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Lettre Economique
et Financière
2013-1
Lettre
Economique et Financière
2014-4
Tableau 1 : Evolution des principaux indices boursiers
10/12/14
Évolution des principaux indices boursiers
Maximum
Variation
depuis
depuis
10 ans
11/09/14
01/01/14
17 533,2
17 958,8 05/12/14
2,7%
5,8%
S&P 500
3 150,9
2 075,4 05/12/14
-2,9%
1,3%
NASDAQ
2 026,1
4 791,6 28/11/14
1,5%
9,6%
CAC 40
4 684,0
6 168,2 01/06/07
2,1%
12,1%
DAX 30
4 227,9
10 087,1 05/12/14
-5,0%
-1,6%
FTSE 100
9 799,7
6 878,5 14/05/14
1,0%
2,6%
FTSE MIB
6 500,0
44 364,4 18/05/07
-4,8%
-3,7%
DJ EURO STOXX 50
19 217,7
4 557,6 16/07/07
-9,1%
1,3%
NIKKEI 225
17 412,6
18 262,0 09/07/07
10,3%
6,9%
DJIA
Date
Tableau 2 : Evolution des taux d’intérêt et de change
10/12/14
11/09/14
Source : Thomson Reuters Datastream
Note : Base 100= 01/01/07 ; Dernière observation : 10/12/2014
13/06/14 15/03/14
Taux directeurs (%)
États-Unis
0,25
0,25
0,25
0,25
Zone euro
0,05
0,05
0,25
0,25
Japon
0,10
0,10
0,10
0,10
Fed Funds
0,12
0,09
0,09
0,08
EONIA
-0,04
-0,02
0,07
0,17
Euribor 3 mois
0,08
0,09
0,26
0,31
US T-Bond 10 ans
2,22
2,53
2,63
2,79
CNO-TEC 10
0,97
1,37
1,86
2,20
Zone euro(1)
1,18
1,55
2,00
2,37
USD/EUR
1,24
1,29
1,35
1,39
EUR/GBP
1,26
1,25
1,24
1,20
6
Taux monétaires (%)
Politiques monétaires : principaux taux directeurs (%)
%
5
6
États-Unis
Royaume-Uni
Japon
Zone euro
5
4
4
3
3
2
2
1
1
Taux long terme (%)
Taux de change
0
118,97
106,68
102,41
103,24
YPN/USD
(1) Moyenne des taux de référence à 10 ans des pays de la zone
euro pondérée par leur poids économique (Source : Datastream).
0
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Source : Thomson Reuters Datastream
Dernière observation : 10/12/2014
Sommaire
 Conjoncture et marchés financiers .............................................................................................................................. p. 2
 Risques – Indicateurs synthétiques de mesure des tensions systémiques ............................................................... p. 6
 Étude – La gestion d’actifs et l’environnement de taux bas ..................................................................................... p. 13
Achevé de rédiger le 10/12/2014
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
1
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
Indicateurs macro-économiques
Croissance mondiale
(taux de croissance annuel du PIB en volume, en %)
Croissance économique : la reprise se fait toujours attendre
Au troisième trimestre 2014, la zone euro a enregistré un sixième
trimestre de croissance consécutive (suite à la révision de la
croissance du second trimestre à 0,1%). La croissance reste
toutefois décevante, conduisant la Commission à réviser à la
baisse sa prévision de croissance pour 2014 à 0,8% (et à 1,1%
pour 2015) au cours du mois de novembre, alors même que la
combinaison de la baisse des prix du pétrole, de la tendance
baissière du cours de l’euro contre le dollar et de taux d’intérêt
bas devrait offrir une respiration conjoncturelle. Le poids des
facteurs adverses reste donc prégnant, parmi lesquels les
conditions de crédit dans les économies périphériques, la faible
profitabilité des entreprises et surtout la faible capacité des
marchés du travail européens à créer des emplois. En décembre
2014 ; le taux de chômage de la zone euro s’établit à 11,3%,
contre 11,8% en décembre 2013. Malgré des corrections
budgétaires moins marquées en 2014 qu’en 2013 dans la plupart
des pays de la zone euro, la faiblesse persistante de l’inflation
(que la Commission prévoit désormais à 0,5% pour 2014, contre
0,8% précédemment) rend plus coûteux et plus lent le processus
de désendettement des agents publics et privés. Dans le même
temps, le processus de désendettement du secteur public
comme des agents privés continue d’entraver la reprise, d’autant
plus que l’inflation continue de décélérer dans la zone (+0,3% en
novembre en rythme annuel, contre +0,5% à fin mars et à fin
juin).
Sources : Datastream, comptabilités nationales. Dernier point : décembre 2014
Indice de sentiment économique
Moteur de la croissance européenne depuis la crise, le PIB
allemand ne croît que de 0,1% au troisième trimestre, après un
deuxième trimestre négatif (-0,1%). Les dépenses de
construction, la consommation des ménages et les
investissements des entreprises marquent en effet le pas sur
l’ensemble du second semestre 2014, malgré l’orientation
favorable du taux de chômage. En France, la croissance au
troisième trimestre, plus vigoureuse que prévu (+0,3%),
s’explique pour grande partie par la variation positive des stocks,
et par une contribution positive de la consommation publique. En
revanche, l’investissement des ménages, des entreprises non
financières et des administrations publiques poursuit sa tendance
baissière. Pour 2015, se pose donc la question du rétablissement
de moteurs de croissance pérennes. Dans le reste de la zone,
l’activité en Italie déçoit au troisième trimestre, en reculant de
0,1%, en ligne avec un investissement atone du secteur privé
ainsi qu’une dégradation continue des anticipations d’activité
signalée par un 5ème mois consécutif de repli de l’indice de
sentiment économique. L’Espagne et le Portugal, en revanche,
confirment au troisième trimestre leur retour à une croissance
positive, avec des augmentations de leur PIB de 0,4% (après
0,3%) et 0,3% (après 0,3%), alors que leurs indices de sentiment
économique se maintiennent au-dessus de la barre des 100
points.
Sources : Commission européenne, Datastream.
Taux de chômage (en %)
Sources : Datastream, Eurostat, comptabilités nationales
France – Contributions à la croissance (en %)
Reste du monde : dynamisme retrouvé aux États-Unis et
confirmé au Royaume-Uni, contrecoup au Japon
ème
Aux États-Unis, la croissance trimestrielle atteint 1,1% au 3
trimestre, confirmant le dynamisme du second trimestre (1,0%).
La situation du marché de l’emploi reste toutefois étale, avec des
créations d’emploi stagnantes. Si la baisse du rythme de
désendettement soutient la conjoncture par rapport à 2013, la
stagnation des salaires et du pouvoir d’achat obère la dynamique
de croissance. Au Royaume-Uni, la croissance s’établit à +0,7%
au troisième trimestre et les créations d’emplois restent
dynamiques. Enfin au Japon, le rebond trimestriel à 1%,
intervenant après un premier semestre particulièrement adverse,
ne devrait pas empêcher une baisse du PIB sur l’ensemble de
l’année 2014.
Source : Insee – Comptes Nationaux trimestriels
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
2
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
Marché du crédit
Dettes souveraines : taux à 10 ans (en %)
8
Zone euro
Irlande
Espagne
Grèce (éch. de droite)
7
France
Italie
Royaume-Uni
Portugal (éch. de droite)
Vers une poursuite de l’assouplissement de la politique
monétaire en zone euro
20
Allemagne
Japon
États-Unis
15
6
10
5
5
4
0
3
-5
2
-10
1
-15
0
La révision à la baisse des prévisions de croissance et
d’inflation par la BCE au quatrième trimestre a ravivé les
anticipations de mise en œuvre de nouvelles mesures
d’assouplissement quantitatif (« Quantitative Easing ») en
zone euro, par le biais de rachats d’actifs, notamment
souverains. Cette option a du reste été débattue lors de la
réunion de décembre du Conseil des gouverneurs. Elle
apparaît d’autant plus probable que le niveau de
participation au deuxième TLTRO a quelque peu déçu (130
milliards d’euros après 83 milliards d’euros pour le premier
TLTRO de septembre, soit un total de 213 milliards d’euros
sur le montant cible maximum de 400 milliards d’euros).
Dans ce contexte, les rendements des emprunts d’État ont
continué de se détendre, à un rythme toujours plus soutenu
de l’ordre de 30 points de base (pb) entre fin septembre et
mi-décembre pour la France –revenant à moins de 1% fin
novembre-, l’Irlande, l’Espagne ou encore l’Italie, et
d’environ 20 pb pour l’Allemagne.
-20
avr. mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. févr. mars avr. mai juin juil. août sept. oct. nov.
13 13 13 13 13 13 13 13 13 14 14 14 14 14 14 14 14 14 14 14
Source : Thomson Reuters Datastream
Evolution du coût des emprunts obligataires aux États-Unis et en
Europe (en points de base, au 11/12/2014)
700
200
180
600
160
500
140
Aux États-Unis, les taux directeurs demeurent inchangés.
La Réserve fédérale a annoncé la fin de la troisième vague
d’assouplissement quantitatif (QE3) lors de sa dernière
réunion d’octobre. En dépit de statistiques de croissance et
d’emploi favorables, la Réserve fédérale continue de
surveiller de près la dynamique salariale. Le comité de
politique monétaire de la Réserve Fédérale du 17 décembre
suggère toutefois le maintien des taux à leur niveau actuel
pendant encore une certaine durée.
120
400
100
300
80
60
200
Europe: Obligations catégorie spéculative
40
États-Unis: Obligations catégorie spéculative
100
Europe: Obligations catégorie investissement (échelle de droite)
20
Etats-Unis: Obligations catégorie investissement (échelle de droite)
0
mars 12
0
juin 12
sept. 12
déc. 12 mars 13
juin 13
sept. 13
déc. 13 mars 14
juin 14
sept. 14
Les conditions d’emprunt des sociétés divergent en
tendance de part et d’autre de l’Atlantique
Source : Bloomberg
Evolution des indices de CDS d’émetteurs privés en Europe et aux
États-Unis (en points de base, au 11/12/2014)
800
Le coût des emprunts obligataires des sociétés a continué
de se dégrader au quatrième trimestre aux États-Unis et ce,
quel que soit leur niveau de notation. Sur le segment du
high yield, la hausse a atteint 100 pb entre le début octobre
et la mi-décembre, contre 30 points de base pour les
sociétés notées en catégorie investissement. En revanche,
ils sont restés stables en Europe. Les primes de CDS
d’obligations d’entreprises ont pour leur part connu des
évolutions sensiblement différentes : elles sont en effet
apparues en hausse, mais uniquement sur le segment du
high yield, celle-ci étant par ailleurs plus marquée en
Europe, ce qui reflète une sensible réévaluation des primes
de risques de défaut.
