Maq HGE 5 dossier O 13/05/04 16:04 Page 231 B S E R V A T I O N D I A L O G U É E Une pesante douleur au foie ● G. Riachi* U ne femme âgée de 56 ans était hospitalisée pour un syndrome douloureux abdominal. Elle ne présentait pas d’antécédent majeur en dehors d’une hypertension artérielle bien équilibrée par un inhibiteur de l’enzyme de conversion. Cette douleur était à type de pesanteur sans irradiation, prédominante au niveau de l’hypochondre droit et de la fosse iliaque droite. Il n’existait ni position antalgique précise, ni trouble du transit récent, ni fièvre. Cette symptomatologie évoluait depuis plusieurs semaines et elle était partiellement soulagée par les antalgiques périphériques. Lors de l’hospitalisation, la patiente était apyrétique, en bon état général. La palpation de l’abdomen retrouvait un foie ferme, augmenté de volume, en particulier au niveau de sa partie droite avec une flèche hépatique estimée à 18 cm. Il n’existait pas de signe clinique en faveur d’une hépatopathie chronique et les aires ganglionnaires étaient libres. Les premiers examens biologiques mettaient en évidence un syndrome de cholestase anictérique isolé, avec un taux de Gamma-GT deux fois supérieur à la normale et un taux de phosphatases alcalines une fois et demie supérieur à la normale. Les sérologies virales B, C et VIH étaient négatives. Une échographie abdominale retrouvait une volumineuse formation hétérogène de l’hypochondre droit, dont on ne pouvait pas préciser l’origine hépatique ou surrénalienne. Par la suite, il a été réalisé un dosage de l’alphafœtoprotéine qui était négatif et une cyto-ponction à l’aiguille fine mettant en évidence un prélèvement de caractère hémorragique sans cellules suspectes. Afin de compléter le bilan de cette masse hépatique, un examen tomodensitométrique avec injection avait été réalisé confirmant l’existence d’une masse de 12 cm du foie droit, dont les contours étaient mal délimités avec prise de contraste inhomogène plutôt périphérique et un centre nécrotique (figure 1). À partir de ces constatations, le diagnostic d’une tumeur bénigne du foie était évoqué avec des arguments orientant vers un hémangiome. Un examen par résonance magnétique nucléaire retrouvait cette même lésion au contour irrégulier, très hyperintense en T2, hypointense en T1 et présentant un centre de type nécrotique (figure 2). Après injection du produit de contraste, il existait un net rehaussement massif centripète avec un remplissage vasculaire lent et tardif. Le signal et la cinétique vasculaire étaient très évocateurs d’un volumineux angiome. * Groupe de recherche sur l’appareil digestif, hôpital Charles-Nicolle, Rouen. La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998 Figure 1. Examen tomodensitométrique avec injection (coupe sagittale) : masse tumorale du foie droit au contour mal délimité. Au temps précoce, on trouve une prise de contraste inhomogène plutôt périphérique et un centre nécrotique. Figure 2. IRM hépatique avec séquence pondérée en T2 : l’angiome du foie droit donne un signal très hyperintense correspondant à la stase liquidienne sanguine intratumorale. Étant donné la symptomatologie douloureuse de la patiente et la taille de la tumeur hépatique, une intervention chirurgicale a été décidée. L’intervention consista en une hépatectomie droite élargie au segment I. Les suites opératoires ont été simples. 231 Maq HGE 5 dossier O 13/05/04 16:04 Page 232 B S E R V A T I O N L’examen histologique confirmait le diagnostic d’hémangiome caverneux hépatique. Cette histoire clinique met en évidence le mode de révélation d’une tumeur hépatique, avec une cascade d’examens complémentaires, afin d’obtenir une approche très précise du diagnostic, précédant un éventuel traitement spécifique qui sera le plus souvent chirurgical. Le but du bilan réalisé pour une tumeur hépatique est d’abord d’écarter une tumeur maligne primitive du foie ou une métastase. Les progrès récents des moyens diagnostiques, en particulier de l’imagerie médicale, la meilleure maîtrise de la chirurgie hépatique nous permettent d’offrir au patient le traitement le mieux adapté à chaque diagnostic. La stratégie à adopter, devant la découverte d’une lésion présumée bénigne, dépend du contexte clinique et de la description échographique. Si l’incertitude persiste, des examens morphologiques, tels que la tomodensitométrie et plus particulièrement l’imagerie par résonance magnétique nucléaire, nous offrent une approche diagnostique avec une spécificité et une sensibilité proches de 100 %. LES