prince de la Moskova.
Bibliothèque du Musée de l’Armée Paris)
Figure G : Bataillon des Tirailleurs Corses de l’Île d’Elbe – 1815 (Musée de Gap.
Documentation R. et J. Brunon)
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, P186
205
101
Chapitre 3 :
La Corse réfractaire et sédentaire
Dans ce chapitre, il s’agira de montrer que coexiste en corse deux types de
troupes, à savoir des troupes réfractaires principalement italiennes à savoir les
bataillons de la méditerranée qui deviendra le 35 e léger ayant en son sein également
des corses, puis la seconde levée de chasseurs corses qui deviendra la Légion Corse,
puis Royal Corse ou encore « Real Corso » au service de Naples.
I.Des bataillons de la Méditerranée au 35e léger
1. Les bataillons de la Méditerranée
Initialement, nous pensions que le 35e léger, anciennement régiment de la
Méditerranée et bataillon de la Méditerranée, pouvait avoir en son sein des conscrits
réfractaires corses. En réalité, il n’en est rien. Toutefois, ce dernier a bien eu certains
officiers corses dans ses rangs pour chapoter le régiment prenant garnison en Corse.
Très tôt, la question apparaît de savoir s’il faut ou non habiller les réfractaires et en
faire des troupes. Certains sont d’avis que non, car ils sont indisciplinés, et donc cela
augmenterait les coûts ; pour d’autres, ces troupes constitueraient un vivier pour les
dépôts situés à Gênes et à Fort Lamalque206.
La consultation d’un premier contrôle du bataillon de la Méditerranée à ses débuts
nous apprend que l’état-major est composé du chef de bataillon Lefebvre, que les
seuls officiers corses que l’on retrouve sont dans la 2e compagnie, à savoir le capitaine
Filippi207, que figure dans la 3e compagnie le capitaine Otta, et dans la 4e compagnie
le capitaine Ciavaldini. Dans un État des officiers réformés chargé du régiment de
réfractaire au régiment de la Méditerranée, le général Morand présente notamment
d’anciens tirailleurs corses afin qu’ils siègent comme officiers, notamment le sous-
SHD, XK35, Lettre du ministre directeur de l’administration au ministre de la Guerre, le 24 juin 1805
à Paris, documenté classé secret par les archives.
206
207
SHD, XK35, Contrôle du bataillon de la Méditerranée.
102
lieutenant Righini Costa. Au début, le bataillon est essentiellement encadré par des
Français.
Par décret du 8 juin 1808208, s’organise, en Corse, un bataillon destiné à servir de
dépôt aux conscrits réfractaires des départements italiens de l’Empire. Constitué de 6
compagnies de chasseurs et d’un état-major, au total de 629 hommes, il prend le nom
de « bataillon de la Méditerranée » en juillet 1808209. Les conscrits réfractaires seront
embarqués et dirigés à Bastia pour y être organisés en un bataillon de 600 hommes
et employés à la défense de l’île de Corse. Ils seront alors « traités » comme ceux qui
servent dans l’infanterie. N’ayant pas de sous-officiers dans la 23e division militaire, il
est chargé d’en nommer depuis la troupe, ces derniers pouvant venir du continent ou
de Corse. L’uniforme sera le même que celui de l’infanterie, mais sans parement ni
collet.
Les hommes les plus compétents seront nommés sous-officiers. Quant au bataillon, il
sera traité comme l’infanterie de ligne et aura la même solde210.
Les conscrits sont envoyés dans un premier temps au Fort Lamalque et à Gênes avant
de gagner Bastia211. Ces derniers ont pour ordre de gagner ces lieux de manière
progressive. Les autorités ont peur pour la discipline. Cela facilitera ainsi le travail de
la Police plutôt que tout envoyer en un bloc.
Initialement, le bataillon ne comptait que 3 compagnies. 3 nouvelles compagnies sont
levées entre fin 1808 et début 1809, et vont former les 4 e, 5e et 6e compagnies212.
Morand annonce dans sa lettre que la conscription en Corse est conforme depuis le
23 juillet 1808.
208
SHD, XK35, Rapport fait au ministre de la Guerre, bureau de l’inspection, 29 juin 1808.
SHD, XK35, Lettre du chef du bureau de l’inspection ministère de la Guerre à M. Govare, chef de
l’inspection d’état civil et militaire, 15 juillet 1808.
209
210
SHD, XK35, Lettre du ministre de la Guerre au général commandant la 23 e division, bureau de
l’inspection, 13 juillet 1808.
SHD, XK35, Lettre du chef du bureau de l’inspection Ministère de la guerre à M. Govare, chef de
l’inspection d’état civil et militaire, 15 juillet 1808.
211
212
SHD, XK35 Lettre du général Morand, des nouveaux officiers du bataillon de la Méditerranée au
ministre de la Guerre, 23 mars 1809.
103
C’est à ce même moment, en mars 1809, que le bataillon compte définitivement 629
hommes, après que le ministre de la Guerre a accepté l’organisation du bataillon.
Avril 1809, les conscrits réfractaires arrivent dans les faubourgs d’Ajaccio depuis
Toulon. Ils sont toujours vêtus à la villageoise. Les magasins d’habillement sont à
Ajaccio et sont chargés de pourvoir à leurs besoins. 100 hommes reçoivent alors habits
et souliers avant de prendre la route de Bastia213.
Le 24 avril 1809, le bataillon est réduit à 4 compagnies, dont 3 de 156 hommes et la
4e de 146. Le bataillon souffre alors d’un manque de zèle et de discipline de la part
des officiers comme des soldats, mais aussi d’un manque cruel d’instruction et d’ordre.
Le tout est à revoir pour le général d’Elbe214.
Le commandant militaire de Bastia : Pianelli demande en juin 1809 que les conscrits
corses intègrent ces bataillons215.
Passé juillet 1809, le bataillon n’est pas au bout de ses surprises. Certains officiers
sont écartés du commandement, les officiers se comportent pire que des soldats
réfractaires. Le général pense que, sans tout ça, « on peut en faire un corps super ».
Mais le chef de bataille Lefebvre est un infirme, livré à la boisson, sait à peine épeler
son nom et n’a nullement le caractère d’un chef. M. de Veleler, premier capitaine, n’a
aucune moralité, est inapte et livré à la boisson216. Il est fait mention que la plupart des
officiers sont des anciens officiers de ligne réformés. Le capitaine Lefebvre sera alors
réformé et renvoyé dans son foyer pour sa retraite.
Morand demande au ministre de la Guerre et à l’Empereur que le 1 er bataillon de la
Méditerranée soit remis à 6 compagnies, ou bien alors suggère à l’Empereur de créer
un 2nd bataillon de la Méditerranée217.
Le nouveau chef de bataillon Bellancourt demande également la même chose, car le
bataillon est au complet avec les nouvelles recrues et qu’il est nécessaire pour lui de
213
SHD, XK35, Lettre du général Morand au ministre de la Guerre, 2 avril 1809.
214
SHD, XK35, Lettre du 10 mai 1809 du général Elbe au ministre de la Guerre.
215
SHD, XK35, Minute de la Lettre écrit par Pianelli, commandant de la place de Bastia, à M. le comte
d’Augsbourg, 11 juin 1809.
216
SHD, XK35, Rapport au ministre de la Guerre par le général Morand, 3 juillet 1809.
217
SHD, XK35, Lettre de Morand au ministre de la Guerre, 6 octobre 1809.
104
former un nouveau bataillon de la Méditerranée. Il formule également la demande au
ministre que le bataillon puisse être pourvu d’une compagnie d’élite de grenadiers ainsi
que d’un aigle218. Le ministre répond à Morand qu’il ne trouve pas du tout convenable
de fournir de pareilles choses à un régiment de réfractaires, à savoir une compagnie
d’élite et un aigle219.
Le 20 octobre, le général Morand réitère sa demande d’un 2nd bataillon de la
Méditerranée. Les recrues affluent, tout fraîchement débarquées à Saint-Florent. Ainsi,
le 1er bataillon s’en trouve complet. Il faudra rappeler que, entre-temps, le 1er bataillon
a été remis à 6 compagnies220. Il serait une bonne décision pour lui de former un 2 e
bataillon de 6 compagnies.
Le décret du 27 janvier 1810 transforme cette unité en un régiment d’infanterie légère
à 5 bataillons, sans compagnie d’élite : le régiment de la Méditerranée. À savoir en
détail221 :
Art 1 : sera créé un régiment d’infanterie légère qui portera le nom de régiment de la
Méditerranée. Ce régiment sera composé de 5 bataillons et aura en tout la même
organisation que celle du régiment de l’Armée.
Art 2 : ce régiment tiendra garnison dans la 23e division et sera composé de conscrits
réfractaires.
Art 3 : le bataillon actuel de la Méditerranée formera le premier bataillon, puis sera
formé un second bataillon. Ces deux bataillons seront forts de 140 hommes.
Art 4 : le conscrit-réfractaire en provenance de Rome, de la Toscane, du dépôt au-delà
des Alpes, de la Provence, du Languedoc, du Dauphiné et de l’arrondissement sera
redirigé via Marseille Livourne et enfin vers la Corse.
Ce régiment devrait être constitué de 3 966 hommes. L’organisation est à la charge
du général Morand. Le régiment ne devrait avoir ni de grenadier ni de voltigeur selon
le rapport de l’inspection daté du 9 février 1810. Les 4 premiers bataillons seront
218
SHD, XK35, Lettre datée du nouveau chef de bataillon Bellancourt au ministre de la Guerre, Bastia
9 octobre 1809.
219
SHD, XK35, Lettre du ministre de la Guerre au général Morand, 31 octobre 1809.
220
SHD, XK35, État nominatif des officiers daté du 1er novembre 1809.
221
SHD, XK35, Extrait des minutes de la secrétairerie d’État, Palais des Tuileries, 27 janvier 1810.
105
composés de 6 compagnies de fusiliers, forte chacune de 140 hommes. Le 5 e, celui
de dépôt, ne comprendra que 4 compagnies. Le tout devra tenir garnison en Corse222.
Cependant, au bout de plusieurs mois, le régiment n’est toujours pas composé de ses
6 bataillons. Le temps devient long pour organiser ce régiment. Par ailleurs,
contradictoirement, ce régiment est en excédent de conscrits, à savoir 537 hommes
en trop. Ces hommes, pour la plupart, doivent servir dans le 4e bataillon223. L’Empereur
reproche alors cette désorganisation et est également mécontent de l’insubordination
dans le régiment. Il demande si les officiers ont été nommés par des officiers
supérieurs ou par lui-même224.
Des changements s’opèrent alors : les 3e et 4e Chasseurs corses sont dissous et des
listes d’officiers sont fournies en vue des futures nominations, notamment au 3 e
bataillon de la Méditerranée225. On pouvait déjà retrouver ceux des anciens Chasseurs
corses, comme Molinatti, bien qu’originaire du Piémont, Otta et Ciaraldini ancien
capitaine
du bataillon
de tirailleurs corses226.
On
retrouvera
ensuite,
en
septembre 1810, Ciaraldini, capitaine à la 6e compagnie du 4e bataillon, ainsi que le
sous-lieutenant Righini Costa à la 5e compagnie du 4e bataillon227.
On en retrouvera d’autres, en 1811, tels que les lieutenants Mariani et Battesti, anciens
lieutenants des chasseurs du Liamone, ainsi que les sous-lieutenants Cesari et
Grimaldi, anciens sous-lieutenants aux Chasseurs du Liamone également228.
Malgré plusieurs nominations, le régiment est toujours dans un mauvais état, souffre
d’un manque cruel d’encadrement. Les officiers comme les sous-officiers sont
manquants229.
222
SHD, XK35, Rapport fait au ministre, 9 février 1810, 4 e division bureau de l’inspection.
223
SHD, XK35, Rapport fait au ministre, bureau de l’inspection, 2 mai 1810.
SHD, XK35, Ordre de l’Empereur, 14 juillet 1810, copie aux préfets d’Ajaccio et Bastia : secrétaire
général ministre de la Guerre.
224
SHD, XK35, Extrait procès-verbal d’organisation du 3e bataillon du régiment de la Méditerranée,
Paris, 6 octobre 1810.
225
226
SHD, XK 35, Extrait du 21 août 1810 de l’article concernant la nomination des officiers.
227
SHD, XK35, Inspection aux Revues Procès-verbal, 1er septembre 1810.
228
SHD, XK35, État nominatif des officiers par bataillon, 1811.
229
SHD, XK35, Ordre de l’Empereur au duc de Feltre : 7 octobre 1810.
106
Au début de l’année 1811, l’unité tient garnison en Corse, sur l’île d’Elbe et à Corfou,
et prend part à plusieurs expéditions navales. En raison des effectifs pléthoriques du
régiment, Napoléon ordonne, par décret du 11 mars, la formation, à Bastia et à l’île
d’Elbe, d’un 2e régiment de la Méditerranée. Il s’agit, cette fois, d’une unité d’infanterie
de ligne.
Fin 1810, 600 hommes du régiment de la Méditerranée sont envoyés pour servir dans
le 6e de ligne. Les ordres sont alors de continuer à traquer les déserteurs et
réfractaires, par diverses colonnes mobiles, surtout actives, dans la Creuse, l’Aveyron
et les basses-Pyrénées afin de les faire gagner Bastia230. La distinction est clairement
faite entre retardataires et réfractaires. Les retardataires sont des hommes en retard
mais non condamnés, contrairement aux déserteurs réfractaires qui, eux, sont arrêtés.
2. Des bataillons de la Méditerranée aux régiments de la Méditerranée
Le décret du 24 janvier 1811 nous apporte des précisions quant aux modalités de
recrutement de ces bataillons et régiments de réfractaire. « Les conscrits réfractaires
des 11e, 12e, 19e, 20e et 22e divisions serviront dans le régiment de l’île de Ré, ceux
des 6e, 8e ,9e ,10e, 23e et 25e serviront dans le régiment de la Méditerranée.
En Corse et dans sa région, le régiment est placé de la manière suivante : le 1er
bataillon se trouve à Porto Ferraio, fort de 1 200 hommes comme le 5e bataillon à porte
Ferraio, tandis que les autres se trouvent en Corse, le 2e bataillon à Bastia, les 3e et 4e
bataillons à Ajaccio et le 6e à Calvi.
En mars 1811 sont rappelés quelques éléments après les nombreuses interrogations
concernant le régiment de la Méditerranée et l’éventuelle incorporation de compagnies
d’élite dans ses rangs231.
230
SHD, XK35, Rapport au ministre de la Guerre et au duc de Feltre par la direction générale des
Revues et de la Conscription militaire, 22 décembre 1810.
231
SHD, XK35, Extrait des minutes de la secrétairerie d’État, Palais des Tuileries, 11 mars 1811.
107
Art 1 : le régiment actuel de la Méditerranée prend le nom de régiment de la
Méditerranée et sera composé de 4 bataillons, de 6 compagnies chacun, et d’un
bataillon de dépôt de 4 compagnies.
Art 2 : il sera organisé, armé, soldé et habillé comme un régiment d’infanterie légère.
Art 4 : sera créé un nouveau régiment sous le nom de régiment de la Méditerranée,
dont l’organisation et la composition seront les mêmes que celles du 1 er.
Art 7 : les deux régiments de la Méditerranée n’auront pas de compagnies de
grenadiers et de voltigeurs.
Par la suite, le 12 mars, sont envoyées deux frégates contenant 1 206 conscrits
réfractaires en Corse afin qu’ils incorporent le régiment232.
Courant 1811, le régiment voit arriver massivement un certain nombre d’officiers et de
sous-officiers dans ses rangs (à rappeler qu’en 1811 les tirailleurs corses sont dissous
pour être versés dans le 11e léger), mais aussi nombre d’anciens chasseurs du Golo
et du Liamone. Un certain nombre d’officiers et de sous-officiers ne seront plus alors
dans l’active. C’est un moyen de continuer à servir sous les drapeaux233.
C’est le cas de François Babi, ancien du 1er bataillon du Golo, ancien aide de camp du
général de brigade Callier, chef de bataillon commandant la 1 re infanterie légère corse
du Golo le 13 février 1809 ; de Louis Augustin Moynier, qui a repris la direction des
bureaux de l’ordonnateur de la 23e division le 29 nivôse an X jusqu’au 26 brumaire
an XI, alors chargé de la fonction de commissaire des guerres du département du
Liamone, puis devenu lieutenant quartier-maître trésorier au 2e bataillon d’infanterie
légère Golo le 1er vendémiaire an XIV ; de Louis Alexandre Pascali, capitaine, qui entre
au service dans la 100e compagnie en tant que garde-côte le 1er brumaire an XII et
devient lieutenant quartier-maître trésorier au 1er bataillon de Chasseurs Golo le 16
fructidor de la même année, puis capitaine le 27 octobre 1808.
Il en est de même d’autres anciens des Chasseurs du Golo : Jean-Joseph Bolirini ;
lieutenant du 2e bataillon du Golo, Joseph Maria Adolphe Lacour, adjudant-major
232
SHD, XK35, Lettre au duc de Feltre de la part de Morand, 12 mars 1811.
233
SHD, XK35, État nominatif des officiers des 3 bataillons de chasseurs corses du Golo et du Liamone
susceptible d’être employé dans le régiment de la Méditerranée.
108
lieutenant ; Jacques Bol, quartier-maître sous-lieutenant ; Louis Farinole, souslieutenant du même ancien bataillon.
Ou des anciens des Chasseurs du Liamone comme Roch Colonna Cesari, chef de
bataillon du Liamone ; le capitaine Antoine Galloni, le quartier-maître Mattarana, le
lieutenant Cagul Colonna Cesari, le lieutenant Jean-François Mannarini, le lieutenant
Simon Paul Battesti, l’adjudant-major puis sous-lieutenant Henry Hourier, les souslieutenants Simon Colonna Cesari et Jean Grimaldi, et l’adjudant sous-officier
Dominique Antoine Nicolai234.
On apprend également, concernant les garnisons de l’île, que sur 30 vélites de la
garde, 28 sont italiens et seuls 2 sont corses ; il s’agit des officiers Rocca et Pirelli235.
Napoléon veut que le recrutement s’opère désormais pour les conscrits et non plus
seulement les conscrits réfractaires, afin que les détachements prennent place de la
manière suivante ; 2 régiments en Corse, 1 à Walcheren et 1 à Belle île et dans l’île de
Ré, soit 5 régiments de réfractaires. Il est d’ailleurs possible qu’un 2e régiment de l’île
de Walcheren soit créé. Il veut aussi qu’il y est exclusivement des gens parlant italiens
pour celui de la méditerranée et des allemands ou flamands à Walcheren 236.
Les réfractaires doivent être désormais vus comme une main-d’œuvre afin de combler
les différents vides dans les régiments et défendre les zones énoncées 237.
Toutefois, la plupart de ces régiments sont dans un piteux état. Ce sont près de 600
conscrits réfractaires qui ne sont pas habillés dans le régiment de la Méditerranée238,
alors qu’encore près de 1 042 hommes sur 1 411 hommes du déport de Lamalques
sont destinés au régiment de la Méditerranée239.
234
SHD, XK35, Notification d’engagement, lettre au duc de Feltre de la part Morand, 1er mai 1811.
235
SHD, XK35, Répartition des vélites de la garde nommés par décret, 30 mars 1811.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 2 publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au Général Duroc, Duc de Frioul paris 12 mars 1811, p.553.
236
SHD, XK35 Ordre de l’Empereur signé Napoléon, extrait pour le général du ministère de la Guerre,
8 avril 1811.
237
238
SHD, XK35, Extrait des minutes secrétairerie d’État, Palais des Tuileries, 14 avril 1811.
239
SHD, XK35, Rapport à l’Empereur par le ministre de la Guerre, 28 avril 1811.
109
Ces deux régiments de la Méditerranée ont également pour but d’éloigner les corsaires
des côtes240, en somme de garder la Corse et l’île d’Elbe comme l’affirme Napoléon
au Général Clarke241.
Mais les régiments de réfractaires comme ceux de la Méditerranée servent aussi
d’étape transitoire afin de placer les troupes ailleurs. Une situation des régiments et
des dépôts en décembre 1811 nous en dit un peu plus :
Le 1er régiment de Méditerranée dispose de 9 271 hommes, qui sont répartis ainsi :
corps de la ligne (4 455), régiments de réfractaires (4 066) et dépôts généraux de
réfractaire (750)242.
Ces régiments de la 23e division sont configurés ainsi : 112e de ligne (500), 1er léger
(1 725).
6e de ligne (1 525), 7e bataillon du train (100), 9e bataillon de l’équipage (150), Sapeur
de l’île d’Elbe (326) et 1er régiment de la Méditerranée (3 444).
Les 14 250 hommes du 2e régiment de la Méditerranée sont versés de cette manière :
240e artillerie (240), 62e régiment (500), 22e léger (1 400), 1er léger (500), 102e
régiment de ligne (500), 18e léger (450), 8e léger (450), 23e de ligne (450), 32e de léger
(729), 10e de ligne (900), 20e de ligne (900), 52e de ligne (600), 29e de ligne (500), 1er
bataillon sapeur (40), équipage de marine (1 000), artillerie de marine (725), artillerie
de terre (60), 6e de ligne à Corfou (300) et 2e régiment de la Méditerranée (3 444). La
Corse apparaît alors comme une véritable plateforme.
Initialement, ces régiments ne devaient pas recevoir de compagnie d’élite, mais, passé
1812, les choses changent. Le ministre de la Guerre trouve que cela contribuerait à
donner un bon esprit au corps et servirait à récompenser la bonne conduite militaire.
Dès lors, il est décidé la formation d’une compagnie de grenadiers et de voltigeurs 243.
240
SHD, XK35, Rapport à sa majesté l’Empereur et Roi, 28 août 1811.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 21, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au général Clarke, 11 janvier 1811, p421
241
242
SHD, XK35, Situation des régiments et dépôts généraux de réfractaires, 1 er décembre 1811.
243
SHD, XK35, Lettre au duc de Feltre ministre de la Guerre par le général César Berthier, Comte de
l’Empire, commandant en chef en Corse, Ajaccio le 9 mars 1812.
110
Entre-temps, en février 1812, on apprend que le colonel commandant le régiment est
Lechevalier Dupuy244. Les officiers corses, quant à eux, sont le chirurgien aide-major
Leoni au 3e bataillon et Cristiani, chirurgien aide de camp au 4e bataillon.
Le capitaine Filippi à la 2e compagnie, engagé le 1er janvier 1798, passe capitaine (14
ans de service). Grimaldi à la 2e compagnie passe sous-lieutenant le 1er vendémiaire
an XIV (6 ans de service). Righini Costa à la 1re compagnie devient sous-lieutenant le
13 juin 1810 (2 ans de service). Le capitaine Otta au 3 e bataillon est capitaine depuis
le 28 mai 1810 (17 ans de service). Et Colonna Lecca entre au 3e bataillon le 8 février
1811 (7 ans de service). Est classé comme officier à la fuite et donc remplacé le
capitaine Rossi, engagé le 1er vendémiaire an XIV (6 ans de service au 1er bataillon,
2e compagnie).
Une note nous apprend que, sur les 108 officiers en 1812, seuls 8 sont corses245.
Le 16 janvier 1812, Napoléon confie à son ministre de la Guerre ses projets pour les
deux formations. Il revient au duc de Feltre de faire promptement appliquer les
directives impériales :
Monsieur le Duc de Feltre, donnez ordre que le bataillon colonial de fusiliers qui est à
Flessingen et à Ziricksee soit embarqué à Flessingue au 15 février, et dirigé par eau
sur La Haye, d’où il sera envoyé au Helder pour y tenir garnison. Faites-moi connaître
quand les cadres du régiment de l’île de Ré qui ont conduit des conscrits en Allemagne
seront de retour à l’île de Ré ; quand le cadre du 3 e bataillon du 2e régiment de la
Méditerranée sera de retour à Toulon, ainsi que ceux des 1 er et 2e bataillons. Je vous
enverrai incessamment l’ordre de faire partir le reste de conscrits réfractaires qui sont
à l’île d’Oléron et à l’île d’Aix, désirant que tous ces conscrits se rendent en Allemagne.
