Swiss Aids News
2 | JUILLET 2014
MÉDECINE | SOCIÉTÉ | DROIT
Test en tête
2Swiss Aids News 2 | juillet 2014
ÉDITORIAL
Chère lectrice,
Cher lecteur,
En cas de suspicion de cystite, le médecin prescrit un test d’urine. En règle générale,
cela se fait sans discussion et c’est payé par la caisse-maladie. Le dépistage, tout le
monde s’accorde à le dire, est adéquat et important. Mais tout se complique dès qu’il
s’agit de dépistage du VIH et des infections sexuellement transmissibles. Qui doit se
faire dépister? Dans quelle intention? se fait le dépistage? Qui paie? Voilà quelques-
unes des nombreuses questions qui se posent en lien avec le test VIH.
Dans ce numéro, vous découvrirez ce que signifie le sigle VCT (Voluntary Counsel-
ling and Testing, ou conseil et dépistage volontaire), comment se sent un jeune homme
en 2014 au moment de son premier test VIH, ce que le Professeur Pietro Vernazza,
président de la Commission fédérale pour la santé sexuelle CFSS, pense des autotests,
pourquoi le dépistage n’est pas chose aisée pour les migrants, par exemple pour des
Erythréens, et, last but not least, quelles sont les questions juridiques que soulèvent
les tests VIH.
Se faire dépister, pour qui que ce soit et quels que soient le moment et le lieu
choisis, assumer ses responsabilités et s’en tenir aux règles du sexe à moindre risque,
voilà qui garde tout son sens en 2014, et au-delà.
Je vous souhaite une très agréable lecture
Daniel Seiler
Edité par
Aide Suisse contre le Sida (ASS)
Office fédéral de la santé publique (OFSP)
Rédaction
lic. phil. Stéphane Praz (sp)
Brigitta Javurek (bj), journaliste RP
Dr iur. LL. M. Caroline Suter (cs)
Rédaction photo
Mary Manser
Version française
Line Rollier, Bussigny-près-Lausanne
Traductor, Bâle (droit)
Conception graphique et mise en pages
Ritz & Häfliger, Visuelle Kommunikation, Bâle
SAN no 2, juillet 2014
Tirage: 5500, parution trimestrielle
© Aide Suisse contre le Sida, Zurich
Les SAN bénéficient du soutien
de l’Office fédéral de la santé publique
de Boehringer Ingelheim (Schweiz) SA
de Bristol-Myers Squibb SA
de Janssen-Cilag SA
Les partenaires industriels des Swiss Aids News
n’exercent aucune influence sur son contenu.
Pour vos communications
Rédaction Swiss Aids News
Aide Suisse contre le Sida
CP 1118, 8031 Zurich
Tél. 044 447 11 11
Fax 044 447 11 12
[email protected], www.aids.ch
IMPRESSUM
Couverture: Checkpoint Zurich,
tubes de prélèvement sanguin
© Mary Manser
Swiss Aids News
2 | JUILLET 2014
MÉDECINE | SOCIÉTÉ | DROIT
Test en tête
Programme national VIH / IST 2011–2017
3 Et le test VIH revient sur le tapis
Médecine
4 Mots clés: consentement et conseils
1 0 Celui qui ne veut pas savoir ne fait pas non plus d’autotest
Société
6 Moi, le Checkpoint Zurich et mon premier test VIH
8 Dépistage en roue libre
14 Savoir ou ne pas savoir, telle est la question
Droit
17 Le test VIH d’un point de vue juridique
19 Les tests VIH mentionnés sur les factures de laboratoires,
est-ce légal?