200
180
700
160
600
140
500
120
400
100
80
300
60
200
Europe : ITRX XOVER
États-Unis : CDX High Yield
Europe : ITRX MAIN (échelle de droite)
États-Unis: CDX Investment Grade (échelle de droite)
100
40
20
0
0
Malgré un second semestre moins bien orienté,
l’activité sur les marchés primaires a de nouveau
progressé en 2014
Source : Bloomberg
Emissions corporate (en Mds USD, au 11/12/2014))
2 500
En Mds USD
Emissions corporate
Sur les marchés primaires, le ralentissement des émissions
d’obligations corporate observé au troisième trimestre 2014
ne s’est pas poursuivi au-delà, un léger rebond étant même
perceptible aux États-Unis au quatrième trimestre. En
revanche, la baisse de l’activité s’est poursuivie sur le
segment du high yield aux États-Unis comme en Europe.
Sur l’ensemble de l’année 2014, et malgré un second
semestre moins bien orienté, les émissions obligataires
corporate devraient ainsi afficher des hausses significatives
de part et d’autre de l’Atlantique (y compris sur le segment
des titres les plus risqués), de l’ordre de 5 % pour les ÉtatsUnis et de 15 %pour l’Europe.
dont High yield
2 000
1 500
1 000
500
0
Etats-Unis
Europe
Source : Bloomberg
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
3
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
Marchés des actions
Évolution des indices MSCI (au 11/12/2014)
-20%
-10%
0%
10%
20%
30%
Atténuation des tensions sur les marchés d’actions
40%
50%
60%
Les marchés d’actions ont connu des évolutions contrastées
entre la fin septembre et la mi-décembre 2014, exposés en
particulier aux conséquences de la crise russe. Bien que des
zones d’incertitudes demeurent (risque déflationniste en zone
euro, accentué par le recul brutal des prix du pétrole, évolution
des politiques monétaires et leur impact sur les prix des actifs,
risques géopolitiques), la perspective de nouvelles structurantes
a permis d’atténuer quelque peu la fébrilité des marchés, comme
l’illustre le repli marqué de la volatilité implicite des principaux
indices boursiers à partir de la deuxième quinzaine d’octobre : fin
effective du Quantitative Easing aux États-Unis, publication des
résultats de AQR en Europe globalement conformes aux
attentes, parution d’indicateurs macro-économiques mieux
orientés que prévus aux États-Unis. Portés par des perspectives
de croissance favorables, les indices boursiers américains ont
ainsi atteint de nouveaux records historiques début décembre
2014. Fait notable, l’indice Nikkei a pour sa part rebondi de 19 %
entre la mi-octobre (point bas) et la mi-décembre, en lien avec un
nouvel assouplissement monétaire par la Banque du Japon
(augmentation de la taille du programme de rachat de titres) et
suite à l’annonce par le premier fonds de pension japonais,
GPIF, de son intention de renforcer de manière significative le
poids des actions dans son portefeuille.
Indice monde
Pays développés
Depuis le 30/09/2014
Depuis début 2014
Etats-Unis
2013
Europe
Zone euro
Pacifique hors Japon
Japon
Marchés émergents
Asie
Amérique latine
Europe de l'Est
Source : Thomson Reuters Datastream
Volatilité implicite (en %)
60
50
S&P500
DJ EURO STOXX 50
40
30
20
Le ralentissement de l’activité sur les marchés primaires se
confirme
10
Sur les marchés primaires, le ralentissement de l’activité observée
au troisième trimestre sur le marché des introductions en bourse
s’est poursuivi à l’automne, dans un environnement financier
moins favorable. Le volume des opérations est resté important, le
montant des capitaux levés au quatrième trimestre avoisinant au
niveau mondial 54 milliards de dollars à la mi-décembre, soit une
baisse de près de 20 % par rapport au trimestre précédent. Avec
environ 8,5 milliards de capitaux levés, la bourse de New York
apparaît une nouvelle fois comme la place financière la plus active
selon ce critère. Le marché est également demeuré dynamique
sur la plupart des places en Asie-Pacifique, notamment en
Australie et, dans une moindre mesure, au Japon. En Europe, les
évolutions sont apparues très contrastées : les montants de capitaux
levés ont continué de diminuer à Londres, tandis que le marché s’est
fermé à Paris au cours du quatrième trimestre. À l’inverse, le marché
s’est ré-ouvert à Francfort et l’activité s’est raffermie à Amsterdam.
Au total, sur la quasi-totalité de l’année 2014, le montant des
capitaux levés lors des opérations d’introductions en bourse
dépasserait 235 milliards de dollars au niveau mondial, soit une
hausse de plus de 40 % par rapport à 2013.
oct.-14
déc.-14
juin-14
avr.-14
août-14
déc.-13
févr.-14
juin-13
oct.-13
avr.-13
août-13
déc.-12
févr.-13
juin-12
oct.-12
avr.-12
août-12
déc.-11
févr.-12
juin-11
oct.-11
avr.-11
août-11
déc.-10
févr.-11
juin-10
oct.-10
avr.-10
août-10
déc.-09
févr.-10
0
Source : Thomson Reuters Datastream
Émissions mondiales d’actions (en Mds de USD)
700
600
IPO
500
Emissions secondaires
400
300
200
100
0
Source : Bloomberg, calculs AMF
1 200
1 000
S’agissant des émissions de capital réalisées par les sociétés
déjà cotées, le ralentissement observé depuis le printemps s’est
poursuivi à l’automne, mais à un rythme plus modéré grâce à
une stabilisation de l’activité aux États-Unis et en Europe. Les
montants des capitaux levés au niveau mondial se sont ainsi
inscrits en recul de 10 % au quatrième trimestre par rapport au
trimestre précédent (après -40 % au troisième).
Volume des fusions & acquisitions (en Mds de USD)
Moyen-Orient et Afrique
Amérique latine et Caraïbes
Asie Pacifique (émergents)
Am. du Nord
Europe de l'Est
Asie Pacifique (développés)
Eur. de l'Ouest
800
600
Sensible fléchissement de l’activité sur le marché des
fusions et acquisitions
400
Les opérations de croissance externe se sont également de
nouveau infléchies au quatrième trimestre 2014, avec un volume de
800 milliards de dollars à la mi-décembre, niveau bien en deçà du
point haut atteint au printemps, mais qui reste largement supérieur à
la moyenne observée de moyen terme. L’industrie pharmaceutique
reste parmi les secteurs les plus actifs, avec notamment l’annonce à
la mi-novembre du rachat du groupe américain Allergan (producteur
du Botox) par Actavis pour 66 milliards de dollars.
200
0
Source : Bloomberg, calculs AMF
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
4
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
Épargne et gestion collective en France
Flux de placements financiers des ménages
 Depuis 2 ans (flux, en milliards d’euros)
2012
T4 Total
7
57
1
4
-3 -6
7
24
0
-3
-1 -8
2
5
0
-5
0
0
0
5
-1
2
3
5
T1
12
-2
-1
8
-2
-2
0
-1
-1
-1
-1
3
T2
12
-2
-1
-1
1
-1
2
0
0
-2
3
1
2013
T3 T4 Total T1
7 3
33
9
-2 -1 -6 -2
0 -3 -5 -1
9 8
24
4
-6 -2 -10 -4
-2 -1 -6 -3
-5 -1 -4 -2
0 0
0
0
0 0
-1
0
-2 -2 -7 -1
-2 -2 -2 -1
0 2
6
1
Amélioration des flux de placement en faveur de
l’assurance vie
2014
Numéraire et dépôts
Titres de dette
Actions cotées
Autres actions
OPCVM :
Monétaires
Non monétaires :
- actions
- obligations
-diversifiés et alternatifs
- FCPE
- autres
Assurance vie et
8
21 14 8 10 7
38 14
Épargne retraite :
-en euros
9
25 13 7 9 6
35 12
-en unités de compte
-1 -4
1 1 1 1
3
2
Total
21 97 29 17 16 12 75 20
* Données provisoires – données non disponibles
Source : Banque de France, Comptes nationaux financiers, base 2005.
T2 T3*
7
-3
0
2
1
-1
1
0
0
0
4
-3
Le rebond des flux de placements financiers des ménages
observé au premier trimestre 2014 s’est prolongé au
deuxième trimestre (19 milliards d’euros), principalement
grâce aux dépôts bancaires et aux souscriptions de contrats
d’assurance vie en euros.
4
-
Néanmoins, les données provisoires, publiées par la
Banque de France le 30 octobre, laissent présager de
moindres flux de placements au troisième trimestre du fait
d’une contribution réduite des dépôts bancaires (4 milliards
d’euros) sous l’effet d’une remontée des dépôts à vue,
passant de 2,4 à 5,4 milliards d’euros entre le deuxième et
le troisième trimestre 2014, conjuguée à une baisse des
livrets d’épargne. La décollecte sur ces derniers, en incluant
les comptes épargne-logement (CEL), serait de l’ordre de
6,5 milliards d’euros au troisième trimestre contre une
collecte tout juste positive de 0,3 milliard au trimestre
précédent selon les données provisoires.
Après un début d’année marqué par des collectes
décroissantes mais positives s’élevant à 3,8 milliards
d’euros sur le premier semestre 2014, les livrets A et de
développement durable renouent avec des décollectes
nettes, réapparues depuis mai. Ce mouvement s’est
accentué avec le nouvel abaissement des taux de
rémunération entré en vigueur en août dernier. Ainsi, au
troisième trimestre, la décollecte sur ces deux livrets s’élève
à 4,6 milliards et à 3,8 milliards d’euros au mois d’octobre.
La faiblesse de la rémunération nominale des livrets
réglementés continue de profiter aux dépôts à vue, dont le
coût d’opportunité s’affaiblit dans un contexte de faible
inflation.
