Romances – Dimanche 27 novembre 2016
Tharaud / Rachmaninov – samedi 26 et dimanche 27 novembre
En 1900, la création pourtant partielle (le compositeur hésitant encore
sur le premier mouvement) du Concerto pour piano n° 2 de Rachmaninov
fut un incroyable sucs – un succès qui depuis ne s’est jamais démenti.
C’est cette œuvre, qu’il juge « fascinante à plus d’un titre », qu’Alexandre
Tharaud met au centre du week-end qu’il consacre à Rachmaninov.
On l’entend sous des doigts difrents : ceux de Tharaud lui-même, bien
r, secondé par le Liverpool Orchestra sous la direction de Vasily Petrenko
(le samedi soir, avec deux œuvres symphoniques séparées d’un demi-
siècle : le pme Le Rocher et les Danses symphoniques) ; mais aussi ceux
d’Aleksandar Madžar, dans le cadre d’un concert en famille dans la série
Opus, qui plonge le public, avec laide d’une projection audiovisuelle, dans
le contexte particulier de la composition de la pièce (le dimanche) – comme
le concert-promenade au Musée reconstitue l’ambiance de chez Sergueï
et Natalia Rachmaninov (le dimanche également).
Soucieux dexplorer les ramifications de ce Concerto n° 2, le week-end
prolonge l’expérience Rachmaninov de plusieurs manières. Au piano,
forcément, mais pas en solo. Donc : aux pianos, dabord. Un récital en trio
réunit Alexandre Tharaud, Aleksandar Madžar et Alexander Melnikov, déjà
appariés deux à deux en diverses occasions, pour un aperçu de la musique
à plusieurs pianistes de Rachmaninov, écrite presque en totalité avant
la composition du Concerto n° 2 (le dimanche). L’instrument aux touches
blanches et noires, cet alter ego de Rachmaninov, s’associe aussi à la voix
pour les Douze Romances op. 21 (avec Veronika Dzhioeva, le dimanche,
aux côtés dœuvres comme la Fantaisie op. 49 de Chopin, un compositeur
qui touchait particulièrement Rachmaninov) ou au violoncelle pour la Sonate
pour violoncelle et piano.
De la même époque, cette sonate représenta la dernière et la plus
marquante incursion du compositeur dans le genre de la musique
de chambre (elle est donnée le samedi par Alexander Melnikov et
Jean-Guihen Queyras en réponse à la sonate pour le même effectif
de Chopin, encore). C’est aussi autour de cette date, où le xix
e
siècle
se transforme en xxe tandis que Rachmaninov termine son ouvrage,
que s’articule le concert de l’Orchestre Pasdeloup sous la direction de
Wolfgang Doerner.
3
DIMANCHE 27 NOVEMBRE 2016 – 15H
SALLE DES CONCERTS – CITÉ DE LA MUSIQUE
Romances
Frédéric Chopin
Fantaisie
Sergueï Rachmaninov
Douze Romances
Cinq Morceaux de fantaisie
Veronika Dzhioeva, soprano
Alexandre Tharaud, piano
Une séance de dédicace aura lieu à l’issue du concert.
Concert enregistré par France Musique.
FIN DU CONCERT (SANS ENTRACTE) VERS 16H15.
44
Frédéric Chopin (1810-1849)
Fantaisie en fa mineur op. 49
Composition : 1841.
dicace : à la princesse Catherine de Souzzo.
Publication : 1841, M. Schlesinger, Paris ; 1842, Leipzig et Londres.
Effectif : piano.
Due : environ 12 minutes.
