
3
3
Swiss Aids News 2 | juillet 2014
PROGRAMME NATIONAL VIH/IST 2011–2017
Et le test VIH revient sur le tapis …
Le test VIH fait parler de lui depuis qu’il existe. Ce fut le cas à
son arrivée sur le marché en 1985, lorsque certains réclamaient
le dépistage pour tous, et régulièrement par la suite, lorsqu’il
était question de vouloir dépister obligatoirement certaines per-
sonnes. Aujourd’hui, on réclame sa gratuité ou son exécution
«automatique» lors de toute consultation, et l’on continue à dire
qu’il vaut mieux connaître son propre statut VIH. L’argument
invoqué dans presque tous les cas est que le test est nécessaire
pour se protéger du virus: un test en guise de prévention?
Disons-le clairement une fois de plus: le test VIH n’est pas un
moyen de prévention. Faire un test n’est pas une mesure préventive,
connaître le statut ne protège pas du VIH, et tout dépistage même
régulier de quoi que ce soit ne protège de rien du tout. Le test VIH
a au mieux un impact en termes de prévention secondaire si les
séropositifs changent leur comportement de sorte que personne
ne peut s’infecter auprès d’eux. Pour eux, la mesure arrive trop
tard. On continue néanmoins à penser qu’il vaut mieux connaître
son statut. De leur côté, l’Office fédéral de la santé publique et les
organisations dédiées à la lutte contre le sida ne cessent de répéter
depuis 1985 que tout le monde, avec ou sans VIH, doit se comporter
de la même manière: le respect systématique des règles du sexe
à moindre risque protège les séronégatifs d’une infection, et dès
lors personne ne peut contracter le virus auprès des séropositifs.
Pourquoi faut-il toujours «dépister le plus possible»?
Au début de l’épidémie de sida, la présence confirmée ou l’exclu-
sion d’une infection à VIH aurait été la condition sine qua non
pour lutter contre le VIH suivant le paradigme de la stratégie
épidémiologique. Le débat autour de l’utilisation du test VIH à
partir de 1985 portait moins sur le dépistage en soi que sur la
stratégie qu’il convenait d’appliquer. Aujourd’hui, ce n’est pas non
plus le test en soi qui est au cœur des discussions, mais le fait que
des forces puissantes prônent le dépistage parce que «seules» des
personnes ayant reçu un résultat positif peuvent se demander si
elles ont besoin d’un traitement antirétroviral et si elles veulent
le commencer dans les meilleurs délais.
Et pour la ixième fois, l’appel à la gratuité du test
Le parlement genevois examine la question de la gratuité du test
VIH. Là aussi sans arguments probants, mais en partant du principe
que dépister est mieux que ne pas dépister. Nous pensons nous
aussi que la franchise – en particulier chez les jeunes qui, avec
une franchise élevée, économisent environ mille francs par année
sur le dos de la communauté solidaire des payeurs de primes –
peut retenir certaines personnes de faire un dépistage du VIH
et d’autres IST médicalement recommandé. Quiconque exige la
gratuité des tests réclame en fait que le contribuable assume les
frais à la place de l’assuré. Il serait bien plus sensé de lancer un
débat politique afin de supprimer la franchise pour le dépistage
des IST (VIH compris) en cas de comportement à risque et d’indi-
cation médicale, puisque le diagnostic précoce et le traitement,
en particulier pour les IST, profitent non seulement à l’individu,
mais à la société entière.
Le «test & treat» est utile – mais à qui?
Revenons-en au dépistage: l’approche «test & treat» e a le vent en
poupe. Elle est souvent encouragée au détriment de la prévention
primaire, certains ne cessant de prétendre qu’il ne sert à rien d’édu-
quer, que le préservatif a échoué, et que l’on pourrait, si l’on faisait
bien les choses, contrôler ou même stopper l’épidémie de VIH à
l’échelle mondiale avec le «test & treat». Nous avons montré avec
une modélisation mathématique r de l’épidémie de VIH chez les
gays en Suisse qu’au moins 50% des infections à VIH sont transmises
au cours de la primo-infection. Dans ce cas, le «test & treat» arrive
trop tard et cette stratégie s’accommode donc sciemment de ces
nouveaux cas d’infection. Nous ne sous-estimons pas le potentiel
de cette approche pour la prévention secondaire, mais ce n’est
que conjointement à la prévention primaire qu’elle apportera le
succès promis: LOVE LIFE – ne regrette rien! t
Roger Staub, MPH, MAE
Responsable du Programme national VIH
et autres IST 2011–2017
Office fédéral de la santé publique
e Dépister régulièrement les groupes à risque et commencer le traitement immé-
diatement
r Van Sighem A, Vidondo B, Glass TR, Bucher HC, Vernazza P, et al. (2012) Resur-
gence of HIV Infection among Men Who Have Sex with Men in Switzerland: Mathe-
matical Modelling Study. PLoS ONE 7(9): e44819. Doi:10.1371/journal.pone.0044819
t lovelife.ch/fr/
© Andreas Lehner
«Le test VIH n’est pas un
moyen de prévention.»