Postface au Fabuleux destin de la courbe de Phillips :une courbe de Phillips horizontale? par Marc Lavoie Professeur titulaire, Département de science économique, Université d’Ottawa Liêm Hoang-Ngoc a bien raison d’associer les politiques d’austérité et le retour vers le néolibéralisme à l’évolution de la construction théorique de la courbe de Phillips. La version élaborée par Friedman et Phelps, la courbe de Phillips verticale à long terme et le taux de chômage naturel qui lui est associé, est devenue un élément essentiel de la théorie macroéconomique néoclassique. Cette courbe de Phillips verticale, qui au départ semblait n’être qu’une construction propre aux économistes les plus à droite sur l’échiquier politique (les monétaristes et les nouveaux classiques), s’est rapidement imposée comme un des éléments fondateurs de la théorie macroéconomique dominante. La courbe de Phillips verticale à long terme, dans sa version WS-PS accompagnée du taux de chômage à inflation stable, est aussi un élément clé des théories macroéconomiques défendues par les économistes keynésiens néoclassiques, ceux que Hoang-Ngoc et les Français appellent les néo-keynésiens, et qui dans les pays anglo-saxons se font appeler les économistes nouveaux keynésiens. Et comme l’a très bien montré l’auteur du Fabuleux destin dans son Acte 3, même lorsque ces nouveaux keynésiens incorporent les phénomènes d’hystérésis dans leurs modèles, ce n’est encore que pour mieux justifier la mise en place de politiques de déréglementation du marché du travail, afin de le rendre plus ‘flexible’. En effet, dans les modèles nouveaux keynésiens, l’accroissement du taux de chômage à inflation stable (le chômage d’équilibre) induit par le ralentissement économique est essentiellement dû à la paresse des travailleurs ou au pouvoir syndical démesuré. Les taux élevés de chômage à inflation stable sont attribués aux salaires réels trop élevés.1 1 Les ‘preuves’ empiriques fournies sont très sujettes à caution. Anyadike-Danes et Godley (1989) ont montré qu’ils pouvaient arriver exactement aux mêmes résultats empiriques que les nouveaux keynésiens (ceux de Layard et consorts), mais en partant d’une équation de markup (les prix dépendant de façon directe des coûts unitaires en salaire), tout en postulant par construction que les variables d’emploi et de salaire réel n’avaient absolument aucun lien entre elles, chacune de ces deux variables étant construite à l’aide de fluctuations totalement aléatoires autour de sa propre tendance. Ainsi Anyadike-Danes et Godley construisent un monde où il n’existe aucune relation macroéconomique négative entre emplois et salaire réel, et pourtant, par la magie de l’économétrie ils parviennent à tirer des données de ce monde l’apparence d’une telle relation négative! J’ai moi-même montré qu’une extension du modèle de Layard et consorts par des chercheurs français du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, utilisant des techniques économétriques plus modernes, était sujette à une critique similaire, et que je pouvais dériver leurs résultats à partir des identités de la comptabilité nationale. Ainsi ces Même les modèles nouveaux keynésiens qui remettent en cause la fixation de cibles d’inflation trop proches de zéro, parce qu’elle mènerait à des taux de chômage à inflation stables plus élevés, reposent sur l’hypothèse que des salaires réels plus élevés mènent à des taux de chômage d’équilibre plus élevés. Dans ces modèles, prônés notamment par Akerlof et al. (1996), des taux d’inflation proches de zéro empêchent l’ajustement à la baisse des salaires réels des industries subissant des chocs négatifs, en raison de la rigidité à la baisse des salaires nominaux. Ainsi, tous les modèles nouveaux keynésiens postulent une relation positive entre chômage d’équilibre et salaire réel. Les plus récents modèles de ces nouveaux keynésiens, associés aux politiques monétaires et baptisés du nom de ‘nouveau consensus’ en théorie monétaire, incorporent eux aussi une courbe de Phillips verticale à long terme. Le taux de chômage à inflation stable correspond à un taux d’intérêt réel naturel dont la fixation serait assurée par une banque centrale suffisamment compétente.2 Pour faire diminuer les taux d’inflation, les banques centrales n’ont qu’à augmenter les taux d’intérêt au-delà du taux d’intérêt naturel, car ceci va réduire l’activité économique et amener le taux de chômage réalisé à un niveau excédant le taux de chômage à inflation stable.