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Une pesante douleur au foie
●
G. Riachi*
U
ne femme âgée de 56 ans était hospitalisée pour un
syndrome douloureux abdominal. Elle ne présentait pas d’antécédent majeur en dehors d’une
hypertension artérielle bien équilibrée par un inhibiteur de l’enzyme de conversion. Cette douleur était à type de pesanteur sans
irradiation, prédominante au niveau de l’hypochondre droit et
de la fosse iliaque droite. Il n’existait ni position antalgique précise, ni trouble du transit récent, ni fièvre. Cette symptomatologie évoluait depuis plusieurs semaines et elle était partiellement
soulagée par les antalgiques périphériques.
Lors de l’hospitalisation, la patiente était apyrétique, en bon état
général. La palpation de l’abdomen retrouvait un foie ferme,
augmenté de volume, en particulier au niveau de sa partie droite avec une flèche hépatique estimée à 18 cm. Il n’existait pas
de signe clinique en faveur d’une hépatopathie chronique et les
aires ganglionnaires étaient libres.
Les premiers examens biologiques mettaient en évidence un syndrome de cholestase anictérique isolé, avec un taux de Gamma-GT
deux fois supérieur à la normale et un taux de phosphatases alcalines une fois et demie supérieur à la normale. Les sérologies
virales B, C et VIH étaient négatives. Une échographie abdominale retrouvait une volumineuse formation hétérogène de l’hypochondre droit, dont on ne pouvait pas préciser l’origine hépatique
ou surrénalienne. Par la suite, il a été réalisé un dosage de l’alphafœtoprotéine qui était négatif et une cyto-ponction à l’aiguille fine
mettant en évidence un prélèvement de caractère hémorragique
sans cellules suspectes. Afin de compléter le bilan de cette masse
hépatique, un examen tomodensitométrique avec injection avait
été réalisé confirmant l’existence d’une masse de 12 cm du foie
droit, dont les contours étaient mal délimités avec prise de
contraste inhomogène plutôt périphérique et un centre nécrotique
(figure 1). À partir de ces constatations, le diagnostic d’une
tumeur bénigne du foie était évoqué avec des arguments orientant
vers un hémangiome. Un examen par résonance magnétique
nucléaire retrouvait cette même lésion au contour irrégulier, très
hyperintense en T2, hypointense en T1 et présentant un centre de
type nécrotique (figure 2). Après injection du produit de contraste, il existait un net rehaussement massif centripète avec un remplissage vasculaire lent et tardif. Le signal et la cinétique vasculaire étaient très évocateurs d’un volumineux angiome.
* Groupe de recherche sur l’appareil digestif, hôpital Charles-Nicolle, Rouen.
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998
Figure 1. Examen tomodensitométrique avec injection (coupe sagittale) :
masse tumorale du foie droit au contour mal délimité. Au temps précoce,
on trouve une prise de contraste inhomogène plutôt périphérique et un
centre nécrotique.
Figure 2. IRM hépatique avec séquence pondérée en T2 : l’angiome du
foie droit donne un signal très hyperintense correspondant à la stase
liquidienne sanguine intratumorale.
Étant donné la symptomatologie douloureuse de la patiente et la
taille de la tumeur hépatique, une intervention chirurgicale a été
décidée. L’intervention consista en une hépatectomie droite
élargie au segment I. Les suites opératoires ont été simples.
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L’examen histologique confirmait le diagnostic d’hémangiome
caverneux hépatique.
Cette histoire clinique met en évidence le mode de révélation
d’une tumeur hépatique, avec une cascade d’examens complémentaires, afin d’obtenir une approche très précise du diagnostic, précédant un éventuel traitement spécifique qui sera
le plus souvent chirurgical. Le but du bilan réalisé pour une
tumeur hépatique est d’abord d’écarter une tumeur maligne
primitive du foie ou une métastase. Les progrès récents des
moyens diagnostiques, en particulier de l’imagerie médicale,
la meilleure maîtrise de la chirurgie hépatique nous permettent
d’offrir au patient le traitement le mieux adapté à chaque diagnostic.
