L`Echange - CASPEVI.com

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PRESSE
L'ECHANGE
Théâtre Mouffetard
FROGGY’S
DELIGHT
(Paris) mai 2011
Le site qui frappe les trois
coups
.
Comédie
dramatique de Paul Claudel, mise en scène de Xavier Lemaire, avec
Isabelle Andréani, Grégori Baquet, Gaëlle Billaut-Danno et Xavier
Lemaire. En Caroline du Sud, après la guerre de Sécession, un jeune couple, Marthe et
Louis Laine, récemment débarqués d’Europe, ont été embauchés pour garder la propriété
d'un riche propriétaire, Thomas Pollock Nageoire, homme d'affaire mal marié à une actrice,
Lechy Elbernon. Louis Laine est un rêveur, Marthe est une femme issue de la terre, Thomas
Pollock, un marchand attaché à la valeur des choses, et Lechy interprète chaque moment de
sa vie. Entre les quatre personnages, se jouera un échange amoureux après que Thomas
Pollock propose à Louis Laine d'abandonner Marthe pour Lechy contre une poignée de
dollars.Les quatre personnages de "L'échange" de Paul Claudel représentent différentes
manières d'aborder le sentiment amoureux, l'engagement, la liberté, la domination, le plaisir.
Les personnages sont complexes, comme les sentiments, chacun dans cette ronde exposant sa
face lumineuse mais découvrant une part d'ombre.
Xavier Lemaire a choisi de construire sa mise en scène autour de la cabane
où vit le couple de gardiens, prolongée par un ponton. Ce bout du monde
isole les quatre personnages du reste du monde, autour d'eux, il n'y a que la
nature ou les ténèbres. Les costumes de Virginie Houdinière renvoient à un
théâtre ancien, par exemple son costume de papillon de nuit n'est pas sans
rappeler l'actrice Clara Benhardt dans la bande dessinée "Les aventures
d'Adèle Blanc Sec". Pourtant le mise en scène est dépouillée et le geste
souvent retenu. Xavier Lemaire met l'accent sur le texte, sur les mots qui
fusent, sur les phrases qui claquent. Le rythme du texte est soutenu, parfois
jusqu'à l'ivresse.Les acteurs sont excellents. Xavier Lemaire campe
sobrement un Thomas Pollock persuadé que l'argent peut tout acheter, plus à
l'aise dans l'échange commercial que dans l'échange par les mots. Isabelle
Andréani est une Marthe toute en retenue, digne dans l'adversité. Gaëlle
Billaut-Danno surjoue habilement son rôle d'actrice hystérique. Enfin
Gregori Baquet, en demi-sauvage, amène le jeu physique qui permet
d'accentuer les affrontements entre les personnages. Malgré l'exigence du
texte, c'est une longue ovation qui a salué la performance de ce quatuor
d'acteurs qui montre la modernité de cette pièce de Paul Claudel sur l'amour.
Laurent Coudol
PLACE TO BE
"Provocateur d'envies"
Critique - L’échange écrit par Paul Claudel
Author: Sandrine & Igor |
Spectacles - Théâtre
21 mai 2011
Un jeune couple, pauvre mais heureux, Marthe et Louis Laine, voit arriver les
propriétaires du domaine près duquel ils vivent. Ce couple étrange, Thomas
Pollock Nageoire et Léchy Elbernon, va proposer un échange aux deux jeunes
gens : Nageoire veut acheter Marthe à Louis pour en faire sa femme tandis que
Léchy aspire à faire de Laine son amant.
Dans ce chassé-croisé amoureux, rien de drôle, c’est un drame amer et sans
concession sur l’amour et l’argent. Les personnages se cherchent sans se
trouver, s’aiment sans se comprendre, se parlent sans s’atteindre, se déchirent
et se désespèrent dans une quête du bonheur vouée à l’échec dès le début. Le
texte est extrêmement riche, important, il submerge tout. Rares sont les
silences, pas de temps morts, des flots de paroles, des répliques poétiques,
des phrases fleuve qui nous emportent dans leur sillage. Le décor de Caroline
Mexme est heureusement admirable, très détaillé, très concret, plein de poésie
et de charme, il nous permet de mieux nous projeter dans le texte, de ne pas
nous y perdre. Nous sommes fascinés par la beauté angélique de Marthe
(Isabelle Andréani) qui a le rôle le plus difficile car elle est sur scène toute la
pièce et doit sans temps mort lutter pour défendre la pureté de son monde et
son amour fou pour son époux. Le personnage de Laine est également un tour
de force, Grégori Baquet l’incarne avec une grande audace, nous sommes
cloués de stupeur par sa prestation dès les premières minutes où il est sur
scène. Il incarne beauté, sensualité et sauvagerie à la perfection.