Évidemment, les décideurs des banques centrales n’ont aucune idée de la valeur du taux d’intérêt naturel. Mais qu’à cela ne tienne! Le taux naturel est atteint quand le taux d’inflation reste constant, et les gouverneurs de banque centrale doivent hausser les taux d’intérêt dès qu’ils perçoivent la possibilité que les taux d’inflation augmentent. Ce sont les frappes préventives. A ce jeu, ils ne peuvent perdre : si les taux d’inflation augmentent tout de même, les décideurs des banques centrales diront qu’ils ont bien fait d’augmenter le loyer de l’argent; si les taux d’inflation restent constants ou s’ils baissent, ils diront que leur politique monétaire a été un franc succès. La courbe de Phillips verticale à long terme, déterminée du côté de l’offre, fait donc partie du dogme de la pensée unique: crois ou meurs! Tout macroéconomiste doit commencer par incorporer cette construction dans ses modèles s’il veut publier dans les revues les plus savantes. Pourtant, influencés peut-être par l’évolution récente des faits économiques, un tiers des économistes américains ne pensent pas qu’il existe un taux de chômage naturel vers lequel tendrait l’économie à long terme (Fuller et Geider-Stevenson, 2003, p. 373). résultats empiriques, et sans doute bien d’autres, qui associent salaires réels élevés et taux de chômage d’équilibre élevés, ne dépendent pas de “relations de comportement fondées sur la maximisation du profit dans le cadre de fonction de production ‘bien élevées’, avec progrès technique et rendements décroissants. Au contraire les corrélations et les signes obtenus dans ces études reposent sans doute sur les identités de la comptabilité nationale, et à ce titre, elles n’ont aucune valeur explicative” (Lavoie, 2000, p. 1482). 2 Voir les présentations qu’en font en français Abraham-Frois (2003), Pollin (2003) et Villieu (2004). 2 Les auteurs postkeynésiens s’objectent depuis longtemps à ceux qui prônent l’existence d’une courbe de Phillips verticale à long terme, et qui en déduisent que les politiques monétaire et budgétaire doivent être austères, de crainte de rallumer les feux de l’inflation, tandis que le taux de chômage naturel, ou le taux de chômage à inflation stable, ne peut être diminué que grâce à des politiques de l’offre, en rendant les marchés du travail toujours plus flexibles. Les postkeynésiens critiquent ces politiques de la pensée unique en les attaquant essentiellement de trois façons. La première critique admet l’existence d’un possible taux de chômage à inflation stable, mais en fait une variable instable, influencée par les fluctuations de l’activité économique, associée à des phénomènes d’hystérésis. Mais ces phénomènes d’hystérésis, contrairement à ce que disent les nouveaux keynésiens, ne sont pas expliqués par le comportement des travailleurs. Selon les postkeynésiens, le ralentissement économique freine la demande de biens d’investissement et l’accroissement de la productivité et des capacités productives. Contrairement à ce que pensent les économistes néoclassiques, la sous-estimation par la banque centrale du taux de croissance potentiel ou naturel de l’économie a des effets néfastes à long terme sur le taux de croissance réalisé. Les travaux de León-Ledesma et Thirlwall (2002) démontrent, en autant qu’on puisse accorder de la crédibilité aux méthodes économétriques, que le taux de croissance réalisé d’une économie influence positivement le taux de croissance potentiel (dit naturel) de cette économie. Dans ce cadre, la fixation d’un taux d’inflation cible inférieur aux taux d’inflation courants ainsi que les efforts de la banque centrale pour abaisser le taux d’inflation vers sa cible