Afdet /
_,/ Sanlé Education
Entretien avec Raymond Merle*, patient expert,
devenu formateur puis chercheur
§;-opos rccuei{{is par Florence Chauvfn**
Raymond Merte est atteint d'insuffisance rénate chronique depuis 25 ans. lt fait partie des
patients qu'on quatifie aujourd'hui d"'experts". Son cheminement ['a même progressive-
ment conduit à se professionnatiser pour devenir formateuç puis à débuter un travail de
recherche dans [e cadre universitaire. Dans cet entretien, iI rend compte de son expérience,
exprime son point de vue et partage ses réftexions sur [a fonction de patient expert.
Florence Chauvin IFC) : Pouvez-vous nous raconter votre
cheminement, depuis [a découverte de votre maladie ?
Raymond Merte IRM): Lorsque [e diagnostic de ma ma[adie
a été posé, j'avais 34 ans, j'étais responsabLe d'entre-
prise: je drrigeals une équipe de 25 personnes qui en
faisait travaiLter 400. C'était ['aboutissement de mon
projet professionnet. À L'époque, j'avais égaLement réatisé
mon projet personnet: j'étais marié, père de 2 enfants,
j'avais acheté une maison, et tout ce que j'entreprenais
me réussissait. Mais voità, du jour au [endemain, j'ai
arrêter mon activité pour être soigné. Je n'ai pas compris
ce qui m'arrivait. Ma première réaction a été La révolte:
"Pourquoi moi? Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que je
n'ai pas fait ? Qu'est-ce j'aurais pu faire ? Qu'est-ce que
j'aurais faire?" Ces questions se bouscu[aient dans
ma tête. J'avais [e sentiment d'être victime d'une terribte
injustice. Le diagnostic est tombé comme un couperet:
iI faut traiter en urgence, m'a dit Le néphrotogue, et [a
nouvette vie qui m'attendait n'avait rien de réjouissant:
traitements de supp[éance par La diaLyse et, éventue[te-
ment, une iransptantation... Mon état de santé se dégradaii
de p[us en plus, j'étais compLètement épuisé physique-
ment et je commençais à me sentir inutil'e.
Après L'abattement et [a colère, dans un sursaut, je me suis
dit que je ne pouvais pas rester comme ça, qu'iI fattait que
je fasse quetque chose. Dans mon parcours, j'ai renconiré
une amie atteinte de [a même ma[adie. Etle m'a parté de
['association de patients. Au départ, j'étais simpLement
membre adhérent bénévote. Et puis, assez vite, mes
connaissances du monde de ['entreprise ont trouvé un
écho dans La vie associative. C'est que j'ai commencé
à comprendre tes difficuttés que pouvaient rencontrer
les patients et [eurs proches, Les bou[eversements aussi
bien physiotogiques que psychotogiques et Leurs consé-
quences au niveau personneI et professionnet. J'ai réatisé
que j'étais moi aussi dans une période de déconstruction
compLète, mais que, maLgré tout, iI ne faltait pas que 1e
me [aisse envahir par [a maLadie et les traitements. J'ai
décidé de réagir et, pour commencer, de m'investir dans
[a défense des usagers. C'est comme ceLa que je suis
devenu responsabLe d'une association de patients puis
représentant des usagers et enfin patient expert.
C'est un cheminement de pLusieurs années. C'est d'abord
un travaiI sur soi, une phase de reconstruction qui permet
de parvenir à "vivre avec" La maLadie. Ceta passe par
['étabtissement d'une retation de confiance avec [es
soignants, une prise de distance vis-à-vis de [a matadie,
une acceptation des traitements et Ia possibiLité d'évo-
quer sa situation avec objectivité. J'ai eu [a chance d'être
bien entouré. Etre bien entouré, avoir un bon suivi médicat
et faire un gros travaiL sur soi: voi[à les 3 ingrédients qui
m'ont permis de "vivre avec" ma maLadie et mes traite-
ments. "Iout ce qui ne me tue pas, me rend plusfort"
IFriedrich Nietzsche, 1 888).