La mise en scène de Xavier Lemaire est simple et précise, d’une efficacité sans
faille de même que son jeu de scène, il est d’une prestance remarquable, sa
seule présence sur les planches incarne le pouvoir et l’argent mais aussi le
désarroi et la bonté d’un homme qui, ayant trop d’argent, voudrait bien faire
avec mais ne sait trop comment faire. Nous avions déjà pu l’admirer dans
l’alpenage de Knobst tant sur scène qu’à la direction d’acteurs au Théâtre 14,
nous sommes une fois de plus séduits par l’impression de force tranquille qui
se dégage de lui. Quand à Gaëlle Billaut-Danno, que nous avons vu récemment
particulièrement brillante dans la dernière nuit de Sand et de Musset au théâtre
du Petit Saint-Martin, elle est ici tour à tour folie, diablesse, mélancolie,
insolente, odieuse, mille personnages en un qu’elle incarne avec la même
tranquille assurance. C’est sur elle en particulier que les costumes de Virginie
Houdinière sont les mieux mis en valeur car les plus excentriques, ses tenues
n’en valorisent que plus la délicieuse simplicité de celles de Marthe, point n’est
besoin d’être excentriquement ou richement habillés pour séduire, l’argent ne
fait pas le bonheur. Cette pièce le montre une fois de plus irrévocablement.
Un chef d’œuvre des mots magnifiquement adapté.
Marie Ordinis
21 mai 2011
L’échange de Paul Claudel
Mise en scène Xavier Lemaire
Avec Isabelle Andréani, Grégori Baquet, Gaëlle Billaut-Danno, Xavier
Lemaire.
Le duo Xavier Lemaire-Isabelle Andréani que nous avons tant aimé grâce à
Musset entre autres, et Gaëlle Billaut-Danno qui vient d’être une George Sand
superbe dans La dernière nuit de Marie-Françoise Hans, ont pour partenaire
Gregori Baquet, comédien à la présence abasourdissante. Ils nous proposent la
seconde version de cet Echange publiée en 1951 que le metteur en scène juge «
plus essentielle (…) plus moderne » mais « moins authentique » que la première.
Donc, une fois encore « l’échange est échangé » et Claudel claudélisé tel qu’en
lui-même, et ré-installé dans ses démarches et son langage singuliers.
Précurseur, peut-être, mais également tributaire de son époque, de son univers
et d’une pseudo-naïveté langagière qui risquerait aujourd’hui d’être décrétée un
brin artificielle.
L’auteur cherche-t-il à nous faire comprendre qu’un homme en vaut bien un
autre ? Que les femmes peuvent faire de leurs partenaires des faibles ou même
des pervers ? Que le mariage de trop jeunes épousées met les époux en porte-àfaux ? Qu’une grossesse rapide éloignerait le mari d’une future mère ? Et surtout
que l’argent?… Est-ce cela qui paraît si ‘moderne’ aux yeux de Xavier Lemaire ?
Côté décor : soit le siège de la balançoire, que lui et elle enfourchent ensemble
pour s’y dire ce qu’ils ont sur le cœur, et que récupèrent très brillamment, l’un
après l’autre, leurs deux ‘échangeurs’ déchaînés. Aérienne, elle vogue et nos
enfances aussi ; en fond sonore l’océan murmure. Côté jardin, voyez le bungalow
où se réfugie Marthe-Marie épouse et future mère de l’enfant de Louis Laine et,
tout contre, une corde à linge chargée, élément rassurant. Côté cour : des
pontons mènent à l’eau ; ce sont des sortes de pistes sur lesquelles les
comédiens dansent quand leur partition les y incite. Les ponctuations musicales
et les lumières vous séduiront.
Théâtre Mouffetard, jusqu’au 3 juillet, du mercredi au samedi à 20h30,
dimanche à 15 h. Réservations : 01 43 11 11 99.