vont avoir des répercussions négatives, tant à court terme qu’à long terme, sur le taux de croissance de cette économie (Lavoie, 2004b). L’existence de ces phénomènes d’hystérésis va entraîner l’apparition d’une courbe de Phillips à très long terme qui ne sera pas verticale, et qui aura la forme ‘classique’ de la courbe de Phillips, avec pour résultante un possible arbitrage entre inflation et chômage. Ainsi, il existerait une multiplicité de taux de chômage à inflation stable, qui dépendraient des politiques poursuivies antérieurement par la banque centrale et aussi des chocs inflationnistes subis du côté des coûts de production. Par exemple, un choc pétrolier (des prix du pétrole en termes réels à la hausse) aurait des conséquences permanentes sur le taux de chômage à inflation stable (celui-ci serait plus élevé), pour un taux d’inflation cible donné, tant et aussi longtemps que ce choc ne serait pas renversé (quand les prix du pétrole chutent en termes réels, comme cela s’est produit après le second choc pétrolier de 1979). L’arbitrage à long terme entre inflation et chômage est aussi retrouvé, de façon plus directe, dans les modèles qui remettent en cause la liaison ‘un pour un’ entre inflation anticipée des prix et inflation des salaires (à productivité inchangée) que requiert la courbe de Phillips verticale à long terme (Setterfield, 2004). Selon les postkeynésiens, en postulant que la hausse anticipée des prix (ou la hausse des prix de la période antérieure) de x pourcent va nécessairement entraîner une hausse des salaires de x pourcent, les économistes néoclassiques confondent les désirs des travailleurs et de leurs organisations syndicales avec la possibilité effective d’obtenir de telles augmentations salariales. Le fait que le taux d’inflation récemment réalisé ou anticipé soit de 3% ne signifie pas que les travailleurs vont réussir à négocier un tel 3 pourcentage de hausse de leurs salaires. C’était peut-être le cas, à une certaine époque, mais ce n’est certes plus le cas aujourd’hui. Finalement, certains postkeynésiens prétendent que la courbe de Phillips à long terme, loin d’être verticale, est en fait horizontale, du moins sur un segment de la courbe (Freedman, Harcourt et Kriesler, 2004; Kriesler et Lavoie, 2005). Cette affirmation s’appuie tant sur des considérations théoriques qu’empiriques. Comme le relève Hoang-Ngoc avec la figure 23 du présent livre, les postkeynésiens croient que la courbe d’offre des entreprises est essentiellement horizontale, car la très grande majorité des industries fonctionnent sur la base de rendements constants (Lavoie 2004, ch. 2). Autrement dit, les coûts variables sont constants (et donc les coûts unitaires décroissants) pour une très large gamme de taux d’utilisation des taux des capacités. Ce n’est que lorsque la production de l’entreprise excède la production de pleine capacité, telle que définie par les ingénieurs, que l’entreprise fait face aux coûts croissants décrits par les économistes néoclassiques. Or, selon les auteurs postkeynésiens, les entreprises opèrent presque en tout temps à des taux d’utilisation de la capacité qui sont bien en deça de la pleine utilisation. Comme les prix sont fixés selon la procédure du cost-plus, c’est-à-dire en ajoutant une marge de profit conventionnelle au coût unitaire normal, les prix ne sont pas sujets à des pressions à la hausse tant et aussi longtemps que l’entreprise opère en deça de la pleine capacité, même si les taux d’utilisation sont à la hausse (à moins que les entrepreneurs décident d’accroître leurs marges de profit). Ainsi, selon certains auteurs postkeynésiens dont je fais partie, les hausses des taux d’utilisation de la capacité n’auraient des conséquences inflationnistes que lorsque les taux d’utilisation s’approchent de la pleine utilisation. D’autre part, ce n’est que lorsque les taux d’utilisation sont très bas, et donc que les taux de chômage sont très élevés, que la baisse de l’activité économique mènerait à une baisse des taux d’inflation, comme le décrirait la courbe de Phillips classique à court