Ayant fait Le choix de m'investir, it a fatLu montrer "patte
blanche" auprès des professionnels de santé, montrer que
j'étars capabLe de répondre à Leurs so[ticitations, et ce fut
très, très [ong. Le projet du Centre de santé rénale Mounier
AGDUC à Grenoblel a constitué pour moi une étape impor-
tante dans ce processus. Avec d'autres patients, nous
avons été et sommes toujours partie prenante de ce
projet à tous les niveaux : conception et montage adminis-
tratif du centre de santé; formation avec tous les autres
acteurs; étaboration, mise en æuvre et évatuation de
['ensemb[e des activités d'éducation thérapeutique du
patient IETP) proposées.
Après plus de 20 années d'investissement dans [e domaine
de [a santé, j'ai eu besoin de faire un point sur ma situa-
tion. De nombreuses questions me sont venues à L'esprit:
que[[es sont mes connaissances, quels sont mes objectifs,
queLs moyens dois-je mettre en æuvre pour Les atteindre
etc. ? C'est ainsi quej'ai repris des études, à 55 ans: je ne
suis pas titu[aire du Bac, de ce fait, je n'ai pas [e prére-
quis pour accéder à ['université. Je suis donc passé par La
vatidation des acquis de ['expérience [VAE) pour obtenir
une Iicence professionneLLe "Promotion de La santé et
éducation à [a santé" à L'université de Savoie Chambéry
en 201 0, puis un Master 1, "Éducation thérapeutique du
patient" à ['université Paris-6 Pierre et Marie Curie en
2011 et, enfin, un Master 2 "Modélisation au service de
['apprentissage en santé" à ['université Joseph-Fourier
GrenobLe 1 en 2013. Je compte poursuivre prochaine-
ment par un doctorat, mon objectif étant de terminer
ma carrière de "patient usager" dans ['enseignement
et La recherche.
1 . Projet collaboratif créé par 3 promoteurs; une assoclation de traitement
par Ia dialyse, I'AGDUC lAssociation grenobloise pour la dialyse des
urémiques chroniques), Ie CHU de Grenoble, et une association de
patients, |AAPMR (Association d'aide et de prévention pour Ies maladies
rénalesl.
* Raymond Merle,
potient expert,
enseignant vacataire,
représentant des
usagers, président
fondateur de
l' As s o ci oti o n d'o i d e et
de prévention pour
les malodies rénoles
(AAPMR) et de la
Fédération des
transplantés isérois
(FTI), responsoble du
département
formotion de l'EURL
Actions potients
experts 38 (Apex i8).
** Chargée de mission
à l'Afdet.
I
I
Santé Education - 03 - Juittet-Août-Septembre 2014 25
Aftlet/
.,/ Sanlé Education
FC: Quel regard portez-vous sur l'évolution du système
de santé et la place du patient au sein de celui-ci?
RM: La médecine, [es techniques chirurgicaLes, [es
traitements, Les prises en charge évoLuent en perma-
nence. Lenvironnement tégistatif s'adapte au rythme de
ces avancées, iL encadre tous ces dispositifs et édicte
des règLes d'apptication. Dans [a même dynamique, les
patients évo[uent, its décident d'aLter contre [e cours des
choses et refusent de se Laisser envahir par [eurs maLa-
dies, leurs traitements et Leurs conséquences. La notion
de "vivre avec" se précise de pLus en pLus; d'un côté,
ette engage [es soignants à réévatuer Leurs pratiques
professionneLLes et [eurs postures; de ['autre côté, ette
amène [es patients à s'impIiquer davantage, à participer,
à agir pour être en capacité de faire des choix écLairés.
La nature du rapport, médecin-patient, s'en trouve consi-
dérabtement modifiée.
Le modè[e paterna[iste tombe en désuétude. lL est
rempLacé par une relation de coltaboration, de partena-
riat et de partage, dont Les objectifs sont [a prévention, [e
dépistage précoce et L'amé[ioration de La quatité de vie.
