Lire : Daniel Pennac http://www.laguinguette.com/lejournal/2008/03cult/index.php
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valoir le point de vue du cancre, et il y parvient
d'autant mieux qu'il est lui-même un ancien
cancre. Eh oui, sa scolarité jusqu'au bac a été
un calvaire, et cela sans raison apparente.
-Bien entendu se pose la question de la cause
originelle. D'où venait ma cancrerie? Enfant de
bourgeoisie d'État, issu d'une famille aimante,
sans conflit, entouré d'adultes responsables qui
m'aidaient à faire mes devoirs... Père
polytechnicien, mère au foyer, pas de divorce,
pas d'alcooliques, pas de caractériels, pas de
tares héréditaires, trois frères bacheliers (des
matheux, bientôt deux ingénieurs et un officier)
rythme familial régulier, nourriture saine,
bibliothèque à la maison, culture ambiante
conforme au milieu et à l'époque (père et mère
nés avant 1914) : peinture jusqu'aux
impressionnistes, poésie jusqu'à Mallarmé,
musique jusqu'à Debussy, romans russes,
l'inévitable période Teilhard de Chardin, Joyce
et Cioran pour toute audace... Propos de table
calmes, rieurs, cultivés. Et pourtant, un cancre.
Il fut "sauvé" par trois professeurs, trois
enseignants d'exception qui refusèrent la fatalité
de sa cancrerie et obtinrent de lui des résultats.
Il fut sauvé par ses lectures. Il fut sauvé
finalement par son premier amour.
-Une femme m'aimait! Pour la première fois de
ma vie mon nom résonnait à mes propres
oreilles! Une femme m'appelait par mon nom!
J'existais aux yeux d'une femme, dans son
coeur, entre ses mains et déjà dans ses
souvenirs, son premier regard du lendemain me
le disait! Choisi parmi tous les autres! Moi!
Préféré! Moi! Par elle! (Une élève
d'hypokhâgne, qui plus est, quand j'allais
redoubler ma terminale!) Mes derniers barrages
sautèrent: tous les livres lus nuitamment, ces
milliers de pages pour la plupart effacées de ma
mémoire, ces connaissances stockées à l'insu
de tous et de moi-même, enfouies sous tant de
couches d'oubli, de renoncement et
d'autodénigrement, ce magma de mots
bouillonnant d'idées, de sentiments, de savoirs
en tout genre, fit soudain exploser la croûte
d'infamie et jaillit dans ma cervelle qui prit des
allures de firmament étoilé!
Interrogé sur la souffrance affective du cancre,
Daniel Pennac répond :
- L'échec se paye en déficit d'amour.
C'est-à-dire que l'enfant en échec scolaire peut
à la rigueur susciter comme ça de la
bienveillance, etc., mais très très souvent, chez
les gens un peu faibles, il y perd en amour, il est
moins facile à aimer pour les parents, pour les
professeurs.
Fort de ses expériences d'élève en souffrance
et de professeur, Daniel Pennac a réfléchi,
consigné ses souvenirs et ses techniques
d'enseignement adapté à tous, même aux cas
les plus désespérés. Il fait appel, par exemple, à
la logique grammaticale.
"Quelle que soit la matière qu'il enseigne, un
professeur découvre très vite qu'à chaque
question posée, l'élève interrogé dispose de
Yes indeed, education up to the Baccalaureate
was living death, and for no obvious reason.
-Of course the question arises, what was the
original cause? Where did my duncehood come
from? Child of the bourgeois civil service,
coming from a loving family, without conflict,
surrounded by responsible adults who helped
me with my homework... Father from the Ecole
Polytechnique, mother at home, no divorce, no
alcoholics, no difficult characters, no hereditary
defects, three brothers with their Baccalaureate
(mathematicians, soon to become two
engineers and an officer), regular family rhythm,
healthy food, library in the house, cultural
surroundings appropriate to the background and
the era (father and mother born before 1914):
painting as far as the impressionists, poetry as
far as Mallarmé, music as far as Debussy,
Russian novels, the inevitable Teilhard de
Chardin phase, Joyce and Cioran for a bit of
daring... Table talk calm, laughter-filled,
cultivated. And yet, a dunce.
He was saved by three teachers, three
exceptional teachers who refused to believe in
the inevitability of his duncehood and got the
first results out of him. He was saved by
reading. And finally he was saved by his first
love.
-A woman loved me! For the fist time in my life
my name rung in my ears. A woman called me
by my name! I existed in the eyes of a woman,
in her heart, between her hand and in her
memories already, her first glance the next day
told me so! Chosen from among all the others!
Me! Preferred! Me! By her! (A prep school girl,
all the more remarkable since I was retaking my
final year exams). My last barriers were
tumbling: all the books read at night, the
thousands of pages for the most part erased
from my memory, this knowledge stocked
unbeknown to everyone and even myself,
nestled beneath so many layers of
forgetfulness, of renunciation and
self-denigration, this magma of words bubbling
with ideas, of feelings, of knowledge of all
different types, suddenly exploded the outer
crust of infamy and gushed out into my brain
which took on the form of a starry firmament.
Asked about the emotional suffering of the
dunce, Daniel Pennac replies:
-The cost of failure is a lack of love. That's to
say a child who fails at school can at a push
attract goodwill, and so on, but very very often,
with people who are a little weak, they lose out
on love, they're less easy to love for the parent,
for teachers.
Strengthened by his experience as a suffering
pupil and as a teacher, Daniel Pennac has
reflected and passed on his memories and
teaching methods, adapted to everyone, even
the most desperate cases. He calls on
grammatical logic, for example.
-Whatever subject he teaches, the teacher
discovers very quickly that for every question
asked, the pupil being interrogated has three