15_FRA051126_11C.fm Page 118 Lundi, 30. juillet 2007 1:14 13 « HIER ON M’A MENÉ AU THÉÂTRE » • DISSERTATION • SUJET 15 C O R R I G É Nous vous proposons un plan détaillé que vous pouvez vous exercer à rédiger en y incluant des exemples. Introduction Paragraphe d’amorce : L’acteur a toujours intrigué, par son originalité, son côté artiste et protéiforme (dans le roman : Le Capitaine Fracasse). Dans le théâtre même, on trouve beaucoup d’exemples de personnages d’acteurs. Le plus souvent, présentés en train de jouer sur scène → exemples de mises en abyme : le « théâtre dans le théâtre » (ex : Molière, L’Illusion comique ; Molière lui-même dirigeant ses acteurs dans L’Impromptu de Versailles ; Marivaux, Les Acteurs de bonne foi), d’ordinaire dans le but de créer quiproquos et méprises, de « corser » l’intrigue. Problématique : Dans Kean de Dumas, le protagoniste est un célèbre acteur anglais interprète de Shakespeare : il n’est pas cependant en train de jouer une pièce, mais il rencontre une jeune femme qui lui fait part de sa première expérience de spectatrice, occasion pour elle de faire l’éloge du théâtre, d’en montrer les qualités. De même, dans L’Échange, Claudel met en scène une femme comédienne, Lechy Elbernon qui, elle, parle de son métier d’actrice, de ses rapports avec le public. Elle aborde la question des motivations qui poussent à aller au théâtre depuis des siècles. Annonce du plan : 1. Le plaisir du spectacle collectif vivant : se divertir ; 2. Des émotions fortes, des passions et la « catharsis » ; 3. Une « école » de vie. I. Un spectacle vivant qui divertit : une fête pour les « yeux », « s’amuser » 1. Plaisir de la sortie collective a. Faire partie d’un public, vibrer à l’unisson Les réactions d’un public ne sont pas la somme des réactions individuelles (rire communicatif, etc.). b. Un spectacle vivant, et non figé comme le cinéma – en chair et en os : l’impression du vécu en direct, ce sont de vrais hommes qui jouent et non une image de ces hommes (→ cinéma) ; velouté ou rugosité de la voix, par exemple, humanisée, incarnée… ; – unique : chaque interprétation fait la même pièce différente ; plaisir de comparer diverses interprétations. © Hatier 2007 118 C O R R I G É « HIER ON M’A MENÉ AU THÉÂTRE » • DISSERTATION • SUJET 15 2. Plaisir esthétique : « entendre et voir de belles choses » (Cournot) La poésie 15_FRA051126_11C.fm Page 119 Lundi, 30. juillet 2007 1:14 13 a. Apprécier la beauté du texte On ne parle pas, on ne joue pas au théâtre comme dans la vie → travail artistique de stylisation sur la langue, les gestes… c. Apprécier la beauté du jeu de l’acteur, aller voir un acteur, le talent d’un comédien Cf. « voir une grande tragédienne » (Zola) ; on va voir Robert Hossein dans Antigone, comme on allait voir La Champmeslé jouer Racine. Le théâtre b. Apprécier la beauté du spectacle – décor, costumes, éclairages… 3. « Pour penser […] à autre chose » (Cournot), « rêver » b. S’évader de la vie quotidienne et se divertir (au sens étymologique du mot) Cf. Pagnol, pour qui le public vient au théâtre pour « se faire des songes », le plaisir d’être leurré. Convaincre… a. Éviter l’ennui d’une vie banale – « l’homme s’ennuie » (Claudel) → il s’intéresse à des vies hors du commun. II. Un monde d’émotions, de passions : une fête pour le « cœur », « être ému(es) » a. Permet de « réaliser » des vies multiples – être, comme l’acteur, plusieurs personnes, vivre plusieurs destins, sans risque (être Phèdre ou Antigone sans… mourir !). Le roman 1. Varier sa vie, vivre plusieurs vies b. Réaliser ses rêves par substitution b. Cas de l’aparté et du monologue On se sent privilégié, destinataire des confidences d’autrui. c. Le plaisir d’une situation privilégiée – lorsque le spectateur en sait plus que les personnages eux-mêmes (il est le seul à connaître l’identité d’un personnage, les plans d’un personnage…). d. Voir ce qu’on n’a pas forcément l’occasion de voir – par exemple, la mort sur scène. Ce qui permet de… © Hatier 2007 119 C O R R I G É Les réécritures a. Voir ce que l’on n’a pas le droit de voir – le 4e mur qui manque à la scène → l’intimité des gens (entrer dans les maisons, ce qu’on ne peut faire dans la vie). Sujets d’oral 2. Le plaisir du voyeur 15_FRA051126_11C.fm Page 120 Lundi, 30. juillet 2007 