PRINCIPALES TUMEURS BÉNIGNES DU FOIE Angiome du foie ou hémangiome caverneux C’est la tumeur bénigne la plus fréquemment retrouvée, sa fréquence est estimée à 2 % de la population générale dans les séries échographiques. Elle est plus souvent retrouvée chez l’adulte entre 30 et 50 ans avec une faible prédominance féminine. L’angiome est souvent unique, mais il peut être multiple dans près de 30 % des cas. À l’échographie, il est décrit sous la forme d’une masse de moins de 3 cm de diamètre, homogène et hyperéchogène, avec un renforcement postérieur typique. Dans cette forme caractéristique, d’autres examens radiologiques ne sont pas nécessaires. Si l’aspect est atypique, si la lésion est volumineuse ou s’il existe des remaniements secondaires à des thromboses intratumorales, il semble prudent de mettre en place d’autres investigations. La tomodensitométrie et en particulier l’angioscanner, avec des coupes rapides et précoces après injection de produit de contraste, suivies de clichés tardifs aux alentours de la 30e minute, permet de mettre en évidence la stase sanguine. Les critères indispensables pour le diagnostic sont une hypodensité avant l’injection du bolus, une prise de contraste immédiate en périphérie puis centripète ou diffuse avec renforcement périphérique durant la première minute, suivi d’un renforcement de la zone centrale qui s’efface lentement en 30 à 60 min. Lorsque le scanner ne permet pas de porter un diagnostic précis, nous avons recours à l’IRM qui est actuellement l’examen de référence pour les angiomes hépatiques et qui offre les taux de spécificité et de sensibilité les plus élevés. Les angiomes ont généralement un allongement du T2 supérieur à celui des autres tumeurs bénignes, entraînant un hypersignal persistant sur les coupes tardives et mettant en évidence la stase sanguine, notamment dans les tumeurs de plus de 3 cm de diamètre. 232 D I A L O G U É E Concernant la biopsie hépatique à but diagnostique, elle ne doit être proposée qu’en cas de persistance de doute diagnostique. Elle doit être faite sous contrôle échographique en traversant une importante épaisseur de parenchyme hépatique sain afin de réduire au maximum le risque hémorragique. Globalement, l’angiome reste stable avec de rares cas d’augmentation progressive du volume tumoral. Les complications sont exceptionnelles, intéressent uniquement les lésions de grande taille à type de rupture spontanée ou post-traumatique. Le syndrome de Kasabach-Merrit est marqué par une thrombopénie et une fibrinopénie secondaires à une consommation des plaquettes et du fibrinogène à l’intérieur de la tumeur. En l’absence de complications et de symptomatologie douloureuse secondaire à la taille tumorale, l’angiome ne nécessite ni traitement ni surveillance. Le seul traitement proposé reste une exérèse chirurgicale à froid avec des autotransfusions étant donne le risque de CIVD intratumorale. Hyperplasie nodulaire focale (HNF) C’est une tumeur fréquemment retrouvée chez la femme jeune, mais elle s’observe à tous les âges. La relation entre HNF et contraceptifs oraux n’est pas clairement démontrée. Dans la majorité des cas, elle se manifeste sous la forme d’une tumeur unique, arrondie et bien limitée. L’architecture hépatique est globalement conservée et les nodules hépatocytaires se disposent autour d’un pédicule vasculaire unique, qui forme la “cicatrice fibreuse centrale” bien visible en imagerie et en histologie. L’HNF se complique rarement. À l’échographie, l’HNF dont la différentiation du reste du parenchyme hépatique est parfois difficile, peut être hyper- ou isoéchogène. La mise en évidence d’une formation centrale hyperéchogène et étoilée peut être un élément assez spécifique. L’examen tomodensitométrique avec injection de produit de contraste met en évidence une hypervascularisation centrale artérielle, rapide et fugace, suivie d’une hypodensité centrale. En cas d’incertitude diagnostique, l’IRM est actuellement le meilleur examen pour caractériser l’HNF. Cette tumeur se caractérise par une iso- ou une hypointensité par rapport au reste du foie en T1, et elle devient hyperintense en T2. Le caractère homogène de la tumeur, l’absence de capsule et la présence de l’élément central hyperintense en T2 sont des éléments radiologiques très spécifiques d’HNF. Étant donné l’évolution bénigne de cette tumeur, l’abstention thérapeutique est recommandée en cas de certitude diagnostique et en l’absence de toute symptomatologie notamment douloureuse. Le traitement doit être chirurgical en cas de doute