Sommaire
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Swiss Aids News 2 | juillet 2014
PROGRAMME NATIONAL VIH/IST 2011–2017
Et le test VIH revient sur le tapis
Le test VIH fait parler de lui depuis qu’il existe. Ce fut le cas à
son arrivée sur le marché en 1985, lorsque certains réclamaient
le dépistage pour tous, et régulièrement par la suite, lorsqu’il
était question de vouloir dépister obligatoirement certaines per-
sonnes. Aujourd’hui, on réclame sa gratuité ou son exécution
«automatique» lors de toute consultation, et l’on continue à dire
qu’il vaut mieux connaître son propre statut VIH. L’argument
invoqué dans presque tous les cas est que le test est nécessaire
pour se protéger du virus: un test en guise de prévention?
Disons-le clairement une fois de plus: le test VIH n’est pas un
moyen de prévention. Faire un test n’est pas une mesure préventive,
connaître le statut ne protège pas du VIH, et tout dépistage même
régulier de quoi que ce soit ne protège de rien du tout. Le test VIH
a au mieux un impact en termes de prévention secondaire si les
séropositifs changent leur comportement de sorte que personne
ne peut s’infecter auprès d’eux. Pour eux, la mesure arrive trop
tard. On continue néanmoins à penser qu’il vaut mieux connaître
son statut. De leur côté, l’Office fédéral de la santé publique et les
organisations dédiées à la lutte contre le sida ne cessent de répéter
depuis 1985 que tout le monde, avec ou sans VIH, doit se comporter
de la même manière: le respect systématique des règles du sexe
à moindre risque protège les séronégatifs d’une infection, et dès
lors personne ne peut contracter le virus auprès des séropositifs.
Pourquoi faut-il toujours «dépister le plus possible»?
Au début de l’épidémie de sida, la présence confirmée ou l’exclu-
sion d’une infection à VIH aurait éla condition sine qua non
pour lutter contre le VIH suivant le paradigme de la stratégie
épidémiologique. Le débat autour de l’utilisation du test VIH à
partir de 1985 portait moins sur le dépistage en soi que sur la
stratégie qu’il convenait d’appliquer. Aujourd’hui, ce n’est pas non
plus le test en soi qui est au cœur des discussions, mais le fait que
des forces puissantes prônent le dépistage parce que «seules» des
personnes ayant reçu un résultat positif peuvent se demander si
elles ont besoin d’un traitement antirétroviral et si elles veulent
le commencer dans les meilleurs délais.
Et pour la ixième fois, l’appel à la gratuité du test
Le parlement genevois examine la question de la gratuité du test
VIH. aussi sans arguments probants, mais en partant du principe
que dépister est mieux que ne pas dépister. Nous pensons nous
aussi que la franchise en particulier chez les jeunes qui, avec
une franchise élevée, économisent environ mille francs par année
sur le dos de la communauté solidaire des payeurs de primes
peut retenir certaines personnes de faire un dépistage du VIH
et d’autres IST médicalement recommandé. Quiconque exige la
gratuité des tests réclame en fait que le contribuable assume les
frais à la place de l’assuré. Il serait bien plus sensé de lancer un
débat politique afin de supprimer la franchise pour le dépistage
des IST (VIH compris) en cas de comportement à risque et d’indi-
cation médicale, puisque le diagnostic précoce et le traitement,
en particulier pour les IST, profitent non seulement à l’individu,
mais à la société entière.
Le «test & treat» est utile – mais à qui?
Revenons-en au dépistage: l’approche «test & treat» e a le vent en
poupe. Elle est souvent encouragée au détriment de la prévention
primaire, certains ne cessant de prétendre qu’il ne sert à rien d’édu-
quer, que le préservatif a échoué, et que l’on pourrait, si l’on faisait
bien les choses, contrôler ou même stopper l’épidémie de VIH à
l’échelle mondiale avec le «test & treat». Nous avons montré avec
une modélisation mathématique r de l’épidémie de VIH chez les
gays en Suisse qu’au moins 50% des infections à VIH sont transmises
au cours de la primo-infection. Dans ce cas, le «test & treat» arrive
trop tard et cette stratégie s’accommode donc sciemment de ces
nouveaux cas d’infection. Nous ne sous-estimons pas le potentiel
de cette approche pour la prévention secondaire, mais ce n’est
que conjointement à la prévention primaire qu’elle apportera le
succès promis: LOVE LIFE – ne regrette rien! t
Roger Staub, MPH, MAE
Responsable du Programme national VIH
et autres IST 2011–2017
Office fédéral de la santé publique
e Dépister régulièrement les groupes à risque et commencer le traitement immé-
diatement
r Van Sighem A, Vidondo B, Glass TR, Bucher HC, Vernazza P, et al. (2012) Resur-
gence of HIV Infection among Men Who Have Sex with Men in Switzerland: Mathe-
matical Modelling Study. PLoS ONE 7(9): e44819. Doi:10.1371/journal.pone.0044819
t lovelife.ch/fr/
© Andreas Lehner
«Le test VIH n’est pas un
moyen de prévention.»