Cetie évolution du rapport soignant-soigné s'est accom-
pagnée d'une évoIution de La p[ace du patient dans [e
système de santé. Le maLade est devenu successive-
ment "patient" puis, en 2002, "usager du système de
santé", représenté au sein des organes décisionnaires
des établissements de santé.
ParaLLèLement, les patients ont commencé à être soLLi-
cités dans des congrès, coLloques, symposiums ou autres
événements pour témoigner de [eur expérience de vie
avec [a ma[adie [vécu de [a matadie et des traitements,
ressenti, angoisses, peines, etc.J et de [eur expérience
d'usagers du système de santé [comment iLs ont été ou
sont pris en charge, retations avec les professionneLs
de santé, etc.l
Ces patients sont ensuite passés du rôte de simptes
témoins à ceLui d'acteurs : iLs sont maintenant impLi-
qués dans de nombreux projets coltaboratifs, qu'i[s soient
éducatifs, de formation, d'enseignement ou de recherche.
lIs sont devenus des "patients experts".
FC : Comment déf iniriez-vous un patient expert ?
ED: Arrêtons-nous d'abord sur [e mot "expert". En fait,
les mots "expérimenté" et "expert" ont [e même radicat,
du Latin expeririquiveut dire "éprouver". "Expérimenté"
signifie "qui a de ['expérience", quatifie celui à qui [es
choses sont connues par un [ong usage. L"expert" est
"ceIui qui a acquis, par ['usage éga[ement, non pas une
connaissance généraLe, mais une habiteté spéciate".
Le terme "patient expert" sous-tend t'idée que [e matade a
une expertise "profane" qui s'exprime à travers p[usieurs
compétences ou qua[ités :
r iI possède une connaissance expérientietle qui [ui est
propre et qui vient en comp[ément de ce[[e du profes-
sionnel de santé;
o ita [a capacité, du fait de son expérience et d'une inté-
gration de savoirs variés, d'exprimer des jugements
pertinents;
o iL se révète apte à communiquer et à participer à des
débats ouverts avec des décideurs et des non-experts;
o iL fait preuve d'honnêteté et d'indépendance.
0n peut égal.ement ajouter ceci: "Une des caractéris-
tiques de l'expert, et en cela il diffère du savant, est sa
volonté d'agir sur le cours des choses" (1 J.
De manière généraLe, on dit que [e patient expert:
. est une personne atteinte d'une maLadie chronique,
quet[e qu'eIte soit: cancer, scLérose en p[aques, matadie
inf [a mmatoi re chron ique de L'i ntesti n, poLya rthrite
rhumatojde, diabète, etc. ;
o est expérimenté, a acquis et dévetoppé des connais-
sances expérientieltes [savoir profane) et médicaLes sur
sa ma[adie;
o a [a volonté de s'imptiquer auprès d'autres personnes
atteintes d'une maladie chronique ;
o est apte à La communication;
r a du recuIsur sa ma[adie, sait s'en enrichir et s'en
distancer. lt sait égaLement s'enrichir et se distancer de
['expérience des autres patients et de leurs proches qu'iI
a été amené à écouter ou à accompagner.
Le patient expert souhaite partager son expertise avec
Les autres acteurs du système de santé. lt est donc à La
fois acteur de sa propre santé et acteur de l'évotution du
système de santé.
FC : Et concrètement, que fait un patient expert ?
RM: À mon sens, on peut ctasser Les activités d'un patient
expert en 3 catégories : Les interventions, qui concernent
ta majorité des patients experts et, pour les personnes
qui décident d'atLer ptus Loin, Les missions d'expertise et
['ingénierie de formations.
lnterventions
Les patients experts sont [e pLus souvent sollicités pour
intervenir comme personnes ressources, soit dans [e
cadre de projets ou programmes s'adressant à d'autres
patients, soit dans Le cadre de [a formation initiate ou
continue des professionnels de santé.