11 13
10 11
2 2
19 -
 Depuis 7 ans
(flux cumulés sur quatre trimestres glissants, en milliards d’euros)
Dépôts bancaires
Titres de dette
Parts d'OPC
Contrats d'assurance-vie
Actions cotées
160
110
60
10
Poursuite des rachats nets de titres d’OPC
La décollecte nette sur les titres d’OPC observée au premier
trimestre 2014 (-4 milliards d’euros) a laissé place à une
faible collecte au deuxième trimestre (0,6 milliard). Dans un
contexte de bas niveau des taux d’intérêt réduisant les
rendements versés, la décollecte des OPC monétaires a
ralenti au deuxième trimestre 2014, s’élevant à -0,8 milliard
d’euros contre -2,5 milliards au trimestre précédent. Reflet
des arbitrages et des comportements de placement, les
OPC non monétaires affichent au deuxième trimestre une
faible collecte, résultat de la reprise de la collecte nette sur
les FCPE (3,5 milliards) à l’instar du deuxième trimestre
2014
-40
mars sept. mars sept. mars sept. mars sept. mars sept. mars sept. mars sept. mars
07
07
08
08
09
09
10
10
11
11
12
12
13
13
14
Source : Banque de France, Comptes nationaux financiers, base 2005.
Rendements des placements (en %)
5
Comptes sur livrets
Dépôts à terme < 2 ans
Titres d'OPC monétaires
Taux à 10 ans
4
3
2
1
Le maintien de l’assurance vie se poursuit
Profitant de la baisse des taux de rémunération de l’épargne
réglementée, les souscriptions nettes de contrats
d’assurance vie tous supports confondus maintiennent leur
relatif dynamisme au troisième trimestre 2014. Selon les
données provisoires, les souscriptions nettes de contrats
d’assurance vie libellés en euros se seraient élevées à
11,3 milliards d’euros au troisième trimestre contre 9,8
milliards d’euros au trimestre précédent. Les souscriptions
nettes des contrats libellés en unités de compte, bénéficiant
de la relativement bonne tenue des marchés, poursuivraient
leur progression, passant de 1,8 milliard à 1,9 milliard
d’euros au troisième trimestre. Toutefois, selon la FFSA,
depuis le début de l'année la collecte nette s'établissait, fin
octobre, à 19,5 milliards d'euros contre 11,8 milliards sur la
même période en 2013, témoignant de l’important
redressement de l’assurance vie.
0
déc. mai oct. mars août janv. juin nov. avr. sept. févr. juil. déc. mai oct. mars août janv. juin
06 07 07 08 08 09 09 09 10 10 11 11 11 12 12 13 13 14 14
Sources : Banque de France et Datastream.
Souscriptions nettes de contrats d’assurance vie et d’épargne retraite
(flux cumulés sur 4 trimestres glissants, en milliards d’euros)
100
Unités de compte
Euros
80
60
40
20
0
-20
mars sept. mars sept. mars sept. mars sept. mars sept. mars sept. mars sept. mars
07
07
08
08
09
09
10
10
11
11
12
12
13
13
14
Source : Banque de France, Comptes nationaux financiers, base 2005.
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
5
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
Risques – Indicateurs synthétiques de mesure des tensions systémiques
En raison de sa nature multiforme, il n’est pas aisé de donner
une définition simple du risque systémique susceptible de se
traduire en un indicateur de mesure unique. De fait, diverses
1
définitions des risques systémiques coexistent. Celles-ci
convergent toutefois quant au fond : les risques systémiques
désignent globalement tous risques de déséquilibres ou de
chocs affectant le système financier dès lors qu’ils menacent,
2
de façon significative, l’activité économique . Le recours aux
notions de politiques macroprudentielles et de stabilité
financière, qui sont intimement liées au risque systémique,
permet d’en préciser les contours.
Encadré
Politiques macroprudentielles :
Définition et mises en œuvre6
Définition
Dans une note commune de 2011, le Conseil de stabilité financière (CSF), le
Fonds monétaire international (FMI) et la Banque des règlements internationaux
(BRI) ont défini la politique macroprudentielle comme «une politique qui recourt
principalement aux outils prudentiels pour limiter le risque systémique ou
touchant l’ensemble du système financier, atténuant par ce biais l’incidence des
perturbations dans la fourniture des services financiers essentiels, qui pourraient
avoir de graves conséquences pour l’économie réelle».7
Mise en œuvre opérationnelle des politiques macroprudentielles :
Depuis 2009, de nouvelles structures institutionnelles spécifiquement chargées
de la conduite des politiques macroprudentielles ont été créées. Il s’agit
notamment du Comité européen du risque systémique (CERS) créé en 2011 en
Europe et du Haut Conseil de Stabilité Financière en France créé en 2013 à la
suite du conseil de régulation financière et du risque systémique qui avait été
instauré fin 2010.
En Europe, les politiques macroprudentielles se sont traduites par l’application
au 1er janvier 2014 de la directive sur les exigences de fonds propres (Capital
Requirements Directive (CRD IV)) et du règlement sur les exigences de fonds
propres (Capital Requirements Regulation (CRR)). La directive CRD IV pose
principalement des règles de provisionnement dynamique telles que le coussin
contra cyclique, le coussin pour risque systémique, ainsi que des coussins de
fonds propres pour les établissements d’importance systémique. Outre des
exigences minimales de fonds propres, le règlement CRR définit des exigences
de liquidité à court terme (liquidity coverage ratio (LCR)) à compter de 2015 et
un ratio structurel de liquidité à long terme (net stable funding ratio (NSFR)).
En effet, la stabilité financière désigne « l’état dans lequel le
système financier – intermédiaires, marchés et infrastructures
de marché – peut résister aux chocs sans perturbation
majeure de l’intermédiation financière et de l’allocation
effective de l’épargne à l’investissement productif » (BCE
3
4
(2013)) . Jusqu’en 2007, un certain consensus existait sur le
fait que la stabilité financière, garante d’une croissance
régulière de l’activité économique, résultait de la mise en
œuvre simultanée de politiques monétaire, budgétaire et
microprudentielle appropriées.
La crise financière mondiale déclenchée en 2007 a clairement
montré que, même en période d’inflation maîtrisée et de
solidité budgétaire apparente, certains risques pesant sur le
système financier sont susceptibles, lorsqu’ils se concrétisent,
d’en perturber le fonctionnement au point de compromettre la
stabilité financière et d’affecter l’économie réelle en réduisant
la croissance économique et le bien-être social.
Politiques macroprudentielles versus microprudentielles
Au regard des politiques microprudentielles, les politiques macroprudentielles
ont ainsi pour spécificités, non les instruments prudentiels auxquels elles
recourent, mais leur objectif et leur champ d’analyse8. Tandis que les politiques
microprudentielles sont destinées à protéger les institutions financières
considérées individuellement et à en préserver la solidité, les politiques
macroprudentielles visent à prévenir la survenue de risques systémiques, en
analysant pour cela l’ensemble du système financier, en intégrant les
interconnexions, et ses interactions avec l’économie réelle.
Confrontés à de tels risques, qualifiés de systémiques au
regard de leur forte répercussion sur l’activité économique, les
instruments des politiques monétaire et budgétaire et de
supervision microfinancière se sont avérés insuffisants. Dès
lors, il est apparu nécessaire de compléter la politique
microprudentielle, visant à garantir la stabilité des institutions
financières prises individuellement, en y ajoutant une
dimension macroéconomique pour tenir compte d’une part,
des interconnexions qui unissent les composantes du système
financier, et d’autre part des interactions entre les sphères
réelle et financière. Tel est l’intérêt des politiques
5
macroprudentielles .
Une exigence de fonds propres supplémentaire est typiquement un instrument
tant microprudentiel que macroprudentiel. Seul leur niveau est fixé
différemment : une exigence de fonds propres microprudentielle se fonde sur le
niveau de fonds propres nécessaire à garantir la résilience des intermédiaires
financiers, même après absorption de pertes induites par des chocs potentiels.
L’exigence de fonds propres macroprudentielle intègre les externalités négatives
induites par la faillite non contrôlée d’une institution sur l’ensemble de
l’économie.
Il convient de noter que les politiques macroprudentielles sont, par définition,
préventives. Elles ne visent pas à gérer les crises mais à les prévenir.
Les politiques macroprudentielles sont ainsi depuis 2009 au
cœur des préoccupations des instances de régulation du
système financier qui œuvrent à en préciser les contours et à
en assurer la mise en œuvre opérationnelle (voir encadré).
Les instruments macroprudentiels qui en découlent sont
conçus pour renforcer la résilience du système financier et
empêcher qu’il soit propice à l’accumulation de tensions ex
9
ante , terreau des risques systémiques.
Parmi la variété de définitions, celles retenues au niveau du G20 (commune au
CSF, FMI, BRI) et celle du Comité européen du risque systémique (CERS) se sont
plus particulièrement imposées et sont formulées comme suit :
« une rupture dans le fonctionnement des services financiers (i) causée par la
dégradation de tout ou partie du système financier et (ii) ayant un impact négatif
généralisé sur l’économie réelle » (CSF, FMI, BRI (2009) p.5-6).
«un risque de perturbation dans le système financier susceptible d’avoir de graves
répercussions sur le marché intérieur et l’économie réelle.» selon l’article 2 du
règlement de l’Union européenne n° 1092/2010 (Union européenne (2010)).
2 Voir Noyer (2014), p. 7.
3 “Capturing the notion of financial stability is not easy; the ECB defines it as a
condition in which the financial system – intermediaries, markets and market
infrastructures – can withstand shocks without major disruption in financial
intermediation and in the effective allocation of savings to productive investment”.
BCE (2013), p. 5.
4 Voir Caruana, J. et B. H. Cohen (2014), p. 16.
5 Si l’utilisation du terme « macroprudentiel » s’est généralisée après la crise
financière de 2007-2009, les archives de la Banque des règlements internationaux
font remonter les premières occurrences de ce terme à 1979, où il apparaît dans un
procès-verbal d’une réunion relative aux prêts bancaires internationaux du comité
Cooke, ancêtre du comité de Bâle. Son utilisation dans des documents publics
remonterait, elle, à 1986. Voir Clement (2010) pour un retour historique.
1
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
6
Voir le numéro spécial de la revue de la stabilité financière de la Banque de France
d’avril 2014 consacré aux politiques macroprudentielles, FMI (2013) et ainsi que les
recommandations du FMI (2014).
7 Voir CSF, FMI et BRI (2011) p. 2.
8 Une présentation visionnaire des politiques macroprudentielles a été proposée en
2000 par Andrew Crockett dans une allocution avant la onzième conférence
internationale sur le contrôle bancaire, intitulée « Marrying the Micro- and
Macroprudential Dimensions of Financial Stability » (Crockett (2000)).
9 Les politiques macroprudentielles sont, par définition, préventives. Elles ne visent
pas à gérer les crises mais à les prévenir.
6
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
Ainsi les politiques macroprudentielles sont profondément
ancrées dans la notion de risques systémiques. Il convient
donc d’en comprendre les origines afin de pouvoir mettre en
place des indicateurs de mesures qui serviront de guide aux
politiques macroprudentielles. Ce n’est en effet qu’en ayant
une connaissance fine des vulnérabilités à l’origine des
risques systémiques, qu’il est possible de concevoir des
indicateurs susceptibles de prévenir les crises financières.