terme. Autrement dit, l’arbitrage à court terme entre inflation et activité économique ne s’observerait vraiment que pour des taux d’utilisation de la capacité très élevés et pour des taux d’utilisation très faibles. Pour une large plage de taux d’utilisation, le taux d’inflation aurait tendance à rester à son niveau historique antérieur. Ainsi, la courbe de Phillips à court terme serait plate pour une vaste gamme de taux d’utilisation intermédiaires. Tout ceci est illustré à l’aide des deux graphiques ci-contre. La figure P1 montre la relation à court terme entre l’activité économique (les taux d’utilisation) et les taux d’inflation; la figure P2 illustre la même relation, mais dans le plan habituel décrit par la courbe de Phillips, à partir des taux de chômage. Ainsi, pour une vaste gamme de taux de chômage, la courbe de Phillips à court terme serait horizontale. Mais si les taux d’inflation réalisés à court terme sont constants, pour des taux d’utilisation ou des taux de chômage intermédiaires, il suit que les taux d’inflation anticipés ne sauraient différer des taux d’inflation historiquement constatés, en conséquence de quoi on peut conclure que la relation à long terme entre taux d’utilisation et inflation est aussi une horizontale pour une certaine gamme de taux d’utilisation, ni trop bas ni trop haux. De façon symétrique, même si l’on croit au mécanisme néoclassique habituel de transmission de l’inflation par les anticipations, on peut aussi conclure que la courbe de Phillips à long terme sera horizontale pour des taux de chômage intermédiaires, encadrés par deux segments de courbe verticale. 4 L’existence de cette portion horizontale est d’autant plus probable que la crédibilité de la banque centrale est grande, puisque les anticipations d’inflation seront ancrées au taux d’inflation ciblé par la banque centrale. Puisque les taux d’inflation ont été relativement stables au cours des dix ou quinze dernières années, on peut affirmer que la crédibilité des principales banques centrales est grande, en conséquence de quoi la portion horizontale de la courbe de Phillips est d’autant plus probable. Ces relations à long terme sont décrites aux graphiques P3 et P4. Les conséquences de cette courbe de Phillips à long terme à segment intermédiaire horizontal sont évidentes. L’existence de cette courbe de Phillips horizontale entraîne l’existence d’équilibres multiples. Il existe, à tout instant, une multitude de taux de chômage à inflation stable. Les banques centrales qui ont réussi à abaisser les taux d’inflation dans les années 1990, essentiellement en poussant pour un certain temps les taux de chômage au-delà du niveau Uh, vont donc avoir tendance à garder les taux de chômage au niveau Uh, de crainte de relancer la spirale inflationniste. Ce que disent les postkeynésiens, c’est que les politiques de la banque centrale sont inutilement austères, car des taux de chômage bien plus faibles, allant jusqu’au niveau Ub, pourraient être atteints sans relèvement des taux d’inflation, grâce à des politiques monétaires (ou budgétaires) expansionnistes, comme les Américains l’ont fait, du moins dans une certaine mesure et avec assez de succès, pendant la seconde moitié des années 1990. Tout ceci semble trop beau pour être vrai diront certains. Il faut reconnaître que le segment horizontal de la courbe de Phillips a davantage de chances de rester stable, fixé au taux d’inflation historique, sous deux conditions. D’abord un certains nombre d’économistes considèrent que des systèmes de négociation collective davantage centralisés et coordonnés sont mieux conçus pour éviter l’écueil de la spirale inflationniste. C’est déjà ce que pensait Kaldor (1987), selon lequel l’inflation rampante était associée aux normes salariales de comparabilité et aux hausses de productivité différenciées entre secteurs. Hein (2002) prétend que des négociations salariales bénéficiant d’un fort degré de coordination, tant horizontale que verticale, imposée par l’État ou gérée par les associations patronales, associée à des centrales syndicales puissantes