Dans [e premier cas, [e patient expert coL[abore avec les
soignants pour construire avec eux, mettre en æuvre et
évaluer une offre pour d'autres patients. lI peut s'agir
d'un programme d'éducation thérapeutique auque[ [e
patient expert contribue à différents niveaux aux côtés
des professionnets imptiqués. ILest a[ors "intervenant en
éducation thérapeutique" /2/ et peut notamment animer
ou co-animer des séances éducatives. Le patient expert
peut égatement être sotticité pour intervenir dans Le cadre
du parcours de soins d'autres patients, par exempte pour
proposer un accompagnement, une écoute ou encore un
soutien dans [e cadre associatif.
Dans [e second cas, [e patient expert est soILrcité pour
apporter à des professionnets en formation initia[e ou
continue son regard et son expertise profane sur des
thèmes comme sa matadie et [a vie au quotidien avec ceLLe-
ci, [a mal'adie chronique en général, [es retations avec [es
professionnels de santé, etc. Les patients experts sont
ainsi réguLièrement sotlicités par les médecins spécia-
listes pour participer à des Enseignements postuniversi-
taires (EPUJ destinés aux médecins généra[istes. l[s sont
éga[ement sotticités par les universités et par différents
26 Santé Éducation - 03 - JurLLet-Août-Septembr-e 2014
instituts de formation pc-: : ::- - :::-:- l:s ::..jr,âris,
faire partie de jurys et pa-: : ,.- = ..1== :-:-::l e ; a la
recherche. C'est l'exempie c- 3-::-=--l -_.:,-égicnaL
"Patients partenaires en f^--=::.::: la^s -eqiJeL les
patients se forment en c,:-:: :: 3=: :::s 3xcerts et
dispensent des enseion=-:-:s :-:-as : é:;ciants en
médecine dans [e doma -: î=.: ----3::.:g e. Certains
programmes existent ciep;rs: =^:::2_ :^s.
Missions d'expertise
Certains patients experts sont égaLer:ert soii.rcités pour
des missions d'expertise dans différenis caCres:
" participation à ['organisation et à la conception du
contenu de congrès, colloques, symposium, eic.;
* participation à des groupes de travaiI mis en place
par des sociétés savantes, des structures privées ou
des institutions comme [a Haute Autorité de santé
IHASJ ;
* participation à ['écriture de documents, à La rédac_
tion de rapports, [ecture et/ou relecture pour avis: iL
peut s'agir de documents d' jnformation pour les patients
et/ou Les professionnels de santé mais aussi de docu-
ments officiels comme les recommandations et avis de
ta HAS.
lngénierie de formations
Enf in, certains patients experts font le choix d'aLter ptus
Loin, déveLoppent de nouve[[es compétences et se profes-
sionnatisent pour devenir patients formateurs. Le patient
expert participe a[ors à [a création, au déveLoppement,
à La mise en æuvre et à t'évaLuation de programmes de
formation spécifiques destinés aux professionneLs de
santé et aux patients. lt peut égaLement participer à
[a formation de formateurs. Par exempte, nous propo-
sons en lsère des formations sur [es droits et devoirs
des patients, L'éducation thérapeutique, ou encore sur
des thèmes spécifiques comme les prétèvements et
greffes d'organes.
Lorsqu'iLs s'adressent aux professionnels de santé, ces
programmes sont intégrés dans [es plans de formation
des étabtissements de santé.
FC: QueLle est La responsabitité du patient expert lorsqu'iL
intervient ?
RM: Cette question est souvent posée et La réponse est
c[aire: [e patient est soumis aux mêmes règles de respon-
sabitité que I.es professionneLs qu'iLs côtoient Inotam-
ment articLes 1382 et 1383 du Code civiLJ, auxque[les iL
faut ajouter La régtementation en matière de confiden-
tiaLité, de secret médicat partagé et autres obligations,
contractuetles ou non: ces règLes sont appticables à tous
les patients ou aidants intervenants, dans Les mêmes
conditions que [es professionne[s de santé dans l'exercice
de [eurs fonctions. Une assurance responsabitité civiLe
professionnelte doit obtigatoirement être contractée par
Les entités juridiques qu'iLs représentent, qu'e[[es soient
associatives ou non.