Tandis que l’interconnexion repose sur un bilan des
vulnérabilités à un instant donné du système financier, la
13
procyclicité s’apprécie en dynamique . Cette dimension
temporelle désigne l’accumulation de déséquilibres financiers
au fil du temps du fait de l’existence de cycles financiers qui
engendrent, par exemple, une croissance potentiellement
excessive du crédit et une accentuation de l’effet de levier lors
des phases ascendantes des cycles et des conditions
financières défavorables lors de son retournement.
L’intégration de cette dimension temporelle dans les
instruments macroprudentiels conduit à élaborer des mesures
à contre-courant (« lean against the wind ») et à laisser leur
calibrage évoluer au cours du temps pour s’adapter au
caractère cyclique des marchés financiers ou de leurs acteurs.
Vers une harmonisation des processus d’identification des
risques systémiques au niveau international
L’identification des risques systémiques requiert donc une
connaissance fine de l’ensemble du système financier et de
ses interactions avec l’économie réelle, afin de repérer les
défaillances et vulnérabilités financières qui sont susceptibles
de favoriser l’émergence de crises systémiques.
Compte tenu de l’ampleur et de la variété des défaillances et
vulnérabilités susceptibles de favoriser l’accumulation de
risques systémiques, les autorités en charge de la conduite
des politiques macroprudentielles ont développé des tableaux
14
de bord des risques visant à recenser les outils de mesure
disponibles pour refléter les vulnérabilités financières. Le FMI
a récemment publié un « manuel » recensant les indicateurs
permettant le suivi des vulnérabilités sources potentielles de
risques systémiques en distinguant celles relevant de la
dimension procyclique de celles relevant de l’interconnexion
15
(FMI (2014)) .
Au-delà de la surveillance d’indicateurs individuels couvrant,
chacun, certains aspects des tensions systémiques du
système financier, des indicateurs synthétiques ont été
élaborés, principalement au sein de banques centrales, de
16
part et d’autre de l’Atlantique .
Par comparaison, le secteur financier est particulièrement
fragilisé par la présence d’asymétries d’information et
d’externalités en raison de caractéristiques qui lui sont
propres. Il s’agit, entre autres, des spécificités de la structure
des bilans des intermédiaires financiers, notamment en
termes de transformation des maturités et d’effets de levier,
de la forte interdépendance des marchés et des institutions,
notamment via des complémentarités stratégiques engendrant
des expositions et des risques corrélés (BCE (2009)).
Progressivement, l’analyse des crises passées a conduit à
identifier un certain nombre de défaillances de marché ou de
vulnérabilités, plus particulièrement sensibles en matière de
10
prévention des risques systémiques , notamment :
 une croissance excessive du crédit ;
 un effet de levier trop important;
 une transformation des maturités excessives et une
insuffisante prise en compte du risque d’illiquidité des
actifs ou de marché ;
 un degré excessif de concentration des expositions
directes et indirectes ;
 de mauvaises incitations à l’origine d’une prise de risque
excessive et de phénomènes d’aléa moral ;
 un développement excessif des transactions de gré à
gré sur les produits dérivés et du hors‑ bilan ;
 une insuffisante résilience des infrastructures financières
face aux chocs opérationnels.
Présentation des indicateurs de tensions systémiques
La construction des indicateurs synthétiques repose sur i) la
sélection d’un certain nombre d’indices sous-jacents, reflétant
la variété des vulnérabilités financières, ii) la standardisation
des indices sous-jacents permettant de les rapporter à un
même ensemble de valeurs et iii) l’agrégation des indices
sous-jacents standardisés afin d’obtenir un indicateur
synthétique unique (voir Graphique 1).
En vue d’apprécier les apports et limites des indicateurs
synthétiques, il a été choisi de limiter l’analyse de la
construction des indicateurs à trois d’entre eux, sélectionnés
Bien que d’origines diverses, les défaillances et vulnérabilités
qui sous-tendent les risques systémiques trouvent
généralement leur essence dans l’une des deux dimensions
l’interconnexion et la procyclicité. D’une manière générale,
11
l’interconnexion revêt une dimension transversale
et
structurelle. Elle désigne l’ensemble des spécificités du
système financier susceptibles de favoriser la propagation
d’un risque à un moment précis et à un potentiel effet domino.
Plus spécifiquement, l’interconnexion désigne les expositions
communes des marchés et acteurs, la concentration des
risques, les liens et les interdépendances entre entités et
secteurs au sein du système financier à un moment donné. La
prise en compte de cette dimension transversale dans les
politiques macroprudentielles a conduit à accorder une
attention plus particulière aux institutions et aux secteurs
12
d’importance systémique .
substituabilité (la capacité des autres composantes du système à fournir les mêmes
services en cas de défaillance) », l’interconnexion, l’activité inter-juridictionnelle et la
complexité. Voir CBSB (2013).
13 L’interconnexion évolue certes avec le temps, mais à chaque instant elle peut être
appréciée à partir d’une fine connaissance instantanée du système financier, telle
une prise de vue. La cyclicité ne peut être perçue qu’au cours d’un cycle financier, tel
un court métrage.
14 Le CERS rend public depuis septembre 2012 un tableau de bord des risques
trimestriel composé d’une cinquantaine d’indicateurs quantitatifs relatifs à 29 pays (27
pays de l’UE, les États-Unis, Japon) et à la zone euro, couvrant 6 domaines : les
interconnexions et les mesures de risque systémique, les risques
macroéconomiques, le risque de crédit, les risques de financement et de liquidité, les
risques de marché et la profitabilité et la solvabilité des banques et des assureurs.
Voir CERS (2014).
15 Le FMI (2014) recommande notamment de surveiller les vulnérabilités de la
dimension procyclique à partir d’indicateurs scindés en 4 groupes : (i) les
vulnérabilités touchant l’ensemble de l’économie issues de la croissance du crédit; (ii)
les vulnérabilités sectorielles résultant de crédits croissants accordés aux ménages;
(iii) les vulnérabilités sectorielles résultant de l’exposition des entreprises au crédit; et
(iv) les vulnérabilités émanant d’asymétries excessives de position sur les devises et
dans la transformation des maturités dans le secteur financier.
16 Voir de Bandt et al. (2013), Bisias et al. (2012) et Brunnermeier et al. (2012) pour
des revues de la littérature.
10
Voir Noyer (2014) et CERS (2013).
La transversalité résulte de la nécessité de prendre en compte l’ensemble des
acteurs et des marchés du système financier pour identifier les interconnexions.
12 Parmi les critères principaux d’identification du poids systémique des marchés et
des établissements, sont notamment mentionnés : la taille de l’entité financière, « la
11
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
7
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
La construction d’un indicateur synthétique soulève les
questions suivantes : quels indices sous-jacents choisir pour
capter les tensions existantes au sein de la sphère
financière ? Comment harmoniser et comparer des indices
sous-jacents ayant des échelles différentes ? Et comment
agréger ces indices en perdant le moins d’information
essentielle ?
comme représentatifs de la diversité des méthodes
susceptibles d’être mobilisées et reconnus pour leur
performance à signaler rétrospectivement les crises
précédentes.
Graphique 1 : Principe de construction
synthétiques de tensions systémiques
des
indicateurs
Graphique 2 : L’indicateur composite de tensions systémiques
CISS
Indicateur synthétique de tensions systémiques
Agrégation des
indices standardisés
Système financier
Acteurs &Marché
marchés
obligataire
Sit
Source : Données BCE.
Indices intermédiaires standardisés
Indices
sous-jacents
Graphique 3 : L’indice de tensions financières de Kansas City
KCFSI
 Zit Indices
Sous-jacents standardisé
Source : AMF
Les trois indicateurs synthétiques retenus sont :
17
 L’indicateur composite de tensions systémiques, CISS ,
élaboré en 2012 par la Banque Centrale Européenne
(BCE), reflétant les tensions financières systémiques au
sein de la zone euro (voir Graphique 2) ;
 L’indice de tensions financières de Kansas City,
18
KCFSI , développé en 2009 au sein de la Réserve
Fédérale de Kansas City, pour rendre compte des
tensions financières aux États-Unis (voir Graphique 3).
19
 L’indice de tensions financières, FSI , pour le Canada,
mis au point en 2003 par la Banque du Canada (voir
Graphique 4). Au regard des deux précédents, l’indice
de tensions financières pour le Canada présente deux
spécificités : ayant été conçu dès 2003, il fait figure de
pionnier. Par ailleurs, il émane d’un processus de
sélection : sur la base de 15 indicateurs synthétiques
conçus en standardisant les indices sous-jacents selon
différentes méthodes et en exploitant des procédés
d’agrégation différents, le FSI agrégé par pondération
(voir infra) s’est révélé le mieux à même pour retracer les
crises précédentes. La confrontation des indicateurs
synthétiques proposés par la banque du Canada permet
ainsi de comparer les méthodologies reprises par le
CISS et le KCFSI sur des données uniformes.
Source : Données Réserve Fédérale de Kansas City.
Graphique 4 : 2 des 15 indices de tensions financières pour le
Canada FSI
Source : Illing et Liu (2006).
Mis au point en 2012 (Hollo, Kremer et Lo Duca (2012)), le CISS “composite
indicator of systemic stress”, prononcé “Kiss”, est depuis régulièrement mis à jour par
la BCE et repris dans le tableau de bord de suivi des risques du Comité européen du
risque systémique (CERS (2014)). L'Autorité européenne des marchés financiers
(ESMA) s’en est inspirée pour développer un ESMA-CISS, diffusé trimestriellement
dans son tableau de bord de suivi des risques (ESMA (2014)).
18 Conçu en 2009 (Hakkio et Keeton (2009)), le KCFSI, Kansas City Financial Stress
Index est depuis régulièrement mis à jour par la Réserve Fédérale de Kansas City.
Voir http://www.kc.frb.org/research/indicatorsdata/kcfsi/index.cfm.
19 Développé en 2003 (Illing et Liu (2006)), FSI Financial Stress Index ne fait depuis
plus l’objet de mise à jour publique.
17
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
8
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
Le choix des indices sous-jacents
Quel que soit l’indicateur synthétique de tensions systémiques
considéré, sa construction repose toujours sur un ensemble
d’indices sous-jacents, présentant certaines similitudes.
