Politique budgétaire et finances publiques M1 mention Analyse et Politiques Economiques Chapitre 3 : La politique budgétaire est-elle efficace ? Amélie BARBIER-GAUCHARD e-mail : [email protected] Introduction n Ø Ø Ø Ø n Ø Ø Ø Ø Ø Ø Ø La question de l’efficacité de la politique budgétaire : Quelle fonction budgétaire concernée ? Allocation/redistribution/stabilisation Quel horizon temporel concerné ? court terme/long terme A partir de quels indicateurs ? Quel instrument de politique budgétaire ? conjoncturelle/structurelle Mots et expressions de la politique budgétaire qui suscitent débat : Austérité Croissance potentielle Multiplicateur budgétaire Stabilisateurs budgétaires automatiques Politique d’offre/politique de demande Politique conjoncturelle / mesures structurelles … Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 2 Chapitre 3. La politique budgétaire est-elle efficace ? 1. Politique budgétaire, activité, inflation et emploi : les effets à court terme 1.1. Un décryptage des arguments théoriques 1.1.1. Le multiplicateur keynésien 1.1.2. Les facteurs qui limitent la taille du multiplicateur 1.2. Les débats actuels 1.2.1. La taille du multiplicateur budgétaire 1.2.2. Le rôle des stabilisateurs budgétaires automatiques 1.2.3. Les effets de la consolidation budgétaire 2. Politique budgétaire et croissance, l’approche à long terme 2.1. Les leviers de politique budgétaire pour agir sur la croissance 2.2. Les réformes structurelles 3 1. Politique budgétaire, activité, inflation et emploi : les effets à court terme 1.1. Un décryptage des arguments théoriques n n n n n n n La politique budgétaire de stabilisation conjoncturelle est-elle efficace pour lisser le cycle économique ? Intérêt ici à la fonction budgétaire de stabilisation conjoncturelle Clivage entre les keynésiens (partisans d’une intervention publique) et les non keynésiens (qui jugent la politique économique généralement inefficace) Des rapports de force qui ont fluctué dans le temps sans jamais que l’une ou l’autre des thèses ait pu prendre définitivement le dessus sur l’autre Avec la crise de 2008, retour en grâce des thèses keynésiennes (adoption de plans de soutien de la demande …Stiglitz, Krugman, Blanchard …) mais, avec la prolongation de la crise, renouveau des théories néo-classiques (désendettement et mesures structurelles ….Barro, Levine, Prescott …) Aperçu historique de l’évolution de la pensée macroéconomique Courbe de Phillips, loi d’Okun, offre globale et demande globale Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 4 1.1.1. Le multiplicateur keynésien n Principe : Existence d’un levier, dans l’économie, démultipliant l’effet de stimulation budgétaire initiale (effet direct et effets indirects) n Multiplicateur élémentaire (modèle keynésien élémentaire) Ø La nature de l’impulsion budgétaire (dépenses publiques, prestations sociales …) Ø Le mode de financement de l’impulsion budgétaire (emprunt ou création monétaire/impôts, Haavelmo, 1945) Ø Le cas d’une économie ouverte Ø L’effet accélérateur Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 5 n Prise en compte des taux d’intérêt (modèle IS-LM) Ø Modèle IS-LM et flexibilité du taux d’intérêt Ø Hypothèse implicite : financement par emprunt de la politique budgétaire Ø Hausse du taux d’intérêt pour rétablir l’équilibre sur le marché de la monnaie et effet d’éviction Ø Effet d’éviction et déterminants de la décision d’investissement des firmes Ø L’effet de la politique monétaire sur les taux d’intérêt n Prise en compte des prix et des salaires (modèle OG-DG) Ø Modèle OG-DG et flexibilité du NGP et des salaires Ø La boucle prix-salaires Ø Politique budgétaire et boucle prix-salaires : 2 points d’entrée Ø NAIRU et politique budgétaire Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 6 n Nouvelle Macroéconomie Classique (NMC) Ø Mode de formation des anticipations : anticipations rationnelles => proposition d’inefficacité des politiques économiques (Sargent et Wallace, 1975 - Kydland et Prescott, 1977) Ø Comportement des ménages : Equivalence ricardienne (Ricardo 19e repris par Barro, 1974) => sous certaines conditions, équivalence entre l'augmentation de la dette publiques aujourd’hui et l’augmentation des impôts demain pour rembourser dette et intérêts => une politique de relance budgétaire financée par endettement pousse les agents à épargner plutôt qu’à consommer Ø Rôle fondamental de l’accès aux marchés financiers ou non de ces ménages (revenu courant ou revenu permanent) n Nouvelle Macroéconomie Keynésienne (NMK) Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 7 1.1.2. Les facteurs qui limitent la taille du multiplicateur n n Dans un cadre keynésien : multiplicateur supérieur à 1 Ø propension marginale à consommer, propension marginale à importer, composition de l’impulsion budgétaire et élasticités budgétaires (sensibilité des variables budgétaires aux composantes de la demande), sensibilité des entreprises au taux d’intérêt, NAIRU, relation prix-salaires … . Des limites qui peuvent réduire, voire inverser sa capacité à stimuler l’activité : Ø Si multiplicateur inférieur à 1 : existence d’importants effets non-keynésiens Ø Si multiplicateur négatif : existence d’importants effets anti-keynésiens 8 n D’autres sources d’éviction qui résultent du comportement des agents privés soulignées par le courant néoclassique : Ø Comportement des entreprises : Incapacité à accroître immédiatement leur production à une hausse de la demande Ø Mode de formation des anticipations Ø Comportement des ménages : Equivalence ricardienne ou non Ø Rôle fondamental de l’accès aux marchés financiers ou non de ces ménages (revenu courant ou revenu permanent) Ø Théorie anti-keynésienne ou théorie italienne des finances publiques (Alesina, Ardagna, Perotti, Giavazzi, Pagano …) : effets positifs d’une consolidation budgétaire n Les apports de la nouvelles macroéconomie keynésienne : le rôle des imperfections sur le marché des biens et services, du travail et des capitaux Ø Des modèles désormais très complexes : modèles à fondements microéconomiques et à anticipations rationnelles : modèles d’équilibre général dynamiques et stochastiques (DSGE) 9 n n En résumé, les facteurs qui affectent la taille du multiplicateur budgétaire : Ø propension marginale à consommer ou, de façon équivalente, à épargner Ø propension marginale à importer Ø Nature de l’impulsion budgétaire Ø sensibilité des investissements des entreprises au taux d’intérêt Ø NAIRU Ø relation prix-salaires Ø Capacité d’adaptation des capacités de production des firmes Ø Mode de formation des anticipations Ø proportion d’agents confrontés à une contrainte de liquidités (agents non ricardiens) Ø …. Pour aller plus loin, quelques références bibliographiques : Ø Numéro spécial d’Economie et Statistique (2012), La modélisation macroéconomique : continuités, tension, Economie et Statistique, n451-453 Ø Woodford (2009), "Convergence in Macroeconomics: Elements of the New Synthesis." American Economic Journal: Macroeconomics, 1(1): 267-79. Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 10 1.2. Les débats récents n n n n Impact de la politique budgétaire ? le multiplicateur budgétaire, indicateur synthétique de l’effet de la politique budgétaire sur l’activité Pouvoir de stabilisation conjoncturelle ? mesurer la partie du déficit qui dépend des fluctuations conjoncturelles et son effet sur l’activité Caractéristique commune de ces indicateurs : inobservables, résultats de diverses méthodes d’estimation sophistiquées …et contestables d’où de nombreuses controverses à leur sujet. Effet des politiques de consolidation budgétaire ? Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 11 1.2.1. La taille du multiplicateur budgétaire n Principales difficultés dans l’évaluation du multiplicateur budgétaire : Ø Tenir compte des différents facteurs pouvant limiter son efficacité (voir section 1.1.) Ø Tenir compte du type de mesure budgétaire Ø Tenir compte des effets plus ou moins différés sur l’activité (effets de retard) Ø Des mécanismes qui peuvent présenter des non-linéarités (ampleurs, sens différents selon le contexte) Ø Tenir compte du policy mix (rôle de la politique monétaire) Ø Tenir compte du positionnement de l’économie dans le cycle (car effets en retour sur les finances publiques via les stabilisateurs budgétaires automatiques) Ø Tenir compte du contexte économique dans lequel s’inscrit l’impulsion budgétaire (stock initial de la dette, phase du cycle économique, régime de change) Ø Valable pour une politique expansionniste mais pas pour une politique restrictive : qu’en est-il en situation de restriction budgétaire ? Diviseur budgétaire ? Ø 12 n Les principales méthodes d’estimation du multiplicateur : 3 grandes méthodes Ø Approche narrative (Romer et Romer, 2010) Ø Approche statistique : modèles VAR structurel ou S-VAR (Blanchard et Perotti, 2002) Ø Utilisation de modèles macroéconométrique (modèles DGSE microfondés) (Smets et Wouters, 2007) n Remarque : la macroéconomie appliquée Ø Décompositions tendance/cycle Ø Modèles statistiques descriptifs : Modèles VAR, VAR structurels, VECM … Ø Modèles macroéconométriques structurels traditionnels Ø Modèles à anticipations rationnelles et modèle DSGE n 13 n Un peu de méthodologie : Ø Méthodologie de la recherche documentaire Ø Méthodologie de l’analyse d’un article de recherche Ø Application : Smets et Wouters (2007), « Shocks and frictions in US business cycles: a Bayesian DSGE approah », American Economic Review, vol 97, n3, 586-606 Ø Pour vous entraîner : Romer et Romer (2010), « The macroeconomics effects of tax changes: estimates based in a new measure of fiscal shocks », American Economic Review, vol 100, june, p763-801 Blanchard et Perotti (2002), « An empirical characterization of the dynamic effects of changes in governement spending and taxes output », Quarterly Journal of Economics, 117 14 n Des résultats très contrastés : Une forte amplitude des résultats : avant la crise, fourchette des résultats allant de 0,5 à 3 !! 15 n Toutefois, des enseignements communs en cas de relance budgétaire : Ø A court terme, les multiplicateurs de dépenses publiques plus élevés que les multiplicateurs fiscaux Ø Au sein des multiplicateurs de dépenses publiques, une hausse des transferts sociaux a un effet plus fort à court terme Ø Au contraire, une relance de l’investissement public a un effet plus fort à moyen et long terme Ø A long terme, les multiplicateurs fiscaux sont plus élevés que les multiplicateurs de dépenses publiques Ø Plus précisément, effet le plus fort d’une baisse de l’impôt sur le revenu et impôt sur les bénéfices Ø Les multiplicateurs budgétaires peuvent fortement différer en fonction de la position dans le cycle économique (phase d’expansion ou phase de récession économique) : non linéarité (propension à consommer des ménages et propension à investir des entreprises fonction de la conjoncture) Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 16 n Pour toutes ces raisons : Ø Très difficile de déterminer ex-ante l’efficacité d’une politique de relance tout comme le coût d’une politique de consolidation budgétaire Ø Et pourtant la contrainte à l’heure actuelle : être capable d’estimer ex-ante l’effet exact d’une impulsion budgétaire permettant d’atteindre un objectif à atteindre ex-post Ø connaître l’efficacité de la politique budgétaire afin de calibrer correctement l’effort à fournir pour atteindre l’objectif fixé n Pour aller plus loin : Ø Creel, Heyer et Plane (2011), « Petit précis de politique budgétaire par tous les temps – Les multiplicateurs