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Asie orientale
"miracle"
puis
crise
Après plusieurs décennies de croissance
et de développement soutenus,
l'Asie du sud-est sombrait en 1997
dans une crise financière sans précédent,
qui est devenue ensuite économique puis sociale.
Quels avaient été les mécanismes du "miracle asiatique" ?
Quels ont été ceux de cette crise majeure ?
(d'après "le Dessous des Cartes" – juin 1999)
Émergence de l'Asie
Le miracle asiatique a concerné une bonne part de l'Asie,
du Japon à l'Est, à la Thaïlande à l'ouest.
En 1960, les pays d'Asie représentaient au total environ 5 % du PIB mondial.
Consécration
En 1996, juste à la veille de la crise financière, ils pesaient 27 % du PIB mondial,
ce qui signifiait que plusieurs pays de la région avaient rompu
avec le cercle vicieux du sous-développement et avaient trouvé une recette vers la croissance.
le "Miracle asiatique "
Postulat de départ, la fréquente absence de matières premières dans cette région de l'Asie
impose une ouverture au commerce international.
Cela favorise une stratégie d'industrialisation par les exportations.
Première phase
D'abord les pays importent les produits manufacturés
pour répondre à une demande intérieure naissante.
Deuxième et troisième phases
Ces mêmes produits sont ensuite fabriqués sur place, pour limiter les importations,
en bénéficiant souvent des transferts de technologie
consentis par les Européens ou les Américains.
Ils sont alors réexportés, moins chers, vers les pays industriels.
le Japon
Le Japon se dote de cette manière d'une panoplie industrielle complète
– textile, automobile, électronique, informatique –
et il devient vers la fin des années 1960,
un grand de l'économie mondiale, et la première économie en Asie.
les 4 Dragons
Le Japon est suivi, dans les années 1970, par les quatre Dragons :
la Corée-du-Sud, Hong-Kong, Singapour et Taiwan,
qui, en accueillant des usines japonaises, ont pris le relais de la production.
Ils se hissent eux aussi vers un fort taux de croissance, entraînés dans la spirale vertueuse.
les Tigres
Le relais est pris, dans les années 1980, par les Tigres c'est-à-dire :
la Thaïlande, la Malaisie, l'Indonésie,
qui occupent les créneaux, tels que textile, confection, petite mécanique, électronique.
Dans cette décennie survient aussi la Chine, surtout la Chine côtière,
qui arrive à temps pour tirer profit de la réforme économique lancée par Deng Xao Ping, en 1977.
Vietnam et Philippines
Dans les années 1990, c'est le tour du Vietnam, et à un degré moindre, des Philippines.
Taux de croissance
En 1996, à la veille de la crise financière,
la plupart de ces pays connaissent des taux de croissance très élevés :
10 % en Chine, 9 % en Thaïlande, 8,5 % en Malaisie, 8,3 % en Corée-du-Sud,
8 % en Indonésie, 7 % au Viêt-Nam, et 6,6 % à Taiwan.
Pendant ces mêmes années, la croissance oscille en Europe, entre 0,5 et 3 %.
les Facteurs de croissance
Plusieurs facteurs combinés ont favorisé cette croissance en Asie :
- les salaires bas et les charges sociales et patronales faibles réduisent les coûts de production
- la valeur des monnaies de ces pays, légèrement surévaluée,
réduit le coût des produits à importer nécessaires à la production.
les Facteurs de croissance
Ces monnaies, indexées sur le dollar, ne subissent pas les fluctuations de la monnaie des États-Unis.
L'épargne, privée ou publique, est dirigée vers les investissements productifs.
Tout cela favorise la croissance de la production, des exportations et donc du PNB.
C'est ce cercle vertueux que la Banque Mondiale a appelé le "miracle asiatique".
Pouvoir d'achat
Cette croissance stimule la demande intérieure :
l'individu dispose d'un pouvoir d'achat augmenté,
et il se découvre subitement le besoin de s'équiper, de consommer...