Deux principales méthodes sont généralement utilisées afin
de standardiser les indices sous-jacents :
 le recours à la fonction de distribution cumulée,
mobilisée notamment dans le CISS et dans certains
FSI ;
 la normalisation des indices sous-jacents mise en œuvre
notamment dans le KCFSI et dans certains FSI.
Visant à mesurer des phénomènes révélateurs de tensions
tels que la fuite vers la qualité, la recherche de liquidité ou
encore l’incertitude des agents, les indices sous-jacents
décryptent les tensions à l’aide de mesures de tendance, de
volatilité, de stratégie de substitution reflétant l’activité des
marchés financiers et les comportements des acteurs.
Sur une période de référence, le recours à la fonction de
distribution cumulée pour un indice sous-jacent donné
consiste à attribuer à chaque valeur de l’indice sa fréquence
22
cumulée . Cette même méthode est appliquée au-delà de la
période de référence en élargissant progressivement cette
période : la valeur à une date donnée au-delà de la période de
référence d’un indice sous-jacent est ainsi déterminée par sa
fréquence cumulée au sein de l’ensemble des valeurs qui lui
sont antérieures, sans que soient remises en cause les
23
valeurs standardisées précédentes . L’intérêt de standardiser
les valeurs des indices sous-jacents à l’aide de la fonction de
distribution cumulée est d’harmoniser les valeurs présentes au
regard de celles passées sans réviser l’appréciation des
valeurs antérieures, qui, une fois déterminées, demeurent
fixes au cours du temps. Autrement dit, cela offre une vision
des tensions financières telles que perçues en temps réel et
non telles qu’elles seraient perçues aujourd’hui, avec du recul.
Cela permet de ne pas sous-estimer certaines tensions.
Typiquement, de nos jours, la faillite de WorldCom apparaît
presque marginale comparée à la faillite de Lehman Brothers,
alors qu’en 2002, elle était perçue tout autrement (voir
Graphique 2).
Des indices sous-jacents « incontournables » se retrouvent à
la base de la plupart des indicateurs synthétiques : la volatilité
de titres monétaires, de titres de créances, d’indices
boursiers, de taux de change, l’écart de taux entre actifs
risqués et non risqués ou entre des actifs de notation
équivalente sur des marchés différents.
Au-delà, certains indicateurs synthétiques regroupent les
indices sous-jacents par marché ou acteur. Tel est le cas du
CISS qui retient cinq groupes : les intermédiaires financiers, le
marché des actions, le marché obligataire, le marché
monétaire et les marchés des changes (voir graphique 5)
Ainsi, les indices de tensions financières FSI du Canada
reposent sur sept indices sous-jacents standards, qui
recourent déjà à des transformations mathématiques des
séries financières et auxquels viennent s’ajouter quatre
indices sous-jacents « améliorés », résultant par exemple de
régressions réalisées à partir des indices sous-jacents
standards ou de l’introduction de modèles économétriques
afin de mesurer la volatilité de certains titres financiers ou de
taux de change. Ces raffinements reflètent la difficulté de
traduire par des mesures quantitatives simples les tensions
potentielles du système financier.
De surcroit, cette méthode ne requiert aucune condition
préalable sur les indices sous-jacents avant standardisation,
notamment en termes de normalité. Néanmoins elle modifie la
variance de l’indice sous-jacent.
L’autre méthode mobilisée dans le KCFSI et dans certains FSI
pour harmoniser les indices sous-jacents consiste à
24
normaliser les indices sous-jacents à l’aide de loi normale .
Cette méthode, assez simple, n’est pas sans inconvénient.
Elle requiert notamment que les indices sous-jacents
construits suivent chacun une loi normale. D’autre part,
normaliser les indices sous-jacents réduit leur volatilité en
25
rendant leur variance constante , ce qui peut contribuer à
sous-estimer l’ampleur des tensions financières.
De plus, comme souligné par Hollo et al. (2012), le choix des
indices sous-jacents est nécessairement contraint par la
20
disponibilité des données et le rythme de leur actualisation .
En pratique, les indices sous-jacents construits à partir de
données hebdomadaires ou mensuelles sont généralement
privilégiées, pour permettre un suivi régulier de l’évolution des
tensions systémiques.
La standardisation des indices sous-jacents
Une fois les indices sous-jacents sélectionnés, ceux-ci sont
harmonisés préalablement à leur agrégation ce qui leur
confère la même importance au sein de l’indice synthétique
malgré des échelles initiales différentes. La standardisation
des indices sous-jacents veille à empêcher la prédominance
non recherchée d’un indice sous-jacent particulier dans
l’indicateur synthétique.
L’agrégation des indices sous-jacents
Une fois la standardisation effectuée, il reste à agréger les
indices sous-jacents standardisés pour obtenir les indicateurs
Dans le cas du CISS, l’ensemble des n valeurs de chacun des 15 indices sousjacents entre 1999 et 2002 sont ordonnées par ordre croissant, puis chaque valeur,
xt, se voit attribuer un rang, rxt, à partir duquel est calculée la valeur de la fréquence
rx
cumulée, zt, comme suit : z t  Fn ( x t )  t . Au-delà de 2002, à une date
n
2002+T,
la
valeur
de
la
fréquence
cumulée,
zn+T,
est :
r xn T
z n T  Fn T ( x n T ) 
, où r xn T est le rang de la valeur xn+T au sein de
n T
l’ensemble des n+T valeurs.
23 En étendant la période de calcul de la fonction de distribution cumulée
progressivement au-delà de la période de référence tout se passe comme si les
nouvelles valeurs étaient ajoutées unes par unes et que leur classement se faisait en
temps réel.
24 Sur une période prédéfinie, après calcul préalable des moyennes et variances pour
chaque indice sous-jacent, leur normalisation consiste simplement à les centrer et
réduire.
25 La normalisation d’une grandeur réduit son hétéroscédasticité.
22
En effet les indices sous-jacents choisis pour représenter les
tensions du système financier peuvent avoir des unités très
différentes : pourcentage, unités monétaires ou encore en
points de base. Agréger des indices ayant des échelles
initiales différentes conduirait à surpondérer certains d’entre
21
eux dans l’indice synthétique .
Recourir à des données relevant de secteurs financiers opaques, comme la finance
parallèle est notamment malaisé. Ceci explique que le shadow banking ne soit pas
actuellement pris en compte dans les indicateurs synthétiques. De même, les
innovations financières non renseignées statistiquement ne peuvent être intégrées.
21 Typiquement, un indice représentant le montant des prêts bancaires éclipse, en
l’absence de standardisation, une mesure de volatilité d’un indice boursier.
20
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
9
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
Graphique 5 : Méthodologie du CISS
synthétiques. Pour ce faire, deux méthodes sont
principalement utilisées :
 Un système de pondération, éventuellement croisé avec
une matrice de corrélation, comme dans le CISS et
certains FSI.
 L’analyse en composantes principales, comme dans le
KCFSI et certains FSI.
Au-delà de son caractère technique, cette étape est parfois
mise à profit pour renforcer le caractère systémique de
l’indicateur synthétique.
CISS
CISSt=(woSt)Ct(woSt)’
S1t
S4t
S5t
Marché
Monétaire
Marché des
changes
S2t
Intermédiaires
Financiers
Marché
Obligataire
Marché
Actions
Z1 Volatilité rdt
Z4 Volatilité indices
actions entre indice
boursiers
bancaire&boursier
secteur non fin
Z2 Écart de rdts
Z5 Indice de perte
entre sociétés «A»
relative max
fin et non fin
cumulée (2 ans)
Z3 Indice d’interaction
Indice de
entre valeur comptable Z6
corrélation
et boursière (sect. fin)
action-obligation
Tel est le cas du CISS. Deux étapes particulières au niveau
de l’agrégation permettent de mieux refléter les tensions
systémiques observées au sein du système financier : le
recours à une matrice de corrélation inter marchés et acteurs
et la détermination d’une matrice de pondération reflétant
l’impact du système financier sur l’économie réelle.
Z7 Volatilité oblig.
souveraines
10 ans Alld
Z10 Volatilité
Euribor 3 mois
Z13 Volatilité
tx de change
€/$ US
Z14 Volatilité
tx de change
€/¥
Z11 Écart de tx
Z8 Écart de rdts
entre Euribor
entre oblig. «A»
& Bond Trésor Fr
sociétés non fin &
oblig. souv. (7 ans)
Z15 Volatilité
Z9 Écart sur Swap de Z12 Refinancement
tx de change
BCE pour IFM
tx d’intérêt 10 ans
€//£
Source : AMF.
L’agrégation des indices sous-jacents du CISS est toutefois
plus compliquée. Elle comporte 4 étapes (voir graphique 5) :
 Compilation des 15 indices sous-jacents par simple
moyenne arithmétique en cinq indices intermédiaires
caractérisant chacun un marché ou un acteur
26
 Calcul d’une matrice de corrélation inter-marchés et
acteurs
27
 Détermination d’une matrice de pondération attribuant
un poids à chaque indice intermédiaire en fonction de
l’impact qu’il exerce sur la production industrielle de la
zone euro.
 Obtention du CISS par agrégation des indices
intermédiaires à l’aide des matrices de corrélation et de
pondération.
Comme souligné précédemment, le CISS présente deux
principaux avantages, en tenant compte :
 des interdépendances au sein du système financier via
la matrice de corrélation et, ce faisant, du caractère
systémique que peut avoir un marché via l’effet de
contagion ;
 de l’impact du système financier sur l’économie réelle via
la matrice de pondération se rapprochant un peu plus de
la définition théorique du risque systémique.
Graphique 6 : Méthodologie du KCFSI
KCFSI
Analyse en composantes
principales
11 indices sous-jacents
Source : AMF.
Graphique 7 : Méthodologie du FSI
Poids
w = {w1 ; w2 ; … ; w6 ; w7}
Secteur
bancaire
Cependant son calcul est complexe et requiert de nombreux
tests avant l’application du modèle VAR servant à déterminer
la matrice de pondération. Par ailleurs la matrice de
pondération est fixe. Or si, sur courte ou moyenne période, la
stabilité des poids peut être justifiée, le modèle de production
industrielle et sa dépendance aux différents marchés évoluant
sans doute lentement, sur plus longue période, l’absence
d’évolution de la structure de l’économie apparaît plus
28
discutable .
S1t Volatilité
du rdt des
actions des
banques
comparé au
marché global
Marché des
changes
S2t Indice de
perte
relative
maximale
cumulée
(1 an)
Marché
obligataire
S3t Ecart entre
oblig. souveraines
du Canada vs. US
S4t Ecart entre
oblig. sociétés
S5t Bid-offer spread
S6t Ecart entre tx
LT et CT
Marché
actions
S7t
Indice de
perte relative
maximale
cumulée
(1 an)
Source : AMF.