Et en Avignon, Festival Off, du 8 au 31 juillet au Théâtre La Luna.
posted by Marie Ordinis @ 6:11 PM
L’Échange
Publié par Barbe bleue dans Théâtre le 24 mai 2011 sur THEATRORAMA
Cœur chaud à Paris
Il est rare de trouver du Claudel dans une toute petite salle de Paris. Non que l’auteur, plutôt intimiste (sauf dans
son Soulier de Satin, véritable épopée), ne s’y prête pas. Sa langue imagée et biblique pourrait paraître trop
ampoulée, trop difficile, et trop mystique, sur une scène qu’aucun snobisme ni confession ne protègerait. La
Compagnie des Larrons prouve hardiment que le dramaturge catholique est accessible et qu’il écrit au cœur
brûlant des choses avec une crudité et une violence étonnante.
Dans le bouillonnement des États-Unis du sud après la guerre de sécession, où les zélés adorateurs de l’Argent
côtoient les aventuriers rêvant encore de Peaux-Rouges, L’Échange raconte comment un gentil capitaliste,
Thomas Pollock Nageoire, et son épouse actrice Lechy Lebernon, exubérante et malheureuse, s’immiscent dans
l’intimité d’un couple marié, amoureux, mais pauvre : Marthe et Louis Laine, installés sur le territoire des
Nageoire après un long périple sur la mer. Dans ce petit Eden américain, Claudel rejoue le scénario du péché
originel. Louis, plus jeune que Marthe, fantasque et fougueux, est tenté par la double proposition des Nageoire :
alors que l’actrice Lechy s’offre à ses caresses, le riche Thomas Pollock lui propose de lui acheter sa femme.
L’un et l’autre insistent sur son incapacité à être un époux solide pour la sage Marthe. Cette intrigue, simple et
cruelle, sert de tremplin aux plus belles évocations sur ce que devient un homme par une femme, et une femme
par un homme.
Une mise en scène sous cocotte-minute
Si la mise en scène de Xavier Lemaire et son équipe ne surprend pas par une originalité, elle est généreuse et
efficace. Elle sert énergiquement le texte de Claudel, en fait entendre la pertinence existentielle. L’illusion
fonctionne, les acteurs se parlent, les personnages existent. Isabelle Andréani rend l’épouse humble, simple et
maternelle qu’est Marthe sans niaiserie, alliant au contraire fragilité et fermeté. Certaines saillies moqueuses,
rudes ou franches, compensent intelligemment les pleurnicheries. Son jeu engagé frôle parfois un romantisme
naïf, mais ne bascule jamais du côté de la complaisance. A ses côtés, Grégori Baquet (Louis Laine) est
convaincant en grand gamin plein de fougue, beau parleur et bon-à-rien. Il en fait parfois un peu trop, mais les
contradictions du personnage poussent à ce jeu paniqué et explosif. Et l’acteur est au début mis au défi de jouer
plusieurs minutes nu, ou presque.
Saluons, en dépit de la très classique bassine d’eau sur la tête, l’inventivité de la mise en scène, qui joue
habilement de la semi-nudité. Enfin les « riches », Xavier Lemaire (Thomas Pollock Nageoire) et Gaëlle BillautDanno (Lechy Elbernon) proposent un jeu plus distancié, porté par des costumes typés et des attitudes
caricaturales. L’opposition entre « gentils » et « méchants » en est un peu accusée. Gaëlle Billaut-Danno fait
affleurer petit à petit une profondeur touchante dans son personnage, Xavier Lemaire a moins de temps pour
apporter une telle nuance, de sorte que le retournement final sera un peu abrupt. Mais leur prosaïsme gouailleur
fait contrepoint au lyrisme et permet d’éviter la grandiloquence. Ce convaincant dosage est malheureusement un
peu desservi par le cadre de la représentation.Sur la scène, une cabane de bois prolongée par un ponton restreint
leur espace de jeu. Ils seront toujours perchés sur ce caillebotis qui craque au pas lourd des approches. Ce
dispositif scénique, plutôt joli, intéressant en soi, paraît trop contraignant sur la petite scène du théâtre
Mouffetard. On manque un peu d’air et d’ouverture. Sollicités par les corps à corps des personnages, nous
finissons par étouffer. Il faudrait du vide pour que les images cosmiques évoquées par le texte parviennent à se
matérialiser dans notre imagination. Dans un tel volume, un décor moins chargé donnerait du jeu au texte et de la
liberté à la mise en scène, qui, d’ingénieuse dans la gestuelle, s’épuise un peu sur la fin. C’est dommage ! On ne
peut que leur souhaiter d’avoir du succès pour trouver une scène à leur échelle.