Envoyez-moi tous les rapports que vous avez sur ces dépôts et sur Belle-Île. Je
voudrais retirer deux bataillons de 800 hommes chacun, de Belle-Île pour les diriger
sur l’Allemagne (…). Ainsi, je voudrais retirer toutes les troupes que j’ai aux îles de Ré
et d’Oléron, en Corse et à l’île d’Elbe, hormis le régiment de l’île de Ré tout entier que
244
SHD, XK35, État nominatif des officiers, 21 février 1812, signé à Ajaccio.
245
SHD, XK35, Ministère de la Guerre, 1er régiment de la Méditerranée : colonel Pigeard, décret du 27
février 1812.
111
je laisserai à l’île d’Aix et dans lequel on incorporerait les plus mauvais sujets et ce
qu’on ne pourrait pas employer des autres troupes (…). Sur ce, je prie Dieu qu’il vous
ait en Sa Sainte garde.
Les régiments de réfractaires, à savoir régiment de l’île de Ré, de Walcheren, de BelleÎle et de la Méditerranée vont subir des transformations246. Pendant ce temps, les
matricules doivent être rayées puis incorporées ailleurs. 1812 semble apparaître
comme un tournant. Les réserves, désormais, seront guidées de façon bien plus
militaire dans la grande armée et conduite de manière plus utile. Ces hommes
cesseront de faire partie des régiments respectifs.
Le destinataire comme l’auteur ne savent pas ce que vont devenir ces troupes.
Toutefois, il invite le destinataire à donner son opinion au ministère quant au
redéploiement de ces troupes, car elles sont toujours en mesure d’opérer.
Ainsi, le 1er régiment de la Méditerranée créé par décret le 27 janvier 1810 prendra le
numéro 35 d’infanterie légère ; les autres créés le 24 janvier 1811 prendront : Belle Île
numéro 36 légère, Walcheren numéro 131 de ligne, Île de Ré 132e de ligne, et créé le
11 mars 1811, le 2e régiment de la Méditerranée, le numéro 133 de ligne247.
Ces régiments auront la même organisation, le même uniforme, ainsi que les mêmes
prérogatives et soldes que les autres régiments.
On apprend que le 1er régiment de la Méditerranée dispose de 2 400 hommes248. Les
compagnies du 5e bataillon resteront en Corse, tandis que les autres iront sur Livourne.
Désormais, les nouvelles troupes de réfractaires seront incorporées dans la ligne ou
la légère, donc habillées comme telles249.
246
SHD, XK35, Lettre 23 juillet 1812 du chef de la 3e division du ministère de la Guerre à M. Barnier,
chef de la 1re division.
SHD, XK35, Extrait des minutes de la secrétairerie d’État, Moscou, 20 septembre 1812, décret de
Napoléon.
247
248
SHD, XK35, Lettre du chef de la 3e division à M. Barnier, Paris, 10 octobre 1812.
249
SHD, XK35, Note pour M. Godard, chef du bureau de l’état civil, 21 octobre 1812.
112
Les deux régiments de la Méditerranée, en prévision de la campagne de Saxe (1813),
sont tous deux affectés à la 32e division d’infanterie du général Durutte, rattachée au
XIe corps du maréchal Augereau.
La même année, l’ancien 1er régiment de la Méditerranée reçoit enfin son aigle250, et
a conservé sa compagnie d’élite, ainsi que les autres régiments, à savoir les 131e,
132e et 133e de ligne et les 35e et 36e de légère251. Les deux unités sont dissoutes dès
le 12 mai 1814.
3. Transformation en 35e léger du 1er régiment de la Méditerranée
Par décret du 20 septembre 1812, le 1er régiment de la Méditerranée devient le 35e
régiment d’infanterie légère, et le 2e régiment, le 133e régiment d’infanterie de ligne.
En prévision de la campagne de Saxe (1813), tous deux sont affectés à la 32e division
d’infanterie du général Durutte, rattachée au XIe corps du maréchal Augereau. Les
deux unités sont dissoutes dès le 12 mai 1814.
D’autres officiers corses servent également dans ce régiment de la Méditerranée.
César Berthier252 demande notamment à ce que les anciens officiers des Chasseurs
du Golo et du Liamone puissent servir dans ces bataillons de la Méditerranée. Y
figurent Jean Joseph Renucci, ex-sous-lieutenant au 2e bataillon du Golo, originaire
de Cozzano ; Ignace Louis Farinole, ex-sous-lieutenant du 2e bataillon du Golo né à
Bastia, également ancien soldat à la légion corse en l’an XIII, passé sous-lieutenant
au bataillon du Golo par décret du 19 juin 1806 ; ou encore Pascal Vincensini, ex-souslieutenant au bataillon du Liamone, né à Vezzani, d’un âge avancé en 1811.
250
SHD, XK35, Lettre du colonel du 35e léger au ministre de la Guerre, le duc de Feltre, Bivouac devant
Renezaie, le 4 janvier 1813.
251SHD,
XK35, Lettre du ministre au général commandant la 23 e division, 27 février 1813.
252
SHD, XB623, Rapport fait au ministre de la part du commandant de la 23e division César Berthier, le
17 octobre 1811.
113
Lorsque le régiment de la Méditerranée devient le 35e léger, on y remarque la présence
d’autres officiers corses : dans le 3e bataillon, l’aide-major Leoni et l’aide-major
Cristiani dans le 4e bataillon, ainsi que le capitaine Viavaldini à la tête de la compagnie
de voltigeurs253. Figurent également le capitaine Otta à la tête du 1 er bataillon, et le
capitaine Colonna à la tête du 3e bataillon. Des anciens du régiment de Méditerranée
sont promus également au passage dans le 35e léger, comme Renucci, ancien souslieutenant, également ancien sous-lieutenant au bataillon du Golo, tout comme
Farinole. Tous deux sont promus lieutenants par un décret du 4 avril 1812254. À son
tour, l’ancien sergent Ristori est également promu au poste de sous-lieutenant par
décret le 24 février 1813255.
À la consultation des archives, il semblerait que le 35 e léger ait compté bien plus
d’officiers corses dans ses rangs, notamment dans les 6e et 8e bataillons256, bataillons
préférés selon César Berthier pour replacer d’anciens Chasseurs corses. Dans le
projet du 8e, y sont présents : le capitaine Casabianca, le capitaine Cristiani, le
lieutenant Versini, le sous-lieutenant Farinole, le sergent-major Biaggini, le sergentmajor Nobili, le sergent Mulesi et le caporal Pansani257.
Par ailleurs, le 8e bataillon est, quant à lui, ordonné en Corse258, notamment pour les
Corses259 qui excéderaient du 6e bataillon260 ou les éléments corses du 4e bataillon.
Les officiers nommés ci-dessus sont pour la plupart des anciens. Casabianca, excapitaine au 2e bataillon de Chasseurs corses, a fait 6 campagnes ; Cristiani excapitaine au 6e bataillon du Golo ; Versini était lieutenant au dépôt de conscrits
réfractaires ; Biaggini, ancien sergent-major et sergent au 1er régiment de la
Méditerranée ; Nobili, ex-sergent du bataillon de tirailleurs corses a fait 5 campagnes
253
SHD, XB623, État nominatif, 35e léger.
254
SHD, XB623, Décret du 4 avril 1812 : fourni le 27 janvier 1813.
255
SHD, XB623, Décret du 24 février 1813 : fourni le 10 mars 1813.
256
SHD, XB623, Lettre au ministre de la Guerre de la part de César Berthier, commandant en chef en
Corse, Ajaccio le 1er avril 1813.
SHD, XB623, Bureau de l’infanterie 35e léger, organisation du 8e bataillon en Corse, décret du 20
janvier 1813 fourni le 29 octobre 1813.
257
258
SHD, XB623, Rapport fait au ministre commandant la 23e division, 20 octobre 1813.
259
SHD, XB623, Lettre du commissaire chef de la 4e division à M. Tabarié, chef de la 2e division, 5 mai
1813.
260
SHD, XB623, Extrait de minute, Décret Palais de Saint-Cloud, 1er mai 1813.
114
et a subi 2 blessures, dont une à Eylau ; et Pansani, ex-sous-lieutenant aux Chasseurs
corses du Liamone.
Le 6e bataillon est composé de 835 hommes répartis en 6 compagnies261. La 1re
compagnie comporte 75 hommes, dont le capitaine Schaffer, le lieutenant Hiver et le
sous-lieutenant Cardo. La 2e compagnie est composée de 144 hommes, dont le
capitaine Raffali, le lieutenant Ponte et un autre sous-lieutenant Cardo. La 3e
compagnie dispose, quant à elle, de 138 hommes, dont le capitaine Stepharone, le
lieutenant Massoni et le sous-lieutenant Millot. La 4e compagnie a 141 hommes dans
ses rangs, dont le capitaine Fabini, le lieutenant Emmanuelli et le sous-lieutenant
Santini.
Et les 5e et 6e compagnies sont composées de 150 et 186 hommes chacune, dont les
lieutenants Colombani et Ange, ainsi que des sous-lieutenants Ristorucci et Desmont.
Le 8e bataillon est composé de 974 hommes, dont 2 compagnies. La 1 re dispose de
495 hommes sous les ordres du capitaine Casabianca, du lieutenant Versini et du
sous-lieutenant Chamber. La 2e compagnie, quant à elle, dispose de 479 hommes,
dont le capitaine Ventura, le lieutenant Giomarchi et le sous-lieutenant Setin262.
D’autres éléments corses sont toutefois dans d’autres bataillons, comme le capitaine
Rossi qui n’a jamais fait de campagne et ne donne pas de nouvelle au corps depuis
son départ. Il est dans la 2e compagnie du 1er bataillon, et le capitaine Filippi ainsi que
le sous-lieutenant Grimaldi dans la 3e compagnie du 2e bataillon263.
Il est difficile de trouver des officiers, en raison du peu de ressources et de moyens.
En juillet 1813, il faut nommer 2 capitaines, 2 lieutenants et 2 sous-lieutenants. Vont
être nommés comme capitaines Arrighi et Raffali, et comme lieutenants deux anciens
des Chasseurs corses, Gabrielli et Ponte264.
261
SHD, XB623, 35e léger, situation du 6e bataillon, 1er avril 1813.
SHD, XB623, 23e division militaire : Procès-verbal d’organisation du 8e bataillon du 35e régiment, 1er
juillet 1813 à Bastia.
262
263
SHD, XB623, 35e régiment, 1er et 2e bataillons, Situation graduelle des officiers, 1er juin 1813.
264
SHD, XB623, Rapport fait au ministre de la part du commandant de la 23 e division, César Berthier,
5 juillet 1813.
115
On apprend que les Corses ont eu l’ascendant dans ce régiment, alors qu’ils étaient
en concurrence avec des officiers français265.
En juillet 1813, 3 emplois de lieutenant sont à pouvoir au 6e bataillon266. Seront
nommés Colombani, lieutenant licencié du bataillon du Liamone, et Caviglioli,
lieutenant au bataillon du Golo, entré comme caporal267. Mais aussi Santini, Fabini,
Rusterucciu et Massoni afin de compléter la compagnie268.
Toutefois, les 6e et 8e compagnies ne sont pas épargnées par le manque de ressource,
d’armement, d’uniforme et de nourriture269. Mais la discipline semble régner. Malgré
les difficultés, la 6e trouve tout de même des officiers à nommer : Massoni, lieutenant
réformé, entre au service du Royal-Corse le 9 frimaire an XII270, devient souslieutenant à la garde municipale à Naples, puis est réformé en 1811 par le roi de
Naples. Santini est le 1er bataillon de Chasseurs corses.
Ce régiment, rappelons-le, est organisé le 14 mars 1810 et devient le 35e léger le
20 octobre 1812, puis est incorporé plus tard dans le 42e de ligne. On se rend compte
des grosses dépenses des officiers chargés du recrutement des conscrits destinés aux
tirailleurs corses271. On suppose des difficultés de recrutement au fil du temps
concernant les divers bataillons corses. Au fil de l’histoire de l’Empire, la réception du
pouvoir est rejetée d’une certaine manière sur l’île.
265
SHD, XB623, 35e régiment léger, 8e bataillon, état nominatif, 13 juillet 1813.
266
SHD, XB623, Bureau de l’infanterie légère, 6e bataillon en Corse, décret du 19 août 1813.
267
SHD, XB623, Rapport fait au ministre de la part du commandant de la 23 e division, César Berthier,
19 juillet 1813.
268
SHD, XB623, Minute de la lettre écrite par le ministre à César Berthier, 20 juillet 1813.
269
SHD, XB623, Lettre de César Berthier au ministre de la Guerre, Ajaccio 20 août 1813.
270
SHD, XB623, Rapport fait au ministre de la part du commandant de la 23 e division, César Berthier,
27 octobre 1813.
271
SHD, XB623, Rapport au ministre, arrêté général de la comptabilité dudit régiment, 13 juin 1821.
116
II.De la Légion corse au Royal-Corse en passant par le Royal-Corse
napolitain
1. Des 5 bataillons de Chasseurs corses au Royal-Corse napolitain
Sont ainsi formées et levées par arrêté le 12 prairial an XI, soit le 1er juin 1803272,
sur rapport du ministre de la Guerre, dans les départements du Golo et du Liamone, 5
bataillons d’infanterie légère corse. Cette levée sera effectuée par enrôlement
volontaire. Les conscrits appelés à servir faisant partie de l’armée active ou de celle
de réserve ne pourront être admis à s’enrôler. Les engagements seront faits pour 3
ans et ceux qui y souscriront recevront 24 francs, dont la moitié comptant et l’autre
moitié 6 mois après leur incorporation. L’engagement sera alors fait comme dans les
autres bataillons d’infanterie légère corse. Ne seront reçus que des hommes de 18 à
40 ans : les conscrits appelés pour l’armée active. Cette dernière, une fois réunie,
prendra la dénomination de Légion corse273.
Ces bataillons avaient été levés à l’origine « soi-disant pour la défense de l’île »274
selon le général de Brigade Soye, ils recevront d’ailleurs les félicitations de l’Empereur
et se distingueront à Bonifacio contre des corsaires anglais, corsaires qui avaient pour
but de jeter l’ancre pour débaucher des soldats275. Ils prennent le nom originellement
des bataillons de Chasseurs corses. À la suite de la levée des bataillons, ils se rendent
à Livourne où ils forment la Légion corse, après être passés par Bastia. Le régiment
est créer également autour de la guerre de la 3e coalition, où l’Europe menace encore
de s’embraser, mais la situation également tendu en Corse, les émigrés corses
utilisent leur base de la Maddalena pour débaucher les suisses de la demi-brigade
helvétiques et corses afin de recruter pour les bataillons anglo-corses, ainsi la création
SHD, XK5, Extrait de registre : 12 prairial de l’an XI de la République, 1er juin 1803, délibération du
gouvernement de la République.
272
273
SHD, XK5, Extrait des minutes de la secrétairerie d’État, Milan, 5 prairial an XIII.
274
SHD, XK5, Rapport du général de brigade Soye sur le régiment Royal-Corse au ministre de la
Guerre, Paris 18 mars 1814.
275
Médecin Colonel Jean-Pierre SANTINI, « La Légion Corse 1803-1815 », Etude Corses, nouvelle
série, n°23, 3e et 3e trimestre, 1959,72, p.10.
117
de corps est une énième phase afin de lutter contre l’émigration et instaurer l’ordre sur
l’île, grâce à un corps composé de natifs276. Les effectifs sont dur à atteindre d’autant
qu’il y-a déjà à faire avec la levée des hommes destinées à un autre bataillon Corse
« tirailleurs corse ». Les nouveaux chasseurs corses sont alors doté au 19 aout 1803
de forme et couleurs distinctives de la corse, à savoir uniforme marron en drap du
pays, et une coiffure en flèche de cathédrale en velours noir, une des interprétations
du terme courant de pinzuti277, puis la traditionnelle « carchera » giberne à la corse
porté sur le ventre. Puis, il a été déterminé ainsi une fois la Légion passé à Livourne :
« Habit veste de drap bleu céleste foncé, gilet de drap blanc, pantalon de même drap
que l’habit : parement jonquille : collet bleu céleste bouton blanc marqué légion corse :
coiffure shako. »
Durant leur service en Corse, comme requis par Napoléon les bataillons formés dans
le Golo sont placés dans le Liamone et inversement, car il semblerait que leur efficacité
diminuait en fonction des parents et amitiés qui les liaient aux habitants.
La force de chaque bataillon sera ainsi de 592 hommes, soit un total de 3 025 hommes.
Article 2 : cette Légion sera composée d’un état-major et de 5 bataillons : chaque
bataillon de 5 compagnies, dont une de carabiniers et 4 de chasseurs. État-major,
officiers : 1 colonel, 1 major, 5 chefs de bataillon, 1 adjudant-major, 1 quartier-maître,
1 chirurgien-major, 2 aides-majors et 2 sous-aides, soit 14 officiers.
Pour les sous-officiers et civils : 5 adjudants, 1 tambour-major, 1 caporal tambour, 1
maître-tailleur, 1 cordonnier, 1 armurier et 1 guêtrier.
Les compagnies de carabiniers ou de chasseurs seront composées de la manière
suivante : 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 4 sergents, 1
fourrier, 8 caporaux et 101 carabiniers ou chasseurs ainsi que 2 tambours, soit 120
hommes par bataillon.
Ainsi, cette légion aura une évolution complexe : elle est formée en l’an XIII des 5
bataillons d’infanterie légère corse, puis passe au service de Naples le 30 juin
276
Ibid. p.5.
277
Haute Police en Corse, Dictionnaire historique de la Corse, Ajaccio, Albiana, 2006.
118
1806278(Article 1 : Notre légion corse entrera au service et sera désormais à la solde
du Roi de Naples), pour devenir en avril 1814 le régiment Royal-Corse. Certains de
ces bataillons seront incorporés au 11e léger. Pour Napoléon, ce changement d’égide
se justifie de la sorte, l’Italie doit être gardé, et les corses « sont propres à la guerre
des montagnes, pas les polonais », mais également grâce à la langue par conséquent
il conseille à son frère de les prendre à son service comme le Roi de Naples les utilisait
autrefois279. Napoléon dès 1806 ordonne à son frère que la Légion Corse soit placée
à Cosenza. Toutefois, il ne sera admis dans ce corps, uniquement des corses, il ne
faut pas y admettre de napolitains280, à la date du 30 juin la Légion passe totalement
au service de Naples. L’engagement des corses est préférable en Italie Napoléon
également, car ils s’entendront mieux avec les napolitains qu’avec les français281, et
d’autre part ils seront « seront fidèles et on peut leur faire confiance »282, il préconise
d’ailleurs la même que dans le Niolu sous les ordres de Junot à savoir « pendre les
rebelles et bruler les villages » quand nécessaire.
C’est sous ce nom que la Légion va faire campagne de l’an XIV à l’Armée d’Italie dans
un premier temps. La Légion Corse fait le siège de Gaète, toutefois Napoléon
déconseille à son frère de les utiliser pour construire des tranchées car «, il n’y a pas
de troupe moins propre et moins maladroite que celles-là. »283. Selon le Général Soye,
ce régiment a rendu un grand service en Italie. Napoléon avait conseillé en effet au
Prince Eugène, de les utiliser pour faire la guerre aux brigands dans la Calabre284, car
ils excellent en escarmouche tout comme les italiens et les napolitains285.
En septembre 1810, ils débarquent en Sicile.
278
SHD, XK5, Extrait des minutes de la secrétairerie 30 juin 1806, Palais de Saint-Cloud.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 12, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au roi de Naples son frère, Saint Cloud 27 avril 1806, p.391.
279
280
Ibid. Au roi de Naples Saint Cloud 13 juillet 1806, p.660.
281
Ibid. Au roi de Naples St Cloud 9 aout 1806, p.74.
282
Ibid. Au Roi de Naples Saint Cloud 30 juin 1806, p.26.
283
Ibid. Au Roi de Naples, Saint Cloud 11 juin 1806, p.564
284
Ibid. Au prince Eugene, Saint Cloud 21 avril 1806, p.363
285
Ibid. Annexe du 20 aout 1806, p.113
119
Entre-temps sont nommés au poste de capitaine286 Fuzzoni, Riolacci, Casalta,
Franceschetti et Venturini, tous des anciens des bataillons d’infanterie légère corse, et
de lieutenant Ponte Antoine, Rossi, Farinole, Casalta Jean-Baptiste, Ponte Joseph et
Luri Louis.
Le 30 juin, la Légion corse passe au service du roi de Naples, prenant le nom de
régiment Royal-Corse. Les préparatifs se mettent en place. Toutefois, toutes les
personnes liées à la logistique c’est-à-dire notamment les commissaires ordonnateurs
en chef et les majors généraux inspecteurs aux revues, resteront françaises 287. C’est
une période d’ascension sociale qui s’ouvre pour ces corses, le commandant Gentili
fut nommé Colonel, ils vont disposer de poste de choix, à rappeler que Salicetti est
alors ministre de la guerre à Naples. Le nouveau Real Corso, va lutter contre le
banditisme dans le Royaume et défendre la couronne.
Les 5 bataillons d’infanterie légère étant passés sous la couronne de Naples, le
10 juillet, les dossiers sont envoyés à Naples288. Toutefois, la Légion est passée au
service de Naples à compter du 1er juillet 1806289 par l’exécution du ministre de la
Guerre290.
On apprend qu’en 1809 l’île est toujours sujette au recrutement pour le Royal-Corse
au service du roi de Naples291. Le 3 mai 1809 est envoyé un détachement composé
d’1 capitaine, de 6 sergents et de 2 lieutenants pour recruter dans le Liamone et le
Golo. Ceux-ci sont tenus de se comporter comme des officiers et des sous-officiers
français.
SHD, XK5, Extrait des minutes de la secrétairerie d’État au Palais de Saint-Cloud, 31 mai 1806,
exécuté le 14 juin 1806.
286
287
SHD, XK5, Rapport fait au ministre le 9 juillet 1806.
288
SHD, XK5, Minute de la lettre écrite par le ministre de la Guerre au ministre de la Guerre de Naples,
le 10 juillet 1806.
289
SHD, XK5, Ministre de la guerre du Royaume de Naples au ministre de la Guerre français Berthier,
14 août 1806.
290
SHD, XK5, Extrait des minutes de la secrétairerie d’État, Palais de Saint-Cloud, 31 juillet 1806.
291
SHD, XK5, Rapport au ministre sur le recrutement du régiment Royal-Corse au service du roi de
Naples.
120
Napoléon fait savoir par ailleurs qu’il faut favoriser le recrutement en Corse du régiment
sous condition de ne pas prendre des hommes sujets à la conscription292. Par ailleurs,
comme dit ci-dessus, les officiers recruteurs seront traités comme les recruteurs
français, et les recrues, quant à elles, durant leur séjour en France, disposeront de la
paye du soldat français.
Un épisode intéressant de leur épopée est sans aucun doute la prise de Capri en
octobre 1808 où ils vont affronter leurs frères du Royal Corsican Rangers. Hudson
Lowe capitule avec les honneurs de la guerre, et les Corsican Rangers fidèle à leur
serment au Roi d’Angleterre n’ont pas déserté et embarqueront tous. 6 croix des deux
Sicile sont décernées aux Corses tandis que les autres corps n’en obtiennent que 3.
Le régiment tiendra garnison six mois sur l’île avant d’être ramené sur Naples, puis de
partir en expédition en 1810 pour la Sicile. Cette opération a pour but de faire dégarnir
le dispositif anglais au Portugal. Les Corsican Rangers seront de nouveau de la partie
contre leurs frères corses au service de Naples, mais cette fois ci l’issue ne sera pas
favorable pour Naples, le 18 septembre le Royal Corse fait sa reddition, puis le 22 part
pour Malte afin d’être maintenu prisonnier. Dix compagnies seront faites prisonnières
et sont encore en Angleterre en 1814.