:
Afdet /
--l Santé Éducation
FC: Pour vous, une formation est-eile nécessaire pour
deve n i r patient expe rt ?
RM :Absolument ! De même que les soignants qui désirent
pratiquer ['éducation thérapeutique doivent suivre une
formation de 40 heures, je pense que Les patients qui
désirent devenjr patients experts devraient suivre au
minimum une formation de base de 40 heures. lLs peuvent,
en comp[ément, suivre des formations d'approfondisse_
ment [eur permettant, par exemple, d'aLLer pLus [oin dans
le dével.oppement de l.eurs capacités d'écoute ou d,ani-
mation de gr0upe. Aujourd'hui, des formations destinées
aux futurs patients experts sont proposées par certaines
associations de patients, des organismes de formation,
ou encore dans [e cadre de programmes spécif iques. Une
réflexion devrait être menée pour formaliser te parcours
de formation des patients experts.
Au-deLà, Les patients doivent pouvoir accéder à des forma_
tions universitaires diptômantes s'i[s [e souhaitent:
dip[ômes universitaires et interuniversitaires, Ljcences,
masters et doctorats. Certains d'entre eux peuvent
ensuite poursuivre dans [e domaine de L'enseigne_
ment et de [a recherche et devenir des "patients ensei_
gnants-chercheurs". Dans ces conditions, iLs n'ont pas
de privitège, ils suivent [e même cursus que les autres
enseig nants-chercheurs.
La création des "Universités des patients" s'inscrit dans
cette logique. Après Paris et MarseitLe, un projet d,uni-
versité des patients est ainsi en cours d'élabôration à
Grenob[e. lLs'agit d'un projet "innovant et coILaboratif,,
porté par un groupe de patients experts avec L'univer-
sité Joseph-Fourier et le CHU de Grenoble. lts'intègre
comp[ètement dans La cuLture grenobloise, dans [,es-
prit du projet hospitaLier et dans La dynamique [ocaLe en
matière d'enseignement et de recherche.
À GrenobLe, te projet d'université des patients a pour
ambition que les personnes atteintes de maladie chro-
nique puissent:
* se réorienter/se réinsérer professionneltement après
une période dédiée à ta matadie qui les avait écartées
du monde professionneL et sociat;
c, étudier, apprendre, se former, se spéciatiser dans [e
domaine de [a santé pubtique, des sciences de t'éduca-
tion, de [a prévention, de ['éducation à [a santé, de L,édu-
cation thérapeutique du patient;
x vatider Leurs compétences acquises tout au Long de
['expérience vécue de [a mal.adie chronrque et de ses
soins;
* apprendre à transformer l'expérience vécue en ensei-
gnements pour autrui;
* participer à [a production de connaissances et à La
construction de ['expertise cotlective en santé.
Le projet avance à grands pas et ses objectifs se précisent
de [a façon suivante :
* recenser tous les acteurs patients inscrits dans des
actions de formation ou d'enseignement;
* [eur permettre d'intégrer les formations universitaires
dipLômantes, et les accompagner dans [eurs démarches;
e [eur faciLiter ['accès à ces formations, en co[[abora-
tion étroite avec leurs responsab[es médicaux;
I
Santé Éducation - 03 -.JuiLtet-Août-Septembre ZU4|3 27
§
Afcie t ,,'
,z Santé Education
o former d'autres patients experts et
formateurs;
* rechercher des fonds, notamment
des bourses qui aideront Les patients
à accéder à ['université;
* fédérer un groupe de patients experts, formés et
dipLômés en mesure de répondre à toutes [es soLLicitations
et/ou désirant participer à ['enseignement et [a recherche;
e utitiser tous les moyens modernes en terme de
communication et de technotogie: L'e-santé, ta téLémé-
decine, L'e-Learning, etc. ;
e créer un dipLôme spécifique pour [es patients et les
a ida nts.