et représentatives, constituent la meilleure gouvernance possible, et peuvent mener à des taux d’inflation constants malgré des taux de chômage bien inférieurs au taux de chômage à inflation faibles calculés par les économistes néolibéraux. Ces négociations intégrées et coordonnées n’existent évidemment pas le cas dans tous les pays, mais on peut se consoler en se disant que les États-Unis, malgré l’absence relative de cette condition3, sont néanmoins parvenus à réduire leur taux de chômage à des niveaux extrêmement bas, sans aucune tension inflationniste, lors de l’expansion précédent le krach de 2001. Évidemment, si le pouvoir des syndicats s’est trouvé anéanti par une succession d’années de fort chômage, il est peu probable que la reprise mènera à une spirale inflationniste. Mais ce qui préoccupe les décideurs, c’est une situation où le plein emploi aurait été atteint depuis un certain temps. 3 Il y existe tout de même une certaine coordination implicite car les contrats salariaux consentis par une entreprise, entreprise ‘directrice ou ‘pilote’, sont habituellement repris tels quels par les autres entreprises de l’industrie. 5 La seconde condition, c’est que le coût des matières premières augmente au même rythme que les prix et les coûts unitaires en salaire. Or l’expérience nous montre que les coûts des matières premières augmentent rapidement lorsque l’économie mondiale est en situation de boom. Contrairement aux produits manufacturés ou aux services, les prix de nombreuses matières premières fluctuent en fonction de la demande (mondiale), les effets de la forte demande se répercutant ainsi indirectement sur les prix des produits des secteurs secondaires et tertiaires. Ces hausses de prix sont ensuite relayées par les hausses de salaire exigés par les travailleurs et leurs syndicats afin de préserver leurs salaires réels et leur pouvoir d’achat. Un tel scénario mènerait à un déplacement vertical vers le haut de la courbe de Phillips horizontale. Ce scénario ne s’est pas produit au cours des quinze dernières années, parce que la forte croissance des principaux pays n’a pas vraiment été synchronisée, et aussi grâce aux gains de productivité finalement engendrés par les nouvelles technologies de l’information. On peut donc conclure qu’effectivement la courbe de Phillips est horizontale, tant que l’on considère un pays à la fois. En attendant que l’économie mondiale toute entière bénéficie de taux de croissance élevés et d’un accroissement des taux d’utilisation des capacités, pour éviter que la courbe de Phillips horizontale ne se décale vers le haut il faudrait mettre sur pied des programmes internationaux de constitution de stocks tampons des principales matières premières, ou alors il faudrait que des grands blocs économiques, comme les États-Unis et l’Europe, mettent sur pied de tels stocks tampons, comme c’était le cas peu après la seconde guerre mondiale (Kaldor 1987). Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’existence d’une courbe de Phillips horizontale est affirmée depuis longtemps. Dans une série d’articles, l’économiste américain bien connu, Robert Eisner (1995, 1996), a montré empiriquement, du moins pour les États-Unis, que la courbe de Phillips à court terme a la relation négative attendue entre taux d’inflation et taux de chômage, mais seulement quand les taux de chômage sont relativement élevés. De forts taux de chômage réussissent à abaisser les taux d’inflation (comme en témoignent aussi les expériences canadienne et européenne des vingt dernières années). Par contre, quand les taux de chômage sont moyens ou faibles, la relation entre taux de chômage et inflation est inexistante. Autrement dit, la courbe de Phillips pour ces taux de chômage est horizontale. Eisner attribue en partie cet effet au fait que, même si la forte activité économique mène à des hausses plus rapides du salaire nominal, ces hausses sont compensées par une accélération de la productivité, si bien que le taux d’accroissement du coût salarial unitaire et donc le taux d’accroissement des prix restent approximativement