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25 Mai 2011
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Région : France - Ile de France
Ville : Paris
JUSQU'AU 3 JUILLET : PIECE « L’ECHANGE » DE PAUL
CLAUDEL
au Théâtre Mouffetard
73 rue Mouffetard
Réservations : 01 43 31 11 99
L'avis de Gérard BENSAID :
Je ne suis pas un fin connaisseur de Claudel et heureusement que les représentations théâtrales
d'un auteur quel qu'il soit ne sont pas destinées aux seuls fins connaisseurs.
Si bien que j'étais ouvert à tout sauf que, quand même, je me suis douté qu'en me rendant au
Théâtre Mouffetard je ne m'attendais pas à une partie de fou rire.
Car il n'y a ni fou rire ni rire.Un petit sourire une fois ou deux à l’occasion d’un bon (jeu de)
mots, en tout et pour tout. D’ailleurs les spectateurs présents sont des gens très sérieux : ils
sont là pour Claudel et pas pour rire !
Pas de rire mais quelle richesse de vocabulaire, quel langage recherché, ajusté aux
situations !Cela pour la forme. Le fonds est encore plus riche, à la fois proche de la vie de tous
les jours mais anobli dirais-je par une intrigue particulière : du sexe il y en a (la pièce démarre
sur un homme nu comme un ver, mais que de pudeur facilitée par la maîtrise d’un drap «
protecteur » ! ; de l’amour il y en a et même beaucoup surtout de la part de la femme du
gardien de la propriété ( Marthe )pour son mari plutôt volage et peu sûr de lui ; de la légèreté
il y en a également de trois des quatre protagonistes ; de la jalousie il y a aussi car trompé
c’est bien , être trompé c’est inacceptable n’est-ce-pas ; de la naïveté, de la rage, de la haine il
y a tout cela, contrebalancé fort heureusement par des moments de douceur…
Mais aussi de colères car les sentiments ne sont pas un jeu pour tous. Certains savent faire
avec, s’en accommoder, en profiter même à quelque niveau qu’ils se situent mais d’autres
…Echanger est bien. Quand cela se termine en drame c’est autre chose.
Cette œuvre ne se termine pas qu’en drame. Elle laisse un espoir, petit certes, mais pourquoi
ne pas y croire ?
Merci Paul Claudel … et l’équipe.
Jeudi 26 mai 2011
Entendre Claudel
L
orsqu’à l’automne 2008 j’avais été conviée à une représentation de L’Échange au théâtre
de la Colline, mis en scène par Yves Beaunesne, j’avais profité de l’occasion pour lire le texte, et faire ainsi mes
premiers pas dans l’œuvre de Paul Claudel. Je n’ai pas pu aller au bout de ma lecture…
THOMAS POLLOCK NAGEOIRE[…]Pensez-y, jeune homme! je suis un homme religieux mais si je veux (avec
une gravité onctueuse)Avoir
Une chose,
Vous comprenez? C’est le devoir! il n’y a pas moyen autrement.
Il faut.
Vous êtes Louis Laine et je suis Thomas Pollock!
(L’Échange – deuxième version, acte I, p. 176 de l’édition Folio reprenant celle du Mercure de
France de 1964)
Déroutée par une multitude de traits stylistiques qui, pour moi, valaient échardes, je me suis lassée et j’ai
abandonné le livre sur son étagère, sans le terminer. Je ne parvenais pas à m’accommoder de ce curieux
mélange de lyrisme, de poésie presque grandiose et de familiarité – voire de trivialité – dans les répliques, tant
au niveau du lexique que des tournures et sans que ce mélange puisse être attaché à un personnage plus qu’à
un autre. Il m’était tout aussi impossible de me représenter quelles pouvaient être les inflexions de ces phrases
parfois bizarrement ponctuées, disposées tantôt comme des vers libres, tantôt comme de la prose
conversationnelle – même en suivant, mentalement, les quelques indications de diction très précises données
par l’auteur. Je n’entendais rien; un obstacle se dressait entre le texte et moi qui m’empêchait d’être sensible
aux enjeux de la pièce et à ce que pouvaient figurer les personnages.