FC: Pour vous, le patient expert s'inscrit dans une cotla-
boration avec les professionnels de santé. Comment cette
notion de coLlaboration entre patients et professionnels
de santé est-elle intégrée par les différents acteurs du
système de santé?
RM: J'ai exp[oré cette question dans Le cadre de L'étude
que j'ai réatisée pour mon master /3/. J'ai ainsi recueitti [e
point de vue de professionne[s de santé, patients, acteurs
institutionnets et adminisiratifs, sur [a coLl.aboration entre
professionneLs de santé et patients, ses avantages et ses
limites, en généraLet dans Le cadre de ['éducation théra-
peutique en particutier [encadré].
Les résuLtats de L'étude montrent que certains profes-
sionne[s de santé ont toujours de nombreuses réticences
à accepter de cotlaborer avec [es patients et restent
convaincus de [a nécessité d'une reLation verticaLe, prescrip-
tive et paternatiste avec Les personnes maLades. D'autres
considèrent au contraire comme une évidence cette cotta-
boration avec les patients. l[s pensent tout simp[ement que
d'autres patients
afin de financer
[es ptus démunis
28
La cottaboration: ce que les professionnets de santé et [es patients en disent.
Bref aperçu de t'étude réatisée - lntervenir en qualité de patient expert, patient intervenant,
,' Champs exptorés: ['idée de cofiaboration en généra[, com- patient ressource, patient partenaire, patient formateur.
ment coltaborer dans [a pratique quotidienne, les avantages et - Participer aux bilans éducatifs partagés, au diagnostic édu-
Les l.imites perçus;en second, t'idée de coltaboration dans Le catif,et toutesles actionsàmener.
cadre de L'ETP: quetle pourrait-être La place pour les patients, - Le patient est volontaire, motivé et bénévole, il peut avoir du
puis comment intégrer les patients dans [a coconstruction d'un temps à consacrer à cette activité.
projet éducatif ? - Ressent le besoin de se former à ta pédagogie individuetle-
*' Les méthodes de recueiI de données: focus groups, entre- ment et collectivement et à d'autres approches éducatives no-
tiens individuets et auto-questionnaires. Au totat, 25 personnes tamment dans le cadre de l'ETP.
ont été rencontrées et 1 1 ont rempli un auto-questionnaire. Dans - Le patient atteint de maladie chronique, depuis l'origine de sa
[e souci de favoriser [a spontanéité des participants, ceux-ci ont matadie, a ouvert les portes de "l'école de la patience" et sait
tous découvert [e questionnement au moment des rencontres ou "vivre avec".
du remptissage de ['auto-questionnaire ldétai court entre envoi
et demande de réponse). Les limites de [a cottaboration
" Toutes Les rencontres individuelles ou coltectives ont éié enre- ,.r' Pour Le professionnel de santé:
gistrées et retranscrites. Quelques verbatim sont repris ci-des- - Sa volonté à vouloir collaborer avec le patient et à pratiquer
sous len italique). lui-même I'ETP.
- Linite temporelLe, comment ptacer un temps d'ETP dans son
Les avantages de ta cotlaboration activité professionnelle ?
/ Pour [e professionnel de santé: - Les difficultés économiques, structurelles, organisationnelles
- Une meilleure compréhension des problématiques que ren- liées aux dysfonctionnements, soit du système de santé soit de
contre le patient, le soignant ne peut pas se mettre à la place du l'organisation interne du service.
patient. - La peur de perdre le pouvoir vis-à-vis du patient.
- Etablir une relation de confiance lavec [e patientl, f avorise - Les limites du bénévolat et la prise en charge f inancière des
l'échange et lui off re la possibilité de mieux accepter sa maladie déplacements et autres f rais des patients.
et ses traitements et de travailler en collaboration. - Le manque de formations spécifiques.