La stratégie à adopter, devant la découverte d’une lésion présumée bénigne, dépend du contexte clinique et de la description
échographique. Si l’incertitude persiste, des examens morphologiques, tels que la tomodensitométrie et plus particulièrement
l’imagerie par résonance magnétique nucléaire, nous offrent
une approche diagnostique avec une spécificité et une sensibilité proches de 100 %.
LES PRINCIPALES TUMEURS BÉNIGNES DU FOIE
Angiome du foie ou hémangiome caverneux
C’est la tumeur bénigne la plus fréquemment retrouvée, sa fréquence est estimée à 2 % de la population générale dans les
séries échographiques. Elle est plus souvent retrouvée chez
l’adulte entre 30 et 50 ans avec une faible prédominance féminine. L’angiome est souvent unique, mais il peut être multiple dans
près de 30 % des cas. À l’échographie, il est décrit sous la forme
d’une masse de moins de 3 cm de diamètre, homogène et hyperéchogène, avec un renforcement postérieur typique. Dans cette
forme caractéristique, d’autres examens radiologiques ne sont
pas nécessaires. Si l’aspect est atypique, si la lésion est volumineuse ou s’il existe des remaniements secondaires à des thromboses intratumorales, il semble prudent de mettre en place
d’autres investigations. La tomodensitométrie et en particulier
l’angioscanner, avec des coupes rapides et précoces après injection de produit de contraste, suivies de clichés tardifs aux alentours de la 30e minute, permet de mettre en évidence la stase sanguine. Les critères indispensables pour le diagnostic sont une
hypodensité avant l’injection du bolus, une prise de contraste
immédiate en périphérie puis centripète ou diffuse avec renforcement périphérique durant la première minute, suivi d’un renforcement de la zone centrale qui s’efface lentement en 30 à 60
min. Lorsque le scanner ne permet pas de porter un diagnostic
précis, nous avons recours à l’IRM qui est actuellement l’examen de référence pour les angiomes hépatiques et qui offre les
taux de spécificité et de sensibilité les plus élevés. Les angiomes
ont généralement un allongement du T2 supérieur à celui des
autres tumeurs bénignes, entraînant un hypersignal persistant sur
les coupes tardives et mettant en évidence la stase sanguine,
notamment dans les tumeurs de plus de 3 cm de diamètre.
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Concernant la biopsie hépatique à but diagnostique, elle ne doit
être proposée qu’en cas de persistance de doute diagnostique.
Elle doit être faite sous contrôle échographique en traversant
une importante épaisseur de parenchyme hépatique sain afin de
réduire au maximum le risque hémorragique.
Globalement, l’angiome reste stable avec de rares cas d’augmentation progressive du volume tumoral. Les complications
sont exceptionnelles, intéressent uniquement les lésions de
grande taille à type de rupture spontanée ou post-traumatique.
Le syndrome de Kasabach-Merrit est marqué par une thrombopénie et une fibrinopénie secondaires à une consommation des
plaquettes et du fibrinogène à l’intérieur de la tumeur.
En l’absence de complications et de symptomatologie douloureuse secondaire à la taille tumorale, l’angiome ne nécessite ni
traitement ni surveillance. Le seul traitement proposé reste une
exérèse chirurgicale à froid avec des autotransfusions étant
donne le risque de CIVD intratumorale.
Hyperplasie nodulaire focale (HNF)
C’est une tumeur fréquemment retrouvée chez la femme
jeune, mais elle s’observe à tous les âges. La relation entre
HNF et contraceptifs oraux n’est pas clairement démontrée.
Dans la majorité des cas, elle se manifeste sous la forme d’une
tumeur unique, arrondie et bien limitée. L’architecture hépatique est globalement conservée et les nodules hépatocytaires
se disposent autour d’un pédicule vasculaire unique, qui forme
la “cicatrice fibreuse centrale” bien visible en imagerie et en
histologie. L’HNF se complique rarement. À l’échographie,
l’HNF dont la différentiation du reste du parenchyme hépatique est parfois difficile, peut être hyper- ou isoéchogène. La
mise en évidence d’une formation centrale hyperéchogène et
étoilée peut être un élément assez spécifique. L’examen tomodensitométrique avec injection de produit de contraste met en
évidence une hypervascularisation centrale artérielle, rapide et
fugace, suivie d’une hypodensité centrale. En cas d’incertitude diagnostique, l’IRM est actuellement le meilleur examen
pour caractériser l’HNF. Cette tumeur se caractérise par une
iso- ou une hypointensité par rapport au reste du foie en T1, et
elle devient hyperintense en T2. Le caractère homogène de la
tumeur, l’absence de capsule et la présence de l’élément central hyperintense en T2 sont des éléments radiologiques très
spécifiques d’HNF.