J’ai alors réalisé qu’une lecture, même silencieuse, n’est jamais muette: l’on accroche toujours, plus ou moins
consciemment, une musicalité, un rythme aux mots qu’on déchiffre sur le papier ; les syllabes chantent dans
l’esprit du lecteur. Sourde aux inflexions des phrases de Claudel, je l’étais du même coup au sens de la pièce.
Mais j’étais certaine qu’entendre ces phrases dites par des comédiens allait me rendre ce sens accessible; de
fait, je comptais beaucoup sur le spectacle d’Yves Beaunesne. Ai-je été déçue? Sans doute; bien que je n’aie
rien noté de mes impressions sur le moment, j’entrevois dans un lointain coin de mémoire, en retrouvant
aujourd’hui le carton d’invitation coincé dans le livre inachevé, la vague trace grise d’un ennui analogue à celui
que m’avait inspiré la lecture. Je pouvais m’estimer définitivement fâchée sinon avec Claudel, du moins avec
cette pièce-là.
Pourtant j’ai répondu sans hésiter à une nouvelle offre m’invitant à assister à une représentation de L’Échange…
Évidemment pas par affection pour un texte que, malgré une seconde approche, je ne parviens décidément pas
la compagnie des Larrons, dont le
Le jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux, puis sur Il faut qu’une porte
soit ouverte ou fermée, de Musset, m’avait enthousiasmée. Et les Larrons m’ont, une fois de plus,
à pénétrer. Simplement parce que la pièce était montée par
travail sur
enchantée.
Xavier Lemaire a choisi de mettre en scène la deuxième version de la pièce, écrite plus
de cinquante ans après la première – celle, écrit-il dans sa note d’intention née de la
volonté de Jean-Louis Barrault. Parce que, poursuit-il, je la ressens plus essentielle, plus
charnelle, plus joueuse, plus théâtrale, bref, plus moderne, avant d’évoquer une certaine
paternité de Paul Claudel sur Tennessee Williams. Je ne saurais commenter ces
références – ma culture littéraire et théâtrale limitée ne me le permet pas – ni, bien sûr,
la comparaison que le metteur en scène établit entre les deux versions du texte. Tout au
plus puis-je noter que le décor – une modeste cabane de planches, jouxtée d'une
balançoire accrochée à un portique et prolongée par des pontons de bois – répond à ce
que suggèrent les didascalies, plutôt vagues (L'Amérique. Littoral de l'Est) et que les
costumes, évoquant la fin du XIXe siècle, sont conformes à ce que propose Claudel
concernant la situation chronologique (De préférence quelque temps après la Guerre de
Sécession).
La fidélité de Xavier Lemaire à l'auteur s’est étendue jusqu’aux indications de diction:
"J’ai tâché de les respecter", me dit-il quand, après la représentation, j’eus le plaisir de
converser un peu avec lui. "En essayant de comprendre à chaque fois pourquoi Claudel
voulait que telle phrase fût dite de cette façon-là."
Il s’agit donc d’une véritable intériorisation; sans doute est-ce pour cela qu’il a pu guider
les comédiens autant que se guider lui-même dans l’assimilation d’un texte difficile et
aboutir à une interprétation d’ensemble aussi magistrale. Car ce ne serait pas assez
d’écrire que les comédiens, formidables, portent le texte: ils le révèlent, et révèlent
toutes les complexités des personnages qu’ils incarnent. Par leur jeu, sensuel et pudique,
intense et sobre, autant que par leur diction, qui coule avec un naturel auquel je ne
croyais pas qu’il fût possible d’atteindre à partir d’un phrasé aussi retors que celui de
Claudel, ils donnent chair, âme et douleur à Marthe, Louis, Leechy et Thomas.
Tous les comédiens sont magnifiques. J’aimerais néanmoins saluer Isabelle Andréani qui
est une Marthe bouleversante. Elle déploie un jeu varié, richement nuancé, et donne la
même puissance, la même sincérité tripale à ses ardeurs possessives d’amante
passionnée, à ses déchirements d’amoureuse jalouse, à sa tristesse de petite fille perdue
– elle sait trouver des accents de grande tragédienne au plus fort de sa souffrance, une
douce exaltation quand elle regarde les étoiles, et porte sa voix au seuil de l’effacement
quand le désarroi l’étreint. Et, quelle que soit l’émotion qu’elle exprime, jamais un mot
n’échappe à l’oreille du spectateur.
