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Psychologie Québec / Reportage
volume 26 / numéro 01 / janvier 09
Elle entend la voix de son défunt père, qui trône près d’elle
dans le cabinet de la psychologue. Dans le bureau d’un
confrère, le nouveau patient psalmodie à répétition une
prière. Puis cette autre patiente annonce qu’elle consomme
désormais des aliments bienfaiteurs pour son foie, afin
d’apaiser la colère qui l’assaille chaque jour.
Ces trois « cas » de patients en psychothérapie sont fictifs et pour-
tant réalistes. Ils constituent quelques exemples des particularités
propres aux cultures autochtone, arabe et orientale. Les psycho-
logues Francine Jourdain, Chirine Dakkak et Nicole Cheung les
ont démystifiées dans le but d’aider leurs pairs à bonifier leur
intervention auprès des patients de ces origines, dans le cadre
du symposium À la recherche d’une autre culture, animé par
le DrLuc Granger, psychologue.
Abus de drogues et d’alcool, familles dysfonctionnelles, adultes vic-
times de sévices qui deviennent à leur tour abuseurs; les séquelles
du traumatisme non résolu des abus sexuels et physiques commis
dans les pensionnats indiens sont nombreuses et transmises de
génération en génération, souligne Francine Jourdain, membre de
la nation innue et première psychologue à oeuvrer dans sa langue
d’origine dans les communautés du Labrador et de la Côte-Nord.
« Bien avant les pensionnats, il y a eu dès 1780 l’arrivée des
missionnaires européens qui ont contribué à l’assimilation de la
langue et de la culture de mon peuple, et de là à l’annihilation
du soi », relate-t-elle devant une trentaine de personnes. Selon
Mme Jourdain, il faut tenir compte de ce lourd héritage lorsqu’on
intervient auprès d’un patient d’origine autochtone.
Il peut également être utile de connaître certaines pratiques
culturelles telles que la pensée concrète (le besoin de verbaliser),
mais également l’influence de la spiritualité. « Il ne faut pas
confondre les croyances et la maladie mentale; par exemple,
beaucoup d’autochtones croient que leurs proches qui sont morts
leur parlent... », indique Mme Jourdain.
_ALLAH ET LE PSY
À l’âge de 17 ans, Chirine Dakkak a quitté le Liban pour s’établir
au Canada avec sa famille, en raison de la guerre civile. « Chez les
arabes, il existe toutes sortes de croyances populaires, comme le
“mauvais oeil”, c’est-à-dire la crainte de malheurs si l’on dit à haute
voix que tout va bien », indique la psychologue clinicienne.
« Certaines pratiques, comme la récitation répétitive d’une prière
lors de situations particulières, ne doivent pas entraîner un diag-
nostic de trouble obsessif compulsif! » enchaîne-t-elle.
« En outre, ajoute Mme Dakkak en souriant, en réponse au patient
qui conclut la séance de psychothérapie en lançant “Inch’Allah” –
“Si Dieu le veut” en arabe –, le psychologue pourrait répondre
“Oui certainement, on se voit mardi, si vous le voulez aussi”,
afin de s’assurer qu’il y aura une prochaine entrevue. »
_DE CORPS ET D’ESPRIT
Système patriarcal et interdépendance des membres de la famille,
suppression du bien-être individuel au profit du bien-être de la
famille, difficulté à identifier et exprimer ses émotions : ces carac-
téristiques des peuples orientaux auront sans doute un poids
substantiel dans le succès d’une psychothérapie avec un patient
chinois. « Il vaut mieux opter pour un traitement directif et structuré
et focaliser sur les symptômes somatiques et sur la résolution de
problèmes plutôt que de faire verbaliser la personne. Présentez-
vous comme un expert (les Chinois sont très sceptiques par
rapport aux bénéfices de la psychothérapie mais valorisent les
connaissances des experts, peu importe le domaine) », explique
Nicole Cheung.
La psychologue d’origine chinoise estime en outre nécessaire de
connaître les traditions et croyances chinoises. Par exemple, dans
la médecine traditionnelle, les cinq émotions primaires telles que
la joie et la colère sont le produit des organes majeurs : ainsi, la
peur provient des reins. Guérir l’esprit par le corps ou la guérison
du corps par l’esprit?
Josée Descôteaux, journaliste indépendante
SYMPOSIUM À LA RENCONTRE D’UNE AUTRE CULTURE
Aider l’Autre sans oeillères
De gauche à droite : les trois psychologues invitées, Chirine Dakkak,
Dre Nicole Cheeung et Francine Jourdain.
« Certaines pratiques, comme la récitation
répétitive d’une prière lors de situations
particulières, ne doivent pas entraîner un
diagnostic de trouble obsessif compulsif »,
précise la psychologue Chirine Dakkak.