Étant donné l’évolution bénigne de cette tumeur, l’abstention
thérapeutique est recommandée en cas de certitude diagnostique
et en l’absence de toute symptomatologie notamment douloureuse. Le traitement doit être chirurgical en cas de doute diagnostique ou de symptomatologie douloureuse.
L’adénome hépatocytaire
C’est une tumeur bénigne favorisée par les œstroprogestatifs. Sa
fréquence semble en régression actuellement grâce à l’utilisation de contraceptifs mini- ou microdosés en œstrogènes.
L’adénome est constitué d’une masse arrondie, plus dense que
le reste du parenchyme hépatique, et très vascularisée. Dans un
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certain nombre de cas, il est assez difficile de faire la différence
entre un adénome et une HNF de même qu’entre un adénome et
un adénocarcinome. Le recours à une ponction-biopsie hépatique reste indispensable dans ces conditions. L’adénome peut
se compliquer d’une hémorragie par rupture de la capsule et certaines tumeurs peuvent dégénérer en adénocarcinome.
Sur l’échographie, l’adénome se présente comme un nodule
régulier, bien limité, hypo-, iso- ou hyperéchogène. La taille
varie de un à plusieurs cm de diamètre et le nombre de nodules
est assez variable (lésions multiples dans 15 à 20 % des cas).
L’examen tomodensitométrique ou plutôt l’angioscanner est
assez spécifique en raison de l’intense vascularisation artérielle.
Sur les coupes sans injection, l’adénome apparaît hypodense.
Après injection de produit de contraste, l’hypervascularisation
devient nettement visible, assez fugace pendant les 30 à 60 premières secondes. La détection d’une hémorragie intratumorale
et d’une zone de nécrose apparaît hypodense sur les coupes avec
ou sans injection. Alors que le scanner est l’examen de référence en cas d’adénome, l’IRM apporte moins d’arguments que
pour l’angiome ou l’HNF. L’adénome apparaît isointense en T1
avec cependant une hyperintensité en cas d’hémorragie ou de
présence de graisse intratumorale. Sur les séquences pondérées
en T2, la tumeur est le plus souvent hyperintense.
L’arrêt de la contraception orale permet, dans un certain nombre
de cas, une réduction de la taille de l’adénome. La grossesse
peut favoriser une augmentation de la taille de l’adénome et la
survenue de complications hémorragiques. Le risque de transformation d’un adénome en adénocarcinome reste très faible,
mais son appréciation reste difficile. Le traitement de l’adénome est la résection chirurgicale même en l’absence de symptômes. Après résection chirurgicale, il semble prudent d’éviter
la prise de contraceptifs oraux et de maintenir une surveillance
échographique tous les ans ou tous les deux ans pendant une
période de 5 à 10 ans afin de dépister la survenue de récidive.
Généralement, une tumeur supposée bénigne du foie est découverte fortuitement, dans 80 % des cas, lors d’un examen échographique. Les premiers éléments apportés par l’échographie
nécessitent confirmation par d’autres examens radiologiques. Si
le contexte clinico-biologique (bon état général, bilan hépatique
peu ou pas perturbé) associé à la sémiologie radiologique permet une certitude diagnostique, une abstention thérapeutique ou
une résection chirurgicale limitée peut être proposée. En cas
d’incertitude diagnostique radiologique ou dans un contexte clinico-biologique altéré, une ponction-biopsie hépatique à visée
diagnostique peut être proposée avant une éventuelle résection
chirurgicale.
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À découper ou à photocopier
A
B
O
N
N
E
Z
-
V
O
U
Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules
Tarif 1998 / L HG / B i m e s t r i e l
Dr, M., Mme, Mlle
❐ 1 an / 190 F*
❐ 2 ans / 310 F*
❐ 1 an / 95 F* étudiants joindre la photocopie de la carte
❐ + 60 F par avion pour les DOM - TOM
S
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