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Arbitrage de Phillips mondialisé
une vision très années 60 de cet arbitrage
règne à Washington avec trois conséquences
particulièrement négatives pour l’économie
mondiale. D’abord, parce qu’avec la mon-
dialisation, cet arbitrage touche un champ
géographique nouveau. Concrètement la
politique monétaire expansionniste de Ben
Bernanke en voulant lutter contre le chô-
mage américain a le travers de diffuser l’infla-
tion au-delà du territoire américain. L’excès
de monnaie mise en circulation aux Etats-
Unis conduit à un excédent de demande
américaine par rapport à l’offre nationale.
Normalement, les autorités de Washington
en attendent une augmentation de la pro-
duction et donc le retour au plein emploi.
Or elles en retirent la pérennisation d’un
déficit commercial abyssal, déficit qui inonde
le monde de dollars. Ces dollars surabon-
dants provoquent une inflation générale à la
surface de la planète qui se traduit essentiel-
lement par des bulles sur les matières pre-
mières, notamment alimentaires.
Ensuite parce que derrière la courbe de
Phillips, il y a l’idée d’un arbitrage politique
implicite qui veut que le chômage soit sociale-
ment plus dangereux que l’inflation. Si cela est
probablement vrai dans les pays développés,
où en particulier la structure de consomma-
tion rend la population moins sensible à la
hausse des prix alimentaires, il n’en va pas de
même dans les pays émergents. Soyons direct :
pour nous, l’inflation mondialisée née de la
politique monétaire expansionniste de la Fed
est à l’origine des révoltes frumentaires, dont
en particulier le monde arabe nous a donné
des exemples spectaculaires.
Enfin, parce que dans l’interprétation théo-
rique que l’on doit faire de la courbe de
Phillips, on doit se souvenir que si le chômage
permet de réduire l’inflation, en revanche les
politiques de relance monétaire débouchent
assez souvent sur la stagflation.
Stagflation déstructurée
et émeutes
Le monde d’aujourd’hui vit de fait dans la
stagflation. Le problème est que nos diri-
geants ne veulent pas le voir parce que le
chômage et l’inflation ne sont pas au même
endroit. Il y a du chômage au Nord et de
l’inflation au Sud. Au Nord, du fait de ce chô-
mage, on perd les élections comme Obama
en novembre dernier. Mais au Sud, du fait
de l’inflation on perd le contrôle de la rue.
Il faudrait que les responsables du G20 se
souviennent d’un vieil adage du XVIIIe siècle
selon lequel « plus haut le prix du pain,
plus faible la crainte de la prison»…A Tunis
comme au Caire, cet adage s’est appliqué.
Certes, nul ne regrettera ceux qui ont perdu
le contrôle de la rue. Mais il n’en demeure
pas moins qu’il est inconséquent de conti-
nuer des politiques monétaires dont le bilan
ultime est l’émeute.
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