- Laide à changer son comportement et sa posture vis-à-vis du ,.,' Pour [e patient :
patient, lte professionnet] ressent le besoin de se former à la pé- - L'absence de reconnaissance du soignant, "le soignant pense
dagogie individuellement et collectivement avec le patient et à que le patient ne peut pas comprendre".
d'au.tres approches éducatives notamment dans le cadre de t'ETP. - Le sentiment que certains prof essionnels de santé ne sont
- Etablir une relation non plus prescriptive mais collaborative. pas dans l'acceptation d'un projet éducatif partagé et par défini-
- Placer le patient au même niveau que lui tout en gardant son tion n'acceptent pas le patient dans ce dispositif.
niveau de compétences, ses connaissances bien sûr et surtout - Les contraintes liées à la pathologie et auxtraitements et qu'à
son indépendance, ainsi que de pouvoir travailler à l'élaboration, certains moments il a besoin ou l'obligation de faire un "break".
la mise en æuvre, le développement et l'évaluation d'un projet - Lorsqu'il n'a pas pu se distancier avec sa maladie et qu'il ne
éducatif partagé. peut en parler en toute simplicité et toute objectivité sans qu'il
*' Pour [e patient : e n soit affecté émotionnellement, lorsque le marquage corporel
- La possibilité d'être reconnu, de pouvoir apporter au soignant ou le regard de I'autre le perturbe.
une connaissance sur son vécu, transmettre son expérience et - Les limites du bénévolat et la prise en charge financière des
son expertise dans le cadre d'un projet éducatif partagé. déplacements et autres frais.
Santé Éducation - 03 - Juittet-Août-septembre 2014
Afdelrsrnta Éducation
Les patients doivent être oar: : :-=-:-:= :=s ;':_eis écjuca-
tifs, dès les premières étap:s ;= .:-- :-=:: :^, 3: rfouvent
normat, [ogique et indispen:=;.: ]-: .:-- -3i.aiion avec
Les patients s'orientevers ui: -:'::^::.:e, cevienne non
plus prescriptive mais édr:ca:,: :: ::..a:ciat,ve.
Léiude met en évidence.es ^:-:-:;x avartages de
[a coILaboration, aussi bre. o::-.:s c':;essionneLs de
santé que pour Les patierrs: :..e 3='^re: o éiabLir une
relation de confiance, une rne r.e-'e se.:^préhension, et
suscite une voLonté partagée c:::evê:r.ei- ensemb[e à
L'éLaboration de projets écjucai is. iouiefois un certain
nombre de l.imites à [a coLl'abci-ai.cr cri été exprimées:
cetles-ci sont à La fois structureLles, iempcreLLes, orga-
nisationneLtes et économiques. La question des Limites
du bénévolat a notamment été fréqr.lemment évoquée et
nécessite une réftexion.
Le besoin de formation des acteurs, qu'iLs soient profes-
sionneLs ou patients, est cLairement ressorti de cette étude.
Pour Les professionnels de santé, il s'agit de faire évo[uer
[eurs pratlques professionne[[es, notamment en travait-
[ant sur [eur posture vis-à-vis des patients, Leur écoute
et Leur approche pédagogique... iLs doivent se former à
['éducation thérapeutique I Pour [es patients, its'agit de
se former à La pédagogie, à [a façon de se distancier par
rapport à l'eur ma[adie dans L'objectif de pouvoir commu-
niquer, animer, former les autres acteurs, accompagner
les autres patients. Les uns et Les autres devraient se
former individue[Lement dans Leurs spécialités respec-
tives, mais aussi coLlectivement, dans Le cadre de forma-
tions dites "hybrides", rassemblant professionnets de
santé et patients. Les expériences déjà réaLisées dans ce
domaine, en France ou à ['internationa[, même si etles
sont récentes, sont visib[ement très positives.
FC : Un dernier mot ?
RM : J'espère que cet entretien permettra à vos Lecteurs
de mieux comprendre qui sont Les patients experts et ce
qu'iLs ont à proposer. La typologie des activités des patients
experts que je propose n'est pas figée: eLLe reftète L'état de
ma réf Lexion actuetLe. Nous avons coL[ectivement à pour-
suivre [a réftexion sur Ia fonction des patients experts,
[eu r formation, voire Leur professionnalisation.