diagnostique ou de symptomatologie douloureuse. L’adénome hépatocytaire C’est une tumeur bénigne favorisée par les œstroprogestatifs. Sa fréquence semble en régression actuellement grâce à l’utilisation de contraceptifs mini- ou microdosés en œstrogènes. L’adénome est constitué d’une masse arrondie, plus dense que le reste du parenchyme hépatique, et très vascularisée. Dans un La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998 Maq HGE 5 dossier 13/05/04 16:04 Page 233 certain nombre de cas, il est assez difficile de faire la différence entre un adénome et une HNF de même qu’entre un adénome et un adénocarcinome. Le recours à une ponction-biopsie hépatique reste indispensable dans ces conditions. L’adénome peut se compliquer d’une hémorragie par rupture de la capsule et certaines tumeurs peuvent dégénérer en adénocarcinome. Sur l’échographie, l’adénome se présente comme un nodule régulier, bien limité, hypo-, iso- ou hyperéchogène. La taille varie de un à plusieurs cm de diamètre et le nombre de nodules est assez variable (lésions multiples dans 15 à 20 % des cas). L’examen tomodensitométrique ou plutôt l’angioscanner est assez spécifique en raison de l’intense vascularisation artérielle. Sur les coupes sans injection, l’adénome apparaît hypodense. Après injection de produit de contraste, l’hypervascularisation devient nettement visible, assez fugace pendant les 30 à 60 premières secondes. La détection d’une hémorragie intratumorale et d’une zone de nécrose apparaît hypodense sur les coupes avec ou sans injection. Alors que le scanner est l’examen de référence en cas d’adénome, l’IRM apporte moins d’arguments que pour l’angiome ou l’HNF. L’adénome apparaît isointense en T1 avec cependant une hyperintensité en cas d’hémorragie ou de présence de graisse intratumorale. Sur les séquences pondérées en T2, la tumeur est le plus souvent hyperintense. L’arrêt de la contraception orale permet, dans un certain nombre de cas, une réduction de la taille de l’adénome. La grossesse peut favoriser une augmentation de la taille de l’adénome et la survenue de complications hémorragiques. Le risque de transformation d’un adénome en adénocarcinome reste très faible, mais son appréciation reste difficile. Le traitement de l’adénome est la résection chirurgicale même en l’absence de symptômes. Après résection chirurgicale, il semble prudent d’éviter la prise de contraceptifs oraux et de maintenir une surveillance échographique tous les ans ou tous les deux ans pendant une période de 5 à 10 ans afin de dépister la survenue de récidive. Généralement, une tumeur supposée bénigne du foie est découverte fortuitement, dans 80 % des cas, lors d’un examen échographique. Les premiers éléments apportés par l’échographie nécessitent confirmation par d’autres examens radiologiques. Si le contexte clinico-biologique (bon état général, bilan hépatique peu ou pas perturbé) associé à la sémiologie radiologique permet une certitude diagnostique, une abstention thérapeutique ou une résection chirurgicale limitée peut être proposée. En cas d’incertitude diagnostique radiologique ou dans un contexte clinico-biologique altéré, une ponction-biopsie hépatique à visée diagnostique peut être proposée avant une éventuelle résection chirurgicale. ■ ✁ À découper ou à photocopier A B O N N E Z - V O U Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules Tarif 1998 / L HG / B i m e s t r i e l Dr, M., Mme, Mlle ❐ 1 an / 190 F* ❐ 2 ans / 310 F* ❐ 1 an / 95 F* étudiants joindre la photocopie de la carte ❐ + 60 F par avion pour les DOM - TOM S ! ABONNEMENT FRANCE / DOM-TOM et CEE Prénom Adresse ABONNEMENT ETRANGER / autre que CEE ❐ 1 an / 240 F* ❐ + 190 F par avion POUR RECEVOIR LA RELIURE ❐ gratuite avec un abonnement ou un réabonnement ❐ 140 F par reliure supplémentaire (franco de port et d’emballage) MODE DE PAIEMENT Code postal ❐ par carte Visa Ville N° Signature : Pays Date d’expiration ❐ par chèque (à établir à l'ordre d'EDIMARK) Tél. EDIMARK - 62-64, rue Jean-Jaurès - 92800 Puteaux Tél. : 01 41 45 80 00 - Fax : 01 41 45 80 25 - E-mail : [email protected] Merci de joindre votre dernière étiquette-adresse en cas de réabonnement, changement d’adresse ou demande de renseignements. Votre abonnement prendra effet dans un délai de 3 à 6 semaines à réception de votre ordre. Un justificatif de votre règlement vous sera adressé quelques semaines après son enregistrement. * renvoyez ce bulletin et bénéficiez de l'offre exceptionnelle de lancement La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998 233