Demande extérieure
...et aussi la demande extérieure puisque les produits asiatiques sont très compétitifs
et sont ainsi largement importés par les États-Unis et par l'Europe.
La forte demande, intérieure comme extérieure, contribue à accroître la production,
et donc les besoins en matières premières et en énergie,
ce qui entraîne d'importants besoins de financement.
Crédit et investissement
Et comme la croissance inspire confiance, les banques asiatiques obtiennent sans difficulté
des crédits sur les places financières internationales, pour financer les entreprises locales.
Viennent aussi les investisseurs, car ces faibles coûts de production attirent
les entreprises américaines ou européennes qui viennent se délocaliser là.
le Cercle vertueux
En résumé : les bas salaires, de faibles coûts de production, des monnaies un peu surévaluées,
contribuent à une croissance soutenue.
Cette croissance facilite l'accès au crédit, et attire l'investissement.
L'investissement permet de financer l'augmentation de la production, qui reste bon marché
grâce à une main d'œuvre peu coûteuse, et grâce à la stabilité du dollar. La boucle est bouclée.
Ce qui a été miraculeux, ce fut la rapidité,
et le fait que toute une région a été concernée,
à l'exception du Laos, du Cambodge, et de la Birmanie.
Le bon instrument de mesure de ce miracle,
c'est cette croissance du PIB par tête,
la plus rapide dans le monde, entre 1960 et 1985.
Cette croissance s'est appuyée sur
une stratégie intelligente de développement
laissant fonctionner en même temps le marché,
l'État et les cultures nationales.
Cette croissance asiatique avait un côté modèle, car elle semblait
combiner le dynamisme de l'économie de marché, avec
les avantages d'une planification plus ou moins centralisée.
Un tel miracle colle bien au credo libéral des grandes institutions
américaines et internationales (Banque Mondiale, FMI, etc...).
La crise qui survient en 1997 casse les certitudes libérales
parce qu'il manque deux ingrédients à cette recette miracle.
D'abord il faut une meilleure redistribution des richesses produites
au sein des économies des pays émergents,
et puis il faut plus largement,
une régulation du système financier et monétaire international.
la Crise de confiance
Au printemps 1997, plusieurs spéculateurs décident de revendre des titres thaïlandais,
dont ils estiment les cotations trop élevées par rapport à leur valeur réelle,
avant que leur valeur ne baisse sur le marché.
La crise asiatique démarre en Thaïlande. Au départ, c'est une crise de confiance, elle va s'étendre.
le Chemin de la faillite
Les détenteurs de valeurs en baths décident de les convertir en dollars. Pour défendre sa monnaie,
la banque centrale de Thaïlande puise dans ses réserves en devises pour racheter des baths.
Le bath continuant d'être attaqué, le gouvernement thaïlandais décide, en juillet 1997,
de laisser flotter sa monnaie.
Le bath perd en quelques semaines plus de 50 % de sa valeur par rapport au dollar.
le Chemin de la faillite
Avant de consentir de nouveaux prêts pour aider la Thaïlande, les bailleurs de fonds examinent
l'économie thaïlandaise, et découvrent la mauvaise santé du système financier :
un grand nombre d'institutions financières et de banques thaïlandaises sont quasiment en faillite
pour avoir consenti plus de prêts qu'elles ne pouvaient en garantir.
Extension de la crise
La crise en Thaïlande va s'étendre à l'Asie parce qu'on constate que la situation
est la même en Indonésie, en Malaisie et, dans une certaine mesure, en Corée-du-Sud,
et les investisseurs vont se retirer des marchés asiatiques.
Les pays asiatiques vont se heurter à un grave manque de liquidités,
au moment même où un grand nombre de dettes arrivent à échéance.
le Cercle vicieux
La crise financière devient une crise économique, et le cercle vicieux se forme :
comme la monnaie est faible, les revenus des exportations stagnent,
et le prix des importations augmente, ce qui accroît d'autant le coût de la production.
Les entreprises ne peuvent plus emprunter pour financer les importations
qui sont indispensables à leur production.