Une chose est certaine: [e système de santé est en ptein
bouLeversement cuLtureL et un besoin d'accompagnement
et de formation des acteurs se ressent particuIièrement.
De Leur place, Les patients experts peuvent contribuer à
répondre à ce besoin, à La fois auprès des autres patients
et des professionneLs de santé... mais its doivent d'abord
se former eux-mêmes !
Dans ce contexte, mon objectif personneI est pLus que
jamais de déve[opper et de structurer La rencontre des
deux expertises en santé: celle des patients et celle des
professionnel's de santé.
Références
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raisons d'être du
patient-expert dans
I' odontolagie. Lettre de
Santé Publique
Dentaire 200?:4:3.
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santé, Le patient inter-
venant en ETP: guide
d'engagement des
inter'tenants dans les
programmes ETP et
guide de recrutement
des patients-interve-
nants. Ministère des
Affaires sociales et de
la Santé, DGS 2014.
3. Merle R. 'Queiles
sont Les différentes
places des patients en
Educatian Théra-
peutique du Patient?'.
Mémoire de Master 2
Recherche MlTl -
MAPS IModèles,
lnnovation, Techno-
logie, lmagerie, Par-
cours Modélisation au
service de |APprentis-
sage en Santé), univer-
sité Joseph-Fourier
Grenoble, promotian
20t 2-2013.
endas
D'octobre 2014 à février 2015
I 6 et 7 octobre 2014, Sherbrooke, Québec, Canada
Dans le cadre des 27e5 Entretiens Jacques-Cartier
La qualité de l'expérience des usagers et des proches : vers la
personnalisation des soins et des services sociaux
Programmé par le Centre de santé et de service sociaux CSSS-IUGS
Contact : Marilou Landry.
E-meii : miandry.css:[email protected]
I 9 et 10 octobre 2014, Strasbourg
3e5 Journées ETP Rhumato Grand Est : "UETP : quelle histoire !"
Contact : Véronique Gordin, Té1. : 01 45 88 66 88. Fax : 01 45 BB 70 1 0.
E-rrail: etp.grai'[email protected]
Site lnternet : htlp:/lrruww.nukleus.f r/eTpge.htm I
I 7 novembre 2014, Genève, Suisse
6" Journée romande d'éducation thérapeutique
Contact: TeresaTirler.Té1. :+41 (0)2237297 02, Fax:+4] (0)2237297
10.
Site inierner : http:ilsetmc.hug'Ee.ch
Alet-2 décembre 2014, Paris
Colloque international sur "Les patients dans l'écosystème
de santé : enjeux d'information et questions de
communication"
Contact : lnstitut des sciences de la communication du CNRS/
Revue Hermès. Té1. : 01 58 52 1 7 1 7.
Silê lnternêl: uvwrry.isre.cnrs.fr
I 4 décembre 2014, Caen
Promouvoir sa santé - Usagers, patients, citoyens: participez !
Contact : Aurélie Launay, CH de Bisson, Lisieux. Té1. : 02 31 61 32 1 5.
I 9 décembre 2014, Nantes
2" Journée régionale d'éducation thérapeutique du patient :
se comprendre, s'accorder
Contacts : CHU de Nantes. Té1. 02 40 08 71 73.
Site i niernet: wurlv.chu'nantes.ir
CHU d'Angers.Té1.02 41 35 53 33
Site lnternet: uvv,;w.chu-angers.f r
I 15 janvier 2015, Paris
'l9e Journée de I'IPCEM: "Pluripathologie : quelle éducation
thérapeutique pour le patient 7"
Contact : lPCEIt4. Té1. :01 43 14 74 60 - Fax :01 43 1414 69.
Site Internet : http://ip:em.org
I 1,2 et 13 février 2015, Paris
Cong.rès de l'Association française pour le développement
de l'éducation thérapeutique (Afdet)
Contact : Ca*rerine Rouger, Afdet. Té1. : 01 40 2t 60 74.
Fax:01 58 30 74 00.
Siie !nternÊ1 : l.;ttp:llwww.afdet.netlcongres-presentâtiûn.lassa
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