L’autre méthode, mobilisée par le KCFSI et souvent utilisée,
est l’analyse en composantes principales (ACP) (voir
Graphique 6). Cette méthode statistique consiste à
transformer plusieurs indices sous-jacents en un facteur, qui
réplique au mieux la variance de ces indices, en les
combinant linéairement. Cependant, l’ACP comporte
l’inconvénient d’engendrer une perte d’informations d’autant
plus conséquente que le nombre d’indices sous-jacents est
important. De plus, l’ACP est d’une interprétation moins aisée
relativement à l’utilisation d’un système de pondération.
Le calcul de la matrice de corrélation ne se fonde pas sur les formules habituelles
mais sur des moyennes mobiles pondérées exponentielles, qui permettent de
calculer chaque corrélation contemporaine en fonction de toutes les corrélations
passées. Le poids attribué au passé par rapport au présent est arbitrairement fixé via
le paramètre de lissage établi à 0,93 dans le cas du CISS (Hollo et al. (2012), p. 19).
27 La matrice de pondération est obtenue à partir des fonctions de réponse de
modèles VAR, décrivant l’impact des différents indices intermédiaires sur la
croissance de la production industrielle dans la zone euro. Les poids retenus sont
30% pour les intermédiaires financiers, 25% pour le marché des actions et 15% pour
les marchés monétaire, obligataire et des changes (Hollo et al. (2012), p. 18).
28 Toutefois utiliser des poids variables, recalculés à chaque période, peut faire varier
l’indicateur synthétique sans que la tension systémique se soit accrue mais juste par
l’augmentation du poids de certains indices intermédiaires. Cela complique donc
l’interprétation de l’évolution de l’indicateur synthétique.
26
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
Poids
w = {w1 ; w2 ; w3 ; w4 ; w5}
= {30; 25 ; 15 ; 15 ; 15}
Corrélations
Ct
Le FSI offre un cadre idéal pour comparer les deux
précédentes méthodologies puisqu’il construit 15 indicateurs
synthétiques, certains recourant à l’ACP, tandis que d’autres
10
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
29
de matrices de corrélation et de pondération. Comme l’illustre
le graphique 8 dans le cas du CISS, si chacun des indicateurs
sous-jacents reflète les tensions propres aux acteurs ou aux
marchés auxquels ils se rattachent, le CISS offre une
représentation plus riche : plus qu’une somme pondérée des
tensions par secteurs et marchés, il reflète également les
interconnexions entre les marchés et secteurs au sein du
système financier.
utilisent différents systèmes de pondération . Ces indicateurs
30
FSI sont confrontés à l’aide d’une fonction de perte ,
traduisant la défaillance de l’indicateur à distinctement
identifier les périodes de tensions et d’accalmie. Cette
confrontation conduit à identifier la méthode de pondération,
callée sur la contribution des marchés, au financement de
l’économie comme la plus performante (voir Graphique 7)
tandis que l’ACP se révèle être la méthode la moins
performante.
Evaluer l’efficacité des indicateurs synthétiques à prédire les
crises est complexe et ne peut être réalisé qu’indirectement
au vue du passé, en l’absence d’une mesure unanimement
reconnue pour traduire les tensions financières. Dans cette
optique, des estimations sont réalisées pour déterminer si les
fortes variations de ces indicateurs sont associées aux
périodes de tensions financières accrues. Ces estimations
révèlent l’adéquation du CISS aux périodes de tensions
financières historiquement identifiées : la faillite de WorldCom
(2002), le début de la crise des subprimes (mi 2007), la faillite
de Lehman Brothers (15 septembre 2008), le déclenchement
de la crise des dettes souveraines en Europe. Il en est de
même pour le KCFSI et le FSI du Canada, où chaque « pic »
est relié à un évènement financier majeur sur les zones
géographiques couvertes (Etats-Unis et Canada). En outre, le
KCFSI teste statistiquement la corrélation entre l’indicateur
31
synthétique et un indicateur d’activité économique ,
établissant la capacité du KCFSI à prédire l’activité
économique, l’inverse n’étant pas vérifié.
Sur la période récente, les indicateurs synthétiques signalent,
de façon plus prononcée en Europe qu’aux États-Unis, une
remontée modérée avec oscillations des tensions financières
amorcée mai 2013 avec l’annonce du tapering
Graphique 8 : Indicateurs sous-jacents standardisés du CISS
au regard du CISS
8.1 Intermédiaires financiers
Indices
sous-jacents
Méthode de
standardisation
des indices
sous-jacents
Méthodes
d’agrégation
des indices
sous-jacents
Fonction de
distribution
cumulée
Moyenne
arithmétique,
corrélation et
pondération
KCFSI
0,8
- 7 indices sousjacents
Normalisation
Fonction de
distribution cumulée
et normalisation
Analyse en
composantes
principales
ACP, moyennes
arithmétique,
géométrique et
pondérée.
0,6
0,6
0,4
0,4
0,2
0,2
0
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
0,8
0,8
0,6
0,6
0,4
0,4
0,2
0,2
0
0
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
8.3 Marché obligataire
8.4 Marché monétaire
1
1
1
1
0,9
0,8
0,8
0,6
0,6
0,4
0,4
0,4
0,2
0,2
0,2
0,8
0,8
0,7
0,6
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
0
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
0
0
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
8.5 Marché des changes
1
1
0,8
0,8
0,6
0,6
0,4
0,4
0,2
0,2
0
0
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Note de lecture : L’échelle de droite est celle du CISS, en bleu foncé sur chaque graphique.
Source : Données BCE.
Néanmoins,
certains
inconvénients
demeurent.
La
sophistication des indicateurs synthétiques rend leur calcul
complexe, voire parfois difficilement réplicable à partir des
descriptions publiées, tant les étapes de calculs sont
nombreuses et spécifiques à chaque indice sous-jacent.
Cependant,
des
simplifications
semblent
possibles,
notamment au niveau du choix des indices sous-jacents ou de
la conception de la matrice de corrélation. Favoriser la
simplification apparaît d’autant plus important que la structure
des derniers indicateurs synthétiques comme le CISS s’avère
suffisamment souple pour permettre l’intégration de nouvelles
données, issues soit des évolutions de la finance, soit des
efforts croissants de disponibilité de l’information.
Source : AMF.
La comparaison des trois indicateurs synthétiques retenus
témoigne des progrès réalisés depuis 2003 dans leur
construction afin de refléter les tensions systémiques du
système financier. Ils reposent désormais sur des indices
sous-jacents plus riches. De plus, le choix des méthodes
d’agrégation s’est étoffé et certaines d’entre elles permettent
désormais de mieux rendre compte de la dimension
systémique du système financier, notamment via l’utilisation
Les progrès entrepris jusqu’ici ne doivent pas conduire à
surestimer l’intérêt de tels indicateurs en termes
d’interprétation : s’ils offrent une mesure globale des tensions
systémiques dont l’interprétation est essentiellement relative,
ils ne dispensent pas du suivi, en parallèle, d’une plus large
palette d’indicateurs financiers non synthétiques, à l’instar des
tableaux de bord de suivi des risques. Enfin, l’apport
macroprudentiel des indicateurs synthétiques réside, en
partie, dans leur simplicité d’interprétation. Dans cette optique,
32
l’introduction de seuils d’alerte , accompagnant les
La construction de 15 indicateurs synthétiques permet de tester différentes
combinaisons de méthodes de standardisation et d’agrégation, dont les associations
suivantes : la normalisation des indices sous-jacents et ACP, la normalisation et
différentes moyennes (arithmétiques ou géométriques), le recours à la fonction de
distribution cumulée et différentes moyennes, et enfin l’utilisation d’une moyenne
pondérée par la part de chaque secteur dans l’octroi de financement au sein de
l’économie canadienne.
30 La fonction de perte minimise les erreurs de type 1, consistant à ne pas identifier
de tensions, pourtant existantes, et les erreurs de type 2, conduisant à identifier des
tensions inexistantes.
31 Le test consiste à régresser chaque indicateur sur ses propres valeurs retardées et
les valeurs retardées de l’autre variable.
29
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
1
0,8
0
FSI
- 11 indices
sous-jacents
1
1
Tableau 1 : Comparaison des indices synthétiques
CISS
- 15 indices
sous-jacents
5- indices
intermédiaires
8.2 Marché des actions
1
Le seuil d’alerte du CISS résulte d’un modèle threshold VAR (TVAR), qui appliqué
au CISS et la croissance annuelle de la production industrielle, conduit à identifier
32
11
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
représentations graphiques des indicateurs synthétiques,
s’avère prometteuse, conférant, à ces indicateurs un caractère
avancé bienvenu (voir graphique 2).
V. Janod et N. Mosson
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Conseil de stabilité financière, Fonds monétaire international
et Banque des règlements internationaux (2011)
“Macroprudential policy tools and frameworks: update
to G20 finance ministers and central bank governors”,
février.
deux régimes : un régime de tensions financières faibles situé en dessous du seuil et
un régime de tensions financières élevées au-delà. Le seuil départageant ces deux
régimes est fixé par le modèle TVAR de façon à optimiser les zones de coévolution
de la production industrielle et du CISS. Les tests d’adéquations indiquent une
capacité statistiquement significative à correctement identifier les périodes de fortes
et faibles tensions financières.
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
12
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
Etude – La gestion d’actifs et l’environnement de taux bas
La sensibilité des portefeuilles d’actifs à une rupture du
contexte actuel de taux d’intérêt durablement bas constitue
une source d’incertitude, voire d’inquiétude, pour un large
spectre d’institutions internationales, de régulateurs nationaux
et internationaux, et d’acteurs de marchés. Tous anticipent
d’importants épisodes de réallocation de portefeuilles au
détriment des actifs relativement moins liquides ou plus
risqués (notamment les obligations d’entreprises) qui ont attiré
des flux d’investissement élevés au cours de la période
récente si (ou quand) les rendements nominaux devaient subir
un choc à la hausse, qu’il s’agisse d’une conséquence d’un
ajustement des politiques monétaires (y compris de façon non
ou imparfaitement anticipée ou désynchronisée des deux
côtés de l’Atlantique), ou d’une réévaluation de primes de
risque historiquement basses. Les implications de ces
épisodes pourraient en outre être amplifiées par une réduction
structurelle de la liquidité disponible sur les marchés
secondaires obligataires. Dans une telle configuration, la
qualité des procédures de gestion du risque de liquidité mises
en œuvre par les gérants d’actifs revêt une importance
critique du point de vue de la stabilité financière et de la
protection des investisseurs.
d’investissement des économies développées sur les actions
obligations émergentes participent également d’une logique
de recherche de rendement supplémentaire.