Crise de la production
Les entreprises sont dès lors en panne, ce qui entraîne un ralentissement des exportations,
une baisse de la croissance économique, mais aussi des revenus.
Des revenus qui permettraient précisément d'emprunter,
ou de commencer à rembourser les dettes arrivées à échéance et regagner la confiance perdue.
Crise de l'emploi
La diminution de la production entraîne des dégraissages massifs dans les entreprises.
En 1996, la Thaïlande connaissait une situation de plein emploi, et fin 1998,
selon le Bureau International du Travail, son taux de chômage se serait situé autour de 6 %…
En Corée, le taux de chômage est passé de 2,3 % en février 1997 à 8,3 % fin 1998.
En Indonésie, le taux de chômage atteint 21 % en 1998.
Intervention du FMI
Pour aider la Corée, la Thaïlande ou l'Indonésie, qui sont particulièrement touchées par cette crise,
le FMI prête plusieurs dizaines de milliards de dollars,
qui sont destinés à renflouer aussi bien les caisses de l'État
que celles des banques, bloquées par l'endettement.
FMI : mode d'emploi
Mais bien sûr le FMI pose des conditions pour ce prêt :
réductions des déficits publics et arrêt des subventions d'États.
Or, l'État subventionnait les prix des carburants et de l'électricité en Thaïlande,
ou bien le riz, l'huile, le sucre en Indonésie.
Crise sociale
Cela va entraîner toute une chaîne de conséquences :
avec la hausse des prix et du chômage, beaucoup de gens passent - ou repassent sous le seuil de pauvreté.
Conséquences migratoires
La Malaisie et la Thaïlande renvoient les travailleurs immigrés clandestins dans leur pays.
Soit, pour la Thaïlande, environ 1 Mn de Birmans. Et 1,5 Mn d'Indonésiens en Malaisie.
Cette décision engendre d'autres problèmes : Thaïs ou Malais refusent de travailler
dans les mêmes conditions que cette main d'œuvre immigrée et bon marché.
Donc, pas de substitution possible pour les entreprises.
Conséquences migratoires
On assiste au report du problème sur les pays voisins.
La Birmanie et l'Indonésie sont des pays fragiles, touchés par la crise,
et incapables d'absorber ces migrants rapatriés.
Tout cela risque de stimuler des trafics d'immigration clandestine sur les zones de frontières,
notamment entre Thaïlande et Birmanie.
Cette nouvelle situation en Asie crée des tensions nombreuses.
Des tensions sociales :
affrontements religieux en Malaisie,
des heurts interethniques en Indonésie.
Des tensions politiques :
en Malaisie, le premier Ministre n'inspire plus confiance ,
en Indonésie, Suharto a été poussé hors du pouvoir.
Il s'agit de conséquences durables qui touchent
au niveau de développement humain de ces pays.
Car dans la plupart de ces pays, la santé est payante :
avec les hausses de prix, soins et médicaments sont trop chers.
Même chose pour l'éducation :
en Thaïlande ou en Indonésie on assiste
à une baisse de fréquentation des écoles,
les familles ne pouvant plus assurer les frais de scolarité.
Mais il n’y a pas échec complet du modèle asiatique car
les acquis de ce miracle demeurent avec
l'augmentation de l'espérance de vie,
l'amélioration de la nutrition, de l'hygiène, de l'alphabétisation,
et la région a connu des signes de redressement dès 1999.
Pourtant il y a eu rupture du contrat socio-politique,
entre certains de ces régimes et leur population.
Il existait dans la plupart de ces pays,
une espèce de contrat tacite entre
les pouvoirs en place et les populations.
Celles-ci bénéficiaient de l'augmentation de leur revenu,
et d'un développement accéléré de leur niveau de vie,
en acceptant de vivre dans un État non, ou peu, démocratique...
Autrement dit, c'est la croissance qui assurait la paix sociale.
À partir du moment où la croissance n'est plus assurée,
où les revenus s'effondrent,
où l'on découvre que les gens qui détenaient
les pouvoirs politiques et économiques
pratiquaient népotisme, clientélisme, corruption,
le contrat est forcément rompu.
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