budgétaires au cours du cycle », Revue de l’OFCE, n116, janvier, p61-88 Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 17 1.2.2. Le rôle des stabilisateurs budgétaires automatiques n La stabilisation budgétaire automatique Ø De quoi s’agit-il ? Ø De quoi dépend leur rôle et leur ampleur ? Ø Une variable clé : le croissance potentielle n Une démarche en trois temps Ø Elasticité du budget à l’activité Ø Effet du budget sur l’activité Ø Le potentiel de stabilisation budgétaire automatique n La mesure de la croissance potentielle Ø La croissance potentielle et output gap Ø Méthode statistique d’extraction de la tendance (filtre Hodrick-Prescott) Ø Méthode structurelle d’estimation d’une fonction de production à la CobbDouglas Ø Pour aller plus loin : CE (2014), The Production Function Methodology for Calculating Potential Growth Rates and Output Gaps, European Economy, Economic Papers, n535 18 n La sensibilité du budget au cycle Ø Méthodologie Ø Ø Ø Principaux enseignements Pour aller plus loin : CE (2014), Adjusting the budget balance for the business cycle: the EU methodology, European Economy, Economic Papers, n536 19 n L’incidence des stabilisateurs budgétaires automatiques sur l’activité Ø Méthodologie Principaux enseignements Ø Pour aller plus loin : CE (2012) Automatic Fiscal Stabilisers: What they are and what they do, European Economy, Economic Papers, n452 Ø 20 1.2.3. Les effets de la consolidation budgétaire n Qu’est-ce qu’une consolidation budgétaire ? Ø Une consolidation budgétaire Ø Historiquement Ø Relance et épargne privée Ø Les consolidations budgétaires réussies n Les conditions d’une consolidation budgétaire réussie Ø La nature des ajustements budgétaires Ø Les conditions initiales de l’endettement Ø La position dans le cycle économique Ø Pour aller plus loin : Brand (2008), Après la crise, quel retour à l'équilibre des finances publiques à moyen terme ?, CAS, Note de veille, n112 n Une analyse cependant critiquée 21 2. Politique budgétaire et croissance : l’approche de long terme n n n Aperçu du rôle de la politique budgétaire dans les modèles de croissance Modèles de croissance exogène et rôle des réformes structurelles Modèles de croissance endogène et rôle des dépenses publiques 2.1. Les leviers de politique budgétaire pour agir sur la croissance n n n n n Politique budgétaire et dépenses d’avenir Les dépenses d’éducation : Lucas (1988) Les dépenses de recherche et développement technologique : Romer (1990) Les dépenses en faveur de la compétitivité et de l’innovation Les investissements publics : Aschauer (1989) et Barro (1990) Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 22 2.2. Les réformes structurelles n n n n n n n n n n n Réformes structurelles et productivité globale des facteurs Des politiques directement issues du paradigme classique : la politique budgétaire doit interférer de façon minimale sur le fonctionnement des différents marchés (travail, biens et services notamment) Objectif : éviter au maximum les effets de distorsion sur la croissance, nécessité d’adapter les structures dans le sens de plus de flexibilité de la concurrence Quelles sont les principales réformes structurelles ? Voir OCDE (2012) Réformes des règlementations anticoncurrentielles sur le marché des biens et services (ouverture à la concurrence des télécom, des services postaux, du transport ferroviaire …) Amélioration de la flexibilité du marché du travail Politiques actives sur le marché du travail destinées à faciliter l’accès ou le retour à l’emploi (ex : programmes de formation …) Amélioration de l’efficacité de l’administration publique Amélioration du système d’éducation Prise en compte du vieillissement de la population : réforme du système de retraite Réforme du système de protection sociale Amélie BARBIER-GAUCHARD - cours Finances publiques et politique budgétaire - M1 APE 23