Le Real Corso se trouve en Calabre en janvier 1814 quand le roi de Naples tourne ses
armes contre la France. Le roi de Naples somme les restes du régiment pour le
service, mais les officiers et soldats corses, au nombre d’environ 700, s’y refusent et
rentrent en France malgré les menaces. Ils embarquent le 5 avril 1813.
Après être rentré, le colonel Suzonni, avec le soutien du général Soye qui pense que
le régiment dispose d’une grande moralité, d’un grand zèle et d’un bon comportement,
demande au roi que son régiment soit conservé sous la dénomination Royal-Corse,
que le corps soit complété en Corse et, plus tard, que les prisonniers en Angleterre
soient dirigés dans ce régiment. Selon Jean Pierre Santini, la plus part des hommes
n’aurait pas été compromis dans le futur régiment Royal Corse français par
bonapartisme, mais nos recherches nous ont menés à penser le contraire.
292
SHD, XK5, Rapport fait au ministre, 24 mai 1809.
121
Officier et Chasseur de la Légion Corse par Boisselier, Carte tirée de la série du Cdt
Bucquoy - 144° série - Tome VI Chap. XXVIII - (Coll. part.)
122
« Real Corso »
Sergent de Chasseur
1813-1814
Et
Carabinier 1811 fin
1812
n°172293
Planche
selon
Boisselier consacré à
l’Armée de J.Murat
(source : Archives de
l’ancien Royaume de
Naples Musée San
Martino
Fusilier, Carabinier et Voltigeur du Real
Corso - G. Aloja 1852 - Collection du
Prince Lancellotti Rome
293
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, 192.
123
Liste des tués et blessés de la Légion Corse, selon Xavier Poli294.
2. Le Royal-Corse de la Restauration
Le roi accepte alors la demande, et une ordonnance295 porte sur la création et le
maintien du Royal-Corse. Le roi souhaite prendre en considération la situation actuelle
de l’île de Corse et veut y maintenir l’ordre, la tranquillité ainsi que la sûreté des
personnes. Le régiment sera la force armée de naturels du pays et sera régi par les
anciens règlements du provincial et l’ordonnance du 23 août 1772.
Article 1er : il sera formé en Corse un régiment d’infanterie légère qui prendra la
dénomination de Régiment Royal-Corse et qui sera composé de 2 bataillons. Chaque
bataillon sera divisé en 9 compagnies, dont 1 de carabiniers et 8 de chasseurs.
294
Xavier POLI, Tirailleurs Corses 1803-1812, Bulletin de la société des Sciences Historiques et
Naturelles de la Corse Imprimerie Moderne BASTIA, 1936, 227p, p.208
295 SHD, XK5, Ordonnance du roi, 10 octobre 1814.
124
État-major : 1 colonel, 1 major, 2 chefs de bataillon, 2 adjudants-majors, 1 quartiermaître, 1 chirurgien-major 1 chirurgien aide-major, 2 adjudants. Sous-officiers : 1
tambour-major, 1 caporal tambour, 9 musiciens et 3 ouvriers.
Pour les compagnies de carabiniers et chasseurs : 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 souslieutenant, 1 sergent-major, 3 sergents, 1 fourrier, 6 caporaux et 44 soldats plus 2
tambours, soit un total de 57 hommes par compagnie. Ainsi, la force du régiment est
de 1 105 hommes, dont 63 officiers.
Les officiers viennent de moitié du continent et de moitié de Corse. Tous sont en nonactivité. La durée d’engagement sera de 6 ans.
Entre-temps, une partie de l’ancien Royal-Corse sous les ordres du roi de Naples a
été intégrée dans le 11e léger, sur proposition de l’inspection de la 4e division296. Le
régiment tout frais rentré de Naples par Marseille dispose de 36 officiers, de 383 sousofficiers et soldats, soit un total de 419 personnes avec les enfants des troupes en
mai 1814.
Le tout nouveau Royal-Corse, après ordonnance du roi, prendra la dénomination de
bataillons de Chasseurs corses. Le 1er bataillon sera organisé à Bastia et le 2e à
Ajaccio297. Voilà ce que dit l’ordonnance du roi298 :
« Sa Majesté prenant en considération la situation actuelle de l’Isle de Corse afin d’y
rétablir une force armée propre à maintenir l’ordre et la tranquillité.
1e : sera rétabli un régiment provincial de l’isle de Corse qui sera composé de 2
bataillons divisés en 6 compagnies, dont une de grenadiers et une de voltigeurs.
2e : la moitié des officiers des compagnies seront pris parmi ceux du continent et les
autres parmi ceux de l’isle en retraite ou en réforme ». « L’uniforme sera dragon, et
parement cramoisi ; le gilet et le pantalon seront de la même couleur que l’habit ». Le
ministre semblera revenir sur cette décision en février 1815, cette idée lui semblant
contraire à « l’esprit du pays ». Il y aurait en Corse un grand nombre d’officiers de
qualité à la demi-solde pour qui des places dans les bataillons provinciaux seraient
296
SHD, XK5, Rapport fait au ministre par le bureau de l’inspection de la 4e division, mai 1814.
297
SHD, XK5, Rapport fait au ministre 2e division, le 24 octobre 1814, exécuté le 13 décembre 1814.
SHD, XK5, Projet d’ordonnance pour rétablir le régiment provincial Corse, 4 e division bureau de
l’inspection, 7 octobre 1814.
298
125
une faveur précieuse299. Ces compagnies auront pour objectif de faire continuellement
des patrouilles, de parcourir les villages et les campagnes afin d’y maintenir l’ordre et
aider les autorités locales. Les compagnies disposeront de vivres pour 4 jours. Chaque
commandant de poste de campagne sera responsable d’un commandement
d’arrondissement.
Le choix d’avoir des officiers corses est nécessaire selon le rapport d’organisation,
notamment pour rétablir l’ordre entre les familles et également aménager les finances.
Bataillon de Chasseurs Corses sous la première restauration 1814-1815, planche
n°164300 par Vivicorsi.
299
SHD, XK5, Rapport au ministre, 27 février 1815.
300
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, 192.
126
3. Le soldat corse remis en question
Toutefois, cette idée n’est pas du goût de tous. Le 24 octobre, le général Dupont
Delespine D’Andilly envoie une lettre au ministre de la Guerre contenant des termes
peu élogieux sur la Corse, en pointant notamment le caractère « trompeur » des
insulaires301. Selon lui, ce serait une mauvaise idée que ces régiments provinciaux
soient tous composés de Corses :
« Si les juges naturels de cette Isle ne sont maîtres sur les sièges de Thémis de
prononcer les jugements qui souvent seraient nécessaires, dans la crainte d’être
recherchés et assassinés de la partie succombant, aussi parvient souvent à faciliter
l’évasion des criminels qui se retirent alors dans la montagne et se mettent en bandits,
la même existe par les troupes corses.
J’ai entendu moi-même la gendarmerie qu’on y avait établie dire comment veut-on que
nous sévissions contre nos pères, mères, frères et autres parents ? Cette gendarmerie
que l’on occupait très rarement n’était bonne que pour servir de guide à l’effet de
conduire des généraux, des officiers chargés d’ordre de conduire des détachements
de troupes françaises sur tel ou tel point.
J’ai vu dans le temps que M. Miot qui résidait dans cette Isle comme l’Administrateur
général, allant en tournée dans une commune en pleine agitation et rébellion, un
gendarme de son escorte reçut 2 coups de feu dans la cuisse, pour avoir été reconnu
par des rebelles du canton.
Voulez-vous, Monseigneur, rétablir et maintenir la tranquillité dans cette Isle ? N’y
placez que des troupes françaises au nombre de 15 000 pour qu’elles soient
distribuées dans les 6 principales villes, que pour parcourir la montagne, et établir des
dépôts dans le cap Corse et dans la Balagne, sans oublier une surveillance particulière
à Porto Vecchio. »
301
SHD, XK5, Lettre du général Dupont Delespine d'Andilly au ministre de la Guerre, 24 octobre 1814.
127
On apprend également que la Corse, alors même en 1814, est encore sujette aux
menaces barbaresques : « Cette isle est sujette à être entourée d’une quantité
considérable de corsaires pirates d’Alger, de Tunis et autres qui tous se réfugient à
l’Isle de Magdeleine dépendante de la Sardaigne, d’où ils épient et capturent
promptement. » La vision du Corse rustre, sauvage, voire bestial dépeinte par le
général Dupont Delespine d’Andilly semble être celle qui a nourri également une
grande partie de l’administration militaire française pendant un long moment. Le
général veut, malgré les critiques, garder les Corses dans ses rangs afin de servir
ailleurs que sur la Corse. Toutefois, on ne peut lui imputer le caractère parfois claniste
que la Corse a pu connaître, d’autant plus dans les temps troublés de la Révolution et
de l’Empire. Néanmoins, la crainte du général Dupont Delespine d’Andilly est partagée
par le général Bruslart commandant la 23e division fin 1814, qui avait proposé l’idée
des Chasseurs corses sur l’île302. Il redoute en effet l’emprise des familles et des
haines entre Corses. Il propose comme solution, qui sera d’ailleurs acceptée par le
ministre, que le bataillon formé au-delà des monts soit envoyé au-deçà des monts, et
que celui formé au-deçà soit envoyé au-delà des monts303. Cette décision, comme il
dit, permet de ne pas laisser refroidir « l’espèce de fureur que manifestent dans ce
moment un grand nombre de Corses pour servir ces bataillons », et d’éviter qu’ils
adoptent l’esprit de haine qu’ils « pourraient » prendre près de leur famille. Il faut, selon
lui, les confronter à la discipline militaire la plus stricte, afin de mettre un terme à la
« foule de délits dont les auteurs ne peuvent être poursuivis et atteints que par une
troupe habituée comme eux à gravir les roches inabordables que pour d’autres que
des naturels du pays ». Pour ces raisons, ces bataillons ne doivent être considérés
que comme des « supplétifs à la Gendarmerie, mais suppléments très utiles à la vérité
pour la police et l’arrestation de brigands », compte tenu de leur connaissance du
terrain304. Il demande aussi au ministre l’envoi de chaussures, plus que d’ordinaire,
dans les autres provinces, compte tenu de leur usage intensif sur les routes escarpées
corses qui crée une surconsommation de souliers comme de linges.
302
SHD, XK5, Lettre du ministre à M. le chevalier de Bruslard, gouverneur de la 23 e division, 3 mars
1815.
303
SHD, XK5, Lettre du général de Bruslart au ministre de la Guerre, 7 décembre 1814.
304
SHD, XK5, Lettre de Bastia, 21 décembre 1814, adressée au ministre de la Guerre par le maréchal
Bruslart commandant la 23e division.
128
La vision de la Corse sauvage pourrait être soutenue par la réponse que le ministre
de la Guerre lui a adressé des années plus tôt sur de semblables recommandations305,
en lui reconnaissant son « zèle et caractère distingué ».
« Vous avez aperçu de grands moyens de faire naître le bonheur dans cette Isle, mais
en plus grand moyen, de prospérité pour elle, ce serait d’y exciter l’amour du travail.
Vous dites bien sans doute, quand vous assurez que les Corses sont en général
Paresseux, mais s’ils trouvaient un grand intérêt à cesser de l’être, ils pourraient
bientôt devenir ce qu’on voudrait qu’ils furent : l’argent et la considération conduisent
tous les hommes, ils conduiraient également les Corses dès que l’on aurait mis
l’adresse qui leur ferait envisager de près ces deux moyens d’excitation. Et
d’encouragement ; peut-être même avec moins qu’on ne croit, le Gouvernement
français ferait-il les meilleurs amis de la Liberté et ses plus illustres défenseurs, leurs
histoires et leur caractère ne me permettent guère d’en douter.
Vous dites également bien, quand vous faites sentir qu’un des grands moyens de
prospérité pour les Corses serait de les empêcher de vivre de Dilapidation, et de ne
pas rendre leur assassinat aussi commun. Ces motifs et celui des grands travaux que
vous proposez permettront la paix, feront sans doute rentrer le gouvernement dans
vos vices à cet égard, et le détermineront probablement à y faire passer incessamment
les troupes que vous jugez nécessaires pour maintenir la tranquillité dans cette Isle… »
Cette lettre est une image de la paresse des Corses. Mais comment les anciens
bergers auraient pu monter toutes ces pierres dans les Caselli de montagne ? Cela est
un autre sujet. Mais il est nécessaire et intéressant d’étudier la considération des
Corses sur le domaine militaire de la part des administrateurs de toute échelle. Ce
témoignage pourrait être mis en parallèle avec les propos de César Berthier 306 qui
défendait la nécessité d’un provincial corse pour le maintien de la surveillance et de la
tranquillité : « il fut rare que les habitants aient tiré sur un soldat corse dont ils ont à
craindre la famille ; et ceux-ci qui connaissent les localités et les particularités de
SHD, XK5, Extrait d’une lettre adressée à Delespine le 26 brumaire an VI par le chef de la 4e division
des bureaux du ministre de l’Intérieur d’après ordre du ministre.
305
SHD, XK5, Extrait d’une lettre de M. César Berthier au ministre de la Guerre, Ajaccio, le 24 octobre
1814.
306
129
chaque famille sont de la plus utilité pour les désarmements, les arrestations… Cette
mesure serait peu coûteuse au gouvernement. »
III. De la Restauration aux nouvelles compagnies franches et chasseurs en 1816
1. Les bataillons du Royal-Corse
Les bataillons sont composés de la manière suivante : 1er bataillon à Bastia :
Quartier-maître, M. Leblanc, ancien sous-lieutenant sortant du 2e de ligne ; adjudantmajor, M. Benet, capitaine sortant du 2e de ligne. Pour les capitaines, M. de Gourgans
sortant de l’état-major général, Porion, ancien capitaine du 56e de ligne, Rozes, ancien
capitaine du 124e de ligne, Latroi, ancien capitaine du 4e léger et Cottier, ancien du
18e de ligne.
Pour les lieutenants, M Deshorties du 121e, De Barras du 54e, Tardif du 12e léger.
Pour le 2e bataillon à Ajaccio, en adjudant-major, M. Hacher. Pour les capitaines, M.
Soupel, capitaine sortant du 121e de ligne, Boccalin du 2e de ligne, Bethmont du 54e
de ligne, De Gournay du 112e de ligne et Pianelli du 16e de ligne (né à Strasbourg,
mais sans doute d’origine corse).
Pour les lieutenants, Vandal, lieutenant du 31e de ligne, Merle du 4e léger, Alexandre
du 4e léger et Fleaux du 1er léger.
Il est proposé un certain nombre d’officiers, cette fois-ci corses, pour l’autre moitié des
encadrants du régiment307. Il s’agit des capitaines Pianelli (16e ligne), Coti (11e léger)
et Ingleman (également du 11e léger).
Pour les lieutenants, lieutenant Agostini Jean-Baptiste et Bailly du 11e léger. Les souslieutenants proposés sont également du 11e léger, à savoir Panzani et Pezy.
SHD, XK5, État nominatif des officiers d’origine Corse, proposés pour être placés dans le régiment
d’infanterie qui se forme en Corse.
307
130
En définitive, la liste des officiers corses comme continentaux sera la suivante308 : pour
le premier bataillon, Suzzoni est chef de bataillon depuis le 10 février 1813. C’est un
ancien au 9e de ligne napolitain. Son second, Cauro Auguste Toussaint, l’est depuis
2 avril 1813. Il était auparavant dans la Légion corse.
Valaut Pierre est quartier-maître depuis le 18 septembre 1813. C’est un ancien du 14e
régiment de ligne. Le tambour-major est Morazzini depuis le 8 octobre 1810. Il était
auparavant dans la Légion corse comme ceux qui seront cités ci-dessous. Pour les
capitaines : Frach Louis depuis le 1er vendémiaire an XII, Massini Grégoire
(7 novembre 1806), Luri Louis (14 avril 1807), Buttafoco Simon (23 novembre 1807),
Luccioni François (17 juin 1809), Giovanetti Jean (17 juin 1810), Moretti Jean François
(12 février 1813), Farinole Joseph (24 mai 1813) et Raffali François André (11 avril
1813).
Les lieutenants : Ferripisani Pierre (7 novembre 1807), Tarrigo Benoît (24 mai 1813),
Vanucci Antoine (24 mai 1813), Peraldi Marc (24 mai 1813), Poli Mathieu (24 mars
1813) et Antomarchi Jules (11 avril 1813).
Les sous-lieutenants : Aigui Sébastien (manque de son état de service), Paoli François
(22 mai 1813), Inoncenzi Jacques Antoine (22 mai 1813) et Casta Nicolas (22 mai
1813).
Pour le 2e bataillon, Pianelli Candide est chef de bataillon depuis le 2 avril 1813. Il était
auparavant au 9e de ligne napolitain. Il est secondé par Grohin Auguste chef (27 mars
1811), ancien du corps royal et Ferdinandi Philippe, également ancien du corps royal.
Concernant les capitaines du 2e bataillon : Batisti Marc, capitaine depuis le 7 novembre
1809 au 3e léger napolitain, Durazzo François (4 janvier 1812) au 2e léger, Piovanacci
Thomas (16 février 1813) au 3e léger, Fiatilli Louis (6 mars 1813) au 2e de ligne, Foye
Louis (17 février 1813) au 9e de ligne, Courane Léon, ancien adjudant-major
(4 septembre 1813) au 4e léger, et Pianelli Jean-Baptiste (28 janvier 1814) au 7e de
ligne.
308
SHD, XK5, Légion corse, état nominatif de M. les officiers, 14 octobre 1814 : signé Suzzoni Colonel
de la Légion corse.
131
Pour les lieutenants : Suzzarelli François, fait lieutenant le 17 février 1813 au 9e de
ligne, Colonna Ceccaldi François (17 février 1813) à la 9e légion napolitain, Vincenti
François à la 9e légion, Salicetti Antoine Mathieu (24 mars 1813) au 2e de ligne, Tomasi
Jean-Pierre au 2e de ligne et Villarel Antoine au 2e léger.
Pour les sous-lieutenants : Mariotti Jacques (20 mars 1813) au 6e de ligne, Cordovani
(24 mars 1813) au 2e léger, Emanuelli Félix (22 mai 1813) au 8e de ligne, Fournier
François (24 mars 1813) au 3e de ligne et Pianelli Charles (22 mai 1813).
Il est très intéressant de noter la pluralité de parcours des nombreux officiers corses.
Désormais, dans les bataillons royaux de Chasseurs corses, ils ne sont pas tous issus
de l’ancienne Légion corse, mais d’autres régiments comme 2e léger. On note toutefois
une prédominance de l’infanterie légère comme origine, notamment du 11 e léger et de
la Légion corse.
Il faut analyser le parcours de ces hommes ainsi que de leur historique pour
comprendre cette pluralité309. On constate que la majorité des hommes ont fait les
campagnes de l’an XII à 1814.
Suzzoni est âgé de 39 ans en 1814. Il est originaire de Pietra de Verde. Il est entré au
service, le 2 floréal an VII, en qualité de capitaine dans une compagnie sous les ordres
du général Aubert, commandant en chef de l’île de Corse chargé de l’expédition de
Sardaigne. Puis, il passe lieutenant dans le 2e bataillon d’infanterie légère corse le 1er
vendemiaire an XII. Il est nommé capitaine à la Légion corse le 30 frimaire an XIII, puis
chef de bataillon au 9e régiment de ligne napolitaine le 10 février 1813. Il est fait chef
de l’ordre royal des deux Siciles en 1813. Enfin, il entre de nouveau à la Légion corse
avec son grade le 20 mars 1814. Il fait les campagnes des ans VII, VIII, IX, X, XI, XII
et XIII et participe notamment à l’expédition de Sicile et à la mise au pas de
l’insurrection du Fiuborbo en 1808 où il se distingue.
Cauro Ange Toussaint, également chef de bataillon, alors âgé de 31 ans, est natif de
la commune de Cauro. Il entre au service dans une colonne mobile comme volontaire
en Corse le 15 brumaire an V. Il passe gendarme au 52e escadron le 7 floréal an VIII
et est nommé lieutenant au 1er d’infanterie légère corse le 1er vendémiaire an XII ; il
309
SHD, XK5, État nominatif Rennes, 14 octobre 1814 : signé Suzzoni, Légion corse.
132
devient le chef de bataillon le 2 avril en 1813. Il participe notamment à la campagne
des ans XIII et XIV à l’Armée d’Italie, mais également au siège de Gaète comme
beaucoup de la Légion corse, puis à celui de Capri en 1808, et enfin à l’expédition de
Sicile en 1810 où il est fait prisonnier.
Pierre Valaut, quartier-maître, a 29 ans. Il est originaire de Chalon-sur-Saône en
Saône-et-Loire. Il entre au service dans le 4e régiment d’artillerie à cheval comme
conscrit le 3 frimaire an XIV, fourrier le 2 juin 1809. Le 18 octobre 1813, il est nommé
à la Légion corse. Il va participer aux campagnes de 1807, 1808 et 1809.
Bernardini Antoine Louis, quartier-maître et porte-drapeau, a 40 ans. Il est de Monacia
d’Orezza. Il entre comme volontaire au 18e régiment d’infanterie légère le 1er mai 1793.
Comme beaucoup de Corses qui quittent la 18e demi-brigade légère, il rejoint les
bataillons d’infanterie légère par la suite. Puis, le 26 juin 1807, il intègre la Légion
corse avant d’être fait sergent-major le 26 avril 1807. Il devient porte-drapeau le
26 avril 1812. En 1794, il participe au siège de Bastia, puis aux campagnes d’Italie des
ans X, XIII et XIV, ainsi qu’à l’expédition de Sicile où il est fait prisonnier en 1811.
Morazzani Pierre, 38 ans, de Caccio, est le chirurgien-major. Il entre comme chirurgien
de la Légion corse le 20 vendémiaire an XIII, puis est fait aide-major le 6 octobre 1807,
chirurgien le 8 octobre 1810. Il fait les campagnes des ans XIII et XIV à l’armée d’Italie
et de Naples, et notamment le siège de Gaète, puis l’expédition de Sicile.
Le capitaine Louis Frach a 37 ans et est de Calvi. Il entre au service en qualité de
lieutenant par arrêté du conseiller d’État Miot dans les Compagnies Franches le 24
nivôse an V. Il passe dans l’Armée d’Italie où il est nommé capitaine le 3 frimaire an V,
et au 3e bataillon de Chasseurs corses le 1er vendémiaire an XII.
Capitaine du 1er bataillon, Massini Georges de Calvi est âgé de 42 ans. Il s’enrôle
comme volontaire dans la 4e demi-brigade légère le 19 février 1789. Il est nommé
lieutenant dans une compagnie franche le 15 fluviose an XI, puis est confirmé comme
lieutenant au 5e bataillon de Chasseurs corses le 24 vendémiaire an XII. Il intègre la
Légion corse, où il est fait capitaine le 7 octobre 1806. Il fait les campagnes des ans II,
III, IV, V, VI et VII à l’armée du Rhin et de Moselle.
Capitaine Luri Louis, 39 ans, de Bastia, est entré au service du 5 e bataillon de
Chasseurs corses le 15 fructidor an XI et est confirmé le 31 mai 1806. Il est fait
133
capitaine à la Légion corse le 14 avril 1807. Il participe aux campagnes de l’armée
d’Italie, celles des ans XIII et XIV, mais également de 1 806 et de 1812.
Buttafoco François, capitaine de 34 ans, originaire de Vescovato, est entré au service
en qualité de lieutenant au 3e bataillon d’infanterie légère corse le 1er vendémiaire
an XII. Il devient capitaine à la Légion corse le 23 novembre 1807. Il fait la campagne
d’Italie des ans XIII et XIV. Il participe au siège de Gaète et à l’expédition de Sicile.
Le capitaine Luccioni François, âgé de 26 ans, de Bonifacio, est entré au service en
qualité de lieutenant au 4e bataillon d’infanterie légère corse le 1er vendémiaire an XII.
Le 7 octobre 1806, il est logiquement muté à la Légion corse, puis passe capitaine le
17 juin 1809. Il participe aux campagnes d’Italie des ans XIII et XIV. Il fait le siège de
Gaète en 1806 et l’expédition de Capri en 1808.