4Swiss Aids News 2 | juillet 2014
MÉDECINE
Mots clés: consentement et conseils
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a déclaré en tout 575 diagnostics de VIH confir-
més en 2013. Les chiffres publiés semestriellement suscitent un certain malaise chez plus
d’une personne: me serais-je, moi aussi, infectée? Les experts estiment qu’en Suisse, 10
à 20% des séropositifs ne connaissent pas leur statut. Un test VIH après une situation à
risque ou au début d’une nouvelle relation est synonyme de clarté et de sécurité.
Les tests de dépistage du VIH sont proposés en
Suisse depuis 1985. On peut les faire auprès des
organisations régionales de lutte contre le sida,
chez les médecins de famille, dans les hôpitaux
ou les Checkpoints. Les personnes appartenant
aux groupes à risque doivent être particuliè-
rement encouragées à se faire conseiller et
dépister. Le test coûte environ 60 francs.
Positif ou négatif, toujours
accompagné de conseils
L’OFSP prône le conseil et le dépistage volon-
taire (Voluntary Counselling and Testing ou
VCT); en d’autres termes, un test doit toujours
être fait volontairement et accompagné d’un
entretien-conseil. Ainsi, les personnes testées
savent comment éviter à l’avenir une infection
à VIH ou une autre infection sexuellement
transmissible (IST). En outre, celles qui ont
reçu un résultat positif peuvent être prises
en charge médicalement. Le VCT se distingue
du PICT ou Provider Induced Counselling and
Testing: dans ce cas, c’est le médecin qui incite
la personne à réaliser un test VIH lorsqu’une
infection lui paraît possible.
Déroulement du test VCT
Trois critères sont essentiels à cet égard:
Consentement:
Le test ne peut être réalisé qu’avec le consente-
ment exprès de la personne concernée. Avant
de donner son accord, celle-ci doit avoir obtenu
des informations fondamentales sur le test (pré-
lèvement de sang au bout du doigt, que signifie
risque important ou test réactif, etc.).
Confidentialité:
Tous les entretiens avec la personne dépistée de
même que le résultat du test sont confidentiels.
En d’autres termes, seul le personnel médical
a accès aux informations.
Conseil:
Avant le test: l’anamnèse se fonde sur un ques-
tionnaire standardisé portant sur l’attitude
de la personne vis-à-vis des risques et de la
manière de se protéger et sur son statut rela-
tionnel. Les réponses servent de base à la clas-
sification du cas et à l’entretien-conseil qui suit.
Après le test: le but de l’entretien qui suit le test
rapide du VIH est d’induire un changement de
comportement, indépendamment du résultat.
En présence d’un test réactif, on procède à une
deuxième analyse, cette fois-ci en prélevant du
sang dans une veine. S’il s’agit d’une personne
dont le risque d’exposition au VIH est modéré,
on aura plutôt tendance à la rassurer; mais face
à une personne présentant un risque accru, on
tendra plutôt à lui enlever l’espoir d’un résultat
négatif. Une personne n’est réputée séroposi-
tive que lorsque le test de confirmation, obtenu
après deux ou trois jours, est lui aussi réactif.