constants. Un étudiant à moi a refait l’expérience, toujours pour les États-Unis, mais sur la base des taux d’utilisation de la capacité. Pour les données entre 1970 et 2003, Wang (2004) conclut qu’il existe la relation positive attendue entre les taux d’inflation et les taux d’utilisation de la capacité, mais seulement quand ces derniers sont faibles ou élevés. Quand les taux d’utilisation se situent entre 77 % et 83 % de la capacité (l’équivalent des taux um et upc aux figures P1 et P3), ces taux d’utilisation n’ont aucune influence sur les taux d’inflation. La courbe de Phillips est horizontale. De fait, pour les années plus récentes, entre 1990 et 2003 seulement, il n’y a absolument plus aucune relation entre taux d’inflation et taux d’utilisation des capacités! La courbe de Phillips est plate, pour tous les taux d’utilisation. Autrement dit, la courbe de Phillips a disparu. Est-ce là son ultime destin? 6 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Abraham-Frois G. (2003), « Pour en finir avec IS-LM: quelques propositions pour simplifier l’enseignement de la macro-économie en premier cycle », Revue d’économie politique, vol. 113, n° 2, p. 155-170. Akerlof G.A., Dickens W.T., Perry G.L. (1996), « The macroeconomics of low inflation », Brookings Papers in Economic Activity, n° 1, p. 1-59. Anyadike-Danes M., Godley W. (1989), « Reall wages and employment: a sceptical view of some recent empirical work « , Manchester School, vol. 57, n° 2, 172-187. Eisner R. (1995), « Our NAIRU limit: the governing myth of economic policy », American Prospect, vol. 6, n° 21, p. 58-63. Eisner R. (1996), « The retreat from full employment », in P. Arestis (ed.), Employment , Economic Growth and the Tyranny of the Market: Essays in Honour of Paul Davidson, Volume Two, Edward Elgar, p. 106-130. Freedman C., Harcourt G.C., Kriesler P. (2004), « Has the long-run Phillips curve turned horizontal? », in G. Argyrous, M. Forstater et G. Mongiovi (eds), Growth, Distribution and Effective Demand: Alternatives to Economic Orthodoxy, M.E. Sharpe, p. 144-162. Fuller D., Geider-Stevenson, D. (2003) « Consensus among economists revisited », Journal of Economic Education, vol. 34, n° 4, p. 369-387. Hein E. (2002), « Monetary policy and wage bargaining in the EMU: Restrictive ECB policies, high unemployment, nominal wage restraint and inflation above the target”, Banca Nazionale del Lavoro Quarterly Review, n° 222, p. 299-337. Kaldor N. (1987), « Inflation et récession dans l’économie mondiale », in Économie et instabilité, Économica, p. 107-123. Kriesler P., Lavoie M. (2005), « The new view on monetary policy: The new consensus and its post-Keynesian critique”, document de recherche, WP05-01, ROBINSON, Université d’Ottawa. Lavoie M. (2000), « Le chômage d’équilibre: réalité ou artefact? », Revue économique, vol. 51, n° 6, 1477-1484. Lavoie M. (2004), L’économie postkeynésienne, La Découverte, Repères. Lavoie M. (2004b), « The new consensus on monetary policy seen from a post-Keynesian perspective », in M. Lavoie et M. Seccareccia (eds.), Central Banking in the Modern World: Alternative Perspectives, Edward Elgar, p. 15-34. 7 León-Ledesma M.A., Thirlwall, P.A. (2002), « The endogeneity of the natural rate of growth », Cambridge Journal of Econonomics, vol 26, n° 4, p. 441-459. Pollin J. (2003), « Une macroéconomie sans LM: quelques propositions complémentaires », Revue d’ économie politique, vol. 113, n° 3, p. 273-293. Setterfield M. (2004). « Central banking, stability and macroeconomic outcomes: a comparison of new consensus and post-Keynesian monetary macroeconomics », in M. Lavoie et M. Seccareccia (eds), Central Banking in the Modern World: Alternative Perspectives, Edward Elgar, p. 35-56. Villieu P. (2004), « Une macroéconomie sans LM: un modèle de synthèse pour l’analyse des politiques conjoncturelles », Revue d’ économie politique, vol. 114, n° 3, p. 289-322. Wang P. (2004), « The Phillips curve: Classical, New Consensus and post-Keynesian views », mémoire de maîtrise, Département de science économique, Université d’Ottawa. 8