Capitaine Giovanetti Jean, 30 ans, est de Lormino. Il est entré en qualité de souslieutenant au 2e bataillon d’infanterie légère corse le 1er vendémiaire an XII. Le
7 novembre 1806, il passe à la Légion corse et devient capitaine le 17 juin 1810. Il fait
les campagnes d’Italie des ans XIII et XIV. Il est fait prisonnier en 1805 avec sa
compagnie de carabiniers, dont il faisait partie en octobre 1805. Il participe au siège
de Gaète et à la force armée en Calabre en 1811-1812.
Moretti Jean-François, capitaine des carabiniers, 34 ans, de Cortone, est un ancien du
2e bataillon infanterie légère corse entré le 21 brumaire an XII. Il est fait sergent le 1
nivôse an XII, passe sous-lieutenant le 9 février 1807, lieutenant le 7 janvier 1810, puis
capitaine le 13 février 1813. Il participe à la campagne d’Italie des ans XIII et XIV, au
siège de Gaète et à l’expédition de Sicile en 1810, ainsi qu’à l’armée active de Calabre
en 1811, 1812 et 1813.
Farinole Joseph, capitaine de 22 ans, de Bastia, auparavant sous-lieutenant du 4e
bataillon (15 juin 1809), est fait capitaine le 24 mai 1813. Il est surtout actif dans
l’armée active de Calabre au cours des années 1811, 1812 et 1813. Cette armée est
chargée de traquer les bandits et autres malfrats afin de sécuriser les voies.
Le capitaine Raffali Jean-André, 33 ans, d’Orezza, est entré au 2e bataillon léger corse
le 13 frimaire an XII. Il devient sergent-major le 2 juin 1806, lieutenant le 11 janvier
1811, et enfin capitaine le 11 avril 1813. Il participe à la campagne d’Italie des ans XIII
et XIV, et également à l’armée active de Calabre pour les années 1811, 1812 et 1813.
134
Concernant les lieutenants, les informations sont moins fournies. Voilà ce que nous
avons : Ferripisani Orace, 32 ans de Bocognano ; Tarrigo Benoît, 22 ans de Bastia ;
Vanucci Antoine, 24 ans de Corte ; Peraldi Marc, 33 ans de Cozza ; Poli Mathieu, 26
ans d’Olmeto ; Antomari Jule, 52 ans de Lox ; Casta Nicolas de Palasca, 31 ans. Et
pour les sous-lieutenants : Aigui Sébastien, 28 ans de Sainte-Marie d’Ornano ; Paoli
François, 27 ans de Gavignano Rossino ; et Innocenzi, 30 ans de Pietra di Verde. Des
renseignements moins fournis sont donnés dans l’état nominatif des officiers.
Concernant les communes d’origine : Olmeto (4 fois), Bastia (2 fois), Marseille,
Fanomoriani, Ajaccio (2 fois), Caccia, Strasbourg, Bonifacio, Sainte-Lucie, Vescovato,
Feliceto (2 fois), Borgo – Marana et Piazzole Orezza. On peut alors attester que la
majorité des hommes viennent clairement des bourgs et tout ce qui s’apparente au
monde rural des montagnes.
Le 30 novembre, des heurts ont lieu à Saint-Antoine, à Ajaccio, territoire appartenant
au cardinal Fesch. Les gendarmes ainsi que 30 hommes du 14 e régiment d’infanterie
légère sont envoyés pour arrêter deux bergers des communes de Bocognano et
Bastelica310 afin de les arrêter, car ces derniers font paître leurs bêtes sur ledit
territoire. Les bergers, s’apercevant qu’ils tentent de les cerner, se mettent à faire feu
derrière des rochers pendant une demi-heure. Puis la troupe bat en retraite, arrêtant
une bergère conduite à la prison d’Ajaccio ainsi que cent de leurs bestiaux, avant de
les arrêter311. Voici le genre d’affaire commune auquel peuvent faire face les régiments
stationnés sur l’île pour le maintien de l’ordre en Corse.
Passé 1815, l’armement est révisé312. Celui des officiers sera semblable à celui des
soldats, à savoir un sabre de même forme, et un fusil. Les officiers porteront également
la giberne à la ceinture, mais elle sera moins pesante. Au lieu d’un couteau de chasse,
les chasseurs auront un sabre à deux tranchants avec une poignée. Le pistolet est
retiré par l’ordonnance, car vu comme encombrant.
310
SHD, XK5, Copie de rapport : 24e légion 1re compagnie Gendarmerie royale : copie pour arrêter les
bergers suite à l’affaire, 30 novembre 1814.
SHD, XK5, Copie de rapport : copie pour arrêter les bergers suite à l’affaire, 30 novembre 1814,
lettre d’Antoine Louis Andonit, capitaine aide de camps.
311
312
SHD, XK5, 4e division, rapport fait au ministre, 17 janvier 1815. Délibération du comité de la guerre
concernant l’ordonnance et déterminant l’équipement des chasseurs corses.
135
2. Les Chasseurs corses au temps des Cents-Jours
À son retour, durant les Cents-Jours, l’intention de l’Empereur est qu’il soit levé 2
autres bataillons en Corse pour la garde de l’île, soit un total de 4 avec les deux levées
faites anciennement par le roi313. Les ordres sont alors donnés le 23 mars 1815 au
général de Launay commandant à ce moment la 23 e division militaire314. Chacun des
bataillons sera composé d’une compagnie de carabiniers et une 8e de fusiliers. Le
22 avril 1815, il est décidé que cela ne sera pas des fusiliers, mais des chasseurs
organisés en bataillon d’infanterie légère et habillés en drap du pays315.
L’inspecteur divisionnaire en Corse, Chanier, souhaite lever un 5e bataillon de
Chasseurs corses316 et envoie la demande au duc de Padoue, commandant en chef
de la 23e division. Toutefois, ce dernier refuse317, compte tenu des difficultés sociales
et militaires sur l’île, notamment pour la population, mais également de la difficulté de
trouver des officiers. Il lui demande de s’en tenir à l’ordonnance du 10 octobre 1814.
Les difficultés sont telles, qu’elles le sont également en matière d’armement et de
promotion. Le duc de Padoue note qu’il est obligé d’octroyer des postes d’officiers à
des habitants qui se sont distingués dans les derniers événements de la cause
nationale. Il demande également à l’État que soit pris en charge l’armement et une
augmentation de la solde de 10 francs afin d’éviter les désertions possibles318. Par
ailleurs, la levée des bataillons a été largement retardée à cause des difficultés de
trouver dans l’île des soldats et des officiers319.
313
SHD, XK5, Lettre du ministre au général Delaunay, 25 mars 1815.
314
SHD, XK5, Chef de bureau de l’inspection à M. le Chef de l’infanterie, Paris le 29 mars 1815.
315
SHD, XK5, Lettre du ministre au duc de Padoue, 22 avril 1815.
SHD, XK5, Lettre au ministre de la Guerre de la part de l’inspecteur divisionnaire en Corse, Chanier,
22 mai 1815.
316
317
SHD, XK5, Lettre du ministre au duc de Padoue, 18 juin 1815.
318
SHD, XK5, Rapport fait au ministre par le duc de Padoue, 16 juin 1815.
319
SHD, XK5, Lettre du lieutenant général directeur du recrutement au ministre de la Guerre, Paris le
22 juin 1815.
136
Dans cette situation d’impuissance et de crise, le commandant de la 23 e division, JeanThomas Arrighi, duc de Padoue, édicte un arrêté pour restaurer l’ordre qui annonce320 :
« Considérant que depuis les troubles survenus en avril 1814 dans une partie de la
Corse, et par suite des événements politiques, la sûreté individuelle a été souvent
compromise, que la propriété n’a pas été respectée, que l’action de la justice a été
paralysée, et que des individus poursuivis par elle, et qui sont parvenus, à la faveur de
ces troubles, à se soustraire au glaive de la loi :
Art 1er : formation colonne mobile chargée d’arrêter les malfaiteurs et de veiller à la
sûreté et au maintien public.
Art 2 : chaque colonne mobile sera provisoirement organisée sur le pied d’une
compagnie de garde nationale et traitée comme les troupes de ligne. »
SHD, XK5, Arrêté du Commissaire extraordinaire de l’Empereur dans la 23 e division Bastia, 26 juin
1815, Duc de Padoue.
320
137
Chasseurs Corses 1815, Sergent de
Carabiniers du 2ème bataillon et
Officier
du
1er.
Par
Henri
BOISSELIER
Chasseurs Corses avril 1815 - Voltigeur du
3ème bataillon et Chasseur du 4ème bataillon.
Par Henri BOISSELIER.
138
3. Restauration et dissolution
À la restauration, on dénombre seulement 2 bataillons. Un projet est fait pour lever
un 3e bataillon, mais cela est difficile, car les deux bataillons ont été levés sur la base
de la division naturelle du territoire et des villes d’Ajaccio et Bastia. Il est alors demandé
à l’inspecteur général commandant la 23e division de se conformer aux ordonnances
royales et de regarder comme « non avenus les changements durant l’usurpation »321.
Toutefois, le 11 novembre 1815, les 4 bataillons de Chasseurs corses sont dissous
conformément aux dispositions du ministre du 27 octobre 1815322.
Rappelons que le 1er bataillon a été créé le 10 avril 1814, puis dissous le 15 septembre
1815323. Le régiment est composé en mars 1815324 de 21 officiers, de 258 sousofficiers et soldats, dont 228 par enrôlement volontaire, 8 nommés par le ministre et
11 par le général commandant la 23e division, soit un total de 264 hommes. En
mai 1815325, 192 hommes, dont 27 officiers, 179 sous-officiers et soldats et 5 ouvriershommes de l’état-major. 77 ont, entre-temps, été rayés du contrôle. Ces bataillons
n’ont pas si bien fonctionné que ça sur le territoire corse.
À la même période, il est composé326 d’un état-major comprenant le chevalier
Monneret, colonel du régiment, le chef de bataillon Deshortier François, le chef de
bataillon Casabianca Pierre Paul, l’adjudant-major Benet Louis Fréderic et le quartiermaître Leblanc Vincent François.
Les lieutenants Vanucci Antoine et Fouillot Adoplhe sont à la tête des carabiniers.
321
SHD, XK5, Minute du rapport fait au ministre le 1er octobre 1815.
322
SHD, XK5, Procès-verbal constatant le licenciement du 3e bataillon de Chasseurs corses, 1er
novembre 1815.
SHD, XK5, 15 septembre 1815, exécution de l’ordonnance, 23 e division militaire, procès-verbal
constatant le licenciement du 1er bataillon des Chasseurs Corses : constat fait le 3 novembre 1815 par
François Charrie, sous-inspecteur aux revues.
323
324
SHD, XK5, État de situation dudit bataillon, mars 1815, régiment de Chasseurs corses.
325
SHD, XK5, État de situation, 1er mai 1815.
326
SHD, XK5, État nominatif de M. les officiers, mai 1815.
139
Pour la 1er compagnie : le sous-lieutenant Galeazzini Antoine François et le capitaine
Labrot Jean Pierre. Pour la 2e compagnie : le capitaine Ventura, le lieutenant Debarra
Nicolas et le sous-lieutenant Marielli. Pour la 3e compagnie : le sous-lieutenant Suzzoni
et le capitaine Cottier. Pour la 4e compagnie : le capitaine Forrion Victor Florent, les
lieutenants Deshortier et Antoine Victor, ainsi que le sous-lieutenant Martin Jean. Pour
la 5e compagnie : le lieutenant Tardif Joseph et le sous-lieutenant Davoult de
Langostiere. La 6e compagnie : les lieutenants Antoniotti François et Antomarchi, et le
sous-lieutenant Marie Sauvé François. 7e compagnie : le capitaine Rossi. Pour la 8e
compagnie : le capitaine Franceschetti et le sous-lieutenant Casabianca. La
composition du 1er bataillon est vraisemblablement la même en avril 1815327.
Le 2e bataillon est licencié le 1er novembre 1815328. Il est composé de 35 hommes à
compter du 1er mars 1815329, un chiffre bien risible si l’on compte le nombre total de
bataillons corses qu’a connus la Corse. Ce bataillon manque alors cruellement
d’hommes et les officiers le composant le savent330. Sur ces 35 hommes, on compte
18 officiers, 34 soldats sous-officiers et 1 gens de l’état-major.
En octobre 1815331, ledit bataillon est composé des personnes suivantes : pour l’étatmajor, il s’agit du quartier-maître Gilbert Collet, du sous-lieutenant Suzzoni Marcel et
du capitaine des carabiniers François Antoniotti.
Pour la 1re compagnie : le capitaine François Xavier Ventura. Pour la 2 e compagnie :
le lieutenant Vincent Antomarchi. Pour les 3e et 4e compagnies : les sous-lieutenants
Casabianca et Galeazzini.
Quant au 4e bataillon créé le 29 mars 1815 comme le 3e (nous ne pourrons parler du
3e entre-temps, les documents le concernant manquant), il est licencié le 4 novembre
327
SHD, XK5, État nominatif des Chasseurs corses, 1er bataillon, 1er avril 1815.
SHD, XK5, Exécution de l’ordonnance du roi du 15 septembre 1815 : procès-verbal constatant le
licenciement du 2e bataillon de Chasseurs corses le 1er novembre 1815 par François Chari, sousinspecteur à la Revue.
328
329
SHD, XK5, Régiment de chasseurs corses 2e bataillon, État de situation, 1er mars 1815.
330
SHD, XK5, Lettre du capitaine commandant Antoniotti Bastia, 1er septembre 1815.
331
SHD, XK5, État nominatif de M. les officiers, 8 octobre 1815.
140
1815332 et dispose de si peu d’hommes que nous n’avons pas trouvés non plus les
états nominatifs.
Pour le 5e bataillon, il semblerait que lui aussi soit une sorte de bataillon fantôme, levé
initialement en avril 1815 pour défendre Porto Ferraio. Il est licencié le 1er novembre
1815333.
Après examen de l’armement, il ne comptait que 22 fusils.
À la suite de ces licenciements, la Corse se retrouve sans régiment ni bataillon
composé de Corses. Un arrêté est alors pris le 22 novembre 1816334 et crée 6
compagnies franches sur les anciens modèles des compagnies franches du Golo et
du Liamone.
Ces compagnies vont être composées de la manière suivante :
1re compagnie franche : le Capitaine Quenza, le lieutenant Napoléon Maestratti et les
sous-lieutenants François Barton et François Quarza. 2e compagnie franche : le
capitaine Maruatei, le lieutenant Pierre Xavier Leud et les sous-lieutenants Jean Lizza
et Pierre Xavier Romani. 3e compagnie franche : le capitaine Abbatucci, le lieutenant
Losinchi et les sous-lieutenants Peretti et Franceschi.
Les 4e et 5e compagnies sont commandées par les capitaines Battistini et Laurelli, les
Lieutenants Vullet et Gabriel Colombani, ainsi que par les sous-lieutenants Brignoles
pour la 4e et Artille et Bartoli pour la 5e compagnie. Enfin, la 6e compagnie franche est
commandée par le capitaine Raffali, le lieutenant Serra Jean-Baptiste et les souslieutenants Morandi et Rossi.
332
SHD, XK5, Procès-verbal de licenciement du 4e bataillon de Chasseurs corses, 4 novembre 1815.
333
SHD, XK5, Procès-Verbal constant le licenciement du 5e bataillon de Chasseurs corses.
334
SHD, XK5, Création de compagnies franches, arrêté du 22 novembre 1816.
141
Chapitre 4 :
Le temps de la révolution française, la Corse et l’Empire
Il s’agira enfin dans ce dernier chapitre de s’interroger et de voir les évènements
de la Révolution Française et du 1er Empire en Corse, mais également en quoi la Corse
est différente du reste de la France par sa composition sociale et ses mœurs à cette
époque donnée.
I. Les débuts de la Révolution Française en Corse
1. La Révolution Française en Corse
En 1789 souffle sur la Corse un vent de liberté, mais règne aussi dans l’île un
climat de mécontentement. Les méthodes autoritaires de l’administration et le
comportement de ses agents n’en sont pas moins responsables que la maladresse de
certaines des mesures335.
Les cahiers de doléances sont animés par une volonté réformatrice. Un clivage
apparaît alors entre tenants de l’ordre établi (essentiellement autour de Buttafoco, la
plupart des nobles, le haut clergé, les fonctionnaires et les officiers en poste dans l’île)
et les réformateurs (artisans, commerçants, propriétaires fonciers aisés et bas clergé).
Cela va peu à peu déstabiliser l’île et engendrer la Révolution calme, mais l’onde de
choc parisienne va faire ressurgir l’esprit de 1755 pour certains, et l’esprit jacobin pour
d’autres. À savoir que, même après 1769, pour beaucoup, le combat continue depuis
1729, à l’image de Circinellu, par différentes générations de patriotes. Ainsi, après le
départ de Pasquale, Paoli donne naissance à une nouvelle génération de fuorusciti
corses, terme que l’on peut traduire par « exilés politiques ». Cette lutte continue à
l’extérieur pour ces réfugiés, pour la plupart en Italie, entreprenant des actions politicomilitaires avec des puissances étrangères, comme en témoignera le futur Royal
335
Paul ARRIGHI, Histoire de la Corse, Toulouse, Privat, 1971, p454,
142
Corsican Rangers, un régiment composé de compatriotes servant la couronne
britannique, incarnant les relations entre Paoli et le Royaume-Uni.
En effet, dès l’été 1769, de petits groupes d’hommes venant de la Toscane assistent
la lutte intérieure sur les côtes corses. Leur tactique est simple : harceler l’ennemi en
l’occupant et faire régner l’insécurité. Et cela, soit par des raids de quelques heures
jusqu’à plusieurs jours, ou bien par la tuerie des Français rencontrés, parfois
innocents, avant de se replier sur la Sardaigne ou la Toscane336. Ces raids impliquent
le propre frère de Pascal Paoli, Clemente, tenant particulièrement à maintenir la
pression sur les Français.
La maladresse des autorités, en particulier militaires, et le comportement arrogant des
notables vont favoriser les troubles. On en aura la preuve lors de la constitution des
milices citoyennes, qui est bien reçue, car elle offre la possibilité aux Corses d’obtenir
de nouveau l’autorisation de porter les armes.
Ce sont les oppositions à cette mesure, dont celle de Buttafoco, qui obtiennent du
conseil des Douze le vote d’une motion dénonçant le coût de la mise à pied de cette
milice. Elles sont le facteur déclenchant. Buttafoco aggrave son cas en déclarant que
le conseil de sécurité permanent demandé par le Tiers corse est inutile ; Ajaccio
s’enflamme. Gaffori mobilise ses effectifs pour dissoudre la Garde nationale d’Ajaccio.
Ce coup de force va provoquer une protestation qui est adressée à l’Assemblée
nationale.
Les événements et protestations en Corse vont permettre de discuter de la place de
la Corse, car c’est à cause des lois d’exception héritées de la pacification royale de la
Corse que l’on refuse aux Corses le droit de se constituer en milice citoyenne.
En débouche alors la présentation du projet de décret par Salicetti qui énonce :
« L’Assemblée nationale déclare que la Corse fait partie intégrante de l’empire
français, que ses habitants doivent être régis par la même constitution que les autres
Français que, dès à présent, le roi sera supplié d’y faire parvenir et exécuter tous les
décrets de l’Assemblée nationale. » Nous sommes le 30 novembre 1789 (le décret
sera approuvé par le roi en janvier 1790). C’est à cette séance du 30 novembre 1789
336
Didier REY, « Les fuorusciti corses de 1769 à 1790 », Corses et Sardaigne entre Réformisme et
Révolution, Etudes Corses, La marge édition, numéro 30/31, 1988, p.348, p. 258.
143
que Mirabeau aurait prononcé son discours : « J’avoue, messieurs, que ma première
jeunesse a été souillée par une participation à la conquête de la Corse ; mais je ne
m’en crois pas plus étroitement obligé à réparer envers ce peuple généreux ce que
ma raison me représente comme une injustice. Une proclamation a prononcé la peine
de mort contre les Corses qui ont défendu leurs foyers, et que l’amour de la liberté a
fait fuir. Je vous le demande, serait-il de votre justice et de la bonté du roi que cette
proclamation les éloignât encore de leur pays, et punît de mort leur retour dans leur
patrie ?
… En effet, il faudra beaucoup de subtilités pour établir qu’une puissance qui se croit
souveraine d’un pays soit, comme elle le dit, indifférente sur le sort des sujets qu’elle
réclame. »
Le tiers état vote massivement pour. Toutefois, la noblesse s’y oppose, prétextant que
le retour des exilés pourrait troubler l’ordre public. Salicetti répond que le titre de
Français rendu aux exilés est la garantie de leur fidélité. Plus rien ne s’oppose alors
au retour de Paoli. Cette annonce engendre des protestations à Gênes rappelant qu’il
n’y aura sans doute jamais de rétrocession de la Corse337. Cette nouvelle est accueillie
avec joie par les notables. Toutefois, les demandes particulières à la Corse, comme le
retour de l’université ou encore l’attribution préférentielle des emplois publics de l’île à
ses habitants, sont balayées.
L’événement marquant est tout de même le retour de Paoli, sollicité dès le vote du
décret autorisant le retour des exilés. Dès son arrivée à Paris, il est reçu partout, la
presse l’encense. L’Assemblée constituante, le 22 avril 1790, lui fait un triomphe
auquel il répond par les propos suivants : « Vous venez d’ôter aux Corses leurs fers :
vous leur avez rendu leurs vertus premières (…) Ma vie a été une ode entière à la
liberté, je jure obéissance et fidélité au peuple français, au roi et aux décrets de
l’Assemblée nationale338. »
Autre changement qui apparaît en 1791, une simplification du découpage territorial.
Elle est l’un des premiers chantiers de l’Assemblée constituante qui vote l’article 1er du
titre II de la Constitution : « Le royaume est un et indivisible, son territoire est distribué
337
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 278.
338
Ibid. p. 280.
144
en 83 départements, chaque département en districts, chaque district en cantons. »
C’est l’instauration des départements qui va marquer l’abandon de la traditionnelle
partition entre Pomonte et Cismonte. Les onze provinces supprimées sont remplacées
par neuf districts, divisés en 61 cantons (nouvelle désignation des pieves), qui sont,
pour le Cismonte, Bastia, Oletta, La Porta, Cervione, Isula-Rossa et Corte, et, pour le
Pomonte, Ajaccio, Vico et Tallano.
Cette constitution de 1791 organise une large décentralisation qui contraste avec
l’absolutisme royal. Les Corses vont y retrouver nombre de dispositions de leur
Constitution de 1755. Mais la proclamation de l’indivisibilité du territoire national est
d’emblée un obstacle à la reconnaissance d’identités spécifiques.
En 1789, les structures administratives de la France sont complexes : 34 généralités,
des gouvernements militaires ne correspondant pas toujours avec elles, le tout de
superficie variable. On distingue, en outre, des pays d’État (dont la Corse) et des pays
d’Élections. Au nord de la Loire, on observe le droit coutumier, au sud, le droit romain.
Désormais, le département est administré par un conseil général de 36 membres élus
pour deux ans par les citoyens actifs (ceux payant une contribution équivalente à trois
jours de travail). Un directoire, fort de 8 membres, sorte de commission permanente
élue par le Conseil, le représente en dehors des sessions biannuelles.
Désormais, dans chaque département, siège un procureur général syndic, non pas
nommé, mais élu pour 4 ans, chargé de veiller à l’application des lois.
2. Le temps des périls
Entre 1790 et 1791, l’équilibre n’est plus de mise en Corse. On assiste à la montée
des périls. En septembre 1790, la Consulte d’Orezza déclare que Buttafoco et Peretti
sont « indignes de la confiance publique ». Le parti monarchiste, en réponse, diffuse
un pamphlet dénonçant Paoli et ses pratiques politiques de façon virulente. L’affaire
est grave et, au début de 1791, à la tribune, Buttafoco, reprenant les termes de ce
document, accuse ouvertement Paoli d’avoir manipulé les élections, de se comporter
en potentat et de vouloir à lui tout seul « incarner la Patrie et la Constitution ».