Il est à noter que ces pressions côté demande d’actifs ont fait
émerger des réponses côté offre d’actifs. Les gouvernements
et le secteur privé ont ainsi émis en plus grande quantité des
titres de dette à maturité longue dans le but de sécuriser le
remboursement de leurs charges d’intérêt à long terme.
S’il va de soi que chacun de ces signaux ne correspond pas à
un risque potentiel ou avéré pour la stabilité financière, un
consensus assez large se dégage sur le fait que la dette
d’entreprise, notamment high yield, combine des signaux de
sous-évaluation des risques de liquidité et de crédit et de
hausse des volumes tirée par la demande des investisseurs.
Signe que les investisseurs sont tout à fait conscients de la
dépendance des hypothèses de valorisation d’actifs au
maintien de la posture très accommodante des banques
centrales, les annonces de tapering de la Fed de mai 2013 ont
déclenché des corrections significatives sur les segments
obligataires high yield ainsi que sur les actifs émergents, qui
ont
connu des
inversions
temporaires
des
flux
d’investissement. Les spreads sur dette d’entreprise high yield
américaine ont ainsi augmenté entre 8 et 16 points de base
autour des annonces du 22 mai et 19 juin 2013 allant dans le
sens d’une réduction des programmes d’achat d’actifs.
Toutefois, au cours des trimestres qui ont suivi, l’appétit des
investisseurs pour le segment high yield ne semble pas s’être
tari. Certaines institutions évoquent même une possible
exacerbation des comportements de recherche de rendement
au premier semestre 2015. La Banque des Règlements
1
Internationaux
estime que la réaction des taux sur ces
classes d’actifs a été rapidement amortie, et que la recherche
de rendement a repris au cours du second semestre 2013,
pour se poursuivre en 2014, dans la foulée des annonces
positives sur la conjoncture macroéconomique américaine et
des annonces rassurantes de la Fed, de la Banque
d’Angleterre et de la Banque centrale européenne.
Concernant la dette d’entreprise high yield, si les annonces de
tapering ont clairement laissé une empreinte dans les taux
américains et européens ainsi que dans les flux
d’investissement, cette empreinte s’est avérée passagère et le
marché semble avoir retrouvé son rythme antérieur au second
semestre 2013 et au cours de l’année 2014.
Les comportements de recherche de rendement se
traduisent par une compression des primes de risque
Les politiques de taux d’intérêt accommodantes des
principales banques centrales, conçues pour répondre aux
chocs négatifs sur la trajectoire de croissance du PIB que
furent la crise financière de 2007-2008 puis la crise des dettes
souveraines en zone euro, ont ancré les taux nominaux sans
risque à des niveaux historiquement bas. De façon
complémentaire, les programmes d’achat d’actifs et de
refinancement de ces mêmes banques centrales, visibles
dans l’inflation des bilans des banques centrales, ont eu pour
conséquence de propager la détente des taux aux souverains
de moindre qualité, aux obligations d’entreprise et aux actions.
Face à la faiblesse du rendement offert par les actifs les
moins risqués, se sont matérialisés des comportements de
recherche d’opportunités d’investissement offrant des taux
d’intérêt nominaux plus élevés (search-for-yield). La
propension relativement plus élevée des investisseurs à
s’exposer à des facteurs de risque (crédit, de marché,
liquidité, volatilité) se traduit par une compression des primes
de risque sur les produits obligataires, souverains mais aussi
d’entreprises, aux Etats-Unis et dans une moindre mesure en
Europe. La valorisation du risque crédit des obligations
d’entreprises, en Europe comme aux Etats-Unis ainsi que de
certaines obligations d’entreprises investment grade des pays
émergents, se situe ainsi à un niveau historiquement bas. La
chute des spreads sur dette européenne de notation CCC de
30% entre octobre 2013 et mai 2014, contre 10% sur la dette
notée A et plus, peut également indiquer une souspondération relativement plus marquée sur les segments de
dette d’entreprise high yield que sur les segments investment
grade. Des flux d’investissement élevés sur des titres de dette
moins sécurisés juridiquement (dette convertible, cov-lite
bonds) constituent des signaux complémentaires. Les
marchés d’actions ont également profité d’un appétit
renouvelé pour le risque de marché, en atteignant au cours
des derniers mois de haut niveau de prix sur résultats (PER).
La baisse de la prime de liquidité sur les obligations
d’entreprise investment grade et high yield américaines et
européennes indique une valorisation basse du risque de
liquidité. De plus, les prix d’options sont cohérents avec des
anticipations de volatilité durablement basses. Enfin, les flux
Les portefeuilles des gérants d’actifs reflètent également les
comportements de recherche de rendement des
investisseurs.
Le rôle des gérants d’actifs étant de permettre aux
investisseurs d’ajuster à moindre coût leurs portefeuilles aux
conditions de marché, il est tout à fait naturel de constater
l’empreinte de celles-ci sur les flux enregistrés par le secteur,
et ceci à plusieurs égards.
Tout d’abord, les flux d’investissement dans les organismes
de placement collectif américains et mondiaux spécialisés
dans la dette d’entreprise high yield se sont fortement
accélérés. Il faut en revanche interpréter avec prudence
l’augmentation des encours des fonds obligataires
d’entreprise, qui, en l’absence de plus de détails sur la
composition précise de leurs portefeuilles, ne constitue pas
nécessairement un indicateur pertinent tant les conditions de
liquidité, le degré de sécurité juridique et la sensibilité aux
évolutions de taux d’intérêt peuvent varier au sein de la famille
des obligations d’entreprise.
1
DRAI – Division Etudes, stratégie et risques
13
BIS annual report, avril 2014.
Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
De plus, si on les mesure par l’évolution des encours sous
gestion des fonds à stratégie alternative, l’exposition à des
actifs relativement moins liquides et la transformation de
liquidité semblent avoir crû. Même si les parts de marché des
fonds correspondants restent modestes, de 2007 à 2013, les
encours sous gestion cumulés des fonds alternatifs au niveau
mondial sont passés de 4000 milliards de dollars à 7 000
2
milliards de dollars . L’allocation des fonds américains en
actions émergentes est passée de 667 milliards de dollars à
911 milliards de dollars entre 2011 et 2012, et l’allocation en
obligations émergentes de 246 milliards de dollars à 457
3
milliards de dollars sur la même période .
Parmi les fonds régulés, les fonds à stratégie alternative
connaissent une popularité croissante. Les encours de mutual
funds américains à stratégie alternative sont passés de 258
milliards de dollars à fin 2011 à 465 milliards de dollars en mai
2014, tandis que sur le marché européen les encours d’UCITS
à stratégie alternative ont crû de 113 milliards de dollars à 155
4
milliards de dollars de fin 2011 à mai 2013 .
Si la déformation des portefeuilles détenus par les gérants
sous l’effet de la faiblesse des taux monétaires et de la
recherche de rendement des investisseurs semble donc
avérée, notamment aux Etats-Unis pour lesquels le plus grand
nombre d’études ont été menées, il convient toutefois de
rester prudent quant à la portée de ces évolutions, tant il est
difficile de chiffrer quelle part des portefeuilles est investie
dans des actifs présentant des risques d’illiquidité avérés. De
plus, les expositions des fonds, de façon agrégée et par sousclasses d’actifs, restent difficiles à quantifier à un niveau de
granularité plus fin, notamment faute d’harmonisation entre les
définitions utilisées par les régulateurs et leurs périmètres
d’intervention.
Tout comme au niveau agrégé, il est difficile d’identifier dans
quelle direction les portefeuilles des gérants d’actifs ont
évolué vis-à-vis des classes d’actifs sujettes à la recherche de
rendement au cours des derniers mois. Sans retrouver leur
niveau de mai 2013, les encours sur actifs émergents sont
repartis à la hausse au niveau mondial au cours du premier
semestre 2014. Les encours des mutual funds américains sur
la dette high yield, ont, eux, dépassé leur niveau de mai 2013.
matérialiser que les marchés secondaires d’actifs sont moins
profonds.
Si la prolongation de l’environnement actuel de taux bas peut
elle-même être génératrice de tensions financières
(notamment pour les institutions financières offrant des
garanties de rendement au passif), une augmentation des
taux d’intérêt, sous l’effet d’un scénario macroéconomique
adverse ou d’une évolution (en particulier non ou mal
anticipée par les marchés) des politiques monétaires, pourrait
révéler le manque de robustesse des hypothèses de
valorisation des actifs qui ont prévalu au cours des deux
dernières années. Même si ses effets sont difficiles à recenser
exhaustivement, un ajustement de la politique monétaire américaine par exemple - pourrait provoquer une baisse
immédiate et mécanique des prix d’obligations (souveraines et
corporate), d’autant plus prononcée que leur maturité est
longue. Mécaniquement, une augmentation de 100 pb des
taux directeurs américains implique une baisse de 5% à 8%
de la valeur de marché des obligations corporate américaines,
européennes et britanniques, estime ainsi la Banque
5
d’Angleterre . Au sein du segment des obligations
souveraines, des réallocations pourraient survenir, liées à la
fois à la révision des rendements relatifs à qualité de crédit
égale ou comparable (entre obligations américaines et
obligations du cœur de la zone euro) et du risque relatif des
obligations offrant un rendement supérieur (entre obligations
américaines et obligations de la périphérie de la zone euro ou
obligations des pays émergents). Une évolution des taux
monétaires, ou une brusque révision de l’appétit pour le
risque, entraîneraient une correction potentiellement brutale
des prix des obligations d’entreprises, en particulier les plus
risquées, accompagnée de flux de désinvestissements. Enfin,
une baisse des prix des actions, notamment les moins
liquides, serait probable au cours d’un épisode de ce type.