Dès les premiers instants, quand le noir inaugural s’est effacé, laissant apparaître le
décor, et que Marthe commence à parler, quelque chose se passe d’indéfinissable qui lie
le spectateur à ce qui se joue sur la scène. C’est l’adhésion immédiate, et rien par la
suite, ni dans le jeu, ni dans l’énonciation, pas plus que dans l’environnement scénique
ne viendra faire hiatus.
Le souffle discret du ressac berce le spectacle, de légères notes de piano s’égrènent de
temps à autre, ponctuant ici et là un mot qui trahit la fêlure, la faille, par laquelle
l’effondrement s’amorce… L’ambiance sonore est en harmonie avec tout le reste: sobre,
discrète – mais infiniment juste et qui touche.
Grâce à la compagnie des Larrons, tout ce qui, à la lecture, m’était demeuré indigeste,
voire incompréhensible, s’est mis à resplendir de force, d’évidence… Grâce à la mise en
scène et à l’interprétation exceptionnelle des quatre comédiens, j’ai oublié mon malaise
de lectrice pour ne plus être qu’à mon bonheur de spectatrice. Je n’irai cependant pas
jusqu’à dire, comme certains, que les Larrons m’ont fait aimer Claudel car on n’aime pas
un auteur à travers un seul de ses textes. Je ne dirai même pas qu’ils m’ont fait aimer
L’Échange: cette même pièce entre les mains d’une autre compagnie m’est déjà apparue
insipide et ennuyeuse. Mais ils m’ont assurément rendue amoureuse de leur spectacle.
Et d’écrire cet article accroît encore l’envie qui déjà se formait quand je quittai la salle de
revenir voir cet Échange-là…
L’ÉchangeTexte de Paul Claudel (2e version)Mise en scène :Xavier Lemaire
Avec :Isabelle Andréani, Grégori Bacquet, Gaëlle Billaut-Danno, Xavier Lemaire
Ce formidable Échange sera ensuite repris à Avignon, dans le cadre du festival "Off", du 8
au 31 juillet 2011 à 10h45 au théâtre de la Luna. L’on espère que suivront une tournée,
une reprise parisienne… Par Yza - Publié dans : Billets
« L'Echange » de Paul Claudel,
loin des bons sentiments
Créé le 31/05/2011 à 03h15
L'argent, cancer de l'amour. LOT
Claudel vaut mieux que sa réputation d'auteur difficile. La preuve avec
cette pièce portée par des acteurs en état de grâce.
Après la guerre de Sécession, un homme se voit proposer par son
patron une grosse somme d'argent en échange de sa femme. Xavier
Lemaire met en scène L'Echange de Paul Claudel, dans sa deuxième
version datant de 1951. « Elle est plus authentique, moins obscure que
la première. »
Théâtre d'acteurs
Depuis des années, il est hanté par cette pièce: « Elle synthétise tous les rapports
amoureux: l'amour-fusion, l'amour-liberté, l'amour-sexe… avec l'argent comme
cancer. » Au fil des trois actes, le spectateur découvre des personnages plus
complexes que prévu. « Au départ, ils sont manichéens, puis chacun se fissure»,
explique Gaëlle Billaut-Danno, dans le rôle de la cruelle, mais fragile actrice
américaine. Avec un décor spectaculaire et une lumière intense, Xavier Lemaire
insiste sur le jeu des comédiens pour rendre le texte de Claudel accessible : «
C'est un théâtre d'acteurs où l'on chasse l'ennui par l'émotion. »Y. H.
Théâtre > nouveautés < festival actu
L’échange (jusqu'au 3 juillet)
le 08/06/2011
au théâtre Mouffetard,
Mise en scène de Xavier Lemaire avec Isabelle Andréani,
Grégori Baquet, Gaëlle Billaut-Danno et Xavier Lemaire
écrit par Paul Claudel
En Floride, après la guerre de sécession, Marthe et Louis Laine
vivent dans une petite cabane au bord de l'eau louée à Thomas
Pollock Nageoire, riche propriétaire terrien. Engagé pour être le
gardien du terrain, Louis va se voir proposer un drôle d'échange.
En contrepartie d'un peu d'argent, Thomas Pollock Nageoire
souhaite qu'il disparaisse afin de récupérer sa femme. Pourtant «
engagé » de son côté, cela ne l'arrête pas.
Étonnant contexte dans lequel l'amour, le pouvoir et l'argent ne
font pas bon ménage ! Une petite merveille de Paul Claudel qui
place l'homme au cœur du questionnement amoureux, du rapport
entre les hommes et les femmes. Xavier Lemaire, metteur en
scène et interprète de Thomas Pollock Nageoire, met en scène ce
classique théâtral avec brio ! C'est une pure merveille !