145
En juin 1791, à Bastia, une émeute populaire enflamme la ville. La cause est
l’application de la Constitution civile du clergé du 12 juillet 1790. Celle-ci prévoit la
présence d’un seul évêque par département, ce qui entraîne la suppression de quatre
des cinq évêchés. La protestation compte dans ses rangs le 4 e évêque supprimé.
Toutefois, l’agitation commence à se diffuser dès avril 1789. À Bastia, des incidents
font deux victimes. Par la suite, le podestat est forcé de quitter la ville, et une
municipalité révolutionnaire voit le jour, puis une autre à Corte le 18 août. L’agitation
gagne les campagnes et la cocarde tricolore est arborée partout.
Encore aujourd’hui, cet incident constitue, pour certains historiens, le moment
déterminant de la division des patriotes, à savoir la descente des Paisani dans Bastia
après qu’une partie de la bourgeoisie a bravé la constitution civile du clergé. On note
aussi la descente de villageois ballanins saccagant, en février 1792, la demeure des
frères Arena339 dans le bourg d’île-rousse. Les Corses jacobins ont un intérêt financier
personnel à la poursuite de la Révolution, car ils sont les principaux bénéficiaires de
la vente de biens nationaux. Ils se sont aussi trouvés attachés à ce camp de la
Révolution par le hasard des événements. On retrouve parmi ces patriotes jacobins
une partie de la petite bourgeoisie ou du monde artisanal exclue du pouvoir génois et
royal à travers le temps. Les clivages sociaux et familiaux expliquent alors la raison
des engagements.
La proclamation de la République le 21 septembre 1792 marque le terme de la Corse
royale après un long cortège de vicissitudes qui annoncent une ère nouvelle.
Paradoxalement, elle marque l’éviction progressive de Paoli, par la conjonction d’une
opposition républicaine aux yeux de laquelle il est suspect, et de la confiscation par
des ambitieux de la revendication nationale corse.
Les figues emblématiques de ce duel sont Salicetti et les frères Aréna, d’une part, et
Pozzo di Borgo relayé par les monarchistes, d’autre part. La conséquence va être une
véritable guerre civile entre Corses, qui ne peut s’achever par un compromis.
S’ensuit la convention de 1793 qui naît dans un contexte politique et militaire d’invasion
étrangère, de subversion intérieure et de radicalisation politique, conduisant la
Convention à une dictature de fait, institutionnalisée le 6 avril 1793 par la mise sur pied
Antoine FRANZINI, Haine et Politique en Corse : l’affrontement de deux hommes au temps de la
Révolution française 1780-1800, Ajaccio, A.Piazzola, 2013, 391, p.244.
339
146
du Comité de salut public, et la non-application de la Constitution de l’an I. Il en résulte
la suspension des libertés publiques, la loi des suspects et la création du tribunal
révolutionnaire jugeant sans appel. La Terreur est érigée en principe de
gouvernement. Le premier acte symbolique est la condamnation du roi, suivie de son
exécution le 21 janvier 1793. La reine subit le même sort. Pour ce qui est de la Corse,
apparaissent différentes factions au printemps 1793, à savoir ceux qui s’opposeront à
Paoli, qui va gagner la première manche, ceux qui le soutiendront parce qu’ils lui sont
attachés ou parce que, suspects à la Convention, ils sont à ce titre menacés, et, enfin,
les monarchistes qui, un temps laminés, vont rejoindre la sécession.
Mais, pour la Convention, il n’y a que deux partis : les républicains menés par Salicetti,
la famille Arena et, dans une certaine mesure, les Bonaparte, et les contrerévolutionnaires aux mains de Paoli. L’origine sociale de ces chefs de ces deux
factions est la même : ce sont des patriciens, issus de familles nobles et influentes que
seuls leurs choix ont séparé en 1768. Leur refus de la radicalisation républicaine
s’exprimera nettement dans la constitution du royaume anglo-corse.
Toutefois, si les monarchistes et les nationaux ont le même ennemi, ils ne s’entendent
pas pour autant. Matteo Buttafoco, le général Francesco Gaffori et la famille Fabiani
sont les éléments moteurs des monarchistes340. Exilés, ils attendent le salut de la flotte
anglaise. Ils ne sont pas sans partisans. Ceux que l’intolérance religieuse des jacobins
révulse, ceux qui condamnent la radicalisation du régime, vont rejoindre les paolistes,
auxquels certains se sont opposés en 1768, mais en lesquels le vieux chef n’a
nullement confiance et dont il n’oublie pas la conduite passée envers le Regno,
lorsqu’ils étaient les tenants du « parti français ».
A la Révolution, on peut alors parler d’esprit de parti même en Corse, mais il ne faut
pas oublier le contexte local341, la nature spécifique comme il a été expliqué ci-dessus.
En effet, même si la Corse a une histoire spécifique et n’est français que depuis 1769,
20 ans à peine à la révolution, une partie de l’élite de la jeunesse a été en contact avec
340
Jean-Marie ARRIGHI, Paul JEHASSE, Histoire de la Corse et des corses, Paris, Perrin, 2008, 550,
p. 370.
341
Francis POMPONI, « Sentiment Révolutionnaire et Esprit de parti en Corse au temps de la
Révolution », Problème d’Histoire de la Corse (de l’Ancien Régime à 1815), Acte du Colloque d’Ajaccio
29 octobre 1969, Société des études Robespierristes, Paris, 1971, p.147.
147
les français et les idées des lumières, l’histoire de 1755 a pu favoriser ce
développement en Corse. Mais les formes de la Révolution en Corse seront
différentes, on ne retrouve pas l’aspect antinobiliaire comme on peut le trouver ailleurs.
3. L’épisode du Royaume Anglo-Corse
Après avoir essayé d’attirer Paoli hors de Corse pour perfidie et d’envoyer 3
commissaires en Corse dont Salicetti, les hostilités traînent entre troupes paoliste et
française. En janvier 1794, apparaissent les escadres britanniques qui viennent
d’évacuer Toulon, auxquelles Paoli demande leur appui. La flotte apparaît dans les
eaux corses. Tour à tour, Saint-Florent, Bastia et Calvi capitulent. Pascal Paoli écrit à
l’amiral anglais Hood, lui indiquant qu’il est possible en Corse de réaliser ses projets
remontant à son exil. Nelson mentionne qu’il suffit en Corse de contrôler le golfe de
Saint-Florent pour bloquer en cas de besoin tous les ports français de Méditerranée.
Le Royaume-Uni saisit alors cette chance géostratégique.
Le 10 juin 1794, une Consulte générale se rassemble à Corte, décerne le titre de Père
de la Patrie à Paoli et prononce la rupture de tout lien politique et social entre la Corse
et la France, notamment pour « persécution religieuse déchaînée par la convention ».
C’est la première fois que la Corse reçoit une constitution au sens où nous l’entendons,
à savoir un corps de lois politiques fondamentales débarrassé des excroissances
circonstancielles de droit pénal ou civil342. Est proclamée le 15 juin 1794 à Corte la
rupture de tout lien avec la France et la Corse, rentrant dans un cadre de dominion
avec le Royaume-Uni. Le roi d’Angleterre est le roi de Corse, représenté en Corse par
un vice-roi.
La Corse n’est pas annexée au Royaume-Uni, mais unie à la seule personne du
souverain commun : elle forme un royaume indépendant et séparé par une union
personnelle.
Le pouvoir législatif est exercé par le roi et le Parlement de Corse. Ce dernier
comprend, à côté des membres de droit, des évêques et des députés élus pour deux
342
Paul ARRIGHI, Histoire de la Corse, Toulouse, Privat, 1971, p454
148
ans à raison de deux par pieve et par ville maritime de plus de 3 000 habitants. Les
députés doivent posséder un capital immobilier de 6 000 lires, être nés de père corse
et résider dans la pieve depuis au moins 5 ans.
Le Parlement vote les lois. Aucun impôt ne peut être levé sans qu’il y ait spécialement
consenti.
Le Roi convoque, proroge et dissout le parlement. Il sanctionne les lois, mais peut
refuser la sanction. Il détient le pouvoir exécutif et nomme aux emplois publics :
emplois judiciaires et fiscaux sont restreints aux citoyens corses. Il est interdit de
toucher à l’unité et à l’indivisibilité de la Corse ainsi qu’à ses dépendances. La liberté
individuelle est reconnue, de même que l’habeas corpus et la liberté de la presse. La
Corse prend comme emblème le drapeau à tête-de-Maure aux armes du Roi.
La Constitution de 1794 est un ouvrage direct de Pozzo di Borgo, nommé président
du Conseil d’État. Pozzo di Borgo attire la non-sympathie de la population, jugé par
ses sympathies personnelles. Cela jette un vent de révolte grossi par des
mécontentements consécutifs. Elliot provoque sa démission et une détente s’ensuit343.
Mais les conquêtes de Bonaparte en Italie et son désir de reconquérir la Corse font
peur à Londres. Le bureau, divisé et mal informé sur la conduite à tenir, ne permet pas
une défense efficace.
En 1796, la République est restaurée en Corse grâce à l’envoi d’un détachement
français via Livourne, notamment des 14e et 51e demi-brigades comprenant de
nombreux Corses exilés d’anciens bataillons corses344, qui se fait sans affrontement
direct entre belligérants. La structure bi départementale est réactivée par l’élection de
nouvelles assemblées départementales et de nouveaux procureurs syndics, et l’on
procède par la suite à la désignation des représentants de l’île au Parlement345.
C’est une opération minutieusement préparée par Bonaparte et qui monte
progressivement en puissance. Tout d’abord, on procède à l’envoi d’émissaires depuis
la Toscane, qui, nouant des contacts avec les opposants républicains, permettent
343
344
Paul ARRIGHI, Histoire de la Corse, Toulouse, Privat, 1971, p454
Note correspondance Napoléon, tome 1, p.570, au citoyen Miot, 26 août 1796.
345
Dominique BURESI, Guerres et Révolution en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799), Paris, 2006, 438,
p. 355
149
d’apprécier objectivement la situation politique. Napoléon, depuis son départ de Corse
n’a jamais oublié de garder les yeux rivés sur l’île, de voir comment elle se développait
et ce qui se passait dans son pays natal346. L’envoie d’infiltrés depuis la Toscane n’est
donc alors pas surprenant, compte tenu qu’il préparait cela depuis le début de l’arrivée
des britanniques en Corse.
S’ensuit une brutale répression. Des troubles se produisent en Balagne et sont
étouffés à coup d’exécution primaire. En 1798, la Crucetta est écrasée par le général
Vaubois et fait fusiller le général Augustin Giafferi, fils du primat de 1735. Dans le
Fiumorbo, des Corses émigrés en Toscane reviennent en 1800 et fermentent une
révolte avec l’appui du roi de Sardaigne qui cherche à détourner les expéditions
françaises. Cette révolte est écrasée par le général Ambert. S’ensuit la création de
nouveaux impôts, ce qui accroît les mécontentements347.
II. La Corse du XVIIIe siècle et ses classes sociales
1. La Corse du XVIIIe siècle
En 1794, la population en Corse est estimée, par les études Necker, à 120 000
habitants, et par les mémoires de Calonne, à 122 000 habitants (une différence mince
en somme), tandis que le plan terrier annonce 150 000 habitants en 1795, soit la moitié
de la population actuelle de la Corse selon l’INSEE en 2016348. Pour Paul Arrighi, les
chiffres de Necker semblent être les plus sérieux. Cette population est essentiellement
rurale. En 1741, Ajaccio et Bastia représentent ensemble 13 % de la population totale,
et le quart en 1931.
On ne peut étudier l’Empire et la Révolution en Corse sans parler du XVIII e siècle, qui
est une période troublée en Corse et particulièrement importante. Elle comporte 3
« Le retour de la Corse a la France », Problème d’Histoire de la Corse (de l’Ancien Régime à 1815),
Acte du Colloque d’Ajaccio 29 octobre 1969, Société des études Robespierristes, Paris, 1971. p.193.
346
347
Paul ARRIGHI, Histoire de la Corse, Toulouse, Privat, 1971, p454
348
Ibid.
150
dates décisives. 1°) Le rattachement ou Conquête à la France : l’événement du 15 mai
1768, à savoir le Traité de Versailles, par lequel Gênes se voit dépossédée de son
statut de maîtresse de l’île. 2°) Ponte Novu du 8 mai 1769 : l’idéal séculaire
d’indépendance est vécu comme un véritable holocauste selon Paul Arrighi 349. 3°) La
naissance de Napoléon le 15 août 1769 : son père est partisan de la résistance puis
se rallie à la Monarchie après la défaite.
Ces trois dates ont profondément modifié l’histoire de la Corse.
Il existerait dès alors un véritable cloisonnement entre Corses et Français selon les
mémoires rapportées par l’Abbé Gaudin. Toutefois, l’officier de Picardie fournit
d’autres témoignages à propos des Corses. Au fil du temps, la malaria sévissant dans
les plaines côtières et les incursions barbaresques fréquentes ont éloigné la population
corse des rivages et fait grossir les villages. Villages qui, selon l’abbé Gaudin, ne sont
que des conglomérats disposés sans ordre, sans souci du moindre alignement350.
Il dira de Castirla que c’est un village affreux dominé par une montagne dont se
détachent chaque année des blocs de rochers. Le village de montagne est en soi une
fortification, pouvant se défendre longtemps et facilement avec peu de moyens. Un
habile ingénieur n’aurait rien imaginé de mieux. En témoignent des défaites infligées
aux Génois en 1739 ou 1768, et même aux Français à Corte juchés sur son pic
rocheux entre deux vallées aux parois écharpées.
Pommereul compte 7 gros bourgs en 1770 : Ajaccio, Calvi, Corte, Saint-Florent, Porto
Vecchio, Bastia et Bonifaccio. La critique s’est longtemps portée sur Corte, aux
apparences de village encore aujourd’hui. Il comporte 309 maisons et 1 332 habitants
en 1769, dont 200 Français – étrangers. Bastia est la capitale des Génois et des
Français avant Ajaccio.
L’île se compose alors de deux grands ensembles historiques et géographiques : l’audelà des monts et l’au-deçà des monts. Sa population est essentiellement rurale. Les
6 villes principales ne dépassent pas 5 386 habitants à Bastia et 806 à Sartène. Bastia
compte, en 1781, des fabriques de pâtes, de cire et des tanneries. On dénombre une
majorité de moulins villageois. La répartition de la population est la suivante en 1781 :
349
Paul ARRIGHI, La vie des Corses au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1970, 288, p.8.
350
Ibid. p.23.
151
34 % au-delà : 66 % au-deçà351. Bastia est devenue la vraie capitale grâce à
Marboeuf : elle est la plus connue et la plus décrite par les voyageurs : horriblement
accessible par navire, car demandant des vents parfaits. Germanes estime le nombre
de ses habitants à 8 000 et Goury à 6 000352. L’importance de Bastia réside notamment
dans son port. La ville d’Ajaccio, située vers Castelvecchio, s’est rapprochée peu à
peu de la mer pour éviter la malaria et les bandits, désireuse de faire du commerce.
Construite en 1490, elle est principalement peuplée de Génois, puis accueille des
nobles corses fidèles à Gênes. Mais ces derniers ne veulent pas être confondus avec
les sujets de la République353. Longtemps, les Génois empêchent les paysans corses
de s’établir dans la ville. Cette situation change à l’époque de Sampiero, en 1553,
grâce à l’autorisation des Français.
Selon l’officier de Picardie, les Corses sont plutôt « de taille médiocre, assez bien faits,
communément maigres, ingambes et vigoureux ». Pour Gaudin, ils ont le « teint
basané, [sont] robustes, grands et bien faits, [ont] l’extérieur négligé et ils auraient
meilleure mine s’ils se rasaient plus souvent »354.
Les laboureurs ou bergers sont devenus artisans, marins ou pêcheurs de corail : le
statut de ces résidents se fixe lentement. Les mariages mixtes se multiplient alors.
Ajaccio compte 4 000 âmes environ, et près de 5 000 en 1788 : Gourry trouve que
c’est une belle ville comparée aux autres, avec son port et ses belles maisons.
Le plan terrier annonce que 53 % de la surface de la Corse est incultivable, 34 % est
cultivée, et sur cette dernière, 54 % est cultivée au-deçà et 45 au-delà.
351
Antoine CASANOVA et Ange ROVERE, La Révolution française en Corse : 1789-1800, Toulouse,
Privat, 1989, 316, p.7.
352
Paul ARRIGHI, La vie des Corses au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1970, 288, p.27.
353
Ibid. p.32.
354Ibid.
p.68.
152
2. Les classes sociales de la Corse du XVIIIe siècle
La société corse, par son histoire de fin de la féodalité à la fin du XIV e et le
renouvellement des formes de domination sociale par la grande aristocratie foncière
entre le XVe et XVIIe au temps de l’ancien régime, est marquée par des traits
profondément originaux. La structure principale est une structure dualiste : gestion,
régulation communautaire des biens à l’échelle des pieves, et formes sociales
d’organisation du travail campagnard avec une exploitation et une organisation
familiales355.
La majorité de la population est concentrée dans la paysannerie, mais on distingue
différents types de classe paysanne. La première catégorie est celle des Gionaleri (ou
persone di zappa, à savoir homme de pioche), dont la condition de vie est misérable.
Difficile de connaître sa part exacte dans la population corse, mais on l’estime à
environ 15 %.
Dans cette paysannerie corse existe aussi un vaste ensemble de petits propriétaires
métayers (10 % de la population). Ils disposent chacun d’une petite parcelle autour de
7-13 hectares, qui est journalisée régulièrement ou épisodiquement, mais elles sont
généralement trop maigres pour subvenir à leurs besoins.
Mais, le cœur de la population corse (autour de 44 % de la population) est constitué
des lavoratori et vignaroli, des propriétaires métayers se distinguant des précédents
par leur propriété plus substantielle (environ 35 hectares).
Gaudin affirme : « Leurs habitants sont réellement moins malheureux que les plus
pauvres de ceux de nos campagnes. On n’y voit point de mendiants et il n’y a presque
personne qui ne puisse vivre de sa petite propriété356. » On peut lier les habitudes
montagnardes aux solidarités locales. Encore, selon Gaudin, en période trouble, la
maison du riche était ouverte au pauvre qui allait chercher ses besoins comme dans
sa propre maison, sans se croire tenu à une quelconque reconnaissance ni
soupçonner entre son bienfaiteur et lui une inégalité. Habitude des régions
355
Antoine CASANOVA et Ange ROVERE, La Révolution française en Corse : 1789-1800, Toulouse,
Privat, 1989, 316, p.19.
356
Paul ARRIGHI, La vie des Corses au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1970, 288, p.69.
153
montagnes : Corses habitués à vivre ensemble dans l’égalité, persuadés qu’ils se
valent les uns les autres357.
Selon l’officier de Picardie, « Le Corse ne voit jamais qu’un homme dans celui qui en
est revêtu et il est homme lui-même : pourquoi serait-il déconcerté en la présence d’un
prince ? ».
Ils cultivent près de 60 % de l’agriculture recensée. Ils sont le noyau de la population
des villages corses. Toutefois, ces familles de petits propriétaires métayers journaliers
sont encore dépendantes des familles de propriétaires métayers, mais jouissant toute
de même d’une certaine indépendance.
Autre catégorie, représentant 23 % de la population, principalement issue du monde
marin, notamment le Cap-Corse, les lavoratori dei propri beni. Leur condition de vie
est déclarée médiocre ou « onesta ». Leur statut leur permet de vivre, mais toujours à
un niveau plus bas que celui des propriétaires fonciers qui ont la main mise. Ils sont
mis en difficulté par les grands notables Capipopoli et gênés par la fiscalité. Les petits
commerçants ne sont pas riches à en juger leur inventaire établi en 1742. Ce sont des
propriétaires terriens, souvent nobles petits commerçants des villes et bourgs, s’étant
parfois enrichis dans les Amériques. Ils pratiquent la course et la contrebande. Parmi
eux, Antomattei de Centuri, devenu noble d’Espagne en 1755, faisant le mécène dans
son village, ou encore Pascal de Bonavita d’Ersa, s’illustrant au Brésil contre les
Anglais en devenant Corsaire du roi.
S’ajoutent en haut de l’échelle les Signori de la bourgeoisie rurale, possédant 42 % du
sol et représentant 4 à 7 % de la population insulaire358. Cette catégorie se distingue
à la fois des propriétaires directement attachés à la production et de la grande
aristocratie foncière. Y figurent des marchands, des propriétaires de navires et des
investisseurs en production agricole. Ils possèdent un solide équipement agricole,
mettant en valeur le salariat et le métayage dont sont issus les prêtres, médecins,
notaires, etc. Ils disposent de territoires agro pastoraux (bœufs, châtaignes, ovins,
caprins, vignes mulets et chevaux). Ils sont prépondérants dans la vie municipale et
politique, voulant orienter les institutions à leur guise, ainsi que le fonctionnement des
357
Ibid. p.74.
358
Antoine CASANOVA et Ange ROVERE, La Révolution française en Corse : 1789-1800, Toulouse,
Privat, 1989, 316, p.24.
154
droits d’usage et la gestion des biens communs. Avec une marge de progression
bloquée dès le départ des Génois, les Signori sont davantage considérés par la
monarchie
comme
des
bourgeois
que
des
nobles
(exemple :
recherche
d’anoblissement des Bonaparte).
Au sommet de l’échelle se trouvent, au-dessus des Signori, les Casate des prepotenti
de l’aristocratie foncière.
Ils représentent seulement 3 % de la population et disposent de 57 % du sol. Caste de
l’aristocratie foncière359, ce sont d’anciens feudataires, dont les Ornano, descendants
des caporali du XVe. Les Caporali, qui intriguent encore avant la conquête française,
peuvent se qualifier de chefs de village, place prépondérante parmi les habitants.
« Les Corses sont jaloux de la célébrité et curieux de ces marques d’honneur qui
donnent chez nous un rang dans l’État et qui désignent au moins une noblesse
personnelle », affirme Germanes. Pour Gorolami Cortona, « La Corse a toujours aimé
la gloire et les titres qui se perpétuent ». Ces constats peuvent expliquer les difficultés
à trouver des hommes en armes et des soldats sous Paoli comme sous la monarchie,
davantage d’hommes voulant être officiers que soldats360.
Il faut attendre la conquête française pour voir s’esquisser une solution : le rapport de
1769 demande une noblesse prouvée de 200 ans d’existence et une noblesse avouée
reconnue, même si les titres sont insuffisants ou ont disparu.
Feydel voit 5 castes de gentils hommes composés de Magnifique, de Signori, de
caporaux, de citoyens, de plébéiens et d’étrangers. Toutefois, avant 1789, difficile de
différencier plébéiens et citoyens. La majorité du peuple constitue la classe la plus
nombreuse, la plus pauvre, la plus ignorante et la plus longtemps accablée d’impôts.
Situation qui provoquera maintes révoltes, dont celles de 1729 et 1735.
Compte tenu de ce système, apparaissent très tôt des clivages entre les diverses élites
au début de la Révolution361.
359
Ibid. p.29.
360
Paul ARRIGHI, La vie des Corses au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1970, 288, p.72.
361
Antoine CASANOVA et Ange ROVERE, La Révolution française en Corse : 1789-1800, Toulouse,
Privat, 1989, 316, p.74.