Le potentiel systémique des épisodes de réallocations
d’actifs est d’autant plus grand que la liquidité sur les
marchés secondaires est discutée
Les séquences d’ajustements de portefeuille peuvent générer
des risques pour la stabilité financière s’ils s’accompagnent de
ventes forcées (fire-sales), à plus forte raison quand celles-ci
interviennent dans un contexte de rareté de la liquidité sur les
marchés secondaires d’actifs, qui contribue à propager voire à
amplifier l’impact des chocs de taux d’intérêt sur les prix
d’actifs. Quand plusieurs acteurs ou catégories d’acteurs
cherchent simultanément à céder un ou plusieurs actifs, la
chute de prix induite est amplifiée par l’augmentation de la
prime de liquidité exigée par les contreparties aux ventes. La
demande plus forte pour la liquidité associée aux épisodes de
ventes forcées et son effet sur les prix peuvent se propager
entre classes d’actifs et entre institutions financières,
particulièrement en présence d’acteurs endettés explicitement
ou implicitement (via des expositions en dérivés ou par des
engagements de hors bilan non consolidés). Un
enchaînement de cette nature a d’autant plus de risques de se
Or, selon plusieurs estimations - dont la robustesse est certes
inégale -, la liquidité sur les marchés secondaires d’obligations
corporate se serait significativement réduite depuis la crise
financière. Ainsi, les stocks (dealer inventories) d’obligations
d’entreprises et de d’actifs hypothécaires (MBS, mortgagebacked securities) des primary dealers américains (principales
banques animant le marché secondaire) ont baissé à 80
milliards de dollars depuis leur pic de 2007 à 250 milliards de
6
dollars . Même si la réduction concerne principalement les
MBS, pour les obligations d’entreprises investment grade et
high yield, les stocks ne s’élèvent plus qu’à environ 20
milliards de dollars contre 80 milliards de dollars en 2008, soit
0,2% du marché total de 9 800 milliards de dollars, ou un jour
de trading aux volumes actuellement échangés sur les
marchés. Précisément, les volumes échangés par jour sur
obligations corporate américaines ont eux aussi nettement
décéléré, alors même que le stock total d’actifs sous-jacents a
augmenté du fait du dynamisme des émissions. En Europe, le
pourcentage de titres de dette d’entreprises détenus par les
institutions monétaires et financières hors du Système
européen de banques centrales a également fortement décru.
Concernant les volumes échangés sur les marchés
7
secondaires d’obligations, l’ICMA estime qu’une obligation
d’entreprise européenne se traite en moyenne une fois par
8
jour en 2013, alors que Biais et Declerck , sur la base des
mêmes données en 2005, calculaient une moyenne de 5
Bank of England, Financial Stability Report, juin 2013.
Source : Royal Bank of Scotland Credit Strategy.
7 ICMA, European Corporate Bond Trading – The Role of the Buy Side in Trading and
Liquidity Provision, 2013.
8 Biais, B. et Declerck, F., Liquidity and Price Discovery in the European Corporate
Bond Market, 2006.
5
6
Source : BCG Global Asset Management, périmètre des actifs sous gestion dans 42
pays, y compris les captives d’assurance et les fonds de pension.
3 Source : Investment Companies Institute.
4 Source : Blackrock
2
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Autorité des marchés financiers
Lettre
Economique et Financière
2014-4
échanges journaliers. En outre, des estimations réalisées par
la Banque d’Angleterre suggèrent que les investisseurs sont
largement sous-rémunérés pour le risque de liquidité de leurs
portefeuilles. Par exemple, la prime de liquidité estimée sur
obligations d’entreprise high yield a baissé de moitié entre
juillet 2013 et juillet 2014, à 80 pb, proche de ses plus bas
historiques à 50-60 pb de 2007.
dollars. Cette seconde période présente donc un « surcroît
d’émission » de 639 milliards de dollars par rapport au rythme
d’émission de la première période. Dans le même temps, les
mutual funds high yield américains ont collecté 111 milliards
de dollars. Plus de 90% des émissions et plus de 80% du
surcroît d’émission par rapport à la période 2002-2007 ont
donc été souscrits par d’autres acteurs.
S’il faut se garder de le généraliser à ce stade, l’exemple du
segment obligataire américain invite à rester prudent quant
aux risques pour la stabilité financière que peuvent
représenter collectivement les gérants d’actifs, en notant en
particulier que les marchés européens ne sont pas tous aussi
liquides que le marché américain. Il n’est ainsi pas évident
que les risques systémiques associés à de brusques
variations des prix des produits obligataires se logeraient
spécifiquement au sein du secteur de la gestion d’actifs, mais
plutôt que leur impact transversal affecterait tous les porteurs
de ces actifs. En revanche, les modifications de l’offre de
liquidité sur les marchés secondaires d’obligations, qui
apparaissent en grande partie structurelles, peuvent rendre
plus difficile la gestion de mouvements importants de cession
de parts au passif. Par conséquent, les gérants doivent
exercer une surveillance continue du risque de liquidité de
leurs portefeuilles. Cela peut passer par l’intégration ou le
raffinement de modules spécifiquement dédiés au risque de
liquidité dans les stress tests conduits par les gérants. Les
hypothèses au passif (relatives aux volumes de cessions de
parts) et à l’actif (relatives aux prix auxquels les gérants
pourraient dénouer leurs positions les moins liquides)
conditionnent alors la qualité de la gestion du risque de
liquidité. Les stress tests doivent également être conduits
avec une fréquence adéquate. Dans cette perspective, la
réglementation européenne AIFM renforce les exigences de
suivi des risques applicables aux fonds alternatifs ainsi que
leur supervision par le régulateur.
La gestion d’actif peut-elle contribuer à l’amplification de
l’instabilité financière ?
En première approximation, les fonds ne sont que des canaux
de transmission des choix d’allocation des investisseurs. En
effet, les gérants sont mandatés par leurs investisseurs finaux
(institutionnels ou particuliers), qui portent les risques de
valorisation et de liquidité des actifs, indépendamment du
véhicule d’investissement choisi (placements collectifs ou
mandats
de
gestion).
Les
gérants
agissent
discrétionnairement (tactical asset allocation) dans le cadre
des mandats d’investissement qui leur sont conférés par leurs
clients et en respectant les règles d’organisation et de contrôle
des risques fixés par leur institution. La constitution des
expositions comme leur dénouement sont l’expression des
préférences des investisseurs. Enfin en l’absence de
garanties de rendement, les gérants n’exposent pas leur
capital aux variations des prix des actifs en portefeuille.
Sous ces hypothèses, les ajustements de prix finaux et le
déclenchement de spirales d’illiquidité lors d’épisodes de
vente forcées sont imputables en dernière analyse à des
variables indépendantes des fonds ou des sociétés de
gestion : les volumes que les investisseurs souhaitent
réallouer et la profondeur des marchés secondaires d’actifs.
En ce sens, s’il n’est pas contestable que le secteur de la
gestion d’actifs puisse constituer un canal de transmission
d’une correction des prix obligataires, un rôle éventuel de
déclenchement ou d’amplification de l’instabilité financière
reste beaucoup plus difficile à établir.
Surtout, bien qu’importants et croissants sur la période
récente, les volumes d’actifs gérés par les fonds doivent être
replacés dans une perspective plus globale, en les rapportant
à l’évolution des volumes détenus par d’autres acteurs et aux
volumes d’émission. Sur le marché américain, il apparaît que
l’emprise agrégée des fonds (hors fonds monétaires) sur les
obligations d’entreprise est stable sur longue période.
L’Investment Companies Institute estime ainsi que la part des
actifs financiers mondiaux détenus par les mutual funds de
long terme est stable depuis 2005 autour de 14,5% (22 000
milliards de dollars sur 151 600 milliards de dollars à fin 2012).
L’emprise des mutual funds obligataires sur les obligations
américaines a quant à elle augmenté depuis 2005, de 6,2% à
8,8% (de 1 400 milliards de dollars à 3 300 milliards de
dollars), tout en restant relativement modeste en niveau. Les
fonds américains et européens ont certes augmenté leurs
expositions aux actifs émergents, mais ces derniers ne
représentent toujours que 8,9 % de la capitalisation pour les
actions à fin 2012 (7,2% en 2009) et 4,4% pour les obligations
(1,4% en 2009). Ces évolutions ne permettent donc pas de
conclure à une emprise croissante des fonds sur les marchés
d’actifs sous-jacents même si cela n’exclut pas, sur certains
titres, des taux d’emprise beaucoup plus importants.
De plus, les ordres de grandeur précédents doivent être
comparés à ceux des émissions. Concernant le marché
américain par exemple, les émissions d’obligations
d’entreprise high yield s’établissaient en moyenne à 118
Milliards de dollars de 2002 à 2007, contre 224 milliards de
9
dollars de 2008 à 2013 , pour un total de 1344 milliards de
9
En dernière analyse, les évolutions récentes des expositions
des gérants d’actifs ainsi que des conditions dans lesquelles
ils pourraient les dénouer sur les marchés secondaires,
notamment obligataires, appellent une vigilance particulière
quant à la gestion du risque de liquidité. Il appartient aux
gérants de s’assurer de la qualité des procédures de gestion
de ce risque et de sa bonne compréhension par ses clients. A
ce stade en revanche, le diagnostic reste à affiner concernant
une
potentielle
augmentation
des
risques
portés
collectivement par le secteur, tant les évolutions quantitatives,
mais aussi les réglementations et les pratiques de
supervision, peuvent différer selon les juridictions.
L. Goupil
Source : JP Morgan.
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Dernières publications de la Lettre Économique et Financière
Octobre 2014 n°3
Les évolutions récentes du marché des Contingent Convertible bonds – Risques – A. Demartini, P. Garrau et O. Rocamora
Le segment obligataire des Green Bonds et le rôle de l’AMF – Étude – P. Garrau, O. Rocamora, C. Matissart, N. Aissaoui
Juillet 2014 n°2
Monnaies virtuelles : risques ou opportunités ?– Risques – L. de Batz
La résilience des infrastructures des marchés financiers – Étude – O. Vigna
Avril 2014 n°1
La soutenabilité de l’endettement public dans les économies développées – Risques – C. Bouillet
Impact des taux d’intérêt sur la gestion d’actifs en France – Étude – A. Baranger et V. Janod
Décembre 2013 n°4
Les défis de la régulation et de la supervision du trading à haute fréquence – Risques – O. Vigna
Quelle est l’importance du placement privé dans les émissions obligataires des entreprises françaises ? – Étude – A. Demartini
Septembre 2013 n°3
La qualité de la régulation des marchés financiers : Comment (mieux) la mesurer ? – Risques – M. Morand et O. Vigna
Estimations historiques de la rentabilité des actifs et prime de risque – Étude – H. Bluet
Juin 2013 n°2
Le financement des entreprises non financières : Y a-t-il une structure optimale du capital ? – Risques – A. Demartini et O. Vigna
Structure des portefeuilles : une comparaison internationale – Étude – M. Duchez
Mars 2013 n°1
Vers un meilleur suivi de la « finance parallèle » ? – Risques – L. de Batz
Quel est le coût-bénéfice de l’analyse d’impact ? – Étude – L. Grillet-Aubert
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