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Critique - L’échange écrit par Paul Claudel
Author: Sandrine & Igor | 21 mai 2011
Un jeune couple, pauvre mais heureux, Marthe et Louis Laine, voit arriver les
propriétaires du domaine près duquel ils vivent. Ce couple étrange, Thomas
Pollock Nageoire et Léchy Elbernon, va proposer un échange aux deux jeunes
gens : Nageoire veut acheter Marthe à Louis pour en faire sa femme tandis que
Léchy aspire à faire de Laine son amant.
Dans ce chassé-croisé amoureux, rien de drôle, c’est un drame amer et sans
concession sur l’amour et l’argent. Les personnages se cherchent sans se
trouver, s’aiment sans se comprendre, se parlent sans s’atteindre, se déchirent
et se désespèrent dans une quête du bonheur vouée à l’échec dès le début. Le
texte est extrêmement riche, important, il submerge tout. Rares sont les
silences, pas de temps morts, des flots de paroles, des répliques poétiques,
des phrases fleuve qui nous emportent dans leur sillage. Le décor de Caroline
Mexme est heureusement admirable, très détaillé, très concret, plein de poésie
et de charme, il nous permet de mieux nous projeter dans le texte, de ne pas
nous y perdre. Nous sommes fascinés par la beauté angélique de Marthe
(Isabelle Andréani) qui a le rôle le plus difficile car elle est sur scène toute la
pièce et doit sans temps mort lutter pour défendre la pureté de son monde et
son amour fou pour son époux. Le personnage de Laine est également un tour
de force, Grégori Baquet l’incarne avec une grande audace, nous sommes
cloués de stupeur par sa prestation dès les premières minutes où il est sur
scène. Il incarne beauté, sensualité et sauvagerie à la perfection.
La mise en scène de Xavier Lemaire est simple et précise, d’une efficacité sans
faille de même que son jeu de scène, il est d’une prestance remarquable, sa
seule présence sur les planches incarne le pouvoir et l’argent mais aussi le
désarroi et la bonté d’un homme qui, ayant trop d’argent, voudrait bien faire
avec mais ne sait trop comment faire. Nous avions déjà pu l’admirer dans
l’alpenage de Knobst tant sur scène qu’à la direction d’acteurs au Théâtre 14,
nous sommes une fois de plus séduits par l’impression de force tranquille qui
se dégage de lui. Quand à Gaëlle Billaut-Danno, que nous avons vu récemment
particulièrement brillante dans la dernière nuit de Sand et de Musset au théâtre
du Petit Saint-Martin, elle est ici tour à tour folie, diablesse, mélancolie,
insolente, odieuse, mille personnages en un qu’elle incarne avec la même
tranquille assurance. C’est sur elle en particulier que les costumes de Virginie
Houdinière sont les mieux mis en valeur car les plus excentriques, ses tenues
n’en valorisent que plus la délicieuse simplicité de celles de Marthe, point n’est
besoin d’être excentriquement ou richement habillés pour séduire, l’argent ne
fait pas le bonheur. Cette pièce le montre une fois de plus irrévocablement.
Un chef d’œuvre des mots magnifiquement adapté.
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