Fantaisie : tel est peut-être le maître mot de Chopin. Peu de pages le portent
en titre, même si toutes, ou presque (même les sonates…), en donnent
la preuve. De temps en temps, on doit d’ailleurs l’appellation à un autre,
comme pour la Fantaisie-Impromptu, ainsi surnommée par Julius Fontana,
ancien élève du mtre, au moment de l’édition posthume – contrairement
à la Polonaise-Fantaisie op. 61, dont le titre est de Chopin lui-même,
qui mit un certain temps à se décider. Quoi qu’il en soit, l’Opus 49 est
indubitablement le fleuron de ces « fantaisies », avec ses quelque douze
minutes au ton de ballade – il évoque dailleurs à plusieurs reprises la future
Ballade n° 4, avec laquelle il partage la tonalité de fa mineur – et au parfum
indiscutablement polonais. Si l’on veut lui chercher un précédent, on se
tournera vers la Wanderer-Fantasie de Schubert, non pas véritablement
pour les caractéristiques formelles mais pour la hauteur de vue : comme
celle-ci, la Fantaisie de Chopin ne pourrait être plus difrente des fantaisies
pots-pourris qui font les délices des salons de lépoque. Sombre, farouche,
elle charrie des images funèbres dès son introduction, aux oppositions
percutantes et aux cheminements harmoniques renouvelés. Des arpèges,
d’abord hésitants puis rapidement passionnés, ouvrent au corps même
de lœuvre ; ils serviront de fil conducteur improvisatoire tout au long de la
partition, joignant un tme à un autre. Ce sont aussi eux qui séparent la
partie centrale, un thème d’accords d’une merveilleuse douceur, des deux
parties qui l’entourent (qui évoquent l’exposition et la réexposition d’une
forme sonate), temtueuses, puissantes et virtuoses, jusqu’à la violence.
« J’ai fini aujourdhui la Fantaisie – le ciel est beau, il fait triste dans mon
ur – mais cela n’a pas dimportance. S’il en était autrement, peut-être
que mon existence n’aurait été utile à personne », écrivit Chopin à son ami
Julius Fontana.
55
Sergueï Rachmaninov (1873-1943)
Dvenadtsat Romansov op. 21 [Douze Romances]
I. Soud’ba (Le Destin).
II. Nad sviéjéï maguilaï (Sur une tombe fraîche)
III. Soumerki (Le Crépuscule)
IV. Oni otvetchali (Comment, disaient-ils)
V. Siren’ (Le Lilas)
VI. Chto tak ousilenna serdtsé bal’noïé (Pourquoi mon cœur bat-il si vite ?)
VII. Zds’ kharacho (Il fait bon ici)
VIII. Na smert’ tchijika (À la mort d’un serin)
IX. Mélodia (Mélodie)
X. Préd ikonaï (Devant l’ine)
XI. Ia nié prarok (Je ne suis pas propte)
XII. Kak mnié bol’na (Comme jai mal)
Composition : 1900-1902.
Effectif : soprano, piano.
Due : environ 33 minutes.
Il est facile au mélomane, occupé par les concertos, les pièces orchestrales,
les chevaux de bataille pianistiques, d’oublier que Rachmaninov a aussi
écrit pour la voix : des œuvres chorales, qui pour certaines lui tenaient
particulièrement à cœur, des opéras mais également nombre de mélodies.
Comme la majeure partie de ses compositions, elles furent accouchées
avant lexil auquel le foa la révolution d’Octobre : écrire en russe – chanter
l’âme russe – n’avait plus de sens une fois quitté le pays natal, et le musicien
abandonna donc définitivement ce moyen d’expression. Tout en s’inscrivant
dans une lignée romantique qui remonte à Schubert, ces quelque
soixante-dix ou quatre-vingt vignettes manifestent une appropriation du
mole qui permet à Rachmaninov de donner de véritables réussites dès
sa jeunesse. On y apprécie une inspiration mélodique généreuse, une
véritable connaissance de l’écriture vocale (le compositeur fréquentait de
grands chanteurs de son époque, et en particulier l’immense basse Fiodor
Chaliapine, dont il était l’ami) et, bien sûr, un talent pianistique éblouissant,
qui donne lieu à des accompagnements élaborés et musicalement
signifiants. Le tout s’organise en recueils, le regroupement des pièces étant
bien plus l’affaire de chronologie que de tmes communs. Les Douze
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