1:14 13 « HIER ON M’A MENÉ AU THÉÂTRE » • DISSERTATION • SUJET 15 3. … ressentir des émotions fortes… : « frémir aux horreurs, éclater aux plaisanteries » Anna Damby (Kean), montre comment le théâtre lui a fait ressentir des émotions fortes, presque douloureuses ; Lechy Elbernon dit du public : « il pleure et il rit » (Claudel, L’Échange), il voit sa vie « plus vraie, plus forte et aussi plus fraîche » (Giraudoux, Ondine). Voir aussi le texte complémentaire : « des salles […] qui frémissent aux horreurs, qui éclatent aux plaisanteries ». a. Ressentir des émotions très fortes et variées – variées : rire ou pleurer (comédies, tragédies…) ; – plus intenses : l’action étant condensée en quelques heures, les émotions et les passions en sont plus intenses. Ex : le mélodrame, Grand Guignol. b. … interdites ou impossibles dans la vie de tous les jours, comme si c’était vrai – les résurrections dans Grand Guignol, la statue du Commandeur dans Dom Juan. c. Fait vivre plus intensément – « Je commençais de ce jour à respirer, à sentir, à vivre ! » (Anna Damby). d. La « catharsis » – cf. Aristote : « une imitation […] qui, par l’entremise de la pitié et de la crainte, accomplit la purgation des émotions de ce genre » ; – comme une « cure » psychanalytique : libération des sentiments et émotions refoulés. III. Une école de vie : aller au théâtre pour apprendre, pour lutter contre l’angoisse… Selon le personnage de Claudel, Lechy Elbernon, le public va au théâtre « pour entendre la vérité » ; selon Hugo, il s’y rend pour « l’esprit ». A posteriori, pas forcément dans le vif du spectacle, le spectateur peut chercher dans le théâtre un enseignement, une façon vivante et incarnée de « philosopher », moins fastidieuse que les essais ou la lecture. 1. Voir des hommes, étudier l’homme, se voir soi-même Voir texte complémentaire : « des salles […] qui comprennent tout, qui dégagent de la pièce des indications, des subtilités méconnues de nousmêmes ». a. Le théâtre présente tout l’échantillonnage des êtres humains – une « comédie humaine » qui nous renseigne sur l’homme et explore l’âme humaine. Montherlant : « Une pièce de théâtre ne m’intéresse que si l’action © Hatier 2007 120 C O R R I G É « HIER ON M’A MENÉ AU THÉÂTRE » • DISSERTATION • SUJET 15 extérieure réduite à la plus grande simplicité n’est qu’un prétexte à l’exploration de l’homme », une leçon de « caractères ». La poésie 15_FRA051126_11C.fm Page 121 Lundi, 30. juillet 2007 1:14 13 c. Se voir soi-même, avoir une image de nous-mêmes – « pour se regarder soi-même » (Claudel) ; sorte de plaisir narcissique ou peut-être même masochiste : voir Renée dans La Curée qui se compare à Phèdre ; une vie proche de sa propre histoire. d. Une leçon de morale ? Effet dissuasif de la catharsis → école de vertu (ne pas reproduire ce qui cause la tragédie). Le théâtre b. Avoir une image de notre société – cas des pièces critiques (XVIIIe siècle, Le Mariage de Figaro) ou politiques (Ruy Blas de Hugo, pièces engagées du XXe siècle). b. Assister à une vie terminée, entièrement « déroulée » pour lutter contre l’angoisse existentielle Cf. Claudel : « ne sachant de rien, comment cela commence ou finit, c’est pour cela qu’il va au théâtre » ; Jouvet : « condamnés à expliquer le mystère de la vie, les hommes ont inventé le théâtre », pour savoir la fin. Le spectateur a alors un instant la position privilégiée de Dieu. Le roman a. Assister à une vie en accéléré – la pièce de théâtre « fai[t] dérouler la vie à la vitesse de la passion humaine » (Giraudoux) ; en « accélér[ant] la vie », le théâtre ôte tout ce que la vie a de « trop languissant », ce qu’elle retarde et ne permet pas d’appréhender. Convaincre… 2. Lutter contre l’angoisse existentielle : la vie en accéléré et aboutie © Hatier 2007 121 C O R R I G É Les réécritures La diversité des raisons qui poussent à aller au théâtre crée la diversité du public (populaire, intellectuel, jeunes, adultes…). Malgré la concurrence, très forte, du cinéma, le théâtre subsiste, pour son côté incarné, qui mêle indissociablement illusion et réalité. Cf. Jean Vilar : « Il n’est pas d’art qui, plus nécessairement que le théâtre, ne doive unir illusion et réalité. Cela à l’insu du public et en pleine lumière cependant. Complices. » Sujets d’oral Conclusion