155
3. Les causes sociales de la Révolution en Corse et la vision de la Corse par
l’extérieur
Divers groupes s’opposent. Aréna et Galloni apparaissent comme deux pôles
extrêmes. Certains voient en la France l’unique recours à la sécurité « contro il
popolaccio », un moyen de garantir le rétablissement de l’ordre social rétabli et la
liberté. Il y a une volonté de maintien des grandes exploitations et des grandes
propriétés, mais aussi des privilèges de l’ancien régime. Jean-Baptiste Galeazzini, ferde-lance de la révolution à Bastia, jacobin, condamne l’administration du roi vicieuse
qui a dilapidé l’argent en Corse, protégée par le despotisme. Bloqué dans sa carrière,
la caste nobiliaire faisant obstacle à toute possibilité de promotion, il adresse une lettre
aux députés corses à l’assemblée : « La plus grande partie des emplois a été donnée
à des intrigants sans culture et sans mérite. Faveurs et protections étaient les seuls
titres qui comptaient pour occuper ces fonctions et bien peu nombreux sont ceux qui
y parviennent par des voies normales362. » Les révoltes nationalistes du Niolo montrent
la montée de la contestation après 1775 : tantôt à motivation indépendantiste, tantôt
sociale. La misère, la fiscalité, les menées paolistes, les bruits de guerre et
l’enfermement municipal lié à la monarchie vont mener à l’accalmie. Se déroulent
autour de 1785-1786 les premiers accrochages, notamment entre le Royal-Corse et la
population/communauté de Renno contre l’accaparement des terres communes363.
Le processus révolutionnaire en Corse est le fruit de l’aggravation des antagonismes
sociaux et politiques de l’ancien régime en Corse : crises des premiers mois de 1789
et mobilisation idéologique intervenue en avril. On voit se développer des petits
mouvements paysans et bergers ; ils se dressent contre les amendements, car
impossibles à payer avec la disette. Ces luttes foncières et fiscales sont universelles
et mobilisatrices.
362
Antoine CASANOVA et Ange ROVERE, La Révolution française en Corse : 1789-1800, Toulouse,
Privat, 1989, 316, p.79.
363
Ibid. p.81.
156
Les premières concertations entre Ajaccio Bastia et Paris débutent en août 1789,
d’après le témoignage de Salicetti, pour développer les actions simultanées. Les
premières nouvelles arrivent la première quinzaine d’août 1789364.
Le 7 août, Bastia est à l’avant-garde : un marchand de Lyon aurait débarqué, arborant
à son chapeau les trois couleurs. Au Café Ollagnier, un groupe se réunit. Il décide
d’aller voir les autorités et de leur imposer le port du nouveau symbole.
Le 9, une délégation composée de Pietro Galeazzini et de Francesco Saverio Poggi
se présente devant le vicomte Barrin365 pour faire de même : hésitant, il obtempère,
comme ses officiers, afin de maintenir essentiellement la concorde.
Très vite la ville, s’emporte au cri de Viva la Patria, Viva la Nazione. Jean-Baptiste
Caraffa366 devient le premier maire de la Révolution, assisté de Giuseppe Maria
Perfetti et de Paolo Luigi Mattei.
Ces événements sont les détonateurs des événements de Corse. Aux premiers jours
d’août 1789, des officiers donnent la chasse aux 3 couleurs à Ajaccio, des voyageurs
qui arrivent de Provence.
Ils redoutent de nouveaux incendies sur l’île. La bourgeoisie d’Ajaccio se joint aux
actions.
Le 14 août, l’Abbé Rossi, dans ses Osservazioni Storiche, énonce : « En de
nombreuses boutiques, on les vendait publiquement et chacun les arborait à son
chapeau ou à sa casquette. Les ecclésiastiques les mettaient sur la poitrine367. »
Pour la bourgeoisie, c’est l’occasion d’aspirer à la démocratie municipale, de
supprimer les grandes concessions domaniales, d’obtenir une égalité juridique
364
Ibid. p.118.
365
Le Vicomte Barrin remplace Marboeuf à sa mort, il est perçu comme un homme de dialogue,
Dictionnaire historique de la Corse, Ajaccio, Albiana, 2006.
366
Jean Baptiste Caraffa, il incorporé comme enseigne en 1739 avec la création du royal corse italien,
participera à Fontenoy et auparavant en 1747 au siège de Berg op Zoom qui lui vaut le grade de
capitaine. Il reçoit la croix de st louis après la guerre de sept ans. Les bastiais se soulèvent à la révolution
chassant le podestat Rigo et l’élisent comme maire, puis il meurt en 1791.Son fils Ignazio Giabattista
Carrafa sera nommé le 15 fructidor an X chef du 2 bataillon d’infanterie légère de la corse par décret du
24 vendémiaire an XII. Puis au 5e bataillon le 31 mai 1806 par le décret. Plus tard rejoint le Royal Corse
de Naples : campagne aux cotés de Murat. Dictionnaire historique de la Corse, Ajaccio, Albiana, 2006.
367
Ibid. p.122.
157
complète avec les nobles, une participation à égalité totale avec les Corses en ce qui
concerne les droits, les charges et les emplois de France, ainsi que de contrôler des
institutions politiques de niveau insulaire ou municipal, tout cela dans une optique
d’ascension.
Pour l’officier de Picardie, comme d’autres témoins du XVIIIe, une passion revient chez
les Corses, encore actuelle, celle des armes368.
Pour l’officier de Picardie, « après l’argent, le fusil est ce qu’ils aiment le plus »369.
Cette citation en partie fausse doit être prise avec des pincettes. En effet, il s’agit d’un
point de vue subjectif. Boswell, durant son passage en Corse, affirme : « Ils deviennent
excellents tireurs et il est rare qu’avec une seule balle ils manquent leur coup, à une
très grande distance, et même sur un fort petit objet. » Ces témoignages illustrent la
volonté future d’armer les Corses comme une infanterie légère.
Toutefois, après la conquête française, l’armement chez la population est une menace.
Boissieux essaie, lui aussi, en 1738, de désarmer la population. Entre 1768 et 1769,
on estime à 30 000 – 35 000 Corses armés détenant 2 ou 3 fusils : seulement 120 00
sont remis.
Selon l’officier de Picardie, le Corse est vigoureux, un marcheur infatigable et sobre :
« Il passe les nuits dans les champs ou dans une embuscade avec un fusil dans les
bras, un pistolet, un poignard, une carquière garnie de plusieurs cartouches… un petit
sac de cuir sur le dos rempli de petits pains d’orge, de châtaignes et de fromage, avec
une gourde remplie d’eau et de vin pendue à son côté ; voilà comme ces insulaires
vont à la guerre pour 10 ou 12 jours. »
Même après avoir été organisés en milice régulière par Paoli en 1755, les Corses
continueront la guérilla.
Les patriotes qui n’ont ni tambour ni trompette se rassemblent, dit Pommereul, « soit
à l’appel du tocsin, soit au son des sifflets ou des cornets ». « Précédés d’une petite
avant-garde, les Corses marchent à l’ennemi par pelotons, font un feu à volonté et se
dispersent aussitôt. Leurs manœuvres sont favorisées par la nature du pays accidenté,
368
M. V de CARAFFA, Mémoire Historique sur la Corse par un Officier du Régiment de Picardie 17741777, Imprimerie et Librairie Ve Eugène Ollagnier, 1889, Bastia, Gallica, 268p, p.204.
369
Paul ARRIGHI, La vie des Corses au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1970, 288, p.82.
158
couvert de bois ou de maquis et coupé par les petits murs d’enceinte des champs »,
« ils procèdent par surprise ; ce sont plutôt des irruptions que des attaques ».
Avant Paoli, l’Armée est essentiellement une milice populaire. Au moment des
soulèvements historiques, tous les hommes valides de 16 à 60 ans, sauf les
ecclésiastiques, sont appelés sous les armes. Ils obéissent à leurs chefs locaux qu’ils
ont élus eux-mêmes. L’encadrement est organisé par Gaffori en 1751, puis, en 1755,
par Paoli en tant que général en chef370. Paoli se plaint du même problème : la difficulté
de trouver 2 000 officiers pour 200 soldats. Les effectifs sont variables : 300 en 1755 ;
800 en 1761 ; 2 700 en 1762 et davantage en 1768. L’uniforme du milicien est un
vêtement en drap de laine noire du pays, un bonnet en peau de sanglier et une guêtre
de veau montant jusqu’aux genoux. La discipline est très sévère ; les peines vont
jusqu’à la mort.
Goury, qui passe 2 ans en Corse, trouvent les Corses « naturellement méfiants et
cachés ». Toutefois, il n’y a pas de caractère corse uniforme : « En Corse, autant
d’usages que de pays. » Rousseau se dit heureux que la Corse n’est pas été
corrompue par la civilisation, en argumentant sur le mythe du bon sauvage, ne
pervertissant pas leur mode de vie sain et leur sobriété.
Pour Napoléon, la Corse « est un peu extrêmement difficile à connaître, ayant
l’imagination très vive, et les passions extrêmement actives »371.
Bellin distingue les Corses des villes, qui « ont le cœur droit, sensible, plein d’équité
d’humanité » et les autres, à qui peut s’appliquer encore le sévère jugement de
Sénèque372. Feydel opposera « le Corse policé et le Corse sauvage ». Il est
nécessaire de prendre conscience du compartimentage de l’histoire des pièges : des
diversités d’histoire créant des variantes dans le détail. Cela reste des témoignages
de Français de l’époque à remettre dans leur contexte. D’autres préfèrent voir l’inverse,
à savoir la pureté dans la montagne et le vice dans les bourgs.
370
Ibid. p.85.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 2, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, au citoyen Miot, Vérone, 23 novembre 1796, p.128.
371
372
Paul ARRIGHI, La vie des Corses au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1970, 288, p.204.
159
Dans tous les cas, il ne faut pas penser l’île de Corse comme un isolement. Cette
vision provient d’une grille de lecture continentale, réduisant l’insularité à une
fermeture conduisant à l’ethnolocalisme. Vision et grille restent le jouet de la double
démesure de la terre et de la mer. La terre est la matérialisation de l’enracinement et
de l’origine identitaire qui accomplit sa démesure dans la clôture identitaire, tandis que
la mer conduit à l’illimité sans repère, au vide où toutes les différences sont aplanies
et réduites à l’abstraction universelle373. La mer a toujours été un moyen de
communication, fait remarquer Loannis Spilanis au sujet des îles de l’Égée.
Elle est synonyme de risque de départ, de malheur, mais d’une gloire, de réussite et
d’aventure. En Corse, l’île a cette dialectique et cette complexité entre ouverture et
fermeture.
III. Le Régiment Impérial en Corse
1. Le développement administratif et militaire de la Corse
Pour certains historiens insulaires comme Paul Arrighi ou encore Dominique
Buresi, il aurait existé alors très tôt un parti français en Corse, dans la recherche d’une
puissance tutélaire, pouvant éclipser Gênes et s’incarnant particulièrement au milieu
du XVIIIe siècle.
Ce parti prend notamment forme durant la période de Sampiero, où il y aurait une prise
de conscience pour la France comme intérêt stratégique. Gênes apparaît alors comme
une puissance en décadence pouvant être vaincue 374. En 1751, un édit accorde le
droit aux insulaires se fixant en France d’obtenir la nationalité française, en plus de
toutes les prérogatives des « Français de souche ».
Charlie Galibert, La Corse, une île et le monde : essaie ethno-historique sur l’insularité, Paris, Presse
universitaire de France, 2004, 245, p.28.
373
374
Paul ARRIGHI, La vie des Corses au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1970, 288, p.44.
160
La Corse, comme nous l’avons déjà dit, dispose de structures anciennes qui ont peu
varié à la fin du XVIIIe siècle. La division des sociétés en clergé, noblesse et tiers état
valable sur le continent européen s’applique mal à la société corse ou le clergé prend
souvent la tête des révolutions et où la noblesse est près du peuple. La société corse
peut se résumer essentiellement aux bergers vivant à la montagne. Ces derniers
pratiquent la transhumance et considèrent toute portion de terrain non close comme
une zone de libre parcours pour leurs troupeaux. L’agriculteur pratique dans les
plaines, dès lors que cela est possible, et sur les zones de faible altitude, l’arboriculture
et la culture de la vigne375. À côté vivent les gens des villes regroupant les
commerçants, les artisans et les fonctionnaires.
Cette petite société n’échappe donc pas aux tourments de l’histoire, agite aussi le
monde méditerranéen. Malgré toutes les vicissitudes que l’histoire lui a imposées, elle
demeure elle-même, refusant les bouleversements dont elle aurait pu être affectée.
Une fois la monarchie française en place en Corse, le pays est considéré comme un
pays d’État, rappelons-le, lui donnant droit à un petit parlement comme les autres
provinces.
Passé la Convention, à l’âge du Consulat et l’Empire, la Corse va rester
essentiellement une préoccupation militaire pour Napoléon. La plupart des
correspondances retrouvées entre l’Empereur et la Corse concernent les levées de
troupes, les mouvements de troupes et les travaux de défense dans les bourgs
principaux disposant d’anciennes citadelles.
Entre-temps, Napoléon envoie Miot et Salicetti376 pour faire une demande d’indulgence
vis-à-vis des partisans du régime précédent, à savoir le Royaume anglo-corse,
excepté les 12 « coupables » selon Napoléon, les 12 dirigeants377. Durant l’aventure
375
Ibid. p.339.
376
Salicetti Christophe (1757-1809), avocat au début dans le sillage de la Monarchie, il est élu en juin
1789 député du tiers état, proche des éléments radicaux anti monarchie, en jacobin il vote la mort du
Roi. Il sera chargé de l’expédition pour libérer la Corse mais Napoléon le trouve encombrant le
définissant comme « consul jacobin » trop proche de Robespierre. En 1797 devient élu du golo au
conseil des 500, en 1806 ministre de la police puis de la Guerre au Royaume de Naples sous le Roi
Joseph, il meurt en 1809 peut être assassiné par des Napolitain. Dictionnaire historique de la Corse,
Ajaccio, Albiana, 2006.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 2, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au directoire exécutif, Vérone, 25 octobre 1796. p.70.
377
161
du Royaume anglo-corse, Napoléon sera par ailleurs très impliqué quant à la libération
de la Corse pour qu’elle regagne la liberté comme il le dit. Il donne l’ordre à tous les
réfugiés corses de se préparer à partir pour reprendre la Corse et « secouer le joug
anglais et reconquérir la liberté »378.
Il fait mettre en place de sérieuses finances pour récupérer les réfugiés corses
partisans de la France, en les faisant incorporer dans la Gendarmerie ou la Garde
nationale379. Depuis Livourne, il chapote les opérations, Livourne étant devenue la ville
des réfugiés corses francophiles désireux de reprendre la Corse380. La ville
comprendrait alors près de 900 Corses exilés à Livourne, selon Napoléon dans une
lettre au général Vaubois le 27 juin 1796381.
Napoléon est lui-même le principal artisan du parti français en Corse, compte tenu de
son intervention personnelle dans la situation politique de la Corse en 1796. Il incarne
véritablement ce camp qui souhaite restituer la Corse dans le camp éternel de la
République française, au point qu’il serait prêt à financer de sa poche les insurrections
du parti français en Corse, envoyant des fusils de chasseurs et des barils de poudre.
Les insurgés seraient en insurrection depuis des mois382. On peut toutefois prendre du
recul sur ce témoignage. La population est certes mécontente, mais cela concerne
plutôt l’impopularité de Charles Pozzo di Borgo qui s’ajoute à la situation de disette
que connaît la Corse depuis plusieurs années.
Le projet politique de Napoléon est de rendre la Corse « une bonne fois française, et
il ne faut plus y entretenir ce petit tripotage de connivence particulière qui tend à
éloigner les amis de la France »383. Deux politiques apparaissent alors : l’utilisation de
l’île comme réservoir humain pour l’Armée, et le développement à Ajaccio des
Correspondance Générale de Napoléon, tome 1, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au chef de bataillon Bonelli, Castiglione, 20 juillet 1796. p.488.
378
379
Ibid. Au citoyen Salicetti, Milan, 26 août 1796. p.571.
380
Ibid. Au citoyen Sapev, Castiglione, 20 juillet 1796, p.489.
381
Ibid. Au général Vaubois, Brescia, 27 juin 1796, p.497.
382
Ibid., Au directoire exécutif, 6 juillet 1796, p.459.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 2, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au général Gentili, Vérone, 1er novembre 1796, p.86.
383
162
domaines agricole et éducatif384. En ce qui concerne l’éducation, il s’agit de l’envoi,
notamment en 1797, de certains enfants dans 2 ou 3 institutions nationales à Paris,
afin qu’ils éprouvent un attachement à la France et obtiennent une meilleure éducation.
Miot met en place, dès son arrivée en 1797, les administrations des deux
départements pourtant créés en 1793.
En effet, dès la reconquête de la Corse, la Corse apparaît pour Bonaparte comme un
bon moyen de recrutement concernant les ressources de la Marine et un moyen de
recrutement pour l’infanterie légère : « La Corse, restituée à la République, offrira des
ressources à notre Marine et même un moyen de recrutement à notre Infanterie
légère ». Le général Gentili est envoyé en Corse afin de commander provisoirement
le territoire et lever des colonnes mobiles pour éradiquer les derniers anglophiles. La
dernière expérience a servi de leçon, et un projet de travaux pour la défense de SaintFlorent, de Corte, Calvi, Bastia et Bonifacio se met en place. Par ailleurs, Ajaccio, qui
a réputation d’être plus francophile que son homologue au nord, Bastia, dispose
désormais de la centralisation des pouvoirs militaires385.
Napoléon écrit à Laffon, commandant de la subdivision du Liamone, en août 1797 :
« Laissez leur religion, leur prêtre, leur cloche pourvu qu’ils soient de bons citoyens et
qu’ils aiment les Français. »
Courant 1797, le général Vaubois prend le commandement militaire de l’île. La réunion
des assemblées primaires occasionne d’ailleurs des troubles. On peut ressentir la
crainte en Méditerranée dans la correspondance de Napoléon entre 1797 et 1798 –
l’épisode anglo-corse n’est pas oublié avec la puissance de la Royal Navy dans une
partie de la Méditerranée – aussi bien que dans une lettre de Napoléon à Najac,
commissaire ordonnateur de la Marine de Toulon, lui demandant de ne laisser aucun
navire de Toulon. Cette crainte est justifiée, car Napoléon fait envoyer de l’argent en
384
Jean-Marie ARRIGHI, Paul JEHASSE, Histoire de la Corse et des corses, Paris, Perrin, 2008, 550,
p. 370.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 2, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, p. 59, au directoire exécutif, Modène, 17 octobre 1796, p.59.
385
163
préparation de la campagne d’Égypte, environ 200 000 francs par frégate, afin de
préparer les casernes et subsistances386, escortée par un Aviso387.
Cet argent doit principalement servir aux troupes des deux départements du Golo et
du Liamone, qui sont arriérées et manquent cruellement de tout388. Mais la somme ne
suffit pas. Napoléon redemandera par la suite l’envoi de 300 000 francs et une
seconde fois 600 000 francs389 pour la solde des troupes corses390.
Le sujet de la défense de l’île va revenir continuellement dans les correspondances,
comme lorsqu’il sera demandé de ne pas engager d’insulaire pour la gestion
administrative ou militaire de la Corse. Napoléon dira : « Le département du Liamone
aime mieux avoir un Français du continent employé dans sa garde qu’un Corse du
département du Golo391. »
Les 5 places fortifiées ne sont susceptibles d’aucune défense. Seule celle de Calvi est
capable de donner un point d’appui dans la défense de l’île. S’il s’avérait qu’un conflit
a lieu sur place, Napoléon considère « n’être défendu que par les habitants et la
garnison »392. Un plan alors est mis en place une seconde fois afin d’établir une
meilleure défense sur Saint-Florent, point clef comme le disait Nelson. Il est prévu de
ne rien dépenser sur Bastia, Ajaccio, Corte, Bastia et Bonifacio, et d’entretenir celle de
Calvi, mais aussi de démolir tout ce qui pourrait entraver ou être inutile à la défense.
Correspondance Générale de Napoléon Tome 2 : La Campagne d’Egypte et l’Avènement 17981799, Paris, Fayard, 2005, 1272, au chargé de l’Armement, Paris, 25 ventôse An VI, 15 mars 1798.
386
387
Ibid., A Ramel de Nogaret, président du directoire exécutif, Paris, 17 mars 1798.
388
Ibid. A Ramel de Nogaret, ministre des Finances, Paris, 22 mars 1798.
Ibid. A la commission chargée de l’armement des cotes de la méditerranée, 28 germinal an VI 17
avril 1798, p. 71.
389
390
Ibid. A Ramel de Nogaret, ministre des Finances, Paris, 31 mars 1798.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 3, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au directoire exécutif, 13 octobre 1797, p.291.
391
Correspondance Générale de Napoléon, tome 2, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au directoire exécutif, Judenburg, 9 avril 1797, p.470.
392
164
2. La Corse plateforme de la Méditerranée et les tentatives de francisation
Entre-temps, la campagne d’Égypte se prépare, et la Corse semble pour Napoléon
un endroit de choix sur le chemin venant vers l’Égypte. Il souhaite même y faire
participer le 4e léger corse fort de 1 200 hommes sous les ordres du général Menard
afin de s’emparer de Malte393. Au même moment, les troupes stationnées en Corse
sont composées de 6 700 hommes : la 19e demi-brigade de ligne (2 000) hommes, le
1er bataillon de la 86e (900 hommes), la 4e infanterie légère (1 500 hommes), la 25e
infanterie légère (2 100 hommes) et l’Artillerie (200 hommes)394. Le 4e participera
d’ailleurs aux batailles des Pyramides, de Chobrakhit et d’El Rahmanieh395. Il manque
cruellement d’effets en Égypte. Il demande 600 habits et 1 200 pantalons.
Le général Vaubois, alors commandant de la 23e division militaire, est chargé de réunir
la 4e demi-brigade légère et la 19e de ligne, puis de les faire embarquer, chargées
d’eau et de munition (100 cartouches par homme) sous les ordres du général
Ménard396. Il est également ordonné de réunir deux bataillons à Ajaccio du 23 e léger.
Ces troupes seront commandées par Menard, et sous ses ordres par le général de
brigade Casalta.
Après la reconquête française en 1797, le ton change entre l’île et la capitale. En
témoigne l’après-Crucetta, période durant laquelle les colonnes militaires parcourent
l’île. Puis s’abat la répression dans les années qui suivirent pour les « patriotes », une
période encore appelée aujourd’hui A Francisata, ou « francisation ».
Le 13 décembre 1800, la Corse est mise hors constitution. Le délégué général du
gouvernement est placé au-dessus des préfets. Cette traduction s’applique aussi au
niveau de la responsabilité politique : Napoléon refuse catégoriquement, en bon
jacobin, que des Corses aient accès à des responsabilités, à cause des risques de
Correspondance Générale de Napoléon Tome 2 : La Campagne d’Egypte et l’Avènement 17981799, Paris, Fayard, 2005, 1272, Lettre au directoire exécutif, 15 ventôse An VI, 5 mars 1798.
393
394
Ibid. Lettre aux commissaires de la trésorerie nationale, Paris 21 ventôse an VI, 11 mars 1798.
395
Ibid. Au général Berthier, 2 août 1798.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 4, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Arrêtés, Paris, 5 mars 1798, p.9.
396
165
corruption et de gestion désastreuse issus du système clanisme selon lequel les
places sont distribuées en fonction de l’esprit des familles. De même, concernant le
commandement militaire et les généraux, il conseille de ne pas les placer en Corse397.
Toutefois, en octobre 1796, compte tenu de la situation, des Corses sont aux
commandes. Napoléon doit ordonner d’attribuer le commandement temporaire de
Bastia au citoyen Ristori chef de brigade, celui d’Ajaccio au citoyen Régi chef de
brigade, celui de Bonifacio au citoyen Sabrini Capitaine, celui de Saint-Florent à JeanCharles Cotoni chef de brigade, celui de Corte au citoyen Colle chef de brigade et celui
de Calvi au citoyen Mamobli Capitaine398. Les commissaires ordonnateurs et les
commissaires des guerres ne doivent ni être corses ni être nés en Corse399.