Complètement absorbé par l'histoire et la scénographie aidant, le
spectateur ne peut qu'adhérer à ce que vivent ces protagonistes,
où tout un public sous tension est dans l'attente de la suite de
cette fable pourtant bien connue.
Pas de fausse note ! Les comédiens sont fabuleux et donnent, à la
verve Claudelienne, un nouveau souffle. Assister à une
représentation pareille nous fait apprécier la littérature et nous
donne envie de se (re)plonger dans ces œuvres classiques ! Rien
ne s'essouffle et on en redemande ! Que ce cher Paul se rassure,
son oeuvre n'est pas dépassée, loin de là ! Les théâtreux
remettent sans cesse au goût du jour sa prose et heureusement
pour nous, avec beaucoup de talents ! Vous l'aurez bien compris,
cette pièce est un bijou que l’on vous conseille d'aller contempler
sans délai !
M.M
L'Échange de Paul Claudel
Les premières représentations de cette pièce du répertoire datent de l'année 1893. Et cette
recherche infiniment poétique concernant la mystérieuse alchimie des amours et la fragilité
des couples s'accompagnait d'un évident lyrisme qui n'est pas très souvent l'accompagnateur
naturel des pulsions humaines. Notamment quand les couples connaissent le temps des
crises faute du souhaitable temps des cerises. Le E qui, les différencie n'est (hélas) pas celui
de l'hésitation !Les protagonistes de cette dramaturgie étaient sans aucun doute… et déjà…
de ces personnages modernes qui vont jusqu'au bout de leurs idées et qui ne transigeront
pas. Quel que soit leur destin. D'où le problème représenté sur la scène. Cependant un grand
nombre de spectateurs sont restés très distanciés de cette manière sophistiquée de faire
vivre l'émotionnel réel ; celui qui demeure éloigné du bel amour qui doit durer toujours. Et
qui est aussi loin de ces limites que chacun de nous refuse inconsciemment.
Le metteur en scène Xavier Lemaire a choisi de nous présenter une seconde version qui
date de 1951 et à laquelle le public des années 2000 adhère beaucoup plus facilement. La
spontanéité des réactions lors de cette première le prouve. Il n'y a eu aucune ambiguïté dans
les applaudissements à cette moderne mouture.En fait, l'éternelle insatisfaction concernant
la vie en couple pousse à un examen sans faiblesse du système vécu à deux et, dans le
même temps à une traduction théâtrale crédible. Voilà qui est fait grâce à l'opportune
reprise de L'Échange ! Jalousie, possession, générosité, dévouement, affrontement, fuite en
avant et réalisme sordide, tout y est. Pour les amateurs de la recherche psychologique
concernant les aventuriers du "vivre ensemble quoiqu'il arrive" ou pour les pratiquants
d'une éphémère volonté d'indépendance voire d'un "pousse au crime" libérateur, Paul
Claudel demeure l'analyste, à la fois rigoriste et toujours navré de nos pulsions. Il suit
Racine, repousse Musset et précède Freud. De plus, le coin désertique et sauvage de la
Caroline du Sud où il plante son décor ainsi que le climat propre à cette zone géographique
exacerbent les comportements de ses personnages qui atteindront très vite leur point de non
retour.
Grâce à Isabelle Andréani, Gaëlle Billaut-Danno, Grégori Baquet et Xavier Lemaire qui est
également participant du présent casting le caractère universel de ces tensions de couples va
ressortir brutal, définitif et exemplaire. Cette belle soirée d'accompagnement lucide est à
votre portée. Les prestations de la compagnie Les Larrons sont de grande qualité.
Aujourd'hui, pour les amateurs des textes de réflexion concernant nos comportements
instinctifs, ils donnent au Théâtre Mouffetard un vrai bonheur de scène.
Claude Chanaud
(04/06/11)
INTERVIEW
INTERVIEW
ANNONCE
Le 27 mai 2011 :
Au Théâtre Mouffetard
"Je suis venue avec mon père Henri Claudel, fils de Paul
Claudel, et je suis profondément émue par la représentation."
Marie-Hélène Claudel & Henry Claudel
"Encore Bravo pour un si beau travail, toujours à
recommencer..."
François Claudel
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