«Tous les entretiens avec la
personne dépistée de même
que le résultat du test sont
confidentiels.»
Test rapide combiné et test de confirmation
par un laboratoire Autotest
Sensibilité > 99% Sensibilité 0–92% (suivant la manipulation et la
qualité du test)
Possibilité de diagnostiquer une infection à VIH aiguë
(détecte dans le sang à la fois des anticorps et des
composants du virus)
Pas possible de diagnostiquer une infection à VIH
aiguë (primo-infection*) (ne reconnaît pas de compo-
sants du virus)
Chances d’obtenir un diagnostic précoce, d’être traité
à temps ou soutenu
Ni conseils ni soutien; le cas échéant pas de
t raitement
Interprétation correcte du résultat du test Risque de conclusions et d’interprétations erronées
* La première phase qui suit l’infection est extrêmement contagieuse et représente le principal problème épidémiologique
en Suisse. Compte tenu des inconvénients énumérés ci-dessus, la Suisse ne voit pas la nécessité de promouvoir l’utilisation
d’autotests. Priorité est donnée à l’extension des services VCT.
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Swiss Aids News 2 | juillet 2014
Dans ce cas, un soutien psychosocial et d’autres
conseils sont proposés.
Les centres VCT garantissent le respect de
la protection des données. Les données ano-
nymes sont transférées à l’OFSP afin de déceler
à temps toute éventuelle amorce d’épidémie et
d’y réagir de manière adéquate.
Grossesse: test VIH vivement
recommandé
Le test de dépistage du VIH est instamment
recommandé aux femmes enceintes – notam-
ment pour le bien de l’enfant. En effet, en
détectant et en traitant le VIH rapidement, on
peut éviter que la maladie ne se transmette au
nouveau-né. Si, en l’absence de mesures adé-
quates, le risque pour une femme séropositive
d’infecter son enfant avant, pendant ou après la
naissance est de 40%, ce taux tombe à moins de
1 à 2% si le virus est détecté et traité en consé-
quence. A ce jour, l’OFSP recommande l’accou-
chement par voie basse dans la mesure il
n’y a pas de charge virale. Toutefois, comme
jusqu’à présent, une mère séropositive devrait
renoncer à allaiter pour protéger son enfant.
Test VIH dans un centre VCT
vs autotest
Dans le cas d’un autotest, le patient peut soit
réaliser le test et l’interpréter à la maison, soit le
faire chez lui et envoyer l’échantillon à un labo-
ratoire qui interprétera le résultat. En Suisse
à ce jour, les autotests sont interdits en vertu
de l’ordonnance sur les dispositifs médicaux.
Des autotests sont en vente sur Internet. Ils
ne sont soumis à aucun contrôle de qualité,
ne garantissent aucune manipulation dans les
règles de l’art et n’incluent aucun conseil. De
plus, en présence d’un test réactif, il n’y a pas
de test de confirmation.
Dépistage à l’étranger
Quiconque veut se faire dépister à l’étranger,
peut le faire comme en Suisse dans des
hôpitaux et des centres de santé à ses frais.
Aux Etats-Unis, l’autotest VIH est autorisé de-
puis 2012 et disponible dans les pharmacies et
supermarchés. Il coûte entre 30 et 40 dollars.
Toutefois, ce type de test est déconseillé par
l’Aide Suisse contre le Sida (cf. p. 10).
Séjours de plus longue durée à l’étranger
En règle générale, un test VIH n’est pas néces-
saire pour un voyage touristique. Si le séjour
prévu doit dépasser 30 jours, il convient de
s’en référer aux dispositions des divers pays.
A Singapour par exemple, il faut présenter un
test dès le moment où le séjour dure un mois
ou plus; il en va de même en Russie pour un
séjour de trois mois ou plus. Certains pays
appliquent des restrictions d’entrée aux per-
sonnes séropositives.
Informations sur:
hivtravel.org
aids.ch/test
© Mary Manser
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