Miot est chargé de mettre en place un tribunal extraordinaire pour faire juger et
exécuter tous les détenus des prisons d’Ajaccio accusés de vol, d’assassinat ou de
prédication à la rébellion : « composé de juristes respectables par leurs mœurs et leur
conduite » selon une lettre de Napoléon du 15 décembre 1800. Les heurts et révoltes
précédents ne viennent pas uniquement du passé politique tumultueux, mais aussi de
la mauvaise administration des fonds ; comme en témoigne également Napoléon dans
une lettre au directoire exécutif, ainsi qu’au citoyen Villemanzy : « Des troubles sont
nés en Corse par le défaut d’argent, cela pourrait devenir dangereux, indispensable
d’envoyer la somme de 100 000 francs à Ajaccio400. »
Le 7 janvier 1801, l’état de siège est institutionnalisé. Le jury est supprimé. Un tribunal
militaire extraordinaire remplace les tribunaux. Le général Morand arrive en juillet 1801
dans l’île et laissera en Corse un mauvais souvenir : sa mention est une malédiction :
« Ch’ellu ci ghjunghi Morandini », « que Morand y vienne ». Durant sa gestion le jury
est supprimé, les sanctions collective telle que les amandes, prise d’otages ou
confiscation d’arme peuvent être courante contre des communes ou des familles. A
Correspondance Générale de Napoléon, tome 2, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au citoyen Carnot, Vérone, 19 novembre 1796, p.119.
397
398
Ibid. p.60, Au général Gentili, Modène, 17 octobre 1796, p.60.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 6, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au général Gentili, au général Laguée, Paris, 11 novembre 1800, p.505.
399
Correspondance Générale de Napoléon, tome 3, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au citoyen Villemanzy, Milan, 6 mai 1797, p.26.
400
166
noter que si les plébiscites sont organisés en France, il n’y a eu aucune élection en
Corse sous le Consulat et l’Empire, même pas le sénatus consulte du 24 avril 1811401.
Jean-Baptiste Cervoni dira : « Morand fait le bonheur de la Corse, on y fusille un Corse
par jour. » La vérité est peut-être autre, mais Morand a tout de même laissé une
sinistre situation sur l’île, qui peut être amputée également à Napoléon. Selon ses
dires : « Le Corse est bon soldat, il faut que Morand m’en procure le plus possible, et
n’épargne rien pour cela402. »
La Corse va servir de point d’ancrage pour l’expédition contre l’insurrection de SaintDomingue en 1803403.
L’Empereur écrit à Morand le 22 mars 1805 : « Surtout, je vous recommande de faire
marcher la conscription404. » Napoléon réclame dès le début des levées de troupes
par tous les moyens pour « ôter des fainéants aux recruteurs anglais » : il prend
exemple sur ceux qui ont choisi la France en 1793 et ont suivi de brillantes carrières.
Des questions se posent alors : Y aurait-il eu des oppositions, des résistances, des
désertions ? La proximité de la Sardaigne fait naturellement de cette dernière un
réceptacle de toutes les oppositions au régime impérial dès lors que Morand a laissé
un très mauvais souvenir encore aujourd’hui dans l’imagerie populaire, tout comme
Napoléon en Corse.
Comme on l’a vu, la Corse n’a pas échappé pas à la conscription, bien que mise en
place tardivement en Corse, à savoir en 1803. Le Golo et le Liamone sont soumis au
régime de l’inscription maritime qui complète par une levée de marins la levée normale
pour l’armée active ; mais, depuis l’arrêté du 8 prairial an XI, les deux départements
corses doivent aussi fournir, comme les autres départements qui ont une façade
maritime, une levée de canonniers garde-côtes405. Toutes ces levées supplémentaires
401
Haute Police en Corse, Dictionnaire historique de la Corse, Ajaccio, Albiana, 2006, p.494.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 10, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Au maréchal Berthier, 1er avril 1805.
402
Correspondance Générale de Napoléon, tome 7, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica, Au contre-amiral Decres, Paris 3 février 1803, p.199.
403
404
Paul ARRIGHI, La vie des Corses au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1970, 288, p.369.
Louis BERGES, « Insoumission et désertion en Corse sous l’Empire », Etudes Corses, Corses et
Sardaigne entre Réformisme et Révolution, La marge édition, numéro 30/31, 1988, 348, p.304.
405
167
n’ont rien d’exceptionnel par rapport à celles pratiquées, par exemple, dans les
départements de la façade atlantique, s’il ne venait pas s’y ajouter la création, par le
décret du 8 juillet 1802, d’un bataillon corse dans l’infanterie légère qui sera envoyé à
Antibes, futur tirailleur corse, pour être dirigé sur le camp de Boulogne par arrêté du
2 mai 1803. Puis, par arrêté du 12 prairial an XI, ce sont aussi 5 bataillons de
chasseurs corses qui sont créés et transportés à Livourne en septembre de la même
année : constitués en Légion corse, un peu plus tard, ils seront mis au service du
royaume de Naples. Cette volonté s’exprime afin de les ôter aux éventuels recruteurs
anglais.
Morand règne en despote sur la Corse. Il aurait empêché les citoyens de l’île de Corse
à passer en France afin de porter leurs doléances406. Napoléon fait savoir qu’il trouve
Morand alors « abusif et tyrannique », et qu’il est mécontent de lui.
Il est remplacé à sa mort, le 2 avril 1813, par Louis César Berthier.
Il faudra attendre 1810 pour que l’Empereur daigne donner de l’importance au
développement propre de la Corse, donnant les privilèges de Douanes à la Corse afin
de favoriser les cultures ordinaires, telles que le vin, le miel, le bois de chauffage, la
cire, le raisin ou encore les peaux de chèvre. La Corse rapporte 600 000 francs,
somme qui sera affectée à ses propres dépenses et ne devant pas aller au-delà pour
l’Empereur, travaux concernant la défense non compris407.
En 1807, Napoléon propose déjà de faire du Golo et du Liamone un seul
département408. En 1811, cela est chose faite. Désormais, l’île est organisée sous le
titre de département de la Corse en un seul département composé de cinq
arrondissements409.
Correspondance Générale de Napoléon, tome 19, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Lettre au général Clarke, p.620.
406
Correspondance Générale de Napoléon, tome 20, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Note sur la Corse dictée en Conseil d’administration des finances,
Saint-Cloud, 30 août 1810, p.93.
407
Correspondance Générale de Napoléon, tome 14, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Décision d’Osterode, 10 mars 1807, p.517.
408
Correspondance Générale de Napoléon, tome 20, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III,
Paris, Imprimerie Impériale, Gallica, Note pour le ministre des Finances, Paris, 13 mars 1811, p.554.
409
168
3. L’autorité française et les troubles en Corse
Des troubles éclatent dans le Fiumorbo en 1808. Des résistances prennent la
levée, sous forme de lutte armée, et attaquent une gendarmerie, le seul moyen comme
ailleurs de s’opposer aux levées d’hommes. Le général Morand fait procéder à des
arrestations par le 1er chasseur du Golo. Le bataillon ne sera pas épargné. Martinetti,
fils de l’ancien juge de paix, est arrêté. Le capitaine Thomas Sabini, commandant
militaire du Fiumorbo de la 1re Compagnie du bataillon du Golo, fait libérer Martinetti.
Le général Morand est à Vivario où il convoque Sabini. Ce dernier se fait accompagner
par 30 paysans armés. Le général Morand le fait arrêter. Le 24 juin 1808, ce dernier
est exécuté sur la place de Corte. Cet événement montre clairement cette approche
en bandes. Les membres ne sont pas coupés de leur milieu d’origine. Certains
retardataires, organisés en bandes, mènent une guerre de harcèlement contre les
autorités militaires qui mobilisent contre elles non seulement la gendarmerie, mais
aussi les compagnies de réserve composées exclusivement de Corses. Autre
conséquence de l’insoumission, impossiblement quantifiable, l’émigration vers la
Sardaigne, qui était déjà pour certains une voie de recrutement vers le Royal Corsican
Rangers. Certains marins désertent également, assurant la contrebande, avant d’être
pris en charge par des corsaires britanniques. L’émigration est prise au sérieux, car,
en 1812, le préfet dénonce l’évasion des conscrits, surtout dans l’arrondissement
d’Ajaccio, dans les villes de Sartène et de Bonifacio. L’émigration de ces conscrits
atteste, selon lui, des liens étroits entre les habitants des deux îles, notamment dans
le Sartenais410. Louis Berges remet en cause la vision de la Corse de Morand. En effet,
l’événement de Fiumorbo de 1808 pourrait ne pas être étranger à cette manière de
percevoir le général Morand et sa Ghjustizia morandina. L’attitude arbitraire de ce
dernier pourrait alors se trouver dans certaines circonstances411.
Louis BERGES, « Insoumission et désertion en Corse sous l’Empire », Etudes Corses, Corses et
Sardaigne entre Réformisme et Révolution, La marge édition, numéro 30/31, 1988, 348, p.313.
410
411
Napoléon envoie le sénateur Raphael de Casabianca pour enquêter sur les conjurations et les abus
de Morand, il aurait commis des abus et fait déporter des notables locaux, Napoléon lui accorde toutefois
le titre de Baron et une donation de 2000 francs. Dictionnaire historique de la Corse, Ajaccio, Albiana,
2006.
169
On entendra par insoumis, « tout conscrit qui ne se soumet pas aux lois de la
conscription : sont considérés comme insoumis les déserteurs, les réfractaires et les
retardataires. Les conscrits appels qui refusent de partir, qui ne peuvent se faire
remplacer, ou ceux qui ne se présentent pas, choisissent la voie de l’insoumission.
Aussi, même si elle semble en diminution entre le début et la fin de l’Empire, en raison
des nombreuses mesures de dissuasion et de répressions mises en place, elle atteint
tout de même antre l’an VII et l’an XIII un taux moyen de 28%. Pour les classes 1806
à 1810, le taux descend à 13,1%. Une peine de bagne de 5 ans, accompagnée d’une
amende de 1 500 francs, ainsi que le système des garnisaires, sont le moyen de
pression les plus usités. Des mesures d’amnistie seront également accordées les 14
mai et 23 novembre 1805, le 20 juin 1807 et le 20 mars 1810. Seuls 6 000 conscrits
insoumis sur 35 000 accepteront de se laisser incorporer.
Enfin, les insoumis arrêtés seront envoyés dans des unités spéciales, dites
« régiments de réfractaires » comme Walcheren, les 1er et 2e régiments de la
Méditerranée ou encore les bataillons de pionniers. L’insoumission, souvent liée à une
situation matérielle défavorable, touche principalement des ruraux de condition
modeste. »412.
Auparavant, l’attitude générale des autorités en Corse n’était pas particulièrement
zélée, comme en témoigne une lettre du ministre d’État du prince Bacciochi de
Piombino au général Morand du 25 juin 1806, par laquelle il l’informe que les bandes
de déserteurs corses font des allées et venues en toute impunité entre ses États et la
Corse ; arrêtés, ils sont envoyés librement au dépôt et, de là, au lieu de se rendre à
leur destination, désertent à nouveau : « ils me paraissent ne plus mériter
d’indulgence. Ils ont d’ailleurs commis des assassinats dans ce pais-ci sur des
voyageurs toscans… je suis persuadé d’ailleurs que si, au lieu de les habiller et armer
au dépôt, on les envoyait sous bonne escorte à la légion et sans armement, ni
équipement, ils ne déserteraient pas en route par détachement, les sous-officiers en
tête. Car le païsan corse sans fusil, sabre ou stylet ne s’aventure pas à courir le monde
et (il) est plus doux des hommes… » Bacciochi donne même des conseils à Morand :
« J’ai arrêté la désertion des Corses dans cette garnison en faisant garder les armes
412
Alain PIGEARD, Dictionnaire de la Grande Armée, Bibliothèque Napoléonienne, Tallandier, Paris,
2002, 805, p.344.
170
sous clef lorsqu’ils ne sont pas de service et je pense qu’on réussirait de même si on
les faisait voyager comme des moines jusqu’à Ancône ou Gaète413. »
Même si ce genre de lettres a pu pousser Morand à intensifier la lutte contre les
conscrits dits retardataires, toujours est-il que, jusqu’à son départ en 1811, le général
ne cherche pas à disposer des garnisaires (dont l’emploi est prévu par le décret du
24 juin 1808) et ne prend pas non plus comme dans les autres divisions militaires les
moyens réglementaires mis à sa disposition pour mener son action dans le cadre des
lois de l’Empire.
En 1809, les levées s’accélèrent au niveau national et la Corse en subit le contrecoup :
le préfet du Golo revient à la charge en se plaignant de la ponction en hommes 414,
toujours plus importante qu’ailleurs, subie par son département. Le 24 janvier, il dresse
le bilan des corps sur lesquels son département a dû fournir des hommes : trois
compagnies de canonniers garde-côte ; des matelots pour la Marine dans la proportion
d’un sur cinquante chasseurs enrôlés dans les dix bataillons d’infanterie légère corse
créés depuis l’an XI, dont cinq viennent d’être mis à la disposition du roi de Naples en
1808 pour lutter contre le banditisme en Calabre ; quelques conscrits enfin, enrôlés
dans les bataillons de réserve locaux pour lutter contre le banditisme dans le sud de
l’île. Entre-temps s’opère une pause dans les levées au niveau national415. Pour Louis
Berges qui a consulté conjointement les archives départementales et nationales
concernant le Golo et le Liamone, l’année 1811 est intéressante au moment où la
préparation de la campagne de Russie nécessite une reprise de rythme élevé des
désignations. Pour la levée de 1811 dans le Golo, sur 1 080 conscrits portés sur les
listes, on note 249 désignés, soit 23 % ; dans le Liamone, sur 751, ce sont 130
conscrits qui sont désignés, soit 18 %. L’année suivante, la proportion des
désignations par rapport aux conscrits portés sur les listes sur l’ensemble de la Corse
unifiée en un seul département atteint 32 % (538 sur 1675) et en 1813, 34 % (597 sur
1757)416. La levée de 1814 atteint la proportion la plus élevée avec un taux de 46 %.
413
Ibid. p.316.
414
Ibid. p.307.
415
Alain PIGEARD, Dictionnaire historique de la Grande Armée, Bibliothèque Napoléonienne,
Tallandier, Paris, 2002, 805, p.184.
Louis BERGES, « Insoumission et désertion en Corse sous l’Empire », Etudes Corses, Corses et
Sardaigne entre Réformisme et Révolution, La marge édition, numéro 30/31, 1988, 348, p.308.
416
171
Même s’il est difficile de faire des comparaisons sur l’ensemble de l’Empire, les
proportions qui se dégagent des chiffres donnés par le préfet sont à peu près
semblables en Corse à celles que l’on obtient dans d’autres régions. La préparation
pour la Russie ne se fera pas dans la même tranquillité. La résistance aux levées
prend un tour nouveau, notamment à partir de 1813. Un état de la situation des levées
du 11 octobre 1813 montre que sur la levée de 1813 pour laquelle les désignations ont
eu lieu 1 an auparavant, 258 hommes seulement sont partis sur les 597 demandés417.
Quant à la levée de 1814 pour laquelle les désignations ont eu lieu 6 mois auparavant,
on ne compte que 197 hommes partis sur les 654 demandés. Une observation
s’impose : ce mouvement n’a rien d’exceptionnel, puisque le même phénomène existe
dans l’ensemble des foyers traditionnels d’insoumission à l’intérieur de l’Empire.
En 1811, l’Empereur ne recrute plus d’ailleurs de corps spéciaux réservés aux
conscrits corses. Ces derniers, comme nous avons pu le démontrer précédemment,
sont amalgamés dans des régiments nationaux, tels que le 11 e léger.
On peut supposer que la Corse, contrairement aux autres départements de l’Empire,
n’a pas fourni d’hommes pour ces fameuses levées supplémentaires qui ont
littéralement « ratissé » les classes de 1808 à 1814, touchant les hommes mariés et
les anciens réformés. Il est vrai que le recensement des jeunes gens en âge de servir
s’est avéré difficile pour ces levées en raison de l’absence de registres d’état civil en
Corse avant la reconquête de 1796. C’est une des raisons pour laquelle il est délicat
de savoir si oui ou non le recrutement en Corse a été plus dur qu’ailleurs ou plus
durement frappé.
Le 2 mai 1812, le préfet Arrighi écrit de Corte que « le travail de la levée de 1812 s’est
fait partout dans le plus grand ordre… », que « les conscrits se sont présentés avec
autant de docilité que de confiance… » et que « l’on décèle toujours un esprit public
digne d’éloges… ». Et le 4 juin 1813, il confirme que « les habitants de la Corse sont
dévoués au gouvernement de S.M. et sont tous prêts à se lever en masse pour
repousser l’ennemi… Point de soulèvements, ni propos séditieux tendant à alarmer la
tranquillité publique ». Mais c’est sans omettre l’impossibilité pour Louis Berges de
fournir l’état des déserteurs en raison de la perte des archives de l’ancienne préfecture
417
Ibid. p.312.
172
du Golo418. Toutefois, le préfet envoie des colonnes mobiles dans les communes de
l’intérieur pour chasser les retardataires.
L’Empire chute en 1814. Les ajacciens jettent le buste de Napoléon à la mer, à Bastia
les Anglais du général Montresor sont accueillis en héros. Mais les alliés décident de
laisser l’île à la France. La Corse sort épuisée de 7 années de blocus anglais. Tout se
mêle dans l’esprit des contemporains lorsqu’il s’agit de dénoncer les méfaits de la
dictature militaire mise en place en 1800 : disette, répression policière, justice
arbitraire, impôt du sang par la conscription. Il faut placer au premier rang des
mécontents, les notables locaux, pour qui le recrutement militaire brise les anciennes
solidarités sociales en arrachant les gens à leur milieu d’origine.
Nous ne pouvions conclure sur l’Empire et la Corse que par une citation de Louis
Berges, apportant un recul nécessaire sur la Corse.
« C’est grâce à eux que se forge le personnage de Morand, le général-tyran, dont
l’image odieuse a été largement répandue par les préfets Arrighi et Pietri.
Pourtant, si l’on observe attentivement les résultats de la conscription, on est obligé
de constater que la résistance des départements corses est moins importante qu’on a
pu l’écrire et en tout cas moins intensive que celle qui s’est produite dans ses foyers
traditionnels du Sud-Ouest aquitain et du Massif central.
Enfin, la répression de la désobéissance militaire a été généralement ferme, non
empreinte d’une certaine clémence, et surtout le plus souvent arbitraire, c’est-à-dire
dégagée du dispositif législatif et réglementaire mis à disposition. Au total, la Corse a
plutôt moins souffert que d’autres régions de l’empire des levées d’hommes, mais, si
l’on se réfère aux historiens contemporains, elle les a beaucoup plus mal
supportées419. »
418
Ibid. p.310.
419
Ibid. p.318.
173
Epilogue
La fin de l’Empire, après Waterloo ne marque pas pour autant la fin des troupes
légères corses au service de la France. Comme nous l’avons dit tout le long le parcours
militaire de la Corse a commencé très tôt.
Un certain nombre de Corses vont alors naturellement continuer le parcours
commencé dans les armées nationales comme ceux du 11e léger ancien bataillon des
tirailleurs corses.
Mais également les chasseurs corses de 1814 levés pendant la Restauration,
conservant jusqu’en 1816 le rôle attribué à savoir une force publique supplétive à la
Gendarmerie pour combattre les brigands, les bandits et faire régner l’ordre. Utile
comme l’ancien Provincial Corse, car il est doté d’hommes connaissant le pays.
En 1816 et alors jusqu’en 1820 cette dernière est dissoute afin d’être transformé en
Légion Départementale de Corse420, composé alors de voltigeurs corses que Prosper
Mérimée ne manquera pas de citer dans ses romans dont certains parlaient de la
Corse. Ces voltigeurs corses quant à eux perdureront jusqu’à leur licenciement du 10
juillet 1850.
La paix publique a toujours été une préoccupation en Corse que ce soit du temps de
Gênes, de la Monarchie, de la République ou bien même sous Paoli.
On ne manquera pas de noter dans cette optique, la création en 1815 de la
Gendarmerie Royale Corse, qui se place dans le contexte politique corse de l’après
Waterloo et la seconde restauration, où Ajaccio va devenir le centre de l’opposition
bonapartiste, tandis que Bastia redevient le siège du pouvoir royal en Corse.
La gendarmerie est alors réformée sous Louis XVIII pour avoir une organisation plus
territoriale, dont celle Corse.
Comme nous avons pu le voir, il n’y a pas de parcours unique individuel du
soldat corse, mais il y a des parcours se retrouvant dans une évolution militaire
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Carnet de la Sabretache Bulletin des
collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire, Nouvelle série n°20, spécial 1973, p.166.
420
174
d’ensemble. Dans cette grande histoire s’imbrique les petites histoires, où hélas
parfois le manque de documentation sur les individus ne permet pas de distinguer tous
les parcours individuels, mais permet néanmoins quelques lignes générales,
généralement ce sont les officiers qui sortent du lot. Des recherches plus poussées
concernant les registres d’incorporation auraient pu permettre plus de précision mais
le temps nous manquant cela n’est que partie remise, nous espérons.
Ce parcours toutefois est essentiellement ce dont parle Dominique Buresi dans
sa thèse « De Sampiero à Bonaparte : La Corse militaire sous l’Ancien Régime », le
passage du statut de mercenaire au statut de soldat pour l’homme d’arme corse
notamment au XVIIIe, période où s’incarne cette transformation. On a pu le voir,
l’ancien Royal Italien devenu Royal Corse avant de passer dans les armées de la
République sous le titre de chasseurs corses. Chasseur corse qui deviendra le fameux
soldat léger corse de la République comme de l’Empire recruté par volontariat ou par
conscription, car le corse pour beaucoup auraient des aptitudes particulières à la petite
guerre. Notamment, à cause de la typologie de la Corse, de la passion des armes et
de la chasse, et des récentes luttes en Corse.
En effet, les tirailleurs corses anciens 3e bataillon de chasseurs corses vont être
l’incarnation de cette transformation en soldat. Napoléon voit en ces hommes le moyen
de rendre la conscription plus agréable pour la Corse, conscription qui ne débute qu’à
partir de 1803 en Corse compte tenu des évènements houleux de la Révolution, et que
la Corse n’est française que depuis récemment à la révolution française, une vingtaine
d’année tout au plus. Ce moyen doit pouvoir amener le jeune laboureur corse dans les
rangs des bataillons de chasseurs corses, puis tirailleurs auprès de ses compatriotes
insulaires, et après un certain nombre de temps Napoléon fait incorporer les tirailleurs
corses au 11e léger où ils sont amalgamés avec d’autres français d’autres horizons,
cela fait partie du processus d’intégration par la voie des armes, et nombre de corses
vont avoir des carrières notamment avec la campagne d’Allemagne, bien que violente
pour le bataillon.
Toutefois, l’optique du mercenaire corse n’a pas été totalement abandonnée dans la
pratique, en témoigne la Légion Corse, les anciens bataillons de chasseurs corses
ayant été formé en Légion pour aller servir le Roi de Naples avant de rejoindre ses
175
rangs. Participant principalement à la préservation de l’ordre, une des utilités pour
Napoléon est assumée, c’est d’avoir des troupes qui puissent rester fidèle à la France
tout en parlant Italien. Ces troupes s’avéreront rentrer en France lors de la défection
du Roi de Naples, restant fidèle à l’engagement que Napoléon avait souhaité.
L’objectif de Napoléon a été alors partie réussi à savoir d’intégrer la Corse et la rendre
« une fois pour toute française » notamment avec l’engagement militaire, car comme
dit précédemment, d’autres troupes corses suivirent après la chute de l’Empire. Même
en 1914-1918 dans les horreurs de la première guerre mondiale, avec le 173 e
Régiment d’Infanterie allant jusque dans la boucherie de Verdun avec la devise « Aio
zitelli », bien qu’on ne trouve pas uniquement des Corses dans ce régiment. Toutefois,
on ne peut parler que d’une réussite en partie, compte tenu de l’histoire récente de la
Corse, citant les attentats contre la construction de la base de Solenzara à 3 reprise
en 1978, 1994 et 1996.
Légion départementale – 1816-1820 : carabinier et chasseur du 2e bataillon /
Voltigeurs Corses 1822-1830 : Caporaux et clairon. Planche n°165421 par Begnini.
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973
421
176
Voltigeur Corse d’après Bellangé, Chasseurs Corses dans Chasseurs corses,
chasseurs des Pyrénées et chasseurs à pied, 1803-1884 notes et aquarelles par E.
Fort, Gallica.
177
Gendarmerie Royale de Corse, Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs
de figurines et des amis de l’histoire militaire, « Les troupes corses et l’histoire militaire
de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, planche n°166.
178
Conclusion
Bien que le travail accompli durant ces deux années nous semble conséquent,
il est en réalité bien des choses qu’il nous faut encore découvrir concernant le monde
militaire, le 1er Empire et la Corse.
Il reste nombreux registres d’incorporation à consulter, la correspondance militaire de
la Corse de 1791 à 1815 en détail à analyser, sans parler des documents des archives
nationales sur lesquels a travaillé Berges et les archives départementales de Corsedu-Sud.
Ce sujet mérite d’être encore approfondi, compte tenu du peu qu’on l’on connait encore
aujourd’hui sur Napoléon et la Corse, sur l’Empire et la Corse avec l’institution militaire.
Cela est vrai pour la période de l’Empire, mais cela est vrai pour d’autres périodes
historiques de la Corse, où le monde militaire a été peu ou pas traité. Pour le compte
de la France comme pour le mercenariat au service d’autres pays comme la Grande
Bretagne, dont les Royal Corsican Rangers, sur lesquels il serait méritoire de
s’attarder. Mais aussi, l’Armée sous Pascal Paoli et le mode opératoire des Naziunale
en milice.
Il reste alors encore énormément de chose à découvrir sur le sujet et un vaste travail
à fournir sur ces questions.
L’enjeu de ce mémoire fut également de dépolitiser l’histoire de l’Empire en Corse, où
Napoléon encore aujourd’hui dans la légende populaire peut jouir parfois d’une sinistre
réputation loin d’être justifié, juste par méconnaissance de la période. Preuve que la
recherche sur cette époque mérite encore d’être traitée afin de démystifier l’Empereur
et son île d’origine, d’apporter la lumière sur les nombreuses zones d’ombre. L’objectif
est alors de sortir l’adulation comme du lynchage sur ce personnage historique, et sur
la Révolution et l’Empire en Corse, mais d’aller au maximum pour apporter l’objectivité,
certes pas absolu qui est en théorie impossible, mais au moins de rechercher cette
neutralité, d’en rester au fait et aux conclusions des faits. Le traitement de cette période
est d’autant plus important qu’il faut rappeler que la Corse fut au XVIIIe siècle un enjeu
important dans les rivalités entre les grandes puissances européennes.
179
L’objectif a été aussi de sortir du carcan de la gloriole militaire, et de réajuster les faits
de ces corses se battant pour l’Empire, à savoir la conscription comme mode de
recrutement et le volontariat poussé par la précarité, en témoigne l’origine sociale de
la très large majorité à savoir rural. L’Armée a toujours une voie d’accès vers d’autres
horizons, en particulier lorsque le territoire est une île, comme le voyait Paul Arrighi en
la Corse, une suisse de la méditerranée. Selon Henri Sée422, un laboureur à la fin de
l’ancien régime touche entre 7 et 8 sous, alors qu’un soldat de l’Empire notamment les
tirailleurs corse en touchent 10 en complément du pain et de divers avantages que
l’armée peut proposer, voir d’autres terres etc. Ce salaire, pouvant être alors progressif
en montant de grade, la voie des armes est une voie alors plus qu’intéressante, et on
peut comprendre aisément pourquoi en Corse nombreux sont les hommes à se
proposer comme officier ou sous-officier.
En ce qui concerne le volontariat, il peut pour certains représenter un accomplissement
politique, la Révolution Française a été un temps en Corse vu comme la continuité de
celle de 1755 de Pascal Paoli, en 1792 le mythe paoliste était encore très vivace 423, et
motivant certains à la continuer dans l’esprit des lumières, dont le mythe fondateur des
soldats républicains diffusant dans leurs sillages les idées de la Révolution partout en
Europe.
Pour ce qui est de l’idée du parti Français, il est clair qu’il y a bien eu un parti français,
mais avec le recul nécessaire ce dernier s’est principalement développé dans certains
clans et certaines familles qui disposaient alors en son sein du capital financier et
culturel permettant l’élévation en officier. A notre connaissance il n’a pas été retrouvé
de témoignage de soldats pouvant en affirmer le contraire. Il existe également en terme
de progression du soldat, des parcours multiples, il n’y a pas de continuité directe au
sens des individus depuis le Royal Corse, plutôt une continuité d’esprit et
d’organisation militaire, de la manière dont la conçoit l’Etat pour l’évolution des troupes
légères corses.
422
Henri SEE, La France économique et sociale au XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 1967, 193, p.
P22
Christian AMBROSI, « Les deux annexions de la Corse », Problème d’Histoire de la Corse (de
l’Ancien Régime à 1815), Acte du Colloque d’Ajaccio 29 octobre 1969, Société des études
Robespierristes, Paris, 1971, p.18.
423
180
En conclusion, il reste énormément de travail à fournir sur ce sujet qui mériterait plus
de temps pour qu’on s’y attarde, une thèse serait plus que la bienvenue pour traiter
tous les aspects du monde militaire sous la Révolution et le 1er Empire en Corse, que
ce soit en terme d’origine social, en terme de politique, de stratégie comme de
manœuvre en Corse, tout ce qui peut toucher de près ou de loin le monde militaire.
L’île
de
Corse,
cartographie
A.Gonçalves424.
424
Dominique BURESI, Les Corses au combat sous trois drapeaux, 1792-1815, Ajaccio, 2003, 183,
p.20.
181
Carte de la Corse selon James Boswell, 1766425.
425
Jacques BOSWELL, Relation de l’Isle de Corse et Mémoire de Pascal Paoli, Neuilly, Altaïr, 1992,
239.
182
Annexes
Tableau des sept
coalitions,
principales batailles
et traité de 1792 à
1815426.
426
Alain PIGEARD, L’Armée de Napoléon organisation et vie quotidienne, Paris,
Tallandier, 2000, 366, p.324.
183
Les structures de la Grande Armée427
427
Ibid. p.333.
184
Disposition des troupes au Combat428
428
Ibid. p.335.
185
186
Tarif de la solde429.
429
Ibid. p.342
187
Suite des tarifs de la solde430.
430
Ibid.
188
Tableau des levées sous le 1er Empire431.
431
Ibid.p.345-348
189
190
Bibliographie
Source Imprimé.
Correspondance de Napoléon 1er, publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris,
Imprimerie Impériale, Gallica
POLI, Xavier, Tirailleurs Corses 1803-1812, Bulletin de la société des Sciences Historiques et
Naturelles de la Corse Imprimerie Moderne BASTIA, 1936, 227p.
POLI, Xavier, Histoire Militaire des Corses Tome 2 : Peri – Royal Corse – Corse
Cavalerie-Légion Corse-Régiment Provincial de l’ile de Corse, Librairie de Peretti
Ajaccio, Librairie Ollagnier Bastia, 1900 ; 247p.
M. V de CARAFFA, Mémoire Historique sur la Corse par un Officier du Régiment de
Picardie 1774-1777, Imprimerie et Librairie Ve Eugène Ollagnier, 1889, Bastia,
Gallica, 268p.
Archives.
Le Service Historique de la Défense de Vincennes.
Le Service Historique l’Armée de Terre.
La série X : Archives administratives des unités et des états-majors.
La sous-série XB relative à l’Infanterie (1702-1871)
-
XB12, Royal Corse
-
XB123, 3e et 4 bataillons de chasseurs royaux corses
-
XB199, Levée en demi-brigade de 1791
-
XB203, Levée en demi-brigade de 1793
-
XB223, 15e à 18e demi-brigades légère dit bataillons républicains
-
XB623, 35e léger
La sous-série XK relative aux Troupes spéciales (1792-1871)
-
XK4, Troupes Corses, Compagnies franches, chasseurs corses, tirailleurs
corses
191
-
XK5, Chasseurs Corses, Légion Corse, Royal-Corse
-
XK35, Régiment de la Méditerranée,
La série Y : Archives collectives et individuelles du personnel.
La sous série YC relative au contrôle de la troupe.
-
23YC 22, 1er Bataillon de chasseurs corses an XII
-
23 YC 27, 3e bataillon de chasseurs corse, devenu bataillon de tirailleur
corse
Bibliographie thématique et alphabétique.
-
Dictionnaires :
PIGEARD, Alain, Dictionnaire de la Grande Armée, Bibliothèque Napoléonienne,
Tallandier Paris 2002 P805
TULARD, Jean, Sous la direction de, Dictionnaire Napoléon, Nouvelle édition, revue
et augmentée, Fayard, 1999, P1977
TULARD, Jean, Histoire et dictionnaire du Consulat et de L’Empire, Rober Laffont,
Paris, 2009, P1350
SERPENTINI, Antoine Laurent, Dictionnaire historique de la Corse, Ajaccio, Albiana,
2006, P1013
-
Ouvrages généraux
ARRIGHI, Paul, Histoire de la Corse, Toulouse, Privat, 1971, P454
JEHASSE, Olivier, Histoire de la Corse et des Corses, Paris, Perrin, 2008, P550
VERGÉ-FRANCESCHI, Michel, Histoire de Corse, le pays de la grandeur, Paris,
Edition Felin, 2013, P563
SABIANI, Tony, Encyclopaedia Corsicae : volume 5 de 1729 à l’Empire, du 1er Empire
à Sedan, de 1870 à nos jours, Bastia, Dumane, 2004
192
Correspondance Générale de Napoléon Tome 2 : La Campagne d’Egypte et
l’Avènement 1798-1799, Paris, Fayard, 2005, 1272p.
-
Ouvrages spécialisés
La Corse, la Révolution Française et l’Empire :
CASANOVA, Antoine, La Révolution française en Corse : 1789-1800, Toulouse, Privat
1989, P316
CASANOVA, Sylvestre Bonaventure, La Corse et les Etats généraux de 1789, Zicavo,
1931, P354
DEFRANCESCHI, Jean, La Corse française : 30 novembre 1789-15 juin 1794, Paris,
Société des études robespierriste, 1980, P224
DEFRANCESCHI, Jean, La Corse et la Révolution Française, Ajaccio, Cyrnos, 1991,
P147
FRANZINI, Antoine, Haine et politique en Corse : l’affrontement de deux hommes au
temps de la Révolution française 1780-1800, Ajaccio, A.Piazzola, 2013, P391
VERGÉ-FRANCESCHI, Napoléon une enfance corse, Paris, Larousse, 2009, P399
Colloque :
Acte du Colloque d’Ajaccio : Problème d’Histoire de la Corse (de l’Ancien Régime à
1815), 29 octobre 1969, Société des études Robespierristes.
La Corse et l'Angleterre : XVIe-XIXe siècle : sixièmes journées universitaires de
Bonifacio, juillet 2004 / organisées par la mairie de Bonifacio ; sous la direction
scientifique du professeur Michel Vergé-Franceschi, Ajaccio, A. Piazzola, 2005
La Corse au XVIIIe siècle :
193
ARRIGHI, Paul, La vie quotidienne en Corse au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1970,
P288
BOSWELL, Jacques, Relation de l’Isle de Corse et Mémoire de Pascal Paoli, Neuilly,
Altaïr, 1992, P239
DA PASSANO, Pierre, Histoire de l’annexion de la Corse, Le Coteau, Horvath, 1990,
P410
Histoire Militaire de la Corse :
ALBERTINI, Paul-Louis, La Corse militaire ses généraux (Monarchies, Révolution, 1er
Empire), Paris, Peyronnet, 1958, P391
BURESI, Dominique, Les Corses au combat sous trois drapeaux 1792-1815, Ajaccio,
DCL Edition 2003, P183
BURESI, Dominique, Guerres et Révolutions en Corse au XVIIIe siècle (1729-1799),
Paris, Editions Historiques Teissèdre, 2006, P438
BURESI, Dominique, De Sampiero à Bonaparte la Corse militaire sous l’Ancien
Régime, Ajaccio, Albiana, 2012, P630
Histoire Militaire du 1er Empire :
PIGEARD, Alain, L’Armée de Napoléon organisation et vie quotidienne, Paris,
Tallandier, 2000, P366
Mœurs et Identité Corse :
CASANOVA, Antoine, Identité corse, outillage et Révolution française : essaie
d’approche ethno-historique (1770-1830), Paris, CTHS, 1996, P539 (pas encore
consulté)
GALIBERT, Charlie, La Corse, une île et le monde : essaie ethno-historique sur
l’insularité, Paris, Presse universitaire de France, 2004, P245 (ouvrage intéressant sur
194
l’anthropologie de village et de clan, permet de comprendre le rapport au monde
depuis un petit village de corse)
GHERARDI, Eugène, Politique et société en Corse au XIXe siècle : instant d’une
histoire brouillée, Biguglia, Stamperia Sammarcelli, 2006, P388
GRAZIANI, Antoine-Marie, La violence dans les campagnes corses : du XVIe au
XVIIIe siècle, Ajaccio, A. Piazzola, 2011, P339
WILSON Stephen, Vendetta et banditisme en Corse au XIXe siècle, Ajaccio, 1995,
Albiana, P535
Revues et périodiques :
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de
l’histoire militaire, « Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle
série n°20 spécial 1973, 192p.
Etudes Corses, Corses et Sardaigne entre Réformisme et Révolution, La marge
édition, numéro 30/31, 1988, 348p.
Etude Corses, nouvelle série, n°23, 3e et 3e trimestre, Archive Départementale de la
Corse, Gallica 1959,72p.
Études Corses, Nouvelle série, n°26, 2e trimestre 1960, Archive Départementale de la
Corse, Gallica, 84p
Études Corses, Nouvelle série, n°27-28, 3e et 4eme trimestre 1960, Archive
Départementale de la Corse, Gallica, 60p
Histoire et Défense les cahiers de Montpellier, n°44, Montpellier, 2007, 224p.
195
Table des annexes, cartes et illustrations
I. Illustrations
Illustration n°1. «Drapeau et Uniforme du Royal Corse de 1739 à 1762. » Source :
d’après Mouillard…………………………………………………………………. Page 24.
Illustration n°2. « Fusilier et Tambour – Royal Corse 1740. » Source : Pierre Benigni,
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de
l’histoire militaire, « Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle
série n°20 spécial 1973 planche n° 58…………………………………….Page 25.
Illustration n°3. « Légion Corse ou d’ARCAMBAL », Source : par Mac, Carnet de la
Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire,
« Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial
1973 planche n°160……………………………………………………...Page 30.
Illustration n°4. « Royal Italien et Royal-Corse en 1757. » Source : Planche de
Marbot…………………………………………………………………..Page 32.
Illustration n°5. « Fusilier de Royal-Corse en 1758. » Source : Collection Particulière.
………………………………………………………………………….Page 32.
Illustration n°6. « Grenadier Royal-Corse en 1778. » Source : D’après le Manuscrit des
uniformes militaires des troupes françoises & étrangères, infanterie, cavalerie, dragons
& hussards du règne de Louis XVI suivant les derniers règlements de 1778, Gallica –
Bibliothèque Nationale de France………………………………………...Page 36.
Illustration n°7. « Fusilier Royal-Corse en 1780. », Uniformes des armées françoises
suivant les règlements du roi. Source : Gallica – Bibliothèque Nationale de France.
………………………………………………………………………….Page 37.
196
Illustration n°8. « Les drapeaux des régiments Corses sous l’Ancien Régime 16901789. » Source : par Rigo Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de
figurines et des amis de l’histoire militaire, « Les troupes corses et l’histoire militaire de
la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, planche n°167………….Page 38.
Illustration n°9. « Deux soldats Provincial-Corse en 1772. » Source : par Marbot.
………………………………………………………………………….Page 40.
Illustration n°10. « Fusilier du Provincial-Corse en 1776-1778. » Source : Pierre
Benigni, Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis
de l’histoire militaire, « Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle
série n°20 spécial 1973, planche n° 162, P158…………………………….Page 44.
Illustration n°11. « Chasseurs Royaux Corses 1788 et Chasseurs Corses 1788. »
Source : par Mac, Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et
des amis de l’histoire militaire, « Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse »,
Nouvelle série n°20 spécial 1973, planche n° 161, P158…………………..Page 47.
Illustration n°12. « Chasseur du 4e Bataillon de Chasseurs Corses et Carabinier du 3e
Bataillon des Chasseurs Royaux Corses en 1788. » Source : Dessin original de Michel
Petard colorisé par Jean-Noël Poirron…………………………………….Page 58.
Illustration n°13. « Drapeau du 3eme Bataillon et 4eme Bataillon de Chasseurs. »
Source : Ludovic Leturn, « Les Drapeaux de la Révolution et de l’Empire – L’infanterie
1786-1815 », Histoire et Collections 2009………………………………...Page 62.
Illustration n° 15. « 1er Bataillon d’infanterie légère Corse. » Source : Gallica –
Bibliothèque Nationale de France………………………………………...Page 78.
Illustration n° 16. « 2e et 3e Bataillons d’infanterie légère Corse. » Source : Gallica –
Bibliothèque Nationale de France………………………………………...Page 79.
Illustration n°17. « 4eme et 5eme Bataillons d’infanterie légère Corse. » Source :
Gallica – Bibliothèque Nationale de France.……………………………...Page 80.
Illustration n°18. « Chasseur volontaire corse 1803-1805. » Source : par Benigni,
Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de
197
l’histoire militaire, « Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle
série n°20 spécial 1973. Planche n° 162……………………………….....Page 81.
Illustration n°19. « Les Tirailleurs Corses. » Source : par André Jouineau.....Page 91.
Illustration n°20. « Les drapeaux des formations corses sous la République et l’Empire
– 1792-1815. » Source : Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de
figurines et des amis de l’histoire militaire, « Les troupes corses et l’histoire militaire de
la
Corse »,
Nouvelle
série
n°20
spécial
1973,
planche
n°168
P186…………………………………………………………………...Page 101.
Illustration n°21. « Officier er Chasseur de la Légion Corse. » Source : par Henri
Boisselier, Carte tirée de la série du Cdt Bucquoy - 144° série - Tome VI Chap. XXVIII
- (Coll. part.)…………………………………………………………….Page 122.
Illustration n°22. « Real Corso – Sergent Chasseur 1813-1814 et Carabinier 1811 fin
1812. » Source : d’après Henri Boisselier, Carnet de la Sabretache Bulletin des
collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire, « Les troupes corses et
l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, planche n°172.
Archives de l’ancien Royaume de Naples, Musée San Martino.................Page 123.
Illustration n°23. « Fusilier, Carabinier et Voltigeur du Real Corso. » Source : de G.
Aloja 1852. Collection du Prince Lancellotti Rome……………………….Page 123.
Illustration n°24. « Bataillon de Chasseurs Corses sous la première restauration 18141815. »
Source : par Vivicorsi, Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de
figurines et des amis de l’histoire militaire, « Les troupes corses et l’histoire militaire de
la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, planche n°164………...Page 126.
Illustration n°25. « Chasseurs Corses 1815, Sergent de Carabiniers du 2eme Bataillon
et Officier du 1er. » Source : par Henri Boisselier…………………………Page 138.
Illustration n°26. « Chasseurs Corses avril 1815 – Voltigeur du 3eme Bataillon et
Chasseur du 4eme Bataillon. » Source : par Henri Boisselier…………….Page 138.
Illustration n°27. « Légion départementale – 1816-1820 : Carabinier et Chasseur du
2eme Bataillon / Voltigeurs Corses 1822-1830 : Caporaux et Clairon. » Source : par
198
Begnini, Carnet de la Sabretache Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis
de l’histoire militaire, « Les troupes corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle
série n°20 spécial 1973, planche n° 165…………………………………Page 176.
Illustration n°28. « Voltigeur Corse.» Source : d’après Bellangé, Chasseurs Corses
dans Chasseurs corses, chasseurs des Pyrénées et chasseurs à pied, 1803-1884
notes et aquarelles par E. Fort, Gallica…………………………………..Page 177.
Illustration n°29. « Gendarmerie Royale de Corse. » Source : Carnet de la Sabretache
Bulletin des collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire, « Les troupes
corses et l’histoire militaire de la Corse », Nouvelle série n°20 spécial 1973, planche
n°166………………………………………………….......................Page 178.
II. Cartes
Carte n°1. « L’île de Corse. » Source : A.Gonçalves d’après Dominique BURESI, Les
Corses au combat sous trois drapeaux, 1792-1815, Ajaccio, 2003, 183, p.20.
………………………………………………………………………...Page 181.
Carte n°2. « A new and accurate map of Island of Corsica 1766 » selon Jacques
BOSWELL, source Jacques BOSWELL, Relation de l’Isle de Corse et Mémoire de
Pascal Paoli, Neuilly, Altaïr, 1992, 239…………………………………..Page 182.
III.Tableaux
Tableau n°1. « Tableau par Bataille des officiers tués et blessés : tirailleurs corses ».
Source : Xavier POLI, Tirailleurs Corses 1803-1812, Bulletin de la société des Sciences
Historiques et Naturelles de la Corse Imprimerie Moderne BASTIA, 1936, 227p, p.205206………………………………………………………………………Page 99.
Tableau n°2. « Tableau par Bataille des officiers tués et blessés : Tirailleurs corses
suite ». Source : Xavier POLI, Tirailleurs Corses 1803-1812, Bulletin de la société des
Sciences Historiques et Naturelles de la Corse Imprimerie Moderne BASTIA, 1936, 227p,
p.207…………………………………………………………………Page 100.
Tableau n°3. « Tableau par Bataille des officiers tués et blessés : Légion Corse suite ».
Source : Xavier POLI, Tirailleurs Corses 1803-1812, Bulletin de la société des Sciences
Historiques et Naturelles de la Corse Imprimerie Moderne BASTIA, 1936, 227p,
p.208…………………………………………………………………Page 124.
199
Tableau n°4. « Tableau des sept coalitions, principales batailles et traité de 1792 à
1815 » Source : Alain PIGEARD, L’Armée de Napoléon organisation et vie
quotidienne, Paris, Tallandier, 2000, 366, p.324………………………Page 183.
Tableau n°5. « Les structures de la Grande Armée » Source : Alain PIGEARD,
L’Armée de Napoléon organisation et vie quotidienne, Paris, Tallandier, 2000, 366,
p.333…………………………………………………………………..Page 184.
Tableau n°6. « Disposition des troupes au Combat. » Source : Alain PIGEARD,
L’Armée de Napoléon organisation et vie quotidienne, Paris, Tallandier, 2000, 366,
p.335…………………………………………………………………..Page 185.
Tableau n°7. « Disposition des troupes au Combat. » Source : Alain PIGEARD,
L’Armée de Napoléon organisation et vie quotidienne, Paris, Tallandier, 2000, 366,
p.336…………………………………………………………………..Page 186.
Tableau n°8. « Tarif de la solde. » Source : Alain PIGEARD, L’Armée de Napoléon
organisation et vie quotidienne, Paris, Tallandier, 2000, 366, p.342………Page 187.
Tableau n° 9. « Suite des tarifs de la solde. » Source : Alain PIGEARD, L’Armée de
Napoléon organisation et vie quotidienne, Paris, Tallandier, 2000, 366, p.343-344.
………………………………………………………………………...Page 188.
Tableau n°10. « Tableau des levées sous le 1er Empire. » Source : Alain PIGEARD,
L’Armée de Napoléon organisation et vie quotidienne, Paris, Tallandier, 2000, 366,
p.345-348…………………………………………………………Page 189-190.
200
Table des matières
Introduction……………………………………………………………Page 4.
Chapitre 1. Du Mercenaire au Soldat.....…………………………Page 21.
Chapitre
2.
L’infanterie
légère
corse
sous
l’Empire,
un
processus…………………………………………………………….Page 69.
Chapitre 3. La Corse réfractaire et sédentaire………………Page 102.
Chapitre 4. Le temps de la Révolution française, la Corse et
l’Empire……………………………………………………………...Page 142.
Epilogue……………………………………………………………..Page 174.
Conclusion………………………………………………………….Page 179.
Bibliographie……………………………………………………….Page 191.
Table des annexes, cartes et illustrations……………………..Page 196.
Table des Table des